Israël affirme avoir détruit «des milliers de lance-roquettes» du Hezbollah

Israël affirme avoir détruit «des milliers de lance-roquettes» du Hezbollah

Dans un message adressé aux habitants du sud du Liban, l’armée israélienne a annoncé le lancement, ce dimanche 25 août, de frappes sur le pays en ciblant le Hezbollah, qui a cependant mené au petit matin « des attaques de grande envergure » contre Israël. Le ministre de la Défense israélien a décrété l’état d’urgence pour 48 heures. Les avions israéliens auraient « visé et détruit des milliers de rampes de lancement de roquettes du Hezbollah ». 

Un homme regarde l'effet d'une frappe israélienne sur le sud du Liban, le 25 août 2024.
Un homme regarde l’effet d’une frappe israélienne sur le sud du Liban, le 25 août 2024. AFP – –

L’armée israélienne a annoncé ce dimanche 25 août qu’elle avait opéré des frappes préventives au Liban. Le Hezbollah libanais a cependant annoncé avoir lancé dimanche « plus de 320 » roquettes Katiouchas sur onze bases militaires en Israël et sur le Golan syrien occupé, dans le cadre de « la première phase » de sa riposte à l’assassinat d’un chef militaire le 30 juillet. Dans un communiqué, la formation pro-iranienne a précisé que cette « première phase » s’était « achevée avec succès », précisant qu’elle avait pour objectif de viser les « casernes et positions israéliennes afin de faciliter le passage des drones d’attaques » vers le territoire israélien « en profondeur ». « Notre opération militaire d’aujourd’hui est terminée et accomplie », a donc déclaré le Hezbollah soutenu par l’Iran. Les affirmations d’Israël « concernant l’action préventive qu’il a menée […] et l’échec de l’attaque de la résistance sont des affirmations vides de sens », a-t-il ajouté. Dans l’immédiat, les autorités israéliennes n’ont pas fait état de positions militaires touchées. Le Hezbollah a en outre averti qu’Israël serait « sévèrement puni » s’il portait atteinte aux civils au Liban.

Les murs de la maison ont tremblé plusieurs fois…00:45, Johanna, habitante de la ville israélienne de Maalot

Nicolas Falez

Le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu a tenu une réunion du cabinet de sécurité à 4h TU. Le ministère de la Défense a décrété l’état d’urgence sur tout le territoire d’Israël pour 48 heures. Yoav Gallant a publié un décret dans lequel il écrit être « convaincu qu’il existe une forte probabilité qu’une attaque soit menée contre la population civile également dans les autres zones du pays sur lesquelles la déclaration de « situation spéciale » sur le front intérieur ne s’applique pas ». « Je déclare par la présente la « situation spéciale » […] dans les autres zones du pays », ajoute le texte. En raison des frappes, des vols de ce dimanche matin à Tel-Aviv ont été retardés ou déroutés, mais la situation est depuis revenue à la normale, a annoncé l’aéroport Ben-Gourion.

« Toute personne se trouvant à proximité de zones où le Hezbollah opère doit quitter immédiatement les lieux pour se protéger et protéger sa famille », a exhorté l’armée israélienne. Celle-ci a affirmé avoir « observé des préparatifs pour lancer des obus et des missiles » contre Israël. L’armée « fera tout ce qui est nécessaire pour protéger les citoyens d’Israël », a-t-elle encore indiqué. « Décréter l’état d’urgence permet à l’armée de donner des instructions aux civils en Israël, notamment d’interdire des rassemblements ou de fermer des sites », précise le cabinet de Yoav Gallant. Le porte-parole de l’armée israélienne, le contre-amiral Daniel Hagari, a précisé lors d’une allocution télévisée qu’il reste « possible d’organiser des activités éducatives et de se rendre au travail » dans les secteurs du nord du pays où l’état d’urgence vient d’être étendu, à condition de rester dans « des zones où l’on peut atteindre un abri dans le délai conforme », soit moins d’une minute et demie.

Ces frappes surviennent en pleines négociations au Caire visant à tenter d’obtenir une trêve dans la guerre dans la bande de Gaza. Celle-ci a été déclenchée par une attaque sans précédent en territoire israélien le 7 octobre 2023 par le mouvement islamiste palestinien Hamas. Dans un message vidéo sur le réseau social X, le porte-parole de l’armée israélienne Daniel Hagari a déclaré que « des avions de chasse sont en train d’attaquer des cibles du Hezbollah ».

Les échanges de tirs entre Israël et le Hezbollah, mouvement chiite soutenu par l’Iran, sont quasiment quotidiens depuis le début de la guerre dans la bande de Gaza. Le Pentagone a assuré que les États-Unis étaient au côté d’Israël : « Nous continuons à suivre de près la situation et nous avons été très clairs sur le fait que les États-Unis sont prêts à soutenir la défense d’Israël », a déclaré un porte-parole du Pentagone dans un communiqué. 

Le ministre israélien de la Défense, Yoav Gallant a annoncé avoir informé son homologue américain Lloyd Austin par téléphone : « Nous sommes déterminés à utiliser tous les moyens dont nous disposons pour défendre nos citoyens », a-t-il notamment dit. Dans le même temps, son bureau assure que les deux ministres ont « discuté de l’importance d’éviter une escalade régionale ». À ce stade, écrit notre correspondant à Jérusalem, Michel Paul, on ne sait pas si la délégation israélienne aux pourparlers sur une trêve et la libération d’otages va se rendre dans la capitale égyptienne pour la reprise des négociations.

La dernière classe de sous-marins chinois inquiète les occidentaux avec ce nouveau record qui remet en cause leur suprématie

La dernière classe de sous-marins chinois inquiète les occidentaux avec ce nouveau record qui remet en cause leur suprématie


La dernière classe de sous-marins chinois inquiète les occidentaux avec ce nouveau record qui remet en cause leur suprématie
La dernière classe de sous-marins chinois inquiète les occidentaux avec ce nouveau record qui remet en cause leur suprématie

 

Les sous-marins chinois surclassent l’OTAN : Nouveau record de transmission sous-marine.

Le 23 août 2024, la Chine a franchi une étape significative dans le domaine de la communication sous-marine. Les tests réalisés dans la mer de Chine méridionale par la People’s Liberation Army (PLA), en collaboration avec l’Université de Xiamen, ont permis de transmettre des données sur une distance record de 18,6 miles (30 kilomètres) sous l’eau, surpassant ainsi les capacités actuelles de l’OTAN.

Avancées technologiques avec Huawei

La réussite de ces tests est attribuée à l‘utilisation d’un dispositif de codage polar développé par Huawei Technologies. Cette technologie, qui améliore considérablement la transmission de données sous-marines, a permis d’atteindre une vitesse de 4,000 bits par seconde. Le polar code, introduit par l’académicien turc Erdal Arıkan en 2008, est une technique de correction d’erreur qui facilite une transmission de données précise et sans erreur, particulièrement dans les conditions où le signal est fort.

Contexte et implications

Les communications sous-marines, traditionnellement limitées par la difficulté de transmettre des données sur de longues distances à cause des perturbations océaniques, voient un progrès notable avec l’introduction de cette technologie. La méthode Higher-Order Polarisation Weight (HPW) utilisée, développée en collaboration entre l’unité 92150 de la PLA et l’équipe du professeur Tong Feng de l’Université de Xiamen, permet une réduction significative de la consommation d’énergie et de la complexité des dispositifs.

Comparaison avec les normes de l’OTAN

Le protocole de communication sous-marine de l’OTAN, JANUS, permet actuellement une communication jusqu’à 28 km (17,4 miles) avec une fréquence de 900Hz, ce qui limite la transmission de données. En contraste, la technologie chinoise permet une transmission sans erreur sur 30 km avec des fréquences entre 4,000Hz et 8,000Hz, offrant une capacité nettement supérieure.

Implications stratégiques

Cette avancée technologique pourrait redéfinir la stratégie de sécurité sous-marine globale, en particulier dans un contexte où l’OTAN exprime des préoccupations croissantes quant à l’expansion de l’influence chinoise en Asie. Le développement par la Chine d’un système de communication sous-marine plus efficace souligne l’importance croissante de la technologie dans la supériorité militaire et stratégique.

Les tests réussis par la Chine marquent un progrès notable dans la communication sous-marine, posant les bases pour de futures applications dans la surveillance, la gestion des ressources maritimes et la sécurité défensive. Ce record non seulement démontre le potentiel des codes polaires développés par Huawei mais souligne également le rôle de la technologie avancée dans le renforcement de la position de la Chine sur l’échiquier mondial de la défense.

