Depuis quelques temps, le déploiement de la 5G à l’échelle mondiale a renforcé la confrontation commerciale entre la Chine et les États-Unis par le biais de la société Huawei et d’autres prestataires, au sujet notamment du contrôle des données et des systèmes applicatifs ou OS. Ce conflit s’envenime plus encore, reflétant la déclinaison numérique de la rivalité géopolitique tous azimuts entre ces deux empires.
Pour rappel, Huawei est un leader mondial de construction de réseaux de communication et l’un des tous premiers fournisseurs de la dernière génération de technologie de téléphonie mobile 5G en cours de déploiement à l’échelle planétaire. Grâce au débit phénoménal de la 5G et à sa puissance logarithmique par rapport aux capacités du standard actuel 4G, le plus répandu actuellement, nous assistons à une très forte accélération de la quantité de données générées, échangées et analysées au niveau mondial.
Dans ce chapitre de ladite guerre commerciale, les enjeux de l’accès aux données et de leur traitement sont donc colossaux.
D’une part, certains gouvernements sont inquiets de voir une puissance étrangère capter des données sensibles. Non seulement dans le cadre de l’utilisation de smartphones, mais aussi dans le contexte d’une myriade d’usages concernant les villes et engins connectés, qu’ils soient d’application civile ou militaire : les voitures autonomes, la domotique, mais aussi le ciblage de missiles seront de plus en plus dépendants de la 5G. Une opportunité certes, mais aussi une vulnérabilité si ces données et/ou leurs usages venaient à être captés et détournés par des parties adverses et tierces, soit directement sur les smartphones ou objets connectés, soit via des « portes » installées au sein des réseaux terrestres et sous-marins.
Les États-Unis ont mis une pression maximale sur leurs propres opérateurs télécom Verizon et AT&T et sur ceux d’autres pays, afin qu’ils interdisent à Huawei leurs appels d’offre pour équiper leurs réseaux avec la technologie 5G, leur préférant les prestataires occidentaux tels que Cisco, Nokia, Alcatel ou encore Ericsson. L’Australie, l’Allemagne, le Japon, la Nouvelle-Zélande, la Pologne, la République Tchèque, et le Royaume-Uni ont ainsi banni Huawei et son concurrent chinois ZTE de leurs appels d’offre … Jusqu’à faire chanter les Polonais en brandissant la menace d’annuler la construction d’une base de l’OTAN chiffrée à $2 milliards. En revanche, la Corée du sud, la Russie, la Thaïlande et la France testent la technologie Huawei et/ ou l’installent avec des caveats : la France par exemple, interdira à Huawei de géo localiser ses utilisateurs français. D’autres pays comme l’Italie et les Pays-Bas explorent toujours la possibilité d’utiliser Huawei ou ZTE versus d’autres fournisseurs occidentaux.
D’autre part, l’autre enjeu de tout premier ordre dans le déploiement de la 5G est celui de l’intelligence artificielle. Une façon de l’illustrer est d’imaginer les méta et micro données comme le « pétrole » nourrissant cette forme d’intelligence et le « machine learning » et les algorithmes comme « l’électricité » pour obtenir le résultat final qui permet de connecter toutes sortes d’objets chez les particuliers, au sein des villes, dans les applications militaires et de proposer des services qui vont préempter les souhaits des personnes ou des institutions avant même qu’elles n’en fassent la demande.
Puisque la puissance de la 5G augmentera de manière significative la quantité de données générées et échangées, ce pipeline sera un facilitateur et un conduit stratégique pour abreuver les algorithmes de ce « pétrole ». La quantité des données est donc absolument primordiale pour offrir un niveau inégalé dans la qualité de cette intelligence artificielle. Et la Chine, avec sa démographie cinq fois supérieure à celle des États-Unis, a d’emblée un avantage concurrentiel dans la quantité de données pouvant être captées et traitées. Plus encore si elle a accès aux données des populations d’autres nations via les applications des smartphones …
C’est donc sans surprise que la détérioration de la relation sino-américaine s’est creusée et qu’une escalade des tensions se manifeste de plus en plus explicitement : Google, Facebook et d’autres géants américains du Net ont annoncé qu’ils interdisaient à Huawei et aux autres acteurs chinois l’accès à leur Operating System/OS comme Androïd et à leurs applications.
Outre l’interdiction d’accès aux données, ce sont des décisions lourdes de conséquences et de risques in fine d’ordre stratégique car elles vont pousser l’entreprise chinoise (et peut-être aussi les Russes qui sait ?), à développer leur propre OS. Huawei a d’ailleurs réactivé son OS « Hongmeng » en sommeil depuis 2012.
Cette rétorsion américaine va donc engendrer une réaction en chaine à l’issue ultime encore imprévisible. Dans l’immédiat, c’est la complexité de gestion et les risques de confusion pour les consommateurs mais aussi les opérateurs téléphoniques et tout l’écosystème des développeurs d’applications qui vont exploser. En effet, au lieu de développer deux versions d’une même application et d’obtenir les certifications nécessaires de la part d’Apple et d’Android/Google, les développeurs devront désormais le faire à trois voire quatre reprises. Les coûts de maintenance et de mises à jour des applications vont exploser.
Malgré tout, cette action s’inscrit logiquement dans cette « ruée vers les données » car du point de vue des États-Unis, toute démarche qui limite l’accès des données afférentes aux milliards de comptes des applications est bonne à prendre. « Malgré eux », les acteurs chinois vont s’affranchir de la domination américaine et exercer une nouvelle forme de souveraineté technologique et économique en développant leurs propres OS.
Il est probable que Huawei équipera de nombreux pays avec sa technologie 5G ; c’est logique par rapport à son expertise et à son poids dans le secteur et au rôle de premier plan de la Chine dans l’économie mondiale. Après tout, les États-Unis n’ont-ils pas équipé depuis les années 1920 la plupart des pays avec des ordinateurs personnels, des réseaux informatiques, des serveurs et des smartphones ? Nous sommes-nous posé les mêmes questions avec autant de discernement depuis lors sur l’accès aux données par leurs sociétés et le gouvernement américain ? Il est certain que les activités de la NSA et l’adoption des lois US « Cloud Act I et II » ont permis aux GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft) et à l’Oncle Sam d’accéder aux données de milliards d’inter- et mobi-nautes.
L’appréciation de cette rivalité sino-américaine est sans doute le fruit de l’hypocrisie d’un empire jaloux envers la montée en puissance d’un autre, et nous ne pouvons que déplorer à nouveau l’absence de l’Europe comme acteur incontournable de ces développements technologiques et économiques majeurs. La guerre des OS aura bien lieu, et le « Vieux » continent sera en plein tir croisé
Le 26 avril, le Pentagone a annoncé que la société Sierra Nevada Corp. (lire ci-dessous) avait remporté un marché d’une valeur de 13 milliards de dollars pour produire le » Survivable Airborne Operations Center (SAOC)« d’ici à 2036.
Ce marché va permettre de remplacer les quatre avions E-4B de l’USAF utilisés pour les déplacements du secrétaire à la Défense mais aussi de PC aéroporté en cas de crise nucléaire. C’est pour cette raison que ces avions sont surnommés les « Doomsday planes » (les avions du jugement dernier). Il ne faut pas confondre ces E-4B avec les E-6B Mercury de l’US Navy basés sur des cellules de Boeing 707 et qui sont à même de servir de postes de commandement aéroporté en cas de crise majeure.
Actuellement, les E-4B sont opérés par le 1st Airborne Command and Control Squadron du 595th Command and Control Group qui est insallé sur la Offutt Air Force Base, dans le Nebraska. Le problème, c’est que ces avions volent depuis 1974. Dépassés, ils auraient déjà dû être remplacés; en tout cas, le projet était sur les rails dès 2019 (voir l’appel d’offres alors émis).
Sierra Nevada Corp. a donc grillé la politesse à Boeing qui a été écarté le 1er décembre 2023. Mais Boeing n’a pas tout perdu car les futurs avions du « jugement dernier » seront très probablement des 747 civils rénovés.
Voici l’avis: Sierra Nevada Corp., Englewood, Colorado, was awarded a $13,080,890,647 cost-plus-incentive-fee, fixed-price incentive (firm-target), and cost-plus-fixed-fee contract for the Survivable Airborne Operations Center (SAOC). This contract provides for the development and production of the SAOC Weapon System to include the delivery of engineering and manufacturing development aircraft, associated ground systems, production aircraft, and interim contractor support. Work will be performed in Englewood, Colorado; Sparks, Nevada; Beavercreek, Ohio; and Vandalia, Ohio, and is expected to be completed by July 10, 2036. This contract was a competitive acquisition, and two offers were received. Fiscal 2024 research, development, test, and evaluation funds in the amount of $59,000,000 are being obligated at time of award. The Air Force Life Cycle Management Center, Hanscom Air Force Base, Massachusetts, is the contracting activity (FA2834-24-C-B002).
Vendredi, au cours d’un entretien avec douze jeunes réunis par les journaux du groupe Ebra, le chef de l’Etat a estimé qu’il fallait rouvrir le débat d’une défense européenne qui profiterait de l’arme de dissuasion nucléaire française. Une petite phrase qui a fait réagir nombre de ses opposants.
« Mettons tout sur la table ». En proposant d’inclure les armes nucléaires dans le débat sur une Europe de la défense en construction, le président français Emmanuel Macron a déclenché une pluie de critiques parmi les oppositions qui lui ont reproché de « brader » la souveraineté nationale.
Dans le sillage de son discours sur l’Europe de La Sorbonne, le chef de l’État rencontrait vendredi à Strasbourg une douzaine de jeunes, un entretien organisé par les journaux régionaux du groupe Ebra (Est-Bourgogne-Rhône-Alpes) qui l’ont publié samedi soir.
« Quand nos intérêts vitaux sont menacés…«
« La France est-elle donc prête à européaniser sa capacité de dissuasion nucléaire ? », lui demande un de ses interlocuteurs, Linus. Emmanuel Macron reprend l’argumentaire développé jeudi dans son discours, celui en faveur d’une défense européenne « crédible ». Il évoque ensuite le déploiement de boucliers antimissiles – « mais il faut être sûr qu’ils bloquent tous les missiles »-, les armes à longue portée, puis l’arme nucléaire.
« La doctrine française est qu’on peut l’utiliser quand nos intérêts vitaux sont menacés. J’ai déjà dit qu’il y a une dimension européenne dans ces intérêts vitaux », a-t-il poursuivi. « Je suis pour ouvrir ce débat qui doit donc inclure la défense antimissile, les tirs d’armes de longue portée, l’arme nucléaire pour ceux qui l’ont ou qui disposent sur leur sol de l’arme nucléaire américaine. Mettons tout sur la table et regardons ce qui nous protège véritablement de manière crédible », a-t-il encore déclaré.
« Un chef de l’État ne devrait pas dire ça »
François-Xavier Bellamy, tête de liste Les Républicains (LR) aux élections européennes du 9 juin a dénoncé une déclaration d’une « gravité exceptionnelle parce que là nous touchons au nerf même de la souveraineté française« . « Un chef de l’État français ne devrait pas dire ça », s’est-il emporté au « Grand Rendez-Vous Europe1/CNews/Les Echos ».
Depuis le Brexit et la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, la France est le seul de ses États membres à disposer de la dissuasion nucléaire. Le dialogue sur les questions de sécurité se poursuit cependant avec Londres, notamment au sein de la Communauté politique européenne (CPE), un forum nouvellement créé à l’initiative du président français.
Dans son intervention à la Sorbonne, M. Macron avait déjà abordé cette question de l’arme nucléaire française. « La dissuasion nucléaire est en effet au cœur de la stratégie de défense française. Elle est donc par essence un élément incontournable de la défense du continent européen », avait-il dit, reprenant des aspects d’un discours-clé sur la dissuasion prononcé en février 2020.
