Guer. Le Général Emmanuel Charpy, nouveau commandant de l’Académie militaire de Saint-Cyr

Guer. Le Général Emmanuel Charpy, nouveau commandant de l’Académie militaire de Saint-Cyr

Le Général de division Emmanuel Charpy, nouveau commandant de l’Académie militaire de Saint-Cyr Coëtquidan

 

Les infos du Pays Gallo – publié le 12 septembre 2024

https://www.lesinfosdupaysgallo.com/2024/09/12/guer-le-general-emmanuel-charpy-nouveau-commandant-de-lacademie-militaire-de-saint-cyr/


Le Général de division Emmanuel Charpy vient de prendre le commandement de l’Académie Militaire de Saint-Cyr Coëtquidan. Il succède au général Hervé de Courrège. Le Général Charpy a intégré l’école spéciale militaire de Saint-Cyr en 1989 jusqu’en 1992 en faisant le choix de l’arme blindée cavalerie. Sa carrière va ensuite se décliner en plusieurs phases. Opérationnelle au cours de différentes missions sur des théâtres d’opérations extérieures, mais aussi avec des postes à hautes responsabilités au sein de structures militaires internationales, notamment auprès du secrétaire général de l’OTAN (voir biographie ci-dessous). Mais la partie qui lui tient peut-être le plus à coeur ce sont ces 12 années consacrées à la scolarité, à la formation et aux ressources humaines, domaine pour lequel il revendique outre une grande expérience, un intérêt majeur. Pas étonnant donc qu’il se dise « très heureux et très fier d’être désormais à la tête de l’Académie Militaire et de ses très belles écoles », où il n’était pas revenu depuis plus de 30 ans. « Je redécouvre un site qui tout à la fois, garde sa personnalité, ses traditions, mais dont les écoles se sont adaptées et ont fortement évolué », explique-t-il, prenant pour exemple de cette transformation la création d’un centre de recherches devenu une référence.

« La formation militaire n’est pas un moule, mais un cadre qui permet de se développer »

Général de division Emmanuel Charpy, commandant de l’Académie militaire de Saint-Cyr Coëtquidan

L’Académie Militaire de Saint-Cyr accueille 600 nouveaux élèves, dont 10% sont étrangers. Le Général Charpy a accueilli ces derniers jours les nouveaux élèves et leurs parents et décrit une jeunesse qui a le goût de l’effort, du terrain, consciente des enjeux actuels et à venir et capable de faire preuve de rusticité et de force morale. A l’aube de cette nouvelle année de scolarité, le Général se dit « très en phase » avec les orientations prises par son prédécesseur, affirmant sa volonté de poursuivre et de consolider l’action engagée. Cela passe par la poursuite de la réforme de la scolarité. « Il s’agit de compléter le projet pédagogique. Les enseignants doivent être tournés vers un futur métier à la fois opérationnel et académique » qui mette le littéraire au même niveau que le scientifique. Le général dessine les contours d’une formation qui assure de promouvoir « un style de commandement par intention » associant « la culture du résultat en laissant une liberté d’action aux officiers ». Cette réforme, il veut la conduire selon trois axes (voir encadré ci-dessous).

« La formation militaire n’est pas un moule, mais un cadre qui permet de se développer. On a besoin d’officiers qui soient complets », affirme le Général Charpy pour qui la formation académique doit avoir la même importance que la formation militaire, les deux étant intimement liées pour donner les moyens aux futurs officiers de comprendre leur environnement, de dialoguer sur un théâtre d’opération avec des partenaires militaires mais aussi des organisations humanitaires. Une stratégie qui se calque sur les axes de travail définis par le Chef d’Etat Major de l’Armée de Terre : solidarité stratégique (via l’OTAN par exemple); prévention et influence avec la compréhension de la guerre informationnelle ou bien encore la cohésion nationale, les futurs officiers étant aussi les futurs cadres de la Nation.

« L’Armée française est mixte et cette mixité doit être bien vécue »

Général de division Emmanuel Charpy

Le Général insiste sur la nécessité au cours de la scolarité des élèves officiers de travailler sur la notion « de fraternité d’armes », de cohésion. Une façon d’aborder le délicat sujet des cas de harcèlement qui ont défrayé la chronique ces derniers mois. « Des comportements inacceptables », tonne le Général qui n’élude pas la question. Il écarte fermement le moindre laxisme et réaffirme que chaque cas fait l’objet d’un traitement adapté en lien avec le Procureur de la République, avec des sanctions à la clé. L’Académie militaire a renforcé son dispositif de détection des cas éventuels avec une densification de son réseau de « correspondant mixité », le placardage d’affiches invitant les éventuel(le)s victimes à parler. Le sujet figure même au programme scolaire sur des thèmes tels que « bien vivre la mixité » ou bien encore « commander une unité mixte ». « Il y a tout un travail d’éducation à faire. L’Armée française est mixte et cette mixité doit être bien vécue. Il doit y avoir une véritable prise en compte de la dignité de l’autre. Cela fait partie de la cohésion de groupe », recadre le Général.

Il constate que via les familles des militaires qui vivent, travaillent participent activement à la vie associative, l’Académie militaire est bien intégrée au sein de la société civile dans laquelle elle est immergée. Mais le 80é anniversaire de sa présence sur le territoire de Guer qui sera célébré en 2025 devrait être l’occasion de mettre en exergue la bonne dynamique des échanges existants.

Les chiffres de la rentrée à l’Académie militaire :

Pour cette rentrée 2024, l’AMSSC accueil plus de 600 élèves qui se répartissent ainsi :

ESM 230 nouveaux élèves

Age moyen à l’incorporation : 20 ans

EMIA 160 nouveaux élèves

Age moyen à l’incorporation : 26 ans

EMAC 220 nouveaux élèves

Age moyen à l’incorporation : 25 ans

L’Académie militaire c’est :

500 militaires et 150 civils dont 70 professeurs au service de la formation d’environ 2 000 élèves officiers par an :

–      1000 en cursus long (1 à 3 ans) dont une centaine d’élèves étrangers ;

–      1000 en cursus court (de quelques semaines à quelques mois).

Les trois axes de la réforme du Général Charpy

Le Général a planifié la réforme de la scolarité selon trois axes dont voici le détail :

AXE 1 – Consolider la transformation (organisation de l’académie et refonte de la scolarité) en poursuivant un double objectif (Refonte ESM déjà appliquée et réflexion en cours pour la scolarité EMIA) :

Reconcentrer sur les finalités, s’adapter et anticiper les enjeux de demain.

Redonner du temps : libérer du temps au profit des élèves officiers pour leur permettre de mieux réfléchir et assimiler les connaissances tout en équilibrant la formation par rapport à l’engagement dans des projets personnels.

AXE 2 – Compléter le projet pédagogique

Transmettre le style de commandement par intention dans l’armée de Terre ( culture du résultat et de la finalité, esprit d’initiative, liberté d’action par subsidiarité)

– Travailler sur la transversalité des enseignements militaires et académiques pour construire des officiers complets pour agir dans les trois espaces stratégiques : solidarité stratégique – Prévention et influence – Cohésion nationale et territoire national

– Cultiver la notion de fraternité d’armes, déterminante dans une armée de Terre de combat (cohésion, considération, forces morales).

AXE 3 – développer le partenariat et la recherche

Définir une politique de recherche du CReC au profit des enjeux de l’armée de Terre et du MINARM

– Consolider la politique partenariale avec l’enseignement supérieur, l’industrie de Défense et nos partenaires internationaux

Télécharger sa biographie : Biographie-du-General-de-division-Emmanuel-Charpy

Ce vendredi soir, le colonel Alain David racontera le destin du commandant Vigan-Braquet à Bagnols-sur-Cèze

Ce vendredi soir, le colonel Alain David racontera le destin du commandant Vigan-Braquet à Bagnols-sur-Cèze

Dans le cadre des commémorations des 80 ans du départ depuis Bagnols du commando Vigan-Braquet, l’Académie de Lascours invite le colonel passionné d’histoire contemporaine à évoquer la vie exceptionnelle de ce commandant. 

