Selon la Cour des comptes, le ministère des Armées est celui qui a perdu le plus de postes en 2023

Selon la Cour des comptes, le ministère des Armées est celui qui a perdu le plus de postes en 2023

https://www.opex360.com/2024/04/23/selon-la-cour-des-comptes-le-ministere-des-armees-est-celui-qui-a-perdu-le-plus-de-postes-en-2023/


Ainsi, note le rapport, de « nombreux crédits ont fait l’objet de reports depuis 2022 et vers 2024 ». Par exemple, s’agissant du programme 178 « Préparation et emploi des forces », 2 milliards d’euros d’autorisations d’engagement ont été reportés à l’exercice 2024, en raison de « marchés de maintien en condition opérationnelle [MCO] dont la préparation connaît des difficultés »… Ce qui représente 7,4 % des ressources budgétaires de la loi de finances initiale [LFI].

Autre exemple : la Cour des comptes a peu goûté le fait que des crédits de paiement d’un montant de 1,6 milliard d’euros aient été l’objet « d’un gel immédiat » pour ensuite être reportés à 2024. En outre, l’enveloppe de 200 millions d’euros destinée au « fonds spécial pour l’équipement de l’Ukraine », votée en loi de finances rectificative pour 2022 puis « en loi de finances de fin de gestion pour 2023 avec l’objectif de les reporter respectivement aux exercices 2023 et 2024, plutôt qu’en lois de finances initiales pour ces exercices, constitue une autre entorse au principe d’annualité des crédits », a-t-elle relevé.

Enfin, s’agissant de la loi de finances de fin de gestion pour 2023, qui a ouvert 2,6 milliards d’euros d’autorisations d’engagement et 2,3 milliards d’euros de crédits de paiement, elle aurait permis de couvrir des « dépenses nouvelles à hauteur de 3,3 milliards d’autorisations d’engagement et de 3 milliards de crédits de paiement » ainsi que l’annulation de dépenses mises en réserve pour 700 millions d’autorisations d’engagement et 700 autres millions de crédits de paiement.

Parmi ces nouvelles dépenses, la Cour des comptes a relevé les surcoûts afférents au soutien à l’Ukraine « sous toutes ses formes » [déploiements militaires renforcés sur le flanc oriental de l’Otan , financement direct ou indirect de cessions d’équipement], un surcoût des opérations extérieures [pour 200 millions de plus par rapport à l’enveloppe initialement prévue] et les hausses du coût des carburants opérationnels à hauteur de 300 millions.

« L’ouverture de certains crédits, par cette loi, a été très tardive par rapport au fait générateur qui leur est associé : les déploiements militaires sur le flanc Est de l’Otan, soit 600 millions d’euros, connaissaient leur forme actuelle dès la préparation de la loi de finances initiale, à la mi-2022. Il en va de même pour les coûts du carburant opérationnel qui n’ont pas été ajustés, alors qu’ils avaient déjà occasionné un besoin de financement supplémentaire en 2022 », expliquent les magistrats de la rue Cambon.

Ceux-ci ont également pointé l’allocation de 1,5 milliard d’euros supplémentaires à la mission Défense, dans le cadre de la préparation de la Loi de programmation militaire [LPM] 2024-30. « En l’absence d’une loi de finances rectificative déposée en même temps que le projet de LPM, les évolutions des dépenses correspondantes ont donné lieu à un suivi spécifique pendant la majeure partie de l’exercice et ont contribué à contraindre son exécution », soulignent-ils.

Or, selon eux, de telles « pratiques semblent motivées par la volonté de présenter en loi de finances initiale des ouvertures de crédits conformes ‘à l’euro près’ à la programmation militaire ». Mais elles ont surtout « contribué à l’analyse de l’exécution budgétaire pour 2023 et à réduire l’information du Parlement ».

Sur ce point, le rapport déplore le fait que plusieurs indicateurs budgétaires – comme les reports de charge ou les restes à payer – ne soient plus communiqués aux parlementaires, qui, là encore, ne peuvent pas exercer leur mission de contrôle de manière efficace. Même chose pour les indicateurs mesurant l’activité opérationnelle, mis sous le boisseau pour des « raisons de confidentialité ». Pour la Cour des comptes, leur confidentialité « réduit significativement l’intérêt de la partie ‘performance’ » des « publications budgétaires pour le Parlement ».

Au-delà de ces pratiques comptables, le rapport a pointé une autre anomalie… Alors que, en 2023, le ministère des Armées devait créer un peu plus de 1500 postes, il en a finalement perdu… alors que les dépenses de personnel de l’ensemble des structures de l’État ont augmenté de 6 milliards d’euros [hors pensions], en partie à cause de l’augmentation de 1,5 % de la valeur du point d’indice, mais aussi et surtout au recrutement de nouveaux agents.

« Conformément aux priorités gouvernementales, les missions régaliennes devaient être fortement renforcées avec des effectifs en hausse au sein des ministères de l’Intérieur [+ 2978 ‘équivalents temps plein’ sur un effectif de 296’097 emplois], de la justice [+ 2253 ETP sur un effectif total de 92’753 emplois] et des Armées [+ 1500 dans le seul champ du ministère, hors service industriel de l’aéronautique », rappelle la Cour des comptes.

Si les ministères de l’Intérieur et de la Justice ont respecté leurs schémas d’emplois respectifs, ce n’est pas le cas de celui des Armées.

« Alors que le ministère des Armées prévoyait 1547 créations nettes de postes en LFI, l’année 2023 s’est finalement conclue par une baisse de – 2 515 ETP, s’imposant comme le premier ministère contributeur à la baisse des effectifs, contrairement à ce qui était prévu. À l’inverse, alors que la LFI prévoyait une création nette de 2000 postes au ministère de l’éducation nationale, ses effectifs ont crû de 6027 emplois en 2023, soit un écart au schéma d’emplois présenté en LFI 2023 de 4027 ETP », constate la Cour des comptes.

Pourtant, la « dynamique » des recrutements a été soutenue en 2023, avec « 27’164 entrées nouvelles externes ». Mais elle a toutefois été inférieure aux objectifs du ministère des Armées [avec un déficit de 1813 ETP]. Et cela d’autant plus que le rythme des départs n’a pas faibli, avec 25’309 « sorties » en 2023 qui sont venues s’ajouter aux 24’957 départs constatés en 2022. « Les départs sont à leur plus haut niveau depuis 2017 », note le rapport. En particulier chez les sous-officiers et les militaires du rang.

Photo : Ministère des armées

Une « commande globale » de PLFS et VLFS actée par les armées

Une « commande globale » de PLFS et VLFS actée par les armées

Screenshot
par – Forces opérations Blog – publié le

Le ministère des Armées a acté l’acquisition des dernières tranches de poids lourds et véhicules légers pour forces spéciales (PLFS/VLFS), une opération réalisée en 2023 au profit d’Arquus mais jusqu’à présent restée sous les radars. 

Exit les tranches annuelles, place à une « commande globale » pour faire progresser le programme « véhicules forces spéciales » (VFS), effort lancé en 2015 pour remotoriser les unités du Commandement des opérations spéciales (COS) et de la 11e brigade parachutiste (11e BP). Une manœuvre parmi d’autres mises en lumière par le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes pour 2023.

Notifiée « tardivement dans l’année », cette commande pour 96 PLFS et 136 VLFS résulte de la fusion des tranches planifiées de 2022 à 2024. De quoi atteindre dès à présent les cibles à terminaison de 151 PLFS et 206 VLFS, deux parcs rabotés en cours de route du fait de l’acquisition d’autres véhicules hors programme.

Ce regroupement, le ministère des Armées l’explique par « une recherche d’optimisation industrielle et financière du programme ». En résulte une hausse de près de 100 M€ des engagements en 2023, mais aussi un regain de visibilité pour les équipes du site limougeaud d’Arquus et la possibilité d’optimiser les commandes de pièces. 

Le sujet VFS subit cependant les aléas rencontrés dans la chaîne d’approvisionnement « à cause du contexte géopolitique ». Aucun des cinq VLFS et PLFS prévus l’an dernier n’a pu être livré. La réception du premier VLFS est désormais reportée à décembre prochain. 

Le déploiement dans les forces du PLFS « Grizzly », tous standards confondus, a quant à lui déjà démarré. Non prévue à l’origine, la réorientation de certains véhicules vers les régiments de la 11e BP s’est matérialisée à l’occasion du défilé militaire du 14 juillet. Premier bénéficiaire, le 1er régiment de hussards parachutistes avait alors descendu les Champs-Élysées au volant de trois exemplaires. 

Troisième volet du programme, la livraison de fardiers et de leurs remorques accuse elle aussi des retards justifiés par des « difficultés d’approvisionnement de certains composants ». Seuls 48 fardiers et six remorques auront pu être perçus sur les 60 et 34 exemplaires attendus.

Renforcement blindé

Renforcement blindé

Israeli soldiers carry heavy shells past battle tanks deployed at a position along the border with the Gaza Strip and southern Israel on December 31, 2023, amid the ongoing conflict between Israel and the militant group Hamas. (Photo by Menahem KAHANA / AFP)

par Blablachars – publié le 24 avril 2024

https://blablachars.blogspot.com/2024/04/renforcement-blinde.html


Après le 22 février 2022, plusieurs pays européens ont choisi de muscler leur composante blindée mécanisée en lançant des programmes (souvent ambitieux) de modernisation ou d’acquisition d’engins blindés, parmi lesquels l’achat de chars modernes figure en bonne place dans les différents processus en cours ou à venir. Cet engouement pour la “chose blindée” étant basée sur l’observation du conflit ukrainien et de la place tenue par les différents engins dans les opérations. Loin d’une Europe confrontée au retour de la guerre de haute intensité, un autre pays a également fait le choix de muscler sa composante blindée pour répondre aux menaces actuelles et futures. 