Divergences
Comme la droite, La France insoumise (LFI) a estimé dimanche, dans un communiqué de son groupe parlementaire, que M. Macron « vient de porter un nouveau coup à la crédibilité de la dissuasion nucléaire française« . « La doctrine nucléaire française, c’est que nous ne croyons pas au parapluie. On ne va pas déclencher un feu nucléaire pour un autre pays », a déclaré la cheffe du groupe Mathilde Panot sur RTL/Le Figaro/M6.
Le président du MoDem François Bayrou, allié d’Emmanuel Macron, a répondu que les intérêts vitaux de la France et de l’Europe pouvaient parfois se confondre. « Imaginez une menace mortelle contre l’Allemagne. Vous croyez que nous serions à l’abri ? Vous croyez que nos intérêts vitaux ne seraient pas engagés par une menace de cet ordre ? », s’est-il interrogé sur LCI.
À l’extrême droite, l’eurodéputé RN Thierry Mariani a affirmé sur X que « Macron est en train de devenir un danger national ». « Après l’arme nucléaire, suivra le siège permanent de la France au conseil de sécurité de l’ONU qui sera lui aussi bradé à l’Union Européenne« , s’est-il insurgé.
Aux antipodes, la tête de liste des Écologistes aux européennes Marie Toussaint, favorable à un « saut fédéral européen« , a considéré sur France 3 que cela signifiait le « partage de cette force qu’est l’arme française, donc le nucléaire aussi ».
Un débat relancé par la guerre en Ukraine
La construction d’une Europe de la défense est depuis très longtemps un objectif de la France, mais elle s’est souvent heurtée aux réticences de ses partenaires qui jugeaient plus sûr le parapluie de l’Otan. L’invasion de l’Ukraine par la Russie, en février 2022, et le possible retour à la Maison-Blanche de Donald Trump ont cependant relancé la pertinence du débat sur une autonomie européenne en matière de défense
Electricité : RTE en Camargue ou comment décarboner sans balafrer
OPINION. L’implantation par RTE d’une nouvelle ligne électrique aérienne de 400. 000 volts aux portes de la Camargue entre Jonquière-Saint Vincent et Fos-sur-Mer se heurte aux résistances locales en raison de l’impact des travaux. L’entreprise planche sur huit scénarios. Par Didier Julienne, Président de Commodities & Resources (*).
Entre les départements du Gard et des Bouches-du-Rhône, l’entreprise RTE (Réseau de transport d’électricité) est accusée de menacer d’une immense balafre la Camargue, d’abîmer ou de détruire des écosystèmes arboricoles, viticoles, de maraîchages et de faire fuir les touristes. Comment ? Par l’implantation d’une nouvelle ligne électrique aérienne de 400. 000 volts aux portes de la Camargue entre Jonquière-Saint Vincent et Fos-sur-Mer.
RTE est un paradoxe, l’entreprise est remerciée d’apporter l’énergie décarbonée, l’électricité, et de réparer les lignes électriques après des tempêtes, réparations que des agents paient parfois de leur vie. Personne dans le Gard ou les Bouches-du-Rhône n’est opposé à la modernisation et à l’augmentation du flux électrique, parce qu’il est essentiel pour l’industrie post-pétrole de Fos-sur-Mer : Exxon y a mis en vente sa raffinerie le 11 avril dernier.
« Surtout pas chez moi »
Mais le paradoxe est que RTE est le mètre étalon de l’effet « surtout pas chez moi ». L’entreprise est combattue lorsqu’elle modernise son réseau parce que les gigantesques mats de ses lignes aériennes impactent durement et durablement les paysages. Entre Jonquière-Saint Vincent et Fos-sur-Mer, le parcours de la ligne aérienne de 400 kV pose de graves problèmes. Le décideur doit choisir entre huit routes, et il a une tentation.
Les huit solutions sont huit parcours démarrant dans le Gard et aboutissant dans les Bouches-du-Rhône. Huit circuits qui évoluent entre les rives droite et gauche du Rhône, dans un mikado de terres protégées par des appellations agricoles ; des zones de sauvegarde, naturelles ou bien d’intérêt écologique faunistique et floristique ; des parcs et réserves naturelles nationaux ou régionaux ; des zones protégeant des oiseaux, des biotopes, des espaces naturels sensibles, des zones humides ou encore Natura 2000 ; des sites historiques, classés, patrimoniaux ou archéologiques ; des biens Unesco, un site Ramsar, des plans locaux d’urbanisme, des villes et villages, etc. Et au milieu, coule le Rhône.
Le décideur qui ne veut pas balafrer la Camargue cherche pour la ligne aérienne un impénétrable chemin au milieu de cet enchevêtrement de normes. En effet, tous les parcours envisagés impactent directement tels ou tels environnement et paysages et sont destructeurs d’une économie locale reposant sur des écosystèmes basés sur l’histoire, la nature et l’agro-tourisme. À chaque fois que la ligne 400 kV pénètre un périmètre, c’est une directive, un règlement ou une autorité qui menaceront de déclasser un parc, enlever une appellation agricole, annuler une étoile hôtelière. Quel touriste se rendra dans une réserve, un hôtel, une ferme ou un vignoble dégradés par la proximité ou la vue d’une ligne 400 kV ?
Équilibrer les dommages
Si le mikado empêche l’esquisse d’un nouveau parcours, la vie interdit d’utiliser des tracés existants. Pourquoi ? Parce que transformer en 400kV une vieille ligne de 63 kV, dont l’âge est parfois proche du siècle, c’est effacer l’en-dessous de cette ligne. Sous cette dernière, sous ses petits pylônes de 20 mètres de haut transportant 63 kV dans trois câbles, deux ou trois générations ont construit, ont prospéré, ont transformé des terres agrestes en champs fertiles, en vignes et en pacages ; elles ont restauré des ruines en hôtel, elles ont fait classer des sites remarquables et protéger la nature ; des agglomérations s’y sont aussi étendues. Mais comment cette vie pourra-t-elle continuer à vivre en harmonie et prospérer sous des pylônes culminants entre 60 et 80 mètres et transportant 400 kV dans 18 câbles sous 40 mètres d’envergure ?
Quand on dit : le roi est bon, c’est que le règne est manqué. C’est pourquoi, pour gagner son règne, le parcours ne doit être bon pour personne : ne favoriser ni la rive gauche ni la rive droite du Rhône, mais équilibrer les dommages entre les deux. De cette façon, le Gard ne sera pas la poubelle des Bouches-du-Rhône et ces dernières payeront également leur part.
Mais cette tentation présente des dangers. L’opposition des populations contre le projet est déjà là ; les oppositions de la nature et de l’agriculture contre les usines viendront-elles ? L’opposition des emplois des uns contre ceux des autres sera-t-elle une menace ? Soyons raisonnables, notre société est suffisamment violente pour ne pas en rajouter.
Comment sortir de cette situation par le haut ?
Une récente étude de l’université de Chicago (1) constate que, dans les grandes entreprises, il existe une corrélation entre la baisse de l’innovation et le nombre croissant de politiciens qu’elles embauchent pour améliorer leur lobbying. N’insultons pas l’avenir. Si le lobbying tue l’innovation, pour inverser la désindustrialisation, c’est-à-dire innover, ces entreprises doivent se déconnecter de la précipitation politique qui sacrifie tout à son calendrier empressé.
Qui n’a pas vu au moins une fois dans les yeux d’un agent RTE la fierté de raccorder des maisons coupées de l’électricité après le passage d’une tempête, qui n’a pas vu dans ces mains-là la noblesse d’un artisan couplée à une puissance scientifique. Ces qualités également présentes en tête de RTE ranimeront l’innovation pour résoudre les problèmes plutôt que le lobbying, l’habitude et la routine n’en créeront.
Lorsque toutes les solutions sont mauvaises, il faut choisir la meilleure, c’est la plus innovante et heureusement elles sont ici au nombre de deux, l’une à court terme, l’autre à moyen terme.
Au Pays basque, une ligne souterraine de 400 kV et 5 GW sera enterrée sur 80 km, puis elle sera sous-marine sur 300 km avant de rejoindre l’Espagne. De l’autre côté des Pyrénées, ce sont 65 km d’une ligne souterraine 320 kV livrant 2 GW qui rejoignent la Catalogne. Sans parler de lignes sous-marines au Japon ou bien entre la France et l’Angleterre, sans évoquer une ligne souterraine sous le Saint-Laurent au Québec, regardons l’Allemagne qui lançait en 2023 trois autoroutes électriques reliant en 2028 les éoliennes de la mer du Nord aux industries du sud en Bavière. Cette ligne de 700 km à 380 kV livrant 4 GW commence en souterrain sous l’Elbe, puis se poursuivra par des tronçons majoritairement enfouis.
À court terme, l’habitude et la routine, c’est une ligne aérienne, mais l’innovation, c’est refuser la culture de l’impossible, c’est-à-dire faire une ligne souterraine de 45 km en courant continu qui aboutit à Fos-sur-Mer avant 2030. Ce projet souterrain aurait « de la gueule », et nul ne doute que les municipalités trouveront les terrains nécessaires à l’enfouissement. Mais à quel coût ? Il y a 23 ans, une ligne aérienne de 225 kV ne coûtait plus que deux fois plus cher qu’une ligne aérienne. Accompagnée de ses deux stations de conversion, une ligne souterraine de 400 kV coûtera plus cher qu’en aérien. Mais de combien très exactement ? Car ce coût doit être diminué des externalités négatives d’une ligne aérienne sur les deux départements : pertes économiques et pertes de chance liées aux impacts sur le paysage, le tourisme, l’agro-tourisme et la faune.
Refuser la culture de l’impossible
À moyen terme, l’innovation 2030 c’est rapprocher le producteur d’électricité du consommateur. Dans une vie antérieure, l’auteur de ces lignes a expérimenté les réacteurs nucléaires « de poche » de notre Marine nationale. Ils fonctionnent parfaitement depuis 57 ans et sont un avant-poste des petits réacteurs civils que notre pays aurait déjà dû mettre au point s’il n’avait pas eu à sa tête des hommes sous une emprise antinucléaire. Rapprocher producteurs et consommateurs d’électricité en refusant la culture de l’impossible, c’est implanter à Fos-sur-Mer un chapelet de réacteurs modulaires. C’est possible et cette réponse à l’ultimatum aurait également « de la gueule ».
Que ce soit à court ou bien à moyen terme, des solutions techniques émergent pour s’affranchir d’une ligne aérienne aux portes de la Camargue. Et que l’on ne dise plus que c’est irréalisable. Cela fait 50 ans que la culture de l’impossible fabrique des victimes et immobilise la France. Même pour une ligne de 400 kV, il est temps d’utiliser l’innovation et de retrouver une étoffe de héros amoureux des défis.
(1) Connecting to power : political connections, innovation and firm dynamics
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(*) Didier Julienne anime un blog sur les problématiques industrielles et géopolitiques liées aux marchés des métaux. Il est aussi auteur sur LaTribune.fr.
Pointant du doigt un manque de souveraineté, les dirigeants nigériens ont poussé les États-Unis à retirer leurs troupes du Niger le 19 avril dernier. Alors que les Américains disposaient d’une place stratégique au Sahel, notamment dans le cadre de la lutte contre le terrorisme islamiste, le départ forcé des Américains représente un nouveau revers pour les Occidentaux dans la région alors que la Russie ou la Chine gagnent du terrain. Quelle analyse peut-on tirer de la situation et l’influence états-unienne au Niger et au Sahel ? Éléments de réponse avec Jeff Hawkins, ancien diplomate américain et chercheur associé à l’IRIS.
Le 19 avril dernier, Washington a annoncé le retrait de ses militaires au Niger sous la pression de la junte au pouvoir. Pourquoi le Niger a-t-il décidé de rompre avec les États-Unis ? Quel rôle occupaient les Américains sur place ?
