Le débat sur le possible rétablissement du service militaire prend de l’ampleur en Allemagne

Le débat sur le possible rétablissement du service militaire prend de l’ampleur en Allemagne

https://www.opex360.com/2023/12/23/le-debat-sur-le-possible-retablissement-du-service-militaire-prend-de-lampleur-en-allemagne/


Mais c’est sans doute en Allemagne que la question sur l’éventuel rétablissement du service militaire, suspendu en 2011, se pose avec d’autant plus d’acuité que la Bundeswehr [forces fédérales allemandes] peine à recruter, alors qu’elle doit porter ses effectifs à 203’000 militaires, contre 183’000 actuellement.

Dans un entretien récemment accordé au quotidien Die Zeit, le ministre allemand de la Défense, Boris Pistorius, a de nouveau estimé que la suspension du service militaire était une « erreur ». Et d’ajouter que son rétablissement était possible « compte tenu de la situation actuelle en matière de sécurité ». Cependant, il a également admis qu’une telle décision entraînerait « d’importants problèmes constitutionnels et structurels ». En tout cas, a-t-il prédit, le « débat sur ce sujet va prendre de l’ampleur ».

« D’une manière générale, les Allemands doivent être prêts à un changement de mentalité. L’époque des dividendes de la paix […] est révolue. Nous devons désormais être à nouveau capables de dissuader un éventuel agresseur. Et la Bundeswehr doit être à la hauteur, que cela plaise ou non », a insisté M. Pistorius.

En attendant, la structure de la Bundeswehr va être modifiée « afin de lui permettre de remplir au mieux » ses missions. « Ensuite, nous verrons ce que cela signifie pour son format et tout le reste », a dit le ministre allemand.

Quoi qu’il en soit, ces derniers jours, et comme M. Pistorius l’avait prédit, le débat sur le retour du service militaire a effectivement pris de l’ampleur outre-Rhin. Pourtant à l’origine de sa suspension, le Parti chrétien-démocrate [CDU/CSU] est sans doute le plus enclin à le rétablir.

Ainsi, le vice-président de son groupe parlementaire au Bundestag [chambre basse du Parlement allemand], Johann Wadephul, a plaidé pour un « service général obligatoire », qui, en plus de satisfaire les besoins de la Bundeswehr, permettrait de répondre à ceux exprimés par d’autres services publics, comme, par exemple, la sécurité civile.

Cela étant, la question divise le Parti social-démocrate [SPD], dont M. Pistorius est issu.

« Je suis favorable à ce que la Bundeswehr devienne plus attractive. Mais je considère que le service obligatoire est très discutable. Et pas seulement d’un point de vue constitutionnel. Je ne pense pas que mon parti soutienne un tel modèle », a déclaré Kevin Kühnert, le secrétaire général du SPD, dans les pages du Rheinische Post.

La co-présidente de ce parti, Saskia Esken, est sur la même ligne. « Réintroduire un devoir ou une obligation pour les adultes est fondamentalement en dehors de ma vision de l’humanité », a-t-elle dit. « Je pense que la Bundeswehr est désormais bien positionnée en tant qu’armée professionnelle et qu’elle doit être développée davantage », a-t-elle ajouté.

Seulement, également membre du SPD, la commissaire parlementaire de la Bundeswehr, Eva Högl, s’était prononcée en faveur d’un service militaire inspiré du modèle suédois. Et c’est cette solution qu’étudie M. Pistorius, comme il l’a confié dans un entretien publié par l’édition dominicale du quotidien Die Welt, la semaine passée.

En Suède, « tous les jeunes hommes et femmes sont concernés, et seul un nombre restreint d’entre eux finissent par effectuer un service militaire. La question de savoir si quelque chose comme cela serait également envisageable ici se pose », a-t-il en effet déclaré, avant de rappeler que, quel que soit le modèle retenu, une majorité politique sera nécessaire.

Pour rappel, les jeunes suédois aptes au service militaire ne peuvent pas se dérober à leurs obligations s’ils sont retenus par une sorte de conseil de révision. Le nombre de conscrits – environ 4000 par an – est déterminé en fonction des besoins exprimés par les forces suédoises.

Photo : Ministère allemand de la Défense

L’engagement citoyen des jeunes

L’engagement citoyen des jeunes

https://espritsurcouf.fr/defense_l-engagement-citoyen-des-jeunes_par_alexandre-colby/


Dans cet article, l’auteur souhaite attirer l’attention sur les manières possibles pour les jeunes de s’intéresser aux différents domaines de la défense, qui, encore aujourd’hui, leur sont trop peu présentés.

Comment les jeunes peuvent-ils s’intéresser aux domaines de la défense ?

Châtelet-les-Halles, au mois de novembre. Une place remplie, une foule en mouvement : le quotidien de l’un des centres de transit de la capitale. Sur le forum fleurissent les caméras, car c’est ici que de nombreux jeunes viennent se filmer : ils dansent pour les réseaux sociaux, « vloguent » leurs journées, mais filment des micros-trottoirs, une tendance vidéo. Au programme, des quiz de culture générale, de la géographie, de l’art. Mais aussi de la défense. Car ce matin, un duo aborde les différents étudiants et jeunes professionnels qui déambulent, avec une question : « Et vous, vous vous battriez pour la France ? » Ce genre de question inonde la toile, et la réponse, sur la plupart des vidéos, est porteuse d’un sombre augure : « Moi ? Jamais. »
Les raisons du refus du combat sont souvent les mêmes : « l’armée est composée de fascistes », « on a une armée, je ne vois pas pourquoi j’irais me battre, c’est leur métier » et autres alibis du même acabit. Si certains témoignages nous permettent d’avoir de l’espoir en la jeunesse française quant à la défense de son territoire national, une question demeure : Pourquoi la jeunesse actuelle exprime-t-elle un tel rejet, une telle méconnaissance de l’armée ?

Un aspect historique

La jeunesse française post-Seconde Guerre mondiale, au travers des différents mouvements sociaux dans lesquels elle s’est illustrée, manifeste clairement un désintéressement pour l’armée, contre la guerre en Indochine, contre la guerre en Algérie, pour plus de social, comme l’imagine Edgar Morin, cité par Anne-Marie Sohn dans Histoire des mouvements sociaux en France. Et l’occasion de leur permettre de s’y intéresser n’est arrivée que très tard, avec l’exemple de l’Institut des Hautes Études de la Défense Nationale : recréé en 1945, il aura fallu attendre 1996 pour qu’apparaisse Les Jeunes IHEDN, structure qui aujourd’hui accueille plus de 2 700 personnes intéressées par les différents secteurs de la Défense.

La disparition des militaires dans la rue joue aussi un rôle important. Comment croire à l’importance d’un milieu invisible pour la grande majorité des gens ? La plupart des jeunes ne pensent même pas qu’à l’intérieur de Paris même se trouverait une École militaire, ou le complexe du ministère des Armées à Balard. La symbolique n’est plus enseignée à l’école, et la flamme du soldat inconnu, qui ne brille que dans les yeux de celui qui la regarde, n’atteint plus le cœur des jeunes.

Une volonté nouvelle pour les jeunes

Ces dernières années, différents concepts ont vu le jour, pour inciter les jeunes Français à s’intéresser à l’armée, notamment grâce à de nouveaux outils : les réseaux sociaux. On a vu fleurir sur Instagram, twitter, les comptes des armées françaises, avec des vidéos de qualité. Une nécessité aujourd’hui, sachant qu’avec le retour à grande vitesse de la Haute Intensité comme nouveau paradigme, l’armée a engagé un plan « pour 1 militaire actif, 2 réservistes ».
D’autres initiatives existent pour intéresser les jeunes, comme les VADAT (Volontaire Aspirant De l’Armée de Terre), le VOA (Volontaire Officier Aspirant), comme les classes Défense, créé en 2011, le SNU, en 2019 ; d’un point de vue strictement civil, la création de la Fédération Atlas, inscrite au RNA en 2021, permet aussi de réunir les différentes associations de défense des écoles supérieures (Sciences Po, HEIP, Dauphine, Assas…)

L’occasion d’en parler

Les conférences, tables rondes, ateliers autour de la défense se font par centaines chaque année. Mais pour son édition 2023, le forum national des Études de l’Union des Associations d’Auditeurs de l’IHEDN a souhaité rompre les codes habituels. Entre les différentes conférences d’experts, forts de leurs expériences multi-décennales, qui ont duré toute la journée, une table ronde, d’un peu plus d’une demi-heure, a été dédiée spécialement à la jeunesse.