On a appris aujourd’hui que les Forces de Défense Israéliennes (FDI) avaient décidé d’augmenter le nombre de compagnies de chars dans chaque bataillon du Corps blindé. Cette décision semble être le résultat direct des enseignements tirés des opérations menées par Tsahal, depuis six mois dans la Bande de Gaza. Cette décision qui vise à augmenter le nombre d’unités blindées annule une décision prise il y a plus de dix ans, qui visait à réduire le nombre de chars dans l’armée israélienne. L’observation des engagements dans la bande de Gaza a confirmé l’utilité des chars dans la conduite des opérations en milieu urbain, au sein duquel les destructions contribuent à entraver l’action des engins. Les zones ouvertes hors des localités ont également permis aux chars de tirer le meilleur parti de leurs capacités de jour comme de nuit, comme ce fut le cas lors des premières incursions de Tsahal au mois d’octobre dernier. 

 

 Selon le Cne AMITAI, commandant une compagnie de chars au sein du 82ème Bataillon blindé “Gaash” appartenant à la 7ème Brigade blindée “Saar me-Golan, les véhicules blindés ont joué un rôle essentiel dans le conflit. Engagée aux côtés de la 188ème Brigade blindée “Barak” et de la 401ème Brigade blindée ” Ikvot HaBarzel” dans la Bande de Gaza, la 7ème Brigade blindée a été engagée le long du littoral afin de contrôler les accès sud et centre de la ville de Gaza, en vue de l’isoler. Pour l’officier israélien, les chars ont permis de protéger et de fournir des feux aux fantassins et sapeurs engagés en zone urbaine, tout en offrant une capacité de déplacement rapide en tout terrain. A la tête d’une compagnie de Merkava IV, le Cne AMITAI a évidemment souligné le rôle essentiel du système de protection active Trophy dans l’engagement des chars à Gaza, permettant de décupler l’efficacité des engins et de renforcer la confiance des équipages. Pour illustrer l’efficacité du Trophy, l’officier israélien évoque une embuscade au cours de laquelle le char du commandant de bataillon a été ciblé par deux missiles antichars, interceptés par le système de protection israélien, tout en permettant au char poursuivre son action. 

Jonathan SPYER, chercheur à l’Institut de stratégie et de sécurité de Jérusalem indique que les forces blindées ont joué un rôle central et vital dans les combats à Gaza menés au sein de dispositifs interarmes et que la décision de recréer les compagnies dissoutes s’inscrit dans le cadre de l’augmentation du budget de la défense qui devrait suivre la guerre. Selon le chercheur, l’augmentation de la capacité blindée de  Tsahal reflète l’idée selon laquelle les FDI doivent être équipées pour lutter contre des forces semi-régulières et régulières, perspective d’emploi qui qui crée des besoins différents et exige donc des moyens également différents de ceux liés aux opérations de contre-terrorisme ou de contre-insurrection.  

 

Cette augmentation de potentiel blindé, qui se traduit par la réactivation de compagnies de chars consiste à transformer la troisième compagnie de chars des bataillons blindés. Armée jusqu’à présent par des réservistes, cette unité devrait donc devenir une unité d’active, donnant aux bataillons une véritable troisième unité, dont les réservistes disponibles pourraient être engagés dans d’autres missions. Selon les FDI, trois compagnies ont déjà été réactivées au sein du 82eme, 52eme et 71ème Bataillon blindé, appartenant respectivement à la 7ème, 401ème et 188ème brigade, les prochaines pourraient l’être d’ici la fin de l’année. Cette remontée en puissance est en outre permise par l’afflux de volontaires pour servir au sein des unités blindées, avec un accroissement de 30% du volume de recrues au sein des brigades de chars par rapport aux années passées. Cette vague pourrait constituer le plus grand volume de recrutement du Corps blindé pour les prochaines années. La transformation en unités d’active des unités de chars de réserve souligne l’objectif affiché par les FDI de ne pas compter sur les réservistes pour la mise en œuvre de leurs blindés, dont plus de 300 000 furent rappelés au lendemain des attaques du 7 octobre. Selon le Times Of Israël, de nombreux réservistes ont manifesté leur volonté de ne pas rejoindre leur unité pour marquer leur opposition au projet de réforme du système judiciaire. En dépit de la signature par 6000 réservistes d’une déclaration affirmant leur engagement à servir le pays, il est probable que la décision de ne plus confier ces unités aux seuls réservistes, ne traduit pas uniquement le manque d’adaptation de l’armée israélienne à soutenir un conflit dans la durée, mais aussi la crainte de devoir composer avec d’éventuelles oppositions en cas de mobilisation massive. Avec ces nouvelles unités, Tsahal augmente donc sa capacité à occuper plus longtemps le terrain sans que cela ne se traduise par le rappel de réservistes supplémentaires ou par l’augmentation du nombre de chars en service. Au sein du 82ème bataillon blindé, la compagnie nouvellement créée sert sur des Merkava IV, à la différence des unités de réserve habituellement équipées de chars de versions plus anciennes, comme le Merkava III. Ce choix devrait donc se traduire par une plus grande homogénéité en matière de formation et d’entrainement, synonyme d’une efficacité accrue. 

 

Même si elle constitue l’un des volets d’une probable stratégie de contournement destinée à prévenir les problèmes liés au rappel des réservistes, la nouvelle organisation traduit surtout l’importance du char et des blindés dans la stratégie de Tsahal. Comme les pays européens concernés et à la différence de la France, l’armée israélienne reste convaincue de la polyvalence du char et de son utilité dans les différents conflits potentiels. Il est important de noter qu’au moment où plusieurs armées européennes se heurtent à des difficultés accrues de recrutement, Tsahal ne semble pas connaitre de problèmes pour armer ses unités blindées en raison de l’afflux de volontaires désireux de servir dans les chars. Cet afflux qui pourrait être également  lié à l’attitude de certains réservistes est probablement motivé par le côté technologique des engins utilisés ainsi que par la protection offerte aux équipages blindés, qui peuvent se sentir moins exposés que leurs camarades fantassins ou sapeurs. Cette opération, qui ne se limite pas à une simple manipulation RH souligne également l’importance de disposer d’unités de réserve équipées et spécialisées. Dans ce domaine, l’armée française a probablement raté une occasion au moment du retrait des AMX 30B2, qui aurait pu s’accompagner de la création d’escadrons de réserve au sein des Régiments de chars. Servis par des équipages de réserve (anciens d’active ou réservistes) suivant de véritables cycles d’entrainement et de contrôle, ces unités auraient pu contribuer de façon significative aux missions des régiments de chars auxquelles elles auraient été rattachées. En outre, on peut imaginer que ces unités auraient très certainement favorisé le recrutement de réservistes, attirés par ce métier et accru le rayonnement des régiments de chars. Au moment où la spécialisation des brigades revient à l’ordre du jour avec la création d’écoles de milieu au sein de la 9ème BIMa (Brigade d’Infanterie de Marine) et de la 11ème BP (Brigade Parachutiste), la constitution d’une véritable réserve blindée pourrait contribuer à confirmer la spécificité des brigades blindées et à renforcer leur attractivité, à défaut de créer une école de milieu blindé mécanisé.

L’année 2024 va être chargée en commémorations solennelles dans un contexte international de plus en plus instable.

L’année 2024 va être chargée en commémorations solennelles dans un contexte international de plus en plus instable.

ASAF – publié le 23 avril 2024

https://www.asafrance.fr/


Pourquoi commémorer le courage et l’abnégation de ceux qui ont débarqué en Normandie et en Provence il y a 80 ans, sinon pour les donner en exemple aux jeunes générations. Ce devoir de mémoire nous oblige puisque nous devons à ces soldats 80 années de paix sur le territoire métropolitain.

Pour autant, il ne faut pas occulter la guerre d’Indochine (1949/54) et les sacrifices de ces soldats d’autant plus qu’ils n’avaient guère le soutien de la population métropolitaine qui se remettait tout juste de la seconde guerre mondiale.

Le 7 mai prochain sera donc l’occasion de commémorer la chute de Dien Bien Phu qui marquera la fin de la guerre d’Indochine, scellée par les accords de Genève.

Mais qui se souvient des exploits du Bataillon français Monclar qui s’est illustré brillamment sous les couleurs de l’ONU pendant la guerre de Corée (1950-53), une guerre oubliée où plus de 3.400 soldats français ont été engagés et où 269 hommes y ont laissé leur vie et 1.350 blessés.

Sous les couleurs de l’ONU, ils se sont battus seulement pour l’honneur de la France.

Il paraît donc justifié que la mémoire collective se souvienne, au même titre que les précédents, de ces combattants français oubliés de l’Histoire dans cette guerre lointaine dans le temps et dans l’espace.

Justice a été partiellement rendue à cet oubli par la promotion de St Cyr (1984-87) qui a pris le nom de « Général Monclar ».

Ce qu’il faut retenir du courage et de la détermination de tous ces soldats, c’est la force morale dont ils ont fait preuve pour accomplir une mission loin de la Mère-Patrie et pour une cause qui n’était pas la leur.

Ils ont accompli leur métier de soldats : l’obéissance au chef pour remplir la mission à tout prix, y compris à celui de leur vie. Ces vertus éternelles ne sont transmissibles que par l’exemple et illustrées par la commémoration des faits.

Ce devoir de mémoire nous oblige envers les futures générations.

Certes, la mondialisation actuelle facilite et fluidifie les échanges commerciaux, l’information, les transports… mais en même temps, les conflits se multiplient. Ainsi, plus que jamais, la France doit être en mesure de faire respecter son territoire, ses droits, sa sécurité intérieure comme extérieure.

Pour cela, sa Gendarmerie et ses Armées sont ses principaux moyens d’action, avec des cadres bien formés et des exécutants motivés et performants comme l’étaient leurs prédécesseurs.

La Loi de Programmation Militaire (LPM) nouvellement votée met à la disposition de ces Forces les moyens matériels pour leur donner un maximum d’efficacité. Mais celle-ci sera toujours conditionnée par la qualité des personnels qui les utiliseront.

D’où l’importance de cette motivation et de cette discipline qui était définie ainsi en tête du premier chapitre de l’ancien règlement de discipline générale (TTA 101) : « la discipline faisant la force principale des armées, il importe que tout supérieur obtienne de ses subordonnés une obéissance entière et une soumission de tous les instants… ».

