L’Occident danse sur un volcan… et monte le son

L’Occident danse sur un volcan… et monte le son

par Caroline Galactéros, Présidente de Géopragma – publié le é mai 2023

https://geopragma.fr/loccident-danse-sur-un-volcan-et-monte-le-son/


La France va mal : l’inflation dérape, les taux de crédit s’envolent, l’immobilier est à l’arrêt, et, comme pour nous mettre le nez dans notre incurie, notre note financière vient d’être de nouveau dégradée à AA- par une grande agence américaine. Ce déclassement n’est pas anecdotique. Il traduit la réalité de la dégradation de nos comptes publics, accroit encore notre dépendance aux États-Unis et la menace d’un défaut sur notre dette abyssale, et creuse notre déficit de crédibilité donc d’utilité internationale. Ce coup de semonce ne peut en effet que paralyser plus encore notre capacité résiduelle à faire bouger les lignes en portant un discours de raison et d’intelligence face au désastre de l’attitude occidentale dans le conflit en Ukraine…On me dira que c’est un faux problème car il faudrait encore en avoir le courage.

Aux Etats-Unis, la folie de l’auto-enfermement des néoconservateurs américains dans une escalade militaire permanente face à Moscou précipite la destruction totale de l’État et du territoire ukrainiens et fait grandir le risque d’un dérapage, menaçant concrètement toute l’Europe. Pourtant, la haine ouverte de la Russie, le rêve éveillé succès que constituerait son anéantissement et son démembrement s’expriment ouvertement. Les médias occidentaux, confits dans l’ignorance et l’arrogance, devenus les pathétiques chambres d’écho d’une propagande délirante, n’ont plus aucune crédibilité. On est revenu aux pires heures du Maccarthysme ou pire, du fascisme de la pensée, de la calomnie et de la délation. Ce bouquet d’indignité empeste mais il nous est en permanence jeté à la figure, certes de façon de plus en plus ridicule et désespérée. Car le rideau et les masques sont en train de tomber face au réel récalcitrant. Pourtant, la rage et désormais la panique américaines cherchent encore à perpétuer le fantasme d’une « victoire » à venir, dont on ne s’est évidemment jamais donné la peine de définir les contours. Que peut bien vouloir dire « gagner » la guerre en Ukraine ? No Clue. Aucune vision en ce domaine. Quant à gagner la paix, on n’en veut pas. Quelle horreur ! Comment faire la paix avec Vladimir Poutine ?!!! cela parait impossible à des hémiplégiques volontaires englués dans leur rhétorique de bac à sable qui ne pensent qu’à humilier un « ennemi systémique » et en sont à faire des danses de la pluie (ou plutôt contre la pluie et la boue qui font s’embourber leurs chars de la dernière chance) pour conjurer l’inévitable. C’est donc la fuite en avant dans la haine inexpiable du Russe…jusqu’au dernier ukrainien. Le vertige est si grand face au gouffre que l’on ne sait plus qu’appuyer sur l’accélérateur de la déroute militaire et stratégique et sombrer dans une démence haineuse et sans issue. Cette haine se diffuse et infuse partout en Europe, surtout chez nos « élites » vassalisées et / ou stipendiées, elles aussi emportées dans ce piège tragique qu’elles font mine d’ignorer. Pourtant, le fiasco militaire est sans équivoque depuis déjà des mois. Même les « Mainstream media » commencent, sur ordre ou via d’opportunes fuites, à laisser filtrer l’implacable vérité : sur la réalité militaire du terrain, sur les désertions en chaine des malheureux jeunes ukrainiens ramassés dans les rues et jetés de force dans « le hachoir à viande russe », sur les pertes véritables, sur l’incapacité structurelle des forces de l’OTAN à fournir l’Ukraine en quantité en rythme et en qualité pour pouvoir prétendre tenir le choc et moins encore, pour renverser le rapport de force face à la Russie. Certes, au Pentagone comme dans les États-majors européens, on sait bien depuis des mois déjà que la messe est dite et le pari perdu. Il n’y a plus que les Polonais et les Baltes pour pousser à la roue. Mais l’on ne veut pas se réveiller, et l’on continue à inonder l’Ukraine d’armes (en grande partie détournées) et de monceaux d’argent pour assurer la « grande contre-offensive » – d’été …ou d’automne – aux allures de baroud d’honneur, dont l’échec anticipé servira à démontrer que « le camp du Bien » a fait tout ce qu’il a pu, mais que l’Ukraine n’a pas su vaincre la Russie (comme si elle le pouvait !) et qu’il faut « pour sauver l’Ukraine et son peuple » (amplement sacrifié pendant 2 ans) enfin se résoudre à négocier avec Moscou. Sans doute pas avec un président Zelenski carbonisé par son jusqu’au-boutisme et de plus en plus menacé par son entourage d’ultra-droite aux relents ouvertement fascistes. Notre déréliction morale est totale mais là encore, on le nie. Nous soutenons à bout de bras depuis 2014, avec un cynisme décomplexé une clique aux antipodes des valeurs dont nous nous gargarisons pour fomenter et mener cette « proxy war » de trop.

Malheureusement, ce sont encore les « Neocons » de la Maison Blanche, de la CIA du NSC et du Département d’État qui font la loi à Washington. Et ils n’admettent pas que La Russie a gagné et ne s’effondrera ni militairement ni économiquement. Tout au contraire. Ses armes hypersoniques sont pour l’heure sans égales, elle a su anticiper et déjouer le piège des sanctions, son économie a tenu, son peuple soutient toujours assez massivement la réponse militaire à la menace militaire de l’OTAN à ses frontières. Surtout, elle fait désormais cause commune avec la Chine. Certes c’est une alliance en apparence du moins déséquilibrée. Mais une alliance vitale, ne nous en déplaise. Une convergence tactique et stratégique d’intérêts. Le Président Xi se frotte les mains, s’érige en pôle de stabilité financière et politique de substitution et se propose même comme faiseur de paix (rapprochement Iran-Arabie saoudite, plan en 12 points, etc…). Il rassemble ses nouvelles ouailles, troupeau disparate d’égarés en mal de protection qui n’en peuvent plus du Maitre américain et de ses pratiques de cowboy. Un rassemblement massif. Pas moins de 19 pays se pressent désormais à la porte des BRICS+, véritable « contre G7 ». Un processus d’intégration gigantesque s’ébauche à partir de ce noyau accueillant et à géométrie variable, autour de la Communauté des États indépendants (CSI), de l’Union économique eurasiatique (EAEU), de l’Organisation de Coopération de Shanghai (OCS), de l’OPEP+ et par extension, du Conseil de coopération du Golfe (GCC). Tout cela au profit de la BRI (Belt and Road initiative) chinoise, de la fortification impérative de son Corridor économique d’Asie du centre et de l’Ouest, mais aussi du Corridor international de transport Nord-Sud (INSTC) qui reliera la Russie et l’Iran à l’Inde. Les instruments financiers de cette intégration gigantesque que sont la BAII (banque asiatique pour les investissements et infrastructures) et la Shanghai Petroleum and Natural Gas Exchange sont déjà très actifs…

C’est tragique mais clair et net : Nous sommes nos propres fossoyeurs. Ce sont notre anti-russisme pathologique et notre bellicisme en Ukraine pour provoquer Moscou en espérant l’embourber et la séparer de l’Europe à jamais qui ont accéléré la grande Bascule du monde, l’émergence d’une structure multilatérale englobante et rassurante capable de mettre à bas l’hégémonie du dollar, et qui menacent l’Europe d’une crise économique financière plus grave encore que celle de 2008.

En France, naturellement, on fait comme si de rien n’était. On « s’étonne » de la dégradation de notre note financière, alors que tous les voyants sont au rouge de part et d’autre de l’Atlantique depuis déjà des mois, et que les premières secousses bancaires aux Etats-Unis comme en Allemagne et en Suisse ont été précipitamment étouffées. Peut-on éviter une crise majeure et systémique en la traitant par le mépris ? Cela parait douteux. Quoi qu’il en soit, la présidentielle de 2024 à Washington se profile mal pour le camp démocrate. Donald Trump pourrait bien de nouveau l’emporter en dépit du mur d’affaires et d’accusations dressé contre lui. Il a le cuir épais. Et puis, le fameux verdict de James Carville, conseiller de Bill Clinton, en 1992 s’impose de nouveau : « It’s the economy, stupid ! » Les Américains ne se préoccupent pas tant de l’Ukraine agressée « de manière non provoquée » ou de la victoire de la démocratie dans le monde que de leur porte-monnaie et de la fragilisation croissante de leur dollar dont la domination s’érode à vue d’œil. Dans sa curée anti-russe, Washington a en effet commis une faute cardinale en gelant de façon totalement arbitraire une fois encore, les 300 milliards de dollars d’avoirs russes au printemps 2022. Funeste décision. Bien des États ont ce jour-là compris que ce pouvait être demain leur tour. Cette démonstration de puissance a été la goutte de trop dans le vase déjà plein de rancœurs et de fureur devant les méthodes léonines de Washington en matière de sanctions et d’extraterritorialité juridique des « règles américaines ». Bien au-delà de la Russie de l’Iran ou de la malheureuse Syrie dont le calvaire n’en finit pas. Or, personne ne supporte plus ce « Rules based World Order ». Chacun a compris que seule l’Amérique édictait ces fameuses « règles » et les modifiait au gré de ses seuls intérêts. Les principes contenus dans l’imparfaite Charte des Nations unies sont bien plus protecteurs. Le dollar n’est plus ce qu’il fut longtemps, un gage de stabilité. Il incarne désormais l’incertitude, et la pure domination. Or les échanges internationaux ne peuvent se passer de sécurité et de stabilité. Le gel des avoirs russes a donné le signal d’une défiance en chaine de multiples pays qui ont compris qu’il leur fallait désormais se protéger des oukases washingtoniens et donc regarder du côté du nouveau pôle sino-russe. Pas pour s’aligner, pour doser et équilibrer leurs dépendances selon les sujets ou les secteurs. C’est l’ère du « poly-alignement » – c’est-à-dire la fin de l’alignement façon Guerre froide et le retour en grâce du non-alignement – dont la France devrait savoir se faire le chef de file. Les chiffres sont sans appel : la part du dollar dans les réserves globales est passée de 73% en 2001 à 55% en 2021 et…. 47% en 2022. L’accélération depuis 20 ans est considérable. Sans une correction urgente, qui suppose un changement de pied drastique des États-Unis dans leur comportement vis-à-vis du reste du monde, la chute devrait se poursuivre. 70% du commerce entre la Russie et la Chine se fait désormais en Yuan ou en roubles. La Russie et l’Inde commercent en roupies, le CIPS (système interbancaire chinois qui se pose en alternative au SWIFT) fonctionne à plein régime. Total et son homologue Chinois CNOOC viennent de signer un accord gazier…. en Yuan ! Pas par amour de la Chine. Parce que c’est une question de survie pour l’entreprise, que le pragmatisme convient aux affaires mieux que le dogmatisme, et que l’idéologie est en train de mettre à bas l’économie occidentale. Le monde est multipolaire et l’on ne peut plus faire semblant de l’ignorer. Le FMI reconnait que les cinq BRICS contribuent à eux seuls pour 32,1% de la croissance mondiale contre 29,9% pour les pays du G7. Et il y a encore 19 candidats…La coopération étroite entre Moscou et Ryad est aussi de mauvais augure pour l’Amérique. Elle permet à la Russie d’équilibrer sa coopération stratégique avec l’Iran, et renforce la main de Vladimir Poutine et celle de MBS dans leur fronde face à Washington en matière de prix du pétrole. Les BRICS ont de leurs cotés toutes les « commodities » et ressources naturelles du monde et défient désormais ouvertement la seule domination qui restait aux pays du G7, celle de la finance.

Derrière tous ces faits, il y a un « sous-texte », une réalité que nous devrions saisir avant que le boomerang ne frappe trop massivement nos économies européennes et que la Chine, au-delà de son effort pour échapper, grâce à la BRI, à la domination américaine des mers et des routes maritimes de transport vers l’Europe, n’en vienne à nourrir un rêve de puissance plus offensif. Cette réalité, c’est que la révolution actuelle dans la géopolitique mondiale correspond à un rééquilibrage nécessaire des rapports entre les États. Il y aura des heurts, des crises, des conflits dans les prochaines années, mais nous sommes en phase de restabilisation après le déclin de l’hégémon américain devenu insoutenable et qui ne correspondait plus à la réalité du champ de forces géopolitiques et géoéconomiques. Notre planète a besoin d’apaisement, de stabilité, de respect, de rétablissement d’une forme d’égalité formelle et en tout cas d’équité réelle entre ses membres, petits ou grands. On me dira que je suis angélique. Je pense que c’est la motivation première de pays et régions entières du globe qui veulent se développer et refusent ce jeu à somme nulle que l’Amérique a cru pouvoir imposer ad vitam aeternam. C’est valable pour les puissances du Moyen-Orient (Iran, Syrie, Libye) qui doivent sortir du marasme, pour l’Afrique – qui voit dans cette ouverture du jeu de vastes opportunités-, pour l’Amérique latine -qui est en train de reléguer aux oubliettes la doctrine Monroe. C’est enfin valable pour l’Asie elle-même, qui donne certains signes de crainte et de circonspection devant la nouvelle cible chinoise du bellicisme américain provoquée à grand renfort de déclarations martiales (Taiwan). Seule l’UE parait vivre dans une bulle. Qui ne la protège plus. Elle semble ne pas voir que tout a changé, qu’elle est située sur le continent eurasiatique qui est une terre d’opportunités vers laquelle il lui faut se projeter avec vigilance mais sans crainte. Son avenir n’est pas dans une coupure radicale avec la Russie ou un alignement sur Pékin. Il n’est pas d’avantage dans une vassalisation consentie envers Washington, qui après l’Ukraine, ambitionne déjà de jeter l’Otan (qui n’a vraiment plus rien d’une alliance régionale défensive) vers les eaux de la mer de Chine. A quoi bon ? Pour nourrir le complexe militaro-industriel américain ? Pour poursuivre la déstabilisation et la fragmentation du monde ? En quoi ces objectifs servent-ils nos intérêts nationaux, économiques et sécuritaires ? L’Europe doit comme je le dis depuis des années, sortir enfin de son enfance stratégique et apprendre à marcher la tête haute. Sans béquille ni laisse.