Les Jeunes IHEDN, que j’ai eu l’honneur de représenter, ont donné la parole, devant l’assemblée des auditeurs, à quatre jeunes venus raconter leurs expériences qu’elle soit militaires ou civiles, dans les secteurs de la défense. Marie Siméon, Maël Dei Cas, Athénaïs Jalabert-Doury et Sana Khoutoul, âgés de 15 à 26 ans, ont d’une manière ou d’une autre développé un esprit de défense au travers d’une de leur vécu. Et tous ont martelé un point : il est nécessaire de communiquer davantage de ces opportunités que sont les VADAT, les VOA, etc.

Il est important que les jeunes d’aujourd’hui disposent d’un enseignement de défense, afin de favoriser de possibles engagements, ou du moins l’adhésion à la réserve opérationnelle ou civile ; afin de redorer le blason de notre armée, qui souffre d’une mauvaise vision auprès des jeunes.

Mais il est surtout impératif qu’ils obtiennent plus de place dans les secteurs de la défense, qu’ils puissent prendre le micro et parler de leur propre expérience, afin d’en parler avec leurs aînés. Car c’est en dialoguant de manière ouverte que la jeunesse peut véritablement devenir le fer de lance d’une défense nationale forte et résiliente.

 

(*) Alexandre Colby, Journaliste titulaire depuis 2022, Alexandre Colby poursuit actuellement ses études en Master Expert en Coopérations et Relations Internationales à HEIP. Il assume également le rôle de responsable de Fort Éclair, le podcast des Jeunes IHEDN.

Service militaire : les Français sont-ils atteints d’amnésie rétrograde ?

Service militaire : les Français sont-ils atteints d’amnésie rétrograde ?


odre serre 1994

 

Service militaire : les Français sont-ils atteints d’amnésie rétrograde ?


Sommaire

Construite sur les aspirations croissantes des Français en faveur d’un retour du Service militaire, la première ministre, Elizabeth Bornes, a intégré, dans ses 4 mesures phares destinées à prévenir les émeutes comme celles de l’été 2023, une proposition d’encadrement militaire des jeunes les plus problématiques. Si la solution gouvernementale est évidemment incohérente, comme les lui rappelleront les Armées, elle s’appuie une vision idéalisée des Français concernant un Service national paré de toutes les vertus, sauf celles pour lequel il était conçu.

Connaissez-vous l’amnésie rétrograde ? Selon le dictionnaire médical de l’Académie de Médecine, il s’agit d’un trouble de la mémoire à type d’amnésie d’évocation ou de remémoration, qui intéresse la restitution d’évènements ayant précédé la maladie, et dont le souvenir était bien conservé auparavant.

Concrètement, on est atteint de ce type d’amnésie, lorsque l’on ne parvient plus à se remémorer des souvenirs antérieurs au traumatisme lui ayant donné naissance. Et l’amnésie antérograde, hé bien, c’est l’inverse.

Il se pourrait bien que les Français soit atteint de ce mal sévère, aux dires des médecins, tout au moins lorsqu’il s’agit du service national, et plus précisément, du service militaire.

L’encadrement des jeunes délinquants par les Armées : bis repetita

À l’occasion de la présentation du plan d’action gouvernemental lancé suite aux émeutes urbaines d’il y a tout juste trois mois, après la mort tragique du jeune Nahel, consécutif au tir d’un policier après qu’il ait forcé un contrôle routier, la première ministre a présenté les quatre mesures qui seront mises en œuvre pour contenir cette dérive sensible de la société française.

Dispositif JET Armées
L’encadrement des jeunes délinquants par les armées avait été expérimenté entre 1986 et 2003 avec le dispositif Jeunes en équipes de travail ou JET, sans résultat concluant.

L’une de ces mesures s’appuie sur un possible encadrement des « jeunes à problèmes », par les forces armées. Cette annonce a, comme à chaque fois, fait vertement réagir l’écosystème défense, pour qui les armées n’ont pas vocation, et surtout pas les moyens, d’exécuter une telle mission, d’autant que les tensions internationales requièrent la concentration de ses moyens divisés par deux ces quinze dernières années, pour protéger le pays et ses intérêts.

« Comme à chaque fois », car une telle hypothèse, consistant à s’appuyer sur les armées pour encadrer la délinquance juvénile, a été avancée à plusieurs reprises lors des dernières années. Ainsi, il y a tout juste plus d’un an, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, avait, lui aussi, annoncé une mesure semblable à Mayotte, là encore pour contenir une jeunesse hors de contrôle.

Si l’idée est exhumée à chaque émeute, en dépit de l’opposition farouche des armées, ce n’est pas par hasard. En effet, une majorité de Français semble approuver la mesure. Plus globalement, ceux-ci aujourd’hui sont très majoritairement en faveur d’un retour d’une institution française jusqu’en 1996, à savoir, le service nationale.

En effet, ces dernières années, les nombreux sondages commandés sur le sujet, montre un nombre croissant d’opinions favorables concernant un retour du fameux service militaire.

Les Français à 75 % en faveur d’un retour au Service Militaire dans les sondages

L’un des plus récents, datant de l’hiver 2023 et réalisé par l’Ifop, montre que 75 % des Français se disent favorables à son retour en rendant obligatoire le Service National Universel, l’une des mesures phares du programme D’Emmanuel Macron en 2017, et l’une des très rares promesses de campagne du président en matière de défense, qui n’aura pas été tenue.

Service militaire
Le service national français avait pour fonction de préparer les jeunes hommes à une possible mobilisation en cas de conflit majeur, en particulier pour faire face à l’Union Soviétique et au pacte de Varsovie, numériquement très supérieurs à l’OTAN.

Un sondage, plus récent, encore une fois, de l’Ifop, confirme la tendance, avec 66% des personnes interrogées regrettant le service militaire. Même si seuls 27 % des concernés, les 18-24 ans, partagent cet avis, ces sondages répétés ont de quoi conforter les gouvernants lorsqu’ils annoncent vouloir s’appuyer sur les armées pour encadrer les délinquants.

Il n’en a pourtant pas toujours été ainsi. En 2012, ils n’étaient que 62 % à souhaiter le retour du Service national. Et en 2006, dix ans après la suspension du service national par Jacques Chirac, seuls 59 % des Français regrettaient cette institution.

Mais qu’en était-il en 1996, et avant cela, lorsque, justement, le Service national existait encore ? La situation était, en réalité, toute opposée à aujourd’hui.

Ainsi, en 1996, 46 % des Français approuvaient l’arrêt de la conscription et seuls 43 % y étaient opposés. Plus avant, en 1989, s’ils étaient 53 % à se déclarer opposés à la fin du Service militaire, mais paradoxalement, 65 % des Français se déclaraient en faveur d’une armée de métier.

Ce paradoxe trouve ses explications dans un sondage de 1992, dans lequel seuls 15 % des Français interrogés se déclaraient prêts à rejoindre les armées pour aller combattre si le pays était menacé, alors que 32 % déclaraient accepter de rejoindre une unité non-combattante, et 34 % se déclarant prêts à tout faire pour éviter d’être engagé.

Une vision tronquée, mais croissante, des vertus du Service national

Que nous disent tous ces sondages ? En premier lieu, que le sujet intéresse. Ainsi, ces quinze dernières années, plus d’une dizaine de sondages nationaux ont été commandés aux instituts spécialisés sur le sujet. Dans le même temps, aucun sondage n’a porté, par exemple, sur la restauration de la vignette automobile, abrogée en 2005.

Conscription Suède
Plusieurs pays européens, comme la Suède, ont rétabli un service militaire, non pour répondre à des besoins sociaux et sociaux pourtant importants, mais pour renforcer la défense de la nation.

En second lieu, que la nostalgie croissante du service national en France, concerne surtout ceux qui n’auront pas à le faire, et beaucoup moins ceux qui pourraient être appelés. Rien d’étonnant à cela, quand on voit les difficultés remontrées par les Armées pour faire le plein de recrues, professionnelles comme réservistes.

Troisième constat, cet engouement pour le service militaire, n’a rien à voir avec l’objectif principal des armées, à savoir défendre la nation. Un sondage datant de janvier 2015, juste après les attaques de Charlie Hebdo, montrait ainsi que pour la majorité de Français favorable à un retour du service national, les objectifs les plus souvent cités étaient l’intégration, le brassage social et la transmission des valeurs républicaines. De défense, il n’était pas question.

À ce titre, il est utile de relire l’article de 2022 de Bénédicte Chéron, une spécialiste du sujet, publié dans La Croix, quant aux résultats plus que mitigés qu’ont eu les expériences d’encadrement par les armées des jeunes délinquants par le passé, comme le JET.

Enfin, tout indique que plus le temps passe, plus les Français ont une vision erronée, voire idéalisée, des vertus qu’avait le Service Militaire, en particulier pour ce qui concernait son moteur intégratif, et son rôle social. Ceux qui ont pu, ou du, encadrer de jeunes appelés du contingent lors de ses dernières années, savent parfaitement qu’il était impossible de se substituer, en quelques mois, à une éducation défaillante, que ce soit le fait des parents, ou de l’éducation nationale.

