Traité de Nancy : vers un renforcement stratégique et sécuritaire des relations franco-polonaises ?

En quoi ce traité marque-t-il une évolution significative des relations bilatérales franco-polonaises, notamment dans le domaine de la défense ? Plus largement, dans quelle mesure le traité de Nancy peut-il être perçu comme une tentative de partenariat multiforme dépassant le domaine militaire ?

La signature de ce traité s’inscrit dans la continuité du rapprochement opéré entre la France et la Pologne au cours des derniers mois – et même des deux dernières années, après une période de relative crispation depuis 2015.

Un premier traité d’amitié et de solidarité avait été signé en 1991 et complété en 2008 par un Partenariat stratégique – deux documents de moindre ampleur et datés par rapport aux réalités politiques et géopolitiques du continent et des deux pays. Le début des années 2010 avait déjà été marqué par une tendance au rapprochement au niveau politique, notamment à partir de 2012 avec des échanges réguliers entre les présidents François Hollande et Bronisław Komoroski, ainsi que les ministres de la Défense Jean-Yves Le Drian et Tomasz Siemoniak. En parallèle, des entreprises du secteur de la défense, telles qu’Airbus (European Aeronautic Defence and Space Company à l’époque), avaient tenté de s’implanter sur le marché polonais – en témoigne le rachat de l’avioniste polonais PZL-Okęcie dès 2001. Airbus Helicopter devait fournir à la Pologne 50 hélicoptères Caracal dans le cadre d’un contrat de plus de 3 milliards d’euros, avant l’annonce de la rupture des négociations par Varsovie en 2016 à la suite du changement de gouvernement.

Le retour au pouvoir du parti eurosceptique de Jarosław Kaczyński Droit et Justice (PiS) en 2015 a en effet marqué un tournant dans les relations franco-polonaises, tant au niveau politique qu’industriel. L’« épisode des Caracals » a non seulement entrainé une action par Airbus devant un tribunal arbitral international mais a aussi eu d’importantes répercussions au niveau diplomatique. En parallèle, la coopération franco-polonaise s’est dégradée au niveau européen, puisque Varsovie a initialement rejeté le projet franco-allemand de lancement de la Coopération structurée permanente. En 2017, la France n’a donc pas non plus proposé à la Pologne de se joindre à l’Initiative européenne d’intervention. De plus, les déclarations du président Emmanuel Macron sur la « mort cérébrale de l’OTAN », en 2019, ont été particulièrement mal reçues en Pologne et ont alimenté la détérioration des relations stratégiques et la réticence polonaise à coopérer avec la France dans le domaine de la défense.

Un premier rapprochement s’est opéré en 2020 avec une déclaration conjointe sur la coopération en matière européenne, notamment industrielle, suivie d’une déclaration d’intention de coopération dans le domaine spatial en 2021. L’année suivante, la Pologne a fait l’acquisition de deux satellites d’observation français auprès d’Airbus Defence and Space. Le traité de Nancy entend d’ailleurs prolonger cette coopération dans le domaine spatial, mentionné à plusieurs reprises comme une aire de coopération prioritaire.

Le timide retour à la coopération à partir de 2020 était néanmoins limité par la difficulté des relations au niveau politique et les divergences de vues opposant les chefs d’État des deux pays sur des sujets clés comme l’Europe de la défense, la relation transatlantique et l’attitude à l’égard la Russie. L’invasion massive de l’Ukraine par la Russie à partir de 2022, la défaite du PiS aux élections législatives de l’automne 2023 et enfin l’attitude de Donald Trump depuis son retour à la Maison-Blanche en 2024 ont donc contribué au rapprochement progressif des positions françaises et polonaises sur ces dossiers ainsi qu’à une amélioration fondamentale des relations bilatérales au plus haut niveau.

Le traité signé le 9 mai à Nancy vient désormais acter ce rapprochement. Le document est comparable en termes d’ampleur et d’ambition aux traités signés par la France avec d’autres partenaires stratégiques européens : l’Allemagne (traité dit « d’Aix-la-Chapelle » en 2019), l’Italie (traité de Quirinal en 2021) et l’Espagne (traité de Barcelone en 2023). Le texte instaure un sommet bilatéral annuel présidé par le Premier ministre polonais et le président français et vise à fournir un cadre pour le renforcement de la coopération entre les deux pays dans tous les domaines : Union européenne, politique étrangère, sécurité et défense, politique migratoire, justice et affaires intérieures, industrie et numérique, développement durable et protection de l’environnement, infrastructures, énergie, agriculture, recherche, culture, éducation…

Dans quel contexte international s’inscrit la signature du traité de Nancy scellant la coopération franco-polonaise ? À quelles inquiétudes stratégiques cette alliance cherche-t-elle à répondre et quelles réponses propose-t-elle ?

Le rapprochement entre Paris et Varsovie est indubitablement lié aux bouleversements de la sécurité européenne par la guerre d’agression russe en Ukraine, couplé à la possibilité de plus en plus concrète d’un désengagement américain du continent. Cette double menace a eu pour conséquence de réaligner progressivement les analyses et priorités stratégiques françaises et polonaises. Le rapprochement des dernières années résulte donc d’une convergence des intérêts français et polonais. Pour Varsovie, il s’agit de renforcer son poids au sein de l’Union européenne (UE) et de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) en approfondissant des partenariats bilatéraux avec des États membres influents, ainsi que de diversifier ses garanties de sécurité face à l’incertitude croissante entourant l’engagement américain. Pour Paris, cette dynamique offre l’opportunité d’ancrer ses relations avec l’Europe centrale et orientale, dans un contexte où le centre de gravité stratégique du continent tend à se déplacer vers l’est.

D’une part, Paris a donc entrepris de recalibrer sa politique étrangère vis-à-vis de la région et a adopté un discours de plus en plus ferme sur la Russie, regagnant ainsi en crédibilité dans les capitales orientales. La visite présidentielle française en Ukraine à l’été 2022 et surtout le discours du président Emmanuel Macron au forum Globsec à Bratislava en 2023 ont été bénéficié d’une forte visibilité et ont été reçus positivement en Pologne. Désormais, Paris est donc davantage perçue comme un partenaire, voire un pourvoyeur de sécurité potentiel au sein de l’UE. Réciproquement, dans la perspective d’une réélection de Donald Trump et sous l’impulsion pro-européenne de Donald Tusk, la Pologne s’est efforcée depuis 2023 de revitaliser ses relations avec les pays européens. La stratégie de partenariats internationaux de Varsovie pour garantir la sécurité de son territoire vise à la fois l’ancrage américain dans la sécurité européenne – notamment par l’élargissement de la présence militaire des États-Unis sur son sol – et le développement de coopérations opérationnelles accrues avec ses partenaires européens les plus proches.

Le traité de Nancy établit une analyse commune des menaces et rappelle l’architecture de sécurité européenne dans laquelle il s’inscrit. Ces deux fondamentaux sont posés dès le préambule, qui souligne à la fois « la menace sécuritaire persistante que fait peser la guerre d’agression russe contre l’Ukraine » et « le rôle de l’OTAN en tant que fondement de la défense collective de la [Pologne] et de la [France] ». La vision commune pour la sécurité européenne est précisée dans les articles sur la coopération au sein de l’UE (article 2) et sur la sécurité et la défense (article 4). Les deux pays y affirment une volonté de renforcer la défense européenne, qui doit passer par une complémentarité entre l’UE et l’OTAN. Le traité s’en tient à l’objectif de renforcer le fameux « pilier européen de l’OTAN », sans aller jusqu’à une européanisation de l’organisation. La nécessité pour l’Europe d’assumer davantage la responsabilité de sa propre défense ainsi que le développement d’une capacité d’action autonome est néanmoins soulignée. En termes de menaces identifiées, l’accent est mis dans le traité sur les cyberattaques et les attaques informationnelles.

Les garanties de sécurité mutuelles rappelées par le traité s’inscrivent donc dans le cadre multilatéral de l’OTAN et celui de l’UE. Le Premier ministre Donald Tusk avait annoncé, peu avant la signature du traité, que celui-ci aurait pour essence même une clause de soutien mutuel en cas d’agression. Si cette disposition est effectivement présente à l’article 4.2 du document, celui-ci n’introduit pas véritablement de nouvelle garantie, puisqu’il rappelle en fait simplement les engagements pris au titre de l’article 5 du Traité de l’Atlantique Nord et de l’article 42§7 du Traité sur l’Union européenne. Il précise néanmoins que l’assistance mutuelle est mise en œuvre « y compris par des moyens militaires ». Les garanties de sécurité que pourrait fournir la France à la Pologne ne sont pas précisées dans le traité, qui n’aborde pas l’éventualité d’un déploiement de troupes françaises en Pologne (même s’il prévoit des missions et déploiements conjoints) ni ne mentionne le sujet complexe de la dissuasion nucléaire.

Jusqu’où la coopération militaire s’étend-elle à l’issue de cet accord entre la France et la Pologne ? Quelles implications ce traité peut-il avoir sur les programmes d’armement communs et le développement d’une base industrielle et technologique de défense (BITD) européenne ?

Le rapprochement sur le plan politique depuis 2023 ne s’est pas pour l’instant traduit par des contrats et/ou des coopérations majeures entre la France et la Pologne dans le domaine de l’armement. Thales participe au programme de frégates polonais en fournissant le système de gestion de combat et les radars qui équiperont les trois navires de facture polono-britannique. Safran a également fait son entrée sur le marché polonais avec la fourniture de systèmes de navigation inertielle pour les plateformes antiaériennes et poursuit le développement de sa coopération avec la BITD polonaise. Ces exemples restent limités en comparaison des contrats passés auprès de l’industrie américaine ou sud-coréenne.

L’institutionnalisation du rapprochement politico-stratégique par le traité de Nancy pourrait désormais fournir les bases d’une coopération approfondie dans le domaine de l’armement. Le traité prévoit un renforcement de la coopération dans le domaine de l’innovation et de la recherche et développement (R&D) dual (IA, quantique, technologies spatiales, nouvelles énergies, etc.) ainsi que de l’armement à travers des projets capacitaires conjoints, sans préciser lesquels. Le directeur général de l’armement Emmanuel Chiva a déjà rencontré en mars cette année le vice-ministre de la Défense polonaise Paweł Bejda en vue de renforcer la coopération industrielle et militaire entre la France et la Pologne, remettant sur la table à cette occasion la proposition de Naval Group pour le marché des sous-marins polonais. Le président du groupe Airbus, Guillaume Faury, a quant à lui échangé avec le ministre de la Défense polonais pour renforcer la coopération avec la Pologne, qui pourrait entrer au capital du groupe et dont l’armée cherche à acquérir une capacité de ravitaillement en vol. La concrétisation de ces opportunités dépendra de la capacité des entreprises françaises à proposer des coopérations incluant à un niveau suffisant l’industrie polonaise.

Au niveau européen, le traité de Nancy témoigne d’un effort de convergence entre la France et la Pologne, qui parviennent à articuler une position commune malgré des intérêts parfois divergents en matière d’industrie de défense. Varsovie considère en effet que l’objectif prioritaire des initiatives européennes devrait être de renforcer les capacités militaires du continent à court terme, y compris au moyen d’acquisitions et de coopérations avec des pays tiers. De plus, si la Pologne soutient le renforcement de l’industrie de défense européenne, elle souhaite néanmoins garantir que la BITD nationale en développement ait d’abord le temps de monter en compétences au moyen de transferts de technologie, proposés aujourd’hui par des pays comme la Corée du Sud. Le traité de Nancy promeut donc « l’établissement progressif d’une préférence européenne par l’acquisition d’équipements de défense conçus et produits par la BITD européenne », « compatible avec le développement des programmes nationaux d’acquisition de défense des Parties ». La conciliation des visions française et polonaise du renforcement de l’industrie de défense européenne est affaire de temporalité. À terme, les deux parties ont intérêt à la réduction des dépendances stratégiques et des lacunes capacitaires grâce à une BITD européenne plus autonome et capable de « fournir des équipements dans les quantités et aux rythmes accélérés qui sont nécessaires ».

