Le programme de réarmement SAFE de l’UE et ses conséquences potentielles

Le programme de réarmement SAFE de l’UE et ses conséquences potentielles

par Federico Santopinto* – IRIS – publié le 28 mai 2025

https://www.iris-france.org/le-programme-de-rearmement-safe-de-lue-et-ses-consequences-potentielles/

*Federico Santopinto est directeur de recherche à l’IRIS, en charge du Programme Europe, stratégie et sécurité, spécialisé dans l’intégration européenne en matière de défense et de politique étrangère, ainsi que dans la coopération militaire et sécuritaire entre l’Union européenne (UE) et l’Afrique. À ce titre, il suit également les politiques de coopération au développement de l’UE utilisées comme outil de prévention et de gestion des conflits.

Diplômé de l’Université de Florence en Sciences politiques (option internationale), Federico Santopinto a également obtenu un master en Politique internationale à l’Université Libre de Bruxelles (ULB). Il a ensuite exercé, pendant plus de dix ans, l’activité d’observateur électoral de long terme pour l’UE, principalement dans des pays post-conflit en Afrique. Il a parallèlement intégré le GRIP (Groupe de recherche et d’information sur la paix et la sécurité), un institut de recherche spécialisé dans la maîtrise des armements, où il a longtemps travaillé tant sur l’Europe que sur le maintien de la paix onusien. Il a notamment assuré dans ce cadre la gestion de l’Observatoire Boutros-Ghali du maintien de la paix (OBG). Federico Santopinto travaille également occasionnellement pour l’ULB en qualité d’expert associé.

Depuis que l’Union européenne (UE) a étendu ses compétences au secteur de l’armement, elle s’est trouvée confrontée à un dilemme : comment associer (ou pas) les entreprises des pays tiers aux programmes qu’elle a mis en place pour financer les coopérations entre ses membres ? Comment inclure en particulier les entreprises des alliés de l’OTAN qui ne sont pas membres de l’UE ? À chaque nouvelle initiative lancée dans ce domaine, cette question revient systématiquement sur la table des négociateurs européens, en provoquant des tourments.

En adoptant le programme dénommé SAFE (Security Action for Europe), son dernier né en matière de réarmement, l’UE semble avoir trouvé la quadrature du cercle de cette épineuse équation. SAFE, en effet, introduit des nouveautés particulièrement originales en matière d’éligibilité, sorties tout droit du chapeau du Secrétariat de la Commission européenne. À premières vues, ces nouveautés facilitent l’association des pays tiers aux achats conjoints que les États membres pourront réaliser grâce aux prêts élargis par l’UE. Et leurs entreprises pourraient en conséquence être plus facilement éligibles, ce qui a fait crier victoire aux partisans de l’ouverture. Mais à terme, les conséquences de cette ouverture pourraient surprendre les alliés de l’Union, tout comme ses États membres d’ailleurs. Ces derniers ont-ils pleinement saisi les implications que SAFE pourrait avoir au fil du temps ?

Le programme SAFE en quelques mots

Le programme SAFE se distingue des autres instruments d’aide à l’industrie de défense de l’UE par le fait qu’il n’offre pas des subsides, mais des prêts pour des acquisitions conjointes, que les États membres devront rembourser à des conditions avantageuses. SAFE bénéficiera d’une enveloppe de 150 milliards d’euros qui sera elle-même empruntée par la Commission européenne sur les marchés.

Les règles d’éligibilité de SAFE

Dans un premier temps, SAFE semble recalquer à quelques nuances près les règles d’éligibilité attribuées à d’autres programmes qui l’ont précédé pour soutenir l’industrie militaire, comme EDIRPA et ASAP[1]. En règle générale, les bénéficiaires des prêts élargis via SAFE doivent être établis dans l’UE, en Norvège ou en Ukraine, et ils ne doivent pas être soumis à un contrôle étranger. Les filiales ou les co-entreprises des pays tiers présentes sur le sol de l’UE, néanmoins, peuvent également être éligibles si elles ont fait l’objet d’un filtrage au sens du règlement (UE) 2019/452 sur les investissements directs étrangers (FDI) ou si elles fournissent toute une série de garanties à l’UE[2]. Comme dans le cas de l’EDIRPA, SAFE rajoute un autre critère : les produits achetés grâce aux prêts de l’UE doivent également disposer d’un minimum de 65% de composantes européennes. Certains équipements de défense plus complexes devront en outre être produits par une autorité de conception européenne (contrôle de la propriété intellectuelle et du savoir-faire technique), alors que d’autres catégories d’armes moins complexes ne sont pas automatiquement soumises à cette contrainte[3].

Par rapport aux programmes précédents, la Commission européenne toutefois propose quelque chose de plus en termes d’éligibilité. Elle suggère en effet d’élargir à certaines conditions le rayon d’action de SAFE aux pays « like-minded »[4], à savoir :

  • Ceux en voie d’adhésion ou les candidats potentiels à l’adhésion.
  • Ceux ayant conclu un partenariat de sécurité et de défense avec l’UE, au titre de la Politique de sécurité et de défense commune (PSDC)[5].

Ces deux catégories de partenaires potentiels ne peuvent pas pour autant bénéficier des prêts de l’UE. Ils pourront par contre être associés aux achats conjoints lancés via SAFE, en y contribuant financièrement bien entendu. Pour cela, ils devront néanmoins signer préalablement des accords bilatéraux avec l’UE pour établir en quels termes leurs entités et entreprises pourront être éligibles aux acquisitions communes cofinancées par les prêts de la Commission. Ces accords, de plus, devront définir toute une série d’autres mesures en matière de normalisation et d’interopérabilité. Il est prévu également qu’ils définissent les dispositions à mettre en œuvre afin d’assurer la sécurité d’approvisionnement des composantes du produit acquis.

Comment seront dès lors redéfinis les critères d’éligibilité de SAFE dans le cadre de ces accords bilatéraux ? Le règlement du programme demeure ambigu sur ce point. Il se limite à dire que les accords bilatéraux devront fixer « the rules related to restrictions imposed by third countries or by third country entities, on the definition, adaptation and evolution of the design of the defence product procured with the support of the SAFE instrument »[6]. En d’autres termes, l’UE renvoie toute décision en la matière aux futures négociations qu’elle devra entamer avec ses alliés.

L’UE au cœur d’un nouveau pôle normatif en matière d’armement ?

Au regard de ces règles, SAFE pourrait apparaître à première vue comme le programme de l’UE le plus ouvert de tous aux pays tiers. Derrière cette ouverture, toutefois, il est possible de percevoir en filigrane une stratégie visant à placer l’Union au centre d’un pôle réglementaire nouveau en matière d’industrie de défense. Face à l’incertitude stratégique alimentée par la posture ambiguë de Donald Trump, l’idée de pousser les pays tiers, qu’ils soient européens ou non, à signer des accords bilatéraux avec l’UE tombe à point nommé. Elle pourrait représenter un atout stratégique majeur pour les Européens. Ces accords, en effet, ne seront pas négociés uniquement avec les pays qui partagent les mêmes valeurs de l’Union. Ils seront vraisemblablement négociés également et surtout avec ceux qui feront preuve de proximité stratégique avec elle, ce qui inclut potentiellement de nombreuses démocraties dans le monde, mais semble exclure à priori les États-Unis de Donald Trump.

Une telle disposition vise en premier lieu le Royaume-Uni, avec lequel l’UE vient de signer un partenariat de sécurité et de défense qui ouvre la voie à un accord bilatéral sur SAFE. Mais elle pourrait intéresser également d’autres alliés non européens, comme le Canada, qui négocie actuellement lui aussi ce type de partenariat. À l’instar des pays de l’Union, Ottawa et Londres ont été fortement perturbés par l’attitude de Donald Trump vis-à-vis de la Russie de Vladimir Poutine. Et ils pourraient l’être encore plus si les États-Unis devaient annexer le Groenland sans le consentement du Danemark. Aussi, l’ouverture de l’UE aux pays tiers est intéressante notamment au regard de son timing. L’Union est-elle en train de proposer à ses partenaires, tout aussi dépités qu’elle, de constituer à long terme un embryon d’alternative, ou du moins une échappatoire partielle à l’hégémonie industrielle des États-Unis dans le secteur de l’armement ? A-t-elle l’intention d’étendre sa traditionnelle puissance normative à ce domaine, d’où elle était exclue jusqu’il y a encore quelques années ?

Pour répondre à cette question, encore faudrait-il comprendre si les États membres sont réellement prêts à jouer la carte normative de l’UE dans un domaine aussi délicat que celui de l’industrie de défense. En considérant l’attachement des uns à l’illusion de leur souveraineté nationale et la persistance des autres à considérer Washington, contre vents et marées, comme l’ultime garantie de leur propre sécurité, le doute est permis. Pourtant, à l’heure où les démocraties d’Europe, d’Asie et d’Océanie sont confrontées au désarroi face à la tournure stratégique que prennent les États-Unis, l’idée de conditionner l’association des entités des pays tiers à une convergence stratégique et normative de leurs pays avec l’Union est loin d’être dénouée de sens. Elle pourrait porter les germes d’une ambition nouvelle pour l’UE. Les États membres auront-ils le courage de l’assumer ?


[1] EDIRPA (European defence industry through common procurement) et ASAP (Act in Support of Ammunition Production) sont des programmes transitoires lancés par l’UE en 2023 dans le cadre de la guerre en Ukraine pour soutenir les achats conjoints et la production industrielles d’armement.