Il ne s’agissait, alors, que de travailler au mieux avec les plus volontaires, et de limiter la casse quant aux plus rétifs, sans d’ailleurs de distinction d’origine ou de classe sociale à ce sujet.

Amnésie rétrograde, quand tu nous tiens…

De fait, l’annonce faite par Elizabeth Bornes, concernant un possible encadrement militaire des jeunes délinquants, n’est que la conséquence aisée d’une aspiration populaire fortement ancrée, elle-même basée sur un souvenir erroné des vertus supposées de l’encadrement militaire.

Nous avons bien là, les caractéristiques d’une amnésie rétrogrades sévères à l’échelle d’un pays. Les médecins sont prévenus.

L’armée de terre voudrait proposer un service militaire de six mois

L’armée de terre voudrait proposer un service militaire de six mois

L’état-major travaille à un projet de bataillons de volontaires du territoire national

 

Défilé du 14 juillet 23/05/2023 Merchet

Le défilé militaire du 14 juillet 2022, à Paris
– Sipa Press

 

L’armée de terre réfléchit à un nouveau service militaire d’une durée de six mois, mais uniquement sur une base volontaire. Son chef d’état-major, le général Pierre Schill, qui l’a récemment évoqué devant les députés de la commission de la défense, a confirmé à l’Opinion « travailler à augmenter notre offre d’engagement ». Ce nouveau service s’inscrirait dans la continuité du Service national universel (SNU), que celui-ci soit ou non généralisé à l’ensemble d’une classe d’âge. Pour l’instant, l’exécutif a renoncé à rendre le SNU obligatoire.

10  000 jeunes. L’armée de terre estime que 10 000 jeunes pourraient être concernés chaque année. Ils formeraient des « bataillons de volontaires du territoire national » (BVTN), implantés à proximité de grandes villes, comme Nantes, Rouen ou Dijon. C’est-à-dire dans des « déserts militaires », où l’armée de terre n’est plus présente depuis la fermeture de nombreuses garnisons. La loi de programmation militaire, en cours d’examen à l’Assemblée nationale, pourrait permettre de créer deux premières emprises.

Ce projet s’inscrit dans un cadre plus global d’un « changement de paradigme » en matière de réserves et des préparations militairesun dossier sur lequel le ministre des Armées Sébastien Lecornu s’investit beaucoup. Au terme de leur service de six mois, ces jeunes volontaires pourraient rester militaires à temps partiel, c’est-à-dire réservistes, au sein d’unités constituées et non en renfort individuel dans les forces professionnelles. Il n’existe actuellement qu’un seul régiment de réservistes, le 24e RI, bataillon d’Ile-de-France. A l’horizon 2035, l’objectif est d’« atteindre le ratio d’un réserviste opérationnel pour deux militaires d’active ».

 

Qui va toucher les dividendes de la paix ? Entretien Charles Millon

Qui va toucher les dividendes de la paix ? Entretien Charles Millon

 

par Revue Conflits – publié le 2 mai 2023


Avec la fin de l’URSS, les pays occidentaux pensent pouvoir toucher « les dividendes de la paix ». Une idée fondée sur une idéologie trompeuse, celle de la fin de la guerre et de la fin de l’histoire. Face à cela, comment ont réagi les acteurs de l’époque, et notamment les ministres de la Défense ? Entretien avec Charles Millon pour comprendre les débats politiques de l’époque.

Charles Millon fut ministre de la Défense du président Jacques Chirac de 1995 à 1997. Une période charnière dans l’histoire militaire française puisqu’elle voit la suspension du service national. Les années 1990 sont aussi marquées par l’idée de toucher « les dividendes de la paix » après la fin de la guerre froide, ce qui devrait justifiait la réduction les budgets militaires. Pour Conflits, Charles Millon revient sur les politiques conduites à cette époque.

Propos recueillis par Jean-Baptiste Noé.

Le 21 octobre 1997, le service militaire est suspendu et remplacé par la journée d’appel de préparation à la défense (JAPD). Quel était l’objectif initial de cette suspension et pourquoi la mise en place de la réserve ne s’est-elle pas passée comme prévu ?

Le service national a été suspendu à la suite d’une réflexion largement mûrie. Je faisais partie de ceux qui n’étaient pas – a priori – favorables à la remise en cause de la conscription, mais le président Chirac m’a demandé d’étudier le dossier et de regarder si le service militaire tel qu’il était remplissait toujours sa mission d’intégration et de lien entre l’armée et la nation. Il est apparu que le service national ne remplissait plus, et de très loin, ses objectifs. En effet, tous ceux qui ne maniaient pas bien la langue française et qui n’avaient pas une bonne capacité d’intégration dans le pays étaient exemptés du service militaire, tout comme ceux chez qui l’on débusquait quelques anomalies médicales ; ceux qui avaient « des relations » dans l’armée ou au sein de pouvoir parvenaient à avoir des affectations qui leur étaient favorables, enfin l’affectation rapprochée instaurée par Michel Debré donnait la possibilité aux appelés d’effectuer leur service à proximité de leur domicile ce qui ne permettait plus  le fameux brassage social tant attendu : au fond, d’égalitaire à son instauration, le service était devenu profondément inégalitaire dans ses dernières années. À ce constat, une autre évidence s’est imposée, celle de la nécessaire professionnalisation de notre armée en raison du changement de nature des menaces et de la montée en technicité des armes, exigeant des personnels de plus en plus spécialisés.

Le lien armée-nation avec une armée professionnelle peut être maintenu grâce à l’activation d’une réserve très importante comme cela existe dans un certain nombre de pays, notamment aux États-Unis C’est le choix qui que nous avions fait au moment de la suspension du service national, avec le plan armée 2000 dont l’objectif était de faire passer la réserve de 120 000 environ à 400 000 personnes et même plus. Je peux témoigner que lorsque lon a lancé l’idée d’une réserve renforcée, les organisations professionnelles patronales et syndicales ont été exceptionnelles : elles étaient toutes favorables à signer des accords afin de rendre compatible l’articulation entre la vie professionnelle et la vie de réserviste.

Malheureusement, jamais les crédits nécessaires n’auront été dégagés ni par le gouvernement Jospin, ni ceux qui suivirent. C’est regrettable, car aujourd’hui encore c’est l’armée de métier qui doit supporter des opérations qui pourraient être confiées à des réservistes, je pense à l’opération Sentinelle ou Vigipirate.

En 1991, nous avions gagné contre lURSS et lEurope allait enfin pouvoir tirer parti des « dividendes de la paix ». Cest-à-dire, selon les promesses de l’époque, diminuer les dépenses militaires pour allouer ces économies à la réduction de la dette et des impôts. Trente ans plus tard, qu’en est-il de cette idée ?

Les années 1990 ont été marquées par la fin de la guerre froide ainsi que par la montée de l’illusion pacifiste. Cette pensée pacifiste a permis à Laurent Fabius de parler de ces fameux « dividendes de la paix » dont devraient bénéficier les pays occidentaux, et qui ont justifié la chute dramatique des budgets de la défense qui rappelons ont baissé de 25% en 30 ans. La récente montée des périls dans le monde a stoppé net cette tendance et nous assistons au contraire à une hausse des budgets militaires dans tous les pays développés.

Sur cette question, certains Européens ont profité de l’OTAN pour se mettre sous le parapluie américain afin de diminuer leurs budgets militaires. Cette option a-t-elle été un sujet en France ?

L’OTAN a d’abord été l’affaire de Jacques Chirac puis celle de Nicolas Sarkozy. Quand le Président Chirac a envisagé de revenir dans le commandement intégré, la France devait en obtenir le commandement sud qui est basé à Naples. Il s’agissait alors d’organiser l’Alliance atlantique sur deux piliers et de répartir les responsabilités entre les pays européens et les États-Unis. Ce projet a échoué non pas parce que les États-Unis ont refusé, mais bien parce que certains pays européens ont préféré voir ce commandement de Naples, assuré par les USA. J’en ai été le témoin direct ayant mené les discussions sur ce sujet à l’époque. L’Espagne ou l’Italie par exemple ne faisaient pas confiance à un autre pays européen pour assumer ce commandement Sud.

C’est là où l’on constate que « L’Europe de la défense » est un concept complètement utopique. Il semble plus réaliste de parler « d’Europe de la puissance » comme le faisait le Général de Gaulle et Jacques Chirac. L’Europe ne nécessite pas une intégration complète, mais une Europe qui sait se coordonner.

On voit aujourd’hui que l’armée essaie d’anticiper les futures guerres d’ici dix ou quinze ans. Est-ce que c’était une idée dans les années 1990 de préparer des guerres qui pourraient avoir lieu en l’an 2000 ? 