La formule a changé dans le nouveau TTA 101, mais l’esprit est resté le même.

Colonel (h) Christian Châtillon, Delégué National de l’ASAF.  

Attaques des houthis en mer rouge : un rebondissement pour la Jeune École ?

Attaques des houthis en mer rouge : un rebondissement pour la Jeune École ?

The frigate “Hessen” leaves the port at Wilhelmshaven, Germany, Thursday, Feb. 8, 2024 for the Red Sea. A German Navy frigate set sail on Thursday toward the Red Sea, where Berlin plans to have it take part in a European Union mission to help defend cargo ships against attacks by Houthi rebels in Yemen that are hampering trade. (Sina Schuldt/dpa via AP)/amb808/24039359943113/GERMANY OUT; MANDATORY CREDIT/2402081126

 

par Revue Conflits – publié le 24 avril 2024

https://www.revueconflits.com/attaques-des-houthis-en-mer-rouge-un-rebondissement-pour-la-jeune-ecole/


Les attaques incessantes des Houthis sur les navires marchands en mer Rouge sont un coup dur pour le commerce mondial. Pour les protéger, les marines de guerre occidentales livrent aux rebelles une petite guerre navale, surtout défensive. Mais les opérations sont coûteuses et la stratégie des Yéménites de harcèlement à coûts faibles est fonctionnelle. Un parallèle est à faire avec les idées de la Jeune École, qui ambitionnait de révolutionner la guerre navale en pensant une marine française qui serait comme David contre le Goliath britannique.

Article de Kevin D. McCranie paru sur War On The Rocks. Traduction de Conflits.

Kevin D. McCranie est titulaire de la chaire Philip A. Crowl de stratégie comparative à l’U.S. Naval War College. Il est l’auteur de Mahan, Corbett, and the Foundations of Naval Strategic Thought (Mahan, Corbett et les fondements de la pensée stratégique navale). Les positions exprimées dans cet article n’engagent que l’auteur et ne représentent pas celles du Naval War College, de la marine américaine, du ministère de la défense ou de tout autre organe du gouvernement américain.

Récemment, un journaliste a interrogé le vice-amiral Brad Cooper, du commandement central des États-Unis, sur les opérations navales en mer Rouge et dans le golfe d’Aden : « À quand remonte la dernière fois où la marine américaine a opéré à ce rythme pendant deux mois ? » La réponse de l’amiral est éloquente : « Je pense qu’il faut remonter à la Seconde Guerre mondiale pour trouver des navires engagés dans le combat. Quand je dis « engagés dans le combat », c’est qu’ils se font tirer dessus, que nous nous faisons tirer dessus et que nous ripostons ». M. Cooper a décrit les combats qui se sont déroulés depuis la fin de l’année 2023 avec des drones et des missiles houthis ciblant les navires. L’utilisation de ces armes devient de plus en plus sophistiquée, les rapports indiquant que les Houthis ont lancé au moins 28 drones en une seule journée au début du mois de mars.

Pour mieux comprendre le conflit entre les Houthis et les puissances navales qui protègent la navigation dans la région, il est important de revenir sur les idées divergentes concernant la stratégie navale à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle. L’un des camps mettait l’accent sur les flottes traditionnelles et la puissance navale, tandis que l’autre, y compris un groupe originaire de France connu sous le nom de Jeune École, proposait une autre approche de la guerre navale. Elle s’appuyait sur de petites flottilles armées de torpilles pour mettre en péril les flottes traditionnelles et exposer leurs navires commerciaux à des attaques incessantes. Aujourd’hui, les États-Unis et leurs partenaires navals possèdent la flotte traditionnelle, tandis que les Houthis sont en train de réimaginer la Jeune École pour le XXIe siècle.

Approches de la stratégie navale

À l’aube du XXe siècle, beaucoup de choses ont changé depuis la dernière grande guerre comportant un élément naval important, qui s’est achevée avec la défaite de Napoléon. Les nouvelles technologies ont transformé la guerre en mer, mais les modalités de cette transformation font l’objet d’un débat sans fin. Après la publication de The Influence of Sea Power upon History (L’influence de la puissance maritime sur l’histoire) en 1890, Alfred T. Mahan est devenu le commentateur le plus reconnu des affaires navales. Dix ans et demi plus tard, Mahan affirmait : « L’histoire navale témoigne de deux courants continus de croyance, l’un dans l’efficacité supérieure des grands navires, l’autre dans la possibilité d’atteindre un moyen d’attaque bon marché qui supplantera la nécessité des grands navires ». Plus précisément, il se lamente :

« Aucune déception ne tue cette attente ; l’expérience ne peut rien contre elle, et elle est tout aussi impuissante à réprimer la théorie, qui revient sans cesse, selon laquelle une certaine catégorie de petits navires, dotés de qualités particulièrement redoutables, sera trouvée pour combiner résistance et économie, et ainsi mettre fin à la suprématie, jamais ébranlée jusqu’à présent, du grand navire de l’ordre de bataille … le contrôle de la mer passera aux mains du destructeur ».

Mahan décrit une tension palpable entre ceux qui affirment que l’histoire n’est plus un guide efficace pour comprendre l’environnement maritime contemporain, et ceux qui pensent que l’histoire, si elle est utilisée judicieusement, peut donner un aperçu des conditions contemporaines. Mahan appartenait à ce dernier groupe. La plupart des écrivains anglophones de l’époque, y compris Julian Corbett, étaient d’accord avec lui.

Mahan et Corbett ont défendu la pertinence d’une flotte équilibrée. En temps de guerre, la mission de la flotte était d’assurer la « maîtrise de la mer », définie par Corbett comme « le fait de s’établir dans une position telle que nous puissions contrôler les communications maritimes de toutes les parties concernées ». Pour ce faire, la marine doit vaincre ou bloquer les flottes rivales, puis utiliser la force brute pour réguler les activités commerciales et militaires en mer.

La Jeune École entre en scène

La Jeune École est née en France dans les dernières décennies du XIXe siècle. Ses membres sont issus de la marine, du gouvernement et de la presse. Parmi ces derniers, Gabriel Charmes a joué un rôle important dans la propagande des idées de la Jeune École. Auguste Gougeard, officier de marine à la retraite, est l’un des premiers partisans à accéder à un poste gouvernemental important lorsqu’il est nommé ministre de la marine pendant quelques mois en 1881 et 1882. La figure centrale est cependant Théophile Aube. Il atteint le rang d’amiral et devient ministre de la Marine.

Ensemble, les membres de la Jeune École reconnaissent l’Allemagne comme l’ennemi principal de la France. En raison de l’immédiateté de cette menace terrestre contiguë, l’armée française est prioritaire. En revanche, la marine française n’obtiendrait jamais suffisamment de fonds pour défier symétriquement la Royal Navy britannique pour le commandement de la mer – au lieu de cela, les partisans de la Jeune École développent une stratégie pour affronter la Grande-Bretagne à moindre coût. Contrairement à Mahan et à ses partisans qui s’appuient sur la pertinence de l’histoire, ils affirment que de nouvelles technologies relativement peu coûteuses ont révolutionné la guerre navale au point que l’histoire ne peut plus servir de guide. Faisant la promotion de petites flottilles peu coûteuses, Aube explique que « l’escadre, qui est plus ou moins une collection de cuirassés, n’est plus la garantie de la puissance navale ». Et Gougeard d’ajouter : « Il est et il sera toujours ridicule de risquer 12 à 15 millions, et même davantage, contre 200 000 ou 300 000 francs, et six cents hommes contre douze ». Le risque encouru par des navires de guerre coûtant des millions et dotés de centaines d’hommes d’équipage devrait être mis en balance avec l’utilisation agressive de navires beaucoup plus petits coûtant une fraction de ce montant et dotés d’une poignée d’hommes d’équipage. Les partisans de la Jeune École pensent pouvoir chasser la flotte britannique des côtes françaises.

En empêchant la Royal Navy de bloquer les ports français, les pilleurs de commerce français pourraient s’échapper vers les océans où ils pourraient infliger des chocs catastrophiques à la navigation commerciale britannique en coulant les navires avec leurs passagers et leurs équipages. Compte tenu de l’importance du commerce pour l’économie britannique, les membres de la Jeune École pensent que les effets économiques sur la Grande-Bretagne seront décisifs. Selon Charmes, « la rivalité économique sera plus chaude que la compétition militaire ». Il spécule que « la prime d’assurance contre les pertes en mer deviendra si élevée que la navigation sera impossible ».

L’obtention d’effets à partir des nouvelles technologies d’armement est au cœur de l’argumentation de la Jeune École. Pour eux, le mariage des petites embarcations de flottille avec la torpille est essentiel, voire décisif, car il permet de disposer d’un moyen rentable pour mettre en péril les navires de guerre les plus grands et les plus coûteux. Même ceux qui remettaient en question les idées de la Jeune École admettaient que le torpilleur changeait la donne. Corbett décrit comment ces petites embarcations de flottille armées de torpilles ont acquis une « puissance de combat ». Il affirme : « C’est une caractéristique de la guerre navale qui est entièrement nouvelle. À toutes fins utiles, elle était inconnue jusqu’au développement complet de la torpille mobile ».

Philip H. Colomb, officier de marine britannique à la retraite et commentateur important de la puissance navale à la fin du XIXe siècle, explique que la Jeune École « peut avoir tout à fait tort dans ses spéculations, et tout à fait raison dans ses conseils pratiques, qui n’ont pas grand-chose à voir avec ses spéculations ». Colomb est d’accord avec la Jeune École pour dire que la flotte de guerre française n’a aucune chance face à la Royal Navy, et il reconnaît également la vulnérabilité du commerce britannique. Cependant, Colomb pense que la méthode technologique de la Jeune École pour déstabiliser la position commerciale de la Grande-Bretagne sera moins efficace que ne le croient ses adeptes.

