Kiev a ouvert une enquête sur des désertions au sein de la brigade formée et équipée en partie par la France

Kiev a ouvert une enquête sur des désertions au sein de la brigade formée et équipée en partie par la France


Le 18 décembre, à l’issue d’un entretien avec son homologue français, Emmanuel Macron, à Bruxelles, le président ukrainien, Volodymyr Zelensky a annoncé qu’une accord venait d’être trouvé pour former une seconde brigade interarmes en France.

« J’ai exprimé ma gratitude à la France pour la préparation d’une brigade pour notre armée et nous sommes convenus de poursuivre cette coopération et de préparer une brigade supplémentaire », a en effet affirmé M. Zelensky. Et de préciser que « l’accent serait clairement mis sur le renforcement des capacités de défense aérienne ».

Le 6 juin dernier, M. Macron avait en effet indiqué que la France allait « former, entraîner, équiper une brigade entière de l’armée ukrainienne, […] ce qui représente à peu près 4 500 soldats ».

Puis, deux mois plus tard, l’armée de Terre mobilisa 1 500 de ses militaires au sein de la « task force Champagne » pour assurer la formation de 2 000 soldats de la 155e Brigade de l’armée ukrainienne, appelée « Anne de Kyiv », dans les camps de manœuvre de « l’Est de la France ».

« Cette formation répond aux besoins exprimés par le partenaire. Pour cela, elle se base sur les retours d’expérience du front russo-ukrainien. Elle s’appuie sur un environnement réaliste, notamment un réseau de tranchées, un environnement de combat en conditions réelles et l’emploi de drones », avait alors expliqué le ministère des Armées.

Devant les députés, en octobre, le chef d’état-major des armées [CEMA], le général Thierry Burkhard, avait défendu une approche s’appuyant sur « une logique de cohérence alliant une formation tactique à l’utilisation des équipements cédés avec leur soutien et leur approvisionnement en munitions ».

« Il est vrai que cela nécessite un engagement fort de l’armée de Terre, ainsi que des soutiens : quand une brigade française vient s’entraîner au camp de Mailly ou de Mourmelon, elle est accompagnée d’une partie de ses soutiens de garnison, qu’ici nous devons fournir. C’est un vrai tour de force du soutien, qui a été parfaitement exécuté », avait précisé le CEMA. « Il y a donc une incidence sur l’activité, mais les partenariats militaires opérationnels, l’instruction et la formation exigent un savoir-faire, qu’il faut maîtriser », avait-il conclu.

 

Équipée de pied en cap, avec notamment 18 AMX-10RC, 128 Véhicules de l’avant blindé [VAB], 18 CAESAr [Camions équipés d’un système d’artillerie], 10 camions TRM et des postes de tir MILAN, la brigade « Anne de Kyiv » a rejoint l’Ukraine en novembre. Seulement, dès son arrivée, et pour une raison qui n’a pas été précisée, son commandant, le colonel Dmytro Ryumshin a été remplacé par le colonel Taras Maksimov. Puis, plusieurs de ses unités ont été dispersées alors qu’elle venait de se déployer dans « la zone des combats », plus précisément dans la région de Pokrovsk [Donbass].

D’où la polémique dont cette brigade a fait l’objet. Députée et membre du même parti que celui de M. Zelensky, Mariana Bezuhla a mis les pieds dans le plat dès le 7 décembre. « Qu’est-il arrivé à la 155e brigade ? », a-t-elle ainsi demandé, via la messagerie Telegram.

« Le sort de la 155e Brigade mécanisée reste le même que celui de toutes les autres ’brigades zombies’ ou ’brigades de papier’, comme on les appelle aussi. On y intègre de force des gens, mais aucune coordination des structures de commandement n’est assurée. Plus tard, l’unité est tout simplement démantelée et rattachée à d’autres, la plupart étant envoyées dans des unités d’assaut, à l’exception de celles ’placées’ à des postes d’état-major par des stratagèmes douteux », a enchaîné la députée.

Et d’ajouter : « Même les efforts français pour spécialiser la brigade n’ont pas pu la sauver des mauvaises décisions militaires de nos généraux, qui l’ont finalement démantelée […] Maintenant, de retour en Ukraine, cette brigade est démantelée comme des organes donneurs pour d’autres brigades ».

Cependant, c’est le taux de désertion au sein de cette 155e brigade qui interroge. Dans un long message publié via Facebook, le 31 décembre, le journaliste ukrainien Iouri Boutoussov, a avancé que 1 700 de ses soldats [sur un effectif total de 4 500] étaient portés déserteurs avant son engagement sur le front, dont 50 durant la formation en France. « Cela a soulevé des questions parmi les dirigeants français quant au sérieux de l’attitude des Ukrainiens à l’égard de la mise en œuvre d’un projet aussi coûteux », a-t-il écrit, assurant avoir « obtenu une quantité importante de témoignages et de documents » durant son enquête.

S’il ne remet pas en cause la qualité de la formation délivrée par l’armée française, le journaliste a accusé le « commandement militaire ukrainien d’avoir failli à la formation initiale de la brigade », laquelle s’est déroulée dans un « chaos organisationnel complet ».

En outre, les pertes importantes subies par la 155e brigade dès ses premiers engagements auraient pu être évitées si, selon lui, certains équipements essentiels [dispositifs de brouillage électronique, drones, etc.] n’avait pas fait défaut. C’est une « attitude criminelle envers la vie des soldats », a-t-il dénoncé.

Étant donné l’ampleur de la polémique et de ses conséquences potentielles pour la formation de nouvelles brigades à l’avenir, les autorités ukrainiennes ont ouvert une enquête.

« Le Bureau d’enquête de l’État examine actuellement les faits diffusés dans les médias dans le cadre d’une procédure pénale engagée en vertu de l’article 426-1 [abus d’autorité ou de pouvoirs officiels par un militaire] et de l’article 408 [désertion] du Code pénal de l’Ukraine. L’enquête est en cours. Pour le moment, il est trop tôt pour parler des résultats, a en effet confirmé Tatian Sapian, sa porte-parole, auprès de l’AFP.

Selon Iouri Boutoussov, l’affaire est suivie de près par le président Zelensky, son ministre de la Défense, Roustem Oumierov, et le général Oleksandr Syrsky, le chef d’état-major des forces ukrainiennes.

Par ailleurs, la 155e brigade n’est pas la seule à connaître de sérieux problème. Le 17 décembre, sur la base d’informations publiées par Ukraïnska Pravda, le parquet général ukrainien a annoncé qu’il avait ouvert une enquête pénale pour « abus de pouvoir » présumés de la part de commandants de la 211e brigade du génie, ces derniers étant accusés d’avoir violenté des soldats qui consommaient de l’alcool durant leur service tout en leur extorquant de l’argent.

