Marine nationale : La stratégie française de maîtrise des fonds marins comporte un « volet offensif »

Marine nationale : La stratégie française de maîtrise des fonds marins comporte un « volet offensif »


Réorganisation du Centre expert dans la plongée humaine et l’intervention sous la mer [CEPHISMER], expérimentations de nouvelles capacités, missions Calliope, acquisition de drones et robots sous-marins, partenariat avec l’IFREMER, etc. Ces derniers mois, la Marine nationale se met en ordre de marche pour être en mesure de mener des opérations dans les grandes profondeurs [jusqu’à moins 6 000 mètres], conformément aux orientations de la stragégie ministérielle de maîtrise des fonds marins, dévoilée en février 2022.

Cette dernière se résume en trois points : connaître, surveiller et agir.

Ainsi, il s’agit de cartographier les fonds marins, de mesurer les variations du champ de gravité de la Terre [on parle de gravimétrie], lesquelles peuvent avoir une influence sur les centrales inertielles, ou encore de collecter des informations sur les sédiments, qui, selon leur nature, sont susceptibles d’avoir des effets sur la propagation des ondes acoustiques.

En clair, la fonction « connaissance » a des implications au niveau opérationnel. Elle « permettra d’améliorer l’efficacité de nos moyens dans les grandes profondeurs et de faciliter leur navigation au sein de notre Zone économique exclusive et de nos zones d’intérêt », souligne la stratégie ministérielle.

La fonction « surveillance » concerne évidemment les infrastructures sous-marines sensibles [câbles de télécommunication, gazoduc, etc.], lesquelles sont susceptibles de faire l’objet d’actes malveillants, dans le cadre de ce que l’on appelle la « guerre hybride ». D’où la nécessité de disposer de moyens d’action pour intervenir si nécessaire.

« À l’instar de la surveillance et de la recherche, notre capacité à agir doit également être élargie afin de pouvoir opérer jusqu’à 6 000 m de profondeur. Il sera nécessaire de doter la Marine de capacités militaires complémentaires aux programmes d’armement actuels afin de pouvoir intervenir, même en milieu contesté », est-il expliqué dans la stratégie ministérielle.

Cela étant, cette capacité d’intervention a généralement été présentée comme étant défensive ou comme devant permettre de récupérer des objets « sensibles » dans les grandes profondeurs. Or, elle comporte un volet « offensif ». C’est en effet ce qu’a indiqué le contre-amiral Cédric Chetaille, coordonnateur central pour la maîtrise des fonds marins, lors du dernier point presse du ministère des Armées, le 13 février.

« Agir, ça veut dire aussi être en mesure de neutraliser ou de détruire des cibles chez l’adversaire puisque la maîtrise ne vise pas seulement un volet défensif mais développe aussi des options offensives au profit du chef d’état-major des armées [CEMA] et des opérations qu’il décidera », a affirmé le contre-amiral Chetaille.

« Donc, on s’entraîne, lors des missions Calliope, pour en être capable le jour où cela sera nécessaire et décidé », a-t-il ajouté, sans évidemment donner plus de détails, sensibilité du sujet oblige.

Cependant, le contre-amiral Chetaille a laissé entendre que les fonctions « connaissance » et « surveillance » contribuaient également à ce volet offensif étant donné qu’elle permettent de « collecter » des « informations sur l’infrastructure, les points de faiblesse ou les systèmes militarisés adverses posés sur les fonds marins ».

Justement, ces « systèmes militarisés », qui sont une source de « préoccupation », pourraient faire l’objet « d’actions offensives » menées par « nos futurs robots, des actions spéciales navales ou par des moyens de minage », a-t-il conclu.

Photo : Ministère des Armées

Le chef militaire et l’automatisation du combat (CMF – Dossier 31)

Le chef militaire et l’automatisation du combat (CMF – Dossier 31)


La montée en puissance de l’intelligence artificielle dans les armées semble aujourd’hui inéluctable. Il convient donc de s’y préparer et de s’interroger avec le Général de corps d’armée (2S) Patrick Alabergère sur la capacité du commandement à faire face aux bouleversements qu’elle va générer.

* * *

L’IA peut très schématiquement être définie comme un ensemble d’algorithmes conférant à une machine des capacités d’analyse et de décision, lui permettant de s’adapter intelligemment aux situations réelles en faisant par exemple des prédictions à partir de données déjà acquises.

Le monde de la défense s’est emparé de ce nouvel outil d’avenir aux capacités encore insoupçonnées qui constitue une véritable rupture stratégique dans l’affrontement de puissance. On prête à Vladimir Poutine cette phrase : « Celui qui deviendra leader en ce domaine, deviendra le maître du monde ».

Les armées françaises ont naturellement choisi d’investir dans l’IA pour bénéficier du potentiel prometteur de cette nouvelle technologie. Pourtant il faut dès à présent fixer les limites de son usage et appréhender la révolution que son introduction va générer dans l’exercice du commandement.

L’IA dans les armées est une réalité incontournable

Le général Schill, chef d’état-major de l’armée de Terre, affirme que « l’IA va irriguer toutes les dimensions de notre travail ». Elle est devenue une réalité tout autant qu’une rupture stratégique dans les conditions d’engagement des armées.

En effet, le déploiement de l’IA sur le champ de bataille doit théoriquement permettre d’acquérir plus facilement la supériorité opérationnelle pour les forces qui en sont dotées, tout en conférant à la Nation qui l’utilise une plus grande autonomie stratégique.

C’est pour cette raison que la France a créé l’Agence Ministérielle de l’Intelligence Artificielle de Défense (AMIAD), dotée de 300 millions d’euros de budget annuel, et confiée à un Ingénieur de l’Armement, polytechnicien. Les ingénieurs de l’AMIAD sont les opérateurs d’un supercalculateur capable de traiter des données classifiées en très grand nombre, le plus puissant d’Europe consacré à l’IA. Avec l’IA de défense, l’idée n’est pas de remplacer les analystes et les officiers de terrain mais de « faire aussi bien et mieux des choses que l’homme fait déjà, et des choses impossibles compte tenu de l’urgence, lorsqu’il n’y a pas assez de temps pour réfléchir face à la multitude de données », expliquait l’amiral Vandier, Major général des armées, lors du récent lancement de l’AMIAD.

« Dans dix à quinze ans, un tiers de l’armée américaine sera robotisé et largement contrôlé par des systèmes dotés de l’IA » déclare le général Mark Milley, ancien chef d’état-major des armées américaines.

Personne ne veut donc passer à côté des évolutions permises par l’IA tellement le champ des possibles est immense, voire infini.

Ainsi, nous sommes passés du drone télépiloté aux essaims de drones aériens, terrestres ou navals gérés par l’IA. Cela permet à un ensemble de dizaines, de centaines, voire de milliers[1] de drones de traiter un objectif de manière coordonnée en les concentrant sur un espace très restreint pour saturer les défenses.

Thalès sait déjà faire voler des essaims d’une dizaine de drones hétérogènes qui accomplissent des missions sous le contrôle d’un opérateur unique.

Des essaims de drones peuvent également servir de camouflage électronique, en émettant des ondes au-dessus d’un poste de commandement.

Les ingénieurs travaillent maintenant sur des algorithmes permettant l’analyse du renseignement, la surveillance automatisée des mouvements ENI, la maintenance prédictive des équipements majeurs.

Même si le potentiel semble infini, il faut dès à présent réfléchir aux limites qu’il faut fixer au développement de l’IA dans les armées.

Les limites éthiques et juridiques qui sont imposées à nos armées résisteront elles à la réalité des conflits futurs  et à la course aux armements permise par l’IA ? 

Toujours mettre l’homme dans la boucle pour en garder le contrôle est le principe intangible sur le lequel se fonde le développement de l’IA en France pour des raisons éthiques évidentes.

Mais jusqu’à quand ce principe tiendra-t-il face aux développements à venir des capacités de l’IA ?

La France a accepté dans un premier temps de se doter de drones en refusant qu’ils soient armés. Puis très vite, face à la réalité des conflits actuels et du développement de ces armes, elle a fait le choix de s’équiper et d’utiliser des drones armés, tout en refusant les Systèmes d’Armes Létaux Autonomes (SALA).

Face au développement de l’autonomie des systèmes d’armes permis par les progrès de l’IA, la France a choisi de développer les Systèmes d’Armes Létaux Intégrant de l’Autonomie (SALIA), en refusant l’autonomie complète. Le comité d’éthique de la Défense a précisé la notion de SALIA dans son avis du 29 avril 2021 en les définissant comme étant « des systèmes auxquels le commandement consent de déléguer un certain nombre de calculs de décisions, dans un cadre général fixé par l’humain ».

Pourtant, les systèmes d’IA couplés à des robots autonomes sur terre, sur mer et dans les airs seront très vite en mesure d’identifier et détruire des objectifs plus rapidement que jamais, et sur une très vaste échelle. Cette rapidité va modifier l’équilibre entre soldat et software. Aujourd’hui, les armées font intervenir un être humain pour toute décision létale. Dès lors que l’identification et la frappe d’une cible se dérouleront en quelques secondes, l’humain n’aura plus qu’un rôle secondaire. Il ne fera que superviser les opérations sans intervenir dans chaque action. Ainsi, aujourd’hui certains systèmes autonomes ont déjà la capacité de décider de leurs cibles en temps réel en fonction des règles générées par les algorithmes. Ces derniers peuvent même les faire évoluer en cours d’action en fonction des leçons apprises.

Alors quelle attitude adopter face à un adversaire qui ne s’est pas fixé les mêmes règles éthiques que nous, estimant comme Machiavel que « la fin justifie les moyens ». Pourrons-nous toujours préserver l’éthique au détriment de l’efficacité ?

Les armées américaines ont fait le choix d’une IA « adaptative » où, par défaut, ils maintiennent l’homme dans la boucle mais en développant des modes d’autonomie accrue, voire totale, selon les règles éthiques suivies par leurs adversaires potentiels.

Les limites de l’IA découlent aussi du paramétrage des algorithmes qui la régissent.  En matière de SALA, cela revient à décider quel est le prix d’une vie humaine dans l’algorithme pour qu’il puisse déterminer le niveau de dommages collatéraux jugé acceptable par rapport à la valeur de la cible traitée. Il faut également définir quelle distinction doit être faite entre combattants et non combattants. Cela pose clairement la question de la détermination dans un algorithme de la proportion acceptable du nombre de civils qui pourraient être sacrifiés pour atteindre un objectif militaire.