Source : SCMP

Virus Mpox : une nouvelle urgence de santé publique de portée internationale qui doit nous interroger

Virus Mpox : une nouvelle urgence de santé publique de portée internationale qui doit nous interroger

Après une première flambée épidémique en 2022, la Mpox, aussi appelée « variole du singe », sévit à nouveau, obligeant l’OMS à déclencher une urgence de santé publique de portée internationale de manière à coordonner une coopération internationale. Qu’est-ce que la Mpox et quel est son potentiel épidémique ? Que nous dit la multiplication des zoonoses de nos pratiques ? Le point avec le Dr Anne Sénéquier, co-directrice de l’Observatoire de la santé mondiale de l’IRIS, pour qui la Mpox doit nous faire repenser notre approche sanitaire en la poussant sur une approche intégrée et transversale, propre au concept « One Health/Une santé ».

Qu’est-ce que la Mpox ?

Zoonose émergente, la Moox est provoquée par un virus à ADN du genre orthopoxvirus.   Son identification à Copenhague au Danemark en 1958 au sein d’un groupe de singe lui a valu son nom de « variole du singe », une appellation porteuse de fausses informations et à haut risque de stigmatisation, qui a poussé l’Organisation mondiale de la santé (OMS) à en changer le nom pour « MPox » en 2022. Une nécessité d’autant plus pertinente que l’hôte naturel du virus MPox est en fait un rongeur de l’Afrique équatoriale : le rat de Gambie ou écureuils de forêt. À ce jour, le réservoir animal n’est pas encore formellement identifié, mais une analyse de l’ADN du virus a plutôt révélé des passages multiples chez différents animaux forestiers.

La Mpox provoque fièvre, éruptions cutanées au niveau du visage, mains, pieds, corps et régions génitales, ainsi que des maux de tête, des douleurs musculaires, le tout accompagné d’une fatigue importante. Bénigne dans la majorité des cas, on peut voir apparaitre des complications comme des surinfections cutanées ou des septicémies chez les personnes vulnérables (les personnes immunodéprimées, les femmes enceintes et les jeunes enfants).

La maladie peut se transmettre par voie cutanée, le peau à peau (par l’intermédiaire des pustules et croûtes), par voie sexuelle, et de manière indirecte via le contact de literie et/ou linges contaminés. La transmission aéroportée via les gouttelettes respiratoires d’une personne infectée est également possible.

Il existe deux types de virus Mpox : le clade 1 provenant du bassin du fleuve Congo en Afrique centrale est associé à des symptômes plus sévères (taux de mortalité pouvant aller jusqu’à 10%) et au mode de transmissions interhumaines plus efficace ; le clade 2 provenant d’Afrique de l’Ouest, avec un taux de mortalité plus faible (inférieur à 1%) et à la transmission interhumaine moins efficace.

Quel est le potentiel épidémique de la Mpox ?

En 2022, la flambée épidémique était portée par le clade 2b (un variant du clade 2), ce qui a permis, malgré la forte diffusion du virus, de maintenir un taux de létalité inférieur à 1%. Une épidémie qui avait déclenché une urgence de santé publique de portée internationale (USPPI) devant l’émergence de la pathologie dans 110 pays à travers le monde.

Cette année, cependant, le déclenchement de l’urgence de santé publique de portée internationale (USPPI) porte bien sur la Mpox, mais sur un variant du clade 1 baptisé « Clade 1b ». Il est donc porteur d’une mortalité (5 à 10%) et d’une contagiosité supérieure à l’épidémie de 2022.

Détectée pour la première fois en 1970 chez l’humain, la Mpox est endémique (présente de manière constante) en République démocratique du Congo depuis une dizaine d’années. Depuis, le nombre de cas ne cesse d’augmenter chaque année. 2024 a marqué une augmentation de +160% par rapport à 2023, alors que nous ne sommes qu’en milieu d’année avec 15 600 cas et 537 décès.

Le Clade 1b est apparu en septembre 2023 au nord-Est de la RDC près de Goma, une région de gangrenée par les conflits depuis le milieu des années 90. On y trouve de nombreux camps de déplacés dans lequel le virus circule déjà.

Au mois de juillet, 90 cas de « Mpox clade 1b » ont été identifiés dans les 4 pays voisins : le Burundi, le Kenya, le Rwanda et l’Ouganda, tout en sachant que de nombreux autres cas sont probablement passés sous les radars de la détection épidémiologique. L’OMS a en conséquence déclenché l’urgence de santé publique de portée internationale (USPPI) le 14 août dernier.

La déclaration de l’état d’urgence de santé publique de portée internationale (USPPI), permet de coordonner une coopération internationale afin de limiter l’étendue de l’épidémie le plus rapidement possible. Elle a pour objectif de rassembler les différents acteurs et partenaires (Gavi, Unicef, etc.) pour amplifier la réponse vaccinale, en facilitant administrativement et logistiquement le processus de mobilisation des stocks de vaccination. La vaccination contre la Mpox se fait aujourd’hui avec les stocks de vaccination contre la variole humaine, mais également avec un vaccin spécifique à la Mpox approuvé récemment. Une riposte dont le coût initial est estimé à 15 millions d’US$ par l’OMS.

Des cas viennent d’apparaître sur d’autres continents : un en Suède, un autre au Pakistan. Avec une période d’incubation de 5 à 21 jours, il est fort probable de voir apparaitre d’autres cas dans les jours et semaines à venir.

L’appartenance de la Mpox à la famille des orthopoxvirus est à la fois une chance et une difficulté supplémentaire.

Une chance parce que c’est un virus apparenté à l’« orthopoxvirus variola » (la variole) éradiqué en 1980 par une campagne mondiale de vaccination mené par l’OMS. Par conséquent les personnes ayant été vaccinées dans leur enfance contre la variole sont protégées. Ils bénéficient de ce que l’on appelle une immunité croisée : la vaccination contre la variole protège à 85% contre la Mpox, tout en maintenant un taux de reproduction inférieur à 1, ce qui a permis d’éviter jusqu’en 2022 une épidémie à grande échelle.

Mais c’est également une difficulté parce qu’on ne vaccine plus contre la variole depuis les années 1980 (au moment de son éradication). De fait, les personnes de moins de 40-50 ans ne sont pas vaccinées, ce qui entrave de manière évidente l’immunité collective des populations. Nous nous retrouvons au niveau mondial avec une immunité collective diminuée impliquant un potentiel épidémique augmenté.

C’est ce qui explique, entre autres, le nombre croissant de cas annuels en RDC ces dernières années.

Comment lutter contre la Mpox ? Pourquoi observe-t-on autant de zoonoses ces dernières années ? 

La fréquence des épidémies et leur impact dans les populations ne cessent d’augmenter ces dernières années. La Mpox a quitté la lisière des forêts tropicales pour s’étendre d’abord localement, puis jusqu’aux zones urbaines, d’où elles se sont catapultées dans le monde entier.

Depuis 2018, la Mpox s’est exportée depuis le Nigéria (plus grand foyer de population africain) vers le Royaume-Uni, Israël, les États-Unis et Singapour sans être en mesure de donner lieu à des clusters.

En 2022, une première épidémie mondiale avait nécessité de tirer la sonnette d’alarme : déclenchant une USPPI. Entre début 2022 et mi 2023 (fin de l’USPPI), quasi 90 000 cas ont été rapportés dont 147 décès. Nous voilà en 2024 avec un variant plus transmissible et plus virulent, jeté dans notre mondialisation devenue pathogène.

La Mpox est une zoonose, une maladie de la faune sauvage qui a su, à la faveur de l’augmentation des interactions avec l’homme, sauter la barrière de l’espèce.

Cette rencontre du monde sauvage et de notre humanité s’explique par la déforestation massive et la destruction de ces habitats. Un phénomène qui entraîne une perte de biodiversité déstructurant les dynamiques des communautés animales. Le changement d’usage des terres (agriculture dans les forêts à la recherche de terre fertile), l’urbanisation croissante et les conflits aggravent encore les risques de passage de virus de l’animal à l’humain.

Dans le cas de la Mpox, il nous faut superposer à cette dégradation des écosystèmes due aux activités humaines, une diminution de l’immunité croisée par l’arrêt de la vaccination contre la variole suite à son éradication.

On constate ainsi que se protéger des épidémies n’est pas qu’affaire de vaccination et déclaration d’USPPI. Quatre ans seulement après la première pandémie du 21e siècle, la menace que représente la Mpox doit nous faire repenser notre approche sanitaire en la poussant sur une approche intégrée et transversale, propre au concept « One Health/Une santé ».  Celui-ci met en évidence les liens qui unissent la santé humaine, la santé animale et la santé planétaire. Nous ne pouvons pas maintenir une bonne santé publique dans un monde aux écosystèmes dégradés.