Photo : TF Champagne – Ministère des Armées

OPINION. Le futur avion de patrouille maritime, une affaire triplement risquée

OPINION. Le futur avion de patrouille maritime, une affaire triplement risquée

L’ingénieur général hors classe de l’armement (2S) Philippe Roger appelle à le ministère des Armées à la vigilance sur le programme du futur avion de patrouille maritime. Il rappelle que trois programmes de ce type, qui ont été conduits récemment sur la base d’avions civils, ont connu des difficultés de développement, des retards de plusieurs années et des dépassements de budget de plusieurs milliards. Par Philippe Roger, ingénieur général hors classe de l’armement (2S).

« L’ambition opérationnelle est très forte, la forme contractuelle a généré des difficultés dans le cas de l’A400M, et l’industriel pressenti, Airbus, ignore le domaine de la patrouille maritime anti-sous-marine » (L’ingénieur général hors classe de…DGA

 

Contrat à prix forfaitaire et choix d’un maître d’œuvre inexpérimenté dans le domaine militaire concerné, pour atteindre des performances très ambitieuses : ce fut la recette des difficultés techniques, calendaires et budgétaires rencontrées sur de nombreux programmes militaires dans le passé, y compris pour l’Airbus A400M qui donne toutefois aujourd’hui toute satisfaction opérationnelle.

Mais pourquoi prendre strictement les mêmes ingrédients pour le futur avion de patrouille maritime français, qui doit être mené à bien dans un délai qu’on ne peut allonger, et dans le contexte budgétaire que l’on devine ? A-t-on suffisamment trié les performances demandées, pourrait-on choisir un type de contrat moins risqué, les maîtres d’œuvre mis en compétition sont-ils au bon niveau technique et comprennent-ils la mission de patrouille maritime ?

Il existe une méthode éprouvée.

La Marine nationale et la Direction générale de l’armement (DGA) poursuivent deux programmes très lourds devant aboutir à une mise en service entre 2035 et 2038 : le porte-avions nucléaire successeur du Charles de Gaulle, et le sous-marin nucléaire lanceur d’engins de troisième génération. Ces programmes comportent, conformément à la longue expérience de la DGA, plusieurs phases, permettant de ne s’engager qu’après avoir constaté les résultats de l’étape précédente et vérifié qu’il reste des marges financières suffisantes.

Mais on peut y déroger : cette méthode peut n’être pas appliquée, quand on estime que le développement est simple et que les prix unitaires sont prévisibles, au point que l’industriel accepte un contrat à prix forfaitaire pour l’ensemble du programme, développement et production, et fait son affaire des risques, couverts par une marge que son conseil d’administration a acceptée au nom de ses actionnaires. Le cas se présente souvent quand l’industriel propose de dériver une version militaire d’un produit civil existant, les modifications apparaissant faibles et le client demandant un prix forfaitaire, qui semble lui simplifier la vie.

C’est sur la base d’un tel contrat forfaitaire qu’est lancé un troisième programme majeur pour la Marine, un programme d’avion de patrouille maritime, basé sur un avion civil. Ce programme doit impérativement aboutir à temps, car on ne peut ni prolonger au-delà l’avion Atlantique 2 ni interrompre une mission nécessaire à la protection des SNLE. Malheureusement, c’est autour de la date d’aboutissement des deux autres programmes que l’Atlantique 2 doit disparaître, si bien qu’il y a deux exigences : réussir le développement dans les temps, et financer simultanément les trois programmes. Est-on bien dans un cas d’adaptation simple ?

Désastres de plusieurs programmes analogues

Trois programmes d’avions de patrouille maritime conduits récemment sur la base d’avions civils ont connu des difficultés de développement lourdes, des retards de plusieurs années, et des dépassements de budget de plusieurs milliards. Le pire des cas a été celui de la dernière version de l’avion de patrouille maritime Nimrod de la Royal Air Force, dont le développement a été arrêté après une dépense infructueuse d’une dizaine de milliards de livres.

L’avion de patrouille maritime P8 de l’US Navy basé sur le Boeing 737 n’a pu quant à lui être mis en production qu’après un long et complexe développement ayant coûté près de 10 milliards de dollars. Quant au système dit Meltem développé par Thales avec Airbus Espagne pour la marine turque sur la base d’un biturbopropulseur simple, le CN235, il a eu de fortes difficultés techniques. Il a fallu dix ans pour livrer les premiers appareils, après une renégociation du contrat et des pertes lourdes pour l’industriel, alors même que des centaines de CN235 civils étaient en service.

La difficulté de transformer un avion civil de série en un système d’armes complexe évoluant à basse altitude et basse vitesse avec des virages serrés pendant les pistages de sous-marins, dans un brouillard salin très corrosif, a été sous-estimée dans ces trois cas, et les industriels comme l’État acheteur ont pris des vessies pour des lanternes et ont bu le bouillon. Un des éléments du problème, la corrosion saline, est bien connu, au moins en France, par les fortes difficultés induites dans l’entretien, plus que laborieux, des hélicoptères de la Marine livrés par Airbus et NHIndustries. Quant aux virages à fort facteur de charge, ils ont nécessité des transformations profondes des structures des avions civils pris comme base, et une surveillance permanente de leur état de fatigue.

Sur un sujet beaucoup plus simple, la transformation en avion ravitailleur MRTT de l’Airbus A330, le développement a connu quelques lenteurs, alors même que les risques avaient été réduits par le développement préalable d’une version à base d’A310. Les difficultés budgétaires de l’époque ont fait que les commandes françaises initiales ont été passées, prudemment, pour une version moins ambitieuse que celle spécifiée.

L’A400M, un développement que l’on savait difficile

Le développement de l’avion de transport Airbus A400M partait, quant à lui, d’une feuille blanche, et non pas d’un avion civil existant. Mais il est utile de le citer ici, car le contrat correspondant a été passé à prix forfaitaire pour l’ensemble du développement et de la production, c’est-à-dire avec la méthode contractuelle retenue pour le nouvel avion de patrouille maritime. Les nombreuses difficultés techniques à envisager pour ce programme A400M, aux spécifications justifiées mais très exigeantes, auraient demandé un type de contrat permettant un suivi pied à pied du programme par l’OCCAr, agence délégataire des États.

Mais les promesses d’Airbus et les exigences des États coopérants ont fait adopter une méthode contractuelle toute autre, qui apparaissait protectrice mais n’a pas permis de tenter de contrer à temps les difficultés techniques rencontrées. Elle a été une des causes des multiples réunions de crise où les États et Airbus se sont réparti les charges supplémentaires, après avoir même envisagé l’arrêt du programme à ses débuts. On aurait peut-être pu arriver à l’excellent service opérationnel que rend aujourd’hui l’A400M par des voies plus sûres.