[2] Le Règlement (UE) 2019/452 établit un cadre pour le filtrage des investissements directs étrangers (IDE) au sein de l’UE, dans le but de protéger les actifs stratégiques européens. Il met en place un mécanisme de coopération entre les États membres et la Commission européenne en trois étapes :

  • Les États membres notifient aux autres membres et à la Commission les IDE faisant l’objet d’un filtrage,
  • Les autres États membres peuvent adresser des commentaires et la Commission un avis,
  • Les États membres restent libres de prendre la décision finale de filtrage.

[3] Article 16 de la proposition de Règlement COM(2025) 122 final du 19 mars 2025 établissant l’instrument SAFE, tel qu’amendée par le COREPER.

[4] Ibid, art. 17.1.

[5] L’UE a signé ce genre de partenariats avec sept pays : Norvège, Moldavie, Macédoine du Nord, Albanie, Corée du Sud, Japon et tout récemment le Royaume-Uni.  Des négociations sont en cours avec le Canada. L’UE envisage également de signer également un accord avec l’Inde.

[6] Art. 17.2(d) du Règlement COM(2025) 122 final du 19 mars 2025 établissant le programme SAFE, tel qu’amendé par le COREPER.

Les capacités anti-drones de l’armée française : état des lieux et perspectives

Les capacités anti-drones de l’armée française : état des lieux et perspectives

Alors que les drones s’imposent comme des armes majeures dans les conflits modernes, l’armée française renforce discrètement mais résolument ses capacités de lutte anti-drones.

par Adélaïde Motte – armees.com – Publié le
parade, drone
Les capacités anti-drones de l’armée française : état des lieux et perspectives | Armees.com

Alors que les drones s’imposent comme des armes majeures dans les conflits modernes, l’armée française renforce discrètement mais résolument ses capacités de lutte anti-drones. De la guerre en Ukraine aux tensions en zone sahélienne, les microdrones armés ou kamikazes redéfinissent les menaces. Où en est la France ? Quels moyens déploie-t-elle pour y faire face ? Et quelles sont les pistes explorées pour rester dans la course technologique ?
drones

Avec les drones, la menace change d’échelle

L’ère du drone est bel et bien entrée dans sa phase de généralisation. Longtemps cantonnés à des missions de surveillance stratégique ou à des frappes ponctuelles dans des zones à haut risque, les drones sont devenus des armes omniprésentes sur le champ de bataille. Leur utilisation massive dans la guerre russo-ukrainienne a bouleversé les doctrines militaires. Qu’ils soient de simples quadricoptères commerciaux équipés de grenades ou des munitions rôdeuses complexes, les drones représentent une menace à bas coût et à fort impact.

Cette prolifération de drones, notamment dans les conflits asymétriques, oblige les armées modernes à repenser en profondeur leur défense. L’armée française n’échappe pas à cette exigence. Des unités conventionnelles aux postes avancés dans la bande sahélo-saharienne, les forces françaises sont confrontées à des incursions de drones bon marché mais redoutables, capables de perturber des opérations, de désorganiser des convois ou de cibler des personnels. La maîtrise de l’espace aérien à basse altitude est devenue un enjeu vital.

Parade : le programme central du ministère des Armées

Face à cette évolution, la France a lancé dès 2021 le programme PARADE (Protection déployAble modulaiRe Anti-DronEs), piloté par la Direction générale de l’armement (DGA). Il s’agit du premier programme anti-drones industriel et modulaire à grande échelle adopté par les armées françaises.
Attribué au tandem Thales–CS Group, PARADE vise à équiper les bases militaires, les emprises sensibles et les événements majeurs (Jeux Olympiques 2024, notamment) d’une solution complète de lutte anti-drones. Il combine plusieurs briques technologiques :

  • Détection : radar, capteurs acoustiques, optroniques et radiofréquences pour identifier des objets volants de petite taille dans un rayon d’environ 3 à 5 km.
  • Identification : capacité à discriminer le type de drone, son comportement, sa trajectoire, sa charge éventuelle.
  • Neutralisation : utilisation de brouilleurs (jamming), de leurrage GNSS, et à terme, de lasers ou d’intercepteurs physiques (drones chasseurs ou projectiles dédiés).

PARADE est conçu pour être déployable en moins de 15 minutes, transportable par véhicule léger, et interopérable avec les systèmes de commandement existants. L’objectif est clair : sécuriser les forces et les installations dans un environnement saturé de menaces aériennes de très basse altitude.

Des solutions portatives pour les forces déployées

En complément des dispositifs fixes comme PARADE, les forces françaises disposent aussi d’équipements portatifs ou tactiques, adaptés aux opérations de terrain.

Parmi eux, le Brouilleur NEROD-F5 (développé par MC2 Technologies) s’impose comme une référence. Cet appareil, ressemblant à un fusil, permet de brouiller à distance les liaisons entre un drone et son opérateur, ou de bloquer son GPS. Il est déjà utilisé dans des unités comme le GIGN, certaines forces spéciales, ou des groupes en mission Sentinelle.

Plusieurs unités conventionnelles, y compris en régiments d’infanterie, sont désormais dotées de versions allégées de ce type de brouilleur, faciles à transporter et à déployer rapidement. L’efficacité de ces armes électroniques dépend toutefois fortement du type de drone et de son niveau d’autonomie : les drones préprogrammés ou fonctionnant en mode GPS-free sont plus difficiles à neutraliser. La quantité de matériels reste cependant très limitée et l’entrainement à la lutte anti-drone reste embryonnaire hors unités spécialisées.

Des menaces asymétriques en constante mutation

La principale difficulté pour les armées réside dans l’imprévisibilité de la menace. Les adversaires non étatiques — groupes armés terroristes ou insurgés — n’ont ni doctrine, ni modèle fixe. Ils adaptent en permanence leur usage des drones :

  • Commercialisation de masse : des quadricoptères DJI achetés en ligne peuvent être modifiés pour larguer des charges ou se transformer en projectiles.
  • Munitions artisanales : en Ukraine ou en Syrie, on a vu des drones porter des obus de mortier, des grenades thermobariques, voire des charges creuses.
  • Approches suicides : de plus en plus de groupes utilisent des drones kamikazes, agissant comme des missiles de croisière low-cost.

Ces évolutions posent de redoutables défis techniques. Un drone de 250 g en fibre plastique, volant à 50 km/h, à 15 m d’altitude, est difficile à détecter au radar. Le risque ne concerne plus seulement les installations stratégiques, mais chaque patrouille, chaque checkpoint, chaque base avancée.

Vers une panoplie technologique complète : laser, IA, drones intercepteurs

Le ministère des Armées prépare déjà l’étape suivante. L’objectif est de disposer à l’horizon 2025-2030 d’un système multi-couches intégrant plusieurs technologies complémentaires.

Le laser, arme silencieuse du futur ?

Le programme HELMA-P (High Energy Laser for Multiple Applications – Prototype), développé par Cilas (groupe Ariane), vise à doter l’armée d’un laser de puissance capable de détruire en vol des mini-drones. Testé avec succès sur des cibles mobiles, il a été déployé en expérimentation pendant les JO 2024. Ses avantages :

  • Neutralisation rapide (moins d’une seconde sur un petit drone),
  • Aucune munition à transporter,
  • Faible coût à l’usage.
    Ses limites restent la portée (quelques centaines de mètres) et la dépendance aux conditions météo. Cependant, son efficacité a conduit la DGA (Direction Générale de l’Armement) à commander des systèmes supplémentaires pour équiper les 3 armées françaises.

L’intelligence artificielle, aide à la détection

La DGA mise également sur des solutions d’intelligence artificielle embarquée, capables de reconnaître automatiquement un comportement suspect (trajectoire d’approche, survol anormal, etc.) et de signaler une alerte en moins d’une seconde. Plusieurs start-ups françaises travaillent sur ces algorithmes, avec un effort particulier sur le traitement d’images en temps réel.

Drones contre drones

Enfin, les intercepteurs autonomes suscitent un intérêt croissant. Ces « drones chasseurs » sont conçus pour localiser, poursuivre, puis neutraliser un drone hostile, soit par collision, soit par filet. Plusieurs prototypes sont en cours d’évaluation en France. Ils permettraient une riposte dynamique, mobile, et réutilisable.

Une coopération européenne et OTAN essentielle

La lutte anti-drones dépasse les capacités nationales. En 2023, la France a intégré le programme européen JEY-CUAS (Joint European sYstem for Countering Unmanned Aerial Systems), aux côtés de l’Allemagne, de l’Italie et de l’Espagne. Objectif : développer une doctrine commune, tester des briques technologiques, et mutualiser les retours d’expérience.

Au sein de l’OTAN, la France participe aussi à la définition des standards de détection, de brouillage, de couverture radar basse altitude, et à l’intégration des moyens anti-drones dans les réseaux C2 interalliés.

L’enjeu : ne pas rater la “prochaine guerre”

Comme l’a récemment rappelé le chef d’état-major des armées, le général Thierry Burkhard, lors d’une audition au Sénat : « Celui qui dominera l’espace aérien à basse altitude dominera le champ tactique. »

La guerre en Ukraine en est la preuve vivante : les drones ont inversé des rapports de force, détecté des unités d’élite, précipité des pertes massives. Une guerre de haute intensité demain, avec des essaims de drones en première vague, exigerait une défense très en amont. Ne pas posséder cette capacité reviendrait à exposer ses troupes et à renoncer à l’initiative.

La France, avec ses choix industriels (PARADE, HELMA-P, drones intercepteurs), avance vite — mais ses adversaires aussi. La compétition est permanente, agile, low cost. La lutte anti-drones est donc bien plus qu’un sujet technique : c’est une question stratégique, de souveraineté, et de survie tactique.