Pour véritablement nous protéger des zoonoses (sujet récurrent du 21e siècle), il nous faut donc prendre soin de nos écosystèmes : limiter de la déforestation et de l’agriculture intensive en bordure de forêts ; changement d’usage des terres ; stopper l’urbanisation galopante en zone forestière ; limiter les conflits… vœux pieux mais n’oublions pas qu’ils permettent l’émergence et/ou recrudescence de pathologie (Polio, cholera, Mpox, etc.)

Il faut donc changer notre manière de faire, et veiller à ce que cela soit accompagné d’un changement de comportement/consommation qui sous-tend cette dégradation des écosystèmes. Un challenge qui peut paraître insurmontable, mais a-t-on vraiment le choix ?

À la manière du changement climatique qui s’impose à notre devoir de faire, la protection de nos écosystèmes devient tout aussi urgente.

L’urgence de santé publique de portée internationale (USPPI) a été créée en 2005. Déclenchée pour la première fois en 2009, elle a été déclenchée 8 fois en 14 ans, avec une petite tendance à être de plus en plus fréquente : Grippe H1N, avril 2009 (continuant en 2010) ; poliovirus, mai 2014 (encore en cours) ; épidémie d’Ebola en Afrique de l’Ouest, août 2014 ; Zika, février 2016 ; épidémie d’Ebola en Kivu (RDC), juillet 2019 ; Covid-19, janvier 2020 ; Mpox (variole du singe), juillet 2022 ; nouvelle déclaration du Mpox, août 2024…

Guerre en Ukraine : Scalp, Storm Shadows… Quelles sont les armes longue portée réclamées par Volodymyr Zelensky pour « arrêter l’avancée » russe ?

Guerre en Ukraine : Scalp, Storm Shadows… Quelles sont les armes longue portée réclamées par Volodymyr Zelensky pour « arrêter l’avancée » russe ?

Le président Volodymyr Zelensky sur fond d’avions de chasse F-16 de l’armée de l’Air ukrainienne, 4 août 2024.

 

par Léo PÉRIA-PEIGNÉ, cité par Edwige Grolleau – publié le 21 août 2024 dans La Dépêche du Midi

https://www.ifri.org/fr/espace-media/lifri-medias/guerre-ukraine-scalp-storm-shadows-armes-longue-portee-reclamees-volodymyr


Deux semaines le début de l’incursion ukrainienne dans la région russe de Koursk, Volodymyr Zelensky appelle ses alliés à lui accorder l’utilisation d’armes de longue portée contre la Russie. Léo Péria-Peigné, chercheur en Armement et Industrie de défense à l’Institut français des relations internationales (Ifri) apporte à la Dépêche son éclairage.

Deux semaines d’incursion, trois ponts détruits et 92 localités russes, soit 1 250 kilomètres carrés contrôlés. Tel est le bilan affiché mardi 20 août par l’armée ukrainienne depuis sa percée inédite sur le territoire russe le 6 août dernier. Si pour Volodymyr Zelensky, l’armée « atteint ses objectifs », le président ukrainien a appelé ce lundi 19 août ses alliés occidentaux à autoriser Kiev à frapper la Russie avec les armes à longue portée livrées, afin d' »arrêter l’avancée » de l’armée russe dans l’est de l’Ukraine.

Plusieurs alliés sont en mesure de fournir le type d’armes demandées, explique à La Dépêche du Midi Léo Péria-Peigné, chercheur en Armement et Industrie de défense de l’Observatoire des Conflits Futurs à l’Ifri (Institut français des relations internationales) : « Beaucoup de ces matériels sont d’origine américaine, mais ils sont présents dans les inventaires d’autres pays, notamment en France, en Allemagne ou en Grande-Bretagne. »

 

Selon Léo Péria-Peigné, Kiev pourrait compter sur l’utilisation de missiles air-sol largués depuis des avions, comme les Storm Shadow britanniques (l’équivalent des Scalp français) et les Taurus allemands. Ces armes, précise le chercheur, pourraient intervenir en complément des munitions ATACMS – des missiles tirés depuis le sol par des lance-roquettes américains, les Himars – et être embarqués sur les aéronefs de combat, notamment les F16 qui ont été livrés fin juillet en Ukraine. Autres armes envisagées : des missiles air-air à très longue portée.

 

Ces dernières « seraient employées pour abattre les avions russes armés de bombes planantes », cite en exemple le chercheur, faisant référence aux missiles qui une fois largués, peuvent atteindre une cible à 50 kilomètres et terrorisent les civils ukrainiens.

 

Le plus grand atout de ces munitions réside sans conteste dans la profondeur de frappe. Si les ATACMS peuvent parcourir environ 300 kilomètres, les missiles de croisière tels que les SCALP, dont la portée est officiellement de 250 kilomètres, peuvent en réalité atteindre une cible située à plus de 300 kilomètres. Cette distance monte à plus de 500 kilomètres pour les Taurus.

Avec cet arsenal, les attaques pourraient être lancées par l’armée ukrainienne depuis un espace aérien sûr, difficilement atteignable par les défenses aériennes ou l’aviation ennemie.

 

« Les armes air-sol ou sol-sol, permettent de frapper des cibles à très haute valeur ajoutée sur les arrières du front, comme des postes de commandement, des centres de logistique, des centres d’entraînement, voire même des points économiques ou des points logistiques comme des ponts », détaille Léo Péria-Peigné.

Un usage restreint

Impossible toutefois pour Kiev, d’utiliser de telles munitions selon ses desiderata.

L’usage des armes fournies par les Occidentaux est soumis à des restrictions, souligne le chercheur : « Chaque pays va poser des conditions et des limites à l’utilisation des armes qu’il octroie à l’Ukraine. »

 

> Lire l’article sur le site de La Dépêche du Midi

Conflit entre le Pentagone et le Congrès sur l’application de la loi sur la production de défens

Conflit entre le Pentagone et le Congrès sur l’application de la loi sur la production de défense

Armee Marine Aviation Industrie International

Une vive polémique se dessine entre le Pentagone et la Colline du Capitole autour de l’avenir et de l’allocation des fonds destinés à la Loi sur la production de défense (DPA), une loi cruciale de l’ère de la guerre de Corée qui a renforcé la capacité des États-Unis à dynamiser rapidement des industries clés lors des crises de sécurité nationale. Si cette législation s’est avérée indispensable par le passé – alimentant la production de véhicules blindés lors de la guerre en Irak et celle des vaccins contre le COVID-19 – le débat actuel porte surtout sur la meilleure façon de prioriser et de dépenser des milliards pour revigorer le secteur de la défense américaine, un soutien fondamental à des alliés en temps de guerre tels que l’Ukraine et Israël.

Un budget point de friction

Le point d’achoppement principal est le budget du compte d’investissement de la DPA, connu sous le nom de Titre III. Les bureaux du Congrès expriment depuis longtemps leur agacement face à ce qu’ils perçoivent comme des demandes de budget insuffisantes de la part du Pentagone et des plans de dépenses trop spéculatifs. Cette friction est devenue particulièrement évidente en août lorsque le Sénat a publié son projet de loi budgétaire pour la défense pour l’année fiscale à venir, proposant de plus que doubler les fonds demandés par le Pentagone – mais uniquement si ces fonds sont alloués à des projets spécifiques énoncés dans le projet de loi, une rupture avec la coutume selon laquelle le Pentagone exerce un contrôle général sur ce compte.

Vers une plus grande efficacité

Un responsable de la défense, qui a tenu à garder l’anonymat, a admis que le langage prescriptif de la législation limite la flexibilité, mais a reconnu l’existence de plus en plus de préoccupations quant à la gestion efficace du budget en expansion. Malgré les importantes priorités à long terme du Pentagone pour la DPA, il a eu du mal à prouver sa capacité à gérer efficacement le financement accru.

La DPA permet au Pentagone de contourner les processus traditionnels d’acquisition, en investissant directement chez les fournisseurs de niveau inférieur pour accélérer la production d’armes, un élément essentiel pour des réponses opportunes lors des crises. La demande récente du département de la Défense d’un budget de 968 millions de dollars pour l’exercice 2024, soit une augmentation significative par rapport aux 668 millions de l’année précédente, a été réduite par le Congrès à moins de 600 millions. Certaines des coupes sont dues aux réticences du Congrès quant à la capacité du département à gérer efficacement des fonds importants, compte tenu des difficultés de personnel à gérer les dossiers de la DPA.


Paolo Garoscio

Journaliste chez Economie Matin. Ex-Chef de Projet chez TEMA (Groupe ATC), Ex-Clubic. Diplômé de Philosophie logique et de sciences du langage (Master LoPhiSC de l’Université Paris IV Sorbonne) et de LLCE Italien.