Pour fixer des limites à l’IA encore faut-il pouvoir la contrôler tout au long de son processus de création et d’utilisation, notamment les algorithmes qui la structurent. 

Pour se faire, l’US Air Force a lancé un appel d’offres pour recruter des officiers de sécurité de l’IA qu’elle veut former pour surveiller le comportement des algorithmes et les réorienter si nécessaire. Mais outre le fait que c’est un métier totalement nouveau à créer, le défi s’annonce très difficile. En effet, comprendre le fonctionnement d’une IA est beaucoup plus complexe que la créer car elle évolue en permanence durant son apprentissage et à chaque utilisation. C’est pourtant une nécessité car l’empoisonnement de l’IA devient une menace réelle avec l’introduction de codes malveillants, de fonctionnalités cachées ou de défauts volontaires.

Cela pose la question de fond : l’IA est-elle contrôlable et si oui comment ?

L’exercice du commandement sera-t-il bouleversé par l’usage de l’IA ?

L’implication de l’IA sur le champ de bataille est de plus en plus importante. Elle bouleverse peu à peu les structures traditionnelles de commandement et de contrôle des états-majors avec le risque que d’un simple outil d’aide à la décision, l’IA devienne le preneur de décision.

En effet, l’IA peut améliorer significativement la qualité des décisions en produisant des analyses de données complexes et des prédictions plus précises, tout en automatisant les tâches décisionnelles routinières. La production des ordres, le choix entre deux modes d’actions (MA), leur confrontation avec les modes d’actions de l’ennemi (ME), tout cela peut être confié à la machine en automatisant le travail de nombreuses cellules d’un état-major opérationnel. L’intuition du chef, sa fameuse intention qui constitue souvent l’esprit de la mission auront-elles encore leur place dans le processus décisionnel et la production d’ordres d’opérations ?

Plus que jamais, un équilibre doit être trouvé entre l’apport indéniable de l’IA dans l’analyse et la synthèse rapides et pertinentes de données de plus en plus nombreuses, la présentation de solutions possibles et la prise de la décision finale qui engage la responsabilité du chef militaire et doit lui revenir. Ne serait-ce que parce qu’il est comptable de la vie de ses hommes devant leurs familles et leurs frères d’armes contrairement à la machine et ses concepteurs.

Il faut donc redéfinir la place pour le chef face à la réactivité accrue des machines en réussissant à préserver l’intégrité et surtout la cohérence d’une chaine de commandement mêlant des machines et des hommes.

L’introduction accrue de l’IA dans le processus de décision pose aussi la question de la responsabilisation. En effet, la responsabilité se retrouve diluée dans une chaine de commandement allant de l’ingénieur qui a conçu l’algorithme jusqu’à l’opérateur qui active le mode autonome, en passant par le responsable politique qui a commandé ces armes et par les officiers qui en ont ordonné l’usage. Il sera très difficile de déterminer la part de responsabilités de chacun et il y a fort à parier que, comme souvent, le chef militaire en bout de chaine, à la tête des opérations, soit considéré comme le premier et seul responsable.

Comme l’IA s’impose de manière incontournable dans le processus de décision, dans l’élaboration des ordres, dans la gestion des données et des équipements du champ de bataille, elle doit être enseignée dans toutes les écoles de formation. Elle doit être suffisamment vulgarisée pour que chaque acteur du champ de bataille, du soldat au général, en comprenne, à son niveau de responsabilités, les enjeux, les risques, les forces et les faiblesses.

Il faut éviter que les systèmes embarquant de l’IA à tous les niveaux de la chaine de commandement ne finissent par transformer les officiers conduisant les opérations en de simples opérateurs spécialisés, se reposant aveuglément sur les conclusions de la machine. Les chefs doivent particulièrement être formés à l’utilisation d’outils pilotés par l’IA pour en connaitre les limites et prendre suffisamment de recul pour ne pas être submergés par le flot d’informations qui leur parvient. Pour autant, l’automatisation du traitement de nombreuses données dans le processus d’élaboration des ordres et de la prise de décision en temps extrêmement rapide, constitue une véritable aide au commandement.

Cependant, il faut échapper à la tentation du tout IA car la menace cyber est suffisamment prégnante pour que les armées se retrouvent parfois engagées sans l’aide d’une IA rendue inutilisable ou inaccessible. Le mode dégradé doit plus que jamais continuer d’être enseigné, car il représente la dernière garantie d’efficacité pour les armées de plus en plus dépendantes du numérique, de la technologie et de l’IA.

Demain si les plus fervents partisans de l’IA ont raison et que presque tout peut être géré par l’IA en une fraction de seconde, il faudra s’assurer que le cerveau humain pourra suivre le rythme imposé par la machine et toujours en comprendre le fonctionnement. C’est à ce prix que le chef militaire, peut espérer conserver sa place dans la boucle décisionnelle.


NOTES :

  1. En mai 2024, les Américains ont fait décoller 5 293 drones pour un spectacle nocturne.

CERCLE MARÉCHAL FOCH

CERCLE MARÉCHAL FOCH

Le Cercle Maréchal Foch est une association d’officiers généraux en 2e section de l’armée de Terre, fidèles à notre volonté de contribuer de manière aussi objective et équilibrée que possible à la réflexion nationale sur les enjeux de sécurité et de défense. Nous proposons de mettre en commun notre expérience et notre expertise des problématiques de Défense, incluant leurs aspects stratégiques et économiques, afin de vous faire partager notre vision des perspectives d’évolution souhaitables. Le CMF est partenaire du site THEATRUM BELLI depuis 2017. (Nous contacter : Cercle Maréchal Foch – 1, place Joffre – BP 23 – 75700 Paris SP 07).

UE. Aurons-nous les neurones et les tripes pour défendre nos intérêts spécifiques ?

UE. Aurons-nous les neurones et les tripes pour défendre nos intérêts spécifiques ?

Le drapeau européen est composé de 12 étoiles jaunes sur fond bleu – Crédits : vojtechvlk / iStock

Par Pierre Verluise – Diploweb – publieé le 15 février 2025

https://www.diploweb.com/UE-Aurons-nous-les-neurones-et-les-tripes-pour-defendre-nos-interets-specifiques.html


Pierre Verluise, docteur en Géopolitique, Fondateur du Diploweb.com. Chercheur associé à la FRS. Auteur, co-auteur ou directeur d’une trentaine de livres. Producteur de trois Masterclass sur Udemy : « Les fondamentaux de la puissance » ; « Pourquoi les données numériques sont-elles géopolitiques ? » par Kévin Limonier ; « C’était quoi l’URSS ? » par Jean-Robert Raviot.

Vers une entente entre Donald Trump et Vladimir Poutine pour mettre fin à la guerre en Ukraine ? Après un échange téléphonique mercredi 12 février 2025 entre les deux dirigeants et une rencontre annoncée en Arabie saoudite, l’Union européenne court le risque d’être évincée de la table des négociations sur la fin de la guerre en Ukraine. Pierre Verluise, docteur en géopolitique et directeur de Diploweb.com, analyse les conséquences de cette situation inédite dans laquelle se retrouve aujourd’hui l’Union européenne. Propos recueillis par Ewen Menuge pour Ouest-France, publié le 14 février 2025 sous le titre : Guerre en Ukraine : après l’appel entre Trump et Poutine, l’UE est « face à ses responsabilités. » Et le Secrétaire américain à la Défense, Pete Hegset a sidéré les pays de l’UE en annonçant un changement majeur dans la politique étrangère et de défense des Etats-Unis en endossant la position du Kremlin sur plusieurs points clefs tout en ouvrant la voie à de nouvelles sanctions pour déstabiliser l’économie russe.

Ouest-France : Est-ce la première fois que l’Union européenne est mise de côté dans les relations entre l’Occident et la Russie ?

Pierre Verluise (P. V. : À ma connaissance, c’est la première fois que les États-Unis donnent l’impression aussi explicitement de passer au-dessus de l’Union européenne pour s’adresser à la Russie. Mais Moscou a souvent enjambé ou instrumentalisé l’UE pour s’adresser d’abord aux États-Unis. L’objectif de la Russie est de passer des accords avec des États-Unis car, d’une part, Vladimir Poutine méprise l’Union européenne et, d’autre part, discuter avec Washington est l’occasion pour la Russie de se mettre dans la position d’une grande puissance. Ici, les États-Unis, en s’adressant directement à la Russie, flattent le Kremlin.

Le Kremlin doit actuellement passer un excellent moment, parce qu’on voit bien que les Européens sont comme un lapin dans les phares d’une voiture.

Ouest-France : L’Union européenne a-t-elle les capacités de se passer des États-Unis ?

P. V. : Pour l’instant, militairement, l’Europe ne le peut pas. Il faut déjà prendre acte de cette réalité. D’autant plus que nous parlons de l’Union européenne au singulier, mais que celle-ci est plurielle : il y a surtout 27 États membres, dont 23 sont aussi membres de l’Otan. Ces pays ne sont pas tous sur la même ligne, donc il leur faudra se mettre d’accord. Or, au sein de chacun de ces pays, les opinions divergent sur la question et cette actualité s’entrechoque avec d’autres problématiques politiques internes. Après la relance de la guerre en Ukraine le 24 février 2022, l’UE s’est mise d’accord sur ce qui se passait et a mis en œuvre des politiques en quelques jours. Donc oui, il y a eu une montée en charge de la capacité de l’Union européenne, mais elle s’est faite avec l’appui des États-Unis et du Royaume-Uni.

Il est certain que le Kremlin doit actuellement passer un excellent moment, parce qu’on voit bien que les Européens sont comme un lapin dans les phares d’une voiture : tétanisés, sidérés.

UE. Aurons-nous les neurones et les tripes pour défendre nos intérêts spécifiques ?
Pierre Verluise
Docteur en géopolitique, fondateur du Diploweb.com
Verluise

Ouest-France : L’UE ne se préparait-elle pas à ce scénario depuis le début de la guerre ?

P. V. : Plusieurs experts s’y attendaient et l’actualité semble donner raison à ceux qui disent depuis longtemps que l’UE doit se prendre en charge. Les Européens sont maintenant face à leurs responsabilités. Les États-Unis vont très probablement vouloir leur tordre le bras pour les obliger à augmenter davantage leurs dépenses de défense… en achetant américain.

La question est de savoir si le choix le plus pertinent pour les Européens est d’acheter massivement américain ? Depuis la relance de la guerre russe en Ukraine, les Européens ont-ils été suffisamment malins pour se doter d’une véritable industrie européenne de l’armement, qui serait pour l’essentiel autonome des États-Unis ? La réponse est non.