Les néoconservateurs américains ont mis non seulement l’Amérique mais l’Europe en grand danger. Il est plus que temps de mettre fin à cette folie et de hâter la conclusion d’un cessez-le-feu en Ukraine et d’une refondation durable de la sécurité en Europe. Le peuple ukrainien, la sécurité de l’Europe toute entière, l’économie occidentale et nos peuples le méritent. C’est de l’intérêt de tout le monde. Qu’attendons-nous ?

Evolution du rapport de force entre les puissances économiques sur le marché mondial du Lithium.

Evolution du rapport de force entre les puissances économiques sur le marché mondial du Lithium.

par Isac Babatoundé Fachina – Ecole de guerre économique – publié le 20 avril 2023

https://www.ege.fr/infoguerre/evolution-du-rapport-de-force-entre-les-puissances-economiques-sur-le-marche-mondial-du-lithium


Le monde est à un tournant et dans une course de fond vers une économie plus verte, juste et responsable pour sauver la planète et l’avenir des générations futures. En effet, face au réchauffement effréné de la planète, les dirigeants mondiaux à travers la COP21 de décembre 2015 en France ont conclu l’Accord de Paris sur le climat. Cet accord vise entre autres à réduire considérablement les émissions mondiales de gaz à effet de serre dans le but de limiter à 2 °C le réchauffement planétaire au cours du siècle présent, tout en poursuivant l’action menée pour le limiter encore davantage à 1,5 °C, d’où la nécessité de se tourner vers les énergies plus vertes à bas niveau de carbone.

Une ressource majeure

Cet accord a ainsi donné un grand coup d’accélérateur au développement des énergies renouvelables avec un cap vers la transition énergétique dans tous les secteurs dont le transport notamment les véhicules électriques.

C’est un ainsi que le Lithium se positionne aujourd’hui en un minerai extrêmement stratégique car il s’agit d’un métal utilisé pour les batteries du fait de sa grande énergie massique, sa durabilité dans le temps et sa faible autodécharge.

Le lithium devient ainsi un actif stratégique de guerre économique entre puissances avec la nécessité de la maitrise de la chaîne d’approvisionnement par l’extraction du minerai, la transformation et la production des batteries pour les constructeurs automobiles.

Le présent article[i] vise à examiner l’évolution des rapports de force entre les puissances notamment en Asie, en Amérique et en Europe sur ce marché de lithium qui devrait satisfaire les besoins du marché automobile.

Il sera ainsi abordé les réserves mondiales du lithium, les chaînes d’approvisionnement, le marché mondial du lithium et des batteries électriques avec le pays en tête de pont, les bouleversements géostratégiques avec la découverte de nouvelles réserves de lithium notamment au Maroc au niveau du mont Tropic, les affrontements économiques entre les puissances notamment la Chine, les Etats-Unis, l’Europe avec identification de la place de la France dans cette guerre économique pour le stockage de l’électricité.

Un besoin croissant

Selon le rapport du 09 avril 2019 de la Commission européenne sur la mise en œuvre du plan d’action stratégique sur les batteries, la production de cobalt, du graphite et du lithium sera en 2050 cinq fois plus importante que celle de 2018 pour répondre aux besoins en batteries électriques. La demande de lithium va exploser avec l’essor de la voiture électrique. Pour l’Agence internationale de l’énergie, les besoins vont être multipliés par 42 pour assurer la transition vers la neutralité carbone. En outre, la forte progression des ventes de voitures électriques (près de 4M d’unités en Chine, en 2022) a réveillé avec acuité le marché du lithium ces derniers mois avec un envolé vertigineux du prix moyen du carbonate de lithium dans le monde entre 2010 et 2021 comme l’indique le site Statista du 22 avril 2022.

Cette tension de plus en plus forte entre l’offre et la demande sur le marché mondial du lithium est la conséquence directe des enjeux géostratégiques et politiques menés par les puissances (en Asie, Europe et Amérique) pour le contrôle des énergies bas carbone dans le cadre de la transition énergétique.

En effet, la Chine dans son plan décennal « Made in China 2025 », ambitionne de devenir à l’horizon 2049 (année du centenaire de la fondation de la République populaire de Chine), la première puissance mondiale dans l’ensemble des technologies de demain (batteries, véhicules électriques, intelligence artificielle, etc.).

Quant à l’Europe, les batteries seront l’un des grands vecteurs de la transition énergétique, compte tenu du rôle important qu’elles jouent dans la stabilisation du réseau électrique et dans le déploiement de la mobilité propre. L’Europe envisage ainsi à l’horizon 2035 une convergence totale vers les véhicules électriques avec une production massive des batteries à base du lithium-ion.

Les Etats-Unis, quant à eux, visent à l’horizon 2030 un parc automobile de 50% de véhicules électriques afin de mettre l’Amérique en position de mener l’avenir de la voiture électrique, de dépasser la Chine et de faire face à la crise climatique, a annoncé la Maison Blanche en août 2021.

Derrière toutes ces annonces et projections des différentes puissantes économiques, se joue une guerre économique sans pitié pour le contrôle des minerais stratégiques dont le lithium. Par ailleurs, cet affrontement de positionnement sur le marché des énergies vertes à base de lithium se fait atrocement entre les constructeurs automobiles dont l’américain Tesla et le chinois Byd sans oublier des pertes records des actions de Tesla à la bourse. 

Bienvenue dans cette saga de lutte à plusieurs milliards de dollars entre puissances pour le contrôle du marché mondial du lithium. Ainsi, pour mettre un coup de projecteur sur cette guerre économique avec les différentes polémiques autour du lithium, il sera abordé :

  • Le marché mondial du lithium qui traitera les réserves mondiales du lithium, les chaines d’approvisionnement et l’évolution du marché.
  • Le rapport de force de la Chine sur le marché du lithium afin de mieux cerner les stratégies de la Chine sur les 20 dernières années.
  • Les stratégies américaines et les futurs bouleversements géostratégiques sur le marché du lithium.
  • La place de l’Europe dans ce carré de l’énergie du futur par le lithium.
  • La position de la France dans l’Europe pour cette conquête de l’énergie du futur.

Marché mondial du lithium

Ce marché est structuré autour des réserves mondiales, les chaines d’approvisionnement, la raffinerie du minerai et la production des batteries à lithium notamment pour les constructeurs automobiles. Selon les études, la batterie rechargeable représente 40% du coût de production d’un véhicule électrique (VE). Aujourd’hui dans le monde plus de 4 millions de véhicules électriques sont en circulation. Ils devraient être entre 50 et 200 millions en 2028 et atteindre les 900 millions en 2040, d’où le caractère stratégique du lithium pour l’industrie des batteries rechargeables

Suivant le rapport 2018 de la BRGM sur les ressources métropolitaines de la France, le lithium est un élément métallique très léger, deux fois moins dense que l’eau, et qui possède une très forte électronégativité. Ses utilisations sont très variées, dominées depuis 2015 par le secteur des batteries rechargeables. Les enjeux du marché de lithium en 2018 portent sur des perspectives de croissance extrêmement fortes. Le principal moteur est la consommation de lithium à destination des batteries rechargeables de types lithium-ion pour le développement très rapide de l’électromobilité et du stockage d’énergie. Cette part de marché ne cesse de croître et l’impact est majeur sur la demande de lithium et donc sur les prix. La croissance moyenne de la demande de lithium devrait se situer autour de 18% par an et la part du secteur des batteries devrait être comprise entre 60% et 86% du total vers 2025.

Au niveau des réserves mondiales de lithium, les données à fin 2020 publiées en février 2021 par le site Statista font état de 18 millions tonnes de lithium détenus par cinq (05) pays à savoir : Le Chili, l’Australie, l’Argentine, la Chine et les Etats-Unis. La première réserve mondiale appartient au Chili avec 9,2 millions de tonnes, soit plus de 50% de la part des 05 pays cités. L’Australie et l’Argentine détiennent respectivement 4,7 millions et 1,9 millions de tonnes contre 1,5 million de tonnes pour la Chine et 0,75 million pour les Etats-Unis. D’autres études indiquent que le triangle de lithium en ABC (Argentine, Bolivie et Chili) abrite entre 60 à 70% des réserves mondiales. L’avenir du lithium se joue ainsi au centre de l’Amérique du Sud et ces gisements constituent entre les grandes puissances industrielles un jeu géopolitique indispensable pour conserver l’accès à la ressource.

Au niveau européen, en termes de gisement, l’Espagne, la Finlande, la France, l’Ukraine et le Portugal sont les plus représentés et également les plus actifs au niveau de la prospection lithinifère.    

Sur les chaînes d’approvisionnement et le raffinage, la Chine contrôle 65% de la production mondiale de lithium raffiné avec ses deux géants du secteur, Jiangxi Ganfeng et Tianqi Lithium qui se sont hissés aux premières et troisièmes places du marché. Par ailleurs, 80% des métaux nécessaires à la fabrication des batteries des véhicules électriques sont transformés en Chine, ce qui donne un avantage concurrentiel énorme à l’économie de l’Empire du milieu qui possède la moitié du parc mondial de véhicules électriques et exporte une grande partie de sa production à l’étranger, essentiellement en Europe.

Cette position dominante de la Chine sur ce marché de l’énergie du futur n’est pas du tout du goût de l’Occident notamment les Etats-Unis et l’Union Européenne, d’où les rivalités géostratégiques en cours entre ces puissances économiques et chacune annonce comme indiqué plus haut ces ambitions pour ce potentiel marché de transition énergétique.

Rapport de force de la Chine sur le marché mondial du lithium

Depuis une vingtaine d’années, la Chine a pris conscience des enjeux que constituent les terres rares et les minerais stratégiques. Sa montée en puissance dans ce secteur est tardivement perçue comme une menace par les économies occidentales alors que la Chine avait usé de toutes les manœuvres économiques et géostratégiques y compris le dumping pour parvenir à ses fins. La Chine a ainsi organisé la sortie du marché de Molycorp (entreprise américaine, seul producteur et transformateur d’éléments de terres rares d’Amérique du Nord) par un dumping sur les prix, puis racheté (via Shenghe) une partie des droits sur la production de la mine. Aussi en 1994, Rhône-Poulenc, un des deux leaders mondiaux de la transformation des terres rares dans les années 1980, fut contraint de confier à la Chine le raffinage des terres rares.

En moins de vingt ans, la Chine a racheté des mines de métaux stratégiques partout sur la planète et développé des industries de pointe pour exporter des produits à haute valeur technologique. Il est ainsi observé une politique d’investissements colossaux dans des mines partout sur la planète où entre 2005 et 2021, ses investissements directs à l’étranger (IDE) dans le secteur minier ont atteint 125 milliards de dollars, soit presque l’équivalent de la valeur actualisée du plan Marshall des Etats-Unis à l’Europe après la seconde guerre mondiale.

Ainsi, sur le marché du lithium, les entreprises chinoises Ganfeng et Tianqi sont les leaders mondiaux qui cumulent à eux deux environ 60% de la production mondiale du lithium. Les entreprises chinoises, toute catégorie confondue, ont sécurisé des millions de tonnes d’approvisionnement en lithium sur plusieurs années grâce au rachat ou à la prise d’intérêts dans des projets phares. Aussi, la Chine a dans un premier temps accueilli de nombreuses entreprises étrangères puis, dans un second, absorbé les technologies de ces dernières pour démultiplier sa production nationale en évinçant progressivement la concurrence internationale grâce à son dumping économico-environnemental. En outre, cette position dominante s’inscrit également dans les coûts environnementaux que la Chine a accepté d’assumer. En effet, avec des normes environnementales moins contraignantes que celles des pays occidentaux, la Chine a assumé le coût écologique, ce qui lui a permis de s’assurer une position incontournable dans le raffinage du lithium pour satisfaire les besoins colossaux de l’industrie des véhicules électriques.

En somme, le rapport de force de la Chine envers l’Occident dans ce secteur découle de sa capacité à maitriser les sources d’approvisionnement en matières premières tout en maitrisant toutes les chaines de valeur dont le raffinage au détriment des normes et de l’impact environnemental.   

Les stratégies américaines et les futurs bouleversements géostratégiques du marché mondial de lithium

Parmi les grandes lignes de l’Administration Biden en matière de souveraineté et de compétition technologique figure la transition vers l’énergie verte. Cette transition sera pour les EU dans les prochaines années une source majeure de croissance économique et de création d’emplois. À plus long-terme, elle viendra également assurer l’indépendance et la sécurité énergétique des États-Unis. Ainsi, le 05 août 2021, le Président Biden signe à la Maison Blanche le décret déclarant l’objectif que la moitié des véhicules vendus aux Etats-Unis d’ici 2030 seront électriques.

Pour ce faire, le Département de l’Énergie des États-Unis a ouvert des financements de plusieurs milliards de dollars afin de mettre en place des chaînes d’approvisionnement nationales des batteries au lithium, cruciales pour faire basculer le pays dans l’énergie propre. L’objectif du gouvernement américain est de faire en sorte que plus de la moitié des véhicules vendus sur son territoire soient électriques et assurer au pays une indépendance en luttant contre la domination chinoise dans le secteur. Cette mesure prise par le Président Biden s’inscrit également dans le cadre d’une campagne plus large visant à éloigner le pays de l’énergie russe.

A cet effet, Albemarle, leader de l’industrie du lithium et des dérivés du lithium aux Etats-Unis, envisage de multiplier par cinq sa capacité de production globale de lithium pour atteindre 500.000 tonnes par an d’ici 2030.

Par ailleurs, parmi les stratégies américaines dans le lithium figurent la reconquête des sources d’approvisionnement ou la découverte des réserves de lithium et autres métaux pour l’accroissement de leur capacité industrielle dans la production des batteries rechargeables.

Ainsi l’alliance AUKUS, en dehors des enjeux dans l’indo pacifique, pourrait être une stratégie pour les Etats-Unis de resserrer les liens avec l’Australie, un des pays détenant une importante réserve de lithium et où les investissements chinois dans le lithium ont atteint 27 milliards de dollars US sur la période 2005-2021.