Ces exemples montrent qu’on peut s’attendre à des difficultés :

– Quand les capacités demandées sont très ambitieuses, même si elles sont opérationnellement justifiées,

– Quand on demande aux industriels de traiter à prix forfaitaire sur l’ensemble du développement et de la production, ce qui leur impose de prendre des marges très élevées dont l’acheteur ne peut contrôler la justification pour comparer les offres, ce qui fausse la concurrence. Il ne peut pas non plus en contrôler la consommation pendant le développement, si bien que les demandes de renégociation du marché pour couvrir les aléas n’apparaissent que par surprise, mettant le programme en danger, et amenant à des ponctions sur les programmes contemporains.

– Quand on s’adresse à un industriel qui ne connaît pas le domaine opérationnel à traiter.

Un pari triplement risqué

Qu’en est-il dans notre programme d’avion de patrouille maritime ? L’ambition opérationnelle est très forte, la forme contractuelle a généré des difficultés dans le cas de l’A400M, et l’industriel pressenti, Airbus, ignore le domaine de la patrouille maritime anti-sous-marine. L’ambition opérationnelle : que peut-on élaguer ?

Une mesure simple du niveau de l’ambition opérationnelle est que Airbus a dû proposer un appareil de 100 tonnes pour remplacer l’Atlantique 2 qui exécutait de façon satisfaisante la mission principale anti-sous-marine, et des missions secondaires anti-surface et air-sol, avec 47 tonnes. La cause principale semble en être le choix d’emporter en interne à l’avion un missile anti-navires lourd (missile qui reste à développer) pour une mission secondaire, la mission anti-navires de surface qui est remplie actuellement sur l’Atlantique 2 par l’Exocet AM39.

Ce choix amène à prévoir une soute très importante, et a amené Airbus à ne pas se contenter de modifier un A320, comme prévu à l’origine, et à passer à un A321XLR à très grand rayon d’action, bien plus lourd, ce qui va nécessiter une refonte des hangars et de leurs voies d’accès. Il amène aussi à anticiper des coûts à l’heure de vol et des coûts de maintenance qui, étant en général proportionnels au poids, seront au moins doubles de ceux de l’Atlantique 2. Sachant que ces coûts forment les deux tiers du coût complet de tout programme aéronautique, l’effet de ce choix est extrêmement important.

Sur l’avion bien moins lourd retenu par Dassault Aviation la difficulté est évitée par l’accrochage sous voilure du nouveau missile, mais cette solution simple et éprouvée n’a pas, ou n’a plus, les faveurs de la Marine. C’est pourtant celle retenue pour l’avion P8 par l’US Navy, qui est de loin le plus grand opérateur au monde d’avions de patrouille maritime. Une révision de ce choix serait de nature à réduire les risques, la taille de l’appareil nécessaire, le devis initial et ses marges, et le coût sur la durée de vie.

Faire plus ambitieux que l’US Navy ? Il y faut réfléchir à deux fois ! A-t-on une autre option dans la situation budgétaire actuelle, face à la menace que fera peser un programme très ambitieux et risqué sur les deux autres programmes majeurs, et face au besoin de renforcement de la flotte de surface, qu’un rapport parlementaire vient de mettre à nouveau en évidence ?

Veut-on dimensionner l’avion pour aller à plus de 4.000 km de la France tirer des missiles anti-navires, ou bien accepte-t-on de se concentrer sur la mission principale anti-sous-marine, qui participe à la protection des SNLE, et d’emporter sous la voilure les armes destinées aux missions secondaires, comme le fait l’US Navy ?

Réduire les autres risques : Faut-il pousser les aléas du programme sous le tapis du contrat forfaitaire, qui donne une fausse sécurité et n’est pas adapté à un programme risqué, surtout si l’ambition opérationnelle n’est pas réduite ? Ou adopter un type de contrat qui permette de suivre pas à pas le développement, mais aussi de vérifier le détail des marges initiales : sont-elles suffisantes, induisent-elles ou non une distorsion de concurrence ? Et il faut se demander à nouveau si on doit confier une partie importante d’un développement majeur à un bureau d’études inexpérimenté dans le domaine concerné.

Rêveries

Le domaine de la patrouille maritime aurait dû être couvert par un programme de coopération franco-allemande, dit MAWS, mais l’Allemagne l’a fait capoter en cours de route pour acheter plusieurs lots d’avions américains P8, nous laissant financer seuls un nouveau développement. A la génération précédente, elle avait refusé d’acheter l’Atlantique 2, dont elle fabriquait pourtant 40%. Deux claques dont la France se serait bien passée.

Mais voilà qu’on entend dire aujourd’hui au sein de l’État qu’une des vertus du choix d’Airbus serait de permettre de relancer la coopération franco-allemande sur le sujet, coopération qui est morte et « ganzkaputt » (toute cassée) depuis que l’Allemagne a commandé un deuxième lot de P8… Après ce camouflet, qui n’est pas le seul dans la période récente, faut-il faire tourner à travers un programme de patrouille maritime les usines allemandes, en plus des usines espagnoles ? Ce serait appeler la claque suivante.

Les commandants russes de la guerre en Ukraine : purges, remaniements et mécontentements

Les commandants russes de la guerre en Ukraine : purges, remaniements et mécontentements

Notes

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Les commandants russes de la guerre en Ukraine, Pavel Baev

Les remaniements du haut commandement militaire russe au cours de la guerre en Ukraine ont eu lieu de manière inégale, aussi bien dans le temps que dans les structures des forces armées. Les motifs et le calendrier des décisions prises par Vladimir Poutine concernant les cadres de l’armée défient souvent toute logique.

 

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Vladimir Poutine avec son ministre de la Défense Sergeï Choïgou et son général de l’armée Oleg Salioukov, Moscou, Russie, 9 mai 2019
Vladimir Poutine avec son ministre de la Défense Sergeï Choïgou et son général de l’armée Oleg Salioukov, Moscou, Russie, 9 mai 2019© Free Wind 2014/Shutterstock.com

Par ailleurs, les rares déclarations officielles ne nous en apprennent pas plus que les informations habituellement filtrées venant du gouvernement. Poutine valorise généralement davantage la loyauté à la compétence, ce qui rend ainsi la structure de commandement incapable de faire face aux changements soudains de l’environnement de combat. Le récent remaniement en profondeur et les purges au sein du ministère de la Défense ont entraîné une grave désorganisation bureaucratique de cette structure, dont le rôle est pourtant crucial pour poursuivre l’effort de guerre. L’absence de changements au sein de l’état-major général empêche l’armée de tirer les leçons des expériences passées et sape l’autorité du haut commandement. L’angoisse et la colère des généraux sur la ligne de front, dues à l’incompétence du haut commandement, constituent une source majeure de risque politique. Si le président russe ne peut ignorer ce problème, il est dans le même temps incapable d’y répondre correctement.