Le Royaume-Uni va se doter d’un hangar anéchoïque pour éprouver ses capacités de guerre électronique

Le Royaume-Uni va se doter d’un hangar anéchoïque pour éprouver ses capacités de guerre électronique


En 2021, il fut rapporté que les opérations aériennes menées par la Royal Air Force depuis la base d’Akrotiri [Chypre] étaient régulièrement perturbées par le brouillage des signaux de géolocalisation par satellite [GPS]. Pour le ministère britannique de la Défense [MoD] en tenaient les forces russes présentes en Syrie pour responsables étant donné qu’elles étaient les seuls à disposer d’une telle capacité dans la région.

En mars dernier, Londres confirma que l’avion Falcon 900LX du ministre britannique de la Défense, qui était alors Grant Shapps, avait été victime d’un brouillage de son système GPS alors qu’il volait au large de l’enclave russe de Kaliningrad.

Plus largement, cela fait maintenant plusieurs mois que les signaux GPS sont brouillés dans la région de la Baltique, en particulier depuis l’installation de nouveaux systèmes de guerre électronique Tobol et Krasukha dans ce territoire russe. Or, ces interférences affectent le trafic aérien et la navigation maritime.

« Au niveau militaire, nous ne sommes pas trop touchés par ces perturbations car nous ne sommes pas forcément dépendants du GPS. Mais elles font de la Baltique une région non sécurisée. Et lorsqu’il y a de l’incertitude dans une zone, les tarifs d’assurance augmentent », avait ainsi expliqué Mme le contre-amiral Ewa Skook Haslum, la cheffe de la marine suédoise.

Par ailleurs, en Ukraine, les perturbations des signaux GPS est monnaie courante, notamment pour neutraliser les drones et/ou les munitions guidées par GPS. D’où le projet que vient de lancer le ministère britannique de la Défense [MoD].

Ainsi, ce 21 août, il a annoncé la construction d’une installation censée lui permettre de tester l’intégrité de ses équipements – en particulier celle de ses aéronefs – dans un environnement de guerre électronique. Et cela sans perturber les activités civiles susceptibles d’utiliser le système GPS.

Plus précisément, il s’agira de bâtir un hangar « anéchoïque » [c’est-à-dire que ses parois absorberont les ondes sonores ou électromagnétiques] à Boscombe Down, dans le cadre d’un marché de 20 millions de livres sterling notifié à QinetiQ. Son inauguration est prévue en 2026.

« Le hangar anéchoïque […] constituera l’environnement idéal pour tester l’intégrité des équipements militaires britanniques. Il empêchera également que les tests n’affectent d’autres utilisateurs, tels que les services d’urgence et le contrôle aérien », a indiqué le MoD, pour qui cette installation dédiée à la simulation d’environnements hostiles sera la « plus grande » en Europe.

Devant être assez grand pour abriter un chasseur-bombardier F-35A, voire un drone MALE [Moyenne Altitude Longue Endurance] MQ-9 SkyGuardian [ou Protector], ce hangar « silencieux » sera conçu de manière à réduire les « réflexions, les échos et la fuite d’ondes radioélectriques », précise encore le MoD. « Les simulateurs GPS et les émulateurs de menaces permettront au Royaume-Uni de créer un certain nombre d’environnements hostiles pour tester la capacité des équipements à résister au brouillage et à d’autres menaces qui tentent de perturber les moyens militaires », a-t-il explique.

« Les menaces hostiles consistant à brouiller le signal GPS afin de désorienter les équipements militaires sont devenues de plus en plus fréquentes », a fait valoir Maria Eagle, la ministre de l’Industrie et des Achats de Défense. « Cette installation de pointe va nous permettre d’éliminer des vulnérabilités […], de préserver notre sécurité nationale et de mieux protéger nos forces armées lors de leurs déploiements dans le monde », a-t-elle conclu.

La température de l’océan Atlantique baisse à une vitesse record

La température de l’océan Atlantique baisse à une vitesse record

Le phénomène de la Niña atlantique surprend les météorologues. Elle présage d’un hiver plus froid, mais vient avec ses propres phénomènes extrêmes.

La Niña atlantique pourrait atténuer les ouragans que créera La Niña pacifique. | Pixabay <a href="https://www.pexels.com/fr-fr/photo/planete-terre-76969/" rel="nofollow">via Pexels</a>
La Niña atlantique pourrait atténuer les ouragans que créera La Niña pacifique. | Pixabay via Pexels

 Repéré sur New Scientist

Une bonne nouvelle après treize mois de records de chaleur? De juin 2023 à juin 2024, les températures de l’air et à la surface des océans ont battu d’un quart de degré les marques établies à peine quelques années auparavant. Et non seulement cette série noire a pris fin en juillet 2024 (0,04°C plus frais que juillet 2023), mais l’océan Atlantique entame en plus un phénomène de rafraîchissement inattendu: La Niña atlantique. Au cours des trois derniers mois, la baisse de la température des eaux de l’Atlantique a atteint une vitesse record.

Le phénomène La Niña se produit normalement dans l’océan Pacifique et répond à El Niño. La version 2023 de ce dernier a fortement augmenté les températures du globe –bien aidée par la hausse des émissions de gaz à effet de serre. La Niña découle en partie du renforcement des alizés, qui permettent à l’eau plus froide d’émerger des profondeurs de l’océan.

Les météorologues l’attendaient pour septembre dans le Pacifique, mais c’est bien l’océan Atlantique qui a surpris son monde. «On commence à voir une légère baisse des températures moyennes des océans», indique Pedro DiNezio, professeur à l’université de Colorado Boulter. De quoi mettre fin à une série de quinze mois de températures moyennes records dans les océans.

La Niña atlantique n’est pas une surprise totale. S’il a une influence bien moindre sur le climat mondial, l’océan Atlantique équatorial alterne également entre Niños chauds et Niñas froides. Et comme dans le Pacifique, El Niño atlantique était plus chaud en 2023 qu’il ne l’avait été pendant des décennies. «Il s’agit juste un épisode de plus dans la série d’événements relatifs à un système climatique qui a déraillé depuis de nombreuses années», déplore Michael McPhaden, de l’Agence américaine d’observation océanique et atmosphérique.

La cause de cette Niña atlantique, en revanche, reste un mystère. Ces trois derniers mois, les températures dans cette partie de l’Atlantique ne se sont jamais refroidies aussi rapidement depuis le début des relevés en 1982. Un phénomène qui rend les météorologues perplexes, puisque les alizés ne sont pas plus fortes que d’habitude: «On a parcouru la liste des causes potentielles, et on ne trouve rien pour l’instant», témoigne Franz Philip Tuchen, chercheur à l’université de Miami. Si les températures restent au moins 0.5°C sous la moyenne historique pendant un mois supplémentaire, le phénomène La Niña sera officiellement proclamé dans l’Atlantique.

Les effets de deux Niñas simultanées encore méconnus

Si le monde se retrouve effectivement sous l’influence de deux Niñas cet automne, leurs effets sur la température et l’humidité se feront sentir sur le climat. En général, La Niña pacifique apporte une météo plus fraîche et humide, bien que ce soit inégal (l’ouest des États-Unis s’assèche quand les pluies s’abattent sur l’est de l’Afrique). Elle génère aussi son lot de phénomènes extrêmes, à commencer par des ouragans sur la façade atlantique de l’Amérique du Nord. De son côté, La Niña atlantique a tendance à réduire les précipitations au Sahel et à engendrer des pluies diluviennes au Brésil.

Ces deux Niñas promettent d’avoir, sur le papier, des effets contradictoires sur l’actuelle saison des ouragans dans l’Atlantique. Celle du Pacifique devrait favoriser la formation d’ouragans cet automne, mais La Niña atlantique pourrait atténuer cette probabilité. Cette dernière affaiblit l’activité des perturbations atmosphériques, nécessaires aux ouragans.

Ces deux phénomènes pourraient même avoir des conséquences directes l’un sur l’autre. S’il est difficile de prédire à quel degré, certains météorologues, comme Michael McPhaden, pensent que La Niña atlantique ralentira le développement de La Niña pacifique, et donc son rafraîchissement du climat mondial. «Il pourrait y avoir un bras de fer entre le Pacifique, qui tente de se refroidir, et l’Atlantique, qui tente de se réchauffer», conclut-il.

La stratégie britannique dans un monde en mutation : passé, présent et futur. par John Bew

La stratégie britannique dans un monde en mutation : passé, présent et futur. par John Bew

Par Gabrielle GROS, John BEW , Louis GAUTIER, le 20 août 2024  

https://www.diploweb.com/Video-La-strategie-britannique-dans-un-monde-en-mutation-passe-present-et-futur-J-Bew.html


John Bew, Professeur d’Histoire et de politique étrangère au département des War Studies du King’s College de Londres au Royaume-Uni. Louis Gautier, directeur de la Chaire Grands enjeux stratégiques contemporains, professeur associé à l’Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Synthèse en français de la conférence par Gabrielle Gros pour Diploweb.com.