Lorsque j’étais ministre de la Défense dans les années 1995, la France s’est préoccupée d’une véritable coordination notamment avec la Grande-Bretagne et l’Italie dans le domaine de l’armement. Nous avions déjà pleinement conscience de cette nécessité tant au niveau de la stratégie qu’au niveau de l’armement.

C’était absolument indispensable. Les discussions avec les Anglais ont abouti à l’accord de Saint-Malo et à des projets de constructions communes, notamment des vedettes avec les Italiens. À l’époque, lItalie avait conscience quil fallait surveiller les côtes et la Grande-Bretagne avait conscience quil fallait coordonner les missions des porte-avions : deux éléments devenus essentiels aujourd’hui.

Malgré cette idée des « dividendes de la paix », la guerre se développe au même moment en Irak ou plus largement dans les Balkans. Pourquoi continuer de croire à la paix alors que la guerre est une réalité ?

Cette expression est apparue dans les années 1990 et n’a été utilisée que pendant dix ans… Ensuite, les gouvernements ont profité pour « piocher » dans les budgets de la défense afin d’en faire une variable d’ajustement du point de vue budgétaire. En outre, ces approches opportunistes étaient confortées par une idéologie pacifiste qui se répandait dans certains pays européens, notamment en Allemagne. De nombreux hommes politiques de l’époque s’étaient persuadés qu’il n’y aurait plus de conflits dans l’espace européen.

L’un des atouts de l’économie française est d’investir l’achat de matériel dans le but de servir la défense et d’en faire des applications civiles. A-t-on réfléchi en termes d’industrie de la défense ?

Nombre de secteurs civils en France bénéficient de la recherche et de l’innovation incubées puis développées par l’industrie de la défense, indéniable fleuron de notre économie et de nos savoir-faire. J’en citerai seulement quelques-uns : les télécoms, le cyber, les matériaux composites, l’énergie… dont les avancées sont directement ou indirectement issues d’applications militaires. La bonne coordination entre le ministère de la Défense et l’Industrie d’armement permet à la France d’en profiter bien sûr pour elle-même, mais aussi pour maintenir son rayonnement à l’international.

On le voit par exemple avec le Rafale. En se dotant en premier d’avions Rafale, l’armée française lui a offert une vitrine à la hauteur de ses qualités et lui a permis d’être aujourd’hui l’un des avions militaires le plus vendu au monde.

Déconstruits par l’école, les mineurs délinquants vont-ils être reconstruits par l’armée ?

Déconstruits par l’école, les mineurs délinquants vont-ils être reconstruits par l’armée ?

On sentait bien que le gouvernement tournait autour de la question depuis quelques années. Le service national universel, au fond, ne prévoyait pas autre chose que l’encadrement des mineurs par l’armée, sous des modalités assez floues d’ailleurs. L’annonce d’Éric Dupond-Moretti semble préciser un peu plus sous quelle forme les militaires français vont être mis à contribution. « Semble », seulement, car, à bien y regarder, rien n’est vraiment clair. « Désormais, comme s’y était engagé Emmanuel Macron, des mineurs sous main de justice seront pris en charge par des militaires dans le cadre de programmes adaptés. »

On peut noter plusieurs choses dans cette annonce, pour essayer de bien comprendre de quoi il est question. « Désormais » semble laisser entendre que cette mesure est à effet immédiat. Cela semble surprenant, car aucune disposition légale n’a été annoncée, mais pourquoi pas. Le terme « mineurs sous main de justice » laisse cependant planer le doute sur un certain nombre de points, dont le statut et, surtout, la nationalité desdits mineurs. La cuistrerie administrative du terme ne masque pas le flou du périmètre. « Des militaires » : oui, certes, mais d’active ou de réserve ? Recrutés ad hoc ou prélevés sur l’existant ? Quant à ces « programmes adaptés », on ne voit pas bien desquels il pourrait s’agir, puisqu’une nouvelle fois, aucun dispositif légal ne semble avoir été envisagé.

Ce flou légèrement préoccupant ne doit pas masquer une petite révolution de fond. La Macronie, qui ne cesse de célébrer les vertus de la jeunesse de France, même et surtout quand elle ne sait pas lire, passe sa vie sur TikTok et fume des pétards, veut déléguer à l’armée, un corps d’État par définition assez obéissant, une mission de service public qu’elle ne pourra pas refuser. Le pouvoir semble donc reconnaître que, malgré tous les discours, il y a un petit problème d’insertion sociale du côté des mineurs délinquants.

À l’heure où on cherche par tous les moyens à faciliter la destruction de la famille, et dans un système où l’Éducation nationale a totalement failli à sa mission d’instruction publique pour se concentrer sur le bourrage de crâne woke, la sensibilisation aux discriminations et un souverain mépris de la lecture et du calcul, il ne reste peut-être plus que l’armée pour reconstruire tout ce que l’école prétend déconstruire : le sens de la discipline, entendue comme adhésion à une communauté, le goût du travail bien fait, la fraternité réelle de gens qui viennent de toute la France, l’égalité vécue par le port de l’uniforme et l’absence de prérogatives indues.

Ce discours est cependant à moitié utopique. Encore faudrait-il, en effet, demander à ces militaires s’ils sont en mesure d’assurer cette mission. Ont-ils été formés à réagir à la paresse, à l’individualisme et au manque de respect ? Ont-ils seulement signé pour cela ? Ce travail d’éducateur spécialisé se fera-t-il sur la base du volontariat ? On l’imagine.

Il paraît (selon le discours d’Emmanuel Macron aux armées) qu’avec la récente loi de programmation militaire, l’armée a changé de priorité. Il paraît aussi que ses soldats n’iront plus en Afrique (dont ils sont en train de se faire chasser par le Burkina, après le Mali). Enfin, après avoir donné dix-huit canons CAESAr à l’Ukraine, la France se prépare à en donner d’autres et étudie l’envoi de chars Leclerc. Il va falloir occuper tous ces artilleurs sans canons, ces tankistes sans chars. Seront-ils ravis de devenir assistantes sociales auprès de jeunes qui détestent tout ce qu’ils représentent ? On verra.

Cette décision signe donc à la fois l’échec patent du modèle éducatif français, l’échec patent de son système judiciaire… et l’utilisation un peu hasardeuse des derniers moyens disponibles pour faire illusion : une armée dont on prend les canons pour les remplacer par des mineurs délinquants, en espérant que le devoir de réserve fera passer la pilule.

Témoignage sur le SNU (Service National Universel)

Témoignage sur le SNU (Service National Universel)

 

par Laurent Morissaud (*) – Esprit Surcouf – publié le 23 septembre 2022
https://espritsurcouf.fr/defense-temoignage-sur-le-snu_par_laurent-morissaud/



Piqûre de rappel : le SNU vise essentiellement à impliquer la jeunesse française dans la vie de la Nation. Il n’est pas encore obligatoire mais le sera bientôt. Il a immatriculé cette année quelques 40 000 volontaires et concerne les jeunes entre 15 et 17 ans. Dans sa première phase, il comporte un séjour de cohésion de deux semaines et une mission d’intérêt général de 84 heures, réparties au cours de l’année. Les activités du séjour de cohésion sont structurées autour de 7 thématiques : activités physiques et sportives – autonomie, connaissance des services publics, accès aux droits – institutions nationales et européennes, citoyenneté – culture et patrimoine – Défense, sécurité et résiliences nationales – Développement durable et transition écologique – découverte de l’engagement.  Les missions d’intérêt général se déroulent dans le cadre d’associations, de collectivités locales, d’institutions, d’organismes publics, de corps en uniforme.
 

Qu’est-ce que le SNU ? Pour répondre à cette question, approchons-nous de l’accroche officielle sur le site du gouvernement : « Vous avez entre 15 et 17 ans, vous êtes de nationalité française, vous souhaitez participer à la construction d’une société de l’engagement, bâtie autour de la cohésion nationale, ne ratez pas les inscriptions du Service national universel ! »

Eh oui, le SNU est l’un des moyens pour retrouver cette cohésion nationale en prenant comme ciment la jeunesse de notre pays, tout en lui permettant de s’engager plus facilement au sein de la société sur la base du volontariat ! Avant de s’engager, ne faudrait-il pas avoir conscience de notre État-nation qui découle de notre histoire commune ? Cette notion mériterait d’être abordée.

La montée en puissance de mon centre

La planification, gage de réussite, prend tout son sens dans la préparation, l’organisation et le déroulement du séjour de cohésion. Si nous voulons qu’une mission soit un véritable succès, il faut se donner des moyens. Le directeur devrait être recruté plus en amont pour être en mesure de mettre en place l’équipe la plus pertinente afin d’avoir un projet pédagogique le plus finalisé possible.