Afin de traduire en pratique les orientations prévues par le traité en matière de défense et de sécurité, Paris et Varsovie prévoient d’établir un programme de coopération. La mise en œuvre effective du traité de Nancy dépendra de la capacité des deux parties à traduire leurs engagements politiques en coopérations concrètes et durables.

Passer à la vitesse supérieure : pour une Agence européenne de mobilité stratégique

Passer à la vitesse supérieure : pour une Agence européenne de mobilité stratégique

par Maxime Cordet* – IRIS- publié le 6 mai 2025

https://www.iris-france.org/passer-a-la-vitesse-superieure-pour-une-agence-europeenne-de-mobilite-strategique/


*directeur de recherche à l’IRIS, spécialisé sur les questions de défense européenne. Il est responsable du Programme Industrie de défense et de haute technologie. Il est également conseiller scientifique d’ARES Group.

Ses travaux de recherche portent sur la défense européenne, l’Europe de la Défense, la coopération en matière de défense et d’armement, la stratégie de défense et le changement dans les appareils de défense.

Avant de rejoindre l’IRIS, Maxime Cordet a travaillé à la Direction générale des relations internationales et de la stratégie (DGRIS) du ministère des Armées, en tant que chargé de mission du Département Union européenne. Il a coordonné et participé à la politique française dans la Coopération structurée permanente, le Fonds européen de Défense, la mobilité militaire et la mise en œuvre de l’assistance mutuelle au sein de l’Union européenne.

Maxime Cordet est diplômé de l’École d’affaires publiques de l’Institut d’études politiques de Paris (Sciences Po).


Le terme de mobilité militaire a émergé depuis déjà longtemps, tant au sein de l’Union européenne (UE) que de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN)[1], comme le domaine d’action devant permettre le mouvement à la fois rapide et en masse des forces armées. Les politiques menées dans le domaine se concentrent sur le continent européen, mais nous pouvons également considérer, comme c’est le cas à l’UE, qu’il s’agit de permettre les mouvements dans le cadre d’une opération de la Politique de sécurité et de défense commune (PSDC) et ainsi, partout où les intérêts de sécurité de l’Union sont en jeu.

Beaucoup d’initiatives ont déjà été lancées dans ces cadres, mais des difficultés majeures sont encore relevées par les militaires se déplaçant en Europe. En matière de développement capacitaire, elles sont structurelles et affectent gravement la crédibilité des Européens à se défendre ou à s’engager militairement pour défendre leurs intérêts. Le livre blanc européen tout juste publié souligne bien cet enjeu et place la mobilité militaire comme priorité capacitaire pour que les Européens soient prêts à se défendre à l’horizon 2030. Pour le mettre en œuvre, une nouvelle communication conjointe de la Commission européenne et du Service européen de l’Action extérieure (SEAE) devrait être publiée en juin afin de proposer des mesures.

La création d’une Agence européenne de mobilité stratégique, elle-même propriétaire de moyens de transport et d’équipements logistiques, doit faire partie des propositions pour que l’UE facilite de manière concrète les déplacements des forces en Europe.

À l’UE, les politiques se mettent en place tant dans le champ communautaire qu’intergouvernemental :

  • La Commission européenne dispose depuis 2021 d’une enveloppe budgétaire dédiée au financement des infrastructures de transport à usage dual (tant civil que militaire) de 1,5 milliard d’euros. Ce fonds fait partie du Mécanisme d’interconnexion en Europe (MIE), une politique pilotée par la DG MOVE, en lien avec l’État-major de l’UE (EMUE) pour assurer que les projets répondent bien à des besoins militaires (par exemple, la rénovation du terminal ferroviaire connecté au port de La Rochelle, ou encore des portions du Rail Baltica dans les États baltes). Les trois appels à projets qui ont été lancés à ce jour ont utilisé la totalité de l’enveloppe. Certaines limites de ce fonds sont connues, notamment le fait qu’il ne finance que des infrastructures à usage dual et non purement militaire, ce qui serait nécessaire. Mais une majorité d’États demandent une augmentation de l’enveloppe dédiée pour le prochain Cadre financier pluriannuel (CFP).
  • Dans le champ intergouvernemental, deux projets de la Coopération structurée permanente (CSP) traitent du sujet. Le premier, intitulé simplement Military Mobility, est piloté par les Pays-Bas et constitue un forum de coordination de toutes les politiques européennes en la matière, avec la présence de la Commission, l’Agence européenne de défense (AED), le SEAE et même l’OTAN et plusieurs États alliés (États-Unis, Canada, Norvège, Royaume-Uni). Le second est Network of Logistic Hubs in Support of Operations (NetLogHubs), et a pour objectif la consolidation d’un réseau de centres logistiques militaires en Europe, grâce à la déclaration des services logistiques (carburant, pièces détachées, logements, ravitaillement divers, etc.) des bases européennes sur une même plateforme, pour que les armées connaissent les moyens et les stocks présents et ainsi leur faciliter les déplacements à travers le continent.
  • Des projets capacitaires sont également en cours dans la CSP et participeront directement à la mobilité militaire dans les décennies à venir. Le Future Mid-size Tactical Cargo (FMTC) coordonné par la France a pour objectif de définir la future capacité européenne de transport tactique en replacement des CASA et des C-130. Le second, Strategic Air Transport for OutsizedCargo (SATOC), coordonné par l’Allemagne, vise l’étude d’une solution européenne pour le transport stratégique hors-gabarit pour remplacer à terme les appareils vieillissants de l’entreprise ukrainienne Antonov utilisés par plusieurs Alliés. Les deux projets bénéficient du Fonds européen de défense (FEDef) pour leur étude amont.
  • De plus, l’AED appuie les États membres en matière capacitaire, mais également en matière d’harmonisation des procédures de passage de frontières, point-clé de la mobilité militaire. Par exemple, les États européens rencontrent encore des difficultés à délivrer rapidement les autorisations de transit terrestre d’une autre armée sur leur sol ou même de survol. D’autres blocages concernent les réglementations différentes concernant le transport de matières dangereuses. Des arrangements techniques ont été signés en ce sens par la plupart des États membres afin d’harmoniser toutes ces procédures, mais la mise en œuvre de ces arrangements n’est pas encore effective dans la plupart des États.
  • De manière globale, la Commission et les États coopèrent bien en la matière. Couvrant tant le champ intergouvernemental que communautaire, un plan d’action pour la mobilité militaire a couvert la période 2018-2022 et un second a été rédigé pour 2022-2026. Ces deux plans ont été accompagnés de pledges politiques, l’un en 2018 et l’autre en 2024. Ils énoncent tous la nécessité de progresser en la matière, et plus précisément dans les domaines suivants : les infrastructures de transport (dont de l’énergie, et y compris leur cybersécurité) et de stockage, les matériels et moyens de mobilité, les procédures de franchissement des frontières intérieures (dans les trois milieux) et la coordination et la mutualisation des moyens (notamment avec l’OTAN).

Les armées européennes font partie des forces les plus déployées dans le monde et ont acquis une expérience significative en matière de mobilité et de logistique, tant dans la phase de déploiement rapide que de soutien sur la durée. Elles font ainsi le constat de freins persistants pour leur mobilité, notamment sur le territoire européen.

Dans les premières phases d’un déploiement rapide, les moyens de transport aérien stratégique sont indispensables, mais sont lacunaires. Le contrat de la « Solution internationale pour le transport aérien stratégique » (SALIS) permet à certains pays de bénéficier de 5 appareils An-124 Antonov, basés à Leipzig, et vieillissants – d’autant plus qu’Antonov est une entreprise ukrainienne, sous forte pression. Ce type d’appareil est également particulièrement utile pour transporter de grandes quantités de matériel, ou encore des véhicules et même des hélicoptères, beaucoup plus rapidement que par voie terrestre ou maritime. Cependant, ces appareils ne sont pas utiles aux forces européennes en permanence, ce qui rend peu soutenables le développement, la production et l’acquisition d’une telle capacité seulement pour des besoins militaires et en faible quantité au niveau national.

Dans les phases suivantes, lorsqu’il faut apporter du soutien et l’approvisionnement des forces déployées sur le théâtre, un manque capacitaire en matière de transport de matériel est aussi à déplorer. Cela concerne principalement les trains et les navires de gros tonnage (rouliers). Les armées recourent aujourd’hui largement à l’externalisation, mais reposer sur des opérateurs privés peut s’avérer plus difficile en cas de conflit. En effet, les moyens civils seraient aussi la cible d’attaques, d’autant plus quand ils transportent des forces ou du matériel de guerre, et les entreprises pourraient légitimement limiter leurs activités à cette fin au vu des risques (freinant également l’implication des assurances et des banques ou du moins augmentant leurs prix). La concurrence des livraisons avec le secteur civil se ferait également sentir en temps de guerre, hors moyens légaux étatiques pour les contraindre (priorisation de la commande ou réquisition) – ce qui ne renforce pas l’attractivité des commandes militaires pour ces entreprises.

Mais assurer une meilleure mobilité militaire est également une question de crédibilité opérationnelle et donc, participerait à l’idée d’une dissuasion conventionnelle : les capacités européennes actuelles (sans parler des infrastructures de transport et de stockage, y compris énergétique) ne constituent pas un élément de crédibilité d’un engagement militaire sur le sol européen. Par ailleurs, l’un des principaux retours d’expérience du conflit en Ukraine rappelle aux Européens le caractère vital des capacités de logistique et d’approvisionnement[2]. Cela pourrait être la principale source de faiblesse des Européens en cas d’engagement majeur.

Le Livre blanc commun de la Commission européenne et du SEAE, publié le 19 mars 2025, place la mobilité militaire comme l’une des quatre missions pour lesquelles l’UE apporte sa valeur ajoutée en cas d’affrontement majeur en 2030. Le sujet est compris dans deux des sept priorités de financement capacitaire identifiées dans le document : dans sa dimension infrastructurelle d’abord, et dans la priorité « Facilitateurs stratégiques et protection des infrastructures critiques, » avec le transport stratégique, le ravitaillement aérien et les infrastructures pour l’énergie opérationnelle. Quelques éléments supplémentaires peuvent être énoncés ici :

  • Le livre blanc mentionne que la mobilité militaire participe à notre préparation, mais aussi à notre dissuasion.
  • C’est un axe d’effort qui sera également bénéfique au secteur civil (usage dual des infrastructures).
  • Quatre corridors prioritaires sont identifiés par la Commission, dans les trois milieux, ainsi que 500 hot-spotsà améliorer. En matière de transport de l’énergie, le livre blanc en appelle aux États membres et à l’OTAN pour compléter la cartographie des besoins.
  • De plus, les corridors seraient étendus à l’Ukraine, tant pour faciliter l’assistance militaire qu’en tant que garantie de sécurité durable.
  • La Commission devrait lister toutes les législations européennes ayant un impact sur la mobilité militaire (par exemple, sur le sujet de la prise de participation d’acteurs potentiellement malveillants dans des infrastructures critiques) et proposer des modifications.
  • La disponibilité de moyens spécialisés et à usage dual est aussi mentionnée.
  • Les projets infrastructurels bénéficieraient aussi d’une meilleure prévisibilité des financements européens.
  • Enfin, la mobilité militaire est ciblée dans l’instrument de prêt SAFE[3].

La Commission et le SEAE devraient enfin proposer une communication conjointe d’ici la fin de l’année sur la mobilité militaire pour proposer la mise en œuvre de nouvelles actions.