Le colonel Alain David inaugure la saison de l’Académie de Lascours, ce vendredi 13 septembre, à 18 h, à la salle multiculturelle (entrée libre), avec une conférence sur le  « Commandant Vigan-Braquet, le courage de choisir et de résister, 1942-1945″. Officier supérieur de l’Armée de terre (il fut notamment le premier officier affecté à la Légion du 6e Régiment de L’Ardoise, en 1984), le colonel David est passionné d’histoire et organise colloques, expositions, conférences. Il a été chef de corps du Centre national des archives individuelles militaires de Pau, commandant de la Base de défense de Nîmes…

« Un chef charismatique sans être flamboyant ni prétentieux« 

Le colonel David s’est longuement plongé dans les écrits de Vigan-Braquet. « Il sort de Saint-Cyr en 1920, promotion Victoire, raconte-t-il.Il n’a pas connu la Grande Guerre. Il arrive dans une armée française en cours de reconstruction. La moitié masculine de la France a été éradiquée, les survivants sont amputés, blessés… »
Georges Vigan-Braquet mettra sur pied l’organisation de résistance armée du Gard en 1943. C’est l’histoire de ce meneur d’hommes qui, « d’un côté entraîne les hommes au combat en sachant créer un collectif protecteur efficient au plan militaire, et qui de l’autre cumule tous les renseignements tactiques possibles pour épargner au maximum leurs vies, un type de chef rarissime, charismatique sans être flamboyant ni prétentieux », que le colonel partagera avec clarté et passion. Comme l’est l’exposition sur le commando qu’il a en partie conçue (à la cave Mallet jusqu’au 21 septembre).

Le déploiement Pégase toujours aussi rentable pour l’Armée de l’Air et de l’Espace

Le déploiement Pégase toujours aussi rentable pour l’Armée de l’Air et de l’Espace

 

par Jean-Marc Tanguy – Air & Cosmos – publié le 12 septembre 2024

https://air-cosmos.com/article/le-deploiement-pegase-toujours-aussi-rentable-pour-l-armee-de-l-air-et-de-l-espace-69345


L’Armée de l’Air et de l’Espace est allée encore plus loin et longtemps, avec l’édition 2024 de l’opération de projection Pégase. Retours d’expérience de son commandant tactique, le général de division Guillaume Thomas.


Un peu moins d’avions mais un programme encore plus ambitieux

Un peu moins d’avions -17 contre 19 en 2023, mais un programme encore plus ambitieux, comportant deux projections vers l’Indo-Pacifique et une nouvelle série de premières : l’Armée de l’Air et de l’Espace a voulu encore passer un cran dans Pégase 2024, étendu sur plus de sept semaines (six en 2023). La masse était la signature de l’édition 2023, avec 10 Rafale, 5 Phénix et 4 Atlas : un an plus tard, l’Armée de l’Air et de l’Espace a dû adapter la voilure pour prendre en compte aussi les besoins liés à la protection des JO en France, alors que la masse était, elle, apportée par les partenaires européens. 

Une marque européenne affirmée

Sept Rafale (trois de moins) ont finalement participé, avec cinq Phénix (inchangé) et cinq Atlas (un de plus). Ces derniers ont poursuivi dans leur versatilité et leur polyvalence, assurant des capacités de recherche et de sauvetage, notamment durant le transit le plus complexe entre l’Alaska et le Japon (sur la route vers l’Australie, étape suivante), mais aussi des aéro-largages, du ravitaillement en vol et des opérations depuis des terrains sommaires.

Terrain de jeu inhabituel en Alaska

Pégase 2024 avait une marque européenne affirmée, en emmenant aussi les deux autres pays du SCAF -Allemagne et Espagne- dans des cieux jusqu’alors non balayés par eux. Sur leur première étape, les appareils des trois pays ont pu bénéficier d’un terrain de jeu inhabituel en Alaska, permettant un meilleur niveau de réalisme. Même si seuls les Espagnols sont allés jusqu’à tirer des armes réelles. En douze jours, les Rafale ont généré 67 sorties avec deux raids où ils tenaient la position de chef de mission. Les Atlas ont assuré 11 sorties, et les Phénix, 10, alimentant 100 receveurs, dont des F-22 américains.

Les Britanniques ont pu de leur côté se projeter directement en Australie avec les Français, une façon d’illustrer le partenariat bilatéral de la common joint expeditionnary force (CJEF) pour lequel une capacité de commandement et de contrôle binationale avait été implantée au sein du centre air de planification et de contrôle des opérations (CAPCO) de Lyon. La formation comptait trois Rafale, 6 Typhoon, trois MRTT et quatre Atlas (deux types d’appareils en service dans les deux pays, et même en Australie pour le MRTT).

Raids de 80 aéronefs en Australie

L’Australie a offert aussi des étendues appréciables représentant les ¾ de la France pour dérouler des raids comportant jusqu’à 80 aéronefs. Les Européens ont aussi participé à l’exercice indien Tarang Shakti, amenant un niveau de participation internationale qui n’avait pas été généré depuis 1961.

L’emploi d’appareils communs a été une fois de plus porteur pour assurer des maintenances croisées, sur les A400M français, allemands et espagnols, mais aussi les ravitailleurs MRTT français et australiens. Un Rafale français en panne en Inde a aussi pu recevoir une pièce indienne, a signalé le général Thomas. Un des rares exemples de panne, et « aucune mission n’a été annulée pour raison technique » a assuré le commandant tactique de Pégase 2024. Un Phénix a aussi pour la première fois ravitaillé en vol un de ses cousins australiens.

Rafale, A400M et A330MRTT aux Philippines

Les Pégase comportent aussi une part évidente de diplomatie aérienne mêlée de soutien export (soutex). Pour la première fois, des Rafale avec un Phénix et un MRTT ont posé aux Philippines, un pays frontalement confronté aux ambitions chinoises, et qui cherche à s’équiper, à l’instar de ses voisins malais et indonésiens qui ont déjà opté pour des produits aériens et navals français. Plusieurs compétitions sont en cours dans la région et avec Pégase, l’armée de l’air et de l’espace aura aussi contribué à alimenter la manœuvre globale de l’équipe France.

Comme lors des précédents déploiements, l’outremer française n’a pas été oubliée, avec des escales à Saint-Pierre et Miquelon, en Nouvelle-Calédonie et à La Réunion.

JOP 2024 : 85 télépilotes tombés dans les filets des armées françaises

JOP 2024 : 85 télépilotes tombés dans les filets des armées françaises

– Forces opérations Blog – publié le

Dans les airs aussi, la sécurisation des Jeux olympiques et paralympiques se sera déroulée sans écueil majeur. Coordonnée par l’armée de l’Air et de l’Espace, cette mission aura notamment conduit à l’interpellation de 85 télépilotes de drones. 

Les JOP finis, l’heure est au bilan pour les militaires engagés dans la sécurisation du ciel français, un volet qui s’est appuyé sur un socle de posture permanente de sureté aérienne (PPS-A) renforcé et complété par des dispositifs particuliers de sûreté arienne (DPSA) établis à Paris et Marseille. Principaux résultats : 90 interceptions réalisées au cours de 350 missions et 85 télépilotes interpellés, dont deux grâce au drone Reaper. 

Ce dispositif multicouches « hors normes de par l’ampleur, la durée et l’empreinte territoriale » aura nécessité d’employer l’essentiel des moyens antiaériens et de lutte anti-drones (LAD) dont disposent les armées, avec quelques « premières capacitaires » à la clef. Ainsi, les systèmes VL MICA fraîchement perçus sont venus compléter le système MAMBA, les Crotale NG et les trois sous-groupements tactiques d’artillerie sol-air MISTRAL de l’armée de Terre. 

La seule LAD aura mobilisé en simultané « une quinzaine de systèmes lourds et plusieurs dizaines d’équipes légères ». Derrière les MILAD, PARADE et autres fusils brouilleurs NEROD RF, deux radars Giraffe 1X ont été utilisés à Paris et Marseille pour compléter les systèmes lourds. Des radars 3D multimissions, compacts, produits par le groupe suédois Saab et qui, à première vue, viennent d’entrer dans l’arsenal français. 

L’effort était également interalliés. Les Espagnols ont contribué à la protection du ciel marseillais avec un systèmes NASAMS. La Royal Air Force a fait de même au-dessus d’un site paralympique parisien avec l’outil LAD ORCUS, déjà déployé en 2012 lors des JO de Londres. Des fusils brouilleurs HP 47 prêtés par l’Allemagne et conçus par la société allemande HP sont par ailleurs venus renforcer les moyens de brouillage déployés sur l’ensemble de la France. 

Si les téléopilotes fautifs étaient « principalement des touristes ignorant la réglementation en vigueur », deux autres sont le résultat d’une interception d’opportunité sans lien avec les JOP. Le 4 septembre, « le système mis en place pour assurer en particulier la protection de l’aéroport Roissy-Charles de Gaulle a détecté un drone de modèle inconnu, aux abords d’une prison », indique l’armée de l’Air et de l’Espace. 