 

Pavel K. Baev est chercheur associé au Centre Russie/Eurasie de l’Ifri, chercheur et professeur à l’Institut de recherche sur la paix d’Oslo (PRIO), et chercheur associé à la Brookings Institution. Après avoir obtenu un master en géographie politique à l’Université d’État de Moscou (1979), il a travaillé dans un institut de recherche du ministère de la Défense de l’URSS, a obtenu un doctorat en relations internationales à l’Institut des études américaines et canadiennes de l’Académie des sciences de l’URSS (1988), puis a travaillé pour l’Institut de l’Europe à Moscou. Il a rejoint le PRIO en octobre 1992. Il écrit une chronique hebdomadaire pour l’Eurasia Daily Monitor de la Jamestown Foundation.


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Les commandants russes de la guerre en Ukraine : purges, remaniements et mécontentements

L’armée russe est en train de prendre Kurakhove : quelles conséquences sur le front ukrainien ?

Après plus de deux mois de combats urbains, la ville de Kurakhove, dans l’oblast de Donetsk, est sur le point de tomber. La perte d’un quatrième bastion du Donbass en un an ouvre la voie à une poussée russe en direction de l’oblast de Dnipropetrovsk et pourrait conduire à une pression accrue autour de Pokrovsk.

Il aura fallu environ deux mois, depuis la fin du mois d’octobre jusqu’à la fin du mois de décembre, pour que l’armée russe prenne le contrôle de la quasi-totalité de la ville de Kourakhove, dans l’oblast de Donetsk. Seuls les bâtiments industriels, à l’ouest, font encore l’objet de combats aujourd’hui.

  • Kourakhove, qui comptait 18 000 habitants avant la guerre, fait partie des quatre villes moyennes de l’Est du pays capturées par l’armée russe en 2024, aux côtés d’Avdiivka, Selydove et Vuhledar.
  • La chute de la ville ne faisait plus de doutes depuis quelques semaines, alors que les troupes russes progressaient au nord, à l’est et au sud de la ville, menaçant d’encerclement les positions ukrainiennes.
  • Les assaillants russes ont tenté d’éviter autant que possible de se lancer dans des combats urbains lors d’affrontements frontaux qui s’accompagnent souvent d’importantes pertes.

La chute à venir de Kurakhove devrait laisser le champ libre à l’armée russe pour avancer en direction du sud-ouest de Pokrovsk et pour pousser en direction de l’oblast de Dnipropetrovsk, qui concentre d’importantes industries (notamment l’usine de production de missiles et fusées de Pavlohrad et l’usine Pivdenmash de Dnipro, qui produit les missiles de croisière Neptune) 1. Les troupes russes se situent pour le moment à environ 100 kilomètres du centre de l’oblast.

Le risque le plus imminent pour le front ukrainien est Pokrovsk, à 30 kilomètres au nord.

  • Les forces russes tentent depuis plusieurs mois d’encercler la ville par le sud et le nord-est, sans toutefois parvenir à réaliser des percées significatives.
  • Ce manque de réussite pourrait conduire le commandement russe à tenter de réaliser des percées « opportunistes » en direction de l’oblast de Dnipropetrovsk.
  • Pokrovsk constitue, avec Velyka Novossilka, le principal objectif militaire russe en Ukraine suite à la chute de Kurakhove. Le Kremlin poursuit par ailleurs son objectif de capture de la totalité de l’oblast de Donetsk avant d’entamer des négociations de cessez-le-feu avec Kiev.

L’Institute for the Study of War estime que Moscou a capturé 4 168 km2 de territoire au cours de l’année 2024 pour un total de plus de 420 000 pertes — soit environ 102 morts ou blessés par kilomètre carré saisi 2. Le rythme de la progression russe s’est cependant accéléré au second semestre : 56,5 % des gains de l’année ont été recensés au cours de la période septembre-novembre.


Sources
  1. « NYT увидела угрозу « промышленному сердцу » Украины из-за потери Курахово », РБК, 1er janvier 2025.
  2. Angelica Evans, Nicole Wolkov, Kateryna Stepanenko, Nate Trotter, William Runkel et Fredrick W. Kagan, Russian Offensive Campaign Assessment, December 31, 2024, Institute for the Study of War.

Elbridge Colby, le vrai visage de la stratégie Trump ?

Elbridge Colby, le vrai visage de la stratégie Trump ?

par Olivier Chantriaux – Revue Conflits- publié le 2 janvier 2025


Le 22 décembre dernier, Donald Trump a annoncé son intention de nommer Elbridge Colby sous-secrétaire à la Défense chargé des questions politiques. La nouvelle n’a pas retenu outre mesure l’attention des grands médias. Pourtant, la nomination de ce réaliste révèle peut-être la ligne stratégique de Donald Trump lors de son prochain mandat.

Elbridge Colby n’est pas un inconnu. Au cours du premier mandat de Donald Trump, il avait présidé à l’élaboration de la Stratégie de défense nationale de 2018. Constatant l’accroissement du désordre mondial et l’impossibilité d’établir en définitive un ordre international libéral, ce document procédait à un recentrage, reconnaissant que « la compétition stratégique entre États, non le terrorisme [était] désormais la préoccupation première de la sécurité nationale des États-Unis » et désignant la Chine comme principale concurrente. Dans ce contexte, la modernisation de la défense devait assurer aux États-Unis les capacités nécessaires pour assurer sa prépondérance et « maintenir la paix par la force« , « to preserve peace through strength« , formule que Donald Trump se plaît actuellement à répéter, lorsqu’il évoque, par anticipation, la stratégie internationale qu’il compte mettre en œuvre.

 

Elbridge Coby, Deputy Assistant Secretary of Defense, (U.S. Army photo by Monica King/Released)

 

Un réaliste à la Défense

Formé à Harvard et à l’École de droit de Yale, Elbride Colby est avant tout un intellectuel et un penseur réaliste des relations internationales. Après avoir travaillé comme analyste au Center for Naval Analyses (CNA) et au Center for a New American Security (CNAS), Colby avait été pressenti pour jouer un rôle éminent dans la campagne de Jeb Bush, candidat à la primaire présidentielle de 2016, avant d’être finalement éconduit par l’entourage néoconservateur de ce dernier.

Aujourd’hui, si sa désignation comme sous-secrétaire à la Défense peut sembler éclipsée par la nomination à des postes de premier plan de personnalités politiques notoires, comme Michael Waltz ou Marco Rubio, l’influence intellectuelle qu’il exercera pourrait se révéler plus déterminante au fond pour définir le positionnement stratégique des États-Unis, conduisant certains observateurs à considérer, par anticipation, que Colby pourrait être le « cerveau » de la doctrine Trump.