Tout commence par le recrutement, par l’Homme. Malgré les difficultés de recrutement, j’ai réussi à créer cet esprit de cohésion, de bienveillance et de camaraderie, aussi bien au sein de l’équipe d’encadrement que des jeunes volontaires. Nous ne faisons qu’un et nous veillons aux mêmes valeurs. Les retours positifs faits en direct ou à l’issue du séjour (lors de rencontres ou sur les réseaux sociaux par exemple) en sont la preuve.

Les constats sont assez simples. Nous n’avons que peu de postulants pour l’encadrement,  plutôt jeunes, avec un profil d’étudiant, et ils sont déjà tous engagés dans la société française en tant que bénévoles dans le monde associatif (étudiant, sportif, culturel, humanitaire …). Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Que ce soit dans l’encadrement ou chez les jeunes volontaires, les filles sont majoritaires !

 

55,9 % des volontaires du SNU sont des filles. Photo DR

Avoir des encadrants engagés pour une mission « jeunesse engagée » est un atout non négligeable. Cela donne du sens à ce séjour. C’est pourquoi j’ai organisé lors de ce séjour une soirée pendant laquelle l’ensemble des membres de l’équipe a témoigné afin de partager leurs investissements divers et variés dans la société.

Nous devrions être sur un triptyque Éducation nationale, éducation populaire et Armées. Malheureusement peu de détenteurs de BAFA ou BAFD postulent. Et cette année, je n’avais aucun représentant de l’Éducation nationale au sein de mon équipe, sachant que l’an passé il n’y avait qu’un seul enseignant, mon adjoint pédagogique. Le manque de postulants peut s’expliquer par la méconnaissance du parcours SNU ainsi que par les conditions d’emploi, de rémunération et de considération humaine.

Une des forces a été de conserver, d’un stage à l’autre, quelques membres de mon encadrement. Il faudrait réussir à conserver une plus grande partie de l’encadrement d’un stage à un autre et avoir, parmi les membres de l’encadrement, des jeunes issus d’un SNU passé.

Le SNU, une source d’inclusion et d’émancipation

La tenue ou l’uniforme permettent de supprimer toute différence, quelle qu’elle soit. Tous les participants des stages de cohésion portent la même tenue. Elle est uniquement différenciée entre les jeunes volontaires et l’encadrement par la couleur de certains éléments.

Cours de secourisme, dispensé par des pompiers.
Photo de l’auteur

Un regret selon moi, mais pas uniquement pour l’uniformité : la non-fourniture des chaussures. En 2019, nous avions tous la même tenue de la tête aux pieds ! Les chaussures étaient fournies. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. Certains jeunes n’arrivent qu’avec une seule paire de chaussures et d’autres avec plusieurs paires de grandes marques. Ces chaussures fournies permettaient d’avoir une uniformité totale et, par conséquent, de supprimer tout signe de richesse extérieure et d’origine sociale. Il me semble donc dommage de ne pas conserver cette absence de marqueur social et sociétal.

Les jeunes sont accueillis avec toutes leurs différences physiques, intellectuelles, sociales, … Tout est fait pour leur permettre de vivre pleinement ces deux semaines en inclusion totale,  qu’ils soient valides, en fauteuil roulant ou avec certaines faiblesses.

Quelques moments forts

Les rituels républicains sont l’un des piliers de ce stage de cohésion. La levée et la descente des couleurs marquent le rythme quotidien. Je mets un point d’honneur à ce que tous les jeunes y participent ainsi que tout l’encadrement. Nous pourrions faire un parallèle avec les écoles primaires dans lesquelles les jeunes sont accueillis le matin à un endroit spécifique de leur classe afin de découvrir leurs missions en classe, leurs activités de la journée, de faire le point sur le repas du midi. C’est un moment fort pour la cohésion d’une classe, d’un groupe et un point clé pour l’organisation avec, entre autres, le rappel du déroulé de la journée.

Initialement, nous ne chantions La Marseillaise que le matin à la levée des couleurs. À la demande de la grande majorité des jeunes et des tuteurs, nous le faisions dès le troisième jour à la descente des couleurs. C’est dans ces moments que nous voyons que les débats entre certains adultes sont déconnectés de la réalité terrain et des désirs de notre jeunesse.

Nous avons pu profiter pleinement de la journée du 18 juin pour faire vivre les rituels républicains en dehors du centre et ainsi permettre à nos jeunes volontaires de participer à la commémoration dans trois communes différentes. C’était un moment fort en présence du sous-préfet, d’élus du peuple, de représentants de différentes associations, de citoyens, … Une chance pour certains qui participaient pour la première fois à ce type de cérémonie. Un moment enrichissant intergénérationnel à l’issue duquel beaucoup d’échanges ont eu lieu. 

Ceci donne du sens à différentes interventions dont la journée défense mémoire dite JDM qui permet à nos jeunes de découvrir l’organisation d’une cérémonie officielle, et de valider en même temps leur JDC (Journée Défense Citoyenneté). Cette journée rend les volontaires acteurs lors de ce séjour grâce aux rencontres avec des officiels.

Cette journée est aussi riche que celle dite de la sécurité intérieure qui leur permet de comprendre, et de voir, sur un accident de la route, l’intervention conjuguée des pompiers et des gendarmes .Les institutions et la jeunesse se rapprochent ainsi. C’est tout simplement de la proximité !

Nous avons vécu une soirée bivouac. Elle a permis à une partie de nos jeunes de vivre cette expérience pour la première fois : préparer un barbecue, monter et démonter une toile de tente, dormir en dehors d’un logement en dur. Ces moments forts sont aussi importants pour la cohésion des compagnies et la connaissance de soi en tant qu’individu.

 

Des jeunes volontaires en visite sur un chantier de Naval group, devant la coque tout juste mise à flot du Jacques Chevalier, le premier des quatre futurs navires de ravitaillement de la marine nationale.
Photo de l’auteur.

Ils sont acteurs de leur séjour par le biais de certains débats ou réunions tels que les conseils de maisonnée quotidiens, ceux des compagnies et du centre.

Que retenir du SNU ?

La rigueur, la discipline, le respect et tant d’autres choses exigées des jeunes et de l’encadrement permettent d’assimiler plus facilement la notion des droits et devoirs, de faire vivre et de vivre pleinement les valeurs républicaines.

Le SNU permet de renforcer la cohésion nationale grâce à la rencontre de jeunes venus des cinq départements de la région des Pays-de-la-Loire, et grâce à différentes journées de rencontre avec des administrations et institutions. Il permet aussi de découvrir la culture de l’engagement, de permettre un accompagnement de certains jeunes en insertion sociale et professionnelle grâce à la rencontre avec la mission locale et au forum des métiers.

Le plus beau cadeau à l’issue de ce séjour est le retour positif des jeunes et de leurs parents qui nous remercient de notre investissement et de l’expérience unique vécue par leur enfant.

Et demain, quel SNU ?

Pour participer actuellement au séjour, la nationalité française est une exigence. Ce point particulier est un petit regret personnel. Le SNU devrait être un véritable outil d’intégration. Les jeunes d’origine étrangère qui suivent la scolarité en France devraient avoir la possibilité de vivre cette quinzaine, qui permet d’appréhender certains principes républicains et certaines valeurs de notre société. Ne serait-pas l’une des meilleures méthodes pour intégrer les jeunes arrivant sur notre territoire national ? J’espère donc que ce critère disparaîtra rapidement.

Le SNU de demain devra aussi intégrer la notion d’État-nation dans l’instruction. Elle se situe en amont de celle de l’engagement. S’engager c’est bien, mais comprendre l’environnement c’est mieux.

Une expérience est mise en œuvre cette année par une association d’éducation populaire afin de fournir un centre « clés en main » au ministère de tutelle, l’Éducation nationale. Une partie des jeunes volontaires s’attendaient à vivre ce séjour différemment. Ils auraient aimé avoir un « côté plus militaire ». Ceci est impossible, mais ayant une appétence pour la discipline, la rigueur et l’exemplarité, je réfléchissais à une autre proposition : monter un centre avec une prédominance en management de la doctrine militaire.

Je pense que les dernières prises de paroles vont dans ce sens. En ayant plusieurs pédagogies de fonctionnement avec une finalité identique, ne serait-ce pas une preuve d’adaptation de notre société à la jeunesse actuelle ?

 

Cet article a été publié dans la revue « engagement » de l’ASAF

 

(*) Laurent Morissaud, fort d’une déjà longue expérience professionnelle dans l’entreprenariat, est directeur de centre du SNU. Il ne manque pas de rappeler combien il doit aux logiques de la promotion sociale. Sur le plan militaire, il est un pur produit du service militaire pendant lequel il a occupé les fonctions de chef de peloton. Il est actuellement réserviste opérationnel au sein du Détachement militaire d’appui à la sûreté portuaire. Il a décidé de participer à l’aventure du Service national universel depuis 2019 ; il a notamment dirigé le centre du SNU à La Turballe en Loire-Atlantique en juin 2022.

