En août 2022, alors qu’il se préparait à mettre le cap vers l’Amérique du Nord dans le cadre de la mission Westlant 22, le porte-avions britannique HMS Prince of Wales fut victime d’une grave avarie au niveau d’un accouplement SKF de sa ligne d’arbre tribord [qui relie les machines à l’hélice]. Remplacé au pied levé par son « jumeau », le HMS Queen Elizabeth, le navire fut remorqué vers le chantier naval de Rosyth [Écosse] pour y être mis en cale sèche.
Seulement, lors des réparations, il apparut que la ligne d’arbre babord présentait également des signes de faiblesse au niveau de ses accouplements SKF. Aussi, son immobilisation fut prolongée jusqu’en juillet 2023, alors que la Royal Navy espérait le voir reprendre son cycle opérationnel en mai.
Mais celle-ci ne fut pas au bout de ses peines. Début février, alors qu’il devait participer aux manœuvres « Steadfast Defender » organisées par l’Otan, le HMS Queen Elizabeth dut à son tour déclaré forfait… car il risquait de connaître la même avarie qui avait affecté le HMS Prince of Wales.
Initialement, il était question d’immobiliser le porte-avions de 65’000 tonnes pendant « quelques semaines » au chantier naval de Rosyth, étant donné que les réparations devaient se concentrer uniquement sur la ligne d’arbre tribord. Finalement, la Royal Navy décida de remplacer aussi celle de babord, par « précaution ».
Cela étant, après la déconvenue vécue par le HMS Prince of Wales, l’amirauté britannique avait prévu de remplacer les deux lignes d’arbre du HMS Queen Elizabeth lors d’un arrêt technique majeur [ATM] programmé en 2025. Les circonstances en auront donc voulu autrement. Mais d’un mal peut sortir un bien car cela permettra de raccourcir la prochaine période d’indisponibilité technique du porte-avions.
En outre, les réparations du HMS Queen Elizabeth ont été effectuées assez rapidement dans la mesure où le navire ne sera resté que quatre mois en cale sèche. Au total, son immobilisation aura duré six mois… soit trois de moins que celle du HMS Prince of Wales pour les mêmes raisons.
En effet, la Royal Navy a annoncé que le HMS Queen Elizabeth retrouverait la base navale de Portsmouth le 30 juillet, à l’issue d’une campagne d’essais menée peu après sa sortie du chantier naval écossais.
« Le navire est sorti des réparations plus tôt que prévu initialement et, après avoir navigué sous les ponts du Forth, il a passé les sept derniers jours en mer à être mis à l’épreuve afin de tester ses systèmes au maximum », a en effet indiqué la marine britannique, via un communiqué diffusé le 29 juillet.
« Un travail énorme a été réalisé au cours des derniers mois pour nous amener à ce point. C’était un projet de grande envergure […]. Il a fallu un effort d’équipe vraiment efficace de la part de nos ingénieurs, du Defence Equipment and Support [DE&S] et de nos partenaires industriels pour que le porte-avions puisse reprendre la mer », a commenté le commandant Alex Davies, chef du département de génie maritime de la Royal Navy.
L’armée grecque passe à la vitesse supérieure avec un investissement massif dans les F-35 de Lockheed Martin.
La Grèce a marqué un tournant stratégique dans sa politique de défense en signant un contrat colossal de 4,8 milliards de dollars pour l’acquisition de vingt avions de combat F-35 Lightning II. Ce mouvement audacieux est une réponse directe aux tensions montantes en Méditerranée orientale et vise à renforcer significativement les capacités aériennes du pays.
Un Pas de Géant pour la Défense Grecque
L’achat des F-35 par la Grèce symbolise une modernisation profonde de sa flotte aérienne. Ces avions de cinquième génération, connus pour leur furtivité et leur technologie avancée, permettront à la Grèce de solidifier sa défense et de jouer un rôle dissuasif plus significatif dans la région.
Une Alliance Renforcée avec l’Occident
En intégrant la flotte de F-35, la Grèce se joint à un groupe sélect de nations possédant cette technologie de pointe, renforçant ainsi ses liens avec les États-Unis et d’autres membres de l’OTAN. Ce partenariat stratégique promet d’améliorer la coopération militaire et d’accroître la sécurité régionale.
Investissement Technologique et Économique
Le financement alloué par la Grèce ne couvre pas uniquement l’acquisition des avions, mais englobe également des services essentiels tels que la maintenance, la formation du personnel, et l’amélioration des infrastructures. Ce projet devrait dynamiser l’industrie locale grâce aux partenariats avec des entreprises grecques pour la maintenance des avions, favorisant ainsi le transfert de technologie et la création d’emplois qualifiés.