Relayée aux forces de sécurité intérieure, l’information aura permis d’arrêter deux télépilotes en train de livrer des matériels illégaux dans un établissement pénitentiaire. « La coordination interministérielle au sein de la chaîne de lutte anti-drones a fait, une nouvelle fois, la preuve de son efficacité », se félicite l’armée de l’Air et de l’Espace. 

Crédits image : AAE

Guerre en Ukraine : la Russie réalise un exercice militaire XXL avec la Chine

Guerre en Ukraine : la Russie réalise un exercice militaire XXL avec la Chine

Par Cédric Bonnefoy* – armees.com –  Publié le 11 septembre 2024

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Guerre en Ukraine : la Russie réalise un exercice militaire XXL avec la Chine – © Armees.com

 

Dans un contexte de guerre en Ukraine, la Russie montre les muscles. Moscou participe à un exercice militaire d’énorme envergure avec la Chine. L’opération se déroule dans le Pacifique et nécessite la participation de milliers d’hommes.

En pleine guerre en Ukraine, la Russie affiche sa puissance

Dans un contexte où la guerre en Ukraine s’intensifie, la Russie affiche une démonstration de force colossale. En effet, elle participe à des exercices militaires massifs. Ces derniers sont orchestrés en collaboration avec la Chine. La manœuvre, baptisée « Océan-2024 », mobilise plus de 90 000 soldats, 400 navires et 120 aéronefs. Il s’agit d’une manœuvre d’une ampleur sans précédent depuis « trois décennies » selon Vladimir Poutine. De plus, elle se déroule dans des zones stratégiques, telles que le Pacifique et l’Atlantique.

L’objectif est de tester les capacités militaires russes tout en renforçant les liens avec Pékin. L’exercice Océan-2024, s’étendant sur plusieurs océans et mers, permet également de tester l’efficacité des troupes à utiliser des armes de haute précision et à défendre les routes maritimes.

Depuis le début de l’invasion en Ukraine en février 2022, les relations sino-russes se sont considérablement resserrées. En effet, la Chine n’a jamais condamné cette offensive. De plus, elle renforce ses collaborations militaires avec Moscou. Ainsi, cet exercice militaire de grande ampleur reflète cette alliance stratégique. Le président Vladimir Poutine, lors de son discours d’ouverture, a dénoncé les « actions agressives » des États-Unis et de leurs alliés dans la région Asie-Pacifique. Ce dernier affirme que la Russie doit se préparer à toute éventualité, ce qui souligne l’importance de cet exercice pour affirmer leur puissance.

Une démonstration de force, un message à l’Occident

Avec la participation de la Chine, cet exercice militaire vise aussi à envoyer un message clair aux puissances occidentales. Selon Moscou, ces manœuvres témoignent de la montée en puissance de la coopération militaire sino-russe, un partenariat qui devient de plus en plus préoccupant pour les États-Unis et ses alliés. En effet, le Japon a récemment signalé la présence de navires chinois naviguant vers la Russie dans la mer du Japon, ce qui n’a fait qu’exacerber les tensions dans la région.

D’autre part, cette mobilisation militaire impressionnante survient dans un contexte où les pays occidentaux, menés par les États-Unis, augmentent leur présence dans la région Asie-Pacifique, ce qui est perçu comme une menace par Moscou et Pékin. Cette démonstration de force est donc un moyen pour ces deux nations de réaffirmer leur influence. Mais aussi, de rappeler leur capacité à agir en tandem pour défendre leurs intérêts communs surtout dans un contexte de guerre en Ukraine.

*Cédric Bonnefoy est journaliste en local à la radio. À côté, il collabore depuis 2022 avec Économie Matin.

La gendarmerie accueille un nouveau lieutenant

La gendarmerie accueille un nouveau lieutenant

Après trois ans exercés à la communauté de brigades de Prades, le lieutenant David Adjutor a été affecté à la gendarmerie Arnaud-Beltrame, à Marguerittes, en remplacement du capitaine Bruno Surin parti à Nîmes au groupement. Agé de 42 ans, marié et père de deux grands enfants maintenant, il a toujours effectué son métier avec passion depuis plus de 22 ans en gendarmerie. Son rêve d’enfant concrétisé, il a servi aussi bien en outre-mer (la Réunion) qu’en divers départements de métropole (Loire-Atlantique, Haute-Savoie, Savoie, Pyrénées-Orientales).

Depuis le 1er août, muté à la brigade de Marguerittes, brigade périurbaine qui fait partie de la compagnie de Nîmes qui couvre les communes de Marguerittes, Saint-Gervasy, Bezouce, Cabrières, Lédenon, Poulx, Manduel et Redessan, il a 32 effectifs sous ses ordres. Le lieutenant David Adjutor remercie le capitaine Bruno Surin de l’unité qu’il lui laisse, et maintient ses objectifs : toujours plus de présence de voie publique, accentuer le contact des militaires de la brigade de Marguerittes avec la population, ses représentants et les différents acteurs, une présence (qu’elle soit judiciaire, routière, contact), et pouvoir lutter contre toute forme de délinquance au quotidien en rapprochant les gendarmes de la population.

Cour des comptes : La disponibilité des aéronefs militaires s’améliore… mais pas assez au vu des moyens engagés

Cour des comptes : La disponibilité des aéronefs militaires s’améliore… mais pas assez au vu des moyens engagés


En 2018, la disponibilité de certaines flottes d’aéronefs étant encore très insuffisante au regard des contraintes et de l’activité opérationnelle, le ministère des Armées prit le taureau par les cornes en lançant une vaste réforme du Maintien en condition opérationnelle Aéronautique [MCO Aéro], sur la base des recommandations faites par l’ingénieur général hors classe de l’armement Christian Chabbert.

L’une des mesures prises consista à remplacer la Structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques du ministère de la Défense [SIMMAD] par la Direction de la Maintenance aéronautiques [DMAé]. Placé sous l’autorité directe du chef d’état-major des armées [CEMA], cet organisme est désormais chargé d’élaborer et de mettre en œuvre des stratégies en matière de MCO Aéro, afin d’accroître la disponibilité des aéronefs à un coût maîtrisé.

Pour cela, la DMAé a entrepris de simplifier le MCO en confiant tous les marchés relatifs à la maintenance d’un flotte d’aéronefs à un prestataire unique tout en lui assignant des objectifs de disponibilité, dans le cadre de contrats dits « verticalisés ».

Cette réforme a-t-elle produit les effets escomptés ? Les chiffres relatifs à la disponibilité technique des aéronefs étant désormais confidentiels, comme, d’ailleurs, les indicateurs sur l’activité des forces que l’on pouvait trouver dans les « bleus budgétaires » [c’est-à-dire les projets annuels de performance], il est compliqué de se faire une idée.

À moins de se contenter de quelques ordres de grandeur concernant certaines flottes. Ainsi, l’an passé, le général Stéphane Mille, alors chef d’état-major de l’armée de l’Air & de l’Espace [CEMAAE] avait confié, lors d’une audition parlementaire, que la disponibilité de l’aviation de chasse [Rafale et Mirage 2000] avait « globalement » augmenté de 3 % en 2023 tandis que celle des autres flottes [avions de transport, hélicoptères et drones] accusait une « légère baisse ».

Dans un référé publié ce 10 septembre, et bien que n’étant pas autorisée à rendre publics les taux de disponibilité des aéronefs, la Cour des comptes a donné un aperçu des résultats obtenus par le ministère des Armées en matière de MCO Aéro entre 2018 et 2023.

Ainsi, si elle dit avoir « observé à l’occasion de son contrôle une amélioration de la performance du MCO aéronautique, qui se traduit par une meilleure disponibilité de plusieurs flottes stratégiques d’aéronefs depuis 2018 », la Cour des comptes estime cependant que ces progrès, « réalisés au prix d’un accroissement significatif des moyens budgétaires » [4,7 milliards d’euros en 2022, ndlr], sont « insuffisants au regard des besoins opérationnels » étant donné que les volumes d’heures de vol et les indicateurs de performances des documents budgétaires » demeurent encore, « chaque année, en deçà des objectifs fixés par les armées ».

L’enquête menée par la Cour des comptes ne remet pas en cause les contrats verticalisés. En revanche, elle souligne qu’il existe des « marges de progrès importantes en matière de productivité et de compétitivité » au sein du Service industriel de l’aéronautique [SIAé].

Rattaché à l’armée de l’Air & de l’Espace, le SIAé est le « garant de l’autonomie de la France sur le MCO Aéronautique », en apportant une « logique de performance industrielle grâce à des méthodes innovantes », explique le ministère des Armées.