Quelles sont les fondations de la grande stratégie britannique ? Quels sont les grands dilemmes de cette stratégie ? Comment le Royaume-Uni pense-t-il sa stratégie aujourd’hui ? John Bew, Professeur d’Histoire et de politique étrangère au département des War Studies du King’s College de Londres apporte ses réponses.

Conférence organisée par la Chaire Grands enjeux stratégiques contemporains, le 11 mars 2024 en Sorbonne. La Chaire a pour objectif de mieux ancrer les études stratégiques dans le paysage universitaire français, de donner la parole à tous et d’établir des relations avec de grandes universités étrangères afin de pérenniser les activités d’enseignement, d’assurer le passage de relais à de nouvelles générations et de contribuer au rayonnement de la pensée stratégique française. Pour ce faire elle organise son 11e cycle de conférences du 22 janvier au 25 mars 2024. John Bew est Professeur d’Histoire et de politique étrangère au département des « War Studies  » du King’s College de Londres (Royaume-Uni). Il s’exprime en anglais. Synthèse en français par Gabrielle Gros pour Diploweb.com.

Cette vidéo peut être diffusé en amphi pour nourrir un cours et un débat. Voir sur youtube

Synthèse en français pour Diploweb.com de la conférence du Professeur John Bew, par Gabrielle Gros

Quelles sont les fondations de la grande stratégie britannique ? Quels sont les grands dilemmes de cette stratégie ? Comment le Royaume-Uni pense-t-il sa stratégie aujourd’hui ? Avant de répondre à ces questions, le Professeur John Bew revient sur la définition d’une « grande stratégie » qui désigne une réflexion de long terme ; une « big picture » comme disent les Anglais. Son but est d’assurer paix, sécurité et prospérité à une nation dans le temps long. Ce terme est utilisé pour la première fois à la fin du XIXème siècle et cristallisé dans les années 1930 grâce à Basil Liddell Hart [1] pour qui ce terme désigne une stratégie supérieure, au-delà du militaire, pour approfondir la mobilisation et la quête de la ressource. La stratégie doit calculer et développer les ressources économiques ainsi que la main d’œuvre de la nation. En effet, les ressources matérielles et morales nécessaires pour promouvoir l’esprit volontaire du peuple peuvent se révéler plus utiles que la possession de formes plus concrètes de puissance. Il semble donc qu’il existe un besoin de former un ensemble d’idées délibérées et cohérentes quand à ce qu’une nation cherche à accomplir dans le monde.

Comprise et partagée avec d’autres grands stratèges comme Napoléon ou Guillaume II, la stratégie britannique a exercé une influence considérable de l’essor à la déchéance de l’empire. Si l’échec de la sécurité collective des années 1920 et 1930 a mené à la Seconde Guerre mondiale, l’idée d’une grande stratégie de la paix émerge de cette période et se retrouve dans les Nations Unies. L’ampleur alors significative de l’influence britannique permet de comprendre les concepts de sécurité européens d’abord, mais également américains du fait de la proximité stratégique des deux pays. Cette entente, improbable au regard de l’Histoire et de la construction même des États-Unis comme une superpuissance anti-impérialiste et antibritannique, s’est d’abord projetée contre la peur de la puissance française. Mais in fine la Grande Bretagne aura joué un grand rôle dans la construction de la grande stratégie américaine. Cela devient particulièrement visible au travers de la relative schizophrénie [2] entretenue par les deux puissances à l’égard des problèmes européens. Pour les Britanniques, celle-ci s’accompagne d’une peur d’y être emmêlés et plus globalement une peur des impulsions négatives et des étrangers malgré le désir de propriété, de commerce et de croissance de la puissance maritime. Néanmoins, après le processus de formation difficile de l’empire britannique, en particulier en lien avec les tensions religieuses et ethniques dans les îles, la Grande Bretagne est, après 1715, une puissance de rang moyen qui entretient au long du XVIIIème siècle une stratégie politique européenne continentale pour le moins active.

 
John Bew
Professeur d’Histoire et de politique étrangère au département des War Studies du King’s College de Londres au Royaume-Uni. Crédit : Chaire Grands Enjeux Stratégiques Contemporains

Notons que la perte de l’Amérique en 1783 représente un choc politique considérable qui implique la professionnalisation de la politique étrangère britannique au moyen du Foreign Office. En outre, la Révolution française marque un nouveau tournant des relations franco-britanniques à l’aube de l’avènement de Napoléon qui met en difficulté les concepts de guerre et de nation au sein d’une Europe dynastique. Les quelques six coalitions formées pour mettre à mal l’empire napoléonien ont la particularité de faire ressortir les pires cauchemars stratégiques britanniques : la peur de l’invasion par la marine française, la peur d’être coupés du commerce ou encore la peur que la maison de Hanovre soit isolée. Ainsi l’État britannique se transforme par le défi français.

Par ailleurs la peur d’un arbitrage par les grandes puissances éveille le génie des stratèges britanniques qui tentent de définir la position de la Grande-Bretagne vis-à-vis de l’Europe. Après 1815, la politique étrangère britannique vise à essayer de façonner la politique européenne pour continuer à travailler dans le système du congrès de Vienne et pour que les Russes, jugés hyperactifs, évitent de fondre sur l’Europe. Mais la Grande-Bretagne est rapidement considérée trop proche de l’Europe anti-démocratique et trop encline à respecter les ordres des empereurs. Aussi, afin de maintenir sa crédibilité en termes de politique étrangère, Robert Stewart Castlereagh [3] signe le premier divorce entre la Grande-Bretagne et l’Europe dans les state papers de 1820. Pêché originel ou manœuvre temporaire, la prise de distance qui résulte de cet acte a de fortes conséquences sur l’expansion de l’Empire. Un comité parlementaire juge d’ailleurs en 1870 que le Royaume-Uni doit cesser de se développer face à la concurrence et au grand jeu stratégique.

Dans cette lignée, le XXème siècle est le témoin la fin de l’isolement splendide, processus qui agite la diplomatie britannique [4] en proie avec l’idée de paix autocratique. Alors que l’empire s’affaiblit au lendemain de la Première Guerre mondiale, émerge l’idée de créer un ordre mondial où chacun est protégé. À en croire W. Churchill, il fallait en effet choisir entre l’ordre mondial et l’anarchie. Le projet de l’ordre international est remarquablement vendu aux américains par les Britanniques qui participent à l’organisation d’un système multilatéral après 1945, accompagné d’une sécurité collective qui repose sur les États-Unis. Dès lors, la politique étrangère britannique devient lisible car appuyée sur l’alliance avec la première puissance mondiale. Ainsi l’empire devient-il le Commonwealth, grand pilier stratégique guidé par une idée de moins en moins stratégique de sa politique étrangère. Selon Dean Acheson [5] en effet, « La Grande Bretagne a perdu son empire et n’a pas trouvé son rôle ».

En ce début de XXIe siècle la sécurité britannique fait face à de grands dilemmes en lien avec les grands enjeux transnationaux qui requièrent la possibilité d’y allouer des ressources. Ainsi de grandes stratégies ont été élaborées comme la fin des négociations des accords de libre-échange entre l’Union européenne et la Grande-Bretagne en mars 2021. Ainsi émerge un cadre stratégique s’appuyant sur quatre piliers : d’abord maintenir l’avantage grâce à la science et à la technologie, ensuite donner forme à l’ordre international de l’avenir, puis renforcer la sécurité et la défense aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays et enfin renforcer la notion de résilience au pays comme à l’étranger.

En 2023 a été ajouté à l’« Integrated Review » une révision de cette stratégie car l’ordre international avait connu de nouveaux enjeux qui étaient une source de préoccupation. Cette révision relève que les quatre grandes tendances se sont amplifiées et posent de plus en plus de menaces. La question du nucléaire et de l’arsenal s’y pose car engagement a été pris d’atteindre 2,5% du budget alloué à la défense, notamment dans le cadre de la nécessité de faire face à la Chine. Pour cela il existe un consensus bipartisan autour des positions de politique étrangère malgré une dimension activiste croissante depuis 2019. Les enseignements de la période de l’entre deux guerres témoignent du fait que la prévision est un élément essentiel d’une grande stratégie. Cette notion de planification a d’autant plus retrouvé sa raison d’être qu’elle a de la concurrence à une échelle mondiale. Aussi si nous devions faire usage des dix prochaines années de manière fructueuse comparée à la période 1904-1914 consacrée à la recherche d’alliés contre le risque de guerre, il faudrait repenser la capacité de mobiliser les ressources mondiales pour aboutir à de plus grands succès dans l’art de conduire les affaires d’états en termes diplomatiques et sécuritaires afin d’éviter certaines des formes les plus déprimantes des prévisions qui nous sont assénées.