Le Haut-commissariat au Plan avance des pistes pour porter le budget des Armées à 3,5 % du PIB d’ici 2030

Le Haut-commissariat au Plan avance des pistes pour porter le budget des Armées à 3,5 % du PIB d’ici 2030


Malgré une hausse continue de ses crédits depuis 2018, le ministère des Armées manque de marges de manœuvre budgétaires pour accompagner sa remontée en puissance. Tel est en effet le constat établi par deux récents rapports publiés par la Cour des comptes et la commission sénatoriale des Finances.

Ainsi, l’un et l’autre ont mis en garde contre le niveau trop élevé du report des charges, lequel a atteint le niveau record de 8 milliards d’euros lors de l’exercice 2024. Pour rappel, il s’agit d’une astuce comptable consistant à ne payer les factures que l’année suivante, des intérêts moratoires étant versés aux industriels en compensation.

« Alors que le stock de report de charges de 2022 vers 2023 était de 3,88 milliards d’euros, il s’établirait à environ 8,02 milliards d’euros de 2024 vers 2025. Il a ainsi plus que doublé en deux ans », a ainsi relevé le sénateur Dominique de Legge, dans son rapport rendu au nom de la commission des Finances.

Pour la Cour des comptes, cette « augmentation du report de charges en 2024 » va « bien au-delà de l’objectif fixé au ministère ». Et d’ajouter : « La révision de la trajectoire de report de charges en fin de période sous programmation, interrogent sur la capacité du ministère à en maîtriser le retour à un niveau raisonnable d’ici à 2030 ».

Un autre point d’attention sont les « restes à payer », c’est-à-dire les autorisations d’engagements [AE] non encore couvertes par des crédits de paiement [CP]. Leur niveau est « en très forte augmentation depuis 2019 » note la Cour des comptes, qui précise qu’il s’est élevé à 100 milliards d’euros à la fin de l’exercice 2024 [soit + 2,9 % par rapport 2023].

Or, comme le souligne M. de Legge, « près de 90 % des crédits de paiement prévus en 2025, hors dépenses de personnel, seront ainsi destinés à apurer ce stock, qui continue par ailleurs d’être alimenté par l’engagement d’AE. »

Aussi, les magistrats de la rue Cambon font valoir que, malgré la hausse significative du budget des Armées et l’évolution « très favorable » de la « moindre évolution des coûts de facteurs » [prix du carburant, par exemple], la « nouvelle dégradation des ratios de report de charges et de restes à payer fait peser un risque significatif sur la soutenabilité des dépenses de la mission Défense ».

« Le ministère et le gouvernement, se doivent désormais d’y mettre impérativement de l’ordre, soit en parvenant à couvrir par des ressources additionnelles ses besoins financiers non programmés, soit en faisant des choix capacitaires pour se ramener plus étroitement à la trajectoire financière planifiée par la Loi de programmation militaire », estime la Cour des comptes.

D’autant plus que, la semaine passée, le ministre des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, a fait savoir que la France allait souscrire à l’objectif de l’Otan visant à porter les dépenses militaires à 5 % du PIB d’ici 2032.

« L’objectif de 3,5% est le bon montant pour les dépenses de base en matière de défense. Mais cela s’accompagne de dépenses qui vont concourir à l’augmentation de notre capacité de défense, qui ne sont pas des dépenses de défense directes, mais qui doivent être réalisées », comme la cybersécurité ou la mobilité militaire, a expliqué M. Barrot.

Pour rappel, il faut remonter au début des années 1960 pour retrouver un tel niveau de dépenses militaires en France.

Cependant, malgré les plans d’économies, les « réformes » et les promesses faites par les gouvernements successifs à la Commission européenne, les finances publiques continuent de se dégrader, avec une dette publique ayant dépassé les 3 300 milliards d’euros [113 % du PIB] et un déficit public s’étant établi 169,6 milliards d’euros en 2024 [soit 5,8 % du PIB]. Dans ces conditions, comment porter les dépenses militaires, au sens large, à 5 % du PIB, alors que d’autres priorités doivent aussi être financées ?

Le Haut-commissariat au Plan a tenté de répondre à cette question dans une note « flash » qu’il vient de publier. Selon lui, il n’existe que quatre leviers pour financer un tel effort, à savoir : la maîtrise des dépenses publiques, avec des « réduction inédites » dans certains domaines [social, fonction publique, etc.], une « hausse majeure des prélèvements obligatoires », alors que leur niveau, selon l’INSEE, est déjà de 42,8 % [hors cotisations sociales imputées], une « croissance du taux d’emploi », ce qui paraît compliqué à court terme, sauf à prendre des mesures radicales, et le « recours à un financement européen, via un endettement commun », ce qui pose des problèmes politiques et juridiques.

Selon cette note, « financer l’effort en ne recourant qu’à un seul levier – que ce soit la maîtrise de dépenses, des hausses d’impôts ou des réformes visant à accroître le taux d’emploi et grâce à cela les recettes publiques – semble peu crédible tant l’ampleur et la vitesse dans l’usage de chacun d’eux serait conséquente et inédite ». Aussi, « il apparaît donc indispensable de combiner plusieurs leviers, qui relèvent d’un choix politique essentiel », estime-t-elle.

Sans surprise, quand on connaît ses engagements pro-européens, le Haut-commissaire au Plan, Clément Beaune, pense que « la clé du problème » passe par l’Union européenne [UE], tant sur le plan financier qu’industriel.

« Au-delà du projet ‘ReArm Europe’, des solutions plus radicales doivent être envisagées. Un emprunt européen, permettant non seulement des financements communs mais aussi des acquisitions et des programmes industriels conjoints, est une idée qui progresse. Un montant proche de 500 milliards d’euros […] serait près de deux fois inférieur à l’effort consenti pendant la crise du Covid et faciliterait grandement les efforts nationaux, le niveau d’endettement global de l’Union européenne restant modéré », écrit M. Beaune dans son « éditorial ».

S’agissant de l’aspect industriel, le Haut-commissaire au Plan plaide pour une DGA [Direction générale de l’armement] européenne, laquelle serait créée à partir de l’Agence européenne de défense [AED], « sous le contrôle des États ». Une telle structure permettrait « de définir et d’acquérir en commun de nouveaux équipements » à des industriels européens.

« De la prescription à la production, c’est un modèle européen qu’il faut inventer : les erreurs commises dans le secteur spatial notamment, avec un ‘retour géographique’ inefficace, doivent inciter à bâtir un autre schéma, reposant sans doute, en aval, sur une spécialisation industrielle nationale plus assumée », conclut M. Beaune sur ce point.

Guerre en Ukraine : des avions français équipés d’armes nucléaires ? Ce que souhaite faire Emmanuel Macron

Guerre en Ukraine : des avions français équipés d’armes nucléaires ? Ce que souhaite faire Emmanuel Macron

Emmanuel Macron se dit prêt à déployer des avions français équipés de l’arme nucléaire et à en discuter avec les autres pays européens. Pourquoi le chef de l’État fait-il ce choix et sous quelles conditions ?

“Nous sommes prêts à ouvrir cette discussion”. Emmanuel Macron a franchi un pas supplémentaire vers l’élargissement de la dissuasion nucléaire française à l’Europe et veut en discuter avec les partenaires européens. Il annoncera le cadre de cet élargissement “dans les semaines et les mois qui viennent”, a-t-il dit sur TF1 mardi soir.

Début mars, Emmanuel Macron avait annoncé pour la première fois “d’ouvrir un débat stratégique” sur la protection de l’Europe par l’arme nucléaire française, en réponse à une interrogation de Friedrich Merz, alors futur chancelier allemand.

Trois conditions selon Emmanuel Macron

Face aux Français, mardi soir, Emmanuel Macron a fixé trois conditions à cette possibilité d’élargir la dissuasion nucléaire française :

  • La France ne paiera pas pour la sécurité des autres
  • Cet élargissement potentiel “ne viendra pas en soustraction de ce dont la France a besoin
  • “La décision finale reviendra toujours au président de la République, chef des armées”

Le président de la République a assuré que ce possible déploiement ne modifierait pas, selon lui, la doctrine française. “Depuis qu’une doctrine nucléaire existe, depuis le général de Gaulle, il y a toujours eu une dimension européenne dans la prise en compte de ce qu’on appelle les intérêts vitaux. On ne le détaille pas parce que l’ambiguïté va avec la dissuasion”, a-t-il rappelé.

Le possible élargissement à l’Europe de notre arme nucléaire intervient sur fond de rapprochement entre les États-Unis de Donald Trump et la Russie de Vladimir Poutine et la crainte d’un désengagement américain majeur sur le Vieux Continent alors que l’alliance Etats-Unis-Europe dure depuis la deuxième guerre mondiale.

Cette possibilité a fait réagir le Kremlin dans la matinée. “Le déploiement d’armes nucléaires sur le continent européen, ce n’est pas ce qui apportera de la sécurité, de la prévisibilité et de la stabilité“, a déclaré Dmitri Peskov, le porte-parole de Vladimir Poutine.

Notre Europe, elle a été faite d’abord pour la paix

En Europe occidentale, seuls deux pays possèdent l’armé nucléaire : la France et le Royaume-Uni. Les autres pays européens membres de l’Otan sont jusqu’ici sous le parapluie nucléaire américain.

Aujourd’hui, la doctrine française n’offre que des options limitées de coopération en matière de dissuasion nucléaire, telle que la participation d’avions européens aux exercices nucléaires français, en fournissant par exemple des chasseurs d’escorte. “Le moment que nous vivons, c’est celui d’un réveil géopolitique. Notre Europe, elle a été faite d’abord pour la paix“, a rappelé Emmanuel Macron mardi. “Le défi des défis pour nous, c’est de rester libres”.