En outre, les Etats-Unis se sont imposés au Maroc face aux Européens (Espagne et Allemagne surtout) sur la découverte du Mont Tropic. En effet, le Mont Topic regorge de cobalt et surtout de tellure qui est un minerai très rare utilisé dans la fabrication de certaines armes mais aussi de certaines batteries de voitures électriques. Le tellure du Mont Tropic, suivant les études britanniques, serait 50.000 fois plus important que tous les dépôts découverts jusqu’à ce jour et les réserves du cobalt quant à elles, sont équivalentes aux réserves du Congo.

Si toutes ces positions se confirment, les Etats-Unis pourraient faire changer significativement le rapport de force sur le marché les batteries rechargeables et par conséquent l’avenir mondiale de la transition énergétique.

Place de l’Europe dans ce carré de l’énergie du futur par le lithium.

Le lithium a été identifié comme critique par la Commission européenne. Le rapport 2019 de la Commission Européenne sur la vision 2050 de la neutralité carbone vise à créer une chaine de valeur stratégique des batteries en Europe avec un cap sur du 100% de véhicules électriques à l’horizon 2035. Pour la Commission le potentiel du marché européen des batteries rechargeables est énorme et pourrait s’élever à 250 milliards d’euros chaque année à partir de 2025 et un cadre législatif et de gouvernance a été adopté afin d’accélérer la transition vers une économie européenne à la fois durable, sûre et compétitive.

Actuellement la part européenne dans la fabrication mondiale de cellules de batteries est de 3% alors que celle de l’Asie est de 85% et si rien n’est fait pour soutenir la création d’un secteur viable de la fabrication de batteries, l’Europe risque de perdre irrémédiablement du terrain face à ses concurrents sur le marché mondial des batteries et de devenir tributaire des importations de cellules de batterie et de matières premières utilisées dans la chaîne d’approvisionnement.

Pour la conduite de cette vision à long terme, l’Union a créé en 2017 « l’Alliance Européenne des Batteries (AEB) » pour soutenir la mise à niveau de solutions innovantes et la capacité de fabrication en Europe. Aussi en mai 2018, la Commission a adopté le plan d’action intitulé L’Europe en mouvement ». Ce plan a permis de constituer une panoplie de mesures permettant de soutenir les efforts nationaux, régionaux et industriels visant à créer une chaîne de valeur des batteries en Europe et couvrant l’extraction, la fourniture et la transformation de matières premières, les matériaux pour batteries, la production de cellules, les systèmes de batterie ainsi que la réutilisation et le recyclage.

Toutes ces mesures démontrent ainsi le dynamisme européen sur le marché des batteries à lithium et des investissements considérables sont nécessaires à cet effet. Suivant les prévisions, de 20 à 30 usines géantes devront être construites en Europe rien que pour la production de cellules de batterie et leur écosystème devra être considérablement renforcé. Il est donc recommandé la mobilisation rapide d’investissements privés comme facteur clé de réussite de ces ambitions compte tenu de l’ampleur et du rythme des investissements nécessaires.

L’Europe n’est donc pas en marge de cette guerre économique entre puissances pour la course à la transition énergétique et cette pression sur l’Europe devient plus palpable avec la guerre militaire en cours entre la Russie et l’Ukraine. Conflit dans lequel la question de la dépendance énergétique de l’Union Européenne est au cœur des débats et des affrontements géostratégiques.

Nous partageons et renforçons ainsi les pistes de solutions et les débats d’idées en cours sur cette épineuse question de transition énergétique de l’UE notamment sur les batteries rechargeables. Ces pistes sont principalement : l’exploitation des ressources sur le sol européen, le recyclage, la constitution de stocks de certains métaux stratégiques et la diversification des sources d’approvisionnement.

Ainsi en dehors de l’exploitation « responsable » des ressources de lithium sur le sol européen, l’Europe pourrait se positionner significativement sur le segment du recyclage actuellement encore bien vierge en créant des champions européens de recyclage de batteries à lithium au regard des perspectives de plus de 900 millions de véhicules électriques dans le monde à l’horizon 2040.

La France se positionne-t-elle en futur leader européen du marché du lithium ?

L’Etat français, à travers le plan France 2030 du Président Macron, envisage produire 2 millions de véhicules électriques d’ici 2030 dans le cadre de sa stratégie industrielle qui vise à implanter sur le territoire national l’ensemble de la chaîne de valeur des batteries, de matériaux de base au recyclage.  

Ainsi pour jouer un rôle de premier plan au sein de l’Union Européenne, la France a confié au Groupe Imerys l’exploitation du lithium de la région de Beauvoir dans le Département de l’Allier. Ce projet contribuera aux ambitions de la France et de l’Union européenne en matière de transition énergétique et il permettra également d’accroître la souveraineté industrielle de la France et de l’Europe à l’heure où les fabricants de batteries et les constructeurs automobiles sont fortement dépendants des importations de lithium de la Chine. Imerys vise une production de 34 000 tonnes d’hydroxyde de lithium par an à partir de 2028 pour une durée d’au moins 25 ans, ce qui ferait de la France un fournisseur de premier plan du marché européen des batteries et lui conférerait un rôle clé dans l’industrie mondiale du lithium avec 700.000 de véhicules électriques à équiper par an.

En dehors de la région de Beauvoir, le rapport 2018 de la BRGM indique d’autres réserves de lithium pour la France avec une estimation globale de l’ordre de 443.200 tonnes de lithium dont 375.000 pour le site de Beauvoir.

Au regard de ces prévisions de réserves et pour pouvoir se positionner durablement sur le marché européen et mondial des batteries rechargeables, la France devra investir dans une chaine de valeur verticale en diversifiant ces sources d’approvisionnement en matières premières notamment hors de son territoire à l’instar de la stratégie chinoise et qu’envisage aussi les Etats-Unis. Par ailleurs, les recommandations à l’endroit de l’UE devront être prises en comptes par l’Etat français surtout le segment du recyclage.

Isac Babatoundé Fachina

auditeur de la 41è promotion de la MSIE de l’EGE

Sources complémentaires

https://www.agrobiosciences.org/territoires/article/les-enjeux-du-lithium-une-situation-electrique#.Y7iI8HbMLIU

https://atalayar.com/fr/blog/lithium-une-autre-guerre-entre-les-etats-unis-et-la-chine

https://www.francetvinfo.fr/economie/industrie/etats-unis-le-projet-dun-gisement-de-lithium-fait-polemique_5437876.html

https://www.futura-sciences.com/planete/actualites/terre-lithium-france-impact-ecologique-nouvel-or-blanc-101509/

https://www.imerys.com/fr/media-room/communiques-de-presse/imerys-ambitionne-de-devenir-un-acteur-majeur-du-lithium-en-europe

https://m.zonebourse.com/actualite-bourse/Albemarle-prevoit-une-importante-usine-de-traitement-du-lithium-aux-Etats-Unis–40838067/

https://www.jeuneafrique.com/1225179/economie/rachid-yazami-le-maroc-est-au-coeur-de-la-guerre-pour-les-minerais-rares/

https://medias24.com/2021/10/03/tresors-caches-du-mont-tropic-mythe-ou-realite/

https://legrandcontinent.eu/fr/2022/08/26/la-californie-va-interdire-la-vente-de-vehicules-thermiques-dici-2035/

https://legrandcontinent.eu/fr/2022/05/05/un-etat-pour-la-planification-ecologique/

https://www.lesechos.fr/2015/06/lamericain-molycorp-victime-de-la-bulle-des-terres-rares-250506

https://eur-lex.europa.eu/resource.html?uri=cellar:72b1e42b-5ab2-11e9-9151-01aa75ed71a1.0003.02/DOC_1&format=PDF

https://www.lesechos.fr/finance-marches/marches-financiers/tesla-il-y-a-de-lelectricite-dans-lair-1898008#xtor=CS3-3092

https://www.nationalgeographic.fr/environnement/bolivie-lextraction-du-lithium-menace-le-plus-grand-desert-de-sel-du-monde

https://planeteamazone.org/actualites/etats-unis-un-plan-pour-booster-la-production-de-batteries-alors-quune-mine-de-lithium-menace-les-peuples-amerindiens/

 

Note

[i] Cet article vient également en contribution des précédents articles du site infoguerre.fr de l’EGE qui n’ont pas encore abordé les enjeux géostratégiques et le rapport de force inter-puissances pour le contrôle de ce minerai dans l’énergie du futur et la transition énergétique.

https://www.ege.fr/infoguerre/les-manoeuvres-informationnelles-autour-du-lithium-en-france

https://www.ege.fr/infoguerre/les-polemiques-autour-du-projet-de-la-plus-grande-mine-de-lithium-deurope-mina-do-barroso-au-nord-du-portugal

https://www.ege.fr/infoguerre/2009/11/lithium-bolivie-strategie-energie

https://www.ege.fr/infoguerre/une-reponse-relative-lultra-dependance-europeenne-la-chine-en-matiere-de-batteries

Frères musulmans : infiltration en France. Entretien avec Florence Bergeaud-Blackler

Frères musulmans : infiltration en France. Entretien avec Florence Bergeaud-Blackler

par Florence Bergeaud-Blackler – Revue Conflits – publié le 20 avril 2023

https://www.revueconflits.com/freres-musulmans-infiltration-en-france-entretien-avec-florence-bergeaud-blackler/


L’idéal porté par les Frères musulmans est celui d’une théocratie. Alors que le sujet s’installe au sein de l’opinion publique, il devient crucial d’en connaître le fonctionnement et les objectifs. L’enquête conduite par Florence Bergeaud-Blackler permet de prendre conscience de l’importance d’un phénomène souvent mal cerné et des liens tentaculaires tissés en Europe. 

Florence Bergeaud-Blackler est anthropologue, chargée de cherche au CNRS (HDR) au groupe sociétés, religions, laïcité à l’École pratique des hautes études. Elle publie Le frérisme et ses réseaux, l’enquête, aux éditions Odile Jacob. 

Propos recueillis par Côme de Bisschop. 

L’organisation des Frères musulmans créée en 1928 en Égypte est aujourd’hui largement présente en Europe. Qu’est-ce que le « frérisme » ? Est-ce une théologie, une doctrine, un mouvement ou une revanche sur la modernité ? 

Le frérisme n’est à mes yeux ni un courant théologique, ni une école juridique, mais un mouvement politico-religieux qui s’est donné pour mission d’organiser la marche de tous les musulmans vers un même objectif : l’instauration de la société islamique mondiale. 

Je définis le frérisme comme un « système d’action » qui tente de piloter, depuis « le milieu », les différentes composantes théologiques et juridiques de l’islam, des versions les plus libérales aux plus littéralistes en passant par le soufisme, dans le but d’accomplir la prophétie ultime. 

En quoi consiste la prophétie califale ? Dans quel contexte la confrérie des Frères musulmans est-elle née ? Quels étaient ses objectifs ?

« On ne comprend pas des phénomènes aussi complexes et étendus que le marché halal mondialisé ou le voilement des femmes sur tous les continents si on perd de vue son plan, sa vision du monde, le fait que le frérisme est axé sur la mission. »

Il ne s’agit pas de créer un Etat islamique à l’image de Raqqa, mais d’instaurer la société islamique moderne mondiale et mondialisé. Le projet frériste a vu le jour en Europe et aux Etats-Unis à partir des années 1960 par les étudiants islamistes exilés, qui avait toute latitude en démocratie pour penser une forme d’islamisme mondialisée et conquérante adaptée au monde non-musulman. 

Les trois dimensions du frérisme, qui ont pour méthodes la ruse, la perversion, la manipulation et la subversion plutôt que la guerre frontale sont ce que j’appelle le triptyque de la Vision, l’Identité, le Plan. Ils partagent une vision du monde et une identité transnationale qui traversent les frontières culturelles, ethniques, raciales. Mais la dimension la plus importante à souligner est celle du Plan. C’est aussi celle qui a été la plus occultée par les observateurs alors qu’elle est essentielle pour comprendre la façon dont les normes islamiques se combinent au monde moderne, et selon quels principes fondamentaux elles évoluent et s’adaptent continument à son évolution. On a fait l’erreur de réduire le mouvement islamiste à une idéologie politique temporelle alors qu’elle est politico-religieuse et, à ce titre, englobe le terrestre et le supra-terrestre, prévoit une fin du monde, un jugement dernier, et un système de compte des actions comme les indulgences catholiques, mais individuelle et collective. 

On ne comprend pas des phénomènes aussi complexes et étendus que le marché halal mondialisé ou le voilement des femmes sur tous les continents si on perd de vue son plan, sa vision du monde, le fait que le frérisme est axé sur la mission. Au fil d’un temps long les Frères agissent par plans successifs, et concentrent dans leurs actions une énergie formidable car ils n’ont pas à s’interroger sur les fondements de l’existence ni sur la question du salut, c’est réglé. Tout est dans le Coran et la Tradition et rien que dans cela. Dieu s’est déjà exprimé, il n’y a qu’à découvrir ce qui est déjà révélé aux moyens des sciences humaines pour recouvrer la puissance et ainsi vaincre l’Occident. C’est ce que les Frères appellent l’« islamisation de la connaissance » qui peut emprunter tous les chemins scientifiques dès lors qu’ils sont bornés par la vérité divine révélée. Penser hors de ce cadre est interdit, haram, hérétique. Penser dans ce cadre est une mission et comme toute action recommandée la possibilité d’échapper aux flammes de l’enfer (dont la menace est agitée en permanence) et de goûter au repos et aux délices du paradis. Ces croyances cohabitent très bien avec un bon niveau scientifique et technologique, ce qui m’a beaucoup déroutée au début. 

Les revendications des Frères musulmans sont-elles explicitement écrites dans le Coran ? Le frérisme est-il un arrangement particulier de la compréhension des textes ?

Les Frères musulmans s’appuient sur des sourates coraniques et sur la tradition musulmane (Sunna) qui rassemble les faits et dires du prophète (hadiths) plus ou moins authentifiés. Ces hadiths sont rapportés par une chaine de rapporteurs, appelée isnad, par laquelle on mesure la force ou la faiblesse de leur contenu. Toute interprétation est un arrangement particulier de la compréhension du texte. Disons que les Frères musulmans sont des salafis, des fondamentalistes qui ont une approche littéralistes du texte. Mais ce qui importe pour eux et qui guide leur exégèse c’est la finalité califale, et les moyens à mettre en œuvre pour y parvenir. L’islam doit advenir partout, il est guidé pour cela.