Certes, les Cour des comptes reconnaît que le SIAé a engagé des actions afin d’améliorer sa performance… Pour autant, poursuit-elle, « ses ateliers restent souvent engorgés par les flottes d’aéronefs les plus problématiques ». Et d’ajouter : « La production stagne depuis 2018 malgré l’augmentation des effectifs » tandis qu’il « n’existe pas d’indicateur fiable permettant de mesurer [sa] productivité. En outre, « peu de synergies ont été développées entre ses cinq ateliers [*], dont les pratiques restent hétérogènes ».

Selon le ministère des Armées, le SIAé emploie 5000 personnes [dont 83 % de personnels civils] et recrute plus de 400 opérateurs, techniciens et ingénieures tous les ans.

Parmi les mesures qu’elle préconise, la Cour des comptes soutient que la « transformation » du SIAé doit se poursuivre en prenant modèle sur « la réorganisation et les évolutions managériales menées à bien dans les centres d’essais de la DGA », lesquels « sont notamment parvenus à mutualiser leurs fonctions support et augmenter leurs heures productives ».

Par ailleurs, la Cour des comptes a également évoqué les difficultés du projet BRASIDAS. Confié en 2018 par la Direction générale de l’armement [DGA] à Sopra Steria, il doit permettre de réunir toutes les informations sur les activités de maintenance sur les différentes flottes d’aéronefs au sein d’un seul système d’informations [il en existait alors plus de 80]. Un audit de ce projet est d’ailleurs actuellement mené par le Contrôle général des armées.

« La Cour a constaté que la réalisation de la première étape de BRASIDAS accusait déjà un retard de deux ans par rapport au calendrier initial et se heurtait à des difficultés importantes, notamment liées à la reprise des données de certaines flottes et à la maturité du principal composant technique de la solution », lit-on dans le référé. Aussi recommande-t-elle de tirer toutes les conséquences sur la conduite de ce projet une fois que l’audit dont il fait l’objet sera terminé.

[*] Ateliers industriels de l’aéronautique [AIA]

Guerre Russie/Ukraine – L’entretien exclusif avec Nikola Mirkovic

Guerre Russie/Ukraine – L’entretien exclusif avec Nikola Mirkovic


Le Diplomate fait le point cette semaine sur la guerre russo-ukrainienne à la suite de l’incursion vers Koursk initiée le 6 août dernier dans un contexte paradoxal d’avancée des forces russes dans le Donbass. Nikola Mirkovic, géopolitologue, spécialiste des Balkans et des relations Russie-Occident, préside l’association Ouest-Est et a écrit de nombreux ouvrages, notamment Le Chaos ukrainien. Il nous livre ici un point de vue iconoclaste aussi factuel que possible, loin de l’émotionnel ou du manichéisme ambiants. Il livre un état des lieux dans son contexte géostratégique global et dans le sillage de l’école réaliste des relations internationales, sachant que l’incursion ukrainienne, si spectaculaire qu’elle soit, n’a pas empêché la Russie de continuer à avancer dans le Donbass. L’interview a été réalisée juste après le bombardement  par deux missiles russes Iskander d’une très importante académie militaire ukrainienne située entre Kiev et Kharkiv à Potlava.

Propos recueillis par Angélique Bouchard – Le Diplomate Média – publié le 10 septembre 2024

Le Diplomate : Avez-vous des données et une opinion différente des médias mainstream qui relaient souvent et probablement de bonne foi les informations de l’armée et du pouvoir ukrainiens ? La Russie de Poutine a-t-elle reçu une vraie claque tactique avec l’incursion ukrainienne à Koursk ?

Nikola Mirkovic : Oui j’ai heureusement accès à d’autres sources d’informations que les mainstream occidentaux. Malheureusement, en France, nous craignons tellement d’être traités de pro-russes que nous occultons certains événements qui contrent le narratif dominant. C’est une erreur. Pour analyser cette guerre de manière objective, il faut pousser la réflexion au bout et ne pas craindre d’analyser toutes les sources d’information avant d’émettre un jugement. L’objectif ne doit pas être de soutenir un camp mais de comprendre objectivement ce qui se passe sur le terrain et, en tant que Français, de savoir déceler ce qui est de notre intérêt.

Quelles que soient les sources consultées, il est évident que la Russie s’est en effet pris une claque tactique avec l’invasion ukrainienne. Elle a laissé une partie de sa frontière à la merci d’une armée adverse et de mercenaires étrangers. La claque est double car elle montre qu’il n’y avait pas eu de préparation dans l’oblast (région) de Koursk en amont pour défendre le territoire (pose de dents de dragon, mines, fortifications et surtout coordination de la défense entre les gardes-frontières, la garde nationale, le FSB, l’armée…). Et la deuxième claque vient de la lenteur de la réaction militaire russe. Moscou avait bien vu l’accumulation de troupes sur sa frontière mais a tardé à réagir militairement. Soit la hiérarchie n’a pas cru que Kiev oserait envahir, soit le temps de réaction purement administratif a été affreusement long. Moscou a perdu plusieurs localités et a dû évacuer plus de 200 000 habitants de la région. C’est évidemment une image humiliante pour le Kremlin qui voit Kiev lui prendre plus de territoire en 15 jours qu’elle-même ne lui en a pris depuis le début de l’année. Mais d’un point de vue purement militaire pour Poutine, l’invasion ukrainienne sur son territoire est plutôt une épine dans le pied qu’un dard dans la gorge.

LD : Pouvez-vous nous apporter des précisions sur l’attaque russe contre l’académie militaire ukrainienne à Potlava qui aurait fait des dizaines de morts selon les Occidentaux et Ukrainiens, mais qui aurait en fait « détruit » des centaines d’experts ukrainiens et des instructeurs occidentaux y compris officiers spécialisés en guerre électronique et drones militaires de précision ?

NM : Le 3 septembre dernier les Russes ont tiré deux missiles balistiques Iskander sur le centre de formation militaire ukrainien 179, spécialisé en communication, à Poltava en Ukraine. L’attaque a fait beaucoup de bruit en Ukraine et dans les médias russes. Les médias occidentaux ne sont pas entrés dans le détail de ce qui se passait réellement dans le bâtiment visé et se sont contentés de partager l’information de Kiev qui affirme que 58 personnes ont été tuées et plus de 300 personnes ont été blessés. Selon les médias russes en revanche, il y aurait eu beaucoup plus de morts et, parmi ces derniers, il y aurait même eu des instructeurs étrangers. Selon les médias russes en effet plusieurs instructeurs suédois qui formaient les Ukrainiens sur l’utilisation de l’avion radar ASC 890 (un Saab 340 – sur lequel a été greffé un radar AESA « Erieye » à balayage électronique) auraient fait partie des victimes. Il n’y a pas de confirmation de la part des Suédois, mais ce qui est certain c’est que le ministre suédois de la Défense, Tobias Billström, a donné sa démission deux jours après l’attaque de façon inattendue et sans donner de raisons particulières… Il est difficile évidemment de distinguer le vrai de la propagande dans le brouillard de la guerre. Toutefois, l’attaque a été de toute évidence majeure puisque même Zelensky a été obligé de prendre la parole à son sujet et que les réseaux sociaux ukrainiens ont fait circuler des demandes importantes et urgentes de don du sang (nécessaire pour les blessés). La Suède, qui vient de rejoindre l’OTAN, reste discrète sur le sujet. Le petit clin d’œil historique est que c’est à Poltava que l’armée russe de Pierre 1er a battu le roi Charles XII de Suède en 1709. En tout état de cause l’attaque russe a affaibli le moral des troupes de Zelensky à un moment où l’incursion dans la région de Koursk a été freinée, où les soldats ukrainiens perdent du terrain dans le Donbass à la veille de la bataille stratégique de Pokrovsk et où le député ukrainien Ruslan Gorbenko, membre du parti de Zelensky ‘Serviteurs du peuple’, parle officiellement de 80 000 déserteurs dans l’armée ukrainienne. Un article de CNN du 8 septembre dernier évoque aussi ce problème de désertion massif ainsi que le moral au plus bas des soldats ukrainiens.

LD : Concernant le nouveau front intérieur en Russie face à l’armée ukrainienne, a-t-on des données fiables et recoupables des deux bords qui permettraient d’évaluer la progression de l’armée ukrainienne jusqu’aux alentours de Koursk ?