Passer à la vitesse supérieure : pour une Agence européenne de mobilité stratégique

Passer à la vitesse supérieure : pour une Agence européenne de mobilité stratégique

par Maxime Cordet* – IRIS- publié le 6 mai 2025

https://www.iris-france.org/passer-a-la-vitesse-superieure-pour-une-agence-europeenne-de-mobilite-strategique/


*directeur de recherche à l’IRIS, spécialisé sur les questions de défense européenne. Il est responsable du Programme Industrie de défense et de haute technologie. Il est également conseiller scientifique d’ARES Group.

Ses travaux de recherche portent sur la défense européenne, l’Europe de la Défense, la coopération en matière de défense et d’armement, la stratégie de défense et le changement dans les appareils de défense.

Avant de rejoindre l’IRIS, Maxime Cordet a travaillé à la Direction générale des relations internationales et de la stratégie (DGRIS) du ministère des Armées, en tant que chargé de mission du Département Union européenne. Il a coordonné et participé à la politique française dans la Coopération structurée permanente, le Fonds européen de Défense, la mobilité militaire et la mise en œuvre de l’assistance mutuelle au sein de l’Union européenne.

Maxime Cordet est diplômé de l’École d’affaires publiques de l’Institut d’études politiques de Paris (Sciences Po).


Le terme de mobilité militaire a émergé depuis déjà longtemps, tant au sein de l’Union européenne (UE) que de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN)[1], comme le domaine d’action devant permettre le mouvement à la fois rapide et en masse des forces armées. Les politiques menées dans le domaine se concentrent sur le continent européen, mais nous pouvons également considérer, comme c’est le cas à l’UE, qu’il s’agit de permettre les mouvements dans le cadre d’une opération de la Politique de sécurité et de défense commune (PSDC) et ainsi, partout où les intérêts de sécurité de l’Union sont en jeu.

Beaucoup d’initiatives ont déjà été lancées dans ces cadres, mais des difficultés majeures sont encore relevées par les militaires se déplaçant en Europe. En matière de développement capacitaire, elles sont structurelles et affectent gravement la crédibilité des Européens à se défendre ou à s’engager militairement pour défendre leurs intérêts. Le livre blanc européen tout juste publié souligne bien cet enjeu et place la mobilité militaire comme priorité capacitaire pour que les Européens soient prêts à se défendre à l’horizon 2030. Pour le mettre en œuvre, une nouvelle communication conjointe de la Commission européenne et du Service européen de l’Action extérieure (SEAE) devrait être publiée en juin afin de proposer des mesures.

La création d’une Agence européenne de mobilité stratégique, elle-même propriétaire de moyens de transport et d’équipements logistiques, doit faire partie des propositions pour que l’UE facilite de manière concrète les déplacements des forces en Europe.

À l’UE, les politiques se mettent en place tant dans le champ communautaire qu’intergouvernemental :

  • La Commission européenne dispose depuis 2021 d’une enveloppe budgétaire dédiée au financement des infrastructures de transport à usage dual (tant civil que militaire) de 1,5 milliard d’euros. Ce fonds fait partie du Mécanisme d’interconnexion en Europe (MIE), une politique pilotée par la DG MOVE, en lien avec l’État-major de l’UE (EMUE) pour assurer que les projets répondent bien à des besoins militaires (par exemple, la rénovation du terminal ferroviaire connecté au port de La Rochelle, ou encore des portions du Rail Baltica dans les États baltes). Les trois appels à projets qui ont été lancés à ce jour ont utilisé la totalité de l’enveloppe. Certaines limites de ce fonds sont connues, notamment le fait qu’il ne finance que des infrastructures à usage dual et non purement militaire, ce qui serait nécessaire. Mais une majorité d’États demandent une augmentation de l’enveloppe dédiée pour le prochain Cadre financier pluriannuel (CFP).
  • Dans le champ intergouvernemental, deux projets de la Coopération structurée permanente (CSP) traitent du sujet. Le premier, intitulé simplement Military Mobility, est piloté par les Pays-Bas et constitue un forum de coordination de toutes les politiques européennes en la matière, avec la présence de la Commission, l’Agence européenne de défense (AED), le SEAE et même l’OTAN et plusieurs États alliés (États-Unis, Canada, Norvège, Royaume-Uni). Le second est Network of Logistic Hubs in Support of Operations (NetLogHubs), et a pour objectif la consolidation d’un réseau de centres logistiques militaires en Europe, grâce à la déclaration des services logistiques (carburant, pièces détachées, logements, ravitaillement divers, etc.) des bases européennes sur une même plateforme, pour que les armées connaissent les moyens et les stocks présents et ainsi leur faciliter les déplacements à travers le continent.
  • Des projets capacitaires sont également en cours dans la CSP et participeront directement à la mobilité militaire dans les décennies à venir. Le Future Mid-size Tactical Cargo (FMTC) coordonné par la France a pour objectif de définir la future capacité européenne de transport tactique en replacement des CASA et des C-130. Le second, Strategic Air Transport for OutsizedCargo (SATOC), coordonné par l’Allemagne, vise l’étude d’une solution européenne pour le transport stratégique hors-gabarit pour remplacer à terme les appareils vieillissants de l’entreprise ukrainienne Antonov utilisés par plusieurs Alliés. Les deux projets bénéficient du Fonds européen de défense (FEDef) pour leur étude amont.
  • De plus, l’AED appuie les États membres en matière capacitaire, mais également en matière d’harmonisation des procédures de passage de frontières, point-clé de la mobilité militaire. Par exemple, les États européens rencontrent encore des difficultés à délivrer rapidement les autorisations de transit terrestre d’une autre armée sur leur sol ou même de survol. D’autres blocages concernent les réglementations différentes concernant le transport de matières dangereuses. Des arrangements techniques ont été signés en ce sens par la plupart des États membres afin d’harmoniser toutes ces procédures, mais la mise en œuvre de ces arrangements n’est pas encore effective dans la plupart des États.
  • De manière globale, la Commission et les États coopèrent bien en la matière. Couvrant tant le champ intergouvernemental que communautaire, un plan d’action pour la mobilité militaire a couvert la période 2018-2022 et un second a été rédigé pour 2022-2026. Ces deux plans ont été accompagnés de pledges politiques, l’un en 2018 et l’autre en 2024. Ils énoncent tous la nécessité de progresser en la matière, et plus précisément dans les domaines suivants : les infrastructures de transport (dont de l’énergie, et y compris leur cybersécurité) et de stockage, les matériels et moyens de mobilité, les procédures de franchissement des frontières intérieures (dans les trois milieux) et la coordination et la mutualisation des moyens (notamment avec l’OTAN).

Les armées européennes font partie des forces les plus déployées dans le monde et ont acquis une expérience significative en matière de mobilité et de logistique, tant dans la phase de déploiement rapide que de soutien sur la durée. Elles font ainsi le constat de freins persistants pour leur mobilité, notamment sur le territoire européen.

Dans les premières phases d’un déploiement rapide, les moyens de transport aérien stratégique sont indispensables, mais sont lacunaires. Le contrat de la « Solution internationale pour le transport aérien stratégique » (SALIS) permet à certains pays de bénéficier de 5 appareils An-124 Antonov, basés à Leipzig, et vieillissants – d’autant plus qu’Antonov est une entreprise ukrainienne, sous forte pression. Ce type d’appareil est également particulièrement utile pour transporter de grandes quantités de matériel, ou encore des véhicules et même des hélicoptères, beaucoup plus rapidement que par voie terrestre ou maritime. Cependant, ces appareils ne sont pas utiles aux forces européennes en permanence, ce qui rend peu soutenables le développement, la production et l’acquisition d’une telle capacité seulement pour des besoins militaires et en faible quantité au niveau national.

Dans les phases suivantes, lorsqu’il faut apporter du soutien et l’approvisionnement des forces déployées sur le théâtre, un manque capacitaire en matière de transport de matériel est aussi à déplorer. Cela concerne principalement les trains et les navires de gros tonnage (rouliers). Les armées recourent aujourd’hui largement à l’externalisation, mais reposer sur des opérateurs privés peut s’avérer plus difficile en cas de conflit. En effet, les moyens civils seraient aussi la cible d’attaques, d’autant plus quand ils transportent des forces ou du matériel de guerre, et les entreprises pourraient légitimement limiter leurs activités à cette fin au vu des risques (freinant également l’implication des assurances et des banques ou du moins augmentant leurs prix). La concurrence des livraisons avec le secteur civil se ferait également sentir en temps de guerre, hors moyens légaux étatiques pour les contraindre (priorisation de la commande ou réquisition) – ce qui ne renforce pas l’attractivité des commandes militaires pour ces entreprises.

Mais assurer une meilleure mobilité militaire est également une question de crédibilité opérationnelle et donc, participerait à l’idée d’une dissuasion conventionnelle : les capacités européennes actuelles (sans parler des infrastructures de transport et de stockage, y compris énergétique) ne constituent pas un élément de crédibilité d’un engagement militaire sur le sol européen. Par ailleurs, l’un des principaux retours d’expérience du conflit en Ukraine rappelle aux Européens le caractère vital des capacités de logistique et d’approvisionnement[2]. Cela pourrait être la principale source de faiblesse des Européens en cas d’engagement majeur.