Les relations américano-nigériennes sont actuellement au plus bas et ce n’est pas ce que souhaitaient les États-Unis. Jusqu’à l’année dernière, le gouvernement américain considérait le Niger comme un partenaire essentiel dans la région, un allié démocratique pleinement engagé dans la lutte contre l’extrémisme islamiste. Le coup d’État de juillet 2023 à Niamey, qui a porté au pouvoir le Conseil pour la sauvegarde de la patrie (CNSP), a tout changé. Peu après le coup d’État, Washington a été contraint, en vertu de la législation américaine, de suspendre la majeure partie de l’aide américaine au Niger. Cette aide comprenait 200 millions de dollars d’assistance bilatérale et la planification d’un projet de transport de 302 millions de dollars financé par le Millennium Challenge Account des États-Unis. Les États-Unis ont également suspendu leurs opérations militaires dans le pays, notamment celles menées à partir de la base aérienne 201 d’Agadez, sans toutefois retirer les plus de 1 000 personnes qui constituaient la présence américaine sur place. En mars, le CNSP de plus en plus hostile s’est retiré de l’accord sur le statut des forces régissant la présence militaire américaine au Niger. Peu après, une délégation américaine de haut niveau s’est rendue à Niamey, dans l’espoir d’aider à remettre le Niger sur la voie de la démocratie et de trouver un moyen de reprendre la coopération militaire. Les Nigériens ont repoussé cet effort. D’autres négociations à Washington n’ont pas non plus réussi à faire fléchir le CNSP. Le coup d’État a peut-être empêché les États-Unis de poursuivre leurs activités habituelles, mais cela ne signifie pas que Washington ait cherché la rupture. Ce sont plutôt les Nigériens qui ont torpillé la relation.
Pourquoi Niamey a-t-elle agi de la sorte ? Les dirigeants nigériens ont formulé leur décision en termes de souveraineté. Un nouveau gouvernement patriote, selon le CNSP, a cherché à renverser une présence américaine « illégale » « en tenant compte des intérêts et des aspirations de son peuple ». Cette décision fait suite au renvoi tout aussi brutal de la présence militaire et diplomatique française au Niger l’année dernière. Ces deux actions peuvent être considérées comme un effort pour obtenir la légitimité d’un gouvernement militaire non légitime et non démocratique. Dans de nombreuses régions d’Afrique francophone, les mesures anti-françaises attirent toujours les foules. En chassant les Français, il était certain que la junte bénéficierait d’un certain soutien populaire. Bien que la présence américaine au Niger s’accompagne de beaucoup moins de bagages que la présence française, les actions des Nigériens à l’égard des États-Unis peuvent être considérées de la même manière. Compte tenu des inévitables préoccupations concernant la démocratie et les droits de l’homme, tant à Paris qu’à Washington, et de la suspension de l’aide, le choix du CNSP n’a pas été difficile. Comme nous le verrons, les Russes ont fourni une alternative toute trouvée. Les impacts à plus long terme de la décision sur le Niger, notamment en ce qui concerne la lutte contre le terrorisme, seront presque négatifs.
Jusqu’au gel actuel des relations, les États-Unis étaient un acteur important au Niger. La présence militaire américaine à Agadez et à Niamey était l’une des plus importantes d’Afrique subsaharienne et se concentrait sur les cibles d’Al-Qaïda et de l’État islamique. Le pays était l’un des principaux bénéficiaires de l’aide américaine ainsi qu’un pays cible pour le Millennium Challenge Account des États-Unis, qui fournit une aide à long terme et à grande échelle aux États ayant des antécédents particulièrement bons en matière de gouvernance démocratique. Les liens entre les États-Unis et l’ancien président nigérien Mohamed Bazoum, renversé par le coup d’État, étaient cordiaux.
Que peut-on retenir sur la stratégie américaine dans les autres pays du Sahel, notamment au Tchad ? Quels sont les intérêts américains dans la région ?
Les États-Unis cherchent à établir avec la sous-région des relations à la fois larges et profondes. Les relations militaires, jusqu’à récemment très visibles au Niger, en sont une composante importante. La menace terroriste islamiste, en particulier dans le Sahel et la Corne de l’Afrique, est l’une des principales préoccupations des Américains sur le continent. Le commandement américain pour l’Afrique (AFRICOM) mène des opérations militaires dans la région, mais se concentre également sur l’établissement de partenariats avec les armées africaines. Comme l’a expliqué le commandant de l’AFRICOM, le général Michael Langley, au Congrès le mois dernier, l’engagement militaire des États-Unis a pris de l’importance à mesure que les présences française, européenne et des Nations unies diminuaient. Les États-Unis sont un partenaire commercial et d’investissement important pour les pays de la région, et l’administration Biden a fait du renforcement de ces liens une priorité lors du sommet des dirigeants américano-africains de 2022. Les investissements américains dans l’extraction des ressources naturelles – avec des majors pétrolières et gazières américaines opérant dans des pays comme le Nigeria et le Tchad – sont substantiels. L’aide américaine vise à renforcer la gouvernance démocratique, à soutenir les investissements dans les services sociaux tels que la santé et l’éducation, et à répondre aux crises humanitaires. Malheureusement, les relations entre les États-Unis et le Tchad pourraient suivre une trajectoire similaire à celle du Niger voisin. Ce mois-ci, les Tchadiens ont demandé aux États-Unis de retirer une petite présence militaire à l’aéroport de N’Djamena. Le porte-parole du département d’État américain a indiqué que les responsables américains « sont en conversation permanente avec les responsables tchadiens sur l’avenir de notre partenariat en matière de sécurité ».
Peut-on parler d’une perte d’influence des États-Unis au profit d’une influence russe dans la région ?
Un déclin catastrophique de l’influence occidentale en Afrique est certainement souhaité par les Russes, et l’ours russe, bien sûr, a ses empreintes partout sur le renversement des fortunes occidentales au Niger. La présence de la Russie en Afrique, surtout dans le domaine de la défense, est ancienne. La Fédération de Russie est le plus grand fournisseur d’armes du continent, loin devant la France et les États-Unis. Alors que les tensions montent entre l’Occident et la Russie au sujet de l’Ukraine, les Russes jouent un rôle de plus en plus perturbateur, cherchant à renverser les liens de sécurité établis de longue date entre les principaux pays de l’OTAN et leurs partenaires africains. Les Russes ont effectivement utilisé leur propre assistance militaire bilatérale et des groupes de mercenaires associés au Kremlin, comme le groupe Wagner (aujourd’hui le Russian African Corps), pour offrir une alternative à l’engagement occidental. Comme le souligne la stratégie américaine de l’administration Biden à l’égard de l’Afrique subsaharienne, « la Russie considère la région comme un environnement permissif pour les entreprises parapubliques et les sociétés militaires privées, qui fomentent souvent l’instabilité pour en tirer des avantages stratégiques et financiers ». Nous pouvons également supposer que les services de sécurité russes font tout ce qu’ils peuvent en coulisses pour attiser les sentiments anti-français et antiaméricains au sein du public africain. En fin de compte, les régimes autoritaires comme celui du CNSP sont très heureux de renoncer aux exigences françaises ou américaines en matière de réformes démocratiques et de respect de l’État de droit et d’accepter à la place l’aide russe sans condition. Les forces russes de l’Africa Corps sont arrivées à Niamey ce mois-ci dans le cadre d’un nouvel accord de défense.
À plus long terme, cependant, il reste à voir quel terrain les Russes gagneront et conserveront en Afrique. Jusqu’à présent, Moscou a remporté de nombreux succès dans des pays comme le Mali et le Niger. Mais perturber les relations entre les États-Unis et le Niger et envoyer des mercenaires russes à Niamey ne signifie pas établir des liens profonds et durables. La Russie est un acteur économique secondaire sur le continent, par exemple, les flux commerciaux russes vers l’Afrique (environ 18 milliards de dollars en 2021) étant éclipsés par le commerce Afrique-Chine (282 milliards de dollars). La véritable menace à long terme pour les intérêts américains sur le continent africain est la Chine, et non la Russie. Compte tenu de l’engagement diplomatique intense de la Chine dans la région, de ses vastes liens économiques avec l’Afrique et de son intérêt croissant pour la sécurité sur l’ensemble du continent, la véritable menace pour les intérêts américains vient de Pékin et non de Moscou.
La Chine a enregistré une croissance de 5,3% au cours du premier trimestre, une performance surprenante pour les observateurs extérieurs, qui dépasse même les attentes des grandes banques d’investissement. Certains commencent à revoir à la hausse leurs prévisions, ce qui souligne clairement que, tout en poursuivant ses transformations en cours, l’économie chinoise continue de croître.
Pour éviter d’être influencés par le ton souvent négatif de certains médias occidentaux et afin d’avoir une vision précise de la réalité économique en Chine, il nous paraît utile de passer en revue de manière objective et cohérente certains chiffres et faits à l’occasion de la publication des résultats du premier trimestre.
Résultats du premier trimestre
Le 16 avril, le Bureau national des statistiques de la Chine a dévoilé ses données de croissance (1), surprenant les observateurs extérieurs avec un PIB en hausse de 5,3 % pour le premier trimestre. Cette performance dépasse les attentes pessimistes du monde extérieur, surpassant même les prévisions des grandes banques d’investissement comme Goldman Sachs et Morgan Stanley, ainsi que celles des analystes interrogés par les agences Reuters et Bloomberg.
Pour rappel, le FMI avait prévu une croissance de 4,6 %, tandis que la Chine avait annoncé un objectif de 5 % en mars. Il faudra attendre la fin de l’année pour confirmer cette reprise, à la fois attendue pour une Chine confiante et surprenante pour les observateurs sceptiques.
Certaines institutions financières ont rapidement révisé à la hausse leurs prévisions de croissance annuelle pour l’économie chinoise. Les économistes d’ANZ prévoient désormais une croissance de 4,9 % pour cette année, comparé à leur prévision précédente de 4,2 %, tandis que ceux de DBS Bank ont augmenté leurs perspectives pour 2024 de 4,5 % à 5 %. Société Générale a également relevé sa prévision de croissance pour 2024, passant de 4,7 % à 5 %, tandis que Deutsche Bank anticipe désormais une croissance de 5,2 %, soit un demi-point de pourcentage de plus que leur précédente prévision (2).
Ceux qui sont derrière les chiffres
L’économie chinoise est-elle sortie de l’affaire ?Une lecture plus détaillée et nuancée de l’ensemble des éléments, derrière ces chiffres, nous aide à saisir toute la complexité de la situation, concernant les moteurs et les freins.
La Chine vise une croissance d’environ 5 % pour l’année, un objectif jugé ambitieux par de nombreux économistes. Avec une croissance à 5,3% au 1er trimestre, l‘économie chinoise a pris un bon départ, mais les bases d’une croissance économique stable et saine ne sont pas encore complètement solides (3).
Pour soutenir sa croissance, la Chine a investi massivement dans son secteur manufacturier, notamment en construisant de nouvelles usines qui ont boosté les ventes mondiales de panneaux solaires, de voitures électriques, de batteries et d’autres produits. Certains experts voient cette expansion comme une sorte de « pic de sucre » alimentée par des prêts bancaires massifs, en hausse de 9,9 % par rapport à l’année précédente. C’est une situation à surveiller attentivement.
Au premier trimestre, l’économie chinoise a enregistré une croissance de 1,6 % par rapport au trimestre précédent, ce qui, sur une base annuelle, équivaut à une croissance d’environ 6,6 %. Cependant, la croissance des ventes au détail a été modeste, avec une augmentation de 4,7 % par rapport à l’année précédente, et plus faible en mars. La Chine doit continuer à encourager la consommation pour réduire le chômage des jeunes et aider les entreprises et les ménages endettés.
Les exportations robustes en début d’année ont également contribué à la croissance, bien que la baisse des prix ait limité les gains réels. Le tourisme intérieur et les ventes de smartphones ont connu une hausse pendant le Nouvel An lunaire (sauf pour Apple), dépassant les niveaux prépandémiques. Cependant, la baisse généralisée des prix reste un défi, en particulier pour les exportations et le commerce de gros.