Le frérisme entend ainsi susciter un grand mouvement religieux planétaire dont la finalité serait le califat par les moyens de l’islam. Comment agit-il ? Quelles sont ses structures et ses modes opératoires ? 

La doctrine fondamentale du frérisme est la wasatiyya (l’islam du juste milieu) un terme repris et élaboré par Youssef Qaradawî et inspiré par Hassan el Bannafondateur de la confrérie des Frères musulmans en 1928. Qaradawî que l’on a considéré, à tort, comme un personnage grossier et inculte est le grand idéologue du frérisme qu’il nomme « mouvement islamique » dans un plan visionnaire pour les trente prochaines années paru en 1990, plan que j’analyse dans mon ouvrage et qui s’est largement réalisé.  Un autre personnage influent du frérisme est Abu A’la Mawdoudi un penseur d’origine indienne qui est l’ingénieur du système-islam et le père de l’« islamisation de la connaissance ». Pour l’auteur d’une bonne centaine d’ouvrages sur la question, tout est dans l’islam, en synergie, et rien n’est à rechercher en dehors. 

Les Frères musulmans ont choisi l’Europe comme terre d’élection. Vous évoquez le concept de « l’euro-islam » proposé par les Frères musulmans. S’agit-il d’adapter l’islam à l’Europe ou l’Europe à l’islam ?

« La lutte contre l’islamophobie structurelle est un formidable outil de propagande : on présente toute mesure visant à sanctionner les pratiques musulmanes jugées non conformes aux valeurs (comme le voile) comme une mesure islamophobe et discriminatoire […]. Peu à peu la société devient charia-compatible. »

L’Euro-islam est une formule qui a été reprise par les Frères. Initialement forgée par l’universitaire allemand d’origine syrienne Bassam Tibi, l’euro-islam devait conduire à un islam réformé et adapté au contexte européen via un renouvellement de l’interprétation des textes passés. Il préconisait de retirer la charia et le jihad de l’enseignement islamique en Europe en raison de leur non-conformité aux principes fondamentaux de la démocratie, de la liberté d’expression et des droits de l’homme. À l’inverse, les Frères entendent réformer non pas l’islam, mais le regard européen sur l’islam.

Pour y parvenir les Frères ont travaillé et généralisé le concept d’islamophobie structurelle qui avait été suggéré par le Runnymede Trust dans un rapport publié en 1997. Cette organisation britannique inspirée par le mouvement américain des droits civiques, fondée en 1968 pour lutter contre la discrimination raciale et promouvoir le multiculturalisme a publié le premier rapport sur l’islamophobie et proposé des solutions pour habituer la société européenne à la présence de l’islam.

La lutte contre l’islamophobie structurelle est un formidable outil de propagande. Cela fonctionne ainsi : on présente toute mesure visant à sanctionner les pratiques musulmanes jugées non conformes aux valeurs (comme le voile) comme une mesure islamophobe et discriminatoire. On fait passer la consommation et les conduites halal comme des obligations incontournables et non négociables. Peu à peu la société devient charia-compatible. C’est essentiellement ainsi que le frérisme du XXIe se déploie.

Pourquoi les valeurs européennes constituent-elles le substrat idéal pour l’implantation du frérisme ? Les Frères musulmans sont-ils financés par l’Union européenne et à quelle hauteur ? 

Le frérisme s’est développé en deux temps. Les Frères canal historique (première génération) se sont d’abord présentés devant les institutions européennes qui cherchaient des interlocuteurs pour faciliter l’intégration européennes, comme représentants des musulmans d’Europe grâce aux maillages de mosquées et centres islamiques qu’ils avaient effectués dans chaque pays européen. 

Dans un second temps, c’est la génération réislamisée qui a pris les manettes en se présentant sous les couleurs bleues étoilées des politiques européennes dites inclusives et anti-racistes, obtenant ainsi les financements des institutions de l’Union Européenne à Bruxelles et le Conseil de l’Europe. Chacun se souvient de cette campagne du Conseil de l’Europe financée par l’UE qui vantait les mérites du voile islamique. Cette campagne lancée depuis la division anti-discrimination et inclusion du Conseil de l’Europe, mettait en scène des visages de femmes dont la moitié était voilée et l’autre non, où le mot « hidjab » était associé à des mots comme « beauté », « liberté », « joie ».  Ces messages provenaient de ces jeunes influenceurs fréristes qui ont profité des financements et des facilités accordées aux jeunes européens pour lutter contre les discriminations et contre le racisme. En l’espèce plusieurs associations fréristes avaient utilisé une boîte à outil mise à disposition par le COE et conçue pour aider les jeunes européens à lutter contre « les discours de haine » en leur fournissant la logistique et les moyens d’exercer leur lobbying par des séminaires thématiques ou en organisant des campagnes de communication. Le frérisme est pourtant un système discriminant, suprémaciste et prosélyte, mais quand il vient chercher de l’argent et de la légitimité il sait le dissimuler, c’est licite.

N’importe quel message peut passer s’il est accompagné d’images ou de mots positifs. Il ne faut pas se méprendre, ni l’UE ni le COE ne font la propagande directe du frérisme, mais ils en donnent à qui veut les moyens, au nom de l’idéologie inclusive. Le micro-climat bruxellois où l’on vit entourés de 25 000 lobbyistes dans une région (Bruxelles capitale) et où les partis politiques locaux ne peuvent garder le pouvoir sans l’assentiment d’une population musulmane contrôlée par les Frères est favorable à l’entrisme frériste. 

Le frérisme est-il le produit de l’immigration ou de la mondialisation ? 

Le frérisme est un produit de la mondialisation, ses racines « revivalistes » datent de la période coloniale, et notamment du XIXe quand le califat turc est menacé. Le frérisme est une réaction à la colonisation qui elle-même est née de la mondialisation. C’est elle qui a favorisé les mouvements de population donc l’immigration. Bien entendu l’accroissement récent des flux migratoires d’origine musulmane vers l’Europe apporte une certaine puissance au frérisme qui peut compter sur une démographie favorable.  

Le projet des Frères musulmans est-il compatible avec la République ? Comment ont-ils prospéré au sein des démocraties sécularisées ?

Il l’est d’une république islamique pas d’une république laïque ! Le Frérisme est un mouvement théocratique qui devra à terme se débarrasser de la démocratie. Pour le moment il s’en accommode tactiquement tant que l’Europe est terre de contrat, mais à terme cette terre de contrat doit devenir islamique, avec sa majorité musulmane et ses minorités religieuses autorisées appelées dhimmis. 

En quoi consiste l’organisation de la coopération islamique (OCI) ? Pourquoi entre-t-elle en conflit avec la déclaration universelle des droits de l’homme ? 

La déclaration des droits de l’Homme en Islam dite déclaration du Caire (1990) par l’Organisation de la coopération islamique, affirme la supériorité de l’homme sur la femme, déclare l’égalité des femmes et des hommes seulement en dignité, en devoir et en responsabilité, mais pas « en droit ». Elle limite la liberté d’expression : Tous les droits et libertés énoncés dans la présente Déclaration sont soumis aux dispositions de la charia. Son préambule suprémaciste souligne le rôle civilisateur de l’Umma réunie et son rôle de guide pour l’humanité :

« Le rôle civilisateur et historique de la Ummah islamique, dont Dieu a fait la meilleure Communauté ; qui a légué à l’humanité une civilisation universelle et équilibrée, conciliant la vie ici-bas et l’Au-delà, la science et la foi ; une communauté dont on attend aujourd’hui qu’elle éclaire la voie de l’humanité, tiraillée entre tant de courants de pensées et d’idéologies antagonistes, et apporte des solutions aux problèmes chroniques de la civilisation matérialiste. »

Pourquoi certains partis politiques en France et en Europe perçoivent-t-ils dans le « frérisme » un modèle d’émancipation du capitalisme ?

Parce qu’ils sont ignorant des dynamiques normatives du marché halal, auxquelles j’ai consacré mon précédent livre. J’ai montré que le néofondamentalisme islamique se combine très bien au fondamentalisme pour généraliser une norme islamique moderne et séparatiste.

Vous concluez avec justesse que le contexte européen du XXe siècle a participé à « banaliser le mal », suscitant le désir d’un retour des religions morales, qui présentent une claire distinction entre le bien et le mal ainsi qu’une explication à leur existence. Pourquoi cette mise en avant des religions du Livre s’est-elle traduite par un unique essor de l’islam et non de la chrétienté ? 

Je pense que l’islam sous la poussée du frérisme ouvre le chemin à d’autres expressions intégralistes, chrétiennes et juives qui ne vont pas tarder à revendiquer leur droit à gouverner la cité. La question de la chrétienté est différente de celle du christianisme. La chrétienté c’est la civilisation qui s’est combinée au cours des siècles aux expressions culturelles. L’Europe procède de la chrétienté, ses racines sont judéo-chrétiennes et il serait catastrophique d’effacer cette histoire. Non pas tant parce que cela laisserait la place à l’islam ou à l’anomie, mais parce que ce serait favorable aux religions de la sainte ignorance, ces religions morales, fondamentalistes, hors sol, dogmatiques intégralistes qui poussent sur des déserts intellectuels, celles du Livre mais aussi le wokisme. 

Est-il possible de contrer l’influence du frérisme en Europe ? 

La première des étapes est de comprendre ses ressorts, son histoire, son fonctionnement, c’est ce que j’ai essayé de montrer dans cet ouvrage.

Cybersécurité : les États doivent affronter de nouvelles menaces. Entretien avec Guillaume Tissier

Cybersécurité : les États doivent affronter de nouvelles menaces. Entretien avec Guillaume Tissier

par Jean-Baptiste Noé – Revue Conflits – publié le 19 avril 2023


Le numérique présente de nouvelles menaces que les entreprises et les États doivent anticiper et affronter. Dans un monde globalisé, il est difficile d’être indépendant, ce qui n’empêche pas de défendre sa souveraineté numérique. Entretien avec Guillaume Tissier, directeur du Forum international de la cybersécurité (FIC), qui s’est tenu à Lille en avril.

Entretien avec Guillaume Tissier, directeur du Forum international de la cybersécurité (FIC). Propos recueillis par Jean-Baptiste Noé.

Depuis la première session du FIC en 2007, le monde de la cybersécurité a connu de nombreuses évolutions. Sans remonter à ces débuts, quelles les grandes évolutions rencontrées au cours de ces dernières années en termes de menace et de défense ?

Tout d’abord, notre surface d’exposition au risque a explosé car le numérique imprègne aujourd’hui toutes les facettes des activités humaines. On compte ainsi 12 milliards d’objets connectés dans le monde et leur nombre ne fait que croître. Dans un tel contexte, il est logique que les acteurs malveillants se déplacent dans l’espace numérique et cherchent à profiter de cette situation. La menace s’est donc sophistiquée et diversifiée. Les attaquants ont trois motivations essentielles : le gain financier, l’espionnage et la déstabilisation. La difficulté est que ces motivations se confondent parfois, ce qui rend la caractérisation de ces attaques et l’identification de leurs auteurs encore plus difficiles. En outre, il existe de nombreux groupes cybercriminels qui sont récupérés et instrumentalisés par les États. La Russie abrite ainsi certains groupes spécialisés en rançongiciels. C’était également le cas de l’Ukraine avant le conflit. Chainanalysis, une société qui trace les mouvements de fonds en crypto-monnaies, constate ainsi que 75% des flux financiers liés aux attaques en rançongiciels pointent aujourd’hui vers la Russie. Ces mêmes groupes peuvent aussi pratiquer la déstabilisation et l’espionnage. Nombre de campagnes d’espionnage -au moins pour celles qui ont été détectées- pointent ainsi vers la Chine. De façon globale, l’espace numérique est donc devenu un terrain d’affrontement qui voit des groupes privés et des Etats s’affronter. Heureusement, face à cela, les solutions ont aussi progressé au plan opérationnel, qu’il s’agisse de prévention, de détection, de protection ou de réponse à incident, pour sécuriser les entreprises et les citoyens, même si beaucoup reste à faire. Et à un niveau plus stratégique, des discussions internationales ont été engagées pour tenter d’assurer la stabilité de cet espace.

Qu’est-ce que cela change pour les entreprises ?

Le modèle du « château fort » qui protégeait nos systèmes d’information et les données qu’ils abritent a vécu. A l’époque du télétravail et de « l’entreprise étendue », les organisations sont comme des aéroports avec de multiples flux qui rentrent et sortent sans arrêt, en particulier vers des clouds. Ainsi, l’enjeu n’est plus de construire des « remparts » étanches, mais bien de protéger chaque flux avec des architectures dites « zero trust », de détecter les menaces et de réagir au plus tôt grâce à des systèmes EDR (Endpoint Detection and Response) et NDR (Network Detection and Response). Grâce à tout cela, le niveau de sécurité des grandes organisations a fait de gros progrès ces dernières années, mais il reste malheureusement de nombreux angles morts. La cybercriminalité s’est ainsi déplacée vers des acteurs moins matures comme les collectivités territoriales, les hôpitaux, les PME ou TPE, qui n’ont pas les moyens d’avoir des équipes ou des solutions de cybersécurité sophistiquées. Ce qu’il faut pour ces organisations, c’est une sécurité « packagée » et intégrée dans les services numériques qu’elles utilisent, qu’il s’agisse de la « box » internet ou des services de cloud public, et des équipes mutualisées pour gérer la supervision. Même chose pour les collectivités. Le Gouvernement a ainsi décidé de créer des centres régionaux de réponse à incident qui permettront de gérer cette sécurité du « premier kilomètre ». Comme l’a dit Vincent Strubel, le directeur général de l’ANSSI lors du FIC 2023, la cybersécurité doit « passer de la haute couture au prêt-à-porter » pour toucher le plus de monde possible.

L’une des particularités du FIC est d’accueillir aussi bien des entreprises privées que des collectivités locales. Alors que plusieurs communes ont été gravement attaquées ces derniers mois, existe-t-il des solutions pour protéger leurs données ?