Ouest-France : Quels sont les leviers à actionner par l’UE pour sortir de cette situation ?

P. V. : Déjà avoir véritablement une politique de puissance. Il sera intéressant d’observer dans les prochains mois comment les pays de l’Union européenne vont réagir dans leur choix d’achat d’armement. Mais la puissance de l’Union européenne, ce n’est pas seulement ses capacités militaires, c’est aussi sa dynamique démographique – qui est en voie d’affaiblissement depuis quatre décennies. C’est encore sa compétitivité, qui devient insuffisante.

Il faut espérer que ce discours des États-Unis génère une prise de conscience de la part des pays de l’Union européenne. Soit maintenant l’UE se laisse prendre de panique et se fait manipuler par la Russie et les États-Unis, soit l’UE tire le constat que c’est la fin d’une époque et qu’il faut se réinventer. Et formuler une analyse du monde qui ne soit ni naïve à l’égard de la Russie de Poutine, ni naïve à l’égard des États-Unis de Trump. [1]

Aurons-nous les neurones et les tripes pour défendre nos intérêts spécifiques ?
Réorienter l’UE, c’est comme faire virer un paquebot, ça prend beaucoup de temps. Il faut définir rapidement des trajectoires pour arriver à des résultats dans les 6 mois, et prétendre véritablement à une autonomie stratégique d’ici deux ans.


Plus. Sur Le Grand Continent, deux importants discours du nouvel exécutif des Etats-Unis, traduits en français

Le Secrétaire américain à la Défense, Pete Hegset a sidéré 12 février 2025 les pays de l’UE en annonçant un changement majeur dans la politique étrangère et de défense des Etats-Unis, en endossant la position du Kremlin sur plusieurs points clefs tout en ouvrant la voie à de nouvelles sanctions pour déstabiliser l’économie russe.

Changement de régime : le discours intégral de J.D. Vance à Munich
À Munich, le 14 février 2025, le vice-président des États-Unis n’a pas vraiment parlé de sécurité — et n’a évoqué l’Ukraine, Poutine ou la Russie qu’en passant
.

Persuadé que « la principale menace [pour l’Europe vienne] de l’intérieur », ciblant les élites politiques et souhaitant faire sauter les cordons sanitaires érigés contre l’extrême droite en Allemagne, J. D. Vance a articulé pour la première fois la vision maximaliste de la Maison-Blanche de Donald Trump pour le continent : un changement de régime.


Publié dans Ouest-France le 14 février 2025 sous le titre : Guerre en Ukraine : après l’appel entre Trump et Poutine, l’UE est « face à ses responsabilités. »

Défense américaine : Conférence de presse du Secrétaire à la Défense Pete Hegseth au Pentagone


Défense américaine : Conférence de presse du Secrétaire à la Défense Pete Hegseth au Pentagone

AASSDN : Information – 12/02/2025

https://aassdn.org/amicale/defense-americaine_conference-de-presse-du-secretaire-a-la-defense-pete-hegseth-au-pentagone/


Document officiel américain du 7 février 2025
Conférence de presse de Pete HEGSETH
Secrétaire à la Défense américaine

Secrétaire à la défense, Pete HEGSETH :

« Eh bien, bon après-midi. Merci beaucoup pour votre temps.

Je veux faire écho à ce que l’aumônier a dit, Toute la gloire à Dieu. Je me réveille chaque matin, priant pour avoir la sagesse de voir ce qui est juste et bon, vrai et le courage de le faire. Et je sais que beaucoup d’entre vous font de même.

C’est un honneur absolu de me tenir devant vous tous. Je suis reconnaissant. Je suis honoré. Les deux semaines que j’ai passées ici sont un rappel solennel, et à quelques reprises, un rappel solennel de la nature très particulière de ce que fait le ministère de la Défense.

Et je l’ai vu au bureau de l’Office of Secretary of Defense (OSD). Je l’ai vu chez tant de personnes avec lesquelles j’ai eu la chance d’interagir, et chez tant d’autres avec lesquelles je veux interagir, l’engagement solennel envers le devoir constitutionnel que nous avons tous, de protéger et de défendre la Constitution.

Qu’une administration parte et qu’une autre arrive, et cela peut entraîner de nombreux changements en fonction des élections qui ont eu lieu, des nouveaux dirigeants, des nouveaux décrets, des nouvelles directives et des ordres légaux.

Mais ce qui m’a le plus impressionné, c’est le professionnalisme des hommes et des femmes de tous les rangs qui reconnaissent pour qui nous travaillons, c’est-à-dire le peuple américain, pour la défense de notre nation.

Je tiens donc à remercier tous ceux qui nous regardent, tous ceux qui sont ici pour avoir participé à cette transition, ce que j’ai certainement beaucoup reconnu.

J’ai passé une grande partie de ma carrière dans l’armée, ce qui n’est pas autant que beaucoup d’entre vous qui essaient de fuir le mât du drapeau le plus vite possible.

Il semble maintenant que je sois le mât du drapeau.

Je reconnais et je comprends cette distinction. Mais ce que je veux apporter à ce travail et à l’éthique, c’est une reconnaissance des hommes et des femmes qui font le sale boulot toute la journée pour nous ici, partout dans le monde.

Chaque fois que je parle, ou chaque fois que j’étais dans ma vie professionnelle, j’étais à la télévision, j’étais sous les projecteurs et les projecteurs et les gens me regardaient, je prenais toujours du recul pendant une seconde pour penser aux hommes et aux femmes avec qui j’ai servi.

Les gens qui ne seront jamais présentés, qui n’auront jamais de micro. On ne les entendra jamais. Les hommes et les femmes avec qui vous savez que vous avez servi et qui sont les meilleurs des meilleurs de notre pays. C’est à eux que nous servons.

J’étais au téléphone tard dans la nuit hier soir, parlant aux familles de deux soldats qui ont eu un accident à Fort Stewart. J’étais au téléphone avec les trois, les familles des trois qui ont été perdus dans l’UH60 à l’extérieur de l’aéroport ici à Washington, DC.

Les coûts et les conséquences sont très réels, et vous le savez.

L’une des choses auxquelles je n’étais pas préparé, c’est que toutes les deux semaines, nous faisons un carnet de commandes à l’OSD où nous approuvons littéralement les commandes qui sortent. Cela ressemble à une formalité, mais après avoir reçu ces ordres où les dates et la mission comptaient vraiment, je regarde mes ordres et je me demande où je vais, qu’est-ce que cela signifie et combien de temps je reste là-bas.

Cela m’a fait l’effet d’un choc.

Chacune de ces signatures concerne un être humain dont la mission doit être importante et vitale pour l’intérêt national et pour notre ministère avant que je signe ce livre. Et c’est en grande partie mon engagement envers vous.

C’est aussi mon travail de ne pas maintenir le statu quo, comme le président Trump me l’a demandé.

Nous allons adopter des approches non conventionnelles. Nous allons agir vite, sortir des sentiers battus, être perturbateurs à dessein pour créer un sentiment d’urgence que je veux m’assurer d’avoir au sein de ce ministère. Et ce n’est pas pour mettre en cause quiconque a été ici ou quiconque est assis ici ou quiconque regarde.

Je n’ai pas besoin de vous dire que nous vivons une époque très dangereuse dans un monde où les puissances ascendantes, si elles avaient leur mot à dire, adoreraient s’élever et rejeter les forces, les capacités et les croyances de l’Occident.

L’Amérique est à l’avant-garde de ce mouvement.

Et en portant l’uniforme ici au ministère, c’est notre travail de nous assurer que nous créons l’effet dissuasif qui maintient la domination américaine dans le monde.

Et il y a beaucoup de gens, notamment – et je l’ai cité en public également – les communistes chinois qui cherchent par leur ascension une vision très différente du monde. Nous devons donc agir d’urgence et être prêts à comprendre ce que cela signifie. Et nous allons le faire.

Une partie de la façon dont nous appliquons cela est que je suis arrivé avec trois piliers que j’ai déjà répétés, mais je veux redire comment nous abordons cela à mon niveau.

Le premier est de restaurer l’éthique du guerrier.

Assurez-vous que nous revenons à l’essentiel. Notre mission est de dissuader les conflits et, si nécessaire, de vaincre et de détruire complètement, de démoraliser et de vaincre nos ennemis. C’est ce que nous faisons. Nous menons des guerres ici au ministère de la Défense, et nous voulons rétablir cette situation en nous concentrant sur la préparation, la létalité et la conduite de la guerre dans tous les domaines.

Hier, j’étais avec les surintendants de West Point et d’Annapolis à l’Académie de l’Air, hé, que faisons-nous là-bas pour faire avancer ces principes fondamentaux ? Que faisons-nous ici pour faire avancer ces principes fondamentaux de E-1 à – je suppose que c’est O-10, je n’ai même jamais dit ça. Et je sais que cette salle est O-6 et en dessous, ce qui m’a été dit était junior. D’où je viens, un O-6 n’est pas junior.

Donc, c’est un nouveau rôle pour moi aussi dans cette perspective.

Et je suis allé à Fort Bliss, j’ai rencontré – j’ai dit intentionnellement, hé, E-7 et au-dessus et O-3 et au-dessus ou O-4 et au-dessus déménagent. Je veux entendre les gens ici sur cette mission frontalière, comment cela vous affecte-t-il, vous et votre famille ? Quelle est votre mission ? Êtes-vous utilisé ? Comment cela affecte-t-il – je pense en fait que cela contribue à la préparation et – parce que vous faites une mission dans le monde réel, mais comment cela affecte-t-il tous ces aspects ?

Il est essentiel de restaurer l’esprit guerrier, et je pense que nous l’avons déjà constaté dans les chiffres du recrutement. Je pense que nous avons constaté un enthousiasme et une excitation chez les jeunes hommes et femmes qui veulent s’engager activement dans l’armée parce qu’ils souhaitent faire partie de la meilleure force de combat que le monde ait à offrir et ne pas faire beaucoup d’autres choses qui servent souvent, trop souvent, à diviser ou à distraire.

Il s’agit d’être prêt, de rester concentré, et je pense que vous l’avez vu dans de nombreux décrets présidentiels émis que nous avons repris. Et il peut y avoir une confusion à ce sujet. Mais de notre point de vue, pourquoi se débarrasser de quelque chose comme DEI ? Parce que de notre point de vue, cela a servi à diviser la force au lieu de l’unifier.

Et c’est quelque chose que j’ai dit assez publiquement, et ce que je veux, c’est être transparent avec ce bâtiment et tous ceux qui servent ici, dire la même chose en public que nous disons en privé, ce que j’espère que vous trouverez de nous.