On a observé le ralentissement de la construction de nouveaux logements et la baisse des prix des appartements. En même temps, les banques ont été encouragées par le Gouvernement à donner plus de prêts pour finir les appartements sur le point de terminer, sachant qu’en 2023, les achèvements ont atteint 7,8 milliards de pieds carrés (square feet) en 2023, éclipsant pour la première fois les mises en chantier (4).
Bien sûr, les taux d’intérêt américains élevés ont un impact négatif.
Il est important de considérer tous ces éléments lors de l’évaluation de la situation globale. La route à parcourir est encore longue et difficile. Des efforts sont indispensables pour promouvoir les transformations déjà initiées (5).
Y a-t-il un problème de surcapacité (overcapacity) ?
Lors de réunions de haut niveau au début du mois avec des responsables chinois, la secrétaire au Trésor Janet L. Yellen a estimé qu’il y a un problème de surcapacité de l’industrie chinoise qui inonderait les marchés d’exportations, perturberait les chaînes d’approvisionnement et menacerait les industries et les emplois.
Madame Yellen, une experte en économie, devrait comprendre que l’expansion des parts de marché d’un produit est étroitement liée à ses avantages comparatifs, tels que les coûts de production, la qualité et le marketing. Dans un marché concurrentiel, il n’y a pas de problème de surcapacité, car les produits de qualité avec un coût moindre se vendent naturellement mieux que les autres. Par ailleurs, la capacité de production relève d’une décision librement prise des acteurs en présence.
De plus, certains produits concernés, tels que les voitures électriques, sont encore au stade initial de leur développement sur le marché mondial des automobiles. D’où vient donc cette notion de surcapacité ? Sinon, comment doit-on qualifier la situation d’ASML qui domine complètement le marché des machines de lithographies notamment les EVU ?
La vérité est que les exportations chinoises inquiètent de nombreux pays et entreprises étrangers.Lorsque leurs produits possèdent les pleins avantages comparatifs, ils sont 100% pour la libre concurrence vers la Chine ; quand cela ne soit pas le cas, ils craignent qu’un afflux de livraisons chinoises vers des marchés lointains ne porte atteinte à leurs industries manufacturières.Il semble que l’histoire d’Overcapacity soit simplement un nouveau prétexte inventé pour justifier le protectionnisme.
Un autre cas mérite d’être soulevé. Depuis plusieurs années, nous observons des sanctions touchant les chipsets, notamment les machines et les produits haut de gamme. Les entreprises américaines et européennes sont interdites de les vendre à la Chine. Le jour où la Chine serait en mesure de produire ces chipsets en grande quantité, avec la qualité requise et à moindre coût, peut-être entendrons -nous la même histoire de surcapacité chinoise ?
Plutôt que de rêver à imposer une sorte de VER à la japonaise (Volontary Export Restraint – limitation volontaire des exportations) (6), il serait plus judicieux d’être franc et de s’engager pleinement dans le dialogue en respectant intégralement les règles de l’OMC.
Le nouveau modèle / la nouvelle productivité
Beaucoup parlent de la nouvelle productivité ou du nouveau modèle économique en Chine. De quoi s’agit-il ? L’objectif est d’augmenter la production en tirant parti des progrès technologiques et scientifiques, en particulier dans les secteurs de pointe, pour dynamiser l’économie et créer davantage de valeur ajoutée (7). Le trio des véhicules électriques, des batteries et des panneaux solaires est souvent cité en exemple.
Conclusion
Depuis 2019, le ralentissement de la croissance en Chine a conduit de nombreux observateurs à affirmer que le pays avait déjà atteint son apogée en tant que puissance économique. Cependant, dans son récent article intitulé La Chine se développe encore (China Is Still Rising), publié dans la Revue Foreign Affairs, l’économiste américain de renom Nicholas Lardy estime que cette vision témoigne d’une compréhension insuffisante de la résilience de la Chine.
Il est indéniable que la Chine est confrontée à d’énormes défis, tels que la bulle immobilière, les sanctions imposées par les États-Unis, relatives aux exportations de technologies de pointe, notamment les semi-conducteurs haut de gamme, une population vieillissante, le chômage croissant des jeunes, le surendettement des gouvernements locaux et la nécessité de stimuler la consommation intérieure. En même temps, il convient de rappeler que la Chine a surmonté des défis bien plus importants par le passé lorsqu’elle a entamé ses réformes et son ouverture.
Nicholas Lardy est convaincu que la Chine continuerait de croître à un rythme deux fois plus rapide que les États-Unis à l’avenir (8). Il prédit que la Chine contribuerait, à hauteur d’un tiers, à la croissance économique mondiale, tout en étendant son influence, principalement en Asie. La solide performance du premier trimestre confirme cette tendance.
1. Cf. Bureau national des statistiques de la Chine. PIB : 29 630 milliards de RMB (4 100 milliards de dollars) ; +5,3% sur un an. Ventes au détail : 12 000 milliards de RMB (1 660 milliards de dollars) ; +4,7%. Valeur ajoutée industrielle : +4,5%. Valeur ajoutée des services : +5%2. Joe Cash and Kevin Yao, China’s economy grew faster than expected in the March quarter, Reuters, April 16, 2024 Ceux qui sont derrière les chiffres.
3. China’s Economy,Propelled by Its Factories, Grew More Than Expected, Keith Bradsher, Alexandra Stevenson, April 17; 2024.
4. Nicholas R. Lardy, China Is Still Rising, Don’t Underestimate the World’s Second-Biggest Economy, Foreign Affairs,
April 2, 2024
5. Alex Wang, L’économie chinoise : douleurs transitoires ou début d’effondrement, Revue Conflits, le 14 février 2024.
6. Les VER sont apparus dans les années 1930 et ont gagné en popularité dans les années 1980, lorsque le Japon en a utilisé un pour limiter les exportations automobiles vers les États-Unis. En 1994, les membres de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) ont convenu de ne pas mettre en œuvre de nouveaux VER et d’éliminer progressivement ceux qui existaient déjà (Cf. Marshall Hargrave, September 20, 2023)
7. Cf. 新质生产力的内涵特征和发展重点, 习近平经济思想研究中心, 2024/03/01
8. Nicholas R. Lardy, China Is Still Rising, Don’t Underestimate the World’s Second-Biggest Economy, Foreign Affairs,
Les attaques incessantes des Houthis sur les navires marchands en mer Rouge sont un coup dur pour le commerce mondial. Pour les protéger, les marines de guerre occidentales livrent aux rebelles une petite guerre navale, surtout défensive. Mais les opérations sont coûteuses et la stratégie des Yéménites de harcèlement à coûts faibles est fonctionnelle. Un parallèle est à faire avec les idées de la Jeune École, qui ambitionnait de révolutionner la guerre navale en pensant une marine française qui serait comme David contre le Goliath britannique.
Kevin D. McCranie est titulaire de la chaire Philip A. Crowl de stratégie comparative à l’U.S. Naval War College. Il est l’auteur de Mahan, Corbett, and the Foundations of Naval Strategic Thought (Mahan, Corbett et les fondements de la pensée stratégique navale). Les positions exprimées dans cet article n’engagent que l’auteur et ne représentent pas celles du Naval War College, de la marine américaine, du ministère de la défense ou de tout autre organe du gouvernement américain.
Récemment, un journaliste a interrogé le vice-amiral Brad Cooper, du commandement central des États-Unis, sur les opérations navales en mer Rouge et dans le golfe d’Aden : « À quand remonte la dernière fois où la marine américaine a opéré à ce rythme pendant deux mois ? » La réponse de l’amiral est éloquente : «Je pense qu’il faut remonter à la Seconde Guerre mondiale pour trouver des navires engagés dans le combat. Quand je dis « engagés dans le combat », c’est qu’ils se font tirer dessus, que nous nous faisons tirer dessus et que nous ripostons ». M. Cooper a décrit les combats qui se sont déroulés depuis la fin de l’année 2023 avec des drones et des missiles houthis ciblant les navires. L’utilisation de ces armes devient de plus en plus sophistiquée, les rapports indiquant que les Houthis ont lancé au moins 28 drones en une seule journée au début du mois de mars.
Pour mieux comprendre le conflit entre les Houthis et les puissances navales qui protègent la navigation dans la région, il est important de revenir sur les idées divergentes concernant la stratégie navale à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle. L’un des camps mettait l’accent sur les flottes traditionnelles et la puissance navale, tandis que l’autre, y compris un groupe originaire de France connu sous le nom de Jeune École, proposait une autre approche de la guerre navale. Elle s’appuyait sur de petites flottilles armées de torpilles pour mettre en péril les flottes traditionnelles et exposer leurs navires commerciaux à des attaques incessantes. Aujourd’hui, les États-Unis et leurs partenaires navals possèdent la flotte traditionnelle, tandis que les Houthis sont en train de réimaginer la Jeune École pour le XXIe siècle.
Approches de la stratégie navale
À l’aube du XXe siècle, beaucoup de choses ont changé depuis la dernière grande guerre comportant un élément naval important, qui s’est achevée avec la défaite de Napoléon. Les nouvelles technologies ont transformé la guerre en mer, mais les modalités de cette transformation font l’objet d’un débat sans fin. Après la publication de The Influence of Sea Power upon History (L’influence de la puissance maritime sur l’histoire) en 1890, Alfred T. Mahan est devenu le commentateur le plus reconnu des affaires navales. Dix ans et demi plus tard, Mahan affirmait : « L’histoire navale témoigne de deux courants continus de croyance, l’un dans l’efficacité supérieure des grands navires, l’autre dans la possibilité d’atteindre un moyen d’attaque bon marché qui supplantera la nécessité des grands navires ». Plus précisément, il se lamente :
« Aucune déception ne tue cette attente ; l’expérience ne peut rien contre elle, et elle est tout aussi impuissante à réprimer la théorie, qui revient sans cesse, selon laquelle une certaine catégorie de petits navires, dotés de qualités particulièrement redoutables, sera trouvée pour combiner résistance et économie, et ainsi mettre fin à la suprématie, jamais ébranlée jusqu’à présent, du grand navire de l’ordre de bataille … le contrôle de la mer passera aux mains du destructeur ».
Mahan décrit une tension palpable entre ceux qui affirment que l’histoire n’est plus un guide efficace pour comprendre l’environnement maritime contemporain, et ceux qui pensent que l’histoire, si elle est utilisée judicieusement, peut donner un aperçu des conditions contemporaines. Mahan appartenait à ce dernier groupe. La plupart des écrivains anglophones de l’époque, y compris Julian Corbett, étaient d’accord avec lui.
Mahan et Corbett ont défendu la pertinence d’une flotte équilibrée. En temps de guerre, la mission de la flotte était d’assurer la « maîtrise de la mer », définie par Corbett comme « le fait de s’établir dans une position telle que nous puissions contrôler les communications maritimes de toutes les parties concernées ». Pour ce faire, la marine doit vaincre ou bloquer les flottes rivales, puis utiliser la force brute pour réguler les activités commerciales et militaires en mer.
La Jeune École entre en scène
La Jeune École est née en France dans les dernières décennies du XIXe siècle. Ses membres sont issus de la marine, du gouvernement et de la presse. Parmi ces derniers, Gabriel Charmes a joué un rôle important dans la propagande des idées de la Jeune École. Auguste Gougeard, officier de marine à la retraite, est l’un des premiers partisans à accéder à un poste gouvernemental important lorsqu’il est nommé ministre de la marine pendant quelques mois en 1881 et 1882. La figure centrale est cependant Théophile Aube. Il atteint le rang d’amiral et devient ministre de la Marine.
