Armées / Innovation – Une réflexion à mener sur toute la déclinaison de la stratégie des moyens (3/5)
Mars attaque – lundi 12 février 2018
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Suite d’une série en 5 volets (normalement…) sur l’innovation dans les armées, après les propos introductifs et la nécessité d’une politique ambitieuse d’expérimentations, dont la première version a été plus que largement remaniée et augmentée, notamment suite à plusieurs échanges…
Afin que la réflexion et l’action ne se limite pas à un seul des pieds de la stratégie générale militaire, celle liée aux voies de l’action militaire (la stratégie dite “opérationnelle“), il s’agit d’amplifier les efforts d’adaptation de l’autre pied, celui de la stratégie dite “des moyens“, comme définit dans sa structuration politico-militaire par le général Lucien Poirier (dans l’ouvrage Stratégie théorique II) ; C’est à dire celle s’intéressant à la création qualitative et quantitative, et la mise à disposition, de ressources militaires (hommes, équipements, etc.), notamment sa partie appelée “stratégie génétique” pour le développement de ces ressources. Et dans une moindre mesure, à la “stratégie logistique” pour leur acheminement au bon endroit et au bon moment (dans une approche de mise à disposition dépassant la manœuvre tactique logistique de flux). Cela conduit à s’intéresser à la fois aux processus, aux interactions entre organisations, aux budgets, aux modes de production, etc.
Afin d’atteindre les objectifs de cette stratégie, la mise à disposition des ressources pour répondre au mieux aux besoins, de manière pérenne, il s’agit d’amplifier certains mouvements, dans lancer d’autres, de rééquilibrer certains usages, etc.
Sans doute pas une innovation de rupture, mais… VAB version parasol (opération Barkhane – Sahel – août 2014)
Juste besoin des choix capacitaires, vous avez dit…
Dès la définition de l’architecture des forces, l’effort doit être fait pour rendre le modèle pérenne dans le temps, notamment par les choix technologiques retenus, tout en rendant possible l’accélération du rythme de l’adaptation, face aux adversaires présents ou futurs. Ainsi, il s’agit de ne pas toujours tenter d’atteindre une perfection absolue (en termes de spécificités, de coûts, etc.), difficilement atteignable techniquement, coûteuse sur tout le cycle de vie de l’équipement considéré (en possession et non juste en acquisition), et plus globalement en coût du cycle de vie de la capacité, en plus d’être chronophage dans la phase de développement. Cette quête, sans recherche au plus tôt d’un juste compromis assumé, conduit généralement à réduire les quantités du fait de la hausse des coûts unitaires. Or la polyvalence suppose le nombre (via une série homogène longue). Il s’agit potentiellement de rendre les opérations d’armement, et l’architecture globale, plus sécable (logique de batchs ? d’innovation progressive ? de frugalité technologique ?). Au-delà du fait que cela pourrait les faire basculer (notamment pur des questions de volumes) de la catégorie administrative “opérations d’armement” à “autres opérations d’armement” (AOA), généralement plus flexible en conduite. Notamment pour rendre plus raisonnable certains risques d’investissements du fait des montants en jeux, les conséquences d’éventuels échecs, les engagements sur des durées très (trop) longues pour garantir une rentabilisation, etc.
Ainsi, certains dogmes fondamentaux ne peuvent-ils pas être remis en partie en question ? Les équipements majeurs (avions, bateaux, blindés, etc.) doivent-ils être tous pensés pour avoir une durée de vie longue ? Comme les durées de vie escomptées, qui pèsent sur les risques de déclassement, des Tigre, Rafale et VBCI autour de 30 ans, missile MDCN ou FTI autour de 25 ans, etc. Ne peuvent-ils pas se contenter de répondre à des besoins plus réduits, notamment à des menaces émergentes et/ou changeantes, sur des périodes données ? Pour une opération donnée ? Pour une dizaine d’années ou sur la durée du marché de soutien initial ? Avec des coûts de possession potentiellement réduits si leur utilisation est prévue pour ne pas aller pour tous jusqu’à des grandes visites de maintenance, car l’engagement contractuel pris du maintien des spécificités attendues des équipements coûte de plus en plus cher avec le temps, du fait des risques et incertitudes reposant sur la garantie des performances. Avant que ces équipements, pour une rentabilisation financière partielle, ne partent sur un marché de l’occasion, aujourd’hui à fortement développer en termes de ressources humaines dédiées, de campagnes de prospection, de facilités contractuelles, de réintégration au budget des armées des crédits budgétaires réunis par les cessions, etc. D’autant plus que les équipements aujourd’hui à proposer par les armées sont généralement tellement usés, qu’ils ne sont pas toujours souhaités (ni souhaitables) pour nos partenaires…