Je pense que la phrase la plus stupide de l’histoire militaire est « Notre diversité est notre force ».

Je pense que notre force est notre unité, notre force est notre objectif commun, quelle que soit notre origine, quelle que soit la façon dont nous avons grandi, quel que soit notre sexe, quelle que soit notre race, dans ce département, nous traiterons tout le monde de manière égale. Nous traiterons tout le monde avec équité. Nous traiterons tout le monde avec respect. Et nous vous jugerons en tant qu’individu par votre mérite et par votre engagement envers l’équipe et la mission.

C’est comme ça que ça s’est passé. C’est comme ça que ça se passera.

Toute inférence contraire est destinée à diviser ou à créer des complications qui autrement ne devraient pas exister et n’existent pas.

J’ai servi tout au long de ma carrière avec des hommes et des femmes extraordinaires de tous les horizons. Ils étaient présents à mon témoignage au Congrès, ils ont été dans mon bureau, ils travaillent avec moi et pour moi maintenant. Leurs contributions sont immenses pour cette nation et sont appréciées de la même manière que pour tout le monde et c’est l’approche que nous allons adopter. Donc, restaurez l’éthique du guerrier.

La deuxième est de reconstruire notre armée.

Notre base industrielle de défense, notre processus d’acquisition, la rapidité avec laquelle nous mettons en œuvre de nouvelles technologies, la façon dont nous tirons les leçons des conflits dans le monde, la façon dont nous adaptons ce que nous finançons aux capacités et aux effets. Il y a beaucoup de programmes ici sur lesquels nous avons dépensé beaucoup d’argent et qui, lorsqu’on les utilise comme un jeu de guerre, n’ont pas l’impact souhaité.

L’un des avantages que j’ai, c’est que je ne viens pas de… je n’ai pas d’intérêts particuliers. Je n’ai pas d’expérience dans les systèmes ou les services. Je suis agnostique à ce sujet.

Je veux… cela signifie que je vais prendre beaucoup de flèches, et je suis prêt à le faire. C’est bien. Nous avons besoin des meilleurs systèmes entre les mains des combattants là où ils en ont besoin, aux COCOM pour dissuader et envoyer les signaux que lorsque le combat aura lieu, nous sommes prêts à gagner et à gagner de manière décisive.

Cela comprend un audit du Pentagone, qui, pour les Marines là-bas, vous avez tout compris et nous apprécions cela, maigre et méchant. Nous allons nous concentrer sur le fait que, au minimum, d’ici quatre ans, le Pentagone passe un audit sans faute.

Les contribuables américains le méritent. Ils méritent de savoir où vont leurs 850 milliards de dollars, comment ils sont dépensés et de s’assurer qu’ils sont dépensés à bon escient.

Auparavant, si vous demandiez un audit, vous sapiez d’une manière ou d’une autre le ministère. Je crois exactement le contraire.

Je crois que nous sommes responsables de chaque dollar que nous dépensons et que chaque dollar de gaspillage ou de redondance que nous trouvons est un dollar que nous pouvons investir ailleurs, comme le président Trump s’y est engagé, directement pour reconstruire l’armée de notre pays. La reconstruction de notre armée est donc essentielle.

Et troisièmement, il faut rétablir la dissuasion.

Malheureusement, au cours des dernières années, nous avons vu des événements qui se sont produits et qui ont créé une perception – réalité ou perception, mais je dirais plutôt une perception de la faiblesse américaine, que ce soit ce qui s’est passé en Afghanistan, d’ailleurs, pour lequel nous allons devoir rendre des comptes, nous méritons de rendre des comptes pour ce qui s’est passé en Afghanistan, pour ce qui s’est passé le 7 octobre, la guerre qui a été déclenchée en Ukraine.

Le chaos se produit lorsque la perception de la force américaine n’est pas complète. Nous cherchons donc à rétablir cette dissuasion, et cela commence par notre propre frontière sud. Cela commence par la défense de notre patrie.

Je pense que d’une certaine manière, ce ministère a eu l’impression au fil du temps que c’était la mission de quelqu’un d’autre. Nous avons passé beaucoup de temps, des décennies, ma génération et la vôtre, à défendre les frontières d’autres peuples à travers le monde, mais nous avons assisté à une invasion de la nôtre.

De la part de personnes du monde entier qui, j’en suis sûr, veulent pour beaucoup une vie meilleure. Je comprends cela. Mais nous ne savons pas non plus qui sont des millions d’entre eux, quelles sont leurs intentions, pourquoi ils sont ici – cela crée une menace très réelle pour la sécurité nationale du pays.

La sécurité des frontières est une sécurité nationale et, comme le président nous l’a dit, nous allons obtenir un contrôle opérationnel à 100 % de notre frontière sud et cela sera – doit être et sera – une priorité de ce ministère.

Je tiens à tirer mon chapeau au NORTHCOM, ils ont fait un travail incroyable au cours des deux premières semaines ici, en prenant ce décret exécutif, qui parlait de la défense territoriale de notre pays comme étant au cœur de la mission de défense, et en le mettant en œuvre.

D’une certaine manière, en utilisant les processus existants dont nous disposons, qui ne sont franchement pas assez robustes, mais aussi en planifiant et en anticipant la manière dont nous allons passer à une défense plus efficace et permanente, en repoussant et en scellant notre frontière sud, afin que nous sachions exactement qui entre et quand ils entrent, ils entrent légalement.

Et puis aussi la priorisation à travers le monde. Nous avons beaucoup d’atouts, mais pas des atouts illimités. Et donc, une partie de la priorisation consiste à donner du pouvoir à nos alliés et partenaires. Nous devons diriger le monde, cela ne fait aucun doute. Et le président Trump a été clair à ce sujet.

L’Amérique d’abord signifie que nous prenons soin de l’Amérique d’abord. Mais une partie de l’Amérique d’abord consiste à donner à nos alliés et partenaires les moyens d’être des multiplicateurs de combat, d’ajouter aux capacités dont nous disposons.

Je veux dire, ce sont des ventes militaires à l’étranger, des exercices, des partenariats de défense. Mais cela rappelle aussi à certains pays et à certaines régions du monde que l’Amérique ne peut pas être le garant de tout pour toujours dans un monde où nous devons donner la priorité à des menaces plus importantes à certains moments.

Vous allez donc voir ce genre de priorisation de notre part, qui, selon nous, va renforcer, dynamiser, encourager un plus grand partage des charges de la part des alliés qui nous sont chers, que nous soutenons, qui doivent également être prêts à intensifier leurs efforts.

Le président Trump a été le premier à le faire avec l’OTAN lors de sa première administration. Nous allons le faire à nouveau. Nous irons en Europe la semaine prochaine pour la réunion ministérielle de l’OTAN afin de parler à nos amis qui ont été et continueront d’être nos alliés.

Mais nous devons également les encourager à continuer d’accroître leurs dépenses dans le domaine de la défense. Le genre de choses que nous devons faire ici aussi, chez nous.

Donc, pour conclure, j’ai déjà parlé plus longtemps que je n’aurais dû. C’est vraiment un retour en arrière, de notre point de vue, un retour aux fondamentaux.

Lorsque le président Trump m’a choisi et m’a dit : « Pete, je veux que tu diriges le ministère de la Défense », il m’a demandé de ramener ce ministère à sa mission de combat, qui est au cœur de ses préoccupations.

La guerre, la létalité, la méritocratie, la responsabilité et la préparation. Les choses que nous – le – je – le fondement de ce que nous comprenons tous comme étant notre mission fondamentale.

Vous savez, j’étais à l’Académie des sergents-majors à Fort Bliss il y a quelques jours à peine pour parler à 500 futurs sergents-majors. Euh, ils sont les porte-étendards. Quelles sont les normes ? Je veux dire, et cela commence par les choses de base, n’est-ce pas ? Il s’agit des normes de toilettage, des normes d’uniforme, des normes de formation, des normes de condition physique.

Tout cela compte. C’est presque comme la théorie des vitres brisées de la police. Lorsque vous ignorez les petites choses des criminels, et je ne dis pas – je ne dis pas que si vous violez les normes de toilettage, vous êtes un criminel.

L’analogie est incomplète.

Mais si vous violez les petites choses et que vous les laissez se produire, les grandes choses, cela crée une culture où vous n’êtes pas tenu responsable des grandes choses. Je pense que la même chose existe au sein de nos services. Et nous nous assurons qu’à chaque niveau, il y a des normes et une responsabilité. Et que nous le vivons également au plus haut niveau.

C’est pourquoi nous allons, vous savez, revenir sur ce qui s’est passé en Afghanistan et demander des comptes aux gens. Pas pour être rétrospectifs, ni pour punir, mais pour comprendre ce qui s’est mal passé et pourquoi il n’y a pas eu de responsabilité pour cela. Ce genre de choses sont des exemples.

Mais j’apprécie simplement le service que beaucoup d’entre vous rendent. Je sais que beaucoup de gens regardent. C’est l’honneur d’une vie d’être à vos côtés. Personne ne travaillera plus dur. Personne ne sera plus… tentera d’être plus transparent avec le peuple américain et avec vous.

Nous voulons entendre vos commentaires. Et nous allons nous mettre au travail immédiatement. Et je suis reconnaissant au président Trump pour son leadership. Nous allons reconstruire l’armée et nous concentrer sur les troupes.

L’Australie lâche 500 millions de dollars pour AUKUS : des sous-marins nucléaires en approche

L’Australie lâche 500 millions de dollars pour AUKUS : des sous-marins nucléaires en approche

L’Australie investit 500 millions de dollars pour renforcer sa défense face aux tensions croissantes dans le Pacifique. Découvrez comment cet engagement stratégique pourrait transformer l’équilibre des forces dans la région.


L'Australie débourse un premier versement dans le cadre de l'accord AUKUS
L’Australie lâche 500 millions de dollars pour AUKUS : des sous-marins nucléaires en approche | Armees.com

L’Australie vient de franchir une étape importante dans sa coopération stratégique avec les États-Unis en versant 500 millions de dollars américains dans le cadre de l’accord sur les sous-marins nucléaires AUKUS. Ce paiement marque une avancée notable pour la défense australienne, illustrant sa volonté de renforcer ses capacités militaires face aux défis grandissants dans la région indo-pacifique.