Ensemble, les membres de la Jeune École reconnaissent l’Allemagne comme l’ennemi principal de la France. En raison de l’immédiateté de cette menace terrestre contiguë, l’armée française est prioritaire. En revanche, la marine française n’obtiendrait jamais suffisamment de fonds pour défier symétriquement la Royal Navy britannique pour le commandement de la mer – au lieu de cela, les partisans de la Jeune École développent une stratégie pour affronter la Grande-Bretagne à moindre coût. Contrairement à Mahan et à ses partisans qui s’appuient sur la pertinence de l’histoire, ils affirment que de nouvelles technologies relativement peu coûteuses ont révolutionné la guerre navale au point que l’histoire ne peut plus servir de guide. Faisant la promotion de petites flottilles peu coûteuses, Aube explique que « l’escadre, qui est plus ou moins une collection de cuirassés, n’est plus la garantie de la puissance navale ». Et Gougeard d’ajouter : « Il est et il sera toujours ridicule de risquer 12 à 15 millions, et même davantage, contre 200 000 ou 300 000 francs, et six cents hommes contre douze ». Le risque encouru par des navires de guerre coûtant des millions et dotés de centaines d’hommes d’équipage devrait être mis en balance avec l’utilisation agressive de navires beaucoup plus petits coûtant une fraction de ce montant et dotés d’une poignée d’hommes d’équipage. Les partisans de la Jeune École pensent pouvoir chasser la flotte britannique des côtes françaises.
En empêchant la Royal Navy de bloquer les ports français, les pilleurs de commerce français pourraient s’échapper vers les océans où ils pourraient infliger des chocs catastrophiques à la navigation commerciale britannique en coulant les navires avec leurs passagers et leurs équipages. Compte tenu de l’importance du commerce pour l’économie britannique, les membres de la Jeune École pensent que les effets économiques sur la Grande-Bretagne seront décisifs. Selon Charmes, « la rivalité économique sera plus chaude que la compétition militaire ». Il spécule que « la prime d’assurance contre les pertes en mer deviendra si élevée que la navigation sera impossible ».
L’obtention d’effets à partir des nouvelles technologies d’armement est au cœur de l’argumentation de la Jeune École. Pour eux, le mariage des petites embarcations de flottille avec la torpille est essentiel, voire décisif, car il permet de disposer d’un moyen rentable pour mettre en péril les navires de guerre les plus grands et les plus coûteux. Même ceux qui remettaient en question les idées de la Jeune École admettaient que le torpilleur changeait la donne. Corbett décrit comment ces petites embarcations de flottille armées de torpilles ont acquis une « puissance de combat ». Il affirme : « C’est une caractéristique de la guerre navale qui est entièrement nouvelle. À toutes fins utiles, elle était inconnue jusqu’au développement complet de la torpille mobile ».
Philip H. Colomb, officier de marine britannique à la retraite et commentateur important de la puissance navale à la fin du XIXe siècle, explique que la Jeune École « peut avoir tout à fait tort dans ses spéculations, et tout à fait raison dans ses conseils pratiques, qui n’ont pas grand-chose à voir avec ses spéculations ». Colomb est d’accord avec la Jeune École pour dire que la flotte de guerre française n’a aucune chance face à la Royal Navy, et il reconnaît également la vulnérabilité du commerce britannique. Cependant, Colomb pense que la méthode technologique de la Jeune École pour déstabiliser la position commerciale de la Grande-Bretagne sera moins efficace que ne le croient ses adeptes.
Rétrospectivement, la stratégie de la Jeune École était pour le moins prématurée. Ils avaient identifié plusieurs vulnérabilités critiques de la puissance navale dominante, mais les technologies des années 1880 s’avéraient incapables de les exploiter pour obtenir un effet décisif. Bien plus tard, le développement du sous-marin et ce qu’il a accompli au cours des guerres mondiales ont donné un nouveau souffle à la Jeune École. Lors des deux guerres mondiales, l’Allemagne, puissance navale la plus faible, avait utilisé le sous-marin en combinaison avec la torpille pour obtenir des effets plus proches de ceux postulés par la Jeune École, mais dans les deux guerres mondiales, les puissances navales dominantes se sont montrées résistantes. À l’inverse, la campagne sous-marine la plus efficace des deux guerres mondiales a été menée par la marine américaine dans le Pacifique, mais au moment où cette campagne a produit ses plus grands effets, la marine américaine était devenue la puissance navale dominante, et les sous-marins n’ont été qu’un instrument parmi d’autres pour mettre en péril la navigation japonaise.
Pertinence contemporaine
La dernière grande guerre navale s’est achevée en 1945 avec la défaite du Japon impérial. Au cours des décennies suivantes, les changements technologiques ont transformé l’environnement maritime international, mais ce que ces changements signifient pour la guerre navale reste flou.
Il est toutefois possible d’y voir un peu plus clair en étudiant les événements actuels en mer Rouge. Les Houthis, officiellement connus sous le nom d’Ansar Allah, sont un groupe militant chiite au Yémen. Le groupe contrôle de vastes zones de l’ouest du Yémen. Depuis la fin de l’année 2023, les Houthis ont utilisé divers types de technologies d’armement relativement peu coûteuses, notamment des drones aériens et maritimes ainsi que des missiles de croisière et balistiques, pour attaquer des navires de guerre et des navires commerciaux autour de l’entrée sud de la mer Rouge. On pourrait dire que les Houthis modernisent les méthodes de la Jeune École.
À l’époque où la Jeune École a écrit, le monde était devenu de plus en plus dépendant du commerce maritime pour les biens dont la société avait besoin pour survivre. Les partisans de la Jeune École ont cherché à transformer cette dépendance à l’égard du transport maritime mondial en un risque. L’interruption des lignes de communication maritimes peut toujours avoir des effets démesurés. Il suffit de penser aux coûts engendrés par le blocage du canal de Suez par un grand porte-conteneurs, l’Ever Given, en 2021. Bien que la situation du porte-conteneurs soit due à un accident, les Houthis exercent une pression similaire sur les chaînes d’approvisionnement mondiales. Pour ce faire, les Houthis mettent en péril la navigation maritime en utilisant des drones et des missiles. La Jeune École ne s’attendait pas à couler un grand nombre de navires marchands ; son objectif était plutôt de perturber le commerce et d’augmenter les coûts de transport. Les actions des Houthis semblent avoir des effets similaires.
En ce qui concerne les attaques des Houthis contre les navires de guerre, la Jeune École a identifié l’écart de coût entre les navires de guerre et les armes tueuses de navires. Depuis lors, les navires de guerre sont devenus encore plus chers et les technologies permettant de les attaquer ont proliféré. En apparence, l’argument technologique de la Jeune École semble se vérifier, bien qu’avec différents types de missiles et de drones plutôt que des torpilles et des flottilles.
Cependant, les technologies défensives continuent également de progresser, ce que la Jeune École n’a pas su apprécier à sa juste valeur. Il s’agit d’un thème récurrent. L’une des parties, souvent l’attaquant, utilise une nouvelle arme avec succès, et le défenseur exploite d’autres technologies pour la vaincre. Les événements survenus en mer Rouge au cours des derniers mois montrent l’efficacité des technologies défensives. Bien que les armes défensives se soient généralement avérées efficaces contre les armes offensives des Houthis, le coût d’utilisation de ces armes pourrait s’avérer prohibitif à long terme. La protection des navires par des missiles défensifs semble plus coûteuse que les missiles offensifs et les drones utilisés par les Houthis. Cela s’explique par le fait que la défense s’attaque à un problème plus difficile. Il est plus facile de cibler de grands navires se déplaçant à faible vitesse que des missiles se déplaçant rapidement. Les défenseurs cherchent toutefois de nouvelles solutions avec des canons et même des armes à énergie dirigée. Il reste à voir comment les risques liés à l’utilisation de ces moyens défensifs alternatifs s’équilibrent avec leur efficacité.
À l’heure actuelle, les combats dans la mer Rouge sont à peu près dans une impasse. Les puissances navales ont réussi à stopper la grande majorité des attaques des Houthis, bien qu’en utilisant des armes défensives coûteuses. Pourtant, les attaques se poursuivent et les coûts commerciaux augmentent. Les cas historiques concernant la protection du commerce, y compris les exemples de l’ère de la voile et des guerres mondiales, indiquent que ce type d’impasse est généralement résolu en faveur de la puissance navale la plus forte, à condition qu’elle ait la volonté et la capacité, sur le long terme, de payer les coûts de la défense.
Nous ne pouvons toutefois pas nous fier à la réponse facile selon laquelle le passé sert toujours de guide pour le présent. Il est important de se demander si le coût des transporteurs commerciaux et les dernières avancées technologiques se conjuguent pour favoriser un argument de type Jeune École ou si les marines peuvent maintenir leur présence et continuer à exercer efficacement leur commandement sur la mer.
Owen Berthevas est étudiant en Master 2 de Géopolitique à l’Université de Reims. Sa formation universitaire lui a permis de développer un attrait pour l’étude des relations entre l’espace et le pouvoir, un rapport de corrélation qu’il a su transposer dans son mémoire de recherche. Ce dernier a pour sujet l’étude de la stratégie navale iranienne au pourtour du détroit d’Ormuz.
En une trentaine d’années, la République islamique d’Iran s’est considérablement renforcée sur le plan naval. L’arsenal militaire iranien est en constante modernisation et permet à Téhéran de contester l’ordre voulu par les Etats-Unis et leurs alliés, dont Israël. Avec trois cartes.
DEPUIS LE 7 OCTOBRE 2023, date du retour du conflit israélo-palestinien avec ce qu’on appelle désormais « la guerre Israël-Hamas », le spectre de l’importance iranienne dans ce conflit n’a de cesse d’être exacerbé. En Occident, l’Iran est vu comme un acteur responsable de la déstabilisation actuelle au Proche-Orient. Il est reproché au régime iranien de financer des groupes armés pro-palestiniens, dont le Hamas fait partie.
Plus récemment l’Iran s’inscrit directement en confrontation militaire avec le régime israélien. L’offensive iranienne du 13 avril 2024, à l’encontre d’Israël a été soutenue par le Hezbollah libanais et les rebelles yéménites houthis, tous deux soupçonnés d’être financés par le gouvernement iranien. En parallèle, de récentes attaques en mer Rouge, orchestrées par les Houthis et visant à paralyser le trafic maritime mondial, sont venus mettre les gouvernements occidentaux en alerte. Un nouveau théâtre d’opération s’est donc ouvert, détournant l’attention médiatique du conflit russo-ukrainien. Ces évènements ont provoqué l’intervention militaire coordonnée des armées américaines et britanniques en mer Rouge pour, selon elles, garantir la sécurité du commerce international. Ce contexte d’instabilité régionale est renforcé par la stratégie iranienne de régionalisation des conflits et de soutien tacite aux entités chiites alliées. Pour autant, bien que le régime ne soit pas officiellement impliqué, l’Iran œuvre à la réhabilitation de ses forces armées en vue d’anticiper une potentielle confrontation avec ses rivaux.
Pour comprendre la posture qu’adopte la République islamique d’Iran, à l’aune du conflit entre Israël et le Hamas, il est important de remonter dans les années 1980 et de suivre les évolutions de la pensée stratégique du régime. Le Golfe Persique et le détroit d’Ormuz se sont avérés être des éléments charnières dans la doctrine stratégique iranienne. Nous nous concentrerons ici plus précisément sur les composantes navales du régime iranien, conscient de l’importance des espaces maritimes dans les conflits dans lesquels l’Iran est susceptible d’être engagé. D’autant plus que les agissements Houthis en mer Rouge disposent de similitudes notables avec les manœuvres iraniennes au pourtour du détroit d’Ormuz depuis 1980.
Le détroit d’Ormuz est un véritable goulet d’étranglement large de 55 kilomètres. Au même titre que le détroit de Bab-el-Mandeb, il est un espace de forte concentration de flux de marchandises. Près de 90% du pétrole produit dans le Golfe, soit entre 20 et 30% du total mondial [1], quitte la région sur des tankers par ce haut lieu [2] de la mondialisation. Les articles 38 et 39 de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer (CNUDM), confèrent aux navires internationaux le droit de traverser, sans entrave, le détroit d’Ormuz. Des couloirs de navigation sont érigés à travers les eaux territoriales iraniennes et omanaises. Toutefois, la République islamique d’Iran n’a pas ratifié la CNUDM. Le régime iranien se réserve le droit d’ignorer ces règles et d’envisager une fermeture complète du détroit d’Ormuz. Mohammad Reza Rahimi, alors vice-président iranien, déclare le 27 décembre 2011 que « si le pétrole iranien est mis sous sanctions, alors pas une goutte de pétrole ne passera par le détroit d’Ormuz ». Cette déclaration s’inscrit en réponse à l’intensification des sanctions internationales allant à l’encontre de la République islamique depuis sa proclamation en 1979.