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Offensive ukrainienne en Russie : succès tactique mais erreur stratégique

Offensive ukrainienne en Russie : succès tactique mais erreur stratégique

par Olivier DUJARDIN – CF2R – NOTE D’ACTUALITÉ N°646 / août 2024

https://cf2r.org/actualite/offensive-ukrainienne-en-russie-succes-tactique-mais-erreur-strategique/


La concentration de forces ukrainiennes dans la région de Sumy n’était pas passée inaperçue, de nombreuses sources en faisaient état. Ce qui a surpris, en revanche, c’est l’emploi inattendu de cette force militaire. On aurait pu penser que ce rassemblement avait pour objectif de réduire le saillant créé par les Russes dans la région de Kharkiv, ou qu’il s’agissait d’une préparation en vue d’une hypothétique attaque russe dans le secteur de Sumy, une possibilité évoquée par les autorités ukrainiennes il y a quelques semaines.

Le choix de l’état-major ukrainien d’envahir le territoire russe, une première depuis 1941, a pris tout le monde de court, à commencer par les Russes, mais aussi les plus proches alliés de l’Ukraine. C’est la première vraie surprise militaire de l’année 2024. En effet, compte tenu du manque chronique de troupes sur le front et des difficultés des Ukrainiens à stabiliser la poussée russe dans le Donbass, il ne semblait pas évident que Kiev choisisse d’ouvrir un nouveau front.

Le succès tactique de cette opération est indéniable. L’Ukraine a rapidement pris le contrôle de plusieurs dizaines de localités, s’enfonçant parfois de plus de trente kilomètres à l’intérieur du territoire russe. Cette attaque éclair a été menée dans un secteur vulnérable et peu protégé de la frontière russe, en coordination avec des frappes massives de drones dans la région de Koursk. Des moyens significatifs de guerre électronique ont été déployés pour neutraliser autant que possible les capacités des drones russes, tandis qu’une importante défense sol-air, incluant deux batteries Patriot, a été mise en place pour couvrir l’avancée des troupes.

L’Ukraine a mobilisé cinq brigades pour cette opération : la 61e brigade mécanisée détachée du front de Kharkiv, la 80e brigade d’assaut aérien prélevée sur le front de Bakhmut, la 22e brigade mécanisée retirée du front de Klishchiivka, la 116e brigade mécanisée venue du front de Vovchansk, et la 103e brigade territoriale initialement stationnée à Sumy. En réserve, la 88e brigade mécanisée, chargée de la protection de la frontière nord, a également été mobilisée. Cela représente un effectif de 15 000 à 20 000 soldats ukrainiens engagés dans l’opération. Environ 10 000 à 12 000 hommes auraient franchi la frontière, bien plus que le millier d’hommes annoncé initialement par le ministère russe de la Défense.

Les forces ukrainiennes n’ont rencontré que peu de résistance, écrasant les quelques centaines de gardes-frontières russes et leur infligeant de lourdes pertes. Cependant, elles en ont également subi, avec la destruction de plusieurs dizaines de véhicules, principalement en raison de l’intervention de l’aviation, des hélicoptères de combat et des munitions rôdeuses russes. En parallèle, les forces ukrainiennes multiplient les incursions en territoire russe, comme dans les régions de Belgorod et de Koursk, avec, entre autres, l’appui de volontaires géorgiens.

Cette offensive s’est déroulée simultanément avec une tentative de débarquement sur la péninsule de Kinbourn, en mer Noire. Cependant, cette opération a été rapidement repoussée. La grosse dizaine d’embarcations engagée dans cette tentative n’a fait l’objet que d’une faible couverture médiatique de la part de Kiev, qui s’est contentée de diffuser une vidéo montrant les embarcations en mer[1].

Quel est l’objectif de cette attaque ?

L’objectif stratégique de cette attaque en territoire russe reste flou. Plusieurs hypothèses ont été avancées pour expliquer cette initiative :

cette opération aurait pour objectif de contraindre les Russes à dégarnir le front du Donbass, soulageant ainsi la pression sur les forces ukrainiennes dans cette région. Cependant, cet effet escompté pourrait ne pas se matérialiser. L’opération se déroulant sur son sol, l’état-major russe peut déployer des forces non engagées sur le front ukrainien, comme les unités de conscrits. De plus, l’armée russe dispose encore de réserves significatives. Au mieux, cette action pourrait perturber la rotation de ses unités au front, mais probablement sans impact majeur. En tout cas, à ce jour, aucune des unités russes déployées en renfort n’a été prélevée sur un autre front ;

l’opération aurait pour but de couper l’approvisionnement en gaz de l’Union Européenne en sabotant les gazoducs de la région. Cependant, cette idée semble peu plausible. Les gazoducs en question traversent l’Ukraine et, si les Ukrainiens avaient voulu interrompre le flux, ils auraient pu le faire directement depuis leur propre territoire. S’ils s’en sont abstenus, cela s’explique par le fait qu’ils continuent à percevoir des frais de transit payés par les Russes, ce qui rend cette hypothèse peu crédible ;

– on peut penser que cette offensive ukrainienne vise à imiter l’opération russe dans la région de Kharkiv, en cherchant à s’emparer de territoires qui serviraient de levier lors de futures négociations. Cette stratégie pourrait avoir du sens, mais elle suppose que les Ukrainiens parviendront à maintenir ces positions sur le long terme, ce qui nécessiterait des ressources humaines et matérielles importantes, dont ils manquent déjà, pour renforcer leurs positions et compenser l’attrition. L’observation de certains équipements de génie déployés par les Ukrainiens dans la zone pourrait indiquer une intention de s’y retrancher durablement, mais cela reste à confirmer ;

– une autre hypothèse pourrait être que cette opération vise à déstabiliser le pouvoir russe en le discréditant, dans l’espoir de provoquer des soulèvements ou des protestations parmi la population russe. Cependant, cet objectif semble peu fondé. Vladimir Poutine a déjà surmonté de nombreuses crises sans que son pouvoir ne soit véritablement menacé et, historiquement, une attaque sur un pays tend plutôt à unir la population autour de ses dirigeants. Il est donc possible que cette offensive ait l’effet inverse de celui escompté, en renforçant le soutien à la guerre au sein de la population russe ;

– une dernière explication pourrait être que cette offensive a été menée dans un but politique, cherchant à détourner l’attention des revers subis par l’armée ukrainienne sur le front du Donbass au cours des derniers mois, tout en essayant de remonter le moral de la population ukrainienne. Bien que très plausible, cette raison semble être l’une des plus discutables pour justifier une telle opération car, lancer une offensive principalement pour des raisons de communication ou de moral pourrait s’avérer être une stratégie risquée et peu judicieuse.

Une potentielle erreur stratégique

En temps de conflit, il est généralement logique que ce soit la partie disposant de la supériorité numérique qui cherche à étendre le front et non celle qui peine déjà à maintenir la ligne existante. Actuellement, l’armée ukrainienne rencontre de sérieuses difficultés dans le Donbass : elle manque de troupes, a du mal à assurer la rotation de ses unités et peine toujours à stabiliser la ligne de front. Dans ce contexte, il est compréhensible que les autorités russes n’aient pas pris au sérieux les renseignements concernant cette offensive, tant elle semble aller à l’encontre des principes militaires de base.

Cependant, il ne faut pas oublier que les Russes eux-mêmes ont dérogé à cette logique en lançant l’invasion de l’Ukraine en 2022 avec seulement 120 000 à 150 000 soldats, ce qui a conduit aux difficultés que l’on connaît aujourd’hui. Pour mener son offensive, l’état-major ukrainien a dû retirer des unités de qualité et du matériel déjà en pénurie sur le front du Donbass. Ce choix délibéré d’affaiblir encore davantage une ligne de front déjà fragile est extrêmement risqué. L’Ukraine se retrouve maintenant à devoir défendre un front allongé d’une centaine de kilomètres supplémentaires, ce qui nécessitera des hommes, du matériel et des munitions, éléments dont elle manque déjà cruellement.

Avec probablement moins de 20 000 hommes engagés dans cette opération, l’armée ukrainienne ne pouvait espérer aller très loin sans diluer ses forces sauf à recevoir de très importants renforts que l’on ne voit pas venir. Plus le terrain à couvrir est vaste, plus il est nécessaire d’avoir des troupes pour le défendre efficacement. Il semble donc que l’étendue maximale de leur avancée ait été atteinte aux environs du 12-13 août 2024, bien loin de la ville de Koursk ou de sa centrale nucléaire.