NM : Dans les guerres modernes, on reçoit beaucoup d’informations. Certaines chaines Telegram recensent toutes les attaques filmées avec les dates et les coordonnées GPS. C’est impressionnant. L’enjeu pour un analyste est de recouper les bonnes informations et de ne pas tomber dans le piège de la propagande qui se pratique évidemment de part et d’autre de la ligne de front. Ce que l’on peut dire aujourd’hui sans prendre de risque est que l’armée ukrainienne est entrée avec environ 10 000 à 15 000 soldats et mercenaires en Russie, l’armée russe n’était pas prête, les soldats ukrainiens ont réussi à progresser plusieurs dizaines de kilomètres à l’intérieur des lignes russes. Plusieurs villages russes et la petite ville de Sudzha (6 000 habitants) ont été prises. Dans la bataille, Kiev a récupéré un atout stratégique qui est la station de comptage de gaz de Sudzha. Malgré cette prise, le gaz russe continue d’affluer vers l’Ukraine à un débit légèrement inférieur qu’avant l’invasion. Pour le reste, la prise concerne essentiellement des zones non stratégiques et l’armée ukrainienne est loin pour l’instant d’avoir d’autres prises de guerre significatives comme la centrale nucléaire de Koursk ou la voie de chemin de fer qui relie Belgorod à Koursk et par laquelle transite du matériel militaire russe. Volodymyr Zelensky dit contrôler un peu plus de 1000 km2 de territoire russe, ce qui est important à l’égard de la guerre, mais reste relativement insignifiant par rapport à la taille de la Russie (17,1 millions de km2). Plus de trois semaines après l’incursion, on peut dire que les Russes sont maintenant organisés et que l’élan ukrainien est ralenti. C’est l’avis même de l’Institut for the Study of War qui est plutôt pro-ukrainien. Les Ukrainiens tentent d’agrandir le territoire conquis en largeur maintenant plutôt qu’en profondeur pour ne pas laisser de flanc dégarni. S’ils veulent conserver ce territoire, ils ont urgemment besoin de creuser des tranchées et de bâtir des lignes de défense. Cette tâche n’est évidemment pas facilitée par les bombardements russes.

LD : Comment expliquez-vous la lenteur des forces russes militaires et du ministère de l’intérieur ainsi que des forces tchétchènes d’appoint de l’ex-SMP Wagner nouvellement appelée Africa Corps ?

NM : La situation était, il est vrai, consternante. On a dû mal à imaginer que les Russes n’avaient pas imaginé une offensive ukrainienne au-delà de Soumy. Cette situation est d’autant plus surprenante que Zelensky avait déjà poussé ses mercenaires étrangers en territoire russe à Briansk et Belgorod. Moscou aurait dû se douter que de telles incursions pourraient se produire ailleurs. Face à cette situation inédite, Moscou a décidé de ne quasiment pas dégarnir ses forces sur le front ukrainien et a préféré laisser les conscrits et les forces disponibles dans la région de Koursk les premiers jours le temps de s’organiser. La Russie ne veut absolument pas perdre la main en Ukraine où elle progresse, mais elle n’avait pas de plan B en presse bouton pour réagir dans la région de Koursk. Heureusement pour elle qu’il n’y avait pas plus d’hommes, de matériel et une meilleure logistique dans l’offensive ukrainienne.

LD : Après une première phase de refus de dégarnir le front ukrainien, il semblerait que la Russie ait fait venir sur le front de l’oblast de Koursk et de Belgorod des troupes russes du Donbass et de Kherson ou Zaporidja, qu’en est-il exactement ?

NM : Un des objectifs ukrainiens en ouvrant ce nouveau front était clairement d’obliger les Russes à dégarnir le front ukrainien. Moscou n’est pas tombée dans ce piège car les Russes sont en train de gagner du terrain en Ukraine en ce moment. C’est, entre autres, pour cela que la réaction a tardé. Il fallait trouver des soldats prêts au combat sans pour autant affaiblir l’avance stratégique sur le front ukrainien. D’après les renseignements américains, l’équivalent de quelques brigades de mille hommes aurait été retiré du front ukrainien pour aller défendre la région de Koursk. Cela me semble beaucoup, mais il est certain que les Russes ont dû revoir urgemment leurs allocations de ressources et ont paré au plus pressé sans trop toucher aux forces présentes en Ukraine.

LD : La riposte russe se profilerait selon des informations russo-ukrainiennes et biélorusses, et elle s’annoncerait très forte. Mais comment l’armée russe peut-elle bombarder les troupes ukrainiennes sur son sol sans détruire des maisons et infrastructures russes et tuer des civils russes dans les zones sous contrôle de l’Administration militaire ukrainienne d’invasion ?

NM : La situation créée par Kiev est pour le moins cocasse pour les raisons que vous évoquez. Pour autant, Poutine ne peut pas laisser cette situation durer trop longtemps car son image a été ternie et les habitants russes de la région de Koursk ne sont pas contents. N’oubliez pas qu’en Russie, il y a une partie importante de la population qui pousse pour que l’armée soit beaucoup plus agressive et termine la guerre plus rapidement. Il va être difficile pour l‘armée russe de bombarder des villages russes pour déloger des soldats ukrainiens, mais elle n’hésitera pas à la faire s’il le faut pour regagner le territoire. Dans la région de Koursk, les soldats ukrainiens sont essentiellement dans la nature. Les Russes ont déployé des moyens importants pour évacuer le maximum de citoyens et les replacer ailleurs en Russie. S’il n’y a plus de civils, ils avanceront et bobarderont jusqu’au départ du dernier ukrainien. Il y a même fort à parier que l’avancée russe soit suivie d’une offensive sur la ville ukrainienne de Soumy.

LD : Croyez-vous en l’hypothèse selon laquelle l’armée ukrainienne en ayant envoyé 3000 à 20 000 hommes selon les sources pourrait elle-même se retrouver dans un piège au cas où la Russie aurait en partie laissé faire l’incursion dans le but de prendre en étau par la suite des troupes ukrainiennes ?

NM : Le risque pris par Zelensky à Koursk est immense. Même la presse internationale plutôt pro-atlantiste le reconnaît comme le Washington Post, le New York Times, Der Spiegel ou le Wall Street Journal. Il faut comprendre que l’opération de communication et l’effet de surprise ont été 100% bénéfiques à Zelensky, mais à moyen terme, le Président ukrainien a quand même ouvert un nouveau front en se privant des réserves cruciales dont l’armée ukrainienne a besoin dans les batailles qu’elle est en train de perdre en ce moment à Pokrovsk, Ugledar ou Chasov Yar. On aurait pu croire au début que le Kremlin avait peut-être laissé faire l’armée de Zelensky, mais je pense qu’il faut plutôt écarter cette hypothèse maintenant car on voit bien que l’armée ukrainienne a été ralentie mais qu’elle n’est pas tombée dans un piège pour autant, ce qui aurait été le cas si les Russes les avaient insidieusement laissés entrer. Le vrai piège est celui que Zelensky tend à son armée. Par ce coup d’éclat il espère convaincre l’OTAN de continuer à le soutenir, récupérer des prisonniers russes qu’il échangera contre les siens, récupérer du territoire russe qu’il échangera contre celui qu’il a perdu et in fine damer le pion à Poutine. Une partie de ces objectifs pourraient être réalisés si des négociations avec Moscou  sur un traité de paix étaient actuellement en cours, mais ce n’est pas le cas. S’il n’y a pas de suite stratégique d’envergure donnée à cette incursion en territoire russe, le piège se refermera sur Zelensky qui aura affaibli son armée sans pour autant obliger la Russie à négocier. Si la Russie récupère rapidement ses territoires perdus (d’ici quelques mois) et si elle continue de progresser en Ukraine, Volodymyr Zelensky sera plus que jamais en situation de difficulté à Kiev.

LD : D’autres voix estiment que la Russie est tombée dans un piège tendu par l’Ukraine et les pays de l’OTAN qui auraient préparé de longue date l’attaque en laissant croire à Moscou que le camp pro-ukrainien occidental respecterait le principe de sanctuarisation du territoire d’un pays nucléaire ?