Le tournant historique et stratégique : la guerre Iran-Irak (1980-1988)
La menace d’une fermeture du détroit d’Ormuz s’inscrit tel un outil dissuasif pour l’Iran. La posture navale iranienne dans le Golfe est, depuis la Révolution islamique, en perpétuelle reconfiguration. Toutefois, la dissuasion reste une caractéristique historiquement charnière dans la doctrine navale du régime. Ali Bagheri Dolatabadi et Mehran Kamrava, respectivement chercheurs iranien et qatari se sont focalisés sur cette évolution stratégique. Leurs travaux permettent de souligner que la République islamique d’Iran a adopté au lendemain du conflit avec l’Irak une posture navale dite « défensive », avant d’adopter au début des années 2000 une stratégie alternative « défensive – offensive » et d’entamer depuis le milieu des années 2010 une stratégie pleinement « offensive » [3].
Dès septembre 1980, la naissante République islamique fait face à l’invasion de son voisin, l’Irak. Saddam Hussein, alors à la tête du régime irakien, souhaite se prémunir de toutes potentielles révoltes populaires similaires à celles survenues en Iran entre 1978 et 1979. En parallèle, il souhaite endosser le rôle d’hégémon dans les eaux du Golfe Persique, assuré par l’Iran depuis le départ de l’armée britannique. Le conflit armé s’étend depuis la terre, dans les eaux du Golfe. L’Irak entreprend des manœuvres militaires en direction d’infrastructures pétrolières iraniennes. En réponse, Hachemi Rafsandjani, alors président iranien, fait part de la volonté iranienne de paralyser le trafic maritime pétrolières dans le Golfe [4], depuis le détroit d’Ormuz. Le Koweït, allié de l’Irak et inquiet pour ses exportations pétroliers, lance un appel à l’aide international en 1987, auquel les États-Unis répondent. Ces derniers lancent l’opération Earnest Will. Elle vise à offrir aux pétroliers koweïtiens une escorte navale. S’ensuit de nombreux évènements, impliquant tour à tour les Gardiens de la Révolution iranienne en charge de la sécurité au large du détroit d’Ormuz et la marine américaine. L’US Navy inflige à la marine iranienne, des pertes matérielles considérables mais au-delà de l’aspect matériel, l’issue de ce conflit marque un tournant dans la configuration stratégique iranienne en mer.
En 1988, l’Iran est militairement, économiquement et socialement affaibli. Le gouvernement, soucieux de protéger les intérêts de la République islamique entame un examen complet et une révision de sa stratégie militaire navale [5]. Cette période de transition est marquée par l’adoption d’une posture avant tout défensive. L’objectif étant d’éviter toute potentielle confrontation avec les États arabes voisins le temps de reconstruire l’arsenal militaire défait après le conflit contre l’Irak. Jusqu’au début des années 2000, l’Iran ne dispose pas de moyens militaires à la hauteur de ses ambitions. Le régime laisse planer le doute quant à l’efficacité et l’effectivité de ses forces militaires, dans le but de décourager tout potentiel adversaire d’entreprendre des manœuvres offensives à l’encontre de la République islamique.
Le 29 janvier 2002, George W. Bush, dans son discours sur l’état de l’Union inclut l’Iran, au même titre que l’Irak et la Corée du Nord, dans « l’axe du mal » [6]. Accusé de soutenir le terrorisme au lendemain des attentats du World Trade Center, la République islamique est témoin des invasions américaines successives de l’Afghanistan en 2001 et de l’Irak en 2003. L’US Navy renforce, en parallèle, sa présence dans le Golfe Persique en vue de mener une potentielle attaque depuis la mer. L’omniprésence américaine encourage les dirigeants iraniens à revoir leur doctrine auparavant uniquement défensive et dissuasive. L’Iran développe alors ses capacités offensives afin de rendre toute attaque éventuelle contre le régime, prohibitive pour l’adversaire [7]. Pour ce faire, les deux forces armées navales iraniennes voient leurs effectifs renforcés. La coopération entre la Marine de la République islamique (IRIN) et la Marine du Corps des Gardiens de la révolution (IRGCN) est retravaillée et leurs moyens sont accrus. En 2007, le gouvernement iranien redéfinit les zones de responsabilité de ses deux marines, en des districts navals. Les opérations stratégiques menées dans le Golfe Persique sont alors confiées aux Gardiens de la révolution alors que celles en haute mer sont du ressort de la Marine régulière. Le quartier général de l’IRIN est installé à Bandar Abbas, ville portuaire d’une importance capitale dans la reconfiguration stratégique iranienne dans le Golfe. L’Iran a en parallèle œuvré à la militarisation de son littoral, depuis la côte mais aussi depuis les nombreuses îles sous contrôle du régime, dans les eaux du Golfe. L’instauration d’une stratégie dite « défensive – offensive » est toujours fondée sur le principe de dissuasion, mais elle permet au régime iranien d’allier acte et discours. Les forces navales iraniennes sont enclines à mener des actions de déstabilisation capables de surprendre l’ennemi au pourtour du détroit d’Ormuz.
Une nouvelle doctrine stratégique dite « offensive »
Ali Khamenei, Guide suprême de la Révolution iranien depuis 1989, déclare en 2016 qu’afin « de sécuriser, la nation, le pays et l’avenir, en plus de la capacité défensive, la puissance offensive doit être accrue » [8]. Progressivement, l’aspect offensif prend le dessus sur le caractère défensif. Le retrait américain de l’Accord sur le nucléaire iranien en 2018, confirme le régime des mollahs dans l’adoption de cette nouvelle philosophie stratégique.
L’objectif pour Téhéran n’est pas de lutter pour la suprématie dans les eaux du Golfe, mais bien de contrecarrer celle des États-Unis à bas coût.
Les composantes navales occupent un rôle central dans cette reconfiguration. La modernisation des forces maritimes opérée dès 2016, témoigne d’une ambition croissante d’assoir l’emprise iranienne au pourtour du détroit d’Ormuz et dans l’ensemble du Golfe Persique. Cette position est érigée à l’encontre de la politique étrangère des États-Unis et de la présence de la Ve flotte américaine stationnée à Manama depuis 1995. Toutefois, l’objectif pour Téhéran n’est pas de lutter pour la suprématie dans les eaux du Golfe, mais bien de contrecarrer celle des États-Unis à bas coût [9]. Cette doctrine a été plus conçue pour défier ce que les autorités iraniennes perçoivent comme les ambitions hégémoniques de Washington, que pour s’opposer aux rivaux régionaux [10]. La rhétorique stratégique évolue à la fin de la décennie 2010, l’Iran ne se contente plus de simplement répliquer à une potentielle attaque. Le régime affirme être prêt à entamer un conflit armé dès le moindre faux-pas adverse. La doctrine iranienne visant à sanctuariser le territoire, se base une nouvelle fois sur une forme rhétorique dissuasive.
En parallèle, l’Iran a poursuivi son réarmement militaire. L’objectif étant de faire concorder l’aspect rhétorique et la réalité matérielle. Le régime s’est attelé à développer sa capacité en matière de missiles. Ce type d’armement permet d’atteindre des cibles relativement éloignées des côtes iraniennes en un temps record. Le caractère amovible des véhicules transportant les systèmes de lancement est aussi un réel atout en temps de guerre. Le renforcement de l’armée de l’air, vise aussi à renforcer les capacités navales offensives iraniennes et à soutenir une potentielle fermeture du détroit d’Ormuz.
Le développement d’une réponse asymétrique
En réponse à la présence américaine, l’Iran a développé une stratégie asymétrique. Comme au temps de la Guerre froide, cette stratégie réside en la capacité à convaincre l’adversaire potentiel que le prix à payer pour remporter la victoire est disproportionné au regard des dommages qui lui seront infligés [11]. L’asymétrie est une stratégie utilisée par les puissances révisionnistes, qui consiste à agir dans la zone grise pour ne pas être tenu responsable [12]. Pour la République islamique d’Iran, l’asymétrie passe par le développement de moyens militaires non-conventionnels mais aussi par l’adoption de stratégies méticuleusement définies.
Dans un premier temps, le régime iranien a fréquemment recours à la stratégie du déni plausible. Cette dernière réside en la capacité pour l’Iran de mener des attaques sans qu’il soit possible, à court terme, de retracer avec précision l’origine [13]. Pour Benjamin Blandin, cette pratique s’inscrit dans « une guerre de l’ombre ». Le Corps des Gardiens de la Révolution (CGRI) dispose de nombreux bateaux, vifs et furtifs, capables de se dissimuler dans la masse d’embarcations au pourtour du détroit d’Ormuz et d’agir dans la zone grise. Le géographe français Philippe Boulanger définit, dans son ouvrage intitulé « Géographie militaire et géostratégie », les zones grises comme « des zones de non-droit, d’absence ou de faiblesse de l’État sur tout le territoire national ou sur une partie » [14]. Téhéran laisse au CGRI la possibilité d’opérer dans l’ombre, l’objectif étant de contrôler officieusement le pourtour du détroit. Cette stratégie du déni plausible est facilitée par la présence de nombreux bateaux de pêche et de commerce stationnés dans les ports iraniens. Le régime profite de la présence de ces multiples embarcations pour y dissimuler des infrastructures et des bâtiments militaires. Distinguer un « fast boat » militaire au milieu d’une foule d’embarcations via des images satellites, n’est pas chose aisée. Pour les Occidentaux, lors de potentiels incidents, il est difficile de trouver des preuves fiables et de justifier des représailles. La géographie du littoral iranien est alors extrêmement précieuse pour l’Iran. La bonne exploitation du littoral est une caractéristique charnière de cette stratégie navale asymétrique.
Téhéran souhaite rendre l’accès à son espace maritime extrêmement risqué pour ses adversaires.
Dans un second temps, la République islamique a développé une stratégie de déni d’accès. Elle fait référence aux capacités, généralement à longue portée, conçues pour empêcher un ennemi en progression de pénétrer une zone opérationnelle. Cette stratégie est complémentaire avec le déni de zone qui réfère aux capacités généralement de courte portée, conçues non pas pour empêcher l’ennemi d’entrer, mais pour limiter sa liberté d’action dans la zone opérationnelle [15]. Ce type de stratégie est une nouvelle fois issue de la Guerre froide. Présenté sous le prisme du contexte des conflits actuels, le déni d’accès est avant tout la défense d’un territoire face à un envahisseur. En l’occurrence ici, l’Iran a érigé cette stratégie en réponse à la présence américaine dans le Golfe. Téhéran souhaite rendre l’accès à son espace maritime extrêmement risqué pour ses adversaires. Cette stratégie reste avant tout dissuasive [16] mais elle s’inscrit pleinement dans la logique de guerre asymétrique menée par la République islamique.
Afin de mettre en place ces stratégies, l’Iran s’est renforcé sur le plan technologique et militaire. Le régime dispose d’un arsenal de missiles de tous types, enclin à soutenir les manœuvres maritimes et contribuant directement à la dissuasion globale. L’Iran dispose notamment de missiles balistiques ayant une portée plus vaste que celle d’un missile tactique de croisière. Théoriquement, la capacité balistique iranienne est jugée suffisante pour atteindre toutes les bases américaines dans la région [17]. Le gouvernement iranien, conscient du caractère dissuasif de ses missiles, met l’accent sur la médiatisation de ses progrès technologiques en la matière. Les exercices militaires dans le Golfe sont aussi fréquemment relayés par la presse nationale. L’aspect psychologique est central dans la doctrine iranienne.