Le cerveau de la doctrine Trump

Cofondateur de L’Initiative de Marathon, association visant à sensibiliser ses compatriotes à la nécessité de repenser la politique internationale des États-Unis dans le contexte d’un retour à la compétition des grandes puissances, Elbridge Colby a pu exposer ses vues les plus constantes dans The Strategy of Denial, publié en 2021. Opposé à la guerre en Irak comme à la multiplication des engagements extérieurs des États-Unis, qui ne peuvent conduire, selon lui, qu’à une déperdition d’énergie et à un surinvestissement vain, il croit primordial de concentrer les efforts américains sur un théâtre central, l’Asie, qui rassemble la moitié de la population mondiale et génère l’essentiel de la croissance globale, en vue d’un objectif principal, empêcher la Chine de bâtir une sphère de prospérité sous son contrôle et de faire ainsi prévaloir son hégémonie.

Faisant sienne, en quelque sorte, la stratégie d’offshore balancing conçue par le réaliste offensif John Mearsheimer, il estime que, pour faire pièce aux ambitions chinoises, qui ne se jouent décisivement ni en Ukraine ni au Proche-Orient, les États-Unis doivent être en mesure de coordonner leur action avec les puissances géographiquement proches de la Chine et peu enclines à accepter son ascension, en l’occurrence l’Inde, le Japon, l’Australie et même le Vietnam.

Tandis que, dans l’espace Indo-Pacifique, l’Amérique se chargerait de dissuader la Chine d’imposer son hégémonie économique, les États européens se trouveraient mécaniquement conduits à prendre davantage de responsabilités au sein de l’Alliance atlantique.

La Chine est le véritable adversaire des États-Unis

Elbridge Colby se démarque enfin d’autres stratèges américains en ce qu’il ne conçoit pas comme inévitable la perspective d’une guerre avec la Chine. Sa lecture de la compétition des grandes puissances n’est pas simplement militaire, comme tendrait à l’affirmer un John Mearsheimer, mais accorde une place primordiale aux enjeux géoéconomiques, dans le sillage du théoricien du changement hégémonique qu’était Robert Gilpin.

Soucieux de préserver la paix et la capacité des États-Unis à négocier avec son compétiteur sans provoquer de guerre majeure, Elbridge Colby affirme que « le moralisme » est, en fait, inférieur à « la moralité d’une politique étrangère réaliste« .

La vente du réseau TIM : un chaos stratégique pour l’Italie

La vente du réseau TIM : un chaos stratégique pour l’Italie

par Giuseppe GAGLIANO – CF2R – Note d’actualité N°667 / décembre 2024

https://cf2r.org/actualite/la-vente-du-reseau-tim-un-chaos-strategique-pour-litalie/


Président du Centro Studi Strategici Carlo De Cristoforis (Côme, Italie). Membre du comité des conseillers scientifiques internationaux du CF2R.

Le 1er juillet 2024, TIM a finalisé la vente de son infrastructure réseau au géant américain KKR, qui l’a intégrée dans la société FiberCop. Un mois plus tard, TIM, privée de son réseau, a demandé à FiberCop de lui louer environ 600 000 lignes en fibre optique dans les « zones noires », c’est-à-dire dans les zones à forte densité de clientèle. FiberCop, n’ayant pas ces lignes, s’est tournée vers Open Fiber, le concurrent créé en 2015 par le gouvernement Renzi pour concurrencer TIM sur le marché de la fibre optique. Open Fiber, dans un paradoxe typiquement italien, a proposé ces lignes directement à TIM à un prix réduit. Cependant, TIM est contractuellement obligée de passer par FiberCop pour ce type de service. FiberCop, ayant 90 jours pour répondre à la demande, a déclaré avoir trouvé une solution : louer les lignes d’un autre opérateur, qui les a lui-même obtenues en location auprès d’Open Fiber. Chaque étape ajoute une surcharge de coûts, qui pourrait finalement être supportée par les utilisateurs. Fait notable, l’État italien est actionnaire minoritaire de TIM et de FiberCop et contrôle Open Fiber via la Caisse des Dépôts et Consignations (CDP).

Le gouvernement, dirigé par la Première ministre Giorgia Meloni et le ministre de l’Économie Giancarlo Giorgetti, a approuvé la vente à KKR dans l’espoir de redresser les dettes de TIM et de renforcer les relations avec les États-Unis. L’opération, orchestrée au Palazzo Chigi par le chef de cabinet Gaetano Caputi et Vittorio Grilli de JPMorgan Italie, montre déjà des faiblesses. Actuellement, les relations entre KKR et le gouvernement sont tendues, principalement en raison des attentes élevées de rentabilité du fonds américain, qui a investi environ 4 milliards d’euros pour acquérir 37% de la nouvelle société réseau (le Trésor italien détient 16%). KKR vise une revente rapide de l’actif.

Lors de la cession, TIM et FiberCop ont signé un Master Service Agreement – un contrat de 15 ans reconductible une fois – qui régit les services offerts par TIM, désormais sans réseau. Selon les prévisions, TIM paiera 2 milliards d’euros par an pour l’accès au réseau jusqu’en 2029 ; en 2030, le chiffre passera à 2,1 milliards pour atteindre 2,5 milliards d’euros en 2039. Ce schéma garantit à FiberCop, et donc à KKR, des profits annuels croissants, allant de 2 milliards en 2027 à 2,7 milliards en 2039. TIM est obligée d’acheter les services de FiberCop s’ils sont disponibles et doit résilier les contrats avec d’autres opérateurs si FiberCop propose des services similaires.

L’Autorité italienne de la concurrence a lancé une enquête sur le Master Service Agreement pour une possible violation de la concurrence. Certaines clauses du contrat, telles que sa durée de 30 ans et l’exclusivité et les mécanismes de remise, pourraient nuire aux concurrents. Des correctifs éventuels pourraient réduire la rentabilité de FiberCop.

Open Fiber, pour sa part, a récemment bénéficié d’une augmentation de capital de ses actionnaires, dont le fonds australien Macquarie (qui en détient 40%). La fusion avec FiberCop pour créer un « réseau unique » semble être une solution logique pour éviter les conflits dans le secteur et protéger les investissements de la CDP, qui a déjà dépensé 1,5 milliard d’euros. Cependant, KKR n’est pas favorable à cette fusion, car elle entraînerait des dépenses supplémentaires, telles qu’un Earn-Out de 2,5 milliards d’euros à verser à TIM en cas de fusion avant 2027. De plus, la détermination des parts sociales après la fusion dépendrait de la valorisation des deux sociétés, et KKR pourrait avoir intérêt à dévaloriser Open Fiber, ce qui aurait des répercussions négatives pour la CDP et aggraverait les tensions avec le gouvernement italien.

Dans ce contexte, FiberCop a choisi de payer l’intermédiation d’un autre opérateur pour garantir les services demandés par TIM, risquant d’opérer à perte ou de transférer les coûts supplémentaires à TIM elle-même. Open Fiber, de son côté, a proposé des conditions avantageuses pour attirer TIM, illustrant la concurrence intense dans le secteur. Au final, il est probable que les coûts supplémentaires résultant de cette chaîne d’intermédiation complexe soient supportés par les utilisateurs finaux.