Les besoins des collectivités en matière de numérique et de cybersécurité sont énormes. Nous n’avions d’ailleurs jamais accueilli au FIC autant de représentants de collectivités -plus de 400 cette année- ce qui témoigne de l’ampleur du défi. Et même s’il existe des différences entre les grandes agglomérations et les petites collectivités, il y a des points communs : des systèmes d’information très hétérogènes pour soutenir de multiples « métiers » (la voirie, la gestion des cantines, l’état-civil etc.) et un niveau de sécurité relativement faible. Pour les plus petites collectivités, l’urgence est de proposer des solutions numériques sécurisées « prêtes à l’emploi ». Le ministre du numérique a ainsi annoncé il y a quelque mois le lancement d’une plateforme de services permettant aux collectivités de disposer d’un nom de domaine internet, d’un site web, d’une messagerie internet… Le Gouvernement a aussi lancé en 2021 des « parcours de cybersécurité » avec l’aide de l’ANSSI (Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information) pour accompagner les collectivités et développer un réseau de professionnels compétents sur tout le territoire pour cela. Ce maillon territorial est absolument essentiel.

Le commissaire européen chargé du Marché intérieur Thierry Breton, présent au salon, a annoncé la création d’un « bouclier cyber européen ». De quoi s’agit-il plus précisément ?

Cette annonce n’est pas la seule du commissaire européen. Thierry Breton a aussi évoqué la directive NIS 2, déjà en vigueur mais non encore transposée, qui va imposer un certain niveau de sécurité à de nombreuses entreprises ou organisations considérées comme « importantes » ou « essentielles », et le « Cyber Resilience Act », dont la première mouture a été présenté par la Commission en septembre dernier et qui définira des exigences minimales de cybersécurité pour tous les produits et services, européens ou non, qui intègrent du numérique et sont commercialisés sur le marché intérieur. Sont en particulier visés les objets connectés dont le niveau de sécurité est souvent très faible. Concernant le « bouclier cyber » européen annoncé par le Commissaire, l’objectif est de déployer un réseau de 5 ou 6 centres de sécurité sur tout le territoire européen pour détecter les menaces et réagir au plus tôt face à des attaques à grande échelle. Ce dispositif sera coiffé par un nouveau texte, le Cyber Solidary Act qui permettra aux entités attaquées de s’appuyer sur un réseau de prestataires de confiance. Au-delà de ces dispositions, les enjeux sont doubles : faire progresser de façon homogène le niveau de sécurité dans les Etats-membres et renforcer la coopération, notamment en termes d’échange d’information, voire imaginer, à terme, une véritable coordination européenne, ce qui n’est évidemment pas simple…

Il y a désormais un FIC organisé à Montréal, sur le continent américain. Quelle est la finalité de ce salon ? S’agit-il d’influencer les Américains sur des solutions numériques européennes ou bien d’établir des partenariats entre entreprises américaines et françaises ?

Même si l’Europe a de nombreuses choses à présenter, et notamment une approche unique en matière de protection des données personnelles qui commence à faire des émules, il serait prétentieux de vouloir influencer les Canadiens ou les Américains du Nord sur un sujet dont ils se sont emparés depuis longtemps… Notre objectif à Montréal, et bientôt à San Antonio (Texas), est surtout de créer des ponts entre les écosystèmes en reprenant les recettes qui ont fait le succès du FIC : rassembler acteurs publics et privés, offreurs, utilisateurs finaux, monde de la recherche, sphère académique en un même lieu autour d’un forum, d’un salon et d’un sommet. Et comme à chaque fois, s’appuyer sur les associations, les autorités, les entreprises locales. Chaque FIC est donc très différent ! Mais à chaque fois, nous en profitons bien sûr pour présenter l’excellence de la filière française et européenne. Le FIC, devenu depuis cette année le Forum InCyber pour répondre à cet enjeu d’internationalisation, est en effet l’un des outils du contrat stratégique de filière (CSF) des industries de sécurité, co-signé par le Gouvernement et les industriels. Toute filière d’excellence doit avoir un outil de rayonnement : c’est l’objectif assigné au FIC en mobilisant acteurs privés et publics autour d’un modèle innovant et inspirant.

Le renseignement en sources ouvertes (OSINT) a pris une nouvelle dimension avec le développement du web. Il est enseigné dans certaines écoles et de nombreuses conférences sont organisées sur le sujet. Quelle est selon vous la relation entre l’OSINT et les questions numériques ?

Le cœur du sujet traité par le FIC est bien sûr la cybersécurité, mais nous nous ouvrons à d’autres thématiques, qu’il s’agisse d’approfondir des verticales sectorielles, comme la cybersécurité industrielle, ou d’élargir nos réflexions aux multiples facettes de la « confiance numérique » : identité numérique, web 3, lutte contre les contenus illicites, ou bien encore l’OSINT. L’anticipation des menaces est en effet essentielle. Ainsi, pour anticiper, surveiller et détecter les menaces, le renseignement sur sources ouvertes est essentiel. Il s’agit par exemple d’exploiter les réseaux sociaux ou bien encore les deep et dark web, souvent utilisés par les attaquants pour revendre le produit de leurs forfaits ou revendiquer leurs actions. La lutte contre les contenus illicites, violents, haineux, mais aussi la protection contre le harcèlement en ligne sont également des priorités. Ces engagements correspondent à la ligne éditoriale du FIC qui a toujours défendu une vision globale et équilibrée de la cybersécurité, qui ne se résume pas à des mesures de sécurité et de surveillance, mais aussi à la défense des libertés en ligne et à la protection des citoyens. Le FIC n’est donc pas seulement un endroit où l’on réfléchit à des solutions opérationnelles, mais où l’on s’intéresse aussi aux aspects éthiques et où l’on débat des différentes politiques publiques qui concourent à faire du cyberespace un espace de liberté. N’oublions pas que 70% des internautes dans le monde vivent dans des zones où ils ne peuvent pas poster ce qu’ils veulent sur internet… Nous avons donc, nous, Européens, une chance inouïe, mais aussi une exigence.

Les questions de cybersécurité jonglent entre dimension technologique et politique, voire philosophique, concernant la protection des libertés individuelles, la liberté d’expression, la lutte contre des contenus illicites ou encore la protection de la vie privée. Comment articuler ces différents éléments afin de protéger au mieux la vie des individus ?

Notre objectif est de contribuer au débat public sur ces questions. Concernant les technologies, il est important de noter que ces dernières ne sont jamais ambivalentes, une technologie n’est jamais bonne ou mauvaise en tant que telle. Tout dépend de l’usage que l’on en fait, des limites que l’on se donne et bien sûr de la formation et de l’éducation des utilisateurs. Ce qui compte avant tout, c’est de construire un numérique au service de l’Humain. Il faut donc à la fois lutter contre le totalitarisme numérique qui se développe dans certains pays, mais aussi contre une marchandisation extrême des données personnelles qui toutes deux aboutissent à un asservissement de l’individu par le numérique et débouchent sur des dérives orwelliennes. Même si nous n’en n’avons pas forcément conscience, l’Europe a en la matière une longueur d’avance, grâce notamment au RGPD. Il importe de la garder et de promouvoir la souveraineté numérique européenne. Nous avons en effet besoin d’un espace numérique qui soit non seulement conforme à nos valeurs mais aussi à nos intérêts. Et nous avons aujourd’hui deux opportunités à ne pas manquer. La première concerne les négociations entre l’Europe et les Etats-Unis concernant le futur Privacy Data Framework qui succèdera au Privacy Shield invalidé par la Cour de justice de l’Union européenne. Les Etats-Unis doivent impérativement revoir leur dispositif de protection des données personnelles et leur législation de surveillance, en particulier la section 702 du célèbre Foreign Intelligence Surveillance Act (FISA), faute de quoi l’Europe ne doit pas reconnaitre l’adéquation du pays avec les exigences du RGPD. La seconde concerne le futur schéma européen de certification de sécurité pour les offres de cloud. Alors que 70% des données européennes sont stockées chez les hyperscalers américains, il est essentiel que les données les plus sensibles soient hébergées et traitées dans des cloud totalement immunisés aux effets des lois étrangères ayant une portée extraterritoriale. Et pour cela, la simple localisation de ces données en France ne suffit pas… Ainsi, l’enjeu de la cybersécurité est double. Il concerne autant la sécurité au sens technique qui consiste à lutter contre les menaces que la maîtrise des données qui est un sujet davantage politique et juridique. Bien sûr, cette souveraineté numérique n’est pas absolue et est partagée, mais il s’agit de maîtriser certains points clés, en particulier pour les données et processus les plus sensibles.

Jean-Baptiste Noé

Jean-Baptiste Noé

Docteur en histoire économique (Sorbonne-Université), professeur de géopolitique et d’économie politique à l’Institut Albert le Grand. Rédacteur en chef de Conflits.

Électricité, décarbonation : pourquoi l’Europe a tout faux


 

Tribune de Brice Lalonde pour Le Point. Le politique énergétique européenne, ses faiblesses et ses méfaits.

TRIBUNE. Brice Lalonde dénonce la cécité d’une politique européenne hémiplégique, centrée sur les renouvelables au détriment des autres sources bas carbone. Brice Lalonde, ancien ministre de l’Environnement, président d’Équilibre des Énergies.

      Il n’y a que quatre pays européens qui réussissent à décarboner leur électricité, ce sont la Suisse, la Norvège, la Suède et la France. Pourquoi ? Parce qu’ils ont des moyens de production pilotables décarbonés qui fournissent cette électricité lorsqu’elle est demandée et quasiment à toute heure au long de l’année. Les autres pays produisent une électricité soit systématiquement très carbonée, comme la Pologne, soit décarbonée par moments, comme l’Allemagne et l’Espagne, quand le soleil et le vent sont au rendez-vous, mais carbonée le reste du temps par appel au gaz et au charbon.

      Or, pour garantir la permanence d’une production électrique décarbonée, l’Europe ne voit que le vent et le soleil, car ces sources d’énergie lui apparaissent illimitées, locales et gratuites. Mais les contraintes imposées au système électrique par les renouvelables intermittentes sont loin d’être gratuites et, pour atteindre avec elles la neutralité carbone, il faudrait à la fois affaler la consommation d’énergie et construire un nombre phénoménal de moyens de production renouvelables. Priorité devrait plutôt être redonnée aux sources décarbonées pilotables, hydraulique et nucléaire, suppléées par les renouvelables.

Une vision de jardin d’enfants

      Les faits sont têtus, les thuriféraires des renouvelables le sont aussi. Leur culte est porté par les prébendiers des aides d’État, par la poussée écologiste des cinquante dernières années, particulièrement forte en Allemagne, mais aussi par la Commission européenne qui applique avec zèle et myopie le seul article du traité de Lisbonne relatif à l’énergie. Alors que le traité reconnaît la souveraineté des États membres pour le choix de leurs sources d’énergie, cet article 194 limite l’action collective de l’Union à la promotion des économies d’énergie et du développement des renouvelables.

      Ainsi les directives du « paquet fit for 55» sont-elles fondées sur cet article 194. Elles n’autorisent que des formes d’énergie – chaleur, électricité, hydrogène – issues de sources renouvelables. Le nucléaire est banni – sauf pour produire de l’hydrogène, grâce à l’action de notre ministre de l’Énergie. Un objectif de plus de 40 % de renouvelables est fixé pour 2030. Au nom du climat et au mépris du traité, l’Europe impose donc le mix de son choix. Il s’agit d’un curieux détournement de procédure, car c’est l’article 191 du traité de Lisbonne qui traite de l’environnement et de la défense du climat. C’est celui-là qui devrait s’appliquer à la politique climatique de l’Union. La Commission veut-elle décarboner ? Pas vraiment, son objectif est la multiplication des renouvelables et la diminution d’un tiers de la consommation d’énergie, une vision de jardin d’enfants.

      Les discours des dirigeants de la Commission sont les mêmes que ceux des ministres allemands : seules les énergies renouvelables sont bonnes. L’avenir doit être tout renouvelable. C’est devenu un credo. Et si l’Europe n’y suffit pas, ils demanderont à l’Afrique de faire l’appoint. Naguère, le Sahara avait déjà été au centre d’un rêve d’énergie solaire illimitée connectée à l’Europe par des câbles sous-marins. C’était le projet Désertec. Cette fois, c’est l’hydrogène fourni par d’hypothétiques électrolyseurs africains ou chiliens qui devrait remplacer le gaz russe. Déjà, les ports de la Baltique s’équipent pour accueillir cette manne chimérique.

L’imposture contre le nucléaire

      L’Allemagne et la Commission peuvent-elles comprendre, non seulement que l’énergie nucléaire est un allié du climat, au contraire du charbon, mais qu’elle constitue un pilier central de l’économie française et de son développement futur. S’efforcer de l’interdire est ressenti par les Français comme une volonté de leur nuire. Faut-il ajouter que l’incroyable volte-face de l’Allemagne contre l’électrification des véhicules légers aggrave encore l’impression d’imposture. L’extravagante raison avancée est l’arrivée prochaine de carburants de synthèse. Mais ces carburants seront produits au compte-goutte et devront d’abord être dirigés vers l’aviation où ils sont indispensables. Ils nécessiteront des quantités considérables d’électricité qu’il faudra bien produire de façon fiable.

      À défaut, il y a fort à parier que l’hydrogène nécessaire provienne surtout du reformage du gaz qatarien, que les carburants des véhicules thermiques épargnés soient fossiles avant d’être synthétiques, bref que l’Allemagne nous roule dans la farine avec la complicité irréfléchie de la Commission. Peut-on toujours croire à la bienveillance de l’Union ? Depuis la loi « Nome », nous avons assisté à la descente aux enfers d’EDF, démantelée, écartelée, sommée tout à la fois de faire des cadeaux à une concurrence parasite, d’atténuer sur ses propres deniers le prix européen de l’électricité pour les Français et, privée des ressources nécessaires, de consentir néanmoins un immense effort d’investissement.