Une situation financière et stratégique intéressante

Ce versement intervient avant une rencontre prévue à Washington le 7 février entre les responsables de la défense des deux pays (cette réunion vise à mettre au point plusieurs dossiers sensibles). À cette occasion, ils préparent également l’arrivée future de sous-marins nucléaires américains de classe Virginia en Australie. Le ministre australien de la Défense, Richard Marles, a insisté sur le fait que ce versement représente « un investissement important » pour soutenir la base industrielle des sous-marins américains.

Sur le plan économique, l’Australie prévoit de faire grimper son budget de défense annuel pour atteindre 100 milliards de dollars australiens dans les dix prochaines années. Cet accroissement budgétaire permettra non seulement de financer l’achat des sous-marins, mais également d’autres projets liés aux infrastructures militaires. De son côté, les États-Unis bénéficient déjà d’un excédent commercial de 32 milliards de dollars avec l’Australie, ce qui montre l’importance économique de cette collaboration.

Les détails du projet AUKUS

L’accord AUKUS ne se résume pas à l’achat direct de sous-marins. En plus des trois à cinq sous-marins nucléaires américains prévus, la Grande-Bretagne et l’Australie collaboreront à la construction d’un nouveau sous-marin de classe AUKUS. Pour soutenir cette aventure, l’Australie va investir 18 milliards de dollars australiens dans la modernisation de ses bases militaires situées dans le nord du pays (cette initiative vise à rendre les installations plus accueillantes pour les forces américaines et faciliter leur présence sur le territoire australien).

Une somme supplémentaire de 8 milliards de dollars australiens est destinée au développement d’une base navale en Australie-Occidentale. Cette installation jouera un rôle clé pour soutenir les rotations prévues des sous-marins nucléaires américains, renforçant ainsi la défense du pays.

Rencontres diplomatiques et perspectives d’avenir

La première rencontre entre Richard Marles et le nouveau Secrétaire à la Défense américain, Pete Hegseth, revêt une importance particulière. Elle incarne le lancement d’une nouvelle phase dans les relations bilatérales axée sur la sécurité régionale. Durant ces échanges, il sera notamment question de la présence militaire grandissante des États-Unis en Australie (un sujet qui fait déjà l’objet de nombreux débats) et des retombées stratégiques pour la région indo-pacifique.

Les discussions avec Marco Rubio, Secrétaire d’État américain évoqué dans le cadre d’AUKUS, ont été jugées « très positives » par Penny Wong, Ministre australienne des Affaires étrangères (ce commentaire reflète une volonté commune d’avancer rapidement sur ce projet ambitieux).

Sur le plan des infrastructures à venir, les premiers sous-marins construits au Royaume-Uni devraient être livrés avant la fin de la prochaine décennie. Par ailleurs, l’Australie prévoit d’effectuer sa première maintenance locale sur un sous-marin nucléaire américain dès septembre prochain, avec l’USS Hawaii (SSN 776).

L’Armée française sera bientôt la plus moderne d’Europe en confiant les rênes de sa robotisation à 2 géants de l’armement dans l’hexagone

L’Armée française sera bientôt la plus moderne d’Europe en confiant les rênes de sa robotisation à 2 géants de l’armement dans l’hexagone

L'Armée française sera bientôt la plus moderne d'Europe en confiant les rênes de sa robotisation à 2 géants de l’armement dans l'hexagone
L’Armée française sera bientôt la plus moderne d’Europe en confiant les rênes de sa robotisation à 2 géants de l’armement dans l’hexagone

 

L’Armée française passe la seconde avec le programme DROIDE pour une intégration accélérée.

La Direction Générale de l’Armement (DGA) française a franchi une nouvelle étape dans le développement de la robotique militaire en attribuant un accord-cadre de sept ans à KNDS France et Safran Electronics & Defense. Ce programme, nommé DROIDE, s’inscrit dans une démarche plus large visant à moderniser les capacités militaires de la France dans les systèmes autonomes et à renforcer l’utilisation des plateformes robotiques terrestres d’ici 2030-2035.

La DGA commence le programme DROIDE pour moderniser l’armée française avec la robotique militaire

Le programme DROIDE est un pivot central dans la stratégie d’intégration de la robotique dans le combat terrestre, une priorité que la DGA explore depuis plusieurs années. L’Armée française évalue le potentiel des systèmes robotiques pour soutenir les opérations militaires dans les domaines logistiques, de reconnaissance et de combat. L’accord-cadre DROIDE vise à faire avancer la maturité technologique des plateformes robotiques tout en tenant compte des défis spécifiques posés par le terrain et les conditions opérationnelles.

Développement et innovation

Ce programme prévoit le développement d’un démonstrateur robotique terrestre multi-missions conçu pour assister les unités de combat et réduire l’exposition des soldats aux risques. L’histoire récente de la robotique militaire en France montre une expansion progressive des capacités dans ce domaine, notamment avec le programme FURIOUS qui a précédé DROIDE et a conduit au développement de trois démonstrateurs de différentes tailles pour la reconnaissance de zone, l’exploration de bâtiments et le transport d’équipements.

Phase contractuelle et expérimentations

Suite aux progrès réalisés sous le programme FURIOUS, une nouvelle phase contractuelle a été attribuée à Safran Electronics & Defense en 2022, après des essais réussis en 2021. Cette phase s’est concentrée sur l’optimisation de l’architecture modulaire des systèmes, tant matériel que logiciel, pour améliorer leur niveau d’autonomie.

Essais sur le terrain et perspectives futures

L’Armée française a augmenté ses efforts d’expérimentation sur le terrain, menant des essais avec une mule robotique au Sahel et lançant le défi CoHoMa. La Loi de Programmation Militaire (LPM) 2024-2030 a renforcé cette approche en soulignant la nécessité de développer des robots terrestres capables d’interagir avec les soldats et leur environnement sous contrôle humain, réduisant ainsi les risques pour les forces déployées.

Enjeux techniques et opérationnels

Cependant, le déploiement de systèmes robotiques armés présente des défis techniques et opérationnels complexes. Le général Pierre Schill, lors d’une audience au Sénat en novembre 2024, a souligné les difficultés associées au mouvement autonome et au contrôle du feu. La LPM prévoit une intégration initiale de ces systèmes robotiques d’ici 2030, tout en continuant les tests nécessaires pour garantir leur efficacité et leur sécurité dans les environnements opérationnels.

Renforcement de l’écosystème technologique français

L’accord-cadre DROIDE est conçu pour inclure des partenaires tiers offrant des solutions innovantes, renforçant ainsi l’écosystème industriel et technologique français dans ce domaine. Safran Electronics & Defense devrait tirer parti de son expérience du programme FURIOUS, notamment avec ses mini-robots Nerva et la mule robotique Ultro 600. Pendant ce temps, KNDS France s’appuiera sur sa collaboration avec SERA Ingénierie, une filiale du groupe SOGECLAIR, qui a contribué au développement du robot terrestre Centurio.

Cet article explore l’engagement de la DGA et de l’Armée française à accélérer l’intégration de systèmes autonomes au sein des forces terrestres à travers le programme DROIDE. En structurant la recherche et le développement autour d’un démonstrateur multi-missions, le programme vise à identifier les solutions technologiques les plus adaptées aux besoins opérationnels futurs tout en maintenant la souveraineté industrielle et technologique dans le domaine stratégique de la robotique militaire.

Source : DGA

Image : Safran (programme FUSIOUS)

Face à l’instabilité géopolitique, quelles évolutions des politiques intérieures de la Finlande et de l’Estonie ?

Face à l’instabilité géopolitique, quelles évolutions des politiques intérieures de la Finlande et de l’Estonie ?

Par Margherita ZAIA  – Diploweb – publié le 9 février 2025 

https://www.diploweb.com/Face-a-l-instabilite-geopolitique-quelles-evolutions-des-politiques-interieures-de-la-Finlande-et.html


Margherita Zaia est actuellement étudiante en deuxième année de licence à l’Inalco (Paris) où elle se spécialise en finnois, en russe et en relations internationales. D’origine italienne, elle a effectué une année d’échange en France avec l’association AFS avant de passer le baccalauréat général pour poursuivre ses études dans ce pays. Maîtrisant plusieurs langues, elle souhaite mettre ses compétences au service de la diplomatie. En juin 2024, elle a publié « États baltes : les infrastructures de transport et d’énergie, des gages de souveraineté trop négligés » pour la revue Regard sur l’Est.

Dans le contexte de la guerre russe en Ukraine, il y a beaucoup à apprendre des questionnements de la Finlande et de l’Estonie quant aux arbitrages entre État providence et effort de défense. L’auteure en fait une présentation contextualisée et documentée qui donne à réfléchir.

« LE MONDE est en feu, nous devons rester unis », a déclaré Kaja Kallas, la « Dame de fer Balte » le 12 novembre 2024 devant le Parlement européen. Nouvelle cheffe de la diplomatie européenne, l’ancienne première ministre estonienne a toujours soutenu l’idée d’une défense européenne qui semble encore plus nécessaire dans l’environnement instable contemporain.

La majorité des membres de l’UE suit la même approche : augmenter les dépenses militaires au détriment des investissements sociaux afin d’être prêt si la nécessité de combattre se manifestait. La Finlande et l’Estonie suivent le mouvement car malgré des principes sociaux et démocratiques très forts, ces États craignent l’instabilité actuelle.

Face à l'instabilité géopolitique, quelles évolutions des politiques intérieures de la Finlande et de l'Estonie ?
Finlande et Estonie, deux lieux emblématiques
A gauche : Finlande : Eduskunta, le parlement finlandais à Helsinki, 2019. A droite : Estonie : Le centre historique de Tallinn, la capitale, 2018. Photos libres de droits.

La Finlande et l’Estonie, deux nations de la Baltique au passé marqué par l’occupation russe et la lutte pour leur souveraineté, ont longtemps été des exemples de stabilité et de développement social en Europe et dans le monde. Avec des États providence solides et un modèle démocratique axé sur l’éducation, elles ont réussi à bâtir des sociétés inclusives et prospères. Cependant, face à l’instabilité géopolitique croissante, notamment en raison de la menace russe, ces deux pays réorientent leurs priorités. De plus en plus d’investissements sont alloués à la défense au détriment du secteur public, redéfinissant ainsi le rôle de l’État providence. Cette évolution soulève des questions sur l’avenir de leurs modèles sociaux et sur la manière dont ces pays peuvent concilier sécurité et bien-être social dans un contexte international incertain.

1. Structuration des États – nations

A. Les citoyens et l’État providence

A la fin du XIX siècle, les pays industrialisés réalisent la nécessité d’intervenir dans les affaires sociales et commencent à mettre en place un système d’assurance publique pour les travailleurs. En Suède, des aides sociales commencent à apparaître dès 1891. Dans la Finlande voisine encore fortement rurale, l’intervention de l’État n’est pas encore perçue comme essentielle.