Dès lors, l’armée ukrainienne devra faire face à des renforts russes et à un bombardement intensif par des moyens aéroportés (avions et drones) ainsi que par l’artillerie. Sans retranchement ni positions fortifiées, comme le montrent les vidéos de soldats ukrainiens creusant des tranchées en urgence[2], sa situation pourrait devenir très difficile comme le montrent les nombreuses vidéos de ses colonnes prises dans des embuscades[3]. Cela pourrait finir par coûter plus cher aux Ukrainiens qu’aux Russes, en termes de pertes humaines et de matériel.

De son côté, la Russie doit répondre à l’avancée ukrainienne mais, militairement parlant, elle n’a pas nécessairement intérêt à éliminer ce saillant trop rapidement. En effet, ce saillant peut servir à diluer les moyens militaires ukrainiens, dans la continuité de la stratégie russe amorcée avec son offensive limitée dans la région de Kharkiv qui a pour but d’accélérer l’usure des forces ukrainiennes. Néanmoins, les considérations politiques pourraient influencer la réponse russe, la poussant à adopter d’autres mesures.

Il est peu probable que cette situation mène à une escalade nucléaire, étant donné que le territoire conquis par les Ukrainiens est relativement modeste avec un rectangle d’une quarantaine de kilomètres de large sur une profondeur d’une quinzaine de kilomètres en moyenne. En comparaison de la vaste étendue de la Russie et de la faible valeur stratégique du terrain conquis, rien ne justifie une montée aux extrêmes. La dynamique aurait été différente si les Ukrainiens avaient réussi à capturer des villes importantes telles que Koursk, Briansk, Belgorod ou Voronej.

À ce stade, l’offensive ukrainienne semble peu affecter les opérations russes dans le Donbass où les avancées se poursuivent et semblent même s’accélérer, mettant désormais en danger la ville de Pokrovsk, un nœud logistique crucial pour les Ukrainiens.

Une opération qui n’est pas sans rappeler celle sur la rive orientale du Dniepr

En octobre 2023, malgré l’échec de leur contre-offensive, les Ukrainiens ont surpris en lançant une opération amphibie sur la rive orientale du Dniepr depuis Kherson, visant à établir des têtes de pont à Krinky, Dachi et sur les îles voisines. Pour cette opération, ils ont mobilisé d’abord 3, puis 4 brigades d’infanterie de marine. Ils ont exploité la destruction du barrage de Kakhovka, le risque de submersion qui aurait pu balayer leurs troupes ayant été éliminé.

Après avoir avancé de quelques kilomètres, l’offensive ukrainienne s’est rapidement heurtée à des renforts russes. Les objectifs affichés pour cette opération étaient semblables à ceux de l’offensive que l’on observe aujourd’hui dans la région de Koursk : détourner les effectifs russes de leur objectif et déstabiliser le pouvoir russe. Cependant, cette action n’a ni détourné les forces russes de leurs priorités principales, ni remis en cause la position de Poutine. Elle a simplement détourné l’attention des échecs de la contre-offensive et a temporairement renforcé le moral ukrainien au moment où la Russie capturait Avdiivka.

Dix mois plus tard, cette opération n’a laissé que des vestiges. Les têtes de pont ont été évacuées en urgence lorsqu’il a fallu réagir face à l’avancée russe vers Kharkiv. En termes stratégiques, les Ukrainiens n’ont rien gagné, sauf une usure inutile de leurs brigades d’infanterie de marine. Bien qu’ils aient réussi à causer de l’attrition du côté russe, cela a été principalement réalisé à l’aide de drones et d’artillerie depuis la rive occidentale du Dniepr, rendant la présence des têtes de pont superflue pour atteindre ces objectifs.

L’opération en cours dans le région de Koursk risque bien de se finir de la même manière, si ce n’est que le risque pris par Kiev est beaucoup plus important de par le volume des forces engagées.

Le pont de Crimée, une autre erreur stratégique potentielle ?

Depuis le début de l’invasion russe, le pont de Crimée est devenu une cible prioritaire pour les Ukrainiens. Cet ouvrage est un symbole puissant de l’annexion de la Crimée et représente une voie logistique cruciale, bien que non unique. En effet, des alternatives telles que le pont terrestre au nord de la mer d’Azov et les liaisons maritimes pourraient pallier une éventuelle destruction de celui-ci.

Consciente de son importance stratégique et symbolique, la Russie a déployé des moyens considérables pour protéger le pont. Ces mesures comprennent des systèmes de défense sol/air et des moyens physiques renforcés pour sécuriser l’infrastructure.

Attaquer cet ouvrage présente donc des défis significatifs. Une opération réussie nécessiterait une grande quantité de munitions adaptées pour percer les défenses en utilisant des stratégies de saturation, une diversité des axes d’attaque et une utilisation de différents types de munitions (missiles balistiques, de croisière, drones…). L’objectif serait de causer des dommages suffisamment importants pour interrompre l’usage du pont jusqu’à ce que des réparations soient effectuées. Bien que complexe, une telle opération reste envisageable si elle est exécutée avec une planification méticuleuse et une coordination efficace.

Bien que régulièrement annoncée, une nouvelle attaque du pont de Crimée n’a pas eu lieu jusqu’à présent. L’armée ukrainienne semble attendre le « bon moment », mais il est difficile de déterminer ce que pourrait être ce moment optimal, surtout sachant que tous les axes logistiques russes disponibles sont déjà ciblés.

Une autre hypothèse est que les Ukrainiens reconnaissent les risques stratégiques liés à une telle attaque. En effet, la riposte russe serait prévisible : en réponse à la destruction du pont de Crimée, les Russes pourraient envisager de détruire la quinzaine de ponts qui enjambent le Dniepr, lesquels sont vitaux pour les communications et les approvisionnements ukrainiens. Cela couperait efficacement les troupes ukrainiennes situées sur la rive orientale du fleuve de leurs lignes de ravitaillement, compliquant et ralentissant considérablement leurs opérations.

De plus, on peut s’interroger sur le fait que la Russie n’ait pas encore attaqué les ponts traversant le Dniepr pour affaiblir l’armée ukrainienne. Une réponse possible pourrait être l’existence d’un accord tacite entre les deux parties, où chacune garde en « otage » les ponts stratégiques de l’autre. Cela expliquerait le peu d’empressement des Ukrainiens à détruire le pont de Crimée comme la préservation des ponts sur le Dniepr jusqu’à présent.

Ce n’est pas la première fois que l’armée ukrainienne crée la surprise en lançant des opérations dans des endroits inattendus. Malheureusement, il semble que ces actions soient, une fois de plus, motivées par des objectifs principalement politiques et médiatiques, plutôt que par une stratégie militaire bien réfléchie. Le gouvernement à Kiev semble privilégier les coups d’éclat, des « coups de com », qui ont peu ou pas d’impact réel sur le cours de la guerre. En se concentrant sur des actions spectaculaires mais peu efficaces, le pouvoir politique risque de compromettre l’efficacité de ses forces armées, en les épuisant dans des opérations qui, bien que remarquables, sans véritable stratégie sous-jacente.

Cette tendance à se focaliser sur le « génie tactique ukrainien » occulte la finalité stratégique qui devrait guider les choix militaires. Les guerres ne se gagnent pas à coup de scoops médiatiques ni de symboles. La stratégie ukrainienne dans ce conflit devient de plus en plus obscure, les actions entreprises semblant parfois contre-productives à long terme. Obtenir le « prix du public » est peut-être gratifiant mais cela n’offre aucun avantage opérationnel. On peut se demander si cette approche est le résultat de la dépendance du pays vis-à-vis de ses sponsors étrangers ou si le gouvernement ukrainien a fini par croire en sa propre propagande


[1] https://www.youtube.com/watch?v=GwGYom8K2yM

[2] https://www.youtube.com/watch?v=hQzWQ1_Ar64

[3] https://www.youtube.com/watch?v=7GeOgVFei5I

Les BRICS se renforcent à l’approche du prochain sommet

Les BRICS se renforcent à l’approche du prochain sommet

par Alex Wang* – Revue Conflits – publié le 20 août 2024

https://www.revueconflits.com/les-brics-se-renforcent-a-lapproche-du-prochain-sommet/


Le prochain sommet des BRICS doit se tenir en octobre en Russie. À l’approche de ce sommet, de nouveaux États ont demandé à intégrer le groupe. Les échanges économiques et le système indépendant de paiements sont également en cours de renforcement.

De nouveaux candidats pour intégrer le groupe

Le prochain sommet des BRICS devrait se tenir dans la région russe de Kazan en octobre. Le 16e sommet verra la participation de quatre pays nouvellement intronisés : les Émirats arabes unis, l’Égypte, l’Iran et l’Éthiopie. L’alliance de neuf membres décidera de l’orientation du groupe lors du prochain sommet et s’engagera en faveur d’un partenariat plus solide.