L’agence disposerait de moyens et matériels propres pour fournir des services ou bien les louer aux armées. Ces moyens et matériels seraient des véhicules terrestres plus ou moins lourds, des trains, des wagons et des containers pour le transport terrestre, des avions de transport de différentes tailles (notamment hors-gabarit) pour la voie aérienne, et des rouliers notamment pour la voie maritime.

Les moyens et services seraient à usage dual : le secteur commercial civil pourrait également demander de louer les moyens et bénéficier des services. Cet usage dual permettrait d’assurer la soutenabilité économique de l’agence. Les activités militaires seraient néanmoins prioritaires, en particulier en cas de crise. Par ailleurs, la gestion de crise civile pourrait également être un motif de priorisation et la protection civile un domaine dans lequel les moyens de l’agence pourraient être utilisés.

Son statut juridique serait un défi à relever :

  • Dans le cas d’une agence de l’UE (comme Frontex par exemple), celle-ci peut déjà disposer (acquérir et louer) de moyens propres. La difficulté juridique résiderait donc plutôt dans l’activité commerciale en parallèle des services rendus aux armées.
  • Une organisation internationale publique indépendante juridiquement de l’UE, bien que fortement liée, serait donc peut-être préférable. Cela faciliterait également l’utilisation de l’agence par des États non-membres qui s’associeraient au projet. Néanmoins, le format juridique pour permettre une telle activité serait innovant.
  • Une solution pourrait être le partenariat public-privé : les États et la Commission créeraient avec des entreprises privées une entité permettant la fourniture des services aux armées d’une part et l’activité commerciale d’autre part (modèle proche d’HeliDax en France par exemple, mais largement innovant à l’échelle européenne).
  • D’autres formes juridiques innovantes sont probablement à envisager, sans changer les traités de l’UE.

Sa gouvernance serait hybride, avec un comité exécutif composé de représentants des États membres participants, de la Commission, de l’EMUE et de l’AED, ainsi que des entreprises participantes.

Son budget serait composé de contributions nationales minimales au prorata du PIB afin d’atteindre le minimum viable pour le fonctionnement de l’agence (hors pays qui refuseraient de participer), et une contribution nationale supplémentaire serait laissée libre aux États pour bénéficier de davantage de services (davantage d’heures de vol, le service de carburant, mais aussi une priorité sur la location par exemple).

Le périmètre des actions réalisées par les armées avec les moyens de l’agence serait le territoire européen, mais aussi les mouvements nécessaires dans les opérations et missions de la PSDC depuis ou vers l’Europe.

L’agence disposerait également de son propre personnel capable d’opérer les moyens. Néanmoins, les armées pourraient aussi les utiliser avec leurs militaires.

Dans le cadre de missions militaires, et en fonction du type de mission, les armées devraient assurer la protection des moyens et matériels, en les remettant à l’agence dans l’état d’origine, et compensant financièrement l’agence sinon.

L’entretien et le maintien en condition opérationnelle seraient à la charge de l’agence. La fourniture de carburant pourrait également faire partie des services, y compris le ravitaillement en vol.

Les mouvements militaires avec des moyens de l’agence disposeraient d’une liberté de transit et de survol sur le territoire des États membres reconnaissant et participant au fonctionnement de l’agence.

L’agence nécessiterait un investissement de départ conséquent de la part des États membres, avec plusieurs années de montée en puissance. Il faudrait que les moyens aériens soient localisés sur des aéroports, les moyens terrestres le long d’axes logistiques majeurs, et les rouliers dans les principaux ports européens.

Par ailleurs, le matériel acquis par l’entité ne peut être considéré comme du matériel de guerre et soumis aux contrôles export nationaux. La question se pose surtout pour les aéronefs, en prenant l’exemple susmentionné : SATOC (ou A800M) doit absolument être un appareil utilisé dans le secteur commercial, et doit faire partie des moyens acquis par l’agence.

Il est grand temps que la mobilité militaire et la logistique soient érigées en priorité de la défense européenne. Le livre blanc est à la hauteur de cet enjeu. Mais il faut réussir à le mettre en œuvre.

La création d’une Agence européenne de mobilité stratégique pourrait répondre au besoin des armées en leur permettant une plus grande agilité et rapidité de mouvements, et en bénéficiant d’investissements communs dans des moyens mutualisés. De surcroit, elle faciliterait l’opérationnalisation de la Capacité de Déploiement rapide, ainsi que l’efficacité de toutes les missions et opérations de la PSDC. Elle montrerait surtout la force et la plus-value de l’échelon européen dans la défense sans remettre en cause les prérogatives nationales en la matière. Enfin, elle renforcerait la défense de l’Europe dans la nouvelle ère de contestation des intérêts européens dans laquelle nous venons d’entrer.

Le statut juridique d’une telle entité représente un défi. Néanmoins, si elle voit le jour, elle démontrera toute la pertinence et la nécessité d’une plus grande interpénétration entre monde militaire et monde civil d’une part, et entre le secteur public et privé d’autre part, afin de décupler notre puissance collective en Europe.


[1] Les États membres et alliés s’accordent très largement sur la coopération entre l’UE et l’OTAN dans le domaine, avec des États non-membres qui participent des projets UE (CSP) par exemple.

[2] Lire par exemple : Ti, Ronald, and Christopher Kinsey. 2023. “Lessons from the Russo-Ukrainian Conflict: The Primacy of Logistics over Strategy.Defence Studies 23 (3): 381–98. doi:10.1080/14702436.2023.2238613.

[3] « Security Action for Europe (SAFE) through the reinforcement of European defence industry Instrument » qui fait l’objet d’une proposition de règlement. 

Le corps d’armée, nouvel étalon de puissance pour les forces terrestres

Le corps d’armée, nouvel étalon de puissance pour les forces terrestres

par Guillaume Garnier – IFRI – Date de publication : |
Briefing Corps d'armée, Guillaume Garnier, 2025

Face au retour de la guerre de haute intensité, notamment en Ukraine, le corps d’armée redevient un échelon essentiel. Seul capable de coordonner plusieurs divisions, il permet une manœuvre interarmes et multi-milieux cohérente à grande échelle. La France entend se positionner comme nation-cadre d’un tel outil de puissance.

Exercice militaire de l'armée française à Toulouse en février 2020
Exercice militaire de l’armée française à Toulouse en février 2020 Fred Marie/Shutterstock.com
  • L’armée de Terre vise la constitution d’un corps d’armée pleinement opérationnel à échéance 2030. Ce projet structurant implique une montée en puissance capacitaire, une régénération des forces et des arbitrages cruciaux dans les priorités d’acquisition.
  • Être nation-cadre d’un corps d’armée, c’est peser dans les plans de guerre,
    influer sur les opérations et asseoir son leadership en coalition. Même en temps de paix, ce rôle envoie un signal stratégique fort et renforce l’interopérabilité avec les alliés.
  • Aucun pays européen ne peut aujourd’hui armer seul un corps d’armée complet. La France doit donc structurer des partenariats solides pour relever ce défi. Un rehaussement du contrat opérationnel national et le recours à la réserve deviennent des options à envisager.

 

C’est à Napoléon que l’on doit en 1803 l’invention du corps d’armée, échelon de commandement clé dans l’organisation de la Grande armée. Il répond alors au besoin de diviser l’armée en sous-éléments à la fois mobiles et autonomes, c’est-à-dire capables d’engager un combat seul jusqu’à la concentration des autres colonnes en marche. Au contraire de la division qui lui est inférieure, le corps d’armée regroupe donc l’ensemble des armes de l’époque : infanterie, cavalerie, artillerie, génie et train. Par la suite, le corps d’armée conserve une place centrale dans les systèmes militaires des grands conflits européens puis mondiaux de 1870 à la Seconde Guerre mondiale, le plus souvent englobé dans des armées encore plus imposantes. Pendant la guerre froide, il est encore au coeur du dispositif otanien en tant que pion de référence de la « défense de l’avant » face au Pacte de Varsovie, rassemblant autour de 60 000 hommes. Dans le cas français, l’armée de Terre comptait jusqu’aux années 1990 trois corps d’armée (CA), intégrés au sein de la 1re Armée française, ainsi qu’un quatrième sous la forme de la Force d’action rapide (FAR).

Au tournant du XXIe siècle, les réductions successives des effectifs militaires ont conduit à voir cette grande unité quitter l’horizon des armées européennes, davantage habituées à compter leurs déploiements en centaines d’hommes (bataillon), au mieux en milliers (brigade) pour les opérations extérieures les plus dimensionnantes. La guerre de haute intensité sur le sol européen et le renforcement de la menace russe, conjugués à la perspective de désengagement américain, remettent en lumière ce niveau de commandement, seul à même de coordonner l’engagement d’un grand volume de forces (en dizaines, voire centaines de milliers de soldats pour les scénarios les plus dimensionnants en matière de défense collective) et d’intégrer l’ensemble des effets dans tous les champs et milieux.

Ce passage à l’échelle soulève cependant nombre de difficultés, d’ordre militaire mais également politique, puisqu’il comporte une dimension multinationale. Ce Briefing se propose d’examiner les défis à surmonter dès lors que la France entend être « nation-cadre » d’un CA « de combat », c’est-à-dire à pleine capacité opérationnelle (« warfighting corps ») et les leviers qu’elle peut utiliser dans un contexte où, à ce jour, aucun pays européen ne peut armer seul une unité de cette envergure.


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Cachemire : l’attentat de Pahalgam

Cachemire : l’attentat de Pahalgam

par Revue Conflits avec AFP – publié le 24 avril 2025


Le 22 avril 2025, une attaque dans la vallée de Baisaran, au Cachemire indien, a tué vingt-six personnes, dont un ressortissant népalais. Le groupe de la Résistance du Cachemire a revendiqué l’opération, affirmant que les victimes étaient des agents des services de sécurité indiens. Cette attaque ravive les lignes de fracture d’un conflit ancien dans un contexte régional tendu.

Le 22 avril 2025, une attaque d’une brutalité inédite depuis près de deux décennies a ensanglanté la vallée de Baisaran, dans la région touristique de Pahalgam, au Cachemire indien. Vingt-six personnes, dont un ressortissant népalais, ont été tuées par des tirs nourris alors qu’elles visitaient cette station prisée. Le groupe peu connu de la Résistance du Cachemire a revendiqué l’opération, affirmant que les victimes étaient en réalité des agents liés aux services de sécurité indiens, et dénonçant un prétendu projet de colonisation démographique orchestré par New Delhi. Si cette attaque marque un pic de violence dans la région, elle ravive surtout les lignes de fracture d’un conflit ancien, complexe, et aujourd’hui réactivé dans un contexte régional tendu.

Un conflit ancien

Le conflit du Cachemire plonge ses racines dans la partition de l’Empire britannique des Indes en 1947. Le maharaja du Jammu-et-Cachemire, hindou à la tête d’un État majoritairement musulman, choisit de rattacher son territoire à l’Union indienne. Le Pakistan, né au nom de l’identité musulmane du sous-continent, conteste ce choix, déclenchant la première guerre indo-pakistanaise. Depuis, le Cachemire est une terre traversée par une ligne de contrôle, revendiquée intégralement par les deux puissances nucléaires. Ce contentieux irrésolu structure depuis plus de soixante-quinze ans une rivalité faite de cycles de guerre ouverte, d’insurrections et d’attentats sanglants.

Cachemire

L’attaque de Pahalgam s’inscrit dans une série d’événements marquants. En mars 2000, le massacre de 35 sikhs à Chittisinghpura, perpétré par des hommes en uniforme, avait choqué l’opinion publique. Deux ans plus tard, l’attentat contre la base de Kaluchak fit 34 morts parmi les familles de soldats. En novembre 2008, l’Inde connut l’un de ses traumatismes les plus profonds avec les attaques coordonnées de Mumbai, où dix terroristes venus du Pakistan par la mer tuèrent 166 personnes et en blessèrent plus de 300, en ciblant hôtels, gares, cafés et un centre juif. Ces attaques, revendiquées par le groupe Lashkar-e-Taiba, marquèrent un tournant dans la perception mondiale de la menace terroriste en Asie du Sud. En août 2017, huit pèlerins hindous furent tués lors d’une attaque visant un bus revenant du sanctuaire d’Amarnath. Enfin, en février 2019, un kamikaze tua 40 paramilitaires indiens à Pulwama, provoquant des frappes aériennes de représailles de l’Inde sur Balakot, au Pakistan.