En effet, la Finlande et l’Estonie ont développé leurs systèmes d’État providence plus tardivement que leurs voisins nordiques. Malgré ce retard apparent, la Finlande et l’Estonie ont pu, à partir des années 1950 pour la première et des années 1990 pour la deuxième, bâtir des États providence performants et compétitifs en peu moins de 30 ans.

L’organisation de leurs deux systèmes est comparable car elle se base sur le même modèle, le modèle national universaliste qui assure une protection sociale généralisée à l’ensemble de la population. Il est adopté par la plupart des pays nordiques et il est défini d’”englobant” car il maintient un large éventail d’aides sociales.

La structuration de l’État providence est centrale dans la définition de l’identité de l’Estonie et de la Finlande car les institutions étatiques sont essentiellement le résultat d’un fort engagement citoyen. Ces deux pays ont connu une longue occupation étrangère : la Finlande était une province suédoise puis russe jusqu’en 1917. L’Estonie fut une République soviétique de la fin de la Seconde Guerre mondiale jusqu’en 1990-1991. Cela a impulsé une forte volonté de structurer des nations dont le principe de fonctionnement est basé sur une forte volonté d’émancipation ainsi qu’une volonté d’expier les erreurs du passé.

Le contexte historique de la mise en place des deux systèmes providentiels leur a permis aussi de développer une forte synergie entre le secteur public et le secteur privé. Grâce à des politiques bien ciblées, le développement du secteur privé, en particulier industriel, n’est pas synonyme d’une réduction des aides sociales. Bien que le passage du joug communiste au statut d’État libre et indépendant fut abrupt en Estonie, l’État a su rapidement organiser de nombreux partenariats avec les nouvelles entreprises privées.

B. Éducation et démocratie au cœur du projet politique, l’exemple nordique

Récemment, ces deux pays de la Baltique ont souhaité développer une collaboration renforcée entre le privé et le public en matière d’éducation. Conscients de la difficulté de gérer tout système éducatif et de l’extrême importance de celui-ci, ils ont essayé de changer les dynamiques qui le régissent pour en assurer le développement et la pérennité. La mise en place de ce modèle éducatif nordique, tout particulièrement en Finlande, a longtemps été présenté par la presse du monde entier comme l’atout majeur de l’Estonie et de la Finlande pour d’autres secteurs d’activité et projets étatiques. La longue histoire du “miracle éducatif” découle d’une longue histoire d’investissements et de planification dans ce secteur. Finlande et Estonie figurent parmi les pays européens qui consacrent la part la plus importante de leur PIB à l’éducation : 6,5% pour la Finlande et 5,3% pour l’Estonie (Chiffres de 2021). L’éducation est depuis des nombreuses années une priorité pour ces deux pays qui voient en elle une ressource stratégique et une clef de leur attractivité. La Finlande accueille depuis 20 ans des “touristes éducatifs” : enseignants et chercheurs intéressés par la méthode finlandaise vont visiter des écoles et des universités où leur sont proposées des formations pour permettre l’exportation du “miracle” dans leur pays d’origine. En Estonie, les facilités réglementaires permettent d’offrir la résidence numérique à de nombreuses start-up et sociétés industrielles qui viennent développer leurs entreprises dans la “Silicon Valley” européenne.

En outre, l’éducation reste cruciale dans la construction d’une démocratie forte. Dès l’obtention de leur complète indépendance, l’Estonie et la Finlande ont placé les valeurs démocratiques au cœur de leurs projets politiques. L’ éducation universelle est une garantie démocratique car elle assure au système un fonctionnement égalitaire qui offre, en principe, les mêmes opportunités à toute la population. Cela nécessite bien entendu des institutions solides, des fonctionnaires formés et des citoyens engagés. La mise en place de structures démocratiques fortes en Finlande et en Estonie est le résultat de politiques volontaristes et du souhait d’une classe gouvernante d’exorciser les difficultés auxquelles la zone de la Baltique a été confrontée tout au long de son histoire. Ces deux pays ont pris exemple pour cela sur les succès des États providence voisins par contraste avec la faillite économique et sociale de l’URSS, ce qui leur a permis de bâtir des États plus éclairés.

C. Interdépendance et instances internationales, deux approches différentes

Pendant la Guerre froide (1947-1991) et bien qu’indépendante, la Finlande fût longtemps sous tutelle de l’Union soviétique voisine. Elle cherche donc à renforcer son indépendance et à s’affirmer sur la scène internationale en tant qu’acteur à part entière. La Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe de 1973 qui s’est tenue à Helsinki sous la présidence de M. Urho Kekkonen reste un exemple emblématique. Elle visait à discuter des droits de l’homme et de la sécurité en Europe mais, en même temps, a permis l’affirmation de la position de la Finlande en tant que régulateur des relations entre l’Est et l’Ouest.

Cependant, cette conférence aboutit à une reconnaissance officielle des frontières de l’URSS : l’espoir d’une Estonie indépendante est ainsi abandonné en 1975 car sans reconnaissance par la « communauté internationale », pas de salut possible. L’histoire particulière de ce pays est à la base de son approche interventionniste en matière de défense. Privée de sa souveraineté à cause de sa neutralité en 1940, l’Estonie s’est engagée dès 1990 auprès de la plupart des grandes organisations internationales telles que l’OTAN et l’UE. Pour elle, la participation à une communauté plus large défendant des valeurs démocratiques et pouvant assurer une sécurité économique ainsi qu’un soutien militaire fort était cruciale. Afin de ne plus être confrontée à la même instabilité politique et économique que celle qu’elle a connu au sein de l’URSS, l’Estonie cherchait des garanties réelles de la part d’États puissants. L’Estonie a pu intégrer l’OTAN puis l’Union européenne, pour en devenir un membre actif. Ce parti pris d’engagement fort en politique étrangère est une constante. L’Estonie joue aujoud’hui un rôle majeur dans les pourparlers autour de la question ukrainienne et le renforcement de la coopération européenne dans les domaines militaires.

La Finlande quant à elle, a adopté une politique de neutralité et une approche des questions de défense plus prudente que l’Estonie. Sa neutralité est devenue au fil du temps un non-alignement, puis une collaboration ponctuelle avec les instances internationales. La neutralité finlandaise a été pendant longtemps une part essentielle de l’identité finlandaise bien qu’elle soit un héritage de la Guerre froide. Pendant cette période, tout autour de la mer Baltique, se construisit un “équilibre nordique” où la Suède et la Finlande demeuraient neutres, à cheval entre les deux blocs (ou à cheval entre l’Est et l’Ouest). Le moindre penchant, croyait-on, de l’un de ces deux pays pour un côté plutôt qu’un autre aurait pu briser cette stabilité fragile. C’est la raison pour laquelle leurs récentes adhésions à l’OTAN, dans la foulée de la relance la guerre russe en Ukraine, est d’une importance majeure.

II. Un environnement instable

A. Leur implantations géographique et le poids relatif de ces pays dans les relations globales

La région baltique se caractérise par des enjeux qui sont propres à sa configuration géographique : la mer Baltique est une mer quasi fermée, de faible profondeur et entourée par 9 pays riverains. La navigation est difficile et ne peut être assurée que par des bateaux de faible tonnage. Le trafic maritime est essentiel mais limité par manque de voies navigables conséquentes vers le reste de l’Europe. De plus, toutes les dynamiques en jeu dans la région sont fortement influencées par la présence de la Russie qui demeure une menace permanente, notamment pour l’Estonie et la Finlande. Ces deux pays partagent des frontières terrestres avec la Russie de part et d’autre du Golfe de Finlande et limitent de ce fait la liberté de mouvement de la flotte Russe, entravant ainsi son libre accès à la mer. Cela contraint la Russie à s’appuyer sur Kaliningrad comme débouché primordial sur la mer même si le fait que cette enclave soit totalement isolée du reste du territoire russe rend l’utilisation de la flotte commerciale et militaire qui y stationne particulièrement complexe.

Le voisinage de la Russie n’est pas la seule difficulté à laquelle Estonie et Finlande sont confrontés. Au sein même de l’OTAN et de l’UE, les voix de ces deux pays comptent mais pèsent moins que celles de certaines puissances telles que les Etats-Unis ou la France qui demeurent des nations beaucoup plus influentes. Le poids économique, militaire et diplomatique relativement faible des deux pays les contraints à se doter de stratégies de collaboration et les pousse à s’engager fortement sur le plan géopolitique afin de pouvoir s’imposer comme acteurs importants dans la région baltique et plus globalement dans le monde entier.

Estonie et Finlande savent que, dans leur quête d‘influence, elles doivent se rendre indispensables au travers de nombreuses initiatives ambitieuses, comme par exemple en matière de hautes technologies mais aussi dans le secteur de l’énergie, cherchant ainsi à maximiser leurs atouts.

B. Se rendre indispensable : quelles ressources, quels atouts ?

Ce processus passe d’abord par la valorisation de leurs ressources et de leurs compétences particulières. Bien que ces deux pays aient des débouchés sur la même mer, leurs profils géographiques diffèrent considérablement. Si la foresterie est un domaine crucial en Estonie aussi bien qu’en Finlande, il s’avère que la Finlande figure parmi les dix principaux exportateurs mondiaux de bois. Quant à l’Estonie, elle exporte majoritairement du gaz de schiste, ce qui représente pour elle un atout économique majeur, spécialement depuis son détachement en 2024 du réseau BRELL datant de l’Union soviétique.

Par ailleurs, ces pays offrent des savoir-faire particuliers et possèdent un tissu de structures et d’entreprises très spécialisées. 75% des revenus estoniens viennent du secteur des services dont elles exportent les méthodes et les technologies. Quant à la Finlande, ce secteur contribue pour 40% au PIB. Leurs économies sont ainsi très dépendantes de l’extérieur car la majorité de leurs revenus vient d’exportations et d’échanges commerciaux avec d’autres pays de l’UE.

De plus, l’Estonie aussi bien que la Finlande, se veulent exemplaires en matière de développement durable. Les deux pays ont d’ailleurs comme objectif la neutralité carbone d’ici 2035 ce qui constitue un enjeu majeur, aussi bien sur le plan économique que politique. En développant des stratégies énergétiques compétitives, ces nations s’assurent une place dans un marché en pleine croissance tout en consolidant leur indépendance vis-à-vis de la Russie qui reste longtemps un acteur de la fourniture d’énergie pour le marché européen. Finlande et Estonie se sont doté progressivement de parcs éoliens offshore et de centrales hydroélectriques, notamment dans la région des lacs en Finlande : c’est une très grande ressource, précieuse pour un développement durable.