Rétrospectivement, la stratégie de la Jeune École était pour le moins prématurée. Ils avaient identifié plusieurs vulnérabilités critiques de la puissance navale dominante, mais les technologies des années 1880 s’avéraient incapables de les exploiter pour obtenir un effet décisif. Bien plus tard, le développement du sous-marin et ce qu’il a accompli au cours des guerres mondiales ont donné un nouveau souffle à la Jeune École. Lors des deux guerres mondiales, l’Allemagne, puissance navale la plus faible, avait utilisé le sous-marin en combinaison avec la torpille pour obtenir des effets plus proches de ceux postulés par la Jeune École, mais dans les deux guerres mondiales, les puissances navales dominantes se sont montrées résistantes. À l’inverse, la campagne sous-marine la plus efficace des deux guerres mondiales a été menée par la marine américaine dans le Pacifique, mais au moment où cette campagne a produit ses plus grands effets, la marine américaine était devenue la puissance navale dominante, et les sous-marins n’ont été qu’un instrument parmi d’autres pour mettre en péril la navigation japonaise.

Pertinence contemporaine

La dernière grande guerre navale s’est achevée en 1945 avec la défaite du Japon impérial. Au cours des décennies suivantes, les changements technologiques ont transformé l’environnement maritime international, mais ce que ces changements signifient pour la guerre navale reste flou.

Il est toutefois possible d’y voir un peu plus clair en étudiant les événements actuels en mer Rouge. Les Houthis, officiellement connus sous le nom d’Ansar Allah, sont un groupe militant chiite au Yémen. Le groupe contrôle de vastes zones de l’ouest du Yémen. Depuis la fin de l’année 2023, les Houthis ont utilisé divers types de technologies d’armement relativement peu coûteuses, notamment des drones aériens et maritimes ainsi que des missiles de croisière et balistiques, pour attaquer des navires de guerre et des navires commerciaux autour de l’entrée sud de la mer Rouge. On pourrait dire que les Houthis modernisent les méthodes de la Jeune École.

À l’époque où la Jeune École a écrit, le monde était devenu de plus en plus dépendant du commerce maritime pour les biens dont la société avait besoin pour survivre. Les partisans de la Jeune École ont cherché à transformer cette dépendance à l’égard du transport maritime mondial en un risque. L’interruption des lignes de communication maritimes peut toujours avoir des effets démesurés. Il suffit de penser aux coûts engendrés par le blocage du canal de Suez par un grand porte-conteneurs, l’Ever Given, en 2021. Bien que la situation du porte-conteneurs soit due à un accident, les Houthis exercent une pression similaire sur les chaînes d’approvisionnement mondiales. Pour ce faire, les Houthis mettent en péril la navigation maritime en utilisant des drones et des missiles. La Jeune École ne s’attendait pas à couler un grand nombre de navires marchands ; son objectif était plutôt de perturber le commerce et d’augmenter les coûts de transport. Les actions des Houthis semblent avoir des effets similaires.

En ce qui concerne les attaques des Houthis contre les navires de guerre, la Jeune École a identifié l’écart de coût entre les navires de guerre et les armes tueuses de navires. Depuis lors, les navires de guerre sont devenus encore plus chers et les technologies permettant de les attaquer ont proliféré. En apparence, l’argument technologique de la Jeune École semble se vérifier, bien qu’avec différents types de missiles et de drones plutôt que des torpilles et des flottilles.

Cependant, les technologies défensives continuent également de progresser, ce que la Jeune École n’a pas su apprécier à sa juste valeur. Il s’agit d’un thème récurrent. L’une des parties, souvent l’attaquant, utilise une nouvelle arme avec succès, et le défenseur exploite d’autres technologies pour la vaincre. Les événements survenus en mer Rouge au cours des derniers mois montrent l’efficacité des technologies défensives. Bien que les armes défensives se soient généralement avérées efficaces contre les armes offensives des Houthis, le coût d’utilisation de ces armes pourrait s’avérer prohibitif à long terme. La protection des navires par des missiles défensifs semble plus coûteuse que les missiles offensifs et les drones utilisés par les Houthis. Cela s’explique par le fait que la défense s’attaque à un problème plus difficile. Il est plus facile de cibler de grands navires se déplaçant à faible vitesse que des missiles se déplaçant rapidement. Les défenseurs cherchent toutefois de nouvelles solutions avec des canons et même des armes à énergie dirigée. Il reste à voir comment les risques liés à l’utilisation de ces moyens défensifs alternatifs s’équilibrent avec leur efficacité.

À l’heure actuelle, les combats dans la mer Rouge sont à peu près dans une impasse. Les puissances navales ont réussi à stopper la grande majorité des attaques des Houthis, bien qu’en utilisant des armes défensives coûteuses. Pourtant, les attaques se poursuivent et les coûts commerciaux augmentent. Les cas historiques concernant la protection du commerce, y compris les exemples de l’ère de la voile et des guerres mondiales, indiquent que ce type d’impasse est généralement résolu en faveur de la puissance navale la plus forte, à condition qu’elle ait la volonté et la capacité, sur le long terme, de payer les coûts de la défense.

Nous ne pouvons toutefois pas nous fier à la réponse facile selon laquelle le passé sert toujours de guide pour le présent. Il est important de se demander si le coût des transporteurs commerciaux et les dernières avancées technologiques se conjuguent pour favoriser un argument de type Jeune École ou si les marines peuvent maintenir leur présence et continuer à exercer efficacement leur commandement sur la mer.

Rapport sur l’Unwra : « des problèmes de neutralité persistent »

Rapport sur l’Unwra : « des problèmes de neutralité persistent »

Une livraison d’aide humanitaire fournie par l’Unrwa passe par le poste-frontière de Kerem Shalom, en Israël, le 26 mars 2024. Christoph Soeder / dpa/picture-alliance

L’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) à Gaza a des « problèmes persistants de neutralité » politique, avance un rapport remis lundi 22 avril au chef des Nations unies. Le texte, très attendu, dit qu’Israël doit encore fournir la « preuve » que ses membres sont liés à des « organisations terroristes ».

La Croix (avec AFP) – publié

https://www.la-croix.com/international/rapport-sur-l-unwra-des-problemes-de-neutralite-persistent-20240422


L’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) dans la bande de Gaza a des « problèmes persistants de neutralité » politique, mais Israël doit encore fournir la « preuve » que ses membres sont liés à des « organisations terroristes », pointe lundi 22 avril un rapport remis au chef des Nations unies.

L’UNRWA demeure « irremplaçable et indispensable pour le développement humain et économique des Palestiniens », souligne ce groupe indépendant, présidé par l’ancienne ministre française des affaires étrangères Catherine Colonna et chargé par le secrétaire général Antonio Guterres d’une mission d’évaluation de la « neutralité » de l’UNRWA.

« L’UNRWA demeure cruciale pour apporter une aide humanitaire vitale et des services sociaux essentiels, notamment en matière de santé et d’éducation, aux réfugiés palestiniens à Gaza, en Jordanie, au Liban, en Syrie et en Cisjordanie », souligne le groupe dans un rapport très attendu d’une cinquantaine de pages.

Menaces et perturbations d’opérations humanitaires

« L’UNRWA est irremplaçable et indispensable pour le développement humain et économique des Palestiniens. De plus, beaucoup considèrent que l’UNRWA est une planche de salut humanitaire », écrit la mission pilotée par l’ex-cheffe de la diplomatie française. « Mais en dépit de ce cadre solide, des problèmes liés à la neutralité persistent », relève-t-elle.

Il s’agit « de cas d’employés du personnel exprimant publiquement leurs opinions politiques, de livres scolaires au contenu problématique venant du pays hôte et utilisés dans certaines écoles de l’UNRWA, de syndicalistes politisés proférant des menaces contre l’encadrement de l’UNRWA et perturbant des opérations » humanitaires, selon le groupe indépendant.

L’agence qui compte plus de 30 000 employés dans la région (Gaza, Cisjordanie, Liban, Jordanie et Syrie), est accusée par Israël d’employer « plus de 400 terroristes » à Gaza. Et 12 de ses employés sont accusés par les Israéliens d’avoir été directement impliqués dans l’attaque sans précédent du 7 octobre menée par le Hamas sur le sol israélien, qui a fait 1 160 morts, essentiellement civils, selon un bilan de l’AFP établi à partir de données officielles. Des accusations qui ont entraîné la suspension de financements par certains pays donateurs, dont certains ont repris depuis.

Pas de preuves sur la présence de terroristes

« Sur la base d’une liste de mars 2024 contenant des numéros d’identité de Palestiniens, Israël a affirmé publiquement qu’un nombre significatif d’employés de l’UNRWA sont membres d’organisations terroristes. Cependant, Israël doit encore en apporter la preuve », prévient le groupe dans son rapport.

D’autant que l’UNRWA, créée par l’Assemblée générale de l’ONU en 1949, « est la colonne vertébrale des opérations humanitaires » à Gaza, avait répété la semaine dernière devant le Conseil de sécurité son patron Philippe Lazzarini, dénonçant une campagne « insidieuse » pour mettre fin à ses opérations. « Démanteler l’UNRWA aura des répercussions durables », avait-il prévenu, avec pour conséquence notamment d’« aggraver la crise humanitaire à Gaza et accélérer l’arrivée de la famine ».

La famine menace déjà le nord du territoire palestinien, où plus de 34 000 personnes, la plupart des civils, ont été tuées depuis le début de l’offensive israélienne, selon le ministère de la santé du Hamas.

La République islamique d’Iran au pourtour du détroit d’Ormuz : enjeux sécuritaires et stratégies navales

La République islamique d’Iran au pourtour du détroit d’Ormuz : enjeux sécuritaires et stratégies navales

Par Owen Berthevas – Diploweb –  publié le 21 avril 2024 

https://www.diploweb.com/La-Republique-islamique-d-Iran-au-pourtour-du-detroit-d-Ormuz-enjeux-securitaires-et-strategies.html


Owen Berthevas est étudiant en Master 2 de Géopolitique à l’Université de Reims. Sa formation universitaire lui a permis de développer un attrait pour l’étude des relations entre l’espace et le pouvoir, un rapport de corrélation qu’il a su transposer dans son mémoire de recherche. Ce dernier a pour sujet l’étude de la stratégie navale iranienne au pourtour du détroit d’Ormuz.