      Le consommateur en fait les frais : difficile de ne pas se souvenir que l’électricité était « abondante et bon marché » avant le marché européen et qu’EDF avait construit cinquante-cinq réacteurs nucléaires en quinze ans sans faire appel à l’aide directe de l’État. Nostalgie ! Si le retour en arrière n’est pas envisageable, limitons au moins les dégâts, arrêtons de désintégrer le système électrique français. La future réforme du marché européen devra permettre de lisser les prix et de financer les investissements.

      L’Europe, paradis des consommateurs, vient de se souvenir qu’il faut aussi des producteurs pour faire un monde. Bousculée par le protectionnisme américain, la Commission vient de proposer un programme d’industrialisation zéro carbone. Huit secteurs prioritaires ont été retenus parmi lesquels les inévitables renouvelables électriques, mais aussi les pompes à chaleur et la géothermie, les électrolyseurs et les piles à combustible, les réseaux, le captage du carbone. Pas le nucléaire, hélas, l’ostracisme continue, sauf pour des réacteurs futurs virtuels. À condition d’être mis en œuvre rapidement, le sursaut européen est salutaire. Toutefois si l’objectif est la décarbonation, l’Union doit laisser les États membres libres de leurs choix techniques et non choisir à leur place. Jusqu’où faut-il accepter les partis pris de la Commission et de ses actes délégués ?

Berlin envisage de passer une importante de commande de chars Leopard 2A8 auprès de Krauss-Maffei Wegmann

Berlin envisage de passer une importante de commande de chars Leopard 2A8 auprès de Krauss-Maffei Wegmann

https://www.opex360.com/2023/04/14/berlin-envisage-de-passer-une-importante-de-commande-de-chars-leopard-2a8-aupres-de-krauss-maffei-wegmann/

Pour rappel, ce projet sous direction allemande est bloqué à la phase d’architecture dite SADS Part 1, lancée en 2020. Et cela en raison de désaccords sur les choix technologiques et le partage des tâches entre les industriels concernés. En outre, l’arrivée du groupe Rheinmetall dans ce programme, imposée par la partie allemande, a bousculé les équilibres dans la mesure où la co-entreprise KDNS, formée par Nexter et Krauss-Maffei Wegmann, devait initialement tenir un rôle prépondérant.

En tout cas, M. Lecornu a raison d’être inquiet… Selon l’édition allemande du magazine Capital, un rapport confidentiel remis à la commission du Budget du Bundestag [chambre basse du Parlement allemand, nldr], estimerait que l’objectif de voir se concrétiser le MGCS d’ici 2035 « n’est plus réalisable ». Et d’avancer que les « questions précédemment controversées » ne pouvaient « toujours pas être réglées », notamment dans quatre des huits « domaines technologiques » cruciaux, à commencer par celui de l’armement du futur char.

Quoi qu’il en soit, ce rapport fait écho aux propos qu’ont pu récemment tenir des sources industrielles allemandes et dont l’hebdomadaire économique « Wirtschaft Woche » s’est fait l’écho. Ainsi, pour celles-ci, le développement d’un nouveau char n’est pas une priorité dans la mesure où, actuellement, le Leopard 2A7+ engrange les commandes et qu’il a du potentiel pour évoluer.

« Le Leopard 2 restera probablement un produit de choix pendant un certain temps », a même estimé Susanne Wiegand, la Pdg du groupe Renk, qui produits certains composants du char allemand. Pour autant, cela n’empêcherait pas la poursuite du programme MGCS, le char de combat ne devant être qu’un « système » parmi d’autres [robots, drones, capteurs, etc].

Un autre signe peu encourageant pour l’avenir de ce char franco-allemand du « futur » est la commande qu’envisage de notifier Berlin à Krauss-Maffei Wegmann.

Ainsi, d’après des informations d’Europäische Sicherheit & Technik [ESUT], les 18 Leopard 2A6 cédés par la Bundeswehr à l’armée ukrainienne devraient être remplacés par autant de Leopard 2A8 [et non des Leopard 2A7+ comme précédemment avancé], via un accord-cadre contenant des « options pour la livraison d’un nombre à trois chiffres de chars de combat du même type ».

« Pour la première fois depuis 1992, […] la Bundeswehr recevra des chars de combat entièrement nouveaux à partir du milieu des années 2020 », avance ESUT.

Doté d’une nouvelle motorisation et de systèmes de protection active, ce Leopard 2A8 sera développé à partir du Leopard 2A7HU, commandé à 44 exemplaires par la Hongrie en 2018. Il devrait servir de marche-pied version plus évoluée.

Évidemment, et si cette orientation se confirme, le projet de char franco-allemand n’aura d’intérêt que pour Paris… qui devra alors trouver une autre solution pour le remplacement de ses Leclerc, dont 160 [sur 200 initialement prévus] seront revalorisés d’ici 2030. Par ailleurs, Rheinmetall en sera aussi pour ses frais avec son KF-51 « Panther », dévoilé l’an passé, lors du salon EuroSatory. De même que le démonstrateur E-MBT, développé conjointement par Nexter et Krauss-Maffei Wegmann.

Pour forger les armes de la France… OTAN ou UE ? Dissolvant ou durcisseur ?

Pour forger les armes de la France… OTAN ou UE ? Dissolvant ou durcisseur ?


Se pose aujourd’hui la question de l’adaptation de notre outil de défense aux exigences de la nouvelle donne introduite par la révolution géopolitique générée par le conflit en Ukraine. Comme nous en abjure le GCA (2S) Jean-Tristan Verna, ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain en répondant sans analyse sérieuse aux injections multiples qui viendraient de l’OTAN, de l’UE ou d’ailleurs. Notre outil de constitution capacitaire est tout à fait apte à répondre en liaison avec nos alliés aux défis qui se lèvent.

***

Trente ans après la fin de la guerre froide, la crise russo-ukrainienne réinvente une confrontation géopolitique en Europe. L’Union européenne se découvre à ses frontières non plus seulement des partenaires économiques, mais un véritable ennemi politique agressif, tandis que l’Alliance atlantique et son bras armée, l’OTAN, voient ressusciter celui qui fut à ses origines, il y a trois quarts de siècle.

Le traitement collectif de la crise est-orientale aux niveaux politique et économique, tant par l’UE que par l’Alliance atlantique, pousse à une approche tout aussi collective de la réponse sécuritaire, immédiate au travers de l’aide apportée à l’Ukraine, à plus long terme par la réévaluation des politiques de défense en Europe et des moyens à leur consacrer.

Sous réserve qu’un épuisement médiatique et émotionnel ne renvoie la guerre sur le flanc Est de l’Union au statut d’une crise endémique aux seuls inconvénients économiques, sous réserve que le fragile consensus national américain sur cette crise ne s’effondre pas sous le coup des fractures qui lézardent le corps social du leader de l’Alliance, il y a fort à parier que le développement de la défense européenne et le renforcement des capacités de l’OTAN seront au cœur du débat sur la défense en France, au moment où s’énonce une nouvelle « Revue nationale stratégique » et s’annonce une nouvelle loi de programmation militaire.

Des voix s’élèveront pour donner au processus de constitution des capacités des armées françaises une teinture plus européenne pour certains, plus otanienne pour d’autres. Ces « teintures » pourront aller jusqu’à la volonté de mutualiser, non pas des capacités ― mutualisation déjà souvent dans les faits ―, mais le « développement capacitaire », sous ses volets programmatiques, financier et industriel. C’est une facilité financière souvent évoquée !

Le risque serait alors grand, et surtout paradoxal, que tout en refusant de jeter l’eau de l’autonomie stratégique nationale, l’on en jette le bébé de la capacité nationale de concevoir et forger « les armes de la France ».

Cette capacité fait volontiers l’objet de critiques mal fondées, ou plutôt fondées sur le travers national de l’autoflagellation, lui-même assis sur le manque de recul historique et l’absence de comparaison avec les nations équivalentes.

Mais en y regardant de plus près, que constate-t-on ?

Depuis une trentaine d’années, la France a consacré à sa défense moins de 2 % de sa création de richesse nationale mesurée par le PIB. Une partie de cet effort a été absorbée par la professionnalisation des armées, les restructurations qui l’ont accompagnée et la réintégration dans les structures militaires de l’OTAN.

Sous l’autorité de quatre présidents de la République et avec plusieurs changements de majorité parlementaire, la période a connu deux livres blancs, quelques « réévaluations stratégiques » et cinq lois de programmation, autant de « bégaiements » politiques, caractéristiques précieuses d’une démocratie.

Pour les armées françaises, ces décennies ont été de plus une succession et une superposition ininterrompues d’engagements opérationnels particulièrement exigeants pour les militaires et leurs familles, les matériels, le système logistique et le budget.

Malgré ces efforts d’organisation et cette respiration démocratique, et alors que les armées britanniques sont réputées toujours épuisées par leurs engagements en Irak et Afghanistan, accumulant réformes jamais terminées et programmes d’armement en déshérence, alors que de l’aveu même de leurs chefs les armées allemandes se déclarent en 2022 incapables de faire face à toute menace d’une certaine importance, notamment en raison de l’état de leurs parcs d’équipement, la France a lancé et réalisé avec succès le double défi du renouvellement des moyens de sa dissuasion nucléaire ― capacité complète autonome unique en Europe ― et la modernisation d’ensemble des équipements conventionnels des trois armées et de ses capacités spatiales, ainsi que la montée en puissance de sa composante cyber.

Bien évidemment tout n’est pas parfait.

Le tournant des drones a été manqué ; de concert avec le retard de certains programmes majeurs, il a contraint à déverser plusieurs milliards d’euro sur l’industrie aéronautique américaine. Mais ― Ukraine aidant ― la barre se redresse pour les drones, et l’A400M Atlas ― puisqu’il s’agit de lui ― a atteint sa maturité. Dans trente ans, les officiers qui le piloteront (ils sont aujourd’hui en classe maternelle ou primaire !) n’auront même pas conscience de ses défauts de jeunesse… comme de ceux du Transall en son temps !

En outre, la volonté de bien équiper les armées a conduit à tirer au plus juste les stocks de munitions et de rechanges, tout comme elle a souvent fait du budget d’entraînement une variable d’ajustement dont seuls les états-majors étaient vraiment conscients.

Cependant les questions logistiques sont-elles vraiment vitales ? La France, en quelques mois, a mis en place des chaînes industrielles de vaccins et de médicaments, tout comme elle construit d’arrache-pied des méga-usines de batteries pour l’industrie automobile ; elle saura rapidement relancer ses fabrications de munitions et de pièces de rechange, sous réserve d’avoir accès aux matières premières et à la main d’œuvre qualifiée. Ce n’est en réalité qu’une question d’argent et surtout d’acceptation de voir des stocks coûteux immobilisés, gérés et entretenus, la même affaire que pour les masques chirurgicaux !

Le système français de production des capacités militaires est donc tout à la fois efficace car il équipe les forces avec les matériels dont elles estiment avoir besoin, et efficient puisqu’il atteint ces objectifs avec un prélèvement raisonnable sur la richesse nationale et en respectant globalement les délais attendus[1].

Ce résultat n’est pas dû au hasard. Il trouve ses origines dans la bonne répartition des rôles au sein des armées, entre les états-majors et la direction générale pour l’armement, dans l’existence d’une base industrielle solide et organisée, dans un processus interministériel d’arbitrage financier qui se concrétise par une programmation militaire robuste. Ce monde n’est pas celui des « Bisounours ». Les confrontations et les débats y sont intenses, les compromis y sont quotidiens, les « revoyures » font partie du jeu, mais les impasses et les blocages totaux ne durent jamais bien longtemps.

Ce résultat n’est pas pour autant garanti sans une attention de tous les instants, et les pertes de compétences peuvent survenir rapidement, comme ce fut le cas dans les domaines de l’armement individuel, ou de certaines munitions. Mais, malgré les turbulences économiques et techniques des trente dernières années, le « système français de production des capacités militaires » a évité la perte de compétence systémique dont on taxe parfois le nucléaire civil.

Aussi, dans un moment où bien des regards sont tentés de se tourner vers l’OTAN ou les processus européens pour contribuer au renforcement de notre défense, il ne paraît pas illégitime de poser quelques questions.

Quels effets produirait l’introduction dans le système français de développement capacitaire de nouveaux besoins communs, de nouvelles procédures partagées, de nouvelles coopérations ?

Quelles en seraient les conséquences sur chacune des composantes de notre système : l’appareil militaro-technique, qui au sein du ministère des armées établit les compromis débouchant sur un « référentiel de programmation »partagé, la mécanique budgétaire de programmation pluriannuelle des investissements, la complétude de la base industrielle, dont il ne faut pas oublier qu’une de ses finalités historiques est de garantir la souveraineté nationale en matière de capacités nucléaires ?

Et en fin de compte, comment maîtriser les risques que pourrait faire peser sur l’efficacité et l’efficience de notre système l’arrivée massive d’injonctions extranationales ou de rêves de partage supranational des responsabilités en matière de constitution des capacités militaires ?

Abordons ces questions successivement sous le regard de l’OTAN et l’approche européenne, en insistant sur cette seconde.

L’OTAN n’est pas une « terra incognita ». En dépit de la rupture gaullienne de 1966, les liens techniques n’ont jamais été rompus. Hors nucléaire, en matière d’interopérabilité des matériels et des procédures opérationnelles, la France ― troisième contributeur budgétaire de l’organisation[2] ― n’a toujours produit que des équipements « NATO compatible », au fil des « STANAG »[3] à l’élaboration desquels elle participe en continu[4].

Il n’y a donc aucune urgence à aligner nos équipements et les processus qui les produisent sur ceux de l’OTAN, même si le recours à certaines agences de l’organisation, notamment pour la logistique, peut être une facilité courante, bien qu’au demeurant peu appréciée par nos vestales du code des marchés publics.

Évidemment, dans toute alliance entre « inégaux », il y a la tentation pour le dominant de promouvoir ses produits, étape ultime de la standardisation. Mais force est de constater que les nations européennes membres de l’OTAN et disposant d’une longue et forte tradition d’industrie de défense, y ont résisté depuis les débuts. Même l’Allemagne, intégrée dans les années 50, a su reconstituer sa base industrielle de défense nationale détruite en 1945, sauf dans le domaine aéronautique, ce qu’elle vise à faire désormais[5]. Seuls les nouveaux entrants d’Europe orientale n’ont pu faire ce choix, leur industrie ayant été désarticulée dans l’intégration horizontale pilotée par l’URSS.