La riposte de l’Inde

La riposte indienne a été immédiate. Des mesures punitives ont été prises contre Islamabad : suspension du traité de l’Indus, fermeture du poste frontalier de Wagah, réduction des effectifs diplomatiques pakistanais à New Delhi. Le ministre de la Défense, Rajnath Singh, a réuni les chefs d’état-major pour une évaluation stratégique d’urgence dans le Jammu-et-Cachemire.

Cette nouvelle poussée de fièvre survient alors que le Pakistan traverse une crise profonde. Son économie est au bord de l’asphyxie : dette extérieure massive, inflation record, insécurité énergétique. Sur le plan diplomatique, Islamabad est encerclé par des tensions. Tout d’abord avec l’Iran, en raison d’opérations militaires transfrontalières au Baloutchistan. Ensuite avec l’Afghanistan, où les talibans refusent de livrer les chefs du TTP (Tehrik-e-Taliban Pakistan, Mouvement des talibans du Pakistan), groupe islamiste armé fondé en 2007, distinct des talibans afghans mais partageant avec eux une idéologie et des origines tribales communes dans les zones frontalières.

Dans ce contexte, le recours au levier cachemiri peut être perçu par certains segments de l’appareil sécuritaire pakistanais comme un moyen de détourner l’attention intérieure ou de tester les lignes rouges indiennes.

La complexité du Pakistan

Cependant, il serait erroné de considérer le Pakistan comme un bloc monolithique. Son appareil sécuritaire est profondément fragmenté. L’armée, institution centrale depuis l’indépendance, exerce une influence tentaculaire bien au-delà des questions de défense : elle contrôle des pans entiers de l’économie, oriente la politique étrangère et domine le renseignement à travers l’ISI (Inter-Services Intelligence), accusé de mener une double stratégie : coopération officielle avec l’Occident dans la lutte antiterroriste, et soutien tacite à certains groupes jihadistes en Afghanistan ou au Cachemire.

Face à cette fragmentation de la gouvernance, le pouvoir civil, souvent marginalisé, peine à imposer une ligne claire. Le ministère de l’Intérieur, les polices provinciales et les autorités locales sont parfois réduits à de simples organes d’exécution, sans réelle autonomie. Certaines zones tribales, notamment au Khyber Pakhtunkhwa ou au Baloutchistan, échappent partiellement au contrôle de l’État central et deviennent des terrains d’action pour des groupes armés, tantôt tolérés, tantôt combattus. Cette architecture éclatée explique en partie l’ambiguïté de la politique pakistanaise vis-à-vis du TTP ou de Lashkar-e-Taiba. Il ne s’agit pas seulement d’un double jeu cynique, mais une absence de consensus interne où des logiques contradictoires sont à l’œuvre : sécurité intérieure, stratégie régionale, et diplomatie globale. L’ombre de l’État profond pakistanais plane sur ces événements, nourrissant la défiance et minant toute perspective de normalisation et l’hypothèse d’éléments dissidents, de groupes agissant dans les interstices de l’autorité pakistanaise ou de réseaux transnationaux échappant à tout contrôle étatique ne peut être écartée.

Ce climat de tension coïncide avec une séquence diplomatique délicate. La veille de l’attentat, la secrétaire d’État adjointe américaine, Elizabeth Vance, était à New Delhi pour discuter des relations stratégiques indo-américaines dans un contexte de rivalité croissante avec la Chine. Dans un hasard cruel du calendrier, le vice-président des États-Unis, JD Vance, effectuait sa première visite officielle en Inde du 21 au 24 avril, au moment même où l’attentat secouait la région. Prévue pour porter sur le commerce, la défense, l’énergie et les technologies stratégiques, la visite s’est vite recentrée sur les enjeux sécuritaires.

La Maison-Blanche a exprimé son indignation et réaffirmé son « entière solidarité » avec l’Inde, tout en annonçant un renforcement de la coopération bilatérale en matière de sécurité. Cette convergence entre diplomatie stratégique et solidarité antiterroriste risque toutefois d’exacerber les tensions régionales, notamment dans un Pakistan de plus en plus marginalisé par les grandes puissances. L’Inde, au cœur de la stratégie russe de contournement des sanctions, mais aussi rivale géopolitique structurelle de Pékin, s’impose ainsi comme un acteur-clé de la reconfiguration globale en cours, ce qui ne fait qu’alimenter les ressentiments pakistanais.

Brèves de comptoir (diplomatiques) dans l’Orient compliqué

Brèves de comptoir (diplomatiques) dans l’Orient compliqué

par Jean Daspry* – CF2R – TRIBUNE LIBRE N°180 / avril 2025

*Pseudonyme d’un haut fonctionnaire français, docteur en sciences politiques

 

« Quand le sage montre la lune, l’imbécile regarde le doigt » nous rappelle ce proverbe chinois ! L’on ne peut être qu’étonné, pour ne pas dire sidéré, par le florilège d’âneries déversées à jet continu par commentateurs à la petite semaine, hauts fonctionnaires et militaires retraités, experts de pacotille… intervenant sur les médias mainstream depuis l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche, le 20 janvier 2025. Ils excellent dans leur tropisme favori, asséner quelques vérités révélées régulièrement controuvées par le réel. Mais, rien ne trouve grâce à leurs yeux tant l’homme à la mèche blonde serait frappé de débilité grave[1]. Quoi qu’il dise, propose ou fasse[2], il a naturellement tort[3]. Le dossier du Moyen-Orient nous fournit une excellente illustration des multiples égarements de la bien-pensance obnubilée par des considérations morales, incapable de décrypter la réalité dans ce qu’elle a de plus crue. Les sachants omnipotents et omniscients sont incapables d’anticiper les évolutions futures, y compris les plus probables. Sur au moins trois sujets importants (Hamas, Hezbollah, Iran), les choses semblent bouger, sous les coups de boutoir de Donald Trump, à condition de s’attacher aux signaux faibles qui nous parviennent de temps à autre, noyés dans un flot d’informations sans importance.

Hamas : le chemin de l’exil ?

En quelques semaines, le ton a bien changé. Après une phase d’accommodement coupable avec le Hamas, cette organisation terroriste (branche palestinienne des Frères musulmans) à l’origine des attentats du 7-octobre, les yeux se dessillent, le langage change. À Gaza, incroyable mais vrai, des manifestations s’organisent pour contester la représentativité de cette organisation, pour réclamer la paix. Elles ne font la une ni des médias ni le miel des manifestants porteurs de keffiehs, voire des juristes au grand cœur obnubilés par le génocide israélien[4], arbitres des élégances morales[5]. Rappelons que la Ligue arabe adopte le 5 mars dernier un plan de reconstruction internationale de Gaza sur cinq ans, alternatif à celui de Donald Trump, rejette l’idée d’un déplacement de la population palestinienne mais, surtout, met sur la touche le Hamas en le remplaçant par l’Autorité palestinienne ! Dans la même veine, Emmanuel Macron, touché par la Grâce diplomatique, rejette au Caire le 7 avril « tout rôle futur pour le Hamas ». Ce qui est peu ou prou, le langage employé depuis le début de son mandat par Donald Trump ! Cette mise à l’écart du Hamas du futur de Gaza – elle reste bien sûr à confirmer sur le moyen et long terme – ressort clairement de la déclaration tripartite entre l’Égypte, la France et la Jordanie : « La gouvernance ainsi que le maintien de l’ordre et de la sécurité à Gaza, ainsi que dans tous les territoires palestiniens, devaient relever uniquement d’une Autorité palestinienne renforcée, avec un fort soutien régional et international »[6].

On ne saurait être plus clair ! Pourquoi ne pas y avoir pensé plus tôt ? Imagine-t-on un seul instant faire la paix avec un interlocuteur palestinien adepte de la position d’un seul État, le sien (mettons de côté la délicate question israélienne à ce stade pour la commodité de la démonstration[7]) ? Les dirigeants arabes les plus concernés l’ont bien compris depuis belle lurette. Les dirigeants français préfèrent chevaucher des chimères sous les ors de la République[8].

Dans le cadre de sa diplomatie de l’agitation permanente, Emmanuel Macron annonce, le 9 avril, que la France pourrait reconnaître l’État palestinien en juin prochain (annonce saluée par le Hamas !)[9]. Si séduisante soit-elle, cette idée semble sortie du chapeau d’un prestidigitateur sans que l’on ne comprenne dans quelle stratégie globale elle s’insère[10]. Elle permet de se donner bonne conscience à vil prix sans que cette démarche nous permette de nous réintroduire dans une négociation de laquelle nous sommes de facto exclus. Selon nous, cette reconnaissance, conduit à mettre la charrue avant les bœufs Mais la réalité reprend vite le dessus. Les faits sont têtus. Le 11 avril, Emmanuel Macron est conduit à clarifier sa position (sa pensée complexe) sur le conflit au Proche-Orient en disant : « Oui à un État palestinien sans le Hamas ». Le 14 avril, Jupiter explicite son annonce en déclarant que sa décision devrait conduire à une série de reconnaissances de l’État de Palestine et de l’État d’Israël[11]. Comprenne qui pourra dans cette diplomatie de l’improvisation permanente.

Une fois encore, Emmanuel Macron est spectateur des évolutions en cours dans la zone. Il ne fait que prendre le train en marche au lieu d’anticiper une telle évolution largement prévisible depuis le début de l’année 2025. Gouverner, c’est prévoir et pas communiquer !

Hezbollah : le chemin de la déroute ?

Lors de sa deuxième visite à Beyrouth (4-6 avril 2025) depuis le retour de Donald Trump à la Maison Blanche, Morgan Ortagus, adjointe de l’émissaire américain pour le Moyen-Orient rencontre une large palette de dirigeants du pays du cèdre. Elle presse tous ses interlocuteurs libanais de lutter contre la corruption endémique dans le pays, de procéder au désarmement dans les plus brefs délais du Hezbollah tout en défendant Israël. Elle est très claire, comme savent l’être les Américains, lorsqu’elle déclare qu’en « cas de temporisation ou de refus de prendre part à la vision américaine pour le Liban, les autorités libanaises ne devaient pas s’attendre au partenariat de Washington »[12]. Si ce message vise directement le Liban, il concerne indirectement le régime iranien, principal soutien du Hezbollah, largement affaibli par la campagne militaire israélienne mais aussi par la chute du régime syrien qui lui était lié. Le président libanais l’a parfaitement compris, lui qui s’engage à retirer les armes de la milice chiite[13].

A-t-on entendu les autorités françaises développer une approche globale et cohérente sur ce sujet au cours des derniers mois ? Que nenni ! Elles excellent dans la pratique constante d’une diplomatie de l’attrape-tout. Or, dans l’Orient compliqué, tout se tient dans le temps et dans l’espace. Le règlement de la question libanaise doit être abordé, dans le même temps, à trois niveaux : local, régional et international. Ce ne sont pas les élucubrations passées d’Emmanuel Macron dans les rues de Beyrouth qui font avancer les choses et placent la France dans une position de médiatrice indépendante. Bien au contraire, elles discréditent la diplomatie française qui n’en a nul besoin dans le contexte d’instabilité intérieure chronique (politique, économique, financière, sociale, sécuritaire) que nous connaissons depuis la fameuse dissolution de l’Assemblée nationale.