Le cas de TIM et la vente du réseau à KKR ne sont pas une exception isolée, mais plutôt un élément d’un cadre plus large où les fonds souverains et les fonds de Private Equity jouent un rôle de plus en plus central dans la transformation de l’économie mondiale. Ces outils financiers se sont transformés, passant de simples véhicules d’investissement à des instruments de contrôle stratégique, capables d’influencer des secteurs économiques entiers et les choix de politique industrielle de nombreux pays.

Les fonds souverains, en particulier, se sont imposés comme des acteurs clés, gérant d’immenses ressources issues des excédents commerciaux des nations exportatrices d’énergie ou de produits industriels. Les Émirats arabes unis, l’Arabie saoudite, le Qatar, la Norvège et la Chine sont parmi les États qui ont utilisé leurs fonds souverains pour acquérir des participations dans des entreprises stratégiques de secteurs tels que l’énergie, les infrastructures, la technologie et les télécommunications. Ces investissements ne sont pas seulement une question de profit, mais reflètent souvent des objectifs géopolitiques et de Soft Power.

De manière similaire, les fonds de Private Equity tels que KKR, Blackstone et Carlyle, bien que formellement privés, agissent souvent en synergie avec les intérêts des gouvernements de leur pays d’origine. Leur force réside dans leur capacité à mobiliser rapidement des capitaux et à acquérir des actifs stratégiques dans des domaines clés, allant des transports à l’énergie, jusqu’aux télécommunications, comme le montre le cas de TIM. Cependant, ces fonds privilégient généralement une rentabilité à court terme, souvent au détriment des investissements à long terme nécessaires pour la croissance et la stabilité des actifs acquis.

Ce qui émerge, c’est un mécanisme global de contrôle économique. La propriété d’infrastructures critiques comme les réseaux de télécommunications, les ports, les centrales énergétiques et les réseaux de distribution, concentrée entre des mains étrangères, prive les gouvernements nationaux des outils fondamentaux pour planifier et protéger leur développement. Dans de nombreux cas, l’accès aux capitaux étrangers devient une nécessité pour des entreprises lourdement endettées, mais le prix à payer est élevé : la perte de souveraineté économique et décisionnelle.

L’Italie, comme de nombreuses autres nations européennes, doit réfléchir à l’avenir de ce modèle. Continuer à céder des actifs stratégiques au nom d’une logique à court terme risque de compromettre non seulement l’économie, mais aussi la capacité à relever les défis mondiaux avec des outils adaptés et une autonomie décisionnelle.

Les conditions d’une future politique sahélienne

Les conditions d’une future politique sahélienne

Soldats français de l’opération Barkhane en patrouille avec des soldats maliens imbamogoye(Mali) avril 2016 Pascal Guyot/AFP
Editorial de Bernard Lugan publié en janvier 2025

Au Sahel où le retrait français a laissé le champ libre aux GAT (Groupes armés terroristes), la situation est désormais hors contrôle. Face aux massacres de civils les armées locales sont totalement dépassées quand elles ne sont pas complices. Quant aux mercenaires russes, ce n’est pas en multipliant les crimes de guerre qu’ils pourront faire croire aux populations qu’ils sont animés de la « parcelle d’amour » qui était si chère à Lyautey et aux grands coloniaux français…
Il faut bien voir que la catastrophe actuelle résulte de deux principales erreurs de diagnostic faites par les décideurs parisiens : 
1) Avoir cautionné la cuistrerie de ceux de leurs « experts » officiels qui qualifiaient systématiquement de jihadiste tout bandit armé ou même tout porteur d’arme
Alors que nous étions face à un « cocktail » de revendications ethniques, sociales et politiques opportunément habillées du voile religieux, et que le trafic était devenu le poumon économique de populations subissant les effets d’une désertification accélérée par la démographie. D’où la jonction entre trafic et islamisme, le premier se faisant dans la bulle sécurisée par le second.
2) Avoir ignoré les constantes ethno-historico-politiques régionales. 
Un tel refus obstiné de prendre en compte les réalités ethniques s’explique à la fois par l’idéologie et par l’ignorance. Avec pour conséquence que des solutions aussi hors sol que simplistes ont été plaquées sur la complexe, mouvante et subtile alchimie humaine sahélienne. 
En effet, dans ces immensités où le jihadisme surinfecte de vieilles plaies ethno-historiques, présenter comme solution un processus électoral est une farce tragique car il n’aboutit qu’à un sondage ethnique grandeur nature. Quant au discours convenu prônant la nécessité de combler le « déficit de développement » ou encore la « bonne gouvernance », il relève du charlatanisme politique… 
En 2025, si, après avoir été honteusement « éjectée » du Sahel à la suite de l’accumulation des erreurs commises par Emmanuel Macron, la France décidait d’y revenir, ses dirigeants devraient alors bien réfléchir. Ils ne devraient en effet plus voir la question régionale à travers le prisme des idéologies européo-centrées, des automatismes contemporains et des « singularités » LGBT. 
Tout au contraire, il s’agirait pour eux de replacer les évènement dans leur contexte historique régional à travers cette longue durée qui, seule, permet de comprendre qu’ils sont liés à un passé toujours prégnant et qui conditionne largement les choix des uns et des autres. 
Pour le comprendre, on se reportera à mon livre Histoire du Sahel des origines à nos jours.

Des molécules organiques trouvées partout dans l’univers suggèrent que la vie a commencé dans l’espace profond

Des molécules organiques trouvées partout dans l’univers suggèrent que la vie a commencé dans l’espace profond

L’univers regorge de mystères fascinants, et parmi eux, les molécules organiques jouent un rôle clé. Ces composés carbonés, découverts aussi bien sur des astéroïdes que dans la poussière interstellaire, pourraient détenir les secrets de l’apparition de la vie. Grâce aux explorations spatiales, les scientifiques multiplient les découvertes, mettant en lumière des acides aminés et autres structures complexes. Mais d’où viennent réellement ces molécules ? Et quel rôle ont-elles joué dans l’émergence de la vie sur Terre ? Découvrons ensemble ce que ces explorations nous révèlent sur nos origines cosmiques.


Des molécules organiques trouvées partout dans l'univers suggèrent que la vie a commencé dans l'espace profond
Des molécules organiques trouvées partout dans l’univers suggèrent que la vie a commencé dans l’espace profond | Armees.com

L’univers, c’est un peu comme un immense terrain de jeu rempli de molécules à base de carbone, connues sous le nom de molécules organiques. Ces petites merveilles pourraient bien détenir les clés des matériaux nécessaires pour que la vie apparaisse. On les trouve un peu partout, que ce soit dans la poussière interstellaire, sur les comètes ou même sur les astéroïdes. Depuis longtemps, elles intriguent les scientifiques qui se demandent comment elles ont vu le jour et si notre chimie biologique ne viendrait pas de ces lointains nuages de poussière.