Le Livre blanc commun de la Commission européenne et du SEAE, publié le 19 mars 2025, place la mobilité militaire comme l’une des quatre missions pour lesquelles l’UE apporte sa valeur ajoutée en cas d’affrontement majeur en 2030. Le sujet est compris dans deux des sept priorités de financement capacitaire identifiées dans le document : dans sa dimension infrastructurelle d’abord, et dans la priorité « Facilitateurs stratégiques et protection des infrastructures critiques, » avec le transport stratégique, le ravitaillement aérien et les infrastructures pour l’énergie opérationnelle. Quelques éléments supplémentaires peuvent être énoncés ici :

  • Le livre blanc mentionne que la mobilité militaire participe à notre préparation, mais aussi à notre dissuasion.
  • C’est un axe d’effort qui sera également bénéfique au secteur civil (usage dual des infrastructures).
  • Quatre corridors prioritaires sont identifiés par la Commission, dans les trois milieux, ainsi que 500 hot-spotsà améliorer. En matière de transport de l’énergie, le livre blanc en appelle aux États membres et à l’OTAN pour compléter la cartographie des besoins.
  • De plus, les corridors seraient étendus à l’Ukraine, tant pour faciliter l’assistance militaire qu’en tant que garantie de sécurité durable.
  • La Commission devrait lister toutes les législations européennes ayant un impact sur la mobilité militaire (par exemple, sur le sujet de la prise de participation d’acteurs potentiellement malveillants dans des infrastructures critiques) et proposer des modifications.
  • La disponibilité de moyens spécialisés et à usage dual est aussi mentionnée.
  • Les projets infrastructurels bénéficieraient aussi d’une meilleure prévisibilité des financements européens.
  • Enfin, la mobilité militaire est ciblée dans l’instrument de prêt SAFE[3].

La Commission et le SEAE devraient enfin proposer une communication conjointe d’ici la fin de l’année sur la mobilité militaire pour proposer la mise en œuvre de nouvelles actions.

L’agence disposerait de moyens et matériels propres pour fournir des services ou bien les louer aux armées. Ces moyens et matériels seraient des véhicules terrestres plus ou moins lourds, des trains, des wagons et des containers pour le transport terrestre, des avions de transport de différentes tailles (notamment hors-gabarit) pour la voie aérienne, et des rouliers notamment pour la voie maritime.

Les moyens et services seraient à usage dual : le secteur commercial civil pourrait également demander de louer les moyens et bénéficier des services. Cet usage dual permettrait d’assurer la soutenabilité économique de l’agence. Les activités militaires seraient néanmoins prioritaires, en particulier en cas de crise. Par ailleurs, la gestion de crise civile pourrait également être un motif de priorisation et la protection civile un domaine dans lequel les moyens de l’agence pourraient être utilisés.

Son statut juridique serait un défi à relever :

  • Dans le cas d’une agence de l’UE (comme Frontex par exemple), celle-ci peut déjà disposer (acquérir et louer) de moyens propres. La difficulté juridique résiderait donc plutôt dans l’activité commerciale en parallèle des services rendus aux armées.
  • Une organisation internationale publique indépendante juridiquement de l’UE, bien que fortement liée, serait donc peut-être préférable. Cela faciliterait également l’utilisation de l’agence par des États non-membres qui s’associeraient au projet. Néanmoins, le format juridique pour permettre une telle activité serait innovant.
  • Une solution pourrait être le partenariat public-privé : les États et la Commission créeraient avec des entreprises privées une entité permettant la fourniture des services aux armées d’une part et l’activité commerciale d’autre part (modèle proche d’HeliDax en France par exemple, mais largement innovant à l’échelle européenne).
  • D’autres formes juridiques innovantes sont probablement à envisager, sans changer les traités de l’UE.

Sa gouvernance serait hybride, avec un comité exécutif composé de représentants des États membres participants, de la Commission, de l’EMUE et de l’AED, ainsi que des entreprises participantes.

Son budget serait composé de contributions nationales minimales au prorata du PIB afin d’atteindre le minimum viable pour le fonctionnement de l’agence (hors pays qui refuseraient de participer), et une contribution nationale supplémentaire serait laissée libre aux États pour bénéficier de davantage de services (davantage d’heures de vol, le service de carburant, mais aussi une priorité sur la location par exemple).

Le périmètre des actions réalisées par les armées avec les moyens de l’agence serait le territoire européen, mais aussi les mouvements nécessaires dans les opérations et missions de la PSDC depuis ou vers l’Europe.

L’agence disposerait également de son propre personnel capable d’opérer les moyens. Néanmoins, les armées pourraient aussi les utiliser avec leurs militaires.

Dans le cadre de missions militaires, et en fonction du type de mission, les armées devraient assurer la protection des moyens et matériels, en les remettant à l’agence dans l’état d’origine, et compensant financièrement l’agence sinon.

L’entretien et le maintien en condition opérationnelle seraient à la charge de l’agence. La fourniture de carburant pourrait également faire partie des services, y compris le ravitaillement en vol.

Les mouvements militaires avec des moyens de l’agence disposeraient d’une liberté de transit et de survol sur le territoire des États membres reconnaissant et participant au fonctionnement de l’agence.

L’agence nécessiterait un investissement de départ conséquent de la part des États membres, avec plusieurs années de montée en puissance. Il faudrait que les moyens aériens soient localisés sur des aéroports, les moyens terrestres le long d’axes logistiques majeurs, et les rouliers dans les principaux ports européens.

Par ailleurs, le matériel acquis par l’entité ne peut être considéré comme du matériel de guerre et soumis aux contrôles export nationaux. La question se pose surtout pour les aéronefs, en prenant l’exemple susmentionné : SATOC (ou A800M) doit absolument être un appareil utilisé dans le secteur commercial, et doit faire partie des moyens acquis par l’agence.

Il est grand temps que la mobilité militaire et la logistique soient érigées en priorité de la défense européenne. Le livre blanc est à la hauteur de cet enjeu. Mais il faut réussir à le mettre en œuvre.

La création d’une Agence européenne de mobilité stratégique pourrait répondre au besoin des armées en leur permettant une plus grande agilité et rapidité de mouvements, et en bénéficiant d’investissements communs dans des moyens mutualisés. De surcroit, elle faciliterait l’opérationnalisation de la Capacité de Déploiement rapide, ainsi que l’efficacité de toutes les missions et opérations de la PSDC. Elle montrerait surtout la force et la plus-value de l’échelon européen dans la défense sans remettre en cause les prérogatives nationales en la matière. Enfin, elle renforcerait la défense de l’Europe dans la nouvelle ère de contestation des intérêts européens dans laquelle nous venons d’entrer.

Le statut juridique d’une telle entité représente un défi. Néanmoins, si elle voit le jour, elle démontrera toute la pertinence et la nécessité d’une plus grande interpénétration entre monde militaire et monde civil d’une part, et entre le secteur public et privé d’autre part, afin de décupler notre puissance collective en Europe.


[1] Les États membres et alliés s’accordent très largement sur la coopération entre l’UE et l’OTAN dans le domaine, avec des États non-membres qui participent des projets UE (CSP) par exemple.

[2] Lire par exemple : Ti, Ronald, and Christopher Kinsey. 2023. “Lessons from the Russo-Ukrainian Conflict: The Primacy of Logistics over Strategy.Defence Studies 23 (3): 381–98. doi:10.1080/14702436.2023.2238613.

[3] « Security Action for Europe (SAFE) through the reinforcement of European defence industry Instrument » qui fait l’objet d’une proposition de règlement. 

La brigade franco-allemande et la relance de la défense européenne

La brigade franco-allemande et la relance de la défense européenne

par Jacob ROSS et Nicolas TÉTERCHEN – IFRI – Date de publication :

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Une chose est claire depuis le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche : le projet d’unification européenne est menacé dans son existence même. À moins d’élaborer une politique de défense souveraine pour parer à la guerre en Ukraine et à l’affaiblissement des garanties de sécurité américaines, l’Union européenne verra se poursuivre l’érosion de sa dynamique de cohésion interne et de son attractivité externe.

Jägerbataillon 291 lors du défilé du 14 juillet, place de la République à Strasbourg, 2013
Jägerbataillon 291 lors du défilé du 14 juillet, place de la République à Strasbourg, 2013. © Claude TRUONG-NGOC/Wikimedia Commons (sous licence Creative Commons Attribution – ShareAlike 3.0 Unported – CC BY-SA 3.0).
Wikimedia Commons

La France et l’Allemagne sont en mesure de prévenir ce scénario. Feront-elles preuve d’une volonté politique suffisante ? L’évolution de la brigade franco-allemande représentera un bon indicateur pour évaluer leurs véritables dispositions.

•    Le contexte de création de la brigade, à la fin de la guerre froide, présente des analogies avec la conjoncture actuelle et témoigne du fait que les Européens ont perdu plus de trente ans pour renforcer leur sécurité
•    Il est urgent que le gouvernement allemand engage un dialogue stratégique sur la sécurité de l’Europe – en premier lieu avec la France, puis avec d’autres partenaires européens
•    La victoire électorale de Donald Trump a relancé l’idée d’une « armée européenne ». Or celle-ci est, dans la situation actuelle, absolument irréaliste. La brigade franco-allemande témoignera de la possibilité d’une intégration à long terme de la défense européenne, et d’une européanisation de l’OTAN
•    La formation a vocation à démontrer la capacité d’impulsion franco-allemande en Europe de l’Est – intégrée dans les structures de l’OTAN et en étroite coordination avec les États partenaires sur le terrain

Jacob Ross est chercheur à l’Institut allemand de politique étrangère (Deutsche Gesellschaft fur Auswärtige Politik, DGAP), où il se concentre notamment sur la France et les relations franco-allemandes. Auparavant, il a travaillé en tant qu’assistant à l’Assemblée parlementaire de l’OTAN et à l’Assemblée nationale, ainsi que dans deux directions du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères à Paris.