Où sont donc passés les grands stratèges de la « Rue arabe » et du Centre d’analyse et de prospective stratégique (CAPS) du Quai d’Orsay ? Qui plus est, Emmanuel Macron préfère traiter (ou pas) de problèmes (questions de l’aide humanitaire à la population de Gaza) revenant à ses ministres ou à ses hauts fonctionnaires, au lieu de réfléchir à une stratégie globale pour la zone[14]. Ce qui serait naturellement son rôle dans une République fonctionnant normalement. Ne rêvons pas !

Une fois encore, Emmanuel Macron est spectateur des évolutions en cours dans la zone. Il ne fait que prendre le train en marche au lieu d’anticiper une telle évolution largement prévisible depuis le début de l’année 2025. Gouverner, c’est prévoir et pas communiquer !

Iran : le chemin de la négociation ?

Qu’apprenons-nous le 7 avril 2025 de la voix de Donald Trump à l’occasion d’une conférence de presse consacré au feuilleton de l’imposition de droits de douanes à la terre entière avec modulation en fonction des affinités ? L’existence de négociations directes à très haut niveau avec les Iraniens sur la question du programme nucléaire militaire de Téhéran. Piqués au vif par cette révélation gênante, le ministre iranien des Affaires étrangères, Abbas Araghtchi, tente maladroitement de rectifier le tir en soulignant qu’il ne s’agit que de discussions indirectes ayant lieu dans le Sultanat d’Oman[15]. Pour mémoire, rappelons que, quelques jours plus tôt, le Guide récusait tout contact bilatéral avec le Grand Satan sur le sujet, le jugeant humiliant. Lors de sa prestation télévisée, Donald Trump manie la carotte (« Je pense qu’ils seraient dans l’intérêt de l’Iran qu’elles réussissent ») et le bâton (« Si ces discussions échouent, ce serait un très mauvais jour pour l’Iran qui se trouverait en grand danger »). Deux jours plus tard, les autorités iraniennes déclarent chercher un « accord sérieux et équitable » avec Washington. Comme le répétait souvent le commentateur des matchs de football, Thierry Roland : « les mouches ont changé d’âne ». Mesure-t-on, à sa juste valeur, cette (r)évolution de la position iranienne dans les principales chancelleries occidentales ? La réponse est en grande partie dans la question.

On ne saurait être plus clair. L’idée d’un bombardement des installations nucléaires de Téhéran est dans l’air. Les Iraniens ont bien compris le message, eux qui traversent une phase difficile tant sur le plan international (éviction de Gaza, du Liban et de Syrie dans un court laps de temps, affaiblissement de leurs affidés houthis au Yémen[16]) que sur le plan interne (montée de la contestation en raison des difficultés économiques et sociales, du poids des sanctions internationales…)[17]. Pour Washington, il n’est pas question de s’appuyer sur les termes de l’accord de 2015 (Joint comprehensive Plan of Action/JCPOA) dont Donald Trump s’était retiré en 2018. Allemands, Britanniques et Français peuvent bien se réunir en Suisse, autour du Lac comme au bon vieux temps de la Société des Nations (SDN), pour discuter avec les Iraniens sur cette base juridique. Cela ne changera rien au train américano-iranien qui est désormais sur les rails sur des bases entièrement différentes après la rencontre bilatérale en Oman le 12 avril[18]. La deuxième session des discussions bilatérales débute à Rome, le 19 avril. Comme le rappelle fort justement, le stratège grec Thucydide : « Le fort fait ce qu’il peut faire et le faible subit ce qu’il doit subir ». Cette maxime s’applique aussi bien aux Iraniens qu’aux Européens ![19] Ces derniers étalent au grand jour leur faiblesse structurelle sur la question du traitement des grandes crises internationales. L’Union européenne, c’est avant la désunion européenne ! Paris est pris au piège de ses otages pris en otages par les autorités iraniennes[20].

Une fois encore, Emmanuel Macron est spectateur des évolutions en cours dans la zone. Il ne fait que prendre le train en marche au lieu d’anticiper une telle évolution largement prévisible depuis le début de l’année 2025. Gouverner, c’est prévoir et pas communiquer !

« L’odeur du monde a changé »[21]

« Toute vérité franchit trois étapes. D’abord elle est ridiculisée. Ensuite elle subit une forte opposition. Puis elle est considérée comme ayant toujours été une évidence » (Arthur Schopenhauer). Cessons de dire n’importe quoi. Prenons la hauteur nécessaire pour réfléchir avant de porter des jugements péremptoires sur les initiatives américaines du 47eprésident ! Même si une hirondelle ne fait pas le printemps, elle le laisse parfois entrevoir. Cent jours après sa prise de fonctions, Donald Trump bouscule les principes du monde d’hier[22]. Il remodèle le monde[23], le Moyen-Orient à son image… en bien ou en mal. Qu’on le veuille ou non ! Il n’envisage pas d’y exporter la démocratie et les droits de l’homme, comme certains de ses prédécesseurs. À sa manière, souvent brutale, il veut y apporter la paix et non la guerre avec des méthodes qui sont les siennes. Après les coups de menton viriles de ses partenaires et adversaires, vient le temps des accommodements, de la recherche de compromis si peu glorieux soient-ils ! Confus mais un peu tard, les alliés de l’Amérique enfourchent ses chevaux de bataille. Comme le dit le général MacArthur, « trop tard, le mot qui résume toutes les défaites ». Ainsi, ne devrions-nous pas anticiper les évolutions induites par ces brèves de comptoir (diplomatiques) au Moyen-Orient compliqué au lieu de nous agiter inutilement dans tous les sens ?


[1] « Les écrivains face à Trump », Le Monde des Livres, 11 avril 2025, pp. 1à 4.

[2] « Ukraine : l’incohérence américaine », Éditorial, Le Monde, 20-21-22 avril 2025, p. 30.

[3] « C’est de la faute à Donald », Le Canard enchaîné, 9 avril 2025, p. 2.

[4] Julian Fernandez et Olivier de Frouville, « L’intention génocidaire d’Israël à Gaza est transparente », Le Monde, 12 avril 2025, p. 26.

[5] Michaël Prazan, La vérité sur le Hamas et ses « idiots utiles », éditions de l’Observatoire, 2025.

[6] Philippe Ricard, « Macron cherche à se rapprocher des pays arabes », Le Monde, 9 avril 2025, p. 3.

[7] Samuel Forey, « Israël s’empare de pans entiers de Gaza », Le Monde, 15 avril 2025, p. 2.

[8] Ilyes Ramdani, « Gaza : Macron tente de rester dans le jeu diplomatique », www.mediapart.fr , 9 avril 2025.

[9] Philippe Ricard, « Macron pourrait reconnaître l’État palestinien en juin », Le Monde, 11 avril 2025, p. 3.

[10] Éditorial, « Israël-Palestine : sauver la solution des deux États », Le Monde, 12 avril 2025, p. 28.

[11] Philippe Jacqué, « Sur le dossier palestinien, les Vingt-Sept étalent leur impuissant », Le Monde, 16 avril 2025, p. 6.

[12] Laure Stephan, « Liban : les États-Unis font du désarmement du Hezbollah une priorité », Le Monde, 8 avril 2025, p. 3.

[13] Laure Stephan, « Liban : le président Aoun veut désarmer le Hezbollah par le dialogue », Le Monde, 17 avril 2025, p. 5.

[14] Philippe Ricard, « Emmanuel Macron met en garde contre une militarisation de l’aide humanitaire à Gaza », Le Monde, 10 avril 2025, p. 3.

[15] Piotr Smolar, « Trump annonce des discussions avec l’Iran », Le Monde, 9 avril 2025, p. 2.

[16] Madjid Zerrouky, « Yémen, l’hypothèse d’une offensive terrestre. Les frappes américaines s’intensifient », Le Monde, 18 avril 2025, pp. 1-2.

[17] Ghazal Golshiri, « L’Iran poussé à négocier avec les États-Unis sur le nucléaire », Le Monde, 10 avril 2025, p. 3.

[18] Ghazal Golshiri, « Une possible ouverture sur le nucléaire iranien », Le Monde, 15 avril 2025, p. 3.

[19] Louis Imbert et Philippe Ricard, « Nucléaire iranien : les Européens évincés », Le Monde, 13-14 avril 2025, pp. 1-2.

[20] Ghazal Golshiri et Élise Vincent, « Le sort d’une iranienne arrêtée à Lyon attise les tensions avec Téhéran », Le Monde, 20-21-22 avril 2025, p. 5.

[21] Citation de Georges Duhamel, médecin écrivain, poète français (1884-1966), prix Goncourt 1918 pour Civilisation, élu à l’Académie française en 1935.

[22] Philippe Ricard et Élise Vincent (propos recueillis par), « Muriel Domenach : Trump perçoit la notion d’alliance comme un système d’abus de confiance aux dépens des États-Unis », Le Monde, 20-21-22 avril 2025, p. 21.

[23] Éric Albert, Denis Cosnard et Béatrice Madeline (propos recueillis par), « François Villeroy de Galhau : Nous vivons un basculement historique », Le Monde, 10 avril 2025, p. 16.

Gardes suisses : quelle est l’origine de l’armée du Vatican ?

Gardes suisses : quelle est l’origine de l’armée du Vatican ?

Les Gardes suisses sont la plus ancienne et la plus petite armée du monde, chargée depuis plus de 500 ans de protéger le pape au Vatican.

par Jean-Baptiste Leroux – armees.com – Publié le
Les Gardes suisses constituent la plus petite et la plus vieille armée du monde. Pixabay
Les Gardes suisses constituent la plus petite et la plus vieille armée du monde. Pixabay | Armees.com

Fondée au début du XVIe siècle, les Gardes suisses pontificaux sont une institution unique. Connue pour ses uniformes colorés et sa fidélité légendaire, cette armée minuscule constitue une tradition vivante qui assure encore aujourd’hui la sécurité du pape et de l’État du Vatican.

Des mercenaires réputés devenus gardiens du pape au Vatican

Au début du XVIe siècle, l’Europe connaît de nombreux conflits militaires et politiques. Le pape Jules II cherche alors à sécuriser sa personne et ses territoires en recrutant des mercenaires reconnus pour leur efficacité. En 1505, il fait appel aux soldats helvétiques, réputés pour leur bravoure, leur discipline et leur grande loyauté. C’est ainsi que, le 22 janvier 1506, 150 soldats suisses sont officiellement chargés de protéger le souverain pontife. Ce jour marque le début de l’histoire exceptionnelle de la Garde suisse pontificale.

Les soldats helvétiques étaient alors considérés comme une force d’élite, invincibles sur les champs de bataille européens. Leur réputation reposait sur des valeurs profondément ancrées : loyauté absolue, courage à toute épreuve et rigueur militaire. Ces qualités expliquent pourquoi Jules II préféra ces mercenaires à toute autre armée pour assurer sa sécurité personnelle et celle de ses possessions.

Des Gardes suisses au rôle symbolique

Depuis sa création, la Garde suisse s’est illustrée lors d’événements majeurs, comme le sac de Rome en 1527. Durant cet épisode tragique, les gardes sauvèrent héroïquement la vie du pape Clément VII, au prix de lourdes pertes humaines. En souvenir de leur bravoure, la tenue des Gardes suisses arbore toujours les couleurs vives que l’on attribue traditionnellement à cette époque : le bleu, le rouge et le jaune.

Aujourd’hui, bien que son rôle ait évolué, la Garde suisse continue d’assurer la sécurité du pape lors des déplacements et cérémonies officielles. Depuis 1870, année de leur dernière confrontation armée, leur mission est avant tout préventive et symbolique. Ils contrôlent les accès au Vatican, assurent une présence discrète mais constante autour du pontife et surveillent les événements auxquels il participe.