ESPRITSURCOUF et l’ASAF coopèrent en procédant de manière épisodique à des publications mutuelles de certains de leurs articles respectifs. L’idée étant de favoriser, ainsi, des possibilités plus étendues de lire des analyses consacrées à des questions géopolitiques, de Défense et de sécurité.

Aussi, pour découvrir l’ASAF, si vous ne la connaissez pas encore, nous vous suggérons :  d’aller sur le site de l’ASAF. https://www.asafrance.fr/.

L’ASAF (Association de Soutien à l’Armée Française), association loi de 1901 a été créée en 1983. Elle regroupe tous les citoyens qui estiment que l’armée doit demeurer au « cœur de la Nation », c’est-à-dire une priorité pour l’État et une préoccupation pour les Français. Indépendante de tout pouvoir, sans aucun caractère politique ou syndical, ne sollicitant aucune subvention de l’État, elle s’exprime en toute liberté, avec rigueur et sans polémique, dans le seul souci de l’intérêt supérieur du Pays. Son but est de sensibiliser et d’informer tous les Français sur les questions militaires et de Défense, de défendre l’honneur de l’armée et de ses soldats s’ils sont injustement mis en cause pour des actions ordonnées par les autorités politique françaises, et d’affirmer son soutien envers eux.

L’armée de Terre parle de recruter 10’000 jeunes par an pour effectuer un service militaire de six mois

L’armée de Terre parle de recruter 10’000 jeunes par an pour effectuer un service militaire de six mois

http://www.opex360.com/2022/08/03/larmee-de-terre-parle-de-recruter-10000-jeunes-par-an-pour-effectuer-un-service-militaire-de-six-mois/


 

Mais cela ne fait pas tout… Ainsi, l’amiral américain Arleigh Burke conseillait-il d’ajouter une « brassée de sabres » à l’armement des « destroyers » auxquels il a donné son nom… En clair, la technologie est une chose… mais sans la force morale, c’est à dire sans la combativité du soldat, du marin ou de l’aviateur, son apport s’en trouvera limité. « La force de la cité ne réside ni dans ses remparts, ni dans ses vaisseaux, mais dans le caractère de ses citoyens », disait Thucydide…

D’ailleurs, le président Macron a repris cette citation de l’historien grec pour illustrer l’importance de la force morale, à laquelle il a consacré quasiment la moitié de l’allocution qu’il a prononcée à l’Hôtel de Brienne le 13 juillet dernier. Et à cette occasion, il a aussi demandé aux Armées de donner une « nouvelle ambition » à « nos réserves », en donnant l’objectif de « doubler le volume de la réserve opérationnelle ».

Pour la seule armée de Terre, cela signifie qu’il lui faut recruter 24’000 réservistes opérationnels supplémentaires… et de déterminer la nature des missions qui leur seront confiées.

« Je tiens à trancher, au sein de l’armée de Terre, la question de savoir si la réserve est une armée à part, chargée de missions à part, ou si elle est une partie de l’armée de Terre exécutant les mêmes missions que les autres. Il incombe aux divers échelon de responsabilité, notamment à l’échelon régimentaire, d’en décider », a déclaré le général Schill, lors de son audition à l’Assemblée nationale.

En tout cas, le CEMAT a son idée sur cette question. « Je défends une autre vision de l’emploi de nos 24’000 réserviste. L’armée de Terre a a des ressources, composées des hommes et des femmes d’active, ainsi que des hommes et des femmes de réserve. Avec ces ressources, elle accomplit ses missions. S’il se trouve que, dans l’environnement des Jeux olympiques de 2024, la 3e compagnie d’active du 3e Régiment de Parachutistes d’Infanterie de Marine [RPIMa] est déployée avec des réservistes en son sein parce que le chef de corps en a décidé ainsi, tant mieux ! Ce modèle est celui d’une réserve pleinement intégrée », a-t-il dit aux députés.

Et d’insister : « Plutôt que de cantonner les unités de réserve dans un métier de base de l’armée de Terre – l’infanterie légère, pour faire très court –, on pourrait faire le choix de les spécialiser dans le métier de chaque régiment, par exemple en affectant un escadron de reconnaissance à chaque régiment de cavalerie ou une unité de franchissement à chaque régiment du génie ».

Quoi qu’il en soit, passer de 24’000 à 48’000 réservistes opérationnels suppose de revoir l’organisation des unités et, surtout, de faire un effort en matière de recrutement et de formation, d’autant plus que le général Schill a défendu l’idée de « faire le nécessaire pour professionnaliser » la réserve opérationnelle de l’armée de Terre.

Or, d’après le CEMAT, « pour déployer une compagnie de réserve sur le territoire national dans le cadre de la mission Sentinelle, il faut investir […] trente jours de formation par militaire et de nombreux autres pour chaque échelon. Tout cela pour qu’une telle compagnie ne soit disponible qu’une quinzaine de jours par an, compte tenu de la possibilité de ne mobiliser chaque réserviste que trente jours par an. Par conséquent, la volonté d’augmenter l’activité des unités de réserve induit une déperdition des activités de la réserve du point de vue opérationnel ».

La solution la plus évidente pour tenir l’objectif fixé par le président de la République tout en étant la plus rationnelle au niveau de l’efficacité militaire serait « d’employer la réserve opérationnelle de deuxième niveau [RO2] dans le cadre de l’obligation de service de cinq ans applicable à quiconque quitte les armées, soit 15’000 personnes chaque année pour l’armée de Terre », a fait valoir le CEMAT. Seulement, elle ne permettrait pas de renforcer le lien « armée-nation », qui est aussi une priorité.

Aussi, a-t-il continué, il faudrait « recruter des jeunes qui ne souhaitent pas consacrer leur vie à la défense ni devenir soldats professionnels ». Qui plus est, « ces jeunes soldats à temps partiel présente[raient] des avantages du point de vue de la résilience de la Nation. On peut supposer que, ayant accompli dans leur vie une démarche d’engagement, ils se proposeront pour apporter leur aide dans une situation difficile ou catastrophique. Par ailleurs, les recruter permet une forme de brassage, notamment géographique », a ajouté le général Schill.

D’où la proposition qu’il a soumise au ministre des Armées, Sébastien Lecornu, et au général Thierry Burkhard, le chef d’état-major des armées [CEMA]. Proposition qui viendrait s’ajouter aux dispositifs existants, comme le Service militaire volontaire [SMV], qui a une vocation davantage tournée vers le social, au même titre que le Service militaire adaptée [SMA] dont il s’est inspiré.

« J’ai donc proposé […] que l’armée de Terre recrute 10’000 jeunes par an dans le cadre d’un service de six mois, qui servirait d’instrument pour augmenter les effectifs de la réserve. Comme nous ne pouvons pas le faire à organisation inchangée, je lui proposerai d’implanter de nouveaux bataillons dans de nouveaux espaces, que nous pourrions appeler ‘Volontaires du territoire national’ », a-t-il expliqué aux députés.

Seulement, 10’000 « volontaires du territoire national » représentent l’équivalent – environ – vingt bataillons. Ce qui suppose de disposer des casernes nécessaires [au plus une dizaine, ndlr]… Or, avec les réformes conduites entre 2008 et 2015, beaucoup ont été cédées – souvent pour l’euro symbolique – aux collectivités locales… Ce qui a créé des « déserts militaires ».

S’agissant de ces « nouveaux espaces », le général Schill a expliqué qu’ils pourraient être implantés à « proximité d’agglomérations importantes dans un désert militaire, mais aussi [dans] un bassin de population où se trouvent des jeunes susceptibles d’être intéressés par un service de six mois ou par un engagement dans la réserve pas trop loin de chez eux. » Et d’ajouter : « Faire appel à eux permettrait aussi de territorialiser une partie de l’armée de Terre. Ces unités pourraient, en effet, être des unités territoriales, placées sous le commandement de l’officier général chargé de la zone de défense correspondante ».

Le CEMAT a dit avoir chiffré le coût d’une telle proposition… mais il s’est gardé de le préciser aux députés. « Il faut financer des infrastructures, peut-être en lien avec les collectivités territoriales, qui doivent en tirer un bénéfice localement, et assumer un coût de fonctionnement qui n’est pas négligeable, dès lors que 2000 cadres et gradés d’active sont nécessaires », a-t-il seulement indiqué. En outre, a-t-il fait valoir, ce projet « pourrait aussi constituer une contribution de l’armée de Terre à la phase trois du service national universel [SNU] pour, in fine, intéresser tous les jeunes ».