En une trentaine d’années, la République islamique d’Iran s’est considérablement renforcée sur le plan naval. L’arsenal militaire iranien est en constante modernisation et permet à Téhéran de contester l’ordre voulu par les Etats-Unis et leurs alliés, dont Israël.
Avec trois cartes.

DEPUIS LE 7 OCTOBRE 2023, date du retour du conflit israélo-palestinien avec ce qu’on appelle désormais « la guerre Israël-Hamas », le spectre de l’importance iranienne dans ce conflit n’a de cesse d’être exacerbé. En Occident, l’Iran est vu comme un acteur responsable de la déstabilisation actuelle au Proche-Orient. Il est reproché au régime iranien de financer des groupes armés pro-palestiniens, dont le Hamas fait partie.

Plus récemment l’Iran s’inscrit directement en confrontation militaire avec le régime israélien. L’offensive iranienne du 13 avril 2024, à l’encontre d’Israël a été soutenue par le Hezbollah libanais et les rebelles yéménites houthis, tous deux soupçonnés d’être financés par le gouvernement iranien. En parallèle, de récentes attaques en mer Rouge, orchestrées par les Houthis et visant à paralyser le trafic maritime mondial, sont venus mettre les gouvernements occidentaux en alerte. Un nouveau théâtre d’opération s’est donc ouvert, détournant l’attention médiatique du conflit russo-ukrainien. Ces évènements ont provoqué l’intervention militaire coordonnée des armées américaines et britanniques en mer Rouge pour, selon elles, garantir la sécurité du commerce international. Ce contexte d’instabilité régionale est renforcé par la stratégie iranienne de régionalisation des conflits et de soutien tacite aux entités chiites alliées. Pour autant, bien que le régime ne soit pas officiellement impliqué, l’Iran œuvre à la réhabilitation de ses forces armées en vue d’anticiper une potentielle confrontation avec ses rivaux.

Pour comprendre la posture qu’adopte la République islamique d’Iran, à l’aune du conflit entre Israël et le Hamas, il est important de remonter dans les années 1980 et de suivre les évolutions de la pensée stratégique du régime. Le Golfe Persique et le détroit d’Ormuz se sont avérés être des éléments charnières dans la doctrine stratégique iranienne. Nous nous concentrerons ici plus précisément sur les composantes navales du régime iranien, conscient de l’importance des espaces maritimes dans les conflits dans lesquels l’Iran est susceptible d’être engagé. D’autant plus que les agissements Houthis en mer Rouge disposent de similitudes notables avec les manœuvres iraniennes au pourtour du détroit d’Ormuz depuis 1980.

Le détroit d’Ormuz est un véritable goulet d’étranglement large de 55 kilomètres. Au même titre que le détroit de Bab-el-Mandeb, il est un espace de forte concentration de flux de marchandises. Près de 90% du pétrole produit dans le Golfe, soit entre 20 et 30% du total mondial [1], quitte la région sur des tankers par ce haut lieu [2] de la mondialisation. Les articles 38 et 39 de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer (CNUDM), confèrent aux navires internationaux le droit de traverser, sans entrave, le détroit d’Ormuz. Des couloirs de navigation sont érigés à travers les eaux territoriales iraniennes et omanaises. Toutefois, la République islamique d’Iran n’a pas ratifié la CNUDM. Le régime iranien se réserve le droit d’ignorer ces règles et d’envisager une fermeture complète du détroit d’Ormuz. Mohammad Reza Rahimi, alors vice-président iranien, déclare le 27 décembre 2011 que « si le pétrole iranien est mis sous sanctions, alors pas une goutte de pétrole ne passera par le détroit d’Ormuz ». Cette déclaration s’inscrit en réponse à l’intensification des sanctions internationales allant à l’encontre de la République islamique depuis sa proclamation en 1979.

Le tournant historique et stratégique : la guerre Iran-Irak (1980-1988)

La menace d’une fermeture du détroit d’Ormuz s’inscrit tel un outil dissuasif pour l’Iran. La posture navale iranienne dans le Golfe est, depuis la Révolution islamique, en perpétuelle reconfiguration. Toutefois, la dissuasion reste une caractéristique historiquement charnière dans la doctrine navale du régime. Ali Bagheri Dolatabadi et Mehran Kamrava, respectivement chercheurs iranien et qatari se sont focalisés sur cette évolution stratégique. Leurs travaux permettent de souligner que la République islamique d’Iran a adopté au lendemain du conflit avec l’Irak une posture navale dite « défensive », avant d’adopter au début des années 2000 une stratégie alternative « défensive – offensive » et d’entamer depuis le milieu des années 2010 une stratégie pleinement « offensive » [3].

Dès septembre 1980, la naissante République islamique fait face à l’invasion de son voisin, l’Irak. Saddam Hussein, alors à la tête du régime irakien, souhaite se prémunir de toutes potentielles révoltes populaires similaires à celles survenues en Iran entre 1978 et 1979. En parallèle, il souhaite endosser le rôle d’hégémon dans les eaux du Golfe Persique, assuré par l’Iran depuis le départ de l’armée britannique. Le conflit armé s’étend depuis la terre, dans les eaux du Golfe. L’Irak entreprend des manœuvres militaires en direction d’infrastructures pétrolières iraniennes. En réponse, Hachemi Rafsandjani, alors président iranien, fait part de la volonté iranienne de paralyser le trafic maritime pétrolières dans le Golfe [4], depuis le détroit d’Ormuz. Le Koweït, allié de l’Irak et inquiet pour ses exportations pétroliers, lance un appel à l’aide international en 1987, auquel les États-Unis répondent. Ces derniers lancent l’opération Earnest Will. Elle vise à offrir aux pétroliers koweïtiens une escorte navale. S’ensuit de nombreux évènements, impliquant tour à tour les Gardiens de la Révolution iranienne en charge de la sécurité au large du détroit d’Ormuz et la marine américaine. L’US Navy inflige à la marine iranienne, des pertes matérielles considérables mais au-delà de l’aspect matériel, l’issue de ce conflit marque un tournant dans la configuration stratégique iranienne en mer.

En 1988, l’Iran est militairement, économiquement et socialement affaibli. Le gouvernement, soucieux de protéger les intérêts de la République islamique entame un examen complet et une révision de sa stratégie militaire navale [5]. Cette période de transition est marquée par l’adoption d’une posture avant tout défensive. L’objectif étant d’éviter toute potentielle confrontation avec les États arabes voisins le temps de reconstruire l’arsenal militaire défait après le conflit contre l’Irak. Jusqu’au début des années 2000, l’Iran ne dispose pas de moyens militaires à la hauteur de ses ambitions. Le régime laisse planer le doute quant à l’efficacité et l’effectivité de ses forces militaires, dans le but de décourager tout potentiel adversaire d’entreprendre des manœuvres offensives à l’encontre de la République islamique.

Le 29 janvier 2002, George W. Bush, dans son discours sur l’état de l’Union inclut l’Iran, au même titre que l’Irak et la Corée du Nord, dans « l’axe du mal » [6]. Accusé de soutenir le terrorisme au lendemain des attentats du World Trade Center, la République islamique est témoin des invasions américaines successives de l’Afghanistan en 2001 et de l’Irak en 2003. L’US Navy renforce, en parallèle, sa présence dans le Golfe Persique en vue de mener une potentielle attaque depuis la mer. L’omniprésence américaine encourage les dirigeants iraniens à revoir leur doctrine auparavant uniquement défensive et dissuasive. L’Iran développe alors ses capacités offensives afin de rendre toute attaque éventuelle contre le régime, prohibitive pour l’adversaire [7]. Pour ce faire, les deux forces armées navales iraniennes voient leurs effectifs renforcés. La coopération entre la Marine de la République islamique (IRIN) et la Marine du Corps des Gardiens de la révolution (IRGCN) est retravaillée et leurs moyens sont accrus. En 2007, le gouvernement iranien redéfinit les zones de responsabilité de ses deux marines, en des districts navals. Les opérations stratégiques menées dans le Golfe Persique sont alors confiées aux Gardiens de la révolution alors que celles en haute mer sont du ressort de la Marine régulière. Le quartier général de l’IRIN est installé à Bandar Abbas, ville portuaire d’une importance capitale dans la reconfiguration stratégique iranienne dans le Golfe. L’Iran a en parallèle œuvré à la militarisation de son littoral, depuis la côte mais aussi depuis les nombreuses îles sous contrôle du régime, dans les eaux du Golfe. L’instauration d’une stratégie dite « défensive – offensive » est toujours fondée sur le principe de dissuasion, mais elle permet au régime iranien d’allier acte et discours. Les forces navales iraniennes sont enclines à mener des actions de déstabilisation capables de surprendre l’ennemi au pourtour du détroit d’Ormuz.

Une nouvelle doctrine stratégique dite « offensive »

Ali Khamenei, Guide suprême de la Révolution iranien depuis 1989, déclare en 2016 qu’afin « de sécuriser, la nation, le pays et l’avenir, en plus de la capacité défensive, la puissance offensive doit être accrue » [8]. Progressivement, l’aspect offensif prend le dessus sur le caractère défensif. Le retrait américain de l’Accord sur le nucléaire iranien en 2018, confirme le régime des mollahs dans l’adoption de cette nouvelle philosophie stratégique.

L’objectif pour Téhéran n’est pas de lutter pour la suprématie dans les eaux du Golfe, mais bien de contrecarrer celle des États-Unis à bas coût.

Les composantes navales occupent un rôle central dans cette reconfiguration. La modernisation des forces maritimes opérée dès 2016, témoigne d’une ambition croissante d’assoir l’emprise iranienne au pourtour du détroit d’Ormuz et dans l’ensemble du Golfe Persique. Cette position est érigée à l’encontre de la politique étrangère des États-Unis et de la présence de la Ve flotte américaine stationnée à Manama depuis 1995. Toutefois, l’objectif pour Téhéran n’est pas de lutter pour la suprématie dans les eaux du Golfe, mais bien de contrecarrer celle des États-Unis à bas coût [9]. Cette doctrine a été plus conçue pour défier ce que les autorités iraniennes perçoivent comme les ambitions hégémoniques de Washington, que pour s’opposer aux rivaux régionaux [10]. La rhétorique stratégique évolue à la fin de la décennie 2010, l’Iran ne se contente plus de simplement répliquer à une potentielle attaque. Le régime affirme être prêt à entamer un conflit armé dès le moindre faux-pas adverse. La doctrine iranienne visant à sanctuariser le territoire, se base une nouvelle fois sur une forme rhétorique dissuasive.