Que nous révèlent les explorations spatiales ?

Les missions robotiques ont été super utiles pour ramener des échantillons d’espace afin d’étudier ces composés organiques. Par exemple, les missions Hayabusa2 du Japon et OSIRIS-REx de la NASA ont rapporté des échantillons d’astéroïdes comme Ryugu et Bennu. Sur Ryugu, les chercheurs ont découvert au moins 20 000 sortes de composés carbonés, y compris 15 types différents d’acides aminés. Tout ça pose plein de questions passionnantes sur nos origines planétaires et si ces molécules ont pu aider à rendre notre planète habitable.

Et ce n’est pas tout ! Des sondes comme Giotto, qui a analysé la comète 1P/Halley en 1986, ont trouvé une quantité impressionnante d’espèces organiques. Plus récemment, en 2015, la sonde Rosetta, première mission à tourner autour et atterrir sur une comète (67P), a détecté des composés organiques simples tels que la glycine. Et en 2022, Rosetta a identifié pas moins de 44 composés organiques en seulement une journée ! Certains pesaient jusqu’à 140 Daltons (Da).

D’où viennent ces mystérieuses molécules ?

Les scientifiques s’interrogent : est-ce que ces composés viennent de nuages froids et sombres ou se forment-ils près des jeunes étoiles ? Prenons les hydrocarbures aromatiques polycycliques (PAHs) par exemple : ils datent d’environ 1,5 milliard d’années après le Big Bang, ce qui montre bien que cette chimie complexe existe depuis longtemps dans le cosmos. Dans les nuages glacés, des ingrédients simples se regroupent sur des grains de poussière froids pour former des structures plus complexes grâce aux rayons ultraviolets et cosmiques.

Ces réactions chimiques continuent aussi dans les disques protoplanétaires où le méthanol et d’autres molécules survivent à la chaleur intense créée lors des naissances stellaires. Grâce à cette résistance, elles évoluent vers des formes encore plus élaborées avec un potentiel accru pour favoriser l’émergence de systèmes vivants lorsqu’elles arrivent sur une planète.

Un avenir prometteur pour l’exploration spatiale

Les futures missions spatiales sont pleines de promesses pour approfondir notre compréhension des molécules organiques dans l’espace. Des projets ambitieux comme le Clipper Europa de la NASA ou Juice de l’Agence spatiale européenne comptent bien percer ces mystères cosmiques. Un futur rotorcraft destiné à Titan pourrait également révéler des océans cachés sous ses croûtes glacées.

Ces recherches sont importantes pour ceux qui veulent comprendre comment la vie pourrait démarrer ailleurs. Comme le dit Christopher Glein : « Ceux d’entre nous qui cherchent la vie doivent comprendre comment les planètes peuvent acquérir des organiques sans qu’il y ait déjà de vie. » La quête pour savoir comment ces molécules auraient pu être livrées par météorites ou comètes à notre Terre primitive reste un sujet fascinant pour quiconque cherche à savoir « d’où nous venons en tant qu’espèce planétaire », selon Karin Öberg.

En continuant d’étudier ces composés organiques dans l’univers, on ouvre une fenêtre sur notre passé cosmique tout en éclairant nos possibles origines planétaires. En levant les yeux vers le ciel étoilé, chaque découverte nous rapproche un peu plus du grand mystère du début même de la vie telle qu’on la connaît aujourd’hui.

Les forces françaises s’apprêtent à rétrocéder la base de Port-Bouët à l’armée ivoirienne et à quitter le Sénégal

Les forces françaises s’apprêtent à rétrocéder la base de Port-Bouët à l’armée ivoirienne et à quitter le Sénégal


En février 2023, alors que les forces françaises venaient de mettre un terme à leur présence en Centrafrique et d’achever leur retrait du Mali avant d’en faire autant au Burkina Faso, le président Macron annonça que la France allait mettre en œuvre une nouvelle stratégie pour l’Afrique, laquelle devait se traduire par une « diminution visible » de son dispositif militaire ainsi que par la mise en place de partenariats impliquant une « montée en puissance » des forces africaines.

Depuis, à la suite d’un putsch, le Niger a dénoncé les accords militaires qu’il avait scellés avec la France… Et le Tchad en a récemment fait autant. En outre, le Sénégal n’est pas loin de suivre le mouvement. Et cela malgré les récentes annonces sur les réductions, drastiques, des effectifs des forces français prépositionnées en Afrique, ceux-ci devant passer de 2 300 à seulement 600 militaires [300 au Tchad, 100 au Gabon, 100 en Côte d’Ivoire et 100 au Sénégal].

Lors d’une audition parlementaire, en janvier 2024, le chef d’état-major des armées [CEMA], le général Thierry Burkhard, avait justifié cette évolution.

« Nous avons des bases au Sénégal, au Tchad, en Côte d’Ivoire et au Gabon. Elles sont installées dans les capitales, et même parfois enclavées dans des aires urbaines en expansion. Leur empreinte et leur visibilité sont devenues difficiles à gérer. Nous devrons sans doute modifier notre schéma d’implantation pour réduire nos vulnérabilités » selon la formule « moins posé, moins exposé », avait-il dit.

Cependant, les enjeux sécuritaires, comme le terrorisme, les trafics et la compétition stratégique avec la Russie, la Chine, la Turquie ou encore l’Iran, n’ayant pas disparu, le CEMA avait défendu la nécessité de garder des « relations avec les autorités militaires locales » et de « garantir des accès stratégiques par voie maritime et aérienne ».

Lors de sa visite aux armées à Djibouti, le 20 décembre, le président Macron a soutenu qu’une telle évolution était nécessaire.

« Notre rôle change en Afrique […] parce que le monde change en Afrique, parce que les opinions publiques changent, parce que les gouvernements changent » et [aussi] « parce que nous avons décidé de manière souveraine en février 2023, après plusieurs années de changement progressif, de rebâtir un partenariat qui repose sur des partenaires respectés », « vis-à-vis desquels nous devons aider à la formation, à l’équipement, en renseignement, pour des opérations spécifiques », a en effet affirmé M. Macron.

Et d’ajouter qu’il fallait « changer la logique qui était la nôtre dans trop de pays » avec « des bases installées, pléthoriques, permanentes, qui nourrissaient des ambiguïtés ».

D’où l’annonce faite par le président ivoirien, Alassane Ouattara, le 31 décembre. « Nous pouvons être fiers de notre armée dont la modernisation est désormais effective. C’est dans ce cadre que nous avons décidé du retrait concerté et organisé des forces françaises en Côte d’Ivoire », a-t-il déclaré. « Ainsi, le camp du 43e BIMA, le bataillon d’infanterie de marine de Port-Bouët, sera rétrocédé aux forces armées de Côte d’Ivoire dès ce mois de janvier 2025 », a-t-il continué.