Ainsi au sein de l’OTAN, si les échanges techniques sont la règle, c’est le rapport de force industriel qui compte. Celui qui dispose d’une capacité globale de conception, de production et de soutien de matériels performants est respecté, comme l’est par ailleurs son autonomie d’emploi de ses équipements, ce qui n’est pas le cas pour les équipements venus des États-Unis, comme nous l’avons vu lors de certains engagements récents des forces françaises.

Alliance opérationnelle par excellence, l’OTAN attend donc avant tout de ses membres qu’ils soient capables de déployer hommes équipés et états-majors qualifiés. La rationalisation des équipements n’est pas le sujet, dès lors qu’ils sont « aux normes ».

Avec l’Europe, la donne est différente. Dès les fonts baptismaux, la Communauté, aujourd’hui l’Union, s’est fixé pour tâche d’unifier les pratiques et leurs produits, dans les domaines que les membres lui avaient confiés. Une vision légitime dans la mesure où l’objectif fondamental de la construction européenne fut, et reste, d’assurer « paix et bien-être » sur un continent passé par deux catastrophes internes au cours du XXe siècle, du fait de nationalismes exacerbés.

Longtemps absent des préoccupations communes, le domaine des capacités militaires s’y est introduit progressivement, et prend désormais ― guerre d’Ukraine aidant ― une place bien visible.

Au-delà des instruments récemment mis en place pour compenser par de l’argent commun les efforts réalisés par des États membres qui livrent des matériels à l’Ukraine, l’UE suit deux objectifs, affirmés de longue date : par l’harmonisation des besoins, aller vers une réduction du nombre de matériels d’un même type (trop de chars, d’avions, etc… différents au sein de l’UE) et réaliser une concentration de l’industrie de défense européenne, mettant fin à sa dispersion pour créer une base industrielle de défense européenne cohérente, sans pour autant supprimer une certaine concurrence[6].

Depuis la création de l’Agence européenne de défense (AED) en 2004, le premier objectif a fait l’objet de multiples travaux auxquels les nations ont contribué, sans grand succès. Pour ne parler que du domaine terrestre, les projets communs de blindé, engin d’infanterie, « soldat du futur » se sont enlisés au fil de multiples sessions bruxelloises, faute d’un consensus sur les « caractéristiques militaires ». Mais au-delà des seules caractéristiques militaires, ces travaux auxquels les industries nationales étaient parties prenantes, ont anticipé, comme toujours, les questions ultra sensibles de propriété et charge industrielles.

Car le second objectif, la concentration industrielle, reste un vœu pieu après plus de vingt ans de rapports de parlementaires et d’experts. Les industries de défense nationales, fruits des guerres européennes du siècle passé, ne peuvent pas être restructurées de la façon autoritaire dont le Département de la défense américain usa à la fin de la guerre froide, d’autant que la réduction des commandes qu’annonçait cette « fin de l’histoire » constituait en soi une incitation à la rationalisation industrielle.

Aujourd’hui, « la guerre de haute intensité » est aux portes de l’Europe heureuse et insouciante. Elle entraîne hausse des budgets, relance de certaines fabrications, accélération de quelques programmes et ouverture de nouveaux marchés moins sulfureux que ceux situés à l’Est de Suez. Dans ce contexte nouveau, qui voudra renoncer à sa capacité nationale de conception et de production, s’il en possède une ?[7]

Que propose réellement l’Europe aujourd’hui ?

Tout d’abord des volumes financiers très modestes dans l’absolu, qui ne constituent en rien une alternative, ni même un appui aux besoins de financement de la prochaine LPM française.

Le fonds européen de défense (FED) est doté de 8 milliards d’euros sur la période 2021-2027. En 2022, une allocation de 924 millions a été libérée au profit de 33 projets.

Sur la même période 2021-2027, le programme d’innovation EUDIS finance pour 2 milliards de projets innovants, dont 74 % à provenir du FED[8].
Le mécanisme EDIRPA[9], lancé en 2022 dans l’urgence de la guerre en Ukraine et dans une vision de court terme, est doté de 500 millions sur 2022-2024.

Les injonctions, y compris venant de la Cour des comptes, de profiter de cette « manne européenne » doivent donc être relativisées, en regard de la faiblesse des montants annoncés rapportée à la durée de leur période d’écoulement[10].

Ensuite, ces financements constituent des incitations à la présentation de besoins communs à plusieurs pays (au minimum trois pour EDIRPA), portés par des consortiums industriels issus de ces pays, toujours avec en tête les deux objectifs cités plus haut. Bien que confrontés à un niveau de complexité bureaucratique moindre, les programmes franco-allemands qui défraient actuellement la chronique fournissent un exemple frappant de ces « mirages industriels » rêvés[11]

Enfin, même si la réalité ne rejoint pas forcément les intentions, les démarches européennes font la part belle à la promotion des PME, voire des start-up, au sein de la base industrielle souhaitée. Or, force est de constater que ce segment de la chaîne de valeur de l’industrie de défense en est le plus fragile. Certes, il est réputé « agile et créatif », mais ses limites capitalistiques, sa faible puissance dans le domaine des approvisionnements et la volatilité de sa ressource humaine en font surtout, soit une proie pour les intégrateurs, soit une charge rapidement incompatible avec les règles commerciales pour les donneurs d’ordre étatiques. Dans les deux hypothèses, un gaspillage d’énergie !

Les initiatives européennes en matière de défense et leur accélération récente, constituent une réelle avancée politique et doivent être soutenues dans cet esprit, y compris pour faciliter la prise de conscience de la situation sécuritaire du continent par les opinions publiques, tout en accrochant à la dynamique européenne certains pays membres dont le tropisme otanien les pousse naturellement dans les bras de l’industrie américaine. Mais, pour le développement capacitaire des armées françaises, elles n’apporteront rien de disruptif, tout au plus permettent-elles de mutualiser certains efforts de recherche fondamentale ou appliquée dont on verra bien ensuite, et avec quelles difficultés, leurs résultats pourront être transférés dans l’activité industrielle productive, forcément nationale[12].

Pour répondre de façon synthétique aux questions posées en tête de ce développement, une réflexion préalable s’impose : contrairement aux instances qui traitent de défense à Bruxelles, l’OTAN, « attelage entre inégaux », a bâti en près de 75 ans des normes qui laissent ensuite l’excellence technologique et industrielle établir la hiérarchie entre ses membres. Les États-Unis en sont le principal bénéficiaire, mais, qu’elle l’ait fait isolément après 1966 en s’appuyant sur la dynamique de la dissuasion nucléaire, ou en renforçant sa coopération avec l’organisation au tournant des années 2000, la France a gagné sa place dans le peloton de tête de l’OTAN, d’autant que les performances de son industrie viennent en complément de son fort et efficace engagement dans les activités opérationnelles de l’organisation. Sous le parapluie de l’OTAN, les processus capacitaires nationaux restent libres… sous réserve d’être forts ! La preuve en est que la seule injonction de l’OTAN est un niveau de dépense, tant global (2 % du PIB) que pour l’équipement (20 % des budgets nationaux, un seuil largement dépassé par la France).

Il en va autrement avec l’Europe de la défense. Démarche de montée en puissance, elle reste fidèle au principe de l’intégration horizontale de tous ses membres, avec une prime à ceux qui présentent des faiblesses structurelles. Les acquis antérieurs des membres fondateurs, ou fortement engagés dans le domaine de la défense, seront volontiers qualifiés « d’arrogance », et traités sur le même plan que des projets plus fragiles mais respectant la dynamique instituée à Bruxelles : des appels à projets ex nihilo privilégiant la constitution de consortium industriels sans historique significatif. L’éviction de MBDA du projet HYDEF (concernant les missiles hypervéloces) au profit d’un industriel espagnol peu connu, est illustratif. Pourtant, MBDA n’était-elle pas une entreprise multinationale au sein de laquelle trois pays européens avaient concentré toute l’excellence dans le domaine des missiles ?

Si la constitution d’une base industrielle européenne impose de ruiner ce qui a été réalisé dans le passé, le jeu n’en vaut peut-être pas la chandelle.

D’autant que la gouvernance industrielle et politique de ces projets risque de devenir ensuite un exercice bien plus risqué, c’est-à-dire long et compliqué, que celui qui caractérise la conduite des projets confiés à l’OCCAR, ce qui est peu dire.

Sous l’égide de l’Europe, les processus capacitaires robustes structurés de longue date par la France, entreraient dans une zone de turbulence, pour des fruits dont le contour reste aléatoire.

S’il s’agit de mettre en place des mécanismes financiers permettant, dans le contexte de la guerre sur le flanc Est ― et sans doute de ses suites ― d’organiser de façon plus rationnelle l’approvisionnement de l’Ukraine, il n’y a pas d’hésitation à avoir.

S’il s’agit de donner une impulsion à la recherche fondamentale de défense, avec le but de mieux structurer les capacités de développement face à la concurrence non seulement des États-Unis, mais de challengers asiatiques, pourquoi pas, à condition que les avancées réalisées le soient à un coût très marginal par rapport aux besoins du développement capacitaire de moyen terme et que leur « ruissellement » vers l’industrie ne s’apparente pas un nouveau « travail d’Hercule » épuisant.

S’il s’agit plutôt de bâtir une nouvelle architecture administrativo-industrielle dans le but d’uniformiser et rationaliser les capacités de défense européenne, nous sommes alors dans une vision potentiellement destructrice pour notre système de développement capacitaire, dans ses processus d’élaboration des besoins, d’arbitrage financier et de préservation d’une base industrielle nationale pérenne. Faut-il prendre ce risque à un moment où, en mettant en exergue l’impératif de « souveraineté » dans un contexte « d’économie de guerre permanente », la Revue nationale stratégique pose des défis qui, outre de l’argent, vont demander une forte robustesse à notre système national de constitution et d’entretien des capacités militaires ?


  1. Une efficience sous-estimée puisqu’en réalité 48 % de la dépense budgétaire en matière d’équipement revient en moins de deux ans dans les caisses de l’État sous la forme, principalement, de rentrées fiscales (Jean-Michel Oudot, « L’effort d’équipement de défense, un coût net modéré pour l’État », EcoDef n°9, avril 2017 – Observatoire économique de la Défense).
  2. Contributions au budget de l’OTAN. États-Unis : 22,14 % ; Allemagne : 14,65 % ; France : 10,63 % soit 5 % du budget de l’OTAN ; Royaume Uni : 9,85 % ; Italie : 8,41 % (site du MAE – France diplomatie, octobre 2022).
  3. Pour « standardization agreement », « accord de standardisation » en bon français.
  4. L’OTAN ne possède en propre qu’une flotte d’avions de surveillance avancée, qu’elle tend à renforcer avec l’acquisition d’une flotte de drones Global Hawk.
  5. Les difficultés que vit le programme franco-allemand SCAF, concomitantes de la décision d’acquérir des F-35 pour la mission nucléaire de l’OTAN, sont moins une illustration de la volonté allemande « d’acheter américain » que de celle de reconstruire une autonomie en matière de construction aéronautique militaire. Le musée Messerschmitt de Manching, en Bavière, se visite en même temps que l’usine d’Airbus Defence & Space où il est implanté… On y offre volontiers aux Français un pin’s du Messerschmitt 109.
  6. Et sans s’interdire, d’une autre main, de menacer l’industrie de défense de la placer sur une liste noire en matière d’investissement.
  7. La demande, portée par l’Allemagne, d’un règlement européen supranational en matière d’exportation doit être suivie avec attention et prudence !
  8. Même s’il fait l’objet de quelques « bourrages », le budget de l’Agence (française) d’innovation de la défense est de 1 (un) milliard par an, avec une programmation assurée sur 5 années glissantes.
  9. European Defence Industry Reinforcement Through Common Procurement Act.
  10. Sur une période équivalente, la France vient de dépenser près de 200 milliards pour sa défense dans le cadre de l’actuelle LPM, dont près de la moitié en investissements. Elle en fera un peu plus durant la prochaine LPM, ce qui donne leur vraie valeur relative aux 100 milliards sur cinq ans votés à l’été 2022 en Allemagne, au-delà du « choc » provoqué par cette annonce !
  11. La création d’EADS, devenu Airbus, relève d’un « miracle » politico-industriel daté dans son époque. En dépit de son « D », ce sont des aspects civils qui furent les plus incitatifs face à Boeing. Sa reproduction paraît peu probable dans l’époque actuelle, et pour le seul domaine de la défense.
  12. Par exemple, l’ONERA, avec d’autres organismes de recherche européens, participe au projet AMALIA de l’AED pour l’amélioration et l’allègement de la protection des engins blindés, projet piloté par l’italien RINA. En n’oubliant pas qu’avec l’Institut Saint Louis, la France et l’Allemagne se sont dotées de longue date d’une structure très performante de recherche fondamentale dans ces mêmes domaines…

La Chine ne considère pas la Commission européenne comme un interlocuteur géopolitique

La Chine ne considère pas la Commission européenne comme un interlocuteur géopolitique

 

par Samuel Furfari – Revue Conflits – publié le 11 avril 2023


Mais pourquoi donc Ursula von der Leyen a-t-elle accepté d’aller avec Emmanuel Macron en Chine ? Cela n’a rien arrangé ni pour l’Ukraine ni pour Taïwan. Mais les émissions de CO₂ de la Chine augmenteront encore et l’UE restera la dernière à rêver à la décarbonation.

Mon directeur général avait l’habitude de dire que pour réussir, il faut savoir s’entourer. C’est ce qu’il a fait de manière extraordinaire. Sans conseillers qui ont des idées originales et sages et qui ne sont pas des « béni-oui-oui », il est difficile de naviguer dans un monde de plus en plus complexe. La récente visite d’Ursula von der Leyen en Chine en est la preuve. Mais qui a conseillé à la présidente de la Commission européenne de se rendre à Pékin pour accompagner Emmanuel Macron lors de sa visite d’État ?

Il est vrai qu’Ursula von der Leyen est une obligée d’Emmanuel Macron, car c’est lui qui, dans un grand marchandage avec Angela Merkel, a permis à ses élus au Parlement européen de voter en faveur de cette Allemande en échange du contrôle de la Banque européenne par la Française Christine Lagarde.