En parallèle, l’Iran a poursuivi son réarmement militaire. L’objectif étant de faire concorder l’aspect rhétorique et la réalité matérielle. Le régime s’est attelé à développer sa capacité en matière de missiles. Ce type d’armement permet d’atteindre des cibles relativement éloignées des côtes iraniennes en un temps record. Le caractère amovible des véhicules transportant les systèmes de lancement est aussi un réel atout en temps de guerre. Le renforcement de l’armée de l’air, vise aussi à renforcer les capacités navales offensives iraniennes et à soutenir une potentielle fermeture du détroit d’Ormuz.

Le développement d’une réponse asymétrique

En réponse à la présence américaine, l’Iran a développé une stratégie asymétrique. Comme au temps de la Guerre froide, cette stratégie réside en la capacité à convaincre l’adversaire potentiel que le prix à payer pour remporter la victoire est disproportionné au regard des dommages qui lui seront infligés [11]. L’asymétrie est une stratégie utilisée par les puissances révisionnistes, qui consiste à agir dans la zone grise pour ne pas être tenu responsable [12]. Pour la République islamique d’Iran, l’asymétrie passe par le développement de moyens militaires non-conventionnels mais aussi par l’adoption de stratégies méticuleusement définies.

Dans un premier temps, le régime iranien a fréquemment recours à la stratégie du déni plausible. Cette dernière réside en la capacité pour l’Iran de mener des attaques sans qu’il soit possible, à court terme, de retracer avec précision l’origine [13]. Pour Benjamin Blandin, cette pratique s’inscrit dans « une guerre de l’ombre ». Le Corps des Gardiens de la Révolution (CGRI) dispose de nombreux bateaux, vifs et furtifs, capables de se dissimuler dans la masse d’embarcations au pourtour du détroit d’Ormuz et d’agir dans la zone grise. Le géographe français Philippe Boulanger définit, dans son ouvrage intitulé « Géographie militaire et géostratégie », les zones grises comme « des zones de non-droit, d’absence ou de faiblesse de l’État sur tout le territoire national ou sur une partie » [14]. Téhéran laisse au CGRI la possibilité d’opérer dans l’ombre, l’objectif étant de contrôler officieusement le pourtour du détroit. Cette stratégie du déni plausible est facilitée par la présence de nombreux bateaux de pêche et de commerce stationnés dans les ports iraniens. Le régime profite de la présence de ces multiples embarcations pour y dissimuler des infrastructures et des bâtiments militaires. Distinguer un « fast boat » militaire au milieu d’une foule d’embarcations via des images satellites, n’est pas chose aisée. Pour les Occidentaux, lors de potentiels incidents, il est difficile de trouver des preuves fiables et de justifier des représailles. La géographie du littoral iranien est alors extrêmement précieuse pour l’Iran. La bonne exploitation du littoral est une caractéristique charnière de cette stratégie navale asymétrique.

Téhéran souhaite rendre l’accès à son espace maritime extrêmement risqué pour ses adversaires.

Dans un second temps, la République islamique a développé une stratégie de déni d’accès. Elle fait référence aux capacités, généralement à longue portée, conçues pour empêcher un ennemi en progression de pénétrer une zone opérationnelle. Cette stratégie est complémentaire avec le déni de zone qui réfère aux capacités généralement de courte portée, conçues non pas pour empêcher l’ennemi d’entrer, mais pour limiter sa liberté d’action dans la zone opérationnelle [15]. Ce type de stratégie est une nouvelle fois issue de la Guerre froide. Présenté sous le prisme du contexte des conflits actuels, le déni d’accès est avant tout la défense d’un territoire face à un envahisseur. En l’occurrence ici, l’Iran a érigé cette stratégie en réponse à la présence américaine dans le Golfe. Téhéran souhaite rendre l’accès à son espace maritime extrêmement risqué pour ses adversaires. Cette stratégie reste avant tout dissuasive [16] mais elle s’inscrit pleinement dans la logique de guerre asymétrique menée par la République islamique.

Afin de mettre en place ces stratégies, l’Iran s’est renforcé sur le plan technologique et militaire. Le régime dispose d’un arsenal de missiles de tous types, enclin à soutenir les manœuvres maritimes et contribuant directement à la dissuasion globale. L’Iran dispose notamment de missiles balistiques ayant une portée plus vaste que celle d’un missile tactique de croisière. Théoriquement, la capacité balistique iranienne est jugée suffisante pour atteindre toutes les bases américaines dans la région [17]. Le gouvernement iranien, conscient du caractère dissuasif de ses missiles, met l’accent sur la médiatisation de ses progrès technologiques en la matière. Les exercices militaires dans le Golfe sont aussi fréquemment relayés par la presse nationale. L’aspect psychologique est central dans la doctrine iranienne.

Bandar Abbas, une ville portuaire d’importance capitale

La ville portuaire de Bandar Abbas est située sur les rives du Golfe Persique, au Nord du détroit d’Ormuz. Le port de Shahid Bahonar abrite la principale base navale iranienne. Cette dernière est pour l’Iran, le garant de la sécurité et du trafic maritime dans le détroit. L’ayatollah Khamenei souligne en juillet 2011, lors d’une visite de la base navale de Bandar Abbas, que « les forces navales de l’armée et du Corps des Gardiens de la Révolution Islamique sont le symbole de l’autorité de la nation iranienne, dans la défense des intérêts de notre pays dans le Golfe Persique et la mer d’Oman » [18]. Le CGRI a déplacé en juillet 2010 l’ensemble de son quartier général de la banlieue de Téhéran à Bandar Abbas afin de faciliter le contrôle opérationnel des forces [19]. Toutefois, la situation géographique de la ville fait que la marine iranienne y a également installé son quartier général. Bandar Abbas étant situé à la jonction entre les eaux du Golfe Persique, sous responsabilité de l’IRGCN, et la haute mer placée sous l’égide de la marine régulière. Les deux forces armées sont amenées à cohabiter et le port de Shahid Bahonar est à l’image de la structure militaire bicéphale du pays. Il est lui-même divisé en deux parties distinctes comme nous le montre l’image satellite ci-dessous. L’IRIN et l’IRGCN disposent d’installations respectivement disposées à l’est et à l’ouest de l’entrée du port. Le nord est quant à lui réservé aux activités civiles, mais la proximité avec les infrastructures militaires est notable. Cette disposition s’inscrit pleinement dans la stratégie de déni plausible mise en place par le gouvernement iranien et développée précédemment.

Carte. Iran. La ville portuaire de Bandar Abbas. Le port de Shahid Bahonar abrite la principale base navale iranienne
Le port de Shahid Bahonar est à l’image de la structure militaire bicéphale de l’Iran. Source : “Submarine monitoring at Bandar Abbas”, Preligens, 2021.

Les technologies d’ISR (Intelligence, Surveillance and Reconnaissance) [20] permettent, partiellement, aux rivaux de l’Iran de détecter, au sein de ces infrastructures portuaires, les différents bâtiments de guerres opérationnels ou en construction, amenés à manœuvrer dans les eaux du Golfe Persique. La lecture d’articles publiés par la presse locale, est aussi une méthode qui permet de dresser un inventaire plus ou moins précis de l’arsenal militaire iranien. À titre d’exemple, en 2019, les autorités iraniennes ont organisé une cérémonie médiatisée, depuis Bandar Abbas, pour présenter leur nouvelle gamme de sous-marins, le « Fateh » [21]. Téhéran fait de la production nationale de son arsenal une priorité. Le ministère de la Défense iranien dispose notamment d’une « Organisation des Industries de la Marine » entièrement nationalisée et l’une de ses entreprises phare de conception navale, Shahid Darvishi, est implantée à Bandar Abbas. Cette ville portuaire est donc hautement stratégique pour l’Iran mais aussi pour ses potentiels rivaux. La forte concentration d’équipements et d’infrastructures militaires dans la ville reste un facteur de vulnérabilité pour l’Iran.

Bandar Abbas joue aussi un rôle stratégique dans l’économie de la région. Les infrastructures aéroportuaires permettent une insertion directe dans le commerce international. De nombreux pétroliers accostent chaque jour dans le port en eaux profondes de Shahid Rajea et dans le port pétrolier de Foulad Jetty. La raffinerie inaugurée en 1996, à proximité de ce dernier, place Bandar Abbas au cœur du dispositif d’exportations maritimes de l’Iran [22]. La carte ci-dessous met en avant la connexion entre l’hinterland (arrière-pays) et Bandar Abbas. De nombreuses voies de communication, dont une voie chemin de fer, permettent la connexion vers le reste du pays mais aussi vers l’Europe et l’Asie. L’Iran est, en parallèle, au cœur du projet chinois des Nouvelles routes de la soie. Cette initiative vise à faciliter les liaisons commerciales entre la Chine et l’Europe. Pour ce faire, Pékin participe activement à la rénovation et la modernisation des ports de Bouchehr et Bandar Abbas ce qui contribue grandement au dynamisme économique du littoral iranien.

 
Carte. Bandar Abbas, un verrou stratégique et commercial pour l’Iran
Sources : Géofabrik – Google Earth – Google Maps / Réalisation : Owen Berthevas, 2023.

Bandar Abbas dispose donc d’un double intérêt stratégique pour le gouvernement iranien. D’un côté, sur le plan militaire, cette ville portuaire s’affirme comme une base arrière stratégique à proximité directe du détroit d’Ormuz. La présence de nombreuses infrastructures et bâtiments militaires permet au régime d’assurer un certain contrôle sur cette zone. De l’autre côté, malgré les sanctions économiques, Bandar Abbas reste une ville insérée dans la mondialisation. Les flux maritimes mondiaux et régionaux lui confèrent un caractère économique et commercial stratégique.