Une fois qu’il aura été rétrocédé, le camp de Port-Bouët sera baptisé du nom du général Thomas d’Aquin Ouattara, qui fut le premier chef d’état-major des armées ivoiriennes.

Pour rappel, à la suite du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale [LBDSN] de 2008, il avait été décidé de ne conserver que deux bases permanentes en Afrique, à savoir une au Gabon et une autre à Djibouti. Aussi, le 43e BIMa avait été dissous en 2009. Puis, après l’intervention au Mali, en 2013, Jean-Yves Le Drian, alors ministre de la Défense, revint sur cette décision et annonça la création des « Forces françaises en Côte d’Ivoire » [FFCI]. Ce qui était logique, Port-Bouët offrant l’avantage de donner l’accès à un aéroport et à un port en eaux profondes. Et cela dans le cadre d’un accord de défense révisé en 2012 et ratifié deux ans plus tard.

Quoi qu’il en soit, l’annonce de M. Ouattara ne met pas un terme à la coopération militaire entre les forces françaises et ivoiriennes. En novembre, l’armée de l’Air & de l’Espace a ainsi déployé une dizaine d’aéronefs en Côte d’Ivoire [A400M, Casa CN-235, C-130J, ALSR « Vador », hélicoptère Fennec, A330 MRTT et un 3 Mirage 2000D] pour prendre part à un exercice aéroterrestre organisé au profit des troupes aéroportées ivoiriennes.

Par ailleurs, les Éléments français au Sénégal, dont l’effectif devait être réduit à 100 militaires, devraient prochainement disparaître.

Dans un discours prononcé à l’occasion du Nouvel An, le président sénégalais, Bassirou Diomaye Faye, a en effet dit avoir « instruit le ministre des Forces armées de proposer une nouvelle doctrine de coopération en matière de défense et de sécurité, impliquant, entre autres conséquences, la fin de toutes les présences militaires de pays étrangers au Sénégal, dès 2025 ». Et de promettre que « tous les amis du Sénégal seront traités comme des partenaires stratégiques, dans le cadre d’une coopération ouverte, diversifiée et décomplexée »

Photo : Ministère des Armées

La Marine nationale a réalisé l’une de ses plus importantes saisies de drogue en Polynésie française

La Marine nationale a réalisé l’une de ses plus importantes saisies de drogue en Polynésie française


Si l’Europe et l’Amérique du nord restent les principales destinations du trafic de produits stupéfiants, l’Océanie, en particulier l’Australie, est de plus en plus prisée par les réseaux de trafiquants sud-américains. Ainsi, en 2012, la plus importante saisie effectuée par la Marine nationale dans la zone Pacifique était une cargaison de 200 kg de cocaïne. Cinq ans plus tard, le volume des prises avait été multiplié par dix, avec 1,4 tonne interceptée par la frégate de surveillance « Vendémiaire » et près de 600 kg par le Bâtiment de soutien outre-mer [BSAOM] « d’Entrecasteaux ».

Ce phénomène n’a fait que s’accentuer par la suite. En mars 2019, alors en mission de longue durée dans le Pacifique, la frégate de surveillance « Prairial » des Forces armées en Polynésie française [FAPF] intercepta un navire de pêche avec 766 kg de cocaïne à bord, au large du Nicaragua. Cette opération avait été menée en coopération avec les États-Unis, sous l’autorité du Joint Interagency Task Force – South [JIATF-S].

Depuis, des prises aussi importantes ont été plus rares. Jusqu’au 23 décembre dernier. En effet, ce jour-là, le BSAOM « Bougainville » a arraisonné le « Raymi », un navire de pêche battant pavillon espagnol, à environ 700 nautiques au sud de Papeete [Polynésie française]. Or, celui-ci transportait 11 ballots contenant 524 kg de cocaïne au total. Ses 14 membres d’équipage ont été interpellés et 8 000 euros ont été saisis.

« L’opération a été menée sous l’autorité du Haut-commissaire de la République en Polynésie française, délégué du Gouvernement pour l’action de l’État en mer. Elle fait suite à une étroite coopération entre le Commandement de la gendarmerie [COMGEND] pour la Polynésie française, et notamment l’antenne de l’Office anti-stupéfiants [OFAST] à Papeete, et la police fédérale australienne », a précisé la Gendarmerie nationale, via un communiqué publié ce 29 décembre.

Et d’ajouter : « Cette coopération internationale entre les forces de gendarmerie et police fédérale australienne a permis aux Forces armées en Polynésie française de mettre en place un dispositif de surveillance et d’interception ayant conduit à l’opération de contrôle du Raymi par le BSAOM Bougainville ».

Selon le Haut-commissariat, cité par Tahiti Infos, il s’agit de la « plus importante saisie » de cocaïne dans la « zone Polynésie française depuis 2017 » et « c’est également la première saisie en haute mer depuis 2017 ».

Selon le commandant du « Bougainville », le capitaine de corvette Mathieu L., cette opération a été complexe.

« Nous sommes 25 à bord du Bougainville pour conduire le bateau et effectuer des opérations comme celle-ci. Ce sont des opérations pour lesquelles nous sommes formés, entraînés, et ça fait partie du panel d’opérations que peut faire le Bougainville, en plus de ses missions de sécurité et de préservation de la zone maritime de la Polynésie française », a-t-il témoigné dans les pages de Tahiti Infos.

En octobre, la Marine nationale avait déjà saisi 43 tonnes de drogue, selon son chef d’état-major [CEMM], l’amiral Nicolas Vaujour.

« Nous faisons du bon travail, bien que les trafics continuent d’augmenter. Un narcotrafiquant arrêté aux Antilles a confié lors de son audition que notre navire qui avait intercepté le trafic, la frégate de surveillance ‘Ventose’, avait été surnommée El Diablo par les trafiquants, tant il avait surgi sans être vu et à une vitesse qu’ils n’attendaient pas, ceci pour une prise de 10,5 tonnes de drogue, dont 5 tonnes de cocaïne, ce qui représenterait 500 millions d’euros à la revente en France », avait en effet expliqué le CEMM, au Sénat.

La lutte contre le narcotrafic n’est pas une mission prioritaire pour la Marine nationale. « Ce n’était pas un sujet pour [elle] quand je suis entré au début des années 1980, c’était l’affaire des douanes », a souligné l’amiral Vaujour.

Aussi, a-t-il ajouté, « la Marine nationale ne dédie pas de moyens spécifiques à la lutte contre le narcotrafic, nous agissons selon nos ressources disponibles à proximité quand on nous signale un trafic – on décide alors de dérouter l’un de nos navires pour intervenir ».