Nicolas Téterchen est doctorant à l’Université de Cergy ; sa thèse porte sur les perceptions de la politique de défense en Allemagne de 1990 à 2022. Il est assistant de recherche au programme France et relations franco-allemandes à l’Institut allemand de politique étrangère (Deutsche Gesellschaft fur Auswärtige Politik, DGAP) à Berlin. Il était auparavant en poste à la Chambre franco-allemande de commerce et d’industrie (CFACI) à Paris.

 

Ce Briefing reprend en partie les éléments d’un colloque qui s’est tenu à Strasbourg en mai 2024 sous l’égide conjointe du Comité d’études des relations franco-allemandes (Cerfa) de l’Institut français des relations internationales (Ifri), et de la Deutsche Gesellschaft für Auswärtige Politik (DGAP).


Cette publication est disponible en allemand sur le site de la DGAP : « Deutsch-französische Führung für ein souveränes Europa. Die Deutsch-Französische Brigade kann zeigen, ob der politische Willen dafür reicht » (pdf).

Téléchargez l’analyse complète

Cette page ne contient qu’un résumé de notre travail. Si vous souhaitez avoir accès à toutes les informations de notre recherche sur le sujet, vous pouvez télécharger la version complète au format PDF.

La brigade franco-allemande et la relance de la défense européenne

La défense de l’Europe face à la Russie : cherchez la faille !

La défense de l’Europe face à la Russie : cherchez la faille !

Par Institut FMES, Pascal Orcier – Diploweb – publié le 18 avril 2025

https://www.diploweb.com/Carte-La-defense-de-l-Europe-face-a-la-Russie-cherchez-la-faille.html


L’institut Fondation méditerranéenne d’études stratégiques (FMES) est un centre de recherches qui décrypte les questions géopolitiques et stratégiques de la zone couvrant le bassin méditerranéen et le Moyen-Orient, de même que les recompositions entre acteurs globaux.
Pascal Orcier, professeur agrégé de géographie, docteur, cartographe, auteur et co-auteur de plusieurs ouvrages.

En décembre 2024, l’Institut FMES fait un exercice de réflexion pour identifier un point de faiblesse de la défense de l’Europe face à la Russie. Si la ligne de défense courant de la Baltique à la Pologne lui semble solide, celle couvrant le flanc sud-est de l’Europe paraît beaucoup plus fragile. Même si le mois de décembre 2024 semble aujourd’hui bien loin – parce que d’autres fragilités sont apparues dans la relation UE / États-Unis, voire dans l’OTAN – cet exercice de réflexion reste pertinent par l’identification d’une zone de faiblesse. D’autres sont apparues.

En décembre 2024, l’équipe de direction de l’Institut FMES faisait le commentaire suivant de cette carte.

A L’APPROCHE de la prise de fonction de Donald Trump le 20 janvier 2025, les Européens et l’administration Biden finissante tentent de s’opposer aux ingérences de la Russie en Europe orientale, tout en livrant des armes à l’Ukraine pour rassurer le président Zelensky et l’encourager à composer avec le Kremlin. Les Occidentaux cherchent en effet à s’assurer qu’il ait suffisamment de cartes en main pour négocier avec le Kremlin au moment où l’aviation russe accroît les frappes contre les infrastructures électriques ukrainiennes.

La défense de l'Europe face à la Russie : cherchez la faille !
La défense de l’Europe face à la Russie : cherchez la faille !
Conception FMES, réalisation Pascal Orcier 2024.

Le président russe, rasséréné par l’élection de Donald Trump qu’il sait favorable à un arrêt des hostilités en Ukraine, pousse ses pions en Baltique (face aux pays baltes, à la Finlande et à la Suède) et en Europe orientale, profitant de l’incertitude engendrée par l’arrivée aux affaires d’un président américain transactionnel et pacifiste, mais aussi de la posture favorable à la Russie des pouvoirs en place en Hongrie et en Slovaquie. Ces deux pays, à la charnière des flancs nord et sud-est de l’OTAN comme de l’Union européenne, sont cruciaux pour la cohérence du dispositif de défense de l’Europe, comme le souligne notre carte.

En Moldavie, les services secrets ont démontré l’implication des services russes pour influencer le résultat du référendum sur l’adhésion à terme de ce pays à l’Union européenne (validé avec seulement 51 % des suffrages). En Roumanie, après avoir prouvé une ingérence massive du Kremlin dans le processus électoral, la Cour constitutionnelle a annulé le premier tour de l’élection présidentielle qui menaçait d’être remportée par le candidat prorusse Câlin Georgescu. En Bulgarie, la Russie dispose également de relais d’influence bien établis. En Géorgie, la présidente Salomé Zourabichvili (dont le mandat expire fin décembre 2024) a dénoncé l’élection de l’ancien footballeur populiste pro-russe Mikheïl Kavelachvili par un parlement sous influence russe, comme nombre de Géorgiens qui manifestent quotidiennement dans la rue. Soutenue par des intellectuels et des hommes d’affaires pro-européens, elle a annoncé qu’elle refuserait de céder sa place, laissant présager une grave crise institutionnelle. Face à l’activisme russe dans le champ de l’influence dans l’est du continent et en attente d’une administration américaine qui ne la ménagera pas, l’Union européenne doit plus que jamais se préparer à prendre ses responsabilités pour assurer sa défense, seule si nécessaire. Si la ligne de défense courant de la Baltique à la Pologne semble solide, celle couvrant le flanc sud-est de l’Europe paraît beaucoup plus fragile. C’est sans doute là que le Kremlin fera porter ses efforts.

Manuscrit clos en décembre 2024

Copyright pour la carte et le texte : décembre 2024/FMES


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Titre du document :
La défense de l’Europe face à la Russie : cherchez la faille !
Conception FMES, réalisation Pascal Orcier 2024.Document ajouté le 17 avril 2025
Document JPEG ; 531851 ko
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L’Institut FMES a fait un exercice de réflexion pour identifier un point de faiblesse de la défense de l’Europe face à la Russie. Si la ligne de défense courant de la Baltique à la Pologne lui semble solide, celle couvrant le flanc sud-est de l’Europe paraît beaucoup plus fragile.

Économie : L’Europe face à la réalité de la prédation économique

par Bernard Carayon – AASSDN – publié le 17 avril 2025

https://aassdn.org/amicale/economie-leurope-face-a-la-realite-de-la-predation-economique/


Information AASSDN

L’Europe est aujourd’hui la proie d’États prédateurs en quête d’autonomie stratégique, de domination géopolitique et de suprématie économique. Cette prédation se manifeste notamment par la prise de contrôle d’infrastructures critiques ou de fleurons industriels ou technologiques. Depuis quand assiste-t-on à ce type de prédation en Europe ?

F.-X. Carayon  : La prédation économique est un phénomène ancien qui est intimement lié au mouvement de la mondialisation. Cela s’est accéléré en parallèle de l’augmentation des échanges économiques au cours des années 1980-1990. La particularité de la dernière vague d’investissements internationaux que j’analyse dans mon ouvrage est que ces investissements sont effectués par des acteurs publics. Il ne s’agit plus d’achats d’entreprises privées par des entreprises privées mais de rachats d’actifs ou d’entreprises européennes privées par des investisseurs publics étrangers, à savoir des fonds souverains et des entreprises publiques. Or, l’origine publique de ces investissements peut entrainer les conséquences politiques que vous avez mentionnées.

Vous expliquez que les entreprises publiques et les fonds souverains sont donc les deux principaux outils de cette prédation. Pourquoi et comment cela se traduit-il ?

Auparavant, les fonds souverains constituaient les outils classiques des pays bénéficiant d’une rente énergétique, notamment au Moyen-Orient. C’était un moyen de créer une épargne intergénérationnelle ou de lisser les fluctuations de revenus lors de l’évolution du cours des matières premières. En parallèle, les entreprises publiques ont longtemps joué leur rôle qui était simplement d’opérer des services publics. Puis, peu à peu, ces deux acteurs ont été perçus par les puissances émergentes du monde en développement — la Chine, la Corée du Sud, la Malaisie, Singapour, les pays du Moyen-Orient, etc. — comme des vecteurs au service des objectifs industriels et géostratégiques de leur pays. La proximité de ces deux acteurs avec le gouvernement favorisait un alignement naturel avec les intérêts publics. Le gouvernement avait donc le moyen de s’assurer que ces investissements étaient en capacité de satisfaire leurs intérêts.

Pour prendre un exemple, la Chine — que l’on peut considérer comme l’État prédateur par excellence — a déployé une stratégie d’investissement massif dans les semi-conducteurs dans les années 2010. En 2014, Pékin a créé un fonds souverain dédié juste après avoir établi une feuille de route. Puis la Chine s’est lancée dans le rachat d’entreprises de tailles significatives aux États-Unis en 2016 et 2017, jusqu’à ce que le dispositif américain du CFIUS (Comité pour l’investissement étranger aux États-Unis) commence à s’alerter. Ce fut le cas également en France lorsque l’entreprise d’État chinoise Tsinghua Unigroup a racheté en 2018 l’entreprise Linxens, fabricant de composants pour cartes à puces, pour 2,2 milliards d’euros (1). Cet exemple se situe à mi-chemin entre les prédations de nature géostratégique et celles plus économiques qui contribuent à la prospérité nationale.