NM : Cette attaque ukrainienne n’a pas été préparée à la va-vite. Elle a en effet été ourdie il y a plusieurs mois et il est impossible que des hauts-responsables des pays membres de l’OTAN n’en aient pas eu connaissance malgré leurs déclarations officielles. La Russie semble en effet avoir fait preuve de beaucoup de candeur en pensant qu’elle ne pourrait pas être envahie par une armée adverse du fait de sa puissance nucléaire. L’Otan et l’Ukraine ne cessent de franchir les lignes rouges de Moscou dans l’espoir d’enregistrer des gains tactiques en se disant que la Russie ne répliquera pas avec des ogives nucléaires pour autant. C’est un pari très risqué car à ce jeu Kiev et l’OTAN risquent de se penser impunies et finiront par croiser une ligne rouge russe fatale qui finira par déclencher une riposte très violente qui pourrait être nucléaire. Pour l’instant Kiev attaque des cibles stratégiques russes en Russie et Moscou ne surréagit pas. Avec l’invasion de Koursk, Moscou aurait pu envoyer des ogives nucléaires sur Kiev en invoquant sa propre doctrine militaire mais ne l’a pas fait. Elle aurait aussi pu faire intervenir l’Organisation du Traité de Sécurité Collective (organisation militaire regroupant l’Arménie, la Biélorussie, le Kazakhstan, le Kirghizistan, le Tadjikistan et la Russie) mais ne l’a pas fait non plus. Ou alors Moscou redoute l’escalade militaire et nucléaire ou alors elle ne se sent pas encore réellement menacée et estime qu’elle peut essuyer ces attaques de Kiev et de l’Otan sans que cela ne mette en péril l’existence même de son Etat. Il est difficile de dire à ce stade ce qui se passe dans la tête des militaires russes mais il est clair qu’ils font preuve d’une réserve certaine alors qu’ils auraient des arguments en interne pour être beaucoup plus agressifs. Mon analyse est qu’ils pensent pouvoir battre l’OTAN en Ukraine mais qu’ils ne veulent pas de confrontation directe avec l’OTAN ailleurs

LD : N’est-ce pas ici un tabou qui a sauté et qui fait courir le risque que les pays nucléarisés ayant pris acte de la désanctuarisassions de leur territoire révisent leur doctrine nucléaire et abaissant le seuil de l’emploi en prévoyant une utilisation du feu atomique de façon plus souple et avec moins de conditions dans le but de rétablir une dissuasion et le principe de non-attaque sur un pays nucléaire ?

NM : Il est évident qu’attaquer un pays nucléaire semblait quelque chose de complètement impensable il y a encore quelques années. Le fait que la Russie, première puissance nucléaire mondiale, soit attaquée sans riposter alors que sa doctrine stratégique le lui permet nous oblige tous à revoir nos doctrines en la matière. En ce qui concerne Moscou je pense que les mots clefs dans sa doctrine sont la mise en place d’une riposte nucléaire « quand l’existence-même de l’Etat est en danger. » Si la Fédération de Russie ne riposte pas encore contre Kiev ou l’OTAN c’est qu’elle estime que ses intérêts vitaux ne sont pas encore menacés. Cela minimise par la même occasion l’importance de la prise de certaines localités dans la région de Koursk. Cela brise en même temps le tabou de l’inattaquabilité d’une puissance nucléaire. Pour autant ce jeu est pernicieux car on ne sait plus où se trouve la limite et subséquemment une fois qu’une limité a été dépassée n’importe quel événement peut justifier une riposte nucléaire.

LD : S’il est avéré, comme le croient les Russes, que les États Unis, la Grande Bretagne et d’autres pays de l’OTAN aient aidé voire encouragé ou suggéré pareille attaque sur un pays nucléaire, le risque de guerre directe conventionnelle ou nucléaire tactique entre les pays de l’Otan et la Russie est-il plus élevé que jadis ?

NM : Ce risque ne cesse de grandir à force de repousser les lignes rouges des uns et des autres. On parle beaucoup de la partie militaire mais les opérations subversives et de déstabilisation sont moins médiatisées et de plus en plus employées de part et d’autre. Sans l’OTAN, Kiev aurait déjà signé un traité de paix avec Moscou. N’oublions pas qu’en mars 2022 Kiev et Moscou étaient en train de négocier. Cela a été confirmé entre autres par Naftali Bennett (ex-Premier ministre israélien), Mevlüt Çavuşoğlu (le ministre des Affaires étrangères turc) et David Arakhamia (membre du parti ukrainien Serviteur du peuple – le même parti que Volodymyr Zelensky). Pendant les négociations Boris Johnson, le Premier ministre britannique, a débarqué à l’improviste à Kiev et menacé Zelensky de lui retirer le soutien atlantiste s’il signait avec Moscou. Les négociations ont ainsi capoté. L’OTAN et la Russie sont clairement en guerre et l’Ukraine sert de ring. L’OTAN essaye de se donner un rôle de conseiller ou de simple revendeur d’armes mais elle est beaucoup plus impliquée que cela. Elle est au courant de toutes les décisions prises par Kiev quand elle ne les prend pas directement à sa place. Le problème pour l’OTAN est que la stratégie multipolaire de Poutine fonctionne, les pays qui appliquent des sanctions contre la Russie ne représentent que 16% de la population mondiale. L’économie russe prospère pendant que les nôtres se grippent. De surcroît Washington se trouve dans la pire situation possible avec des zones de guerre ou de forte tension non seulement en Ukraine mais également au Moyen-Orient et en Asie. Washington perd de plus en plus sa dominance sur l’Amérique du Sud également. Avec un endettement colossal et une situation économique moyenne Washington ne peut pas couvrir toutes ces crises géopolitiques en même temps. Les USA vont devoir faire des choix et l’élection du prochain président américain nous donnera d’ici quelques mois un aperçu des véritables priorités de l’Amérique et donc de l’OTAN. La politique de Harris ou Trump déterminera le niveau d’escalade entre Washington et Moscou.

LD : Concernant les revers subis par les Ukrainiens face aux forces russes dans le Donbass et sur toute la ligne de front russo-ukrainien confirmez-vous que les troupes russes continuent de gagner du territoire ?

NM : Oui, c’est bien pour cela que l’incursion ukrainienne en Russie paraît pour l’instant insensée. Sans prise d’atouts stratégiques supplémentaires, sans ouvertures de nouveaux fronts (en Transnistrie, en Crimée ou au Nord de la Russie par exemple) qui affaibliraient l’armée russe, l’avancée ukrainienne prive essentiellement l’armée de Zelensky de renforts dont elle a besoin sur la ligne de front en Ukraine. De plus cette incursion ukrainienne a un coût élevé pour Kiev qui perd beaucoup de soldats et de matériel. Kiev a étendu la ligne de front alors qu’elle a moins d’hommes, moins de matériel et moins de puissance de feu que la Russie. Kiev est en train de perdre des combats stratégiques à Pokrovsk, Chasov Yar et Toretsk. Pokrovsk est un verrou important de la défense ukrainienne. S’il saute, Moscou avancera ses troupes en profondeur dans le territoire ukrainien en direction du Dniepr. L’armée russe pourra prendre par la même occasion un important carrefour ferroviaire et autoroutier de première importance pour la logistique ukrainienne. Si les Russes gagnent ces batailles ils poursuivront leur avancée et continueront d’affaiblir les lignes de défense de Kiev. Selon The Economist : « L’Ukraine avait de grands espoirs qu’une offensive soudaine dans la région de Koursk soulagerait la pression. Toutefois, l’offensive de la Russie n’a fait qu’accélérer. » L’hebdomadaire britannique souligne que l’armée ukrainienne elle-même reconnaît que ses défaites sur la ligne de front sont liées à l’état de fatigue de ses soldats et le besoin d’en recruter d’autres. Les nouvelles recrues ukrainiennes ne sont pas à la hauteur et beaucoup craignent de se battre selon une enquête de l’Associated Press menée auprès de plusieurs soldats ukrainiens. Malgré la surprise de l’incursion dans la région de Koursk, le bilan global de la situation est, pour l’instant, plutôt défavorable pour Kiev.


Nikola Mirkovic
Angélique Bouchard

Diplômée de la Business School de La Rochelle (Excelia – Bachelor Communication et Stratégies Digitales) et du CELSA – Sorbonne Université, Angélique Bouchard, 25 ans, est titulaire d’un Master 2 de recherche, spécialisation « Géopolitique des médias ». Elle est journaliste indépendante et travaille pour de nombreux médias. Elle est en charge des grands entretiens pour Le Dialogue.

Que pèse la France en Indo-Pacifique ?

Que pèse la France en Indo-Pacifique ?

La stratégie indo-pacifique française est souvent incomprise et parfois méconnue. Dans cette immense région à l’importance cruciale, la France est fréquemment perçue comme une ancienne puissance coloniale amenée à jouer, au mieux, un rôle secondaire.

par Benjamin Blandin, Institut catholique de Paris (ICP) – Revue Conflits – publié le 11 septembre 2024

https://www.revueconflits.com/que-pese-la-france-en-indo-pacifique/


Il est vrai que la France a connu une longue présence coloniale dans la région, pendant environ trois siècles, de 1674 à 1954, notamment à Madagascar, à Djibouti, à Mayotte, en Inde, en Indochine et dans le Pacifique Sud. En outre, elle a également eu recours de manière immodérée à la politique de la canonnière au Siam face au Vietnam, ainsi que face à la Chine et à la Corée. Aujourd’hui, du fait de cette histoire, elle se trouve en conflit avec Maurice pour l’île de Tromelin, avec les Comores pour Mayotte et les îles Glorieuses, et avec Madagascar pour les îles Éparses. Dans l’océan Pacifique, la France est également confrontée à un mouvement indépendantiste en Nouvelle-Calédonie et sa possession de Clipperton a été ouvertement remise en question par le Mexique.