Une poignée de pays en développement d’Asie, d’Afrique, d’Europe de l’Est et d’Amérique latine ont exprimé leur intérêt à rejoindre le groupe BRICS en 2024. Anton Kobyakov, conseiller présidentiel russe, a confirmé lors d’une dernière conférence de presse que 59 pays ont exprimé leur intérêt à rejoindre les BRICS en 2024.[1] Citons quelques-uns dans la liste : la Turquie, le Venezuela, la Thaïlande et la Malaisie.

La Turquie veut adhérer aux BRICS. C’est ce qu’a déclaré son ministre des Affaires étrangères Hakan Fidan lors de sa visite en Chine, le premier déplacement à Pékin d’un responsable politique turc de premier plan depuis douze ans.[2] Ce geste a un impact considérable étant donné que la Turquie est un membre de l’OTAN et un aspirant de l’Union européenne depuis des années.

Dans un communiqué commun publié à l’issue d’une rencontre tenue à Pékin, entre le président chinois Xi Jinping et le président vénézuélien Nicolas Maduro, ce dernier a réitéré, lors de leur rencontre, l’intérêt de son pays à rejoindre les BRICS.[3] Cette candidature, plus celle de Colombie et de Bolivie, jette une pierre dans l’arrière-cour des États-Unis.

La Malaisie et la Thaïlande ont également annoncé qu’elles demanderaient à devenir membres des BRICS. C’est une victoire pour la multipolarité.[4] Le Premier ministre malaisien a annoncé le 18 juin que la Malaisie s’apprêtait à rejoindre les BRICS. Cette déclaration est survenue quelques heures avant la venue en Malaisie du Premier ministre chinois.

Commerce explosif entre les pays BRICS

Le commerce entre les nations BRICS devrait atteindre 500 milliards de dollars en 2024, marquant une progression notable.[5]  En 2023, les échanges commerciaux au sein du groupe ont fortement augmenté grâce à de nouveaux accords et au renouvellement de partenariats, renforçant leur position internationale.

Selon la Banque Mondiale, bien que ce chiffre reste en dessous de la moyenne mondiale, la croissance des BRICS est constante et prometteuse, ouvrant la voie à de futurs accords commerciaux. L’initiative clé des BRICS est leur projet de dédollarisation, visant à réduire leur dépendance au dollar américain en favorisant l’utilisation de leurs propres monnaies.

La Chine et la Russie mènent ces efforts, avec des actions concrètes pour réaliser ce projet. Lors du 15e sommet des BRICS à Johannesburg, cinq nouveaux pays exportateurs de pétrole ont été intégrés. Si les BRICS réussissent à convaincre d’autres pays de régler leurs paiements pétroliers en monnaies locales, l’impact sur le dollar américain pourrait être significatif. L’élimination du statut de monnaie globale du dollar est un objectif à long terme des BRICS.

Un système de paiement indépendant

Après des années de discussion, les BRICS ont enfin annoncé la création d’un nouveau système de paiement[6] pour réduire l’influence du dollar sur leurs économies. Initialement prévu pour utiliser le système russe SPFS, ce projet s’appuiera finalement sur la blockchain et les cryptomonnaies. Cette initiative vise à renforcer l’autonomie des BRICS dans la finance internationale et à diminuer leur dépendance au dollar américain et aux systèmes financiers occidentaux comme SWIFT. Les discussions laissent place à des actions concrètes, permettant l’utilisation des monnaies des BRICS ou d’une nouvelle monnaie commune éventuelle.

Ce développement est un élément clé de l’agenda 2024 des BRICS, qui vise à renforcer leur rôle sur la scène financière mondiale et à s’affranchir du dollar. Ces derniers mois, l’alliance a multiplié les initiatives en ce sens. Selon de récentes informations, le ministère russe des Finances collabore avec la Banque de Russie et les partenaires des BRICS pour développer la plateforme de paiement multilatérale BRICS Bridge, destinée à améliorer l’efficacité du système monétaire mondial. Dans l’ensemble, les efforts des BRICS pour sortir du dollar vont au-delà de la création d’un système de paiement.

Le Parlement des BRICS

Récemment, Vladimir Poutine a avancé l’idée de construire à l’avenir son propre Parlement des BRICS.[7]

Comme tout le monde le sait, les BRICS sont une alliance plutôt économique. Si cette déclaration reflète l’état d’esprit des tous les leaders des BRICS, cela signifie qu’ils vont passer, d’une initiative économique conjoncturelle à une alliance politique plus organisée donc plus efficace.

L’établissement du Parlement permettrait la transformation des BRICS en une organisation digne de ce nom au lieu, comme actuellement, des réunions annuelles.

Le lien entre les BRICS sera plus serré et plus formel, aidant à mieux gérer la disparité des priorités des membres et les résolutions des conflits internes. En même temps, il y aurait plus de disciplines dans la mise en place des décisions collectives.

Vis-à-vis de l’extérieur, ce groupe aurait un front uni, ayant des positons plus cohérents et plus consistants dans les discussions internationales et contre les éventuelles sanctions unilatérales. Ce Parlement serait aussi une plateforme d’expérimentation pour une gouvernance mondiale d’un nouveau genre.

BRICS et SCO (Shanghai Cooperation Organisation)

Fondée en 2001 par la Chine, la Russie, le Kazakhstan, le Kirghizistan, l’Ouzbékistan et le Tadjikistan, SCO a accueilli l’Inde et le Pakistan en 2016, l’Iran en 2021, et le Bélarus en 2024. Elle vise à assurer la sécurité collective contre le terrorisme, l’extrémisme et le séparatisme.

Les BRICS élargissent leur coopération à presque tous les domaines, y compris potentiellement la sécurité dans les régions initiales et au-delà, pour inclure, par exemple, le besoin de protéger les ouvrages BRI en Amérique latine (par exemple, le port de Chancay[8]) et en Afrique notamment dans l’Est. Il est donc envisageable qu’un rapprochement, voire une fusion, entre les BRICS et la SCO puisse se produire à l’avenir.

BRICS et UE

Les BRICS et l’UE devraient et peuvent se dialoguer davantage. Un article très intéressant de Henri Malosse en a résumé les possibilités.[9]

L’idée des BRICS comme alternative à l’hégémonie américaine pourrait attirer les partisans de l’intégration européenne. Des tentatives de rapprochement entre l’Europe et les BRICS ont déjà eu lieu, comme durant la présidence grecque de l’UE. L’attrait des BRICS se ressent aussi en Europe, avec des pays comme la Serbie envisagés comme futurs membres des BRICS tout en étant candidats à l’UE.

L’Union européenne aurait peu d’intérêt à s’aligner complètement sur les positions américaines et devrait plutôt explorer des opportunités de collaboration avec les BRICS, au lieu de les considérer comme des rivaux ou des ennemis. De plus, une présidence américaine potentiellement plus isolationniste compliquerait davantage la situation pour l’Europe.

Par exemple, en ce qui concernant l’Afrique, il serait pertinent d’explorer des synergies entre l’aide européenne à l’Afrique et l’assistance des BRICS, en respectant les principes de non-ingérence et l’identité culturelle et politique des pays africains. Cette coopération pourrait offrir des opportunités prometteuses pour des collaborations constructives entre l’UE et les BRICS.


[1] Vinod Dsouza, 59 Countries Show Interest To Join BRICS in 2024, Watcher.Guru, June 11, 2024.

[2] Euro topics, Turquie : les BRICS plutôt que l’UE ? 10 juin 2024.

[3] La Chine salue l’intention du Venezuela de rejoindre les BRICS, Islam Uddin, Anadolu Ajansi, 14.09.2023

[4] Sarang Shidore, Southeast Asia in BRICS Is Good for the Global Order, The club’s expansion affirms the Global South’s hedging strategy—and sends a message to the great powers, FP, July 4, 2024

[5] Commerce explosif entre les pays BRICS : Vers les 500 milliards de dollars ! Agence BD OR, 29 décembre 2023

[6] Luc José Adjinacou, BRICS : Vers un système de paiement basé sur la blockchain et les cryptos, Mar 05, 2024

[7] Elena Teslova, Poutine : les BRICS pourraient créer leur propre parlement à l’avenir, AA, 11.07.2024

[8] Alex Wang, Le port de Chancay au Pérou : une pierre chinoise dans l’arrière-cour des États-Unis ? Revue Conflits, le 25 mars 2024

[9] Henri Malosse, Les Brics élargissent leur influence et leur attractivité, Revue Conflits, le 14 mai, 2024

 

Alex Wang

*Titulaire de deux doctorats (philosophie et ingénierie) et familier des domaines clés de la NTIC, Alex Wang est ancien cadre dirigeant d’une entreprise high tech du CAC 40. Il est également un observateur attentif des évolutions géopolitiques et écologiques