Bandar Abbas, une ville portuaire d’importance capitale
La ville portuaire de Bandar Abbas est située sur les rives du Golfe Persique, au Nord du détroit d’Ormuz. Le port de Shahid Bahonar abrite la principale base navale iranienne. Cette dernière est pour l’Iran, le garant de la sécurité et du trafic maritime dans le détroit. L’ayatollah Khamenei souligne en juillet 2011, lors d’une visite de la base navale de Bandar Abbas, que « les forces navales de l’armée et du Corps des Gardiens de la Révolution Islamique sont le symbole de l’autorité de la nation iranienne, dans la défense des intérêts de notre pays dans le Golfe Persique et la mer d’Oman » [18]. Le CGRI a déplacé en juillet 2010 l’ensemble de son quartier général de la banlieue de Téhéran à Bandar Abbas afin de faciliter le contrôle opérationnel des forces [19]. Toutefois, la situation géographique de la ville fait que la marine iranienne y a également installé son quartier général. Bandar Abbas étant situé à la jonction entre les eaux du Golfe Persique, sous responsabilité de l’IRGCN, et la haute mer placée sous l’égide de la marine régulière. Les deux forces armées sont amenées à cohabiter et le port de Shahid Bahonar est à l’image de la structure militaire bicéphale du pays. Il est lui-même divisé en deux parties distinctes comme nous le montre l’image satellite ci-dessous. L’IRIN et l’IRGCN disposent d’installations respectivement disposées à l’est et à l’ouest de l’entrée du port. Le nord est quant à lui réservé aux activités civiles, mais la proximité avec les infrastructures militaires est notable. Cette disposition s’inscrit pleinement dans la stratégie de déni plausible mise en place par le gouvernement iranien et développée précédemment.
Les technologies d’ISR (Intelligence, Surveillance and Reconnaissance) [20] permettent, partiellement, aux rivaux de l’Iran de détecter, au sein de ces infrastructures portuaires, les différents bâtiments de guerres opérationnels ou en construction, amenés à manœuvrer dans les eaux du Golfe Persique. La lecture d’articles publiés par la presse locale, est aussi une méthode qui permet de dresser un inventaire plus ou moins précis de l’arsenal militaire iranien. À titre d’exemple, en 2019, les autorités iraniennes ont organisé une cérémonie médiatisée, depuis Bandar Abbas, pour présenter leur nouvelle gamme de sous-marins, le « Fateh » [21]. Téhéran fait de la production nationale de son arsenal une priorité. Le ministère de la Défense iranien dispose notamment d’une « Organisation des Industries de la Marine » entièrement nationalisée et l’une de ses entreprises phare de conception navale, Shahid Darvishi, est implantée à Bandar Abbas. Cette ville portuaire est donc hautement stratégique pour l’Iran mais aussi pour ses potentiels rivaux. La forte concentration d’équipements et d’infrastructures militaires dans la ville reste un facteur de vulnérabilité pour l’Iran.
Bandar Abbas joue aussi un rôle stratégique dans l’économie de la région. Les infrastructures aéroportuaires permettent une insertion directe dans le commerce international. De nombreux pétroliers accostent chaque jour dans le port en eaux profondes de Shahid Rajea et dans le port pétrolier de Foulad Jetty. La raffinerie inaugurée en 1996, à proximité de ce dernier, place Bandar Abbas au cœur du dispositif d’exportations maritimes de l’Iran [22]. La carte ci-dessous met en avant la connexion entre l’hinterland (arrière-pays) et Bandar Abbas. De nombreuses voies de communication, dont une voie chemin de fer, permettent la connexion vers le reste du pays mais aussi vers l’Europe et l’Asie. L’Iran est, en parallèle, au cœur du projet chinois des Nouvelles routes de la soie. Cette initiative vise à faciliter les liaisons commerciales entre la Chine et l’Europe. Pour ce faire, Pékin participe activement à la rénovation et la modernisation des ports de Bouchehr et Bandar Abbas ce qui contribue grandement au dynamisme économique du littoral iranien.
Bandar Abbas dispose donc d’un double intérêt stratégique pour le gouvernement iranien. D’un côté, sur le plan militaire, cette ville portuaire s’affirme comme une base arrière stratégique à proximité directe du détroit d’Ormuz. La présence de nombreuses infrastructures et bâtiments militaires permet au régime d’assurer un certain contrôle sur cette zone. De l’autre côté, malgré les sanctions économiques, Bandar Abbas reste une ville insérée dans la mondialisation. Les flux maritimes mondiaux et régionaux lui confèrent un caractère économique et commercial stratégique.
La stratégie iranienne à l’origine d’une reconfiguration de l’ordre géostratégique régional ?
La stratégie navale iranienne repose sur un fort ancrage territorial depuis le littoral. Ce dernier dispose d’une multitude d’avantages géographiques sur lesquels l’Iran s’est appuyé pour renforcer son emprise au pourtour du détroit d’Ormuz. La République islamique s’appuie aussi sur un certain nombre d’îles situées dans le Golfe. Trois d’entre-elles sont une source de tensions historiques avec les Émirats Arabes Unis (EAU). En effet, le statut des îles d’Abou Moussa, de Petite et Grande Tomb est sujet de controverse entre iraniens et émiratis. Le conflit remonte à 1971, date de la création des EAU. L’Iran, alors sous domination du shah envahi quelques jours avant la proclamation d’indépendance des EAU, ces trois îlots, dont la superficie ne dépasse pas les 10 km2. Depuis ce jour, ces trois îles sont revendiquées par les EAU mais restent sous contrôle iranien. La présence de quelques ressources pétrolières justifie en partie cette occupation, mais c’est avant tout leur position géographique, qui confère à ces îlots, leur intérêt stratégique. Dans le cadre de sa nouvelle posture stratégique, l’Iran a largement renforcé sa présence militaire dans ces îles du Golfe Persique [23]. Au même titre que les îles de Qeshm, Hormuz ou encore Larak, ces îlots revendiqués par les EAU, constituent une ligne de défense avancée et militarisée. L’installation de missiles balistiques et tactiques sur ces territoires insulaires permettent à l’Iran d’élargir son champ d’action en matière de dissuasion.
Ces actions de constante militarisation de la région ne sont pas sans répercussions de l’autre côté du Golfe Persique. Les États du Conseil de Coopération du Golfe (CCG) œuvrent en conséquence à la modernisation de leur arsenal militaire. Les marines des États du Golfe sont très longtemps restées cantonnées à un stade de développement embryonnaire par rapport aux forces aériennes et terrestres [24]. Selon Kévin Thievon, la composante navale fut historiquement délaissée par les pays du CCG puisque la présence de la Ve flotte américaine leur assurait une protection suffisante. Seulement, ces États ont cherché à se détacher progressivement du parapluie américain sous lequel ils se tenaient depuis la guerre Iran-Irak. Sous la présidence de Donald Trump, les États-Unis ont accru leur velléité isolationniste en se retirant notamment d’Afghanistan. Cette tendance au retrait a encouragé les États du Golfe à développer leurs capacités à assurer, eux-mêmes, la sécurité dans leurs eaux territoriales. Pour ce faire, depuis 2010, les États membres du CCG ont affecté des budgets croissants au domaine militaire. Par exemple, le Qatar a augmenté de près de 518% son budget militaire entre 2010 et 2021 pour atteindre un total d’environ 11,6 milliards de dollars. Cette tendance à l’augmentation est notable pour tous les pays de la côte ouest du Golfe Persique. Toutefois, la modernisation navale opérée depuis 2010, ne repose pas uniquement sur l’achat à outrance d’équipements dernier cri et sur l’augmentation du budget alloué à la marine. En effet, elle repose aussi sur la transformation de la philosophie navale en mettant l’accent sur l’amélioration du moral et la formation des marins à l’utilisation de technologies de pointe [25].
Le retrait progressif américain et l’émergence, sur le plan naval, de l’Iran tel un acteur enclin à endosser le rôle de leader régional a poussé les États du CCG à moderniser leurs marines respectives. A titre d’exemple, l’Iran est le seul État de la région qui dispose de sous-marins capables d’opérer dans le Golfe. Les partenariats iraniens, avec la Russie et récemment la Chine contribuent à renforcer la posture militaire du régime. L’adhésion de l’Iran à l’Organisation de Coopération de Shangaï en septembre 2021 a facilité le rapprochement sino-iranien. Comme évoqué précédemment, la Chine joue un rôle clé dans la redynamisation économique du littoral en Iran. Sur le plan militaire, les deux pays ont, aux côtés de la Russie, réalisés des manœuvres navales conjointes dans l’Océan Indien en 2022. L’objectif affiché était de « renforcer la sécurité commune » [26].
Conclusion
Les considérations géostratégiques et commerciales sont, en mer Rouge, similaires à celles observables au pourtour du détroit d’Ormuz. Les Houthis font planer la menace de leurs actions sur le trafic maritime mondial à l’instar des multiples mises en gardes iraniennes de fermeture du détroit. Une fois de plus, il est possible de faire le parallèle entre ces deux situations.
Pour ce qui est du gouvernement iranien, la tactique asymétrique adoptée vise à handicaper l’hégémonie apparente de la marine américaine dans le Golfe tout en anticipant l’implantation de navires étrangers et alliés des États-Unis dans la zone. L’éventualité d’un déploiement militaire dans le Golfe étant une option étudiée depuis le 7 octobre 2023. En revanche, la marine iranienne s’est alors affirmée comme la plus encline, sur le plan régional, à mener des opérations d’envergure dans la région. Ces actions sont renforcées et consolidées par des relations économiques, commerciales et militaires de plus en plus fortes avec la Chine. La République islamique d’Iran n’est donc bel et bien pas en mesure d’assurer le leadership dans l’immédiat, mais la stratégie navale appliquée dans le Golfe confère au régime une plus vaste marge de manœuvre sur le plan militaire. En une trentaine d’années, la République islamique d’Iran s’est considérablement renforcée sur le plan naval. L’arsenal militaire iranien est en constante modernisation. Il repose sur de forts partenariats stratégiques et l’objectif étant de répondre aux nouvelles attentes du régime, toujours plus ambitieuses.
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Mots-clés :
[1] PAGLIA, Morgan, (2021), « Détroit d’Ormuz : la guerre des nerfs », Politique Étrangère, Institut français des relations internationales, 2021/2, pp. 139-150.
[2] BRUNET, Roger, (dir) ; FERRAS, Robert ; THÉRY, Hervé, (1993), Les mots de la géographie, dictionnaire critique, 3e édition, Reclus – La Documentation Française, Paris – Montpellier, p. 252.
[3] BAGHERI DOLATABADI, Ali ; KAMRAVA, Mehran, (2022), “Iran’s changing naval strategy in the Persian Gulf : motives and features”, British Journal of Middle Eastern Studies.
[4] « Irak – Iran. Attaques de pétroliers dans le Golfe », Universalis.
[5] BAGHERI DOLATABADI, Ali ; KAMRAVA, Mehran, (2022), op. cit.
[6] Bush George W, State of the Union Adress¸ 29 janvier 2002.
[7] BAGHERI DOLATABADI, Ali ; KAMRAVA, Mehran, (2022), op. cit.
[8] « Le commandant en chef visite l’exposition de l’industrie et de la Défense et rencontre des responsables et des experts du ministère de la Défense », Khameinei.ir, 31 août 2016.
[10] THERME, Clément, (2022), « La stratégie maritime de la République islamique d’Iran : défis et enjeux », Les Grands Dossiers de Diplomatie, n°69, pp. 86-89.
[11] RODIER, Alain, (2010), « La doctrine asymétrique des forces iraniennes », Centre Français de Recherche sur le Renseignement, note d’actualité n°206.
[12] Entretien réalisé avec Mathieu, un chercheur aigri et spécialiste des rivalités navales dans le Golfe Persique.
[13] BLANDIN, Benjamin, (2023), « Les stratégies de déni d’accès mises en place par l’Iran », IRIS Asia Focus, n°196.