Les prédations géostratégiques ciblent tout particulièrement les infrastructures critiques. On pensera notamment aux 14 ports européens qui sont passés sous contrôle chinois et qui ne constituent pas des investissements seulement financiers mais aussi stratégiques et opérationnels. On peut aussi mentionner le cas des réseaux électriques et gaziers européens qui sont passés en partie sous contrôle chinois (2), notamment en Italie, au Portugal, en Grèce et au Royaume-Uni. Outre le cas chinois, celui de Singapour est également intéressant car, dans le domaine maritime, la cité-État s’est emparée d’un certain nombre d’actifs à travers le monde, y compris en Europe, comme en Belgique, aux Pays-Bas ou en Italie.

Cette menace géostratégique peut aussi se développer lorsqu’un État prédateur a pris trop d’importance dans un secteur donné. Ainsi, par le jeu des investissements, il acquiert une capacité de menace, qui n’est pas un outil sans faille, mais qui contribue à peser dans les rapports stratégiques entre États.

Outre la Chine, quels sont les autres principaux États prédateurs vis-à-vis de l’Europe ?

On peut avoir tendance à regarder surtout du côté américain ou chinois et à isoler ce phénomène de capitalisme d’État conquérant. Mais le modèle chinois est en train d’essaimer à travers le monde, d’autres États le pratiquent également. On peut revenir sur le cas de Singapour, considéré comme l’un des États les plus libéraux au monde, qui réplique la stratégie de Pékin grâce à ses deux grands fonds souverains, GIC et Temasek (3), qui investissent de façon tout à fait traditionnelle en prenant des participations financières minoritaires dans un grand nombre d’entreprises mais qui, en parallèle, commencent à multiplier les investissements stratégiques dans les secteurs les plus importants pour Singapour, à savoir le maritime, la logistique et les nouvelles énergies. Ce modèle se diffuse également en Corée du Sud, un peu moins en Inde, et bien évidemment dans les pays du golfe Arabo-Persique.

Est-ce que des États européens sont plus ciblés que d’autres ?

C’est assez triste à dire, mais la France ne fait pas nécessairement partie des pays les plus ciblés en raison du fait que son industrie est déjà fortement affaiblie. L’Allemagne est donc au contraire une cible de choix pour nombre d’investisseurs étrangers qui convoitent sa puissance industrielle. Le rachat du constructeur de robots industriels Kuka par le chinois Midea en 2016 a sonné comme un réveil pour l’Allemagne (4). Mais cette dernière continue néanmoins à avoir du mal à protéger ses fleurons industriels avec la perte de nombreuses ETI (entreprises de taille intermédiaire) régionales. À la fin des années 2000 et début 2010, l’Allemagne a d’ailleurs perdu la plupart de ses technologies de pointe dans le secteur des énergies renouvelables qui ont été ravies par des concurrents essentiellement chinois.

Quels sont les secteurs les plus ciblés et quels en sont les risques ?

Ce sont bien évidemment les secteurs stratégiques qui sont les plus ciblés, sachant que la liste de ces secteurs ne fait que s’allonger : robotique, numérique, technologies de l’information, biotechnologies… Paradoxalement, depuis la Covid-19, alors que ces derniers devraient être mieux protégés, de nombreux investissements ont continué d’être réalisés dans le domaine des biotechnologies par des Chinois, des Sud-Coréens, des Taïwanais ou des Japonais. Malgré l’importance de ce secteur, les entreprises de biotechnologie européenne ont un accès difficile aux financements issus des fonds capitalistiques européens (5).

On peut constater que le phénomène ne s’enraie pas, même après un choc aussi important que celui de la pandémie qui nous a pourtant démontré que notre dépendance à l’égard de l’étranger constituait une réelle fragilité.

Un rapport intéressant de la Commission européenne avait été commandé (6), sous la pression des États membres. Il devait faire le point sur l’influence des investisseurs étrangers au sein des économies européennes. Ce rapport a été plus ou moins mis sous le tapis en raison du constat inquiétant qu’il dressait. Il montrait notamment qu’une partie importante des secteurs stratégiques était détenue par des investisseurs étrangers. Ce rapport montrait ainsi que les secteurs stratégiques étaient deux à trois fois plus ciblés que les secteurs classiques. Il dessinait une trajectoire inquiétante montrant qu’entre 2013 et 2017, le nombre d’entreprises passées sous actionnariat étranger, notamment dans les secteurs stratégiques, était en croissance extrêmement forte. La question était de savoir si cette tendance continuait ou si le renforcement de nos dispositifs de protection avait pu infléchir cette trajectoire. Mais il n’y a pas eu de suite à ce rapport qui constitue un aveu d’échec de la Commission européenne sur ce sujet.

Quelle est concrètement l’ampleur de la désindustrialisation ou l’état de l’influence sur les pouvoirs publics européens générées par cette prédation ?

Il est important de réaliser que les investissements étrangers ne sont pas la raison de notre désindustrialisation. Ils viennent d’abord profiter d’un affaiblissement structurel de notre industrie et de notre tissu économique au sens large. C’est parce qu’un grand nombre d’acteurs économiques sont en difficulté que ces investisseurs étrangers sont en capacité de les acquérir. Et c’est parce que notre écosystème financier n’est pas suffisamment développé et robuste qu’il ne peut pas non plus venir en contrepoids pour proposer des alternatives d’investissement.

En France, le cadre fiscal et administratif a généré un désavantage compétitif certain. Mais avec un peu de recul, on réalise que dans le reste de l’Europe occidentale la désindustrialisation va moins vite mais progresse néanmoins. Il y a donc un problème structurel européen qui a trait à notre capacité d’innovation, notre capacité d’éducation et de formation et qui ne semble plus suffisant (7) pour préparer l’avenir et lutter à armes égales face à des nations comme l’Inde (8).

Est-ce que l’Europe a pris conscience de ce danger ?

L’Union européenne (UE) en a pris conscience en partie et s’est dotée d’un dispositif de filtrage (9), qui n’en est pas vraiment un, mais plutôt un outil de coopération entre les États membres et qui permet de partager l’information. Pour l’essentiel, il n’est pas en capacité de bloquer des investissements étrangers en Europe. À ce stade, il s’agit plutôt d’un dispositif cosmétique que d’un outil véritablement efficace.

Du côté des États européens, ces derniers commencent à réagir et les dispositifs de filtrage se musclent dans chaque pays. Il y a cinq ans, seul un quart des pays européens avait un tel dispositif, alors qu’aujourd’hui cela concerne les deux tiers des États membres. Malheureusement, les moyens mis en œuvre ne sont pas à la hauteur. À titre de comparaison, le budget du CFIUS américain est environ trente fois supérieur à son équivalent français. Si l’on compare le nombre de dossiers filtrés par les pouvoirs publics allemands, italiens ou espagnols, ils sont environ cinq à sept fois inférieurs au nombre de dossiers traités par les Canadiens ou les Australiens.

Alors que les problèmes de souveraineté ne se vivent pas de la même façon d’un État à l’autre et qu’il faut bien accepter que nous sommes dans un contexte de guerre économique permanente, y compris au sein même de l’Europe, que peut faire l’UE ou chacun des États membres pour se prémunir face à cette prédation économique ?

Instinctivement, on aimerait que les dispositifs de filtrage se concentrent sur les pays qui nous apparaissent les plus menaçants, comme la Chine ou les États-Unis. Mais effectivement, un certain nombre de menaces émanent de nos voisins les plus proches, comme l’Allemagne. Il s’agit donc de faire un véritable choix politique. Est-ce qu’il faut pousser le fédéralisme à un niveau plus avancé pour permettre de transférer la capacité de filtrage au niveau communautaire ? Mais si nous considérons que les intérêts continuent d’être divergents, ce qui est le cas en pratique, il faut peut-être en tirer des leçons pragmatiques et savoir se protéger de la même manière contre les investissements allemands ou chinois. Sur cette question, il faut avant tout faire preuve de pragmatisme et se dire que tant que nos partenaires se positionneront en concurrents agressifs — comme a notamment pu se comporter l’Allemagne à l’égard de la France ces dernières années dans le nucléaire (10) —, alors il va falloir les traiter à la fois comme des partenaires et des menaces.

Bernard CARAYON
Propos recueillis par Thomas DELAGE

le 8 octobre 2024
dans le cadre des Rencontres stratégiques de la Méditerranée


(1) Frédéric Schaeffer, Raphaël Balenieri, « Semi-conducteurs : un groupe chinois rachète Linxens », Les Échos, 26 juillet 2018 (https://​rebrand​.ly/​j​d​u​q​mpk).

(2) Clémence Pèlegrin, Hugo Marciot, « La Chine aux portes du réseau électrique européen », Groupe d’études géopolitiques, septembre 2021 (https://​rebrand​.ly/​o​0​o​p​t6r).

(3) Nessim Aït-Kacimi, « Proche des 300 milliards d’euros, le fonds singapourien Temasek renoue avec la croissance », Les Echos, 10 juillet 2024 (https://​rebrand​.ly/​n​0​h​u​n5o).

(4) Alexandre Souchet, « Guerre de l’information autour de la prise de contrôle de l’entreprise allemande Kuka Robotique », École de guerre économique, 24 février 2020 (https://​rebrand​.ly/​a​l​r​5​gzi).

(5) Coface, « Biotechnologies : une Europe à la peine face au duel sino-américain », 27 mai 2024 (https://​rebrand​.ly/​e​2​r​e​m8m).

(6) Commission européenne, « Rapport sur les investissements directs étrangers : augmentation continue de la propriété étrangère d’entreprises européennes dans des secteurs clés », 13 mars 2019 (https://​rebrand​.ly/​2​y​f​r​283).

(7) En 2024, la Conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieurs (CDEFI) affiche 46 500 nouveaux diplômés en 2022-2023, alors que les entreprises en réclament 20 000 de plus : Jeanne Bigot, « Le nombre d’ingénieurs diplômés en France reste insuffisant face aux besoins des entreprises », L’Usine Nouvelle, 17 juin 2024 (https://​rebrand​.ly/​5​3​u​9​bkn).