Intégrer la Garde suisse relève aujourd’hui davantage du devoir symbolique et religieux que de l’engagement militaire traditionnel. Pourtant, les critères d’entrée restent très sélectifs. Chaque membre doit être un homme suisse, catholique pratiquant, célibataire, âgé de 19 à 30 ans, en excellente santé physique et morale, et possédant une formation militaire de base. Cette exigence permet à la Garde suisse de préserver intacte la tradition qui fait d’elle la plus ancienne et la plus petite armée du monde, garante fidèle de la sécurité pontificale.

Moins de 1 000 hommes: le Pentagone coupe par deux ses effectifs en Syrie

Moins de 1 000 hommes: le Pentagone coupe par deux ses effectifs en Syrie

Un convoi de l’U.S. Army Soldiers en Syrie, fin septembre 2020. (photo U.S. Army Sgt. 1st Class Curt Loter).

Les Etats-Unis ont annoncé, dans un communiqué de vendredi, qu’ils vont réduire de moitié leur présence militaire en Syrie.

Ils estiment avoir lutté avec « succès » contre le groupe Etat islamique (EI), même si des noyaux djihadistes demeurent actifs dans ce pays encore fragile.

Cette décision intervient près de trois mois après l’arrivée au pouvoir de Donald Trump, défavorable depuis longtemps à la présence américaine sur place.

Les Etats-Unis disposent d’une présence militaire en Syrie depuis des années, notamment dans le cadre de la coalition internationale contre l’EI. Longtemps officiellement établis à 900 hommes, les effectifs US ont été, fin 2024, annoncés à 2000 soldats. Comme annoncé la semaine dernière par des médias israéliens, ces forces vont être réduites « à moins d’un millier de soldats dans les mois prochains »,  a déclaré Sean Parnell, le porte-parole du Pentagone. Des sources US disent que les effectifs pourraient s’établir à 500 hommes au pire.

Outre ces militaires, il faut aussi compter sur des contractors employés dans l’AoR du Commandement Centre et dont le nombre est actuellement difficile à estimer. En effet, le CENTCOM dans ses relevés trimestriels donne, depuis 2018, un chiffre global pour l’Irak et la Syrie.

Dans le plus récent relevé (janvier 2025), ces effectifs s’élevaient à 6474 contractors de toutes nationalités confondues:

Le Pentagone n’a rien précisé sur une éventuelle réduction de ces effectifs civils qui sont stables depuis plus d’un an (voir mes différents posts sur ces contractors).

Des miliciens des FS avec un Américain (probablement un contractor) en mai 2021 en Syrie. (photo U.S. Army, Spc. Isaiah Scott)

La défense de l’Europe face à la Russie : cherchez la faille !

La défense de l’Europe face à la Russie : cherchez la faille !

Par Institut FMES, Pascal Orcier – Diploweb – publié le 18 avril 2025

https://www.diploweb.com/Carte-La-defense-de-l-Europe-face-a-la-Russie-cherchez-la-faille.html


L’institut Fondation méditerranéenne d’études stratégiques (FMES) est un centre de recherches qui décrypte les questions géopolitiques et stratégiques de la zone couvrant le bassin méditerranéen et le Moyen-Orient, de même que les recompositions entre acteurs globaux.
Pascal Orcier, professeur agrégé de géographie, docteur, cartographe, auteur et co-auteur de plusieurs ouvrages.

En décembre 2024, l’Institut FMES fait un exercice de réflexion pour identifier un point de faiblesse de la défense de l’Europe face à la Russie. Si la ligne de défense courant de la Baltique à la Pologne lui semble solide, celle couvrant le flanc sud-est de l’Europe paraît beaucoup plus fragile. Même si le mois de décembre 2024 semble aujourd’hui bien loin – parce que d’autres fragilités sont apparues dans la relation UE / États-Unis, voire dans l’OTAN – cet exercice de réflexion reste pertinent par l’identification d’une zone de faiblesse. D’autres sont apparues.

En décembre 2024, l’équipe de direction de l’Institut FMES faisait le commentaire suivant de cette carte.

A L’APPROCHE de la prise de fonction de Donald Trump le 20 janvier 2025, les Européens et l’administration Biden finissante tentent de s’opposer aux ingérences de la Russie en Europe orientale, tout en livrant des armes à l’Ukraine pour rassurer le président Zelensky et l’encourager à composer avec le Kremlin. Les Occidentaux cherchent en effet à s’assurer qu’il ait suffisamment de cartes en main pour négocier avec le Kremlin au moment où l’aviation russe accroît les frappes contre les infrastructures électriques ukrainiennes.

La défense de l'Europe face à la Russie : cherchez la faille !
La défense de l’Europe face à la Russie : cherchez la faille !
Conception FMES, réalisation Pascal Orcier 2024.

Le président russe, rasséréné par l’élection de Donald Trump qu’il sait favorable à un arrêt des hostilités en Ukraine, pousse ses pions en Baltique (face aux pays baltes, à la Finlande et à la Suède) et en Europe orientale, profitant de l’incertitude engendrée par l’arrivée aux affaires d’un président américain transactionnel et pacifiste, mais aussi de la posture favorable à la Russie des pouvoirs en place en Hongrie et en Slovaquie. Ces deux pays, à la charnière des flancs nord et sud-est de l’OTAN comme de l’Union européenne, sont cruciaux pour la cohérence du dispositif de défense de l’Europe, comme le souligne notre carte.

En Moldavie, les services secrets ont démontré l’implication des services russes pour influencer le résultat du référendum sur l’adhésion à terme de ce pays à l’Union européenne (validé avec seulement 51 % des suffrages). En Roumanie, après avoir prouvé une ingérence massive du Kremlin dans le processus électoral, la Cour constitutionnelle a annulé le premier tour de l’élection présidentielle qui menaçait d’être remportée par le candidat prorusse Câlin Georgescu. En Bulgarie, la Russie dispose également de relais d’influence bien établis. En Géorgie, la présidente Salomé Zourabichvili (dont le mandat expire fin décembre 2024) a dénoncé l’élection de l’ancien footballeur populiste pro-russe Mikheïl Kavelachvili par un parlement sous influence russe, comme nombre de Géorgiens qui manifestent quotidiennement dans la rue. Soutenue par des intellectuels et des hommes d’affaires pro-européens, elle a annoncé qu’elle refuserait de céder sa place, laissant présager une grave crise institutionnelle. Face à l’activisme russe dans le champ de l’influence dans l’est du continent et en attente d’une administration américaine qui ne la ménagera pas, l’Union européenne doit plus que jamais se préparer à prendre ses responsabilités pour assurer sa défense, seule si nécessaire. Si la ligne de défense courant de la Baltique à la Pologne semble solide, celle couvrant le flanc sud-est de l’Europe paraît beaucoup plus fragile. C’est sans doute là que le Kremlin fera porter ses efforts.

Manuscrit clos en décembre 2024

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La défense de l’Europe face à la Russie : cherchez la faille !
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L’Institut FMES a fait un exercice de réflexion pour identifier un point de faiblesse de la défense de l’Europe face à la Russie. Si la ligne de défense courant de la Baltique à la Pologne lui semble solide, celle couvrant le flanc sud-est de l’Europe paraît beaucoup plus fragile.

Scénario : la Chine attaque Taïwan

Scénario : la Chine attaque Taïwan

par Benjamin Blandin – Revue Conflits – publié le 18 avril 2025

https://www.revueconflits.com/scenario-la-chine-attaque-taiwan/


La Chine rêve de prendre Taïwan, Xi Jinping a annoncé à plusieurs reprises que cela faisait partie de ses objectifs. Mais selon quels modes ? Étude de trois scénarios possibles pour une prise de l’île.  

Benjamin Blandin, expert en sécurité maritime, chercheur associé au Korea Institute of Maritime Strategy (KIMS) et au Yokosuka Council on Asia Pacific Studies (YCAPS).

Alors qu’à l’initiative de Pékin les incidents se multiplient entre les deux rives du détroit de Taiwan, les États-Unis, sous la présidence de Donald Trump, semblent se détourner de la tradition américaine, sans cesse renouvelée depuis 1979, de soutien à l’autonomie, sinon à l’indépendance de fait de Taiwan.

En ce qui concerne Pékin, les infractions à la ligne médiane dans le détroit, comme à la zone d’identification aérienne de Taiwan, par des ballons et des aéronefs de l’armée de l’Air chinoise[1], se multiplient, tandis que l’on observe des infractions sur le pourtour des îles Kinmen, au large de Xiamen et le sabotage de câbles sous-marins entre la pointe nord de l’île principale et l’archipel des îles Matsu. Par ailleurs, la circulation de photos et de prises de vue satellite démontrant la multiplication par les forces armées chinoises d’exercices de débarquement, qui impliquent désormais l’usage de barges de grande taille, tend à confirmer les intentions des autorités chinoises de régler le « problème taiwanais ».

Différents scénarios d’invasion

Au cours des dernières années, plusieurs scénarios ont été pris en compte afin d’appréhender les différentes manières que pourrait employer Pékin afin de forcer une réintégration de Taiwan. Le premier, issus des exercices de wargaming menés par le Pentagone, comprend une attaque de vive force contre Taiwan. Le deuxième, porté par le think tank américan CSIS – ChinaPower, adopte une approche coercitive, comprenant la mise en place et l’imposition d’une zone de quarantaine, d’un blocus économique progressif, voire d’un champs de mines, ce qui aurait des conséquences économiques majeures pour l’économie régionale et mondiale. Le troisième scénario, publié par l’auteur, comprend quant à lui une invasion progressive et séquencée des territoires contrôlés par Taiwan, par le biais d’une technique de blocus.

Scénario #1 : Attaque de vive force sur l’île principale

Bien que le détail des exercices de simulation menés par le Pentagone ne soit pas connu, nous savons qu’en fonction des scénarios, la confrontation pourrait durer de plusieurs semaines à plusieurs mois et entraîner la perte, pour la Chine, de plusieurs dizaines de milliers d’hommes et d’un grand nombre d’unités de surface de la marine chinoise, tandis que la marine américaine pourrait perdre plusieurs porte-avions et de nombreux avions de chasse, tout en ne garantissant pas l’atteinte d’une supériorité aérienne ou navale de l’un ou de l’autre des belligérants.

Sur le plan pratique, ce scénario est le plus risqué à plus d’un titre, pour des raisons pratiques, mais aussi politiques, économiques et stratégiques. Dans un premier temps, la saison des tempêtes s’étend sur près de sept mois, réduisant d’autant les « fenêtres de tir » pour une attaque qui ne peut se faire que sur un nombre limité de plages, la côte étant fortement urbanisée. Sur le plan militaire, le manque de transports de chalands de débarquement comme de barges, tout comme de troupes de marines et/ou de forces aéroportées, éléments qui s’ajoutent à la durée nécessaire pour accomplir une rotation complète entre la côte et l’île, ne pourrait que compliquer encore plus la tâche à accomplir.

Sur le plan politique, la Chine subirait sans nul doute une pression doublée d’un isolement croissant, aussi bien sur la scène régionale qu’internationale.

Sur le plan économique, la mise en place d’une supériorité navale nécessiterait le déroutement complet de tout trafic maritime civil dans le détroit, voire sur l’ensemble du pourtour de Taiwan, ce qui perturberait gravement le transport maritime, tout comme l’activité portuaire régionale et internationale, potentiellement pour une durée de plusieurs mois. Il en irait de même du trafic aérien qui devrait être dérouté sur l’ensemble de l’espace aérien de Taiwan et du Fujian voir au-delà si l’armée de l’Air chinoise mobilise des aéroports et aérodromes dans le Guangdong, le Zhejiang et le Jiangxi (voire ceux disposés en mer de Chine méridionale).

Le média Bloomberg notamment, a évalué qu’un conflit ouvert de haute intensité pourrait entraîner une perte de 10% du PIB mondial, 17% pour la Chine et 40% pour Taiwan et entre 50% et 80% de baisse du commerce vers et depuis l’Asie.