Outre les questions historiques, plusieurs événements survenus plus récemment ont également contribué à cette perception : les essais nucléaires effectués par la France jusqu’en 1995, les scandales liés aux contrats de défense signés avec Taïwan, ainsi qu’avec l’Arabie saoudite et le Pakistan dans les années 1990 et au début des années 2000, et plus près de nous l’annulation par Canberra du contrat de sous-marins au profit de l’accord AUKUS et l’abandon par l’Australie de contrats de défense avec la France (hélicoptères d’attaque Tigre, hélicoptères de transport NH90).

Par ailleurs, l’appareil de sécurité régionale français a été considérablement réduit, passant de 8 500 à 7 000 hommes au cours des dix dernières années. Sans parler des coupes budgétaires post-crise des subprimes (les redoutables LOLF et RGPP) dans la diplomatie française qui ont entraîné une réduction d’effectifs dans un certain nombre d’ambassades. Tous ces facteurs ont clairement eu un impact sur l’image de la France dans la région et ont contribué à une opinion négative auprès du public, des experts et des autorités.

En outre, la stratégie indo-pacifique de la France, publiée en 2019, reste floue pour nombre de nos voisins, partenaires et alliés. La France gagnerait certainement à améliorer sa communication autour de ses initiatives et de ses résultats concrets, pour les faire mieux connaître et apprécier. Une meilleure coopération serait également nécessaire entre ses (trop) nombreuses agences, régulièrement en concurrence les unes avec les autres.

Un pays singulier parmi les nations européennes en Indo-Pacifique

La France n’est certes pas le pays le plus puissant opérant dans la zone indo-pacifique, mais elle n’est ni une petite puissance ni une puissance lointaine dans la région, où sa présence a été continuellement maintenue depuis la première moitié du XVIe siècle.

Il est également important de noter que même si la France a été une puissance coloniale, elle a établi son influence par divers moyens, notamment l’échange d’envoyés diplomatiques et l’établissement d’alliances avec les dirigeants locaux, l’implication directe dans divers conflits, la présence des érudits jésuites à la cour de l’empereur Qianlong en Chine, la construction de forteresses de style Vauban au Siam et au Vietnam ou encore la création d’un arsenal naval moderne à Yokosuka, au Japon. Un grand nombre de Français de tous métiers ont également apporté leurs connaissances et leurs compétences aux dirigeants locaux.

Aujourd’hui encore, la présence de la France dans la zone constitue une singularité majeure puisqu’elle est le seul pays de l’UE à être membre du Conseil de Sécurité de l’ONU et à être une puissance résidente à la fois dans l’océan Pacifique et dans l’océan Indien, sur un ensemble de territoires qui représente 25 810 kilomètres carrés pour une population de près de 2 millions de Français, et 93 % de la zone économique exclusive (ZEE) française, la deuxième au monde, juste après celle des États-Unis. Ses principales entreprises y sont très présentes, notamment dans le secteur de la défense, où la France se classe au troisième rang des fournisseurs, avec des coopérations fructueuses en cours avec l’Inde, Singapour, la Malaisie et l’Indonésie (peut-être prochainement aux Philippines) et des succès plus anciens en Australie et à Taïwan.

En termes d’influence et de diplomatie, Paris bénéficie d’une position unique avec un ensemble à la fois très dense et diversifié d’outils de soft power et de coopération. Cela comprend d’abord, son réseau d’ambassades et de consulats, l’un des plus importants au monde ; deuxièmement, les écoles et centres culturels français (réseau Alliance française) implantés dans toutes les grandes villes ; troisièmement, ses chambres de commerce et d’industrie reliant les entreprises françaises et locales ; quatrièmement, les institutions françaises de coopération internationale telles que l’Agence française de développement (AFD) et Expertise France ; cinquièmement, un réseau de 18 attachés militaires en plus des officiers de liaison dans les centres régionaux de fusion d’informations à Madagascar, New Delhi et Singapour, coordonnant la coopération en matière de défense et maritime et menant la diplomatie militaire. Cet outil diplomatique unique, envié par de nombreux pays européens, permet à la France d’être un membre actif des plus importants forums et mécanismes de coopération régionale.

Des moyens limités mais une approche innovante

Pour autant, les observateurs jugent souvent que la France « manque de muscles » en Indo-Pacifique.

Une telle affirmation n’est pas dénuée de fondement. Il est vrai que le nombre de troupes dans la zone a été réduit de 20 % au cours des 10 dernières années et que la présence navale a fortement diminué depuis les années 1990, mais en tout état de cause la France n’a ni l’ambition ni les moyens d’être une puissance militaire majeure dans l’Indo-Pacifique. Ses partenaires et alliés dans la région n’attendent ni ne demandent qu’elle prenne parti dans la rivalité États-Unis/Chine ou s’interpose entre eux. Forte de son héritage historique d’autonomie stratégique et d’indépendance politique, la France souhaite ouvrir une troisième voie, ni pro-États-Unis ni anti-Chine, qui résonne avec la posture stratégique de non-alignement des « Perspectives sur l’Indo-Pacifique » de l’Asean. À ce titre, Paris privilégie une posture de facilitateur, de bon voisin et de partenaire de confiance qui promeut l’état de droit et démontre son engagement en faveur de la sécurité régionale et de la liberté des mers.

L’architecture de défense française dans la zone comprend deux commandements sous-régionaux – ALINDIEN pour l’océan Indien et ALPACI pour l’océan Pacifique, en complément des forces de souveraineté positionnées à La Réunion, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie – et suit un axe en forme de « S ». Cet axe relie le cœur métropolitain à ses territoires d’outre-mer à travers un réseau d’alliés et de partenaires stratégiques dont les Émirats arabes unis, l’Inde, Singapour, l’Indonésie et l’Australie (mais aussi le Vietnam, la Corée du Sud et le Japon). Avec certains d’entre eux, la France a établi un dialogue stratégique de défense innovant, comme les dialogues stratégiques trilatéraux « France-EAU-Inde » et « France-Inde-Australie ».

Cet axe comprend également cinq bases militaires situées à Abu Dhabi, Djibouti, La Réunion, Nouméa et Papeete. Dans ces bases, 7 000 militaires et divers équipements sont positionnés en permanence pour protéger les intérêts de la France. Il convient également de noter que depuis la publication de sa stratégie Indo-Pacifique, la France a considérablement renforcé sa présence dans la région. Cela comprend des déploiements réguliers de moyens navals majeurs tels que son groupement tactique aéronaval, ses sous-marins nucléaires d’attaque et ses porte-hélicoptères. Paris a aussi mené des « raids aériens », déployant chaque année des avions de combat Rafale, des A330 MRTT et des A400M depuis la France, Djibouti et le porte-avions Charles de Gaulle jusqu’en Inde, en Asie du Sud-Est, en Australie et en Nouvelle-Calédonie – et cela, en des temps records, permettant de démontrer les capacités de nos derniers équipements et de s’entraîner avec nos alliés.

À la lumière d’une architecture de sécurité américaine qui ne cesse de se renforcer et d’une présence européenne globalement absente, il a fallu du temps pour que le positionnement singulier français gagne en visibilité et soit pleinement compris. Certains pays de la région se sont même demandé si la France ne faisait pas, par nature, partie d’un « Occident global » et donc un partenaire de facto du Dialogue quadrilatéral pour la sécurité (QUAD), mais la perte de l’accord sur les sous-marins avec l’Australie au profit de l’AUKUS a grandement contribué à repositionner la France « sur le radar » de nombreux pays, notamment de l’Asean. Les entreprises françaises occupent désormais la position de troisième exportateur d’armes dans la région.

Une puissance stabilisatrice ?

Sur le plan diplomatique, la France a su établir des relations apaisées avec ses anciennes colonies. Elle a trouvé un accord avec le Mexique sur Clipperton en 2007 et a signé un accord-cadre sur l’île Tromelin avec Maurice en 2010. Elle a également renforcé sa présence au sein de l’Asean et se montre davantage présente au Shangri-La Dialogue. D’autres options ont été envisagées pour renforcer son statut, comme l’extension de ses bases, le positionnement d’une flotte permanente et d’un escadron de Rafale, ou encore une européanisation de son architecture de sécurité (même si elle représente 90 % de la présence de l’UE), mais toutes sont économiquement ou politiquement sensibles et Paris semble pour le moment privilégier une modernisation de ses atouts existants.