La stratégie iranienne à l’origine d’une reconfiguration de l’ordre géostratégique régional ?

La stratégie navale iranienne repose sur un fort ancrage territorial depuis le littoral. Ce dernier dispose d’une multitude d’avantages géographiques sur lesquels l’Iran s’est appuyé pour renforcer son emprise au pourtour du détroit d’Ormuz. La République islamique s’appuie aussi sur un certain nombre d’îles situées dans le Golfe. Trois d’entre-elles sont une source de tensions historiques avec les Émirats Arabes Unis (EAU). En effet, le statut des îles d’Abou Moussa, de Petite et Grande Tomb est sujet de controverse entre iraniens et émiratis. Le conflit remonte à 1971, date de la création des EAU. L’Iran, alors sous domination du shah envahi quelques jours avant la proclamation d’indépendance des EAU, ces trois îlots, dont la superficie ne dépasse pas les 10 km2. Depuis ce jour, ces trois îles sont revendiquées par les EAU mais restent sous contrôle iranien. La présence de quelques ressources pétrolières justifie en partie cette occupation, mais c’est avant tout leur position géographique, qui confère à ces îlots, leur intérêt stratégique. Dans le cadre de sa nouvelle posture stratégique, l’Iran a largement renforcé sa présence militaire dans ces îles du Golfe Persique [23]. Au même titre que les îles de Qeshm, Hormuz ou encore Larak, ces îlots revendiqués par les EAU, constituent une ligne de défense avancée et militarisée. L’installation de missiles balistiques et tactiques sur ces territoires insulaires permettent à l’Iran d’élargir son champ d’action en matière de dissuasion.

Ces actions de constante militarisation de la région ne sont pas sans répercussions de l’autre côté du Golfe Persique. Les États du Conseil de Coopération du Golfe (CCG) œuvrent en conséquence à la modernisation de leur arsenal militaire. Les marines des États du Golfe sont très longtemps restées cantonnées à un stade de développement embryonnaire par rapport aux forces aériennes et terrestres [24]. Selon Kévin Thievon, la composante navale fut historiquement délaissée par les pays du CCG puisque la présence de la Ve flotte américaine leur assurait une protection suffisante. Seulement, ces États ont cherché à se détacher progressivement du parapluie américain sous lequel ils se tenaient depuis la guerre Iran-Irak. Sous la présidence de Donald Trump, les États-Unis ont accru leur velléité isolationniste en se retirant notamment d’Afghanistan. Cette tendance au retrait a encouragé les États du Golfe à développer leurs capacités à assurer, eux-mêmes, la sécurité dans leurs eaux territoriales. Pour ce faire, depuis 2010, les États membres du CCG ont affecté des budgets croissants au domaine militaire. Par exemple, le Qatar a augmenté de près de 518% son budget militaire entre 2010 et 2021 pour atteindre un total d’environ 11,6 milliards de dollars. Cette tendance à l’augmentation est notable pour tous les pays de la côte ouest du Golfe Persique. Toutefois, la modernisation navale opérée depuis 2010, ne repose pas uniquement sur l’achat à outrance d’équipements dernier cri et sur l’augmentation du budget alloué à la marine. En effet, elle repose aussi sur la transformation de la philosophie navale en mettant l’accent sur l’amélioration du moral et la formation des marins à l’utilisation de technologies de pointe [25].

Le retrait progressif américain et l’émergence, sur le plan naval, de l’Iran tel un acteur enclin à endosser le rôle de leader régional a poussé les États du CCG à moderniser leurs marines respectives. A titre d’exemple, l’Iran est le seul État de la région qui dispose de sous-marins capables d’opérer dans le Golfe. Les partenariats iraniens, avec la Russie et récemment la Chine contribuent à renforcer la posture militaire du régime. L’adhésion de l’Iran à l’Organisation de Coopération de Shangaï en septembre 2021 a facilité le rapprochement sino-iranien. Comme évoqué précédemment, la Chine joue un rôle clé dans la redynamisation économique du littoral en Iran. Sur le plan militaire, les deux pays ont, aux côtés de la Russie, réalisés des manœuvres navales conjointes dans l’Océan Indien en 2022. L’objectif affiché était de « renforcer la sécurité commune » [26].

Conclusion

Carte. L’Iran, mainmise sur le détroit d’Ormuz ?
Sources : AFPDiploweb.com – Google Maps / Réalisation : Owen Berthevas, 2023.

Les considérations géostratégiques et commerciales sont, en mer Rouge, similaires à celles observables au pourtour du détroit d’Ormuz. Les Houthis font planer la menace de leurs actions sur le trafic maritime mondial à l’instar des multiples mises en gardes iraniennes de fermeture du détroit. Une fois de plus, il est possible de faire le parallèle entre ces deux situations.

Pour ce qui est du gouvernement iranien, la tactique asymétrique adoptée vise à handicaper l’hégémonie apparente de la marine américaine dans le Golfe tout en anticipant l’implantation de navires étrangers et alliés des États-Unis dans la zone. L’éventualité d’un déploiement militaire dans le Golfe étant une option étudiée depuis le 7 octobre 2023. En revanche, la marine iranienne s’est alors affirmée comme la plus encline, sur le plan régional, à mener des opérations d’envergure dans la région. Ces actions sont renforcées et consolidées par des relations économiques, commerciales et militaires de plus en plus fortes avec la Chine. La République islamique d’Iran n’est donc bel et bien pas en mesure d’assurer le leadership dans l’immédiat, mais la stratégie navale appliquée dans le Golfe confère au régime une plus vaste marge de manœuvre sur le plan militaire. En une trentaine d’années, la République islamique d’Iran s’est considérablement renforcée sur le plan naval. L’arsenal militaire iranien est en constante modernisation. Il repose sur de forts partenariats stratégiques et l’objectif étant de répondre aux nouvelles attentes du régime, toujours plus ambitieuses.

Copyright Avril 2024-Berthevas/Diploweb.com

Mots-clés :

[1] PAGLIA, Morgan, (2021), « Détroit d’Ormuz : la guerre des nerfs », Politique Étrangère, Institut français des relations internationales, 2021/2, pp. 139-150.

[2] BRUNET, Roger, (dir) ; FERRAS, Robert ; THÉRY, Hervé, (1993), Les mots de la géographie, dictionnaire critique, 3e édition, Reclus – La Documentation Française, Paris – Montpellier, p. 252.

[3] BAGHERI DOLATABADI, Ali ; KAMRAVA, Mehran, (2022), “Iran’s changing naval strategy in the Persian Gulf : motives and features”, British Journal of Middle Eastern Studies.

[4] « Irak – Iran. Attaques de pétroliers dans le Golfe », Universalis.

[5] BAGHERI DOLATABADI, Ali ; KAMRAVA, Mehran, (2022), op. cit.

[6] Bush George W, State of the Union Adress¸ 29 janvier 2002.

[7] BAGHERI DOLATABADI, Ali ; KAMRAVA, Mehran, (2022), op. cit.

[8] « Le commandant en chef visite l’exposition de l’industrie et de la Défense et rencontre des responsables et des experts du ministère de la Défense », Khameinei.ir, 31 août 2016.

[9] SAMAAN, Jean-Loup, (2018), « Rivalités irano-saoudiennes : la dimension maritime », Moyen-Orient, n°38

[10] THERME, Clément, (2022), « La stratégie maritime de la République islamique d’Iran : défis et enjeux », Les Grands Dossiers de Diplomatie, n°69, pp. 86-89.

[11] RODIER, Alain, (2010), « La doctrine asymétrique des forces iraniennes », Centre Français de Recherche sur le Renseignement, note d’actualité n°206.

[12] Entretien réalisé avec Mathieu, un chercheur aigri et spécialiste des rivalités navales dans le Golfe Persique.

[13] BLANDIN, Benjamin, (2023), « Les stratégies de déni d’accès mises en place par l’Iran », IRIS Asia Focus, n°196.

[14] BOULANGER, Philippe, (2015), « Le développement des zones grises », in, P. Boulanger, Géographie militaire et géostratégie, Armand Colin, pp. 147-172.

[15] “Joint Operational Access Concept”, U.S. Department of Defense, 17 janvier 2012.

[16] LAGRANGE, François, (2016), « L’A2/AD ou le défi stratégique de l’environnement contesté », Revue Défense Nationale, n°794, pp. 67-72.

[17] RAZOUX, Pierre, (2022), « Que penser de l’arsenal balistique iranien ? », Les Grands Dossiers de Diplomatie, n°69, p. 83.

[18] « Le Guide suprême a visité la force navale de l’armée iranienne à Bandar Abbas », Leader.ir, 23 juillet 2011.

[19] NADIMI, Farzin, (2020), “Iran’s Evolving Approach to Asymmetric Naval Warfare”, Policy Analysis, The Washington Institute for Near East Policy.

[20] En français : Renseignement, Surveillance et Reconnaissance.

[21] « La marine iranienne met un nouveau type de sous-marin en service », Laurent Lagneau, Zone Militaire, 18 février 2019.

[22] MICHELIS, Léa, (2019), L’Iran et le détroit d’Ormuz. Stratégies et enjeux de puissance depuis les années 1970, L’Harmattan, Paris, p. 65.

[23] BAGHERI DOLATABADI, Ali ; KAMRAVA, Mehran, (2022), op. cit.

[24] THIEVON, Kévin, (2023), “New Ambitions at Sea : Naval Modernisation in the Gulf States”, International Institute for Strategic Studies.

[25] THIEVON, Kévin, (2023), op. cit.

[26] « L’Iran participe à des manœuvres navales conjointes avec la Russie et la Chine dans l’Océan Indien », Radio France internationale, 20 janvier 2022.

Général François Lecointre : “Notre armée a été réduite à l’extrême”

Général François Lecointre : “Notre armée a été réduite à l’extrême

Le Général François Lecointre, ancien Chef d’Etat-Major des armées et Grand chancelier de la Légion d’honneur est l’invité du Grand Entretien de ce lundi 22 avril. Il publie “Entre Guerres” aux éditions Gallimard.