Quoi qu’il en soit, et du seul point de vue de l’efficacité militaire, le général Schill n’est pas favorable à un retour de la conscription. La « priorité étant de garantir l’efficacité opérationnelle, je considère […] que le recours à des soldats professionnels est la bonne solution en matière d’opérationnalisation de l’outil militaire. Du point de vue de la nécessité de se préparer à une forme de menace ou d’action sur le territoire national, […] la bonne solution est la réserve, à hauteur de quelques dizaines de milliers de personnes, même si son organisation actuelle n’est pas optimale », a-t-il dit.

Et d’insister : « Généraliser la conscription, du point de vue de l’efficacité militaire, je n’y suis pas favorable, non sans être conscient de son intérêt pour diffuser l’esprit de défense, assurer le brassage des populations et satisfaire la volonté d’engagement de la jeunesse » car « si on fait du militaire, avec de l’encadrement militaire, il faut viser une finalité militaire. Sinon, il s’agit d’une pièce de théâtre, consistant à faire comme si on était à l’armée, en faisant semblant de donner et d’exécuter des ordres ».

Le retour du service militaire fait de nouveau débat en Allemagne

Le retour du service militaire fait de nouveau débat en Allemagne

 

Durant la campagne présidentielle de 2017, le candidat Emmanuel Macron avait proposé d’instaurer un « service militaire universel » obligatoire d’une durée d’un mois. Cette idée avait-elle été émise pour séduire une partie de l’électorat dont une partie, selon les enquêtes d’opinions, serait favorable à un retour de la conscription? Ou traduisait-elle une conviction profonde, en dépit qu’un tel projet allait être difficile à mettre en oeuvre? En tout cas, cette proposition s’est depuis transformée en un « service national universel » qui, a priori, peine à trouver sa vitesse de croisière.

Qu’en sera-t-il pour les prochaines échéances électorales, alors que M. Macron, qui ne s’est pas encore déclaré candidat pour un nouveau mandat, a prévenu que l’invasion de l’Ukraine par la Russie allait avoir « des conséquences durables et profondes […] sur nos vies » et exigerait de prendre les décisions qui « s’imposeront »?

Sans doute que le débat qui vient de [re]naître en Allemagne aura une influence en France. Pour rappel, Berlin a décidé de suspendre la conscription en 2010. Et les derniers conscrits furent incorporés au sein de la Bundeswehr pour une durée de six mois, en janvier 2011.

À l’époque, il était question de porter l’effectif total des forces armées allemandes à 185’000 soldats, grâce au recrutement de 15’000 volontaires par an. Et il s’agissait ainsi pour ces dernières d’être en mesure de déployer davantage d’hommes sur les théâtres d’opérations extérieurs. Seulement, en raison d’une démographie atone, d’un faible taux de chômage chez des jeunes peu portés sur la vie militaire, la Bundeswehr a régulièrement été à la peine pour trouver des recrues… au point qu’il fut un temps proposé d’ouvrir son recrutement à des ressortissants européens.

Quoi qu’il en soit, depuis la décision du président russe, Vladimir Poutine, d’envahir l’est de l’Ukraine, l’idée de rétablir le service militaire s’est rapidement imposée dans le débat politique allemand. Et selon de nouvelles modalités puisqu’il serait question pour l’ensemble d’une classe d’âge [garçons et filles] d’effectuer un an sous les drapeaux [ou dans un serice d’intérêt général] à la fin du cursus scolaire.

Porte parole du SPD [le parti du chancelier Olaf Scholz, ndlr] pour les questions de défense, Wolfgang Hellmich a ainsi estimé nécessaire d’avoir un débat sur ce retour de la conscription outre-Rhin. Et cela de « façon urgente car nous besoin d’un consensus au niveau de la société sur ce sujet », a-t-il dit, dans le colonnes du Rheinische Post. Et d’estimer que cela « encouragerait l’esprit de solidarité ».

À l’autre bord de l’échiquier politique allemand, la vice-présidente du Parti chrétien-démocrate [CDU] Carsten Linnemann, a exprimé la même opinion. « Un tel service renforcerait la résistance de notre société, en fournissant des compétences sociales dont un pays a besoin en temps de crise », a-t-elle confié au quotidien Bild.

Pour Joachim Krause, directeur de l’Institut de politique de sécurité de Kiel, ce retour de la conscription est quasiment inéluctable. « L’Otan est en train de repasser à une stratégie de dissuasion et l’Allemagne va devoir participer car elle est le pays le plus important en matière de forces terrestres et nous avons de grands déficits. Et je pense que nous allons probablement devoir réintroduire le service militaire obligatoire », a-t-il fait valoir, à l’antenne de la chaîne Sat 1.

Cependant, tout le monde n’est pas sur la même ligne. Commissaire parlementaire auprès de la Bundeswehr, Eva Högl [SPD] estime, au contraire, que le retour de la conscription n’est pas une priorité, contrairement au renforcement qualitatif des capacités militaires allemandes. « Nous avons besoin de technologie et de système d’armement, pas de têtes », a abondé Florian Hahn, membre de la CSU [le parti bavarois associé à la CDU].

Pour que le service militaire soit de nouveau en vigueur outre-Rhin, il faudrait que les deux tiers des députés du Bundestag y soient favorables. Le débat ne fait sans doute que commencer… Et peut-être que la Suède, qui a récemment remis la conscription au goût du jour après l’avoir suspendu, sera prise en exemple.

Conscription en France : Le S.N.U.

Conscription en France : Le S.N.U.


par Johann Airieau (*) – Esprit Surcouf – publié le 26 juin 2021
https://espritsurcouf.fr/defense_conscription-en-france_le-s-n-u/

Un précédent article faisait le point sur la conscription en Europe.

Cette fois ci, l’auteur s’attache au cas de la France. Le service militaire a beau y avoir disparu de la vie des jeunes citoyens, il n’a en rien déserté l’inconscient national, et cet « impôt du sang » reste un pilier de l’imaginaire républicain. En surfant sur cette vague de nostalgie, Emmanuel Macron a voulu créer un « Service National Universel »,le SNU un projet dont la mise en œuvre a été bloquée net par la pandémie, mais qui va revenir dans l’actualité.
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e début idéalisé du service militaire moderne remonte à 1793, quand la République Française toute neuve s’est trouvée menacée par les armées des monarques européens. Pour défendre « la Patrie en danger », les citoyens se sont « levés en masse », ils ont formé leurs bataillons et remporté la victoire à Valmy.

 Il s’agit là d’un début mythifié, le phénomène se rapprochait d’un « réflexe de défense », incarné par un mouvement populaire. Il n’y avait pas de recensement, pas d’incorporations systématiques, il n’y avait que des volontaires.

Par la suite, au gré des régimes qui se sont succédés, le service militaire s’est généralisé, sous des modalités et des durées variables. Beaucoup échappaient à ce service. Il y avait des tirages au sort, les plus fortunés pouvaient payer un pauvre bougre pour faire le service à leur place, les responsabilités familiales pouvaient donner lieu à exemptions. Les récentes commémorations de la Commune de Paris nous ont rappelé qu’avec la garde nationale existait une organisation de citoyens armés sous forme de milices.

C’est au début du XXe siècle, en 1905, avec la loi Berteaux, que la conscription devient véritablement égalitaire en supprimant les dispenses. Dès lors, chaque Français doit un service individuel à la nation. C’est le temps des gaietés de l’escadron, des copains de régiment, mais aussi des mobilisations générales de 1914 et 1939.

A la fin du XXe siècle, les armées françaises sont en partie professionnalisées. Les conscrits ne servent que de force d’appoint et ne sont pas déployés dans les opérations extérieures. La chute de l’Union Soviétique et la dissolution du Pacte de Varsovie ont considérablement réduit les menaces pesant sur l’Europe, Le maintien de grandes forces armées n’apparait plus indispensable, et se montre extrêmement coûteux. C’est donc dans cette triple situation de professionnalisation des armées, de changement stratégique, et de restriction budgétaire, que le glas sonna pour le Service Militaire Obligatoire en 1997.

 

Finis les conscrits à l’été 1997. Les jeunes qui apprennent maniement d’armes et ordre serré ne peuvent être que des engagés volontaires. Photo MinArm.

Cet outil militaire est alors remplacé par la Journée d’Appel de Préparation à la Défense (JAPD), renommée depuis Journée Défense et Citoyenneté (JDC). Dans la continuité du service militaire, elle est obligatoire pour les hommes, avant d’être ouverte aux femmes. Son but est de transmettre un socle de valeurs civiques, ainsi que d’offrir aux jeunes une ouverture vers les métiers de la défense. Le suivi de cette journée est sanctionné par un certificat, nécessaire pour passer des examens ou des concours et entrer pleinement dans la vie civique du pays.

Service obligatoire, le retour

Le service militaire occupait une telle place dans la société française que cet outil a gagné une aura providentielle après sa suspension. Il est devenu une sorte de solution miracle à de nouveaux problèmes. Ainsi, devant des sujets sensibles tels que l’immigration, la criminalité dans les banlieues, les divers maux de la jeunesse, le service militaire est apparu pour certains comme une solution évidente.