C. Investissements massifs dans le domaine militaire : au détriment de quels secteurs ?

Néanmoins, depuis une décennie, l’achat d’équipements militaires apparaît parmi les priorités plus urgentes des gouvernants estoniens et finlandais. En 2014, l’occupation illégale de la Crimée par l’armée russe a alerté la “communauté internationale”. Toutefois, les pays frontaliers de la Russie étaient devenus très vigilants depuis la guerre de 2008 en Géorgie, parfaitement conscients que l’attitude belliqueuse de la Russie présentait un risque significatif pour leur souveraineté. Les pays baltes ayant connu l’occupation soviétique, ils sont toujours restés particulièrement attentifs aux évolutions de la situation de l’autre côté de la frontière et c’est pourquoi la possibilité de voir leur souveraineté menacée une nouvelle fois les a poussés à augmenter leurs budgets militaires et à demander des troupes otaniennes sur leurs territoires dès 2015. Si en 2013 l’Estonie consacrait déjà 1,9% de son PIB à la défense, elle a augmenté régulièrement ses budgets pour atteindre 2,1% en 2016 et, suite à la relance de l’invasion de l’Ukraine, jusqu’à atteindre 3,43% du PIB en 2024.

En Finlande, le processus demeure opposé jusqu’en 2022. Après la Guerre froide, de nombreux pays européens réduisent leurs dépenses militaires, privilégiant des investissements dans le secteur public. A la suite des deux guerres mondiales et après 40 ans d’instabilité durant la deuxième moitié du XXème siècle, ces pays ont considéré qu’un surarmement était sans doute superflu. Les évolutions finlandaises en la matière sont exemplaires : en 1992, le budget de la défense atteint 1,9% du PIB mais décline progressivement jusqu’à chuter à 1,3% en 2021. Ce qu’on appelle « les dividendes de la paix », cette sensation de sécurité et de prospérité, concept bien connu dans les pays occidentaux depuis 30 ans, va leur coûter cher.

Ce n’est qu’à partir de 2022 que de nombreux pays occidentaux ont réinvesti massivement et recommencent à allouer des sommes considérables dans le domaine militaire. En Finlande, le budget consacré à la défense est passé de 1,3% du PIB à 2,4% en un peu moins de deux ans. Ce pays, qui n’est membre de l’OTAN que depuis le 4 avril 2023, a surpassé en termes de dépenses la grande majorité des autres pays européens membres depuis plusieurs années.

III. « En temps de paix, on pense au service public. En temps de guerre, on ne pense qu’à la guerre”

A. Le rôle fondamental de l’éducation dans le maintien de la paix

Si l’éducation est un pilier de la société en créant les conditions d’un accès égalitaire des citoyens aux opportunités qu’offre un pays libre, elle joue aussi un rôle fondamental dans le maintien de la paix. En garantissant un accès universel à la scolarisation, les États possèdent une vraie capacité de former leur population afin de bâtir un futur durable. L’éducation est un vecteur de valeurs démocratiques et pacifiques, elle favorise une participation citoyenne à la vie de la nation et permet de renforcer la viabilité des institutions étatiques. Une grande démocratie, c’est une population bien éduquée offrant la garantie d’une société plus engagée politiquement et d’une élite capable de faire perdurer les valeurs fondamentales qui servent de socle à son fonctionnement.

Cet enjeu est bien compris par l’Estonie et la Finlande qui considèrent l’enseignement comme un levier, tant pour la démocratie que pour l’économie. En investissement dans l’éducation, elles s’assurent aussi une exportation de leurs savoir-faire de haut niveau qui à leur tour génèrent des revenus importants. Grâce à la globalisation des 30 dernières années, l’Estonie et la Finlande sont devenues deux puissances de l’éducation et des technologies. De nombreux experts, chercheurs, étudiants s’y rendent chaque année pour se nourrir des savoir-faire spécifiques développés localement. Fred Darvin dans « La meilleure éducation au monde ? Contre-enquête sur la Finlande » (éd. L’Harmattan, 2013) définit ces migrants comme des « touristes éducatifs » et dénonce la forte compétitivité qui s’est installé depuis une décennie parmi les instituts finlandais. Rapidement, cet atout économique est devenu un enjeu majeur pour les gouvernements qui semblent être plus intéressés par le statut du pays à l’international que par le système éducatif lui-même.

Par le prisme de la montée des tensions et d’une globalisation qui rend les pays toujours plus acharnés dans l’affirmation de leur souveraineté respective, on se demande comment il est possible de garantir un État providence solide si les intérêts économiques et militaires deviennent prioritaires.

B. Comment peut-on garantir un État providence quand la guerre gronde aux frontières ?

Historiquement, les États providence naissent en période de crise car ils répondent à des nécessités qui se manifestent plus spécifiquement dans des contextes difficiles. La Grande Dépression des années 1930 entraîne des réformes majeures (dont le New Deal) aux États Unis ainsi que les « politiques de plein emploi » en Scandinavie. Face aux crises économiques et sociales, les États prennent conscience des difficultés que rencontrent la population et structurent les institutions pour protéger les citoyens les plus faibles.

Néanmoins, la tendance semble s’inverser de nos jours. Maintenir un haut niveau de générosité de l’État providence est coûteux et « superflu » face à des menaces bien réelles comme celle que représente la Russie. Plusieurs États ont progressivement réduit leurs investissements dans le secteur public et favorisé le développement du secteur privé afin de consacrer plus de ressources pour les besoins de la défense. Mais en se préparant à la guerre, ils affaiblissent une structure dont ils auront besoin pour s’assurer une stabilité à la fin des (possibles) combats [1]. La guerre ainsi que la crise qui en découle entraînent une mobilisation massive des ressources étatiques sans pour autant permettre de rétablir après coup la stabilité perdue.

Lors de la crise financière de 2008, Finlande et Estonie ont mis en place des solutions innovantes pour réduire les répercussions sur leurs populations et leurs économies. Elles ont eu deux approches différentes sur le plan économique, la Finlande privilégiant l’intervention étatique et l’Estonie l’austérité. Les deux pays ont cependant mis en place des politiques sociales ciblées pour soutenir les catégories les plus faibles et pour contrer le chômage.

C. Ce que l’approche de la Finlande et de l’Estonie nous suggère du futur de l’UE

De nos jours, la situation s’annonce plus difficile à gérer. Ces pays doivent faire face à une récession économique ainsi qu’à une menace d’ordre militaire à leurs frontières tout en restant compétitifs dans le marché global. Si la crise de 2008 est un exemple de réussite nordique, les dernières évolutions des politiques intérieures en Finlande et en Estonie nous suggèrent un futur différent cette fois-ci.

La militarisation massive de pays traditionnellement neutres comme la Finlande est le témoin de l’instabilité et de la précarisation de l’environnement global. L’OTAN est en Europe le premier garant de la sécurité, un symbole de puissance et de protection pour les pays Baltes. Pour la Finlande, cette affirmation pose toutefois question, notamment depuis le 5 novembre 2024 et la réélection de D. Trump à la tête des Etats-Unis. L’incertitude sur les conditions de l’engagement américain auprès des Européens est bien présente dans les esprits. Les menaces de désengagement américain sur le Vieux Continent (Sommet de l’OTAN, Bruxelles, 2018) sont aujourd’hui plus pressantes que jamais.

Les conditions d’une intervention de l’OTAN en cas de conflit (article 5) étant actuellement soumises à questionnement par le président des Etats-Unis, la nécessité d’une défense européenne forte revient sur le devant de la scène diplomatique comme le demande l’Estonie avec force depuis 2014. Pourtant, ce projet est entravé par certains membres européens de l’alliance qui face à la crise privilégient leurs intérêts nationaux au détriment des intérêts de “la communauté internationale”.

*

Il est évident que, dans ce contexte de crise, l’Estonie et la Finlande, malgré leurs modèles de démocratie et de développement social, suivent une tendance européenne en réorientant leurs investissements du secteur public vers le domaine militaire. Les évolutions des deux dernières années illustrent cette adaptation, qui s’inscrit dans un cadre national et international de plus en plus complexe. Bien que ces deux pays soient confrontés au défi de la crise militaire actuelle, ils continuent également de mener des projets de développement économique, social et environnemental à long terme. Concilier ces enjeux, qui bien que distincts, s’influencent mutuellement, nécessite une stratégie soigneusement pensée pour l’avenir.

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La mise au point d’un algorithme français d’intelligence artificielle pour le combat aérien se heurte à des réticences

La mise au point d’un algorithme français d’intelligence artificielle pour le combat aérien se heurte à des réticences


En août 2020, dans le cadre du programme ACE [Air Combat Evolution] visant à renforcer l’interface « homme-machine » dans le domaine de l’aviation de chasse, l’agence du Pentagone dédiée à l’innovation [DARPA], avait organisé la compétition « AlphaDogfight » pour mettre à l’épreuve huit algorithmes d’intelligence artificielle censés permettre à une machine de livrer des combats aériens. Le meilleur d’entre eux devait ensuite affronter un pilote expérimenté de l’US Air Force, placé aux commandes d’un simulateur de F-16.

Privé de ses repères habituels, ce dernier fut dominé par la machine, nourrie par un algorithme développé par l’entreprise Heron Systems.

« Que l’humain ou la machine remporte le combat aérien final importe peu étant donné que les essais AlphaDogfight visent à accroître la confiance dans l’intelligence artificielle. Mais si une intelligence artificielle gagne le respect d’un pilote de F-16, nous aurons fait un pas de plus vers la réalisation d’une interface homme-machine efficace pour le combat aérien, ce qui est notre objectif », avait alors commenté le responsable de ce programme.

Le projet ACE a ensuite été complété par un second, appelé AACO [Autonomous Air Combat Operations] et porté par l’Air Force Research Laboratory [AFRL] pour le combat aérien au-delà la portée visuelle [BVR – Beyond Visual Range].

L’un et l’autre sont passés à la vitesse supérieure dès 2022, quand un X-62A VISTA [Variable In-flight Simulation Test Aircraft], c’est-à-dire un F-16 de l’US Air Force Test Pilot School piloté par des algorithmes d’IA, a effectué des vols d’essais au cours desquels il a livré des combats aériens face à un F-16 « habité » en conditions réelles.