Il est vrai que Macron voulait montrer l’unité de l’UE en accueillant dans son apanage une personnalité aussi importante… dans l’UE. Il avait souhaité se rendre en Chine avec Olaf Scholz pour montrer l’unité de l’UE, mais le chancelier allemand a préféré y aller seul en novembre 2022, ce qui a agacé Paris. Le président français a donc fait preuve d’unité, mais on ne peut pas dire que cela ait amélioré l’image de la Commission européenne. L’institution bruxelloise devra analyser ce qui s’est passé avant d’accepter de poursuivre les visites conjointes.

Des raisons d’espérer

Il est vrai que c’était l’occasion de célébrer le 20e anniversaire du partenariat stratégique global entre la Chine et l’UE. Le développement équilibré des relations commerciales entre la Chine et l’UE devrait profiter aux deux parties et, comme le disait Montesquieu, le commerce est censé contribuer à la paix et à la stabilité dans le monde. Nous avons pris un bon départ, mais la montée en puissance de la Chine et la faiblesse économique croissante de l’UE due à une décarbonisation coûteuse suscitent aujourd’hui plus de doutes que de satisfaction.

Quelques jours après la visite du président de la Commission européenne, les discussions avec l’UE se poursuivront en Chine du 13 au 15 avril avec Josep Borrell, le haut représentant de l’UE pour les affaires étrangères. M. Macron s’est rendu à Pékin avec une délégation commerciale, comme l’avait fait avant lui le président allemand Olaf Scholz. Le 31 mars, c’était au tour de Pedro Sánchez, le Premier ministre espagnol, qui se réjouissait, entre autres, d’avoir signé un accord pour exporter vers la Chine 50 000 t d’amandes… Puisque, qu’on le veuille ou non, c’est la meilleure façon de faire des affaires avec la Chine, Mme von der Leyen ne peut pas, contrairement à son pays ou à la France, être accompagnée d’industriels.

Il est vrai aussi que dans son premier discours de présidente, Mme von der Leyen a déclaré que « sa Commission » serait géopolitique et qu’il fallait donc s’attendre à ce que la Commission européenne soit de plus en plus visible dans le monde. C’est pourquoi on la voit de plus en plus souvent aux côtés du secrétaire général de l’OTAN, une nouveauté pour Bruxelles-Strasbourg.

Mais aussi parce que, quelques jours avant son voyage, elle a eu des mots forts à l’égard de la Chine, la qualifiant de « répressive » en matière de droits de l’homme (« L’escalade à laquelle nous assistons indique que la Chine devient plus répressive à l’intérieur et plus affirmée à l’extérieur »). Cela expliquerait pourquoi Xi Jinping ne lui a pas accordé les mêmes honneurs que ceux qu’il a réservés au président français. Elle n’a pas été invitée au dîner d’État en l’honneur du prestigieux hôte, elle n’a pas tenu de conférence de presse avec le président chinois, elle a rencontré la presse au bureau de représentation de l’UE à Pékin. Le message clair est que Pékin ne considère pas l’UE comme un interlocuteur géopolitique mondial. C’est regrettable, car la Commission européenne est la principale institution européenne, le cœur de l’UE.

Décarbonation ? Sérieusement ?

À sa descente d’avion à Pékin, Emmanuel Macron a été accueilli sur un tapis rouge par le ministre chinois des Affaires étrangères, Qin Gang, un haut responsable et proche collaborateur de Xi Jinping. Mme Von der Leyen, partisane de la décarbonisation, a été accueillie à la sortie habituelle des passagers par le ministre de l’Écologie Huang Runqiu. Après tout, c’est logique. Dans le discours qu’elle a prononcé avant son départ, la présidente de la Commission européenne a déclaré qu’elle avait l’intention de travailler avec la Chine « dans la perspective de la COP28 ». Pékin montre ainsi à l’UE qu’elle sait que sa raison d’être aujourd’hui n’est pas la géopolitique, mais rien d’autre qu’une volonté de doper les énergies renouvelables intermittentes et variables, d’ostraciser le nucléaire alors que la Chine pousse l’innovation dans de nouveaux réacteurs nucléaires et a construit une centaine de centrales à charbon en 2022.

La Chine a vu ses émissions de CO₂ augmenter de 311 % depuis que l’ONU s’est engagée à les réduire. En pénalisant son économie, l’UE a réussi à réduire ses émissions de 23 % au cours de la même période, mais à quel prix ! La Chine représente un cinquième du trafic aérien mondial et connaît une croissance de plus de 5 % par an. Airbus estime que le marché chinois aura besoin de 8 500 avions au cours des 20 prochaines années. Tout cela augmentera encore et encore les émissions mondiales de CO₂ parce que les électro-carburants sont un artifice scientifique inventé par les députés européens. C’est pourquoi c’est un grand succès pour la France d’avoir vendu 292 A320 en 2022 et 40 A320. L’agence publique, qui achète des avions pour le compte des compagnies aériennes locales, s’est engagée à commander 160 avions Airbus (150 A320 et 10 A350). Airbus pourra doubler sa capacité de production d’avions en Chine grâce à la construction d’une deuxième ligne d’assemblage dans son usine de Tianjin, près de Pékin. La France montre ainsi sa confiance dans la coopération avec l’économie chinoise et démontre qu’elle ne suit pas l’approche anti-chinoise des États-Unis.

On est loin des discours sur la réduction des émissions de CO₂.

Taïwan versus Ukraine

Comme on pouvait s’y attendre, M. Macron et Mme von der Leyen ont tous deux appelé Xi Jinping à mettre à profit ses relations avec Vladimir Poutine pour tenter de mettre fin à la guerre. Après la visite très amicale de Xi Jinping à Moscou il y a quelques jours, il aurait été exagéré de s’attendre à une condamnation russe. Au contraire, quelques jours plus tard — le 10 avril — une déclaration de la Chine n’augurait rien de bon : tout en feignant une fermeture de l’île de ce qu’elle considère toujours comme l’une de ses provinces, Pékin a déclaré que « l’indépendance de Taïwan est incompatible avec la paix« . Message à l’OTAN : si vous voulez la paix en Ukraine, je peux discuter avec Vladimir Poutine, mais laissez-moi prendre Taïwan. La géopolitique mondiale est comme un énorme mobile suspendu dans l’Univers : vous lui donnez une chiquenaude et le mobile part dans toutes les directions.

D’un point de vue stratégique, Xi Jinping pourrait profiter de l’implication des États-Unis en Ukraine dans sa guerre par procuration avec la Russie pour tenter d’envahir Taïwan. Mais le coût en vies humaines et en relations diplomatiques serait bien plus élevé que celui payé par la Russie. L’invasion d’une île défendue est déjà compliquée, comme l’ont montré les difficultés de la Russie sur l’île des serpents en mer Noire, mais lorsqu’il s’agit de l’un des pays les plus modernes du monde, la tâche sera encore plus compliquée. Xi Jinping aurait assuré aux visiteurs européens qu’il serait prêt à appeler le président ukrainien Volodymyr Zelensky « lorsque le moment sera venu et que les conditions seront réunies ».

En fait, Pékin n’a aucun intérêt à précipiter l’aventure. La Chine a tout son temps, car tant que la guerre en Ukraine durera, les États-Unis, l’UE et la Russie se détruiront mutuellement. Dans cette gigantesque partie d’échecs pour la recomposition de l’ordre mondial, qui vont-ils mettre en échec ? Le manque de considération de la Chine à l’égard d’Ursula von der Leyen semble indiquer une réponse à cette question. Il est temps que l’UE comprenne qu’elle doit s’occuper du fonctionnement du marché commun et non du fonctionnement du monde, car les États membres ne le lui permettront pas. Nous étions pourtant si bien partis…

L’Europe part en recherche de munitions d’artillerie

L’Europe part en recherche de munitions d’artillerie

– Forces opérations Blog – publié le

Qui fournira rapidement des obus d’artillerie de 155 mm à 22 pays européens et à la Norvège ? C’est l’objet d’une demande d’informations (RFI) lancée fin mars par l’Agence européenne de défense (AED), premier jalon vers l’achat conjoint de munitions au profit des stocks nationaux et de l’Ukraine. 

Pas de temps à perdre pour les 24 nations désormais engagées dans une procédure d’acquisition rapide de munitions d’artillerie pilotée par l’AED. Le plan adopté le 20 mars vise en effet à fournir au moins un million de munitions aux forces ukrainiennes dans les 12 mois. Des munitions qu’il faudra en partie produire via l’enveloppe de 1 Md€ débloquée le mois dernier pour réaliser des achats groupés synonymes d’économies d’échelle.

Active jusqu’au 17 avril, cette RFI doit participer à établir un panorama précis des capacités européennes de production. Nul appel d’offres pour l’instant donc, mais plutôt une analyse des marchés européen et norvégien afin d’identifier les industriels susceptibles de participer à l’effort.

Les capacités de l’outil industriel, l’historique des fournitures, la chaîne de sous-traitance, la conformité au Joint Ballistic Memorandum of Understanding (JMBOU) et à d’autres standards OTAN sont scrutés, de même que l’activité au cours des trois dernières années.

La comptabilité avec certains systèmes d’artillerie est en toute logique étudiée de près. Seules quatre références, toutes fournies à l’Ukraine, sont citées : le PzH 2000 allemand, le CAESAR français, le Krab polonais et les Zuzana 2 et 2000 slovaques. Mais un élargissement à d’autres systèmes, tels que l’Archer et l’AS-90, n’est pas exclu.

Le tout permettra à l’EDA de se faire une idée de la solidité financière, du degré de souveraineté et de réactivité d’un fournisseur. La liste d’ « élus » qui en ressortira servira de base de travail pour entamer les négociations en vue de marchés attribués sans passer par une mise en concurrence.

Le retard pris par le futur char franco-allemand inquiète le ministère des Armées

Le retard pris par le futur char franco-allemand inquiète le ministère des Armées

 

https://www.opex360.com/2023/04/05/le-retard-pris-par-le-futur-char-franco-allemand-inquiete-le-ministere-des-armees/


« Ce serait une faute terrible à l’égard de nos armées de réduire l’entraînement et l’activité des forces. Et entre l’activité et lisser le pogramme SCORPION sur deux années de plus, mon choix est fait, même si, politiquement, c’est nettement plus facile de l’inverse », a en effet affirmé M. Lecornu.

Ce décalage du programme SCORPION devrait aussi permettre à l’armée de Terre de renforcer sa capacité de feux à longue portée, avec l’acquisition de 26 lance-roquettes multiples [LRM], soit 17 de plus qu’actuellement [il ne resterait plus que 9 Lance-roquettes unitaires sur 13 dans son inventaire, ce qui suggère que deux autres exemplaires ont été livrés à l’Ukraine…].

Toujours est-il que, en 2030, avec ce décalage, l’armée de Terre comptera 200 engins blindés de reconnaissance et de combat [EBRC] Jaguar sur 300 et 1345 véhicules blindés multi-rôles [VBMR] Griffon sur 1818. La situation du blindé Serval est particulière puisque si l’on considère le programme « Véhicule léger tactique polyvalent protégé », 1060 exemplaires doivent être livrés, en plus des 978 prévus au titre de Scorpion.

Enfin, et selon le rapport annexé, 160 chars Leclerc seront portés au standard XLR en 2030, sur les 200 annoncés. Normalement, et si l’on s’en tient aux prévisions faites il y a près de six ans, son successeur, issu du programme franco-allemand MGCS [Main Ground Combat System ou Système principal de combat terrestre], devrait être mis en service en 2035.

Or, si le Système de combat aérien du futur [SCAF], également mené dans le cadre d’une coopération avec l’Allemagne [et aussi avec l’Espagne], a enfin pu passer à l’étape suivante après des mois de discussions entre Dassault Aviation et Airbus, ce n’est pas le cas du MGCS, qui n’a pas encore dépassé la phase d’étude d’achitecture dite « SADS Part 1 ».

Initialement, la conduite de ce projet, assurée par Berlin, n’aurait pas dû poser de problème dans la mesure où le français Nexter et l’allemand Krauss-Maffei Wegmann [KMW] s’était associés à cette fin en créant la co-entreprise KNDS. Mais l’arrivé d’un troisième acteur, en l’occurrence Rheinmetall, a bousculé les équilibres.

Si les relations entre KMW et Rheinmetall sont plutôt fraîches, le quotidien Les Échos a récemment expliqué que l’industrie d’outre-Rhin est convaincue « d’avoir toutes les compétences nécessaires » pour réaliser le MGCS seule. Et la « guerre en Ukraine a conforté le sentiment que le français Nexter serait finalement le loup entré dans la bergerie allemande pour s’arroger son savoir-faire », écrit-il dans son édition du 20 mars dernier.

Enfin, cela vaut plutôt pour Rheinmetall qui, avec son nouveau char KF-51 « Panther », tente de torpiller le programme franco-allemand.

Reste que, même si les études se pousuivent dans le cadre de la phase SADS Part 1, le MGCS est embourbé et que l’horloge tourne. Et, à Paris, on commence à s’en inquiéter, comme l’a confié M. Lecornu aux députés.

« Je vois le programme [MGCS] prendre du retard et ça m’inquiéte. Je le dis devant vous avec beaucoup d’humilité, a-t-il dit, en répondant au député [RN] Christian Girard, lequel venait d’affirmer que l’industrie allemande cherchait à tirer de ces coopérations un « maximum d’avantages commerciaux ». « Ce que vous avez dit sur le MGCS, je ne le réfute pas complétement », a ajouté le ministre.

La semaine passée, dans les pages des Échos, M. Lecornu a indiqué qu’il rencontrerait prochainement son homologue allemand, Boris Pistorius, puour tenter de débloquer ce dossier. « Nous aurons besoin temporellement de la capacité qui succédera au char Leclerc […] entre 2035 et 2040. Il y a des enjeux de convergence technologique : je souhaite que le besoin militaire soit la base du cahier des charges industrielles, et non l’inverse. KNDS, entreprise franco-allemande, doit jouer un rôle central dans l’avenir du char de combat », a-t-il ajouté.