Avec

François Lecointre, ancien Chef d’état-major des armées – France Inter – publié le 22 avril 2024

https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien-du-lundi-22-avril-2024-7558689


L’idée était de dire aux Français qui l’ont oublié ce qu’est la réalité du combat.” Le Général François Lecointre, grand chancelier de la Légion d’honneur et ancien chef d’État-Major des armées (2017-2021) et chef du cabinet militaire du Premier ministre (2016-2017) publie “Entre Guerres”, récit autobiographique de sa carrière, jusqu’à sa retraite, prise quelques mois avant le début de la guerre en Ukraine. “Le terme guerre est toujours un terme très compliqué qui peut appeler beaucoup de sémantiques et d’explications différentes alors que ce dont je parle, c’est la façon dont tous nos soldats sont confrontés à cette réalité qui s’impose à eux et comment elle les amène à vivre une forme d’humanité particulièrement dense”, explique-t-il. “Cette vie très intense, très humaine, très fraternelle que vivent nos soldats est de nature à inspirer notre société”, estime encore l’ancien militaire.

“On ne peut pas penser les armées sans pensée à la communauté des armées, les épouses, les enfants : des familles qui vivent face à l’indifférence de la société”, souligne le Général François Lecointre. “C’est quelque chose que nous ressentons tous et que j’ai ressenti très fortement”, estime-t-il. “La solitude du conjoint du militaire qui est parti est complètement ignorée.”

Notre armée a été réduite à l’extrême

Je ne suis plus chef d’Etat major des armées, mais oui, notre armée a été réduite à l’extrême, estime encore François Lecointre, interrogé sur les capacités actuelle de l’armée française. “Les armées ont essayé de préserver un modèle qui autoriserait la remontée en puissance, sans perdre certaines compétences particulières, mais elles sont aujourd’hui réduites dans une armée petite.” Répondant aux questions posées par le récent ouvrage du spécialiste des questions militaires Jean-Dominique Merchet, “Sommes-nous prêts pour la guerre ?”, le général Lecointre estime que nous ne serions pas aujourd’hui en situation d’un engagement de masse dans la durée, autrement qu’en coalition ou avec une alliance.

Le ministère des Armées veut réduire le délai moyen de versement de la solde de ses réservistes de 79 à 65 jours

Le ministère des Armées veut réduire le délai moyen de versement de la solde de ses réservistes de 79 à 65 jours

https://www.opex360.com/2024/04/21/le-ministere-des-armees-veut-reduire-le-delai-moyen-de-versement-de-la-solde-de-ses-reservistes-de-79-a-65-jours/


Alors que, actuellement, un réserviste opérationnel sur deux est salarié, le concours des entreprises et des administrations est évidemment crucial. Cela passe par la signature de conventions entre la Garde nationale et les employeurs, à l’image de celle qui a été officialisée le 17 avril dernier par le groupe Renault, lequel s’est engagé à faciliter la disponibilité et la réactivité de ses employés réservistes, en allant au-delà des dispositions prévues par la loi.

« Cette convention accorde en outre une autorisation d’absence de 15 jours ouvrés par année civile au titre de ses activités dans la réserve opérationnelle [soit 5 jours de plus que le minimum légal] », s’est ainsi félicité le ministère des Armées.

Grâce à ce système de conventions, « nous arrivons en moyenne à multiplier par deux le nombre de jours. Autrement dit, au lieu d’effectuer dix jours chaque année dans la réserve comme le prévoit la loi, le salarié-réserviste pourra en réaliser une vingtaine sans avoir à piocher dans ses congés ou ses RTT », a par ailleurs expliqué le général Louis-Mathieu Gaspari, le Secrétaire général de la Garde nationale.

En outre, a-t-il continué, « de plus en plus d’employeurs décident même de maintenir tout ou partie de la rémunération de leurs employés-réservistes. Car dans une entreprise, le soutien apporté aux réserves opérationnelles est de plus en plus perçu comme un outil de fidélisation, voire de recrutement ».

Ces mesures produisent des effets positifs puisque, selon les derniers chiffres, 2000 réservistes opérationnels supplémentaires ont été recrutés depuis septembre 2023 [et donc la promulgation de la LPM 2024-30].

Cela étant, pour les réservistes opérationnels qui ne sont pas salariés [étudiants, travailleurs indépendants, etc.], il est important que les soldes qui leur sont dues soient versées dans des délais raisonnables… Or, ce n’est actuellement pas le cas, comme l’a admis le ministère des Armées, dans une réponse à deux questions écrites posées par les députés Christophe Bentz et Nathalie Da Conceicao Carvalho.

« Depuis le début de l’année 2023, le délai moyen de versement de la solde des réservistes sous contrat d’engagement à servir dans la réserve opérationnelle est de 79 jours. Sur cette période [de janvier à juin 2023], environ 14 % des soldes ont été versées en moins de 45 jours et 51 % en moins de 65 jours », a en effet indiqué le ministère.

Mais ces délais varient en fonction des armées et des grades. Ainsi, en 2023, les militaires du rang réservistes de l’armée de Terre ont attendu, en moyenne, 94 jours pour percevoir leur solde. Leurs camarades de la Marine nationale et de l’armée de l’Air & de l’Espace [AAE] sont à peine mieux lotis puisqu’ils ont dû patienter 90 jours.

Ces délais ont été de 89 jours pour les officiers réservistes du Service de santé des armées [SSA], qui sont souvent des médecins, et de 82 jours pour ceux de la Marine nationale. En revanche, les sous-officiers et les officiers réservistes de l’armée de Terre ont reçu leurs soldes au bout de 70 jours en moyenne.

« Le délai de versement de la solde est fonction du cycle de paiement des soldes mensuelles. D’une manière générale, les activités de réserve sont prises en compte mensuellement pour une mise en paiement le mois suivant, ce qui permet de fixer comme objectif deux mois pour le délai de paiement », a détaillé le ministère des Armées. Visiblement, cet objectif n’est pas atteint… car, a-t-il ajouté, « en fin d’année, les règles propres à la fin de gestion peuvent entraîner un allongement des délais de liquidation ».

Quant à la différence de traitement entre les militaires du rangs, sous-officiers et officiers, le ministère a expliqué qu’elle tenait aux fonctions et affectations des réservistes.

« Les sous-officiers et officiers exercent généralement leur période de réserve de manière isolée au sein d’états-majors », ce qui fait que la « validation de leurs jours d’activité est individuelle et transmise plus rapidement à l’organisme payeur », a-t-il avancé. En revanche, a-t-il poursuivi, « l’activité de réserve des militaires du rang est généralement collective. La transmission de leurs activités de réserve s’effectue de façon groupée pour l’ensemble de l’unité concernée, ce qui peut entraîner un allongement des délais ».

Quoi qu’il en soit, comme cette question peut influer sur la fidélisation des réservistes, le ministère des Armées, qui a reconnu que ces délais constatés restaient encore « trop importants », a dit s’être engagé « dans une démarche » visant à les réduire à moins de 65 jours.

« Fruit des actions entreprises sur certaines causes techniques à l’allongement des délais, entre novembre 2022 et août 2023, ces délais ont diminué de dix jours. Un travail d’harmonisation des processus doit permettre de continuer à les abaisser », a-t-il conclu.

Armement: pourquoi la France a commandé des milliers de drones kamikazes

Armement: pourquoi la France a commandé des milliers de drones kamikazes

Sébastien Lecornu. Photo Samuel Kirszenbaum

Sébastien Lecornu, le ministre des Armées, a récemment annoncé un renforcement significatif de l’arsenal français avec la commande de 2000 drones kamikazes. Cette décision stratégique a été révélée lors d’une visite à l’entreprise Delair, située à Labège, près de Toulouse. Ce choix illustre l’importance croissante que revêtent ces technologies dans les stratégies militaires modernes, notamment en raison de leur utilisation intensive par l’Ukraine face aux tactiques de guerre électronique et de brouillage GPS des forces adverses.

L’annonce de cette commande massive de drones kamikazes intervient alors que l’Ukraine, actuellement en manque d’obus, utilise de plus en plus ces appareils dans ses opérations militaires. Les drones, notamment ceux adaptés à partir de modèles civils pour transporter des charges explosives, jouent un rôle clé sur le terrain. La France, en observant l’utilisation efficace de ces drones par l’Ukraine, cherche à améliorer ses propres capacités dans ce domaine. Selon certains médias, une partie de la commande française est d’ailleurs destinée à Kiev.

Les modalités de cette commande sont également un indicateur de la volonté française d’accroître rapidement ses capacités militaires. Deux consortiums, impliquant des PME et de grands groupes de défense, ont été sélectionnés pour fournir ces drones. Ils proposent des solutions innovantes, comme des drones à voilure tournante, qui améliorent la manœuvrabilité et l’efficacité en milieu urbain, crucial pour les opérations contemporaines.

La dimension industrielle de cette commande est également notable. Le projet Colibri, sous lequel s’inscrit cette commande, vise à développer des munitions télé-opérées capables d’opérer sur un rayon de 5 km pour un coût inférieur à 20 000 euros par unité. Cette initiative reflète un effort significatif de rationalisation des coûts et d’efficacité opérationnelle. Les premières livraisons sont prévues pour 2024-2025, marquant un jalon important dans le renforcement des capacités militaires françaises.

Le choix de Delair comme partenaire privilégié pour cette commande souligne la compétence française en matière de technologie drone. Sébastien Lecornu a loué cette PME pour sa capacité à répondre rapidement aux exigences militaires, qualifiant Delair de modèle en économie de guerre. Delair a non seulement réussi à augmenter sa cadence de production mais a aussi collaboré avec des partenaires ukrainiens pour envisager une production locale.

Cette décision stratégique de la France de commander des milliers de drones kamikazes révèle une adaptation aux réalités modernes du conflit armé, où la technologie et la rapidité de déploiement sont devenues des axes centraux de la supériorité militaire. En s’appuyant sur les retours d’expérience de l’Ukraine et en renforçant sa propre production, la France cherche à rester à l’avant-garde de la technologie militaire, tout en soutenant ses alliés en temps de crise.