Scénario #2 : Blocus complet de l’île principale de Taiwan

À l’occasion d’une série de trois publications sorties en 2024, le think tank américain CSIS ChinaPower explore trois variations d’un même scénario visant à établir un blocus autour de Taiwan afin d’affirmer son autorité sur l’île, en accroissant progressivement la pression économique et politique par le biais de différents moyens de coercition : mise en place d’une zone d’interdiction navale et/ou aérienne, mise en place d’une « quarantaine » ou « blocus », tous deux par le biais du déploiement de dizaines de navires (marine, garde-côtes, milice maritime), de façon permanente, régulière ou ponctuelle, mobilisation de la force de missiles stratégiques, ou encore déploiement d’un champ de mines marines.

La crédibilité de ce scénario a été démontrée dans les faits dès l’année 2022, à l’occasion de la 4e crise du détroit de Taiwan déclenchée par la visite de Nancy Pelosi. En réaction à cette visite, les autorités chinoises ont en effet déployé plusieurs dizaines de navires et d’aéronefs, mis en place des zones d’interdiction et effectué plusieurs exercices à munitions réelles, dont le tir de missiles dans l’espace aérien de Taiwan, certains ayant par ailleurs atterri dans la zone économique exclusive du Japon.

Ces exercices sont d’ailleurs organisés depuis sur une base annuelle qui reprend plus ou moins le mode opératoire de 2022. Des exercices qui s’ajoutent aux exercices aéronavals en mer de Chine méridionale et en mer de Bohai, aux déploiements de plus en plus fréquents aux abords des îles Kinmen, des îles Diaoyu et en mer de Chine orientale, les infractions à la ligne médiane, les lâchers de ballons et les infractions quasi-quotidiennes à la zone d’identification aérienne de Taiwan.

Scénario #3 : la prise séquencée

Dans un article publié en septembre 2023 dans le Korea Institute of Maritime Strategy (KIMS) sous le titre « Taiwan : une invasion alternative et sans douleur », l’auteur de ces lignes présentait un troisième scénario consistant en une prise de contrôle progressive des territoires contrôlés par Taiwan, y compris les îles Kinmen, Wuqiu et Matsu, les îles Pescadores, les îles situées en mer de Chine méridionale (Itu Aba et Pratas) puis l’île principale de Taiwan par le biais d’une approche non-létale et séquencée.

L’idée ici est simple, établir un blocus complet de l’ensemble des îles, îlots et récifs les plus proches du continent, par la mobilisation massive de navires de la marine, des garde-côtes et de l’intégralité des navires de la milice maritime (jusqu’à huit mille chalutiers[2]), afin de constituer une barrière hermétique et attendre, sans jamais faire usage de la force, jusqu’à épuisement des réserves d’eau, de nourriture et de carburant, et de la prendre sans violence ces mêmes territoires.

Une telle action aurait pour avantage de progressivement priver Taiwan de ces capteurs avancés et de faciliter ultérieurement la conduite d’une éventuelle action de vive force, tout en ajoutant au prestige du gouvernement et des forces armées chinoises, et en diminuant d’autant celui des autorités et forces armées adverses, et en portant un grand coup au moral de la population, facilitant la encore un éventuel travail de sape pour la guerre psychologique et la manipulation des masses menées par les cellules locales du « front uni ».

Ainsi, dans un premier temps, on verrait tomber les îles Kinmen, Wuqiu et Matsu, suivies des îles Pratas et Itu Aba, puis l’archipel des Pescadores, et enfin, en tout dernier, l’île principale de Taiwan. Dans un tel scénario, toute tentative de « sortie en force » des assiégés, ou de forcer le blocus par une force de secours venue de l’île principale pourrait être vue (ou présentée comme telle par les médias et autorités chinoises) comme une agression à l’encontre de la Chine.

Les États-Unis, un partenaire non fiable ?

Alors que Donald Trump a critiqué publiquement Taiwan pour sa « dominance » dans le secteur des puces électroniques, il convient de rappeler que leur fabrication ne représente que l’une des nombreuses dimensions de la chaîne de valeur, et que sur un certain nombre d’autres briques, ce sont les États-Unis qui sont largement en position dominante.

Par ailleurs, la décision de l’entreprise TSMC d’investir la somme additionnelle de 100 milliards de dollars porte le total de ses investissements à 165 milliards de dollars dans le pays, une somme tout sauf anecdotique.

Cet investissement peut d’ailleurs se voir comme le pendant civil des commandes d’équipements militaires massives passées par Taiwan depuis 1979, au profit premier de l’industrie de défense des États-Unis, une fidélité par ailleurs peu récompensée au regard du retard systématique et systémique par ces derniers pour les honorer, avec plusieurs années de retard.

Au total, Taiwan a passé des commandes pour un montant cumulé de 93 milliards de dollars entre 1974 et 2022 (soit 182 milliards en prenant en compte l’inflation), dont 22 milliards sont toujours en attente de livraison malgré les promesses prises par les derniers présidents. Entre autres matériels, les livraisons de chasseurs F-16 et de missiles ont été retardées à de nombreuses reprises et sont aujourd’hui en retard de plusieurs années sur le calendrier initial.

Les États-Unis se sont pourtant engagés à de nombreuses reprises aux côtés de Taiwan, qu’il s’agisse des crises du détroit de Taiwan, que ce soit en 1954-1955, en 1958 et en 1995. Même après le départ des forces américaines en 1974 et la reconnaissance de la Chine communiste en 1979, le Taiwan Relation Act a cimenté la relation pour les décennies qui ont suivi et se soutien a été renouvelé, médiatiquement, politiquement, économiquement et militairement, de nombreuses manières.

Pour autant, force est de constater que la politique de pivot initiée par Barack Obama, après un long focus américain sur le Moyen-Orient dans le cadre de la « guerre contre le terrorisme »[3], n’a pas permis de réinvestissement stratégique notable en faveur de Taiwan, tout juste, bien qu’à la marge, en faveur des Philippines[4], tandis que le nombre de soldats positionnés au Japon, en Corée du Sud[5] et à Guam n’a cessé de baisser, tandis que la quatrième crise du détroit de Taiwan n’a donné lieu à aucune réaction américaine suite à la démonstration de force chinoise.

Ce sentiment d’abandon, bien que relatif, a d’ailleurs pu être accru, à partir de l’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis, par une suite de comportements pour le moins surprenants : critique de la plupart des alliés et partenaires traditionnels, menace d’appliquer des tarifs douaniers sur le Canada, l’Australie, le Mexique et l’Union européenne, volonté de s’emparer du Groenland « d’une manière ou d’une autre », faire le jeu de la Russie, prétendre ne pas connaître la signification de l’acronyme « AUKUS »[6], menacer d’exclure le Canada du réseau de renseignement des « Five Eyes ». Sur AUKUS notamment, programme pourtant emblématique initié sous la présidence Biden, le Secrétaire à la défense, après avoir confirmé l’encaissement d’un paiement australien de 500 millions de dollars, a évoqué l’impossibilité de le mettre en œuvre.

Tout cela, assurément, ne doit pas participer à la tranquillité d’esprit des élites politiques et militaires de Taiwan. Pour autant, la situation actuelle, pour troublante qu’elle soit, ne doit pas faire oublier que Taiwan est en train de développer sa propre base industrielle et technologique de défense, avec des succès importants dans le domaine des sous-marins, des navires de surface, des drones et des munitions, y compris des missiles hypervéloces.

La Chine, à la manœuvre pour intimider Taiwan

On l’a vu, la Chine fait feu de tout bois pour intimider Taiwan et faciliter sa réintégration par tous les moyens, la dimension militaire n’étant cependant envisagée qu’en dernier recours, Pékin étant bien conscient des dégâts potentiellement catastrophiques qu’entraînerait pour elle l’échec d’une invasion.

Pour mener à bien son objectif sans recourir directement à la violence, la Chine emploie un ensemble de méthodes qui sont regroupées en trois familles : le déni d’accès, la guerre hybride et les techniques de la zone grise. La première, potentiellement létale, vise à établir la capacité de déployer et de maintenir une bulle ou une zone d’interdiction, que ce soit par le biais de moyens militaires à terre, en mer et dans les airs.

À ce titre, les forces armées chinoises ont nettement renforcé leurs dispositifs de radars et de missiles anti-navires et anti-aériens, agrandis et amélioré les bases aériennes le long de la côte, et développé le nombre et la qualité de leurs navires et aéronefs.

La seconde, comprend un ensemble de moyens administratifs, judiciaires et de propagande, visant d’une part à contester la ligne médiane, en mer comme dans les airs (par l’établissement et la modification unilatérale de plans de vol pour l’aviation civile au-dessus du détroit) ; d’autre part à faciliter la conduite des affaires en uniformisant le droit entre les deux rives du détroit, tout en facilitant l’obtention de quasi-cartes d’identité locales pour les citoyens taiwanais ; et enfin à déployer des campagnes de communication massives, par le biais d’influenceurs et de médias dédiés, faisant l’éloge de la Chine tout en dénigrant les autorités de Taipei et en condamnant les velléités d’indépendance.

La troisième consiste, entre autres moyens, à déployer des navires de plus en plus fréquemment, de plus en plus nombreux, sans cesse plus près des côtes des îles sous le contrôle de Taiwan, de même avec des aéronefs, afin d’épuiser les pilotes et les équipages taiwanais, de contester les espaces maritimes et aériens de Taiwan, de créer une « nouvelle normalité » à son avantage, et de mettre en défaut les autorités de l’île, « incapables » de protéger sa population et le territoire.

Des voisins peu solidaires

Si Taiwan n’avait pas assez de problèmes à régler, force est de constater que certains pays proches géographiquement de Taiwan, n’agissent pas toujours dans l’intérêt de ce dernier, qu’il s’agisse des pays du Pacifique Sud, qui s’en détournent chaque année un peu plus[7], en échange d’une aide économique à court terme de la Chine, ou de certains pays d’Asie du Sud-Est, dont la Malaisie et Singapour, qui souhaitent publiquement une « réunification pacifique » de l’île à la Chine, reprenant en cela le vocabulaire officiel des autorités chinoises.

Tout cela sans compter les interventions individuelles de certaines stars asiatiques, visibles à l’international, qui soutiennent ouvertement Pékin (après avoir précédemment soutenu son adversaire), ou qui mentionnent Taiwan sous la dénomination « China Taipei », parfois après avoir désigné Taiwan comme un état indépendant. Tous ces revirements et changements de position étant la preuve, là aussi, de l’activisme de la Chine.

Par ailleurs, on a constaté ces dernières années une implication croissante d’influenceurs chinois ou pro-Chine basés d’un côté comme de l’autre du détroit de Taiwan, voir à l’international en faveur du rattachement de Taiwan à la Chine. Encore récemment, une citoyenne chinoise résidant à Taiwan du nom de « Yaya » s’est fait connaître après avoir produit et diffusé de nombreux contenus ouvertement favorables à la réunification de Taiwan par la force et qui a vu son permis de séjour non renouvelé, ce qui ne l’a pas empêchée de venir protester le jour même de son départ contre son expulsion avec un groupe de soutiens devant un bâtiment officiel à Taipei.

Conclusion

Si l’on ne peut pas affirmer que Taiwan soit lâché par les États-Unis, ou abandonné par ces voisins, force est de constater qu’il fait face à des menaces importantes de la part de la Chine et qu’une absence de soutien, sur le plan médiatique comme politique, associée à une cessation de l’aide et/ou des livraisons d’armes, comme cela a pu être le cas, même sur une courte période, vis-à-vis de l’Ukraine, pourrait être perçue par les autorités politiques et militaires chinoises comme un aveu de faiblesse et un signal que le moment propice à une intervention est peut être arrivé. Bien que la population taiwanaise soutienne en majorité une position de statu quo et ne s’identifie pas à la Chine, il est cependant clair que la plupart des citoyens ne sont pas prêts à consentir les sacrifices nécessaires pour se défendre seuls face à la menace de Pékin.