[14] BOULANGER, Philippe, (2015), « Le développement des zones grises », in, P. Boulanger, Géographie militaire et géostratégie, Armand Colin, pp. 147-172.
[15] “Joint Operational Access Concept”, U.S. Department of Defense, 17 janvier 2012.
[16] LAGRANGE, François, (2016), « L’A2/AD ou le défi stratégique de l’environnement contesté », Revue Défense Nationale, n°794, pp. 67-72.
[17] RAZOUX, Pierre, (2022), « Que penser de l’arsenal balistique iranien ? », Les Grands Dossiers de Diplomatie, n°69, p. 83.
[18] « Le Guide suprême a visité la force navale de l’armée iranienne à Bandar Abbas », Leader.ir, 23 juillet 2011.
[19] NADIMI, Farzin, (2020), “Iran’s Evolving Approach to Asymmetric Naval Warfare”, Policy Analysis, The Washington Institute for Near East Policy.
[20] En français : Renseignement, Surveillance et Reconnaissance.
[21] « La marine iranienne met un nouveau type de sous-marin en service », Laurent Lagneau, Zone Militaire, 18 février 2019.
[22] MICHELIS, Léa, (2019), L’Iran et le détroit d’Ormuz. Stratégies et enjeux de puissance depuis les années 1970, L’Harmattan, Paris, p. 65.
[23] BAGHERI DOLATABADI, Ali ; KAMRAVA, Mehran, (2022), op. cit.
[24] THIEVON, Kévin, (2023), “New Ambitions at Sea : Naval Modernisation in the Gulf States”, International Institute for Strategic Studies.
[25] THIEVON, Kévin, (2023), op. cit.
[26] « L’Iran participe à des manœuvres navales conjointes avec la Russie et la Chine dans l’Océan Indien », Radio France internationale, 20 janvier 2022.
Sébastien Lecornu, le ministre des Armées, a récemment annoncé un renforcement significatif de l’arsenal français avec la commande de 2000 drones kamikazes. Cette décision stratégique a été révélée lors d’une visite à l’entreprise Delair, située à Labège, près de Toulouse. Ce choix illustre l’importance croissante que revêtent ces technologies dans les stratégies militaires modernes, notamment en raison de leur utilisation intensive par l’Ukraine face aux tactiques de guerre électronique et de brouillage GPS des forces adverses.
L’annonce de cette commande massive de drones kamikazes intervient alors que l’Ukraine, actuellement en manque d’obus, utilise de plus en plus ces appareils dans ses opérations militaires. Les drones, notamment ceux adaptés à partir de modèles civils pour transporter des charges explosives, jouent un rôle clé sur le terrain. La France, en observant l’utilisation efficace de ces drones par l’Ukraine, cherche à améliorer ses propres capacités dans ce domaine. Selon certains médias, une partie de la commande française est d’ailleurs destinée à Kiev.
Les modalités de cette commande sont également un indicateur de la volonté française d’accroître rapidement ses capacités militaires. Deux consortiums, impliquant des PME et de grands groupes de défense, ont été sélectionnés pour fournir ces drones. Ils proposent des solutions innovantes, comme des drones à voilure tournante, qui améliorent la manœuvrabilité et l’efficacité en milieu urbain, crucial pour les opérations contemporaines.
La dimension industrielle de cette commande est également notable. Le projet Colibri, sous lequel s’inscrit cette commande, vise à développer des munitions télé-opérées capables d’opérer sur un rayon de 5 km pour un coût inférieur à 20 000 euros par unité. Cette initiative reflète un effort significatif de rationalisation des coûts et d’efficacité opérationnelle. Les premières livraisons sont prévues pour 2024-2025, marquant un jalon important dans le renforcement des capacités militaires françaises.
Le choix de Delair comme partenaire privilégié pour cette commande souligne la compétence française en matière de technologie drone. Sébastien Lecornu a loué cette PME pour sa capacité à répondre rapidement aux exigences militaires, qualifiant Delair de modèle en économie de guerre. Delair a non seulement réussi à augmenter sa cadence de production mais a aussi collaboré avec des partenaires ukrainiens pour envisager une production locale.
Cette décision stratégique de la France de commander des milliers de drones kamikazes révèle une adaptation aux réalités modernes du conflit armé, où la technologie et la rapidité de déploiement sont devenues des axes centraux de la supériorité militaire. En s’appuyant sur les retours d’expérience de l’Ukraine et en renforçant sa propre production, la France cherche à rester à l’avant-garde de la technologie militaire, tout en soutenant ses alliés en temps de crise.
Par le Chef d’escadron Thomas Arnal, officier de l’arme du Matériel et Ecole de guerre – Terre – Partie III : se donner les moyens d’une « industrie prête à la guerre »
Disposer d’une économie de guerre pour soutenir une opération d’envergure implique le renforcement d’un secteur économique structurant pour la France. Pour l’armée de Terre, il s’agit de saisir l’opportunité du contexte actuel pour retrouver l’épaisseur logistique indispensable pour répondre aux enjeux de défense actuels.
Economie de défense et défense de l’économie française
La BITD française est un maillage industriel d’environ neuf grands groupes et plus de quatre mille PME, dont quatre-cent-cinquante considérées comme stratégiques. Elle représente deux cent mille emplois de haute technicité, et 15 G€ de chiffre d’affaire (hors MCO). Avec jusqu’à 7% des emplois industriels de certaines régions, elle est l’un des rares secteurs avec l’aéronautique à contribuer positivement à la balance commerciale de la France (en 2018, l’export de la BITD représentait 6,9 G€, soit 20% des exportations françaises)1.
L’impact économique du secteur défense se mesure sur l’ensemble du territoire français à partir d’externalités (effets sur l’activité, l’emploi, la recherche et le développement). La BITD contribue activement au maintien de l’activité dans les zones industrielles sous-dotées et a remplacé des sites militaires fermés lors des réorganisations géographiques successives de la défense.
Il est estimé que chaque milliard d’euros investi dans la BITD génère deux milliards supplémentaires en activité (PIB) au bout de dix ans. De plus, les dépenses publiques n’évincent pas les investissements de recherche et développement (R&D) privés2. L’effet multiplicateur de cet investissement est supérieur à celui des dépenses de fonctionnement de l’Etat (qui sont de la consommation, sans retombée sur la productivité privée). L’effort en équipements militaires et en R&D concentre ainsi 80% de l’investissement public français. L’aspect national de la production de défense renforce encore cet effet, en ce sens que la BITD externalise davantage sa R&D vers des entreprises françaises (82%) que les entreprises privées (52%).
Enfin, le suivi et le pilotage de la BITD par la DGA témoignent du contrôle étatique et de la protection de la vie économique du secteur. La prise de conscience politique et l’expertise industrielle historique de notre pays sont des atouts à valoriser pour renforcer un secteur stratégique, source d’emploi et de croissance économique.
Remettre l’Etat au cœur d’un secteur stratégique
Au-delà des réquisitions, le SGA travaille sur la priorisation de la livraison de biens et services au bénéfice des forces armées3. Il s’agit de pouvoir ordonner à un partenaire contractuel de l’Etat de l’approvisionner par priorité sur tout autre engagement. Cette mesure s’inspire de la législation américaine dite DPAS pour « Defence Priorities and Allocations System »4.
Le régime de contrôle des entreprises de fourniture de matériels de guerre est également en étude de modernisation. La DAJ préconise la clarification des prérogatives des commissaires du gouvernement siégeant dans les entreprises liées à l’Etat par un marché relatif aux matériels de guerre (contrôle de la stratégie d’entreprise et mise en œuvre éventuelle de priorisation ou réquisition). Enfin, le SGA souhaite renforcer les prérogatives de contrôle de l’Etat dans le cadre des marchés publics, exclus du droit européen. Il s’agit d’éviter de soumettre ces marchés à des règles trop contraignantes. Cela peut également passer par l’extension des obligations liées aux enquêtes de coûts à ces marchés (transparence notamment). En effet, l’absence de mise en concurrence au sein de la BITD conduit régulièrement à une dérive de prix contraignante.
Pour le MCO-T, ces enjeux sont primordiaux pour commander et constituer dans la durée les stocks nécessaires au soutien d’une opération d’envergure.
Plusieurs autres pistes sont étudiées par la SIMMT, telles que :
la standardisation de sous-ensembles pour plusieurs types de matériels majeurs. Le passage à l’échelle SOR – HEM impose en effet la priorisation de la soutenabilité sur le respect exhaustif du cahier des charges. A titre d’exemples, on notera qu’entre 1945 et 1985, les Etats-Unis sont passés de vingt-sept châssis de camions de transports à un seul pour des dizaines de matériels différents. Idem, en 2010, l’Allemagne disposait de trois familles de moteurs différents pour équiper une dizaine de familles de matériels majeurs, quand la France en avait sept pour équiper le même volume de parcs différents.
Ou encore la prise en compte de l’évolution constante d’un matériel plutôt que l’acquisition de nouveaux parcs à échéance régulière. L’exemple du char T72 russe mérite à cet égard d’être étudié. Ce matériel est en évolution constante depuis 1973. Pensé pour une production de masse à des coûts maîtrisés par la planification, il permet d’ajouter la masse à l’innovation permise par les matériels plus récents. Pour la France, la conservation du VAB (matériel emblématique et connu de tous les militaires français, y compris nos réservistes) est une piste intéressante dans ce sens.
Saisir la réalité d’une opération d’envergure
Pour l’armée de Terre, le retour de la guerre en Europe doit se traduire par des moyens à la hauteur de la réalité de la menace. Dans le cadre de son ambition 2030, la SIMMT s’est fixé l’objectif d’une « industrie prête à la guerre ». Cela passe par une coordination des capacités industrielles au niveau ministériel et une contractualisation des évolutions nécessaires au soutien d’une opération d’envergure. Mais surtout, il s’agit de reconstituer des stocks étatiques au plus vite. En contexte budgétaire tendu, l’armée de Terre arbitre depuis des années entre l’activité des forces terrestres (le potentiel d’entraînement soutenable) et la constitution de stocks logistiques.
L’engagement opérationnel expéditionnaire mené depuis des décennies déterminait jusqu’à présent la priorité de l’activité. Après les récents désengagements militaires d’Afrique et l’affirmation d’une ambition HEM comme nation-cadre, l’armée de Terre doit s’adapter afin d’assurer une transition du modèle de l’opération expéditionnaire vers une logique de confrontation entre puissances étatiques. Ce changement d’échelle des menaces impose une anticipation, notamment logistique, ce qui nécessite des ressources financières plus élevées sur le temps long pour garantir le respect du contrat opérationnel fixé aux forces terrestres.
En raison de décennies de fragilisation de l’industrie française, l’épaisseur logistique de l’armée de Terre ne pourra être reconstituée qu’à force d’efforts s’inscrivant dans la durée, tandis que, parallèlement, les citoyens français doivent être davantage sensibilisés sur l’attractivité d’un secteur économique en pointe et dont la performance est reconnue à travers le monde.
Notes de bas de page :
1 DGA – Développer la BITD française et européenne : https://www.defense.gouv.fr/dga/nos-missions/developper-bitd-francaise-europeenne 2 Chaire EcoDef de l’IHEDN : Impact économique de la défense (27/05/2020) : Impact économique de la défense – Chaire Économie de défense – IHEDN (ecodef-ihedn.fr). 3 Partie normative de la LPM : réquisitions ; BITD (note n°0001D22013106 ARM/SGA/DAJ du 21/07/2022). 4 NDLR : cette législation est associée au « Defense Production Act » établi en pleine guerre froide en 1950 et a été amendée pour la dernière fois en 2014. Elle est actuellement en cours de révision au sein du Bureau of Industry and Security du Département du Commerce >>> https://www.bis.doc.gov/index.php/other-areas/strategic-industries-and-economic-security-sies/defense-priorities-a-allocations-system-program-dpas ; https://www.bis.doc.gov/index.php/documents/federal-register-notices-1/3446-clarif-and-updates-dpas-proposed-ruleaj15-as-pub-ofr-272024/file