(8) Geetha Ganapathy-Doré, « L’Inde, une puissance scientifique et technologique depuis plus longtemps qu’on le croit », Université Sorbonne Paris Nord, article republié à partir de The Conversation, 5 juin 2024 (https://​rebrand​.ly/​l​l​a​q​9cm).

(9) Marie Guitton, « Filtrage des investissements étrangers : à quoi sert le “système d’alerte” de l’UE ? », Toute l’Europe, 11 février 2022 (https://​rebrand​.ly/​s​u​b​1​vrn).

(10) École de guerre économique, « Ingérence des fondations politiques allemandes & sabotage de la filière nucléaire française », rapport d’alerte, juin 2023 (https://​rebrand​.ly/​o​y​u​7​e3n).

La France éblouit le reste de l’Europe avec le programme le plus ambitieux du continent pour la modernisation de son armée de Terre

La France éblouit le reste de l’Europe avec le programme le plus ambitieux du continent pour la modernisation de son armée de Terre

La France éblouit le reste de l'Europe avec le programme le plus ambitieux du continent pour la modernisation de son armée de Terre
La France éblouit le reste de l’Europe avec le programme le plus ambitieux du continent pour la modernisation de son armée de Terre

Le programme de transformation de l’armée de Terre française SCORPION fête ses 10 ans.

Dix ans se sont écoulés depuis le lancement du programme SCORPION, un projet qui a radicalement transformé les capacités terrestres de l’armée française. Un événement de deux jours début avril a servi de vitrine pour prouver l’efficacité et à la pertinence des systèmes qui composent ce programme. De nombreuses délégations étrangères y étaient présentes, témoignant de l’intérêt international pour ces innovations françaises.

Le programme SCORPION fête ses 10 ans à réinventer l’armée de Terre française

Le programme Scorpion, lancé en 2014, vise à moderniser les capacités de combat de l’armée de Terre française. Son budget est inclus dans la Loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025, qui prévoit des investissements significatifs pour les équipements militaires. Pour la période 2024-2030, le budget total des armées françaises est de 413,3 milliards d’euros, avec une augmentation progressive chaque année, atteignant 68,9 milliards d’euros en 2030. Le programme Scorpion inclut la livraison de 1 872 véhicules blindés Griffon, 300 Jaguar et 103 Serval d’ici 2033. En 2024, des crédits supplémentaires sont alloués pour soutenir les programmes à effet majeur, dont Scorpion.

KNDS suit la cadence

Depuis la mise en service des premiers véhicules en 2019, le site de montage final de KNDS France, situé à Roanne, a vu sa capacité de production tripler, passant de 92 à 300 véhicules par an. Cet accroissement fulgurant vise un objectif encore plus ambitieux : atteindre une production de 450 unités par an pour l’ensemble des modèles du programme. Cette montée en puissance témoigne de l’engagement de la France dans la modernisation de ses forces terrestres.

De 3 à 6 versions du véhicule GRIFFON

Initialement prévues en trois versions, les configurations du véhicule GRIFFON s’élargissent aujourd’hui à six, incluant notamment le GRIFFON MEPAC, doté d’un mortier embarqué pour l’appui rapproché, livré fin 2024. Ces véhicules ne se contentent pas de combler les lacunes des versions précédentes mais introduisent des améliorations substantielles en termes de puissance de feu et de capacités médicales, doublant la capacité d’évacuation des blessés graves.

Une modernisation des capacités de communication

Le programme SCORPION marque une évolution majeure dans les capacités de communication du champ de bataille avec l’intégration de stations compatibles avec le système satellite Syracuse IV. Cette modernisation est le fruit d’un consortium temporaire d’entreprises, soulignant l’importance de la coopération industrielle dans le succès de SCORPION.

En outre, les véhicules SCORPION sont conçus pour intégrer le Système d’Information du Combat SCORPION (SICS), permettant une numérisation en temps réel du champ de bataille et un combat collaboratif. Cette intégration fait de la 6e Brigade Légère Blindée la première brigade interarmes complètement « SCORPIONisée ».

Avancées technologiques et opérationnelles

Les retours d’expérience des déploiements des véhicules GRIFFON dans le Sahel et en Europe de l’Est ont permis des améliorations significatives sous l’Increment 2 du programme. Ces modifications visent à augmenter la robustesse des véhicules et à optimiser leur discrétion et ergonomie, avec des tests de qualification prévus cette année et une intégration des améliorations dès 2026.

Une vitrine internationale de l’excellence française

L’exercice BIA23 a mis en lumière le rôle crucial du consortium GME EBMR dans l’actualisation des capacités de ciblage d’artillerie et de communication par satellite, renforçant la position de la France en tant que leader en matière de technologie de défense terrestre. Les Jours du SCORPION ne sont pas seulement une démonstration de force, mais aussi une plateforme d’échange doctrinal et logistique essentielle pour façonner l’avenir de la guerre terrestre.

Les programmes militaires similaires en Europe

En Europe, plusieurs programmes équivalents au programme SCORPION de l’armée de terre française sont en cours de développement. Par exemple, l’Allemagne travaille sur le programme Puma, qui vise à moderniser ses véhicules de combat d’infanterie. L’Italie a également le programme Freccia, destiné à améliorer ses capacités de combat blindé. En outre, l’Union européenne encourage la coopération entre États membres pour développer des capacités militaires communes via le Fonds européen de défense (EDF). Ces initiatives visent à renforcer l’interopérabilité et la modernisation des forces terrestres européennes.

Programme Pays Objectif Principal Coût Estimé (milliards €) Nombre de Véhicules
Puma Allemagne Modernisation des véhicules de combat d’infanterie 12,5 405
Freccia Italie Amélioration des capacités de combat blindé 1,8 250
Ajax Royaume-Uni Développement de véhicules de reconnaissance et de combat 3,5 589
CV90 Suède Modernisation des véhicules de combat d’infanterie 1,2 500

Source : KNDS

Image : Griffon (source : Etat major des armées)

Le programme européen Military Mobility

Le programme européen Military Mobility

https://www.asafrance.fr/le-programme-europeen-military-mobility/


convoi européen

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Une colonne de chars Abrams américains a traversé le territoire national à l’automne dernier à titre d’expérimentation. Cette relève s’inscrit en tant que test dans le programme M M.

 

La montée en puissance d’une défense européenne soulève la question du déplacement rapide des troupes européennes et/ou alliées. Dans ce cadre, la Commission européenne par la voix du service d’action extérieure, a initié un inventaire des capacités de mobilité en Europe. Le programme se poursuit sous le pilotage de l’Agence européenne de défense (AED). 

 

I- Le projet « Military Mobility »

Les États membres de l’Union européenne (UE) ont décidé le projet « Military Mobility » adopté en 2018 conjointement par la Commission européenne et le Haut Représentant. Il vise à assurer la fluidité des mouvements des armées et des équipements de défense en Europe et à réduire les délais de déplacement en facilitant le mouvement des troupes et des équipements de défense entre les pays.

Le financement de l’UE permet de moderniser des infrastructures, telles que des ports, des routes et des chemins de fer à travers l’Europe, afin de répondre à des normes militaires spécifiques, d’identifier des itinéraires pour le déplacement des armées et de réduire certaines formalités administratives.

A terme le projet permettra aux armées de déplacer des chars, de savoir quelles autoroutes sont sûres pour l’atterrissage des avions de chasse et de connaître la limite de poids d’un pont.

II- Extension du projet

La nécessité d’une mobilité efficace des forces armées sur le continent européen n’a cessé de croître depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, en février 2022.

 En novembre de cette année-là, l’UE a inclus dans ce projet des routes et d’autres infrastructures de transport vers l’Ukraine, la Moldavie et les Balkans occidentaux, en prévision d’éventuels conflits sur le continent.

La Suisse a décidé d’adhérer au projet financé par l’UE, auquel participent des pays non membres de l’UE comme le Royaume-Uni, les États-Unis, le Canada et la Norvège.

La Suisse était intéressée  par ce projet  depuis longtemps, mais Berne doit encore obtenir l’approbation des États de l’UE — attendue jeudi 9 janvier — et des autres membres du projet pour rejoindre officiellement le club, selon l’ordre du jour de la réunion.

Les États membres sont maintenant sur le point d’approuver l’adhésion de la Suisse au projet « Military Mobility »,

Avec l’adhésion de la Suisse, les Européens entendent combler le trou noir qui persistait au centre du continent, que les armées des différents pays de l’Union auraient été obligé de contourner en cas de conflit, ou de franchir au cas par cas.

« La participation de la Suisse au projet Military Mobility vise principalement à améliorer les processus administratifs grâce à une standardisation accrue », a annoncé le ministère suisse de la Défense.

III- Limites

Malgré son adhésion prochaine au projet, la Suisse reste neutre militairement. « Une participation financière [au projet] n’est pas prévue pour l’instant », a également indiqué le porte-parole du ministère suisse à Euractiv.

La Turquie a été également candidate mais a été exclue du projet en raison de son conflit avec Chypre.

IV le projet « Cyber Ranges Federation ».

La Suisse souhaite également rejoindre le projet « Cyber Ranges Federation ». Piloté par l’Estonie depuis 2021, il vise à réunir les cyber-champs de tir nationaux afin d’améliorer les exercices de cyberdéfense, le partage des connaissances, l’analyse des risques, l’éducation et la formation, ainsi que les tests d’équipement.

 

GCA (2S) Robert MEILLE
Vice-président de l’ASAF
08/04/2025