D’autre part, les forces armées de Taiwan font face à quatre défis majeurs, entre le vieillissement de la population, la désaffection pour les carrières militaires, le vieillissement des plateformes de combat et l’ultra-dépendance à la mer pour les importations et exportations du pays. Cependant, les leçons de la guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine démontrent que de nouveaux matériels et de nouvelles stratégies existent qui pourraient lui permettre de résister en cas d’agression.

D’autre part, Taiwan n’est pas seul face à l’agressivité chinoise et plusieurs pays proches, dont le Japon, les Philippines et le Vietnam, font également face au même adversaire ? Le Japon, tout particulièrement, est en train de mettre en place de nouvelles installations de défense dans les îles Ionaguni (archipel des Ryu-Kyu), y compris des missiles Type-12 dont la portée va passer de 200 à 1000 km, tandis que les Philippines ont acquis plusieurs batteries de missiles hypersoniques Brahmos, de quoi garantir, peut-être, qu’un encerclement complet sera plus difficile à établir pour Pékin qu’imaginé initialement, tandis que la stratégie d’éparpillement de leurs aéronefs par les États-Unis, devrait empêcher toute supériorité aérienne totale.


[1] Les infractions à la « zone médiane », frontière de facto entre les deux rives du détroit depuis 1950, sont passées de 953 sorties en 2021 à 3070 en 2024 d’après le ministère de la défense de Taiwan, soit une progression en trois ans de 2,6 à 8,4 incursions par jour en moyenne.

[2] La milice maritime dispose d’une force permanente, dite « professionnelle », d’au moins 200 navires, à laquelle peut s’adjoindre, par opportunisme 800 navires additionnels mais dont l’équipement comme le personnel est de moindre niveau. Au-delà, il a été évoqué une capacité de mobilisation maximale de 8000 navires

[3] En anglais « War on Terror », série d’engagements militaires, principalement en Irak et en Afghanistan (2001-2021)

[4] Les Etats-Unis ont accès, par rotation, à neufs bases navales, terrestres et aériennes, aux Philippines dans le cadre des accords EDCA (« Enhanced Defense Cooperation Agreement ») signés en 2014 et 2024

[5] Les Etats-Unis disposent de 50.000 hommes au Japon, 28.500 en Corée du Sud

[6] « Australia-United States-United Kingdom », alliance trilatérale visant à la conception d’une nouvelle génération de sous-marins à propulsion nucléaire pour la marine australienne qui a donné lieu à l’annulation d’un précédent contrat liant la France à l’Australie

[7] En 2010, 23 pays reconnaissaient officiellement Taiwan, seul 12 le faisaient encore en 2024

Iran/Arménie : première manœuvre militaire conjointe

Iran/Arménie : première manœuvre militaire conjointe

par Alain RODIER – CF2R – NOTE D’ACTUALITÉ N°682 / avril 2025


Le ministère arménien de la Défense et l’Agence de presse de la République islamique d’Iran ont annoncé officiellement avoir organisé les 9 et 10 avril leur première manœuvre militaire conjointe, baptisée « Paix », dans la région frontalière située au point de rencontre du Nakhitchevan (exclave de l’Azerbaïdjan), de l’Arménie et de l’Iran.

Surtout, cet exercice a eu lieu à proximité du corridor arménien de Zangezour qui fait l’objet de revendications de la part de l’Azerbaïdjan. Bakou réclame en effet de créer un passage entre le territoire azéri à l’est et le Nakhitchevan, à l’ouest, ce qui lui permettrait d’établir une liaison directe entre les deux parties de son territoire, et avec la Turquie, sans passer par l’Iran. Téhéran et Erevan rejettent totalement ce projet qui menacerait les liaisons entre leurs deux pays.

A l’occasion de cette manœuvre, la partie iranienne engageait la division Achoura des forces terrestres du Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI) qui est basée dans les provinces d’Azerbaïdjan[1] oriental, d’Ardebil et de Zandjan, au nord-ouest de l’Iran. Cette division comprendrait trois brigades baptisées Achoura 31, Ansar al-Mahdi 36 et Abbas 37.

Téhéran avait déjà mené en 2022 un exercice militaire de grande envergure de trois jours à la frontière avec l’Arménie, mais sans participation officielle d’Erevan. La division Achoura avait alors construit un pont temporaire sur le fleuve Arax, qui sépare l’Iran de l’Arménie (et de l’Azerbaïdjan.)

Cette année, le ministère arménien de la défense a indiqué que les forces spéciales arméniennes et iraniennes se prêteraient à une simulation d’une opération conjointe contre des « groupes terroristes » fictifs qui attaqueraient les points de passage de la frontière, sans préciser le nombre des effectifs engagés dans cette manœuvre.

Le brigadier-général Valiollah Madani, commandant-adjoint des forces terrestres des pasdarans, a déclaré que l’exercice visait à renforcer la sécurité aux frontières et à préserver « l’intégrité territoriale des pays voisins de l’Iran (…). Cet exercice conjoint reflète l’engagement stratégique de la République islamique d’Iran à renforcer la sécurité aux frontières, à lutter contre le terrorisme et à promouvoir une paix durable dans le Caucase grâce à une coordination militaire avec les pays voisins. »

Le brigadier-général Morteza Mirian, commandant les forces terrestres des pasdarans a précisé : « l’amitié avec toutes les nations et la défense de la souveraineté régionale sont les piliers de notre doctrine stratégique. » Il a souligné la pleine disponibilité des forces terrestres du CGRI et leur parfaite coordination avec l’armée arménienne pour l’organisation de cette manœuvre.

Le soutien de Téhéran à Erevan

Depuis les années 1990, Téhéran soutient l’Arménie pour contrer l’influence de l’Azerbaïdjan considéré comme un danger pour l’unité de la République islamique. En effet, un Azerbaïdjan prospère – ce qui est le cas en raison de ses ressources pétrochimiques – peut être attractif pour les populations iraniennes d’origine azérie (20% des Iraniens) comptant de nombreux représentants au sein des institutions, et provoquer une sécession du nord du pays, voire un effondrement du régime

Le Guide suprême Ali Khamenei avait souligné la sensibilité accrue de l’Iran aux questions frontalières impliquant l’Arménie lors de sa rencontre en mai 2024 avec le Premier ministre arménien Nikol Pachinian. Cette position a ensuite été confirmée par Mohammad Bagher Ghalibaf, membre du CGRI et président du Parlement, qui a assuré son homologue arménien que l’Iran s’opposerait fermement à tout redécoupage des frontières régionales.

Un accord de fourniture d’armements de 500 millions de dollars entre Téhéran et Erevan avait alors été annoncé par la presse. Il portait sur divers équipements militaires, notamment des drones et des systèmes de défense aérienne. Bien que Téhéran et Erevan aient nié la réalité de cet accord, l’Arménie est devenue de plus en plus dépendante de l’Iran après sa prise de distance avec l’Organisation du Traité de sécurité collective (OTSC) et en l’absence de garanties de la part de l’OTAN.

La manœuvre « Paix » s’est déroulée le jour même où des délégations israélienne et turque se rencontraient en Azerbaïdjan pour discuter de la déconfliction militaire en Syrie où Israël a frappé au moins trois bases aériennes dans le pays afin d’empêcher qu’Ankara ne s’y installe de manière permanente.

Le conseiller à la Sécurité nationale Tzachi Hanegbi dirigeait la délégation israélienne. Le ministre turc des Affaires étrangères, Hakan Fidan, a confirmé ensuite que les discussions devaient conduire à mettre en place d’un mécanisme de communication similaire à ceux qu’Ankara entretient avec les États-Unis et la Russie. Par ailleurs, des efforts sont en cours pour établir une ligne militaire directe entre la Turquie et Israël pour éviter tout « incident » au-dessus de la Syrie, calquée sur le modèle du canal de coordination israélo-russe existant.

Les négociations entre Erevan et Bakou

L’Arménie et l’Azerbaïdjan ont annoncé en mars 2025 s’être entendus sur le texte d’un traité de paix pour mettre fin à leur conflit qui dure depuis plus de quarante ans. Mais depuis les deux parties se sont mutuellement accusées d’être responsables de plusieurs incidents le long de leur frontière.

Afin de finaliser cet accord, les diplomates azéri et arménien, Ceyhun Bayramov et Ararat Mirzoyan, se sont rencontrés en Turquie en marge du Forum diplomatique d’Antalya (ADF 2025) qui s’est tenu du 11 au 15 avril. Ils ont tenu une réunion bilatérale le 12 avril après avoir discuté des derniers développements concernant les négociations Bakou-Erevan, ainsi que du processus de normalisation entre la Turquie et l’Arménie. Mirzoyan a précisé : « nous sommes tous deux d’accord sur le fait que l’objectif final est une normalisation complète des relations, notamment par l’établissement de relations diplomatiques et l’ouverture de la frontière (…). Notre dialogue ne porte pas uniquement sur l’établissement de relations diplomatiques et l’ouverture officielle de la frontière. Il porte sur les échanges commerciaux considérables qui peuvent avoir lieu entre nos deux pays. Nous avons également évoqué des projets énergétiques communs et des possibilités de transit. Par ailleurs, nous avons également abordé la question de la coopération au sein des enceintes internationales. Car la réalité montre que, sur les questions du Moyen-Orient, par exemple, nos points de vue et nos perceptions sont parfois plus proches qu’on ne pourrait le croire. » Il a toutefois reconnu que les progrès étaient au point mort sur certains sujets.

Concernant les négociations de paix avec l’Azerbaïdjan, Mirzoyan a déclaré qu’un accord « historique et sans précédent » était prêt à être signé. Commentant la condition posée par l’Azerbaïdjan de dissoudre le Groupe de Minsk de l’OSCE dans le cadre d’un accord de paix, il a déclaré : « s’il n’y a pas de conflit, alors ce Groupe de Minsk n’est pas nécessaire. ». Le ministre a souligné qu’Erevan souhaitait signer l’accord de paix avec l’Azerbaïdjan et le document de dissolution du Groupe de Minsk le même jour.

Répondant à la demande de l’Azerbaïdjan d’un amendement constitutionnel en Arménie comme condition aux garanties d’intégrité territoriale, Mirzoyan a affirmé que des garanties suffisantes étaient déjà en place.

Par ailleurs, le ministre azéri des Affaires étrangères, Bayramov, a souligné la nécessité pour l’Arménie de modifier sa Constitution, qui contient des revendications territoriales sur l’Azerbaïdjan. « Il y a des facteurs critiques qui doivent être résolus. Le plus important concerne les revendications constitutionnelles de l’Arménie concernant l’intégrité territoriale de l’Azerbaïdjan ». Il a ajouté que le Groupe de Minsk, coprésidé par les États-Unis, la France et la Russie, n’avait obtenu aucun résultat depuis trois décennies. « La question du Karabakh est résolue. Le Karabakh fait partie de l’Azerbaïdjan. L’Arménie le reconnaît. Alors pourquoi s’obstiner à maintenir le Groupe de Minsk en vie ? Nous exigeons sa dissolution officielle ».

Il a aussi critiqué les pays occidentaux, en particulier la France, pour leur prétendue pratique du deux poids, deux mesures. « Pendant 30 ans, ils n’ont rien dit à l’occupant. Lorsque l’Azerbaïdjan a rétabli son intégrité territoriale, ils ont tenté de nous punir. Mais leurs plans ont échoué grâce à notre politique étrangère indépendante et au soutien indéfectible de la Turquie et de nos États amis ». Les relations détestables entretenues entre Paris et Bakou ne devraient pas s’améliorer dans un proche avenir…


[1] Région iranienne, voisine de l’État du même nom.