De manière plus pratique, la France met à profit sa vaste expertise maritime pour approfondir ses liens avec toutes les parties intéressées, à travers le concept d’« action de l’État en mer », la conception et la construction de systèmes navals complexes, la création et la préservation de zones marines protégées, la conduite d’opérations de recherche et de sauvetage en mer, la lutte contre la pollution marine, la lutte contre la criminalité maritime et les activités illégales et l’application du droit maritime.

La France est aussi l’un des pays les plus impliqués en matière de lutte contre le changement climatique. Elle a notamment apporté une contribution significative au récent traité international améliorant la protection de la haute mer. La taille de la ZEE française, les connaissances apportées par ses territoires d’outre-mer à travers le monde et la diversité de son domaine maritime placent la France à l’avant-garde des pays qui peuvent agir comme une nation-cadre dans des domaines variés et de plus en plus cruciaux pour la région : protection des biens communs mondiaux ; résilience face au changement climatique ; protection de l’environnement et de la biodiversité ; préservation du patrimoine culturel ; aide humanitaire et réponse aux catastrophes ; économie bleue ; sécurité maritime, la gouvernance des océans et la protection des ressources marines ; et renforcement de la connectivité.

On le voit, la France ne manque ni d’atouts ni d’initiatives et a véritablement transformé sa politique et sa stratégie dans la région ces dernières années. De nombreux projets ont été lancés et des résultats encourageants ont été observés. Reste désormais à mieux valoriser les fruits de cette démarche unique.

Benjamin Blandin, Doctorant en relations internationales, Institut catholique de Paris (ICP)

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

NGRC : Airbus, Leonardo et Sikorsky sélectionnés pour plancher sur l’hélicoptère militaire de demain

NGRC : Airbus, Leonardo et Sikorsky sélectionnés pour plancher sur l’hélicoptère militaire de demain


A l’occasion du salon Farnborough, fin juillet, l’Agence OTAN de soutien et d’acquisition (NSPA) a notifié trois contrats de développement à Airbus Helicopters, Lockheed Martin Sikorsky, et Leonardo pour la réalisation d’études conceptuelles détaillées dans le cadre du programme « Next Generation Rotorcraft Capability » (NGRC) de l’OTAN.

Pour rappel, le programme NGRC a été lancé fin 2020 à l’initiative de la France, de l’Italie, du Royaume-Uni, de la Grèce et de l’Allemagne, rejoints par la suite par les Pays-Bas et le Canada, tandis que les États-Unis et l’Espagne conservent un rôle d’observateur au sein du programme. Il vise à concevoir une nouvelle génération d’hélicoptère de transport et d’assaut, dont les caractéristiques générales avaient été abordées dans un précédent article. A la clé : le remplacement de près d’un millier d’hélicoptères de manœuvre à partir de 2035.

Des industriels européens enfin impliqués dans le NGRC

Les trois contrats qui viennent d’être signés forment le cinquième et dernier volet des études préliminaires lancées dans le cadre du NGRC. Rappelons que, outre deux volets portant respectivement sur les technologies et les concepts opérationnels, menés par les états membres eux-mêmes, deux autres volets avaient déjà été attribués à des industriels : une étude portant sur les modes de propulsion pour les futurs hélicoptères, confiée à GE Aerospace, et une autre portant sur les architectures ouvertes et les écosystèmes numériques confiée à Lockheed Martin. Deux industriels américains, alors même que Washington n’a qu’un rôle d’observateur dans ce programme.

Vue d'artiste 3D d'un concept de NGRC d'Airbus
Airbus a dévoilé une vue d’artiste présentant un hélicoptère futuriste d’allure conventionnelle, mais présentant de petites hélices propulsives pour gagner en vitesse en autonomie. Reste à voir si ce sera représentatif de la proposition de l’hélicoptériste européen pour le NGRC. © Airbus

Une situation qui semble enfin s’inverser avec la sélection de deux industriels européens, Airbus et Leonardo, aux côtés de l’américain Sikorsky, filiale de Lockheed Martin. Chacun sera chargé de « réaliser des études détaillées sur les concepts de plateforme dans le cadre du programme Next Generation Rotorcraft Capability (NGRC). » Pas question donc, pour le moment, de financer le développement de prototypes ou même de démonstrateurs, mais simplement de proposer une architecture capable de répondre aux attentes de l’Alliance.

Un NGRC qui s’éloigne du Future Vertical Lift américain… pour l’instant.

Il faudra attendre un peu plus d’un an pour connaître plus en détail ces différentes architectures, même si chaque industriel a déjà exposé son approche générale. Leonardo devrait ainsi continuer dans la voie des rotors basculants (tilt-rotors), déjà adopté pour son AW609 destiné au marché civil. Airbus, de son côté, va sans doute proposer un dérivé de son RACER, en intégrant des hélices propulsives sur une architecture d’hélicoptère relativement conventionnelle. Lockheed Martin Sikorsky, de son côté, va ainsi profiter de ses travaux sur le X2, le S-97 Raider et le SB-1 Defiant, et présenter un engin doté de deux rotors contrarotatifs.

Lockheed Martin Sikorsky : qui perd gagne ?

La sélection par l’OTAN de Lockheed Martin Sikorsky est intéressante à plus d’un titre. Ces dernières années, le géant américain a déployé de gros efforts pour convaincre la NSPA du bien-fondé de sa formule, particulièrement depuis l’échec du SB-1 Defiant dans le cadre du programme FLRAA de l’US Army, et plus encore après l’abandon du programme FARA avant même le premier vol du S-97 Raider. Dès lors, Sikorsky n’a pas d’autre solution que de viser le marché européen – et les fonds de développement de l’OTAN – afin de rentabiliser ses nombreux investissements.

Sikorsky, désormais filiale de Lockheed Martin, s’appuiera sur ses précédents travaux afin d’élaborer une proposition sérieuse pour le NGRC. Sur le papier, la formule à doubles rotors contrarotatifs et hélice propulsive présente de gros avantages en matière de performance, pour une empreinte au sol maîtrisée. Toutefois, de tels engins restent complexes à entretenir sur le terrain. © Lockheed Martin

Pour Washington, une sélection de Sikorsky pour les futures étapes du NGRC pourrait même être vu comme un bon moyen de maintenir une double production d’engins de nouvelle génération, avec un Bell V-280 Valor financé par l’US Army, et un dérivé du Raider financé par l’OTAN et certains pays européens.

Une solution unique pour l’OTAN ?

Heureusement, nous n’en sommes pas encore là. Les différents concepts seront présentés en fin d’année prochaine. Si le programme NGRC se poursuit au-delà, une de ces solutions pourrait être développée et industrialisée à large échelle afin de livrer les premiers clients vers 2035. Et rien n’empêche d’imaginer que, à la suite de la phase actuelle, plusieurs candidats se rapprochent afin de présenter une solution commune aux différents pays membres de l’initiative.

Vue aérienne de l'hélicoptère convertible AW609
Pour l’instant, Leonardo n’a pas dévoilé de vue d’artiste précise de son concept de NGRC. On sait toutefois qu’il sera basé sur les travaux menés dans le cadre du programme civil AW609. Leonardo s’étant récemment rapproché de Bell, on peut également s’attendre à une proposition inspirée du V-280 Valor. © Leonardo

Car, l’histoire nous l’a montré, les programmes otaniens de cette ampleur sont éminemment politiques. Difficile d’imaginer que les pays aujourd’hui à l’origine du NGRC, et qui sont les héritiers d’Agusta Westland, d’Eurocopter et de NHIndustries, acceptent de financer pleinement le développement d’un nouvel hélicoptère si celui-ci devait être confié uniquement à un industriel américain. Et inversement, on imagine bien que la gestion quelque peu chaotique du programme NH90 ne doit pas laisser que de bons souvenirs aux industriels européens.

Dès lors, à moins d’un fort rapprochement entre acteurs européens, à la fois sous l’égide du NGRC et sous l’impulsion du programme européen ENGRT, on risque fort de voir cette initiative de l’OTAN s’éparpiller dans plusieurs directions, au grès des investissements nationaux et des accords entre partenaires. On se rappellera peut-être que, dans les années 1950, le programme NBMR-1 avait échoué à doter l’ensemble de l’OTAN d’un avion d’attaque au sol léger commun. Mais l’élan industriel offert par cette compétition nous avait tout de même donné le G.91 italien, l’Étendard français et, d’une certaine manière, le F-5 américain, autant de symboles de leurs industries nationales respectives. A voir quel chemin prendra le NGRC.