Une telle capacité est susceptible d’intéresser l’armée de l’Air & de l’Espace, surtout au moment où il s’agit de développer un drone de combat [UCAV] censé accompagner le Rafale porté au standard F5. Lors d’une récente audition à l’Assemblée nationale, le rapporteur du programme 178 « Préparation et emploi des forces – Air », Frank Giletti, a demandé à Bertrand Rondepierre, le directeur de l’Agence ministérielle de l’intelligence artificielle de défense [AMIAD], si des projets similaires à ceux conduits aux États-Unis pouvaient être envisagés en France.

D’après M. Rondepierre, des solutions existent déjà [comme le projet Centaur, de l’entreprise Helsing IA]. Le problème est qu’il y a « des réticences un peu partout » et la question est de savoir « comment passer à la vitesse supérieure tout de suite », a-t-il dit.

« Il y a des acteurs qui proposent de faire des démonstrations. J’ai voulu savoir si l’on pouvait faire voler quelque chose. Puisque ça fonctionne, allons-y, dès 2025. Là, on tombe dans le ‘oui mais c’est compliqué’ parce qu’il faut faire voler un avion et il y a des questions de sécurité », a poursuivi le directeur de l’AMIAD.

« S’il y a deux ou trois questions qui se posent, je pense que ce n’est pas une excuse. Ce n’est pas ça qui doit nous ralentir. Mais on se heurte à des pratiques qu’on doit traiter en tant que telles », a-t-il déploré.

Cela étant, l’AMIAD n’a pas l’intention de renoncer. Aussi a-t-elle adopté une démarche en deux temps. D’abord, a expliqué M. Rondepierre, il s’agit de mettre l’accent sur la technique de l’apprentissage par renforcement « qui permet, dans un environnement de simulation, d’entraîner une machine à faire voler un avion et à opérer des systèmes d’armes ».

Aussi, a-t-il poursuivi, on « est en train de travailler avec l’armée de l’Air [& de l’Espace] pour qu’il soit mis à la disposition de l’AMIAD » un « environnement de simulation » pour qu’elle « soit capable de faire cet exercice […] d’entraînement et de tests d’IA ». Car, a-t-il souligné, « si on n’est pas capable de faire ça, il ne sera pas envisageable de faire voler un avion ».

Seulement, une fois que ce travail aura été réalisé, l’AMIAD devra franchir un autre obstacle. « En parallèle, on se pose la question suivante : comment faire voler quelque chose ? À ce stade, on n’a pas de plan très concret pour le faire mais c’est un effet qu’on souhaiterait obtenir. Mais on n’a pas horizon », a conclu son directeur.

Photo : Illustration / AlphaDogfight

Le ministère des Armées a commandé 530 véhicules légers tactiques polyvalents protégés pour l’armée de Terre

Le ministère des Armées a commandé 530 véhicules légers tactiques polyvalents protégés pour l’armée de Terre


Selon la Loi de programmation militaire [LPM] 2024-30, l’armée de Terre devrait posséder 2038 blindés de type Serval à l’horizon 2035, dont 1060 acquis au titre du programme « Véhicule léger tactique polyvalent protégé » [VLTP-P]. Et cela, afin d’équiper les « unités de combat et d’appui au contact de l’environnement de SCORPION ».

D’où la commande qu’a récemment notifiée la Direction générale de l’armement [DGA] auprès de KNDS France, Texelis [dont les activités « Défense » sont sur le point d’être reprises par KNDS, ndlr], MBDA et CS Group.

En effet, via un communiqué publié ce 8 février, la DGA a annoncé qu’elle avait commandé 530 Serval « Appui SCORPION » au profit de l’armée de Terre, pour un montant avoisinant 1 milliard d’euros. En outre, 97 autres Serval ont également fait l’objet d’une commande, cette fois au titre du programme SCORPION.

Cet « investissement est réalisé dans le cadre du programme véhicule léger tactique polyvalent [VLTP]. Il est également porté par les programmes Défense Surface Air Basse Couche et Lutte anti-drone en charge respectivement de l’acquisition des systèmes de Défense Sol-Air et de Lutte anti-drones », a précisé la DGA.

Ces Serval « Appui SCORPION » permettront la « mise sous blindage » et l’intégration à l’environnement SCORPION des unités de l’armée de Terre qui, dédiées au commandement, à l’appui et au soutien, sont amenées à évoluer dans « la zone des contacts », au sein d’une brigade interarmes.

Le programme VLTP-P permettra ainsi à l’armée de Terre de moderniser des capacités vieillissantes, voire « orphelines » depuis plusieurs années. Comme cela a déjà été annoncé, il est question de développer plusieurs nouvelles versions du Serval, dont une dédiée à la défense sol-air [DSA], avec une tourelle dotée de missiles sol-air de type MISTRAL 3, et une autre pour la lutte antidrone [LAD], avec l’intégration d’un radar, d’un système de détection des radiofréquences, d’une conduite de tir et d’un canon de 30 mm.

Le Serval « Appui SCORPION » se déclinera également en version NCT [nœud de communications tactiques] avec l’intégration de capacités de communications satellitaires [Syracuse IV] et hertziennes.

« Le Serval est doté d’un haut niveau de performances sur les plans de la mobilité, de la protection, de l’autonomie ainsi que d’une capacité de projection remarquable. Sa modularité est complétée par l’intégration de nouvelles fonctions de haute valeur ajoutée », rappelle la DGA.

Le VLTP-P est le troisième incrément d’un programme plus large, appelé VLTP. Celui-ci s’est d’abord concrétisé par l’acquisition de 4 380 véhicules VT4 et de 103 véhicules sanitaires non protégés.

Cependant, l’armée de Terre ne devrait pas être la seule à être équipée de Serval étant donné que le programme VLTP-P doit aussi permettre aux fusiliers commandos de l’armée de l’Air & de l’Espace de remplacer leurs Véhicule d’intervention blindé, basés sur le VAB.

Après l’opération « Harpie », « Kapalu » assène un grand coup aux orpailleurs illégaux en Guyane

Après l’opération « Harpie », « Kapalu » assène un grand coup aux orpailleurs illégaux en Guyane

Après des années de lutte contre l’orpaillage illégal en Guyane, l’armée française change de tactique : après l’opération « Harpie », place à « Kapalu », une opération de destruction systématique dont les résultats ne se sont pas fait attendre. Une technique d’une efficacité redoutable, qui pourrait être reproduite ailleurs dans la région.


L’hélicoptère des forces armées françaises survole l’étendue de la forêt amazonienne guyanaise, le long de la frontière avec le Brésil. Les pilotes, habitués à repérer les sites d’orpaillage depuis les airs, montrent des camps difficiles à discerner pour les non avertis.

Un changement de couleur de l’eau, une trouée dans la canopée peut leur indiquer la présence de garimpeiros, orpailleurs illégaux d’origine brésilienne. Parfois, un point blanc dans l’immensité verte ne laisse pas de place au doute.

« Ils sont trahis par leurs antennes Starlink« , le service de connexion par satellite leur permettant d’avoir du réseau internet, explique un pilote des Forces armées guyanaises (FAG).

Depuis des années, le département français d’Amérique du Sud est le théâtre d’une lutte perpétuelle entre orpailleurs clandestins et forces de l’ordre. Avec un succès tout relatif: 400 sites illégaux étaient recensés en 2024, selon des chiffres de la préfecture.

Mais en octobre, les forces de sécurité – gendarmerie et FAG conjointement – ont lancé une nouvelle opération baptisée Kapalu dans le bassin de la rivière Camopi, qui traverse la commune du même nom, à la frontière avec le Brésil. Le but : « éradiquer l’orpaillage » dans la zone, détaille le général Jean-Christophe Sintive, commandant de la gendarmerie en Guyane.

Une méthode systématique plus efficace

Pour cela, 150 militaires et gendarmes ont été déployés pendant six semaines dans cette région isolée de 3,000 km2, accessible uniquement par les airs et le fleuve, pour détruire l’intégralité des chantiers recensés.

Le maintien de plusieurs patrouilles sur place pour limiter le retour des garimpeiros a suivi cette « phase de destruction systématique ». Et ça marche, assurent les autorités.

« En 2019, l’est guyanais concentrait 20 % de l’orpaillage illégal en Guyane. En 2025, c’est 3 %« , détaille le général Sintive, selon qui l’orpaillage est devenu « résiduel » sur le bassin de la Camopi.

Les préjudices infligés aux garimpeiros – saisies de pirogues, d’or, de carburant… – sont estimés à environ cinq millions d’euros.

La méthode tranche avec l’opération « Harpie » lancée en 2008. Depuis longtemps, des élus locaux reprochaient aux militaires d’abandonner la zone – immense – une fois les puits illégaux et le matériel des orpailleurs détruit. Sitôt les militaires partis, les orpailleurs reprenaient leurs activités.

Des limites persistent : la réponse judiciaire, pas toujours adaptée. « Il y a un décalage entre la sophistication que requièrent les enquêtes et la dureté du milieu », pointe le procureur général près la cour d’appel de Cayenne, Joël Sollier. En témoigne le bilan de l’opération Harpie : depuis son démarrage, onze militaires français sont morts en mission.

Une lutte contre un crime organisé

L’orpaillage illégal s’apparente à du « crime organisé », insiste Joël Sollier. « Il ne peut y avoir qu’une organisation qui achemine 400 000 litres de pétrole chaque année, des quads en quantité, des pirogues, de la nourriture pour plusieurs centaines voire plusieurs milliers de personnes ».

Et malgré des centaines de gardes à vue chaque année, le travail de renseignement est long et interpeller les têtes de réseaux difficile.

Pourtant, la coopération avec le Brésil est bonne. C’est l’un des paramètres qui a convaincu les autorités de lancer l’opération Kapalu sur le bassin de la Camopi.

« Il y a une forte demande de la part des autorités, des élus et des chefs coutumiers », explique le préfet de la Guyane Antoine Poussier, venu fin janvier faire un premier bilan sur place.

Lors d’une visite en mars 2024, le président Emmanuel Macron avait promis « d’aller encore plus loin dans la lutte contre l’orpaillage illégal ». Neuf mois plus tard, « l’engagement est tenu, on poursuit la lutte », assure le préfet.

Mais de l’autre côté de la Guyane, à sa frontière avec le Suriname, les garimpeiros prospèrent encore, aidés par la présence d’innombrables comptoirs commerciaux susceptibles d’approvisionner les orpailleurs en vivres et matériel le long du fleuve Maroni. Les autorités assurent pourtant vouloir dupliquer là-bas aussi les méthodes de Kapalu.