De nouvelles alternatives ont d’ailleurs été proposées pour en combler la disparition. En 2010 le gouvernement français a créé le Service Civique. Il s’agit d’un organisme permettant aux jeunes citoyens de servir l’intérêt général. Indemnisé, ce service constitue un engagement volontaire et permet la transmission des valeurs nationales de fraternité. Le Président François Hollande a proposé lors de ses vœux aux Français de janvier 2015 (avant les attentats de « Charlie Hebdo ») un nouveau type de service civique, plus court, pouvant potentiellement devenir obligatoire. Ce projet n’a pas abouti.

Un autre argument en faveur d’une réinstauration d’un service obligatoire en France découle de la radicalisation d’une partie de la population et du terrorisme islamiste. Cette radicalisation, via les réseaux sociaux diffusant de la propagande émanant de l’État Islamique ou d’autres groupes djihadistes, a laissé le gouvernement français partiellement impuissant. N’importe qui, particulièrement les adolescents et les jeunes adultes, pouvait ainsi potentiellement se radicaliser et tomber aux mains de recruteurs. Le phénomène inquiétant de djihadistes français ou européens allant s’entraîner en Syrie et revenant commettre des attentats a également contribué à différencier cette menace sécuritaire.  A la lumière de ces nouveaux dangers, et avec l’Opération Sentinelle, créée à l’issue des attentats de janvier 2015, les voix en faveur d’un rétablissement d’un service obligatoire ont eu de plus en plus d’écho.

La professionnalisation des armées a montré ses fruits lors des OPEX, et ses limites lors des Opérations intérieures. Les forces d’active sont ainsi impliquées dans l’Opération Sentinelle, mobilisant un effectif important (de 3 000 à 10 000 militaires selon les périodes). Cette opération a également contribué à réactiver le dispositif de Garde Nationale en 2016 et à intégrer de manière approfondie les forces de réserve à l’effort de défense. Cependant, force est de constater que la protection de lieux prédéfinis sur le territoire national est différente de la traque de groupes terroristes au Sahel. Les soldats doivent donc subir un entraînement particulier.

L’Opération Sentinelle est une grosse consommatrice d’effectifs. Heureusement qu’il y a des réservistes. Photo MinArm.

Rempli de promesses, le SNU français ravive la mémoire d’un service militaire idéalisé. Il est toutefois bon de rappeler qu’à cette époque l’un des sports nationaux, outre le football, était d’être réformé afin de ne pas avoir à subir une chose vue comme une contrainte par beaucoup de jeunes hommes. La possibilité de faire un service moins pénible, comme coopérant ou dans une entreprise française à l’étranger, ou comme Élève Officier de Réserve, au lieu d’être « bidasse » dans un régiment d’infanterie, nuisait à la notion d’égalité de la conscription. Il est donc important de bien définir les objectifs du SNU afin de ne pas se bercer d’illusion quant à son sujet.

La forme du SNU

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Lors des élections présidentielles de 2017, la plupart des candidats étaient en faveur de la réinstauration d’un service obligatoire, militaire ou civique. Le candidat Emmanuel Macron proposait alors un « service civique » d’une durée d’un mois, encadré par les forces armées. Élu Président, son projet s’est affiné et se présente désormais sous la forme d’un parcours citoyen en plusieurs phases.

Les jeunes de 13 à 16 ans recevront un enseignement spécialisé portant sur la défense lors de « Classes de Défense et Sécurité Globale ». S’ensuivront deux périodes de 15 jours après la classe de 3e. La première, appelée Journées Défense et Mémoire nationale (JDM), regroupera des jeunes dans un autre département, brassera les origines sociales et les imprègnera des principes républicains. La deuxième, appelée Mission d’Intérêt Général défense et mémorielle (MIG), consistera à accomplir une tâche utile à la collectivité. C’est le jeune qui choisira ce qu’il veut faire. Cela sera donc un volontariat, qu’il soit civique ou sous uniforme. Les deux périodes composeront, à proprement dit, le SNU.

La Journée Défense et Citoyenneté (JDC) est également maintenue et devrait, sans information contraire, conserver son rôle d’initiation à la défense. Cette dernière ainsi que la première phase du SNU permettront d’orienter les jeunes intéressés par la défense vers les formes d’engagement adaptées (active, réserve, services volontaires, écoles militaires etc…). A l’issue du SNU, un engagement volontaire de la part des jeunes sera possible, que ce soit civique ou militaire. D’une durée de 3 mois à 1 an, cet engagement s’effectuerait en France, entre 16 et 25 ans.

Dans sa forme actuelle, le SNU a plusieurs objectifs, énumérait le ministère des armées en 2020 : « transmettre un socle républicain, renforcer la cohésion nationale, développer une culture de l’engagement et accompagner l’insertion sociale et professionnelle ». Un an plus tard, le même ministère le présente comme un projet de société, s’adressant à tous les jeunes de 15 à 16 ans et visant une meilleure insertion et un engagement de la jeunesse.

En juin 2019, avant la pandémie, 2 000 adolescents ont testé le SNU : 15 jours à vivre en communauté, loin de leur famille et de leurs amis, en uniforme et selon des horaires militaires. Photo CIDJ

La dimension militaire du SNU

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Lors de l’élaboration de ce nouvel outil, la tendance était à la circonspection de la part des militaires. En effet, les forces armées françaises sont aujourd’hui entièrement professionnalisées, avec des forces d’active et de réserve. La complémentarité de ces deux forces ne laisse que peu d’espace aux conscrits, mis à part l’opération Sentinelle. De surcroît, les forces armées françaises n’ont plus les infrastructures nécessaires pour accueillir des appelés. Cela finira par se révéler coûteux, alors même que la défense connaît des difficultés financières, et qu’elle devrait utiliser ses cadres pour assurer la formation des conscrits.

Une estimation, datant de la campagne présidentielle d’Emmanuel Macron en mars 2017, décrit un SNU coûtant entre deux et trois milliards d’euros par an en « régime de croisière ».Une estimation plus récente émanant du groupe de travail sur le SNU dirigé par le Général Menaouine estimait (avec une certaine réserve) un investissement en infrastructure de 1,750 milliards d’euros sur sept ans, ainsi qu’en rythme de croisière un coût de 1,6 milliards d’euros par an. Le groupe de travail estime néanmoins que le « coût budgétaire total qui ne devrait pas dépasser quelques milliards d’euros est un investissement collectif justifié, soutenable, et maîtrisable ».

Cependant, dans sa forme actuelle, le SNU semble n’avoir gardé de militaire qu’une partie de son encadrement. Les jeunes participeront à des périodes de formation militaire seulement s’ils sont volontaires. L’engagement dans les forces armées, de police, ou de sécurité civile, dans l’active ou la réserve, est totalement optionnel, bien qu’encouragé. L’un des rares aspects rapprochant le SNU de son prédécesseur est son caractère obligatoire. Il se pose ainsi en nouveau creuset républicain, sanctionnant un accès à une citoyenneté complète. Mais l’intérêt purement militaire de cet outil est très limité : il se caractérise principalement par un rôle d’éducation à la défense et de potentiel vivier de recrutement pour les forces armées.

Il faut donc être très clair : ce SNU en train de naitre ne remplacera jamais le service militaire. Toutefois, il se rapproche de la doctrine de défense totale, telle que pratiquée en Lettonie ou en Scandinavie. Ce système allie monde civil et militaire pour défendre un territoire et développer la résilience de la société.

Adapté à une jeunesse consciente des sujets sociaux, écologiques, politiques, et bien souvent engagée, le SNU propose une formation orientée citoyenneté et moins contraignante que l’ancien service militaire. La défense est au cœur du système, mais d’autres thèmes contemporains sont abordés, tels que le développement durable, la citoyenneté européenne, ou encore le patrimoine. Il ne reste plus qu’à savoir si les jeunes français vont adopter le SNU, s’ils auront s’y adapter et en profiter.


(*) Johann AIRIEAU : journaliste-stagiaire chez ESPRITSURCOUF, est diplômé d’une licence d’histoire de l’Université Lumière Lyon 2, dont une année a été réalisée à l’Université de Virginie. Il est actuellement étudiant en master de relations internationales aux Hautes Etudes Internationales et Politiques et réserviste dan sl’Armée de Terre et Journaliste-stagiaire chez ESPRITSURCOUF .
Passionné par l’histoire militaire et les sujets de défense, il travaille sur un mémoire portant sur le service national contemporain en France et en Suède. L’objectif de cette recherche est de mettre en lumière les menaces auxquelles sont exposés ces deux pays européens, nécessitant pour les combattre l’établissement d’un SNU en France et le rétablissement du service militaire en Suède. (Contact : johann.airieau@edu.heip.fr)