Impact Géopolitique en Méditerranée
L’acquisition des F-35 intervient dans un contexte de tensions accrues avec des voisins comme la Turquie, sur fond de différends territoriaux. La présence de ces avions ultra-modernes est un message clair de la Grèce à ses adversaires, soulignant sa capacité à défendre ses intérêts avec une puissance aérienne supérieure.
Une Course à l’Armement Régionale ?
La montée en puissance de la Grèce pourrait inciter d’autres nations de la région à moderniser leurs propres forces aériennes. Ce phénomène pourrait entraîner une escalade des dépenses militaires et exacerber les tensions régionales, chaque acteur cherchant à ne pas se laisser distancer sur le plan technologique.
Vers une Stabilité ou une Instabilité Accrue ?
Bien que l’augmentation des capacités militaires de la Grèce puisse potentiellement dissuader les conflits, elle pourrait aussi alimenter une course à l’armement et des stratégies militaires plus agressives de la part des pays voisins, posant des questions sur le véritable impact de ces investissements sur la stabilité régionale à long terme.
Un Revers pour l’Industrie de Défense Européenne
Cet achat massif de matériel américain par la Grèce souligne un échec notable pour l’industrie de défense européenne, qui peine à rivaliser avec les géants de l’aéronautique des États-Unis. Malgré la présence de fabricants européens compétents, le choix de la Grèce de se tourner vers Lockheed Martin pour renforcer sa flotte aérienne met en lumière les lacunes perçues dans les options disponibles au sein de l’Europe. Cela pose des questions sur la capacité de l’Europe à s’unir autour d’une politique de défense commune et compétitive sur le marché mondial, et à offrir des solutions qui répondent aux exigences techniques et stratégiques des nations de l’OTAN. Ce scénario incite à une réflexion sur l’intégration et le renforcement de l’industrie de défense européenne pour éviter que de telles préférences pour les équipements non européens ne deviennent une norme.
Cet article explore l’engagement substantiel de la Grèce dans la modernisation de ses forces armées par l’acquisition de F-35, un investissement qui a des implications profondes tant sur le plan militaire que géopolitique. Alors que la Grèce cherche à assurer sa sécurité et à affirmer sa présence sur la scène internationale, les répercussions de ce choix stratégique pourront redéfinir les équilibres de pouvoir en Méditerranée orientale.
Après les camions-citernes, place aux camions logistiques. L’acquisition de jusqu’à 7000 nouveaux véhicules est désormais dans le collimateur des armées françaises, lancement d’une autre compétition à la clef.
Le ministère des Armées semble avoir mis sur les rails ce qui semble être le coeur du programme à effet majeur « flotte logistique et tactique terrestre » (FTLT). Trois mois après l’attribution d’un premier incrément à Arquus, il s’agit cette fois de renouveler le segment des porteurs de charge utile 6 tonnes (PL6T).
Selon l’appel d’offres publié hier, un maximum de 7000 véhicules tout terrain protégés ou non pourraient être livrés en plusieurs versions au travers d’un marché notifié par la Direction générale de l’armement (DGA) pour un peu plus de 12 ans. Hormis le développement des porteurs, ce dernier comprendra deux tranches relatives à la constitution du système de soutien et au soutien proprement dit du parc. Le volet financier n’est pas détaillé.
Le sujet FTLT, ce sont plus de 2080 camions potentiellement livrés d’ici à 2030 toutes versions confondues et jusqu’à 9466 à horizon 2035. Une tranche de 75 M€ est prévue cette année en autorisations d’engagement pour acter principalement la première commande du deuxième incrément, celui portant notamment sur des porteurs polyvalents de l’avant « dédiés au transport de systèmes d’armes et de ressources pondéreuses ».
Cette nouvelle étape confirme à son tour l’approche incrémentale finalement privilégiée afin de « s’adapter à l’évolution du besoin capacitaire, de la menace, du vieillissement du parc en service et l’arrivée des nouvelles technologies ». Plutôt que de miser sur un opérateur unique, chaque incrément sera donc l’objet d’une mise en concurrence dédiée.
Au vu des volumes pressentis, la DGA accorde une attention particulière à la robustesse financière et industrielle des potentiels candidats. Pour espérer être retenu, il faudra démontrer un chiffre d’affaires d’au minimum 600 M€ sur les trois dernières années et une capacité de production annuelle de 1000 camions. Pour certains comme Arquus, il s’agira donc de s’allier. Désormais intégré dans le groupe belge John Cockerill, le champion national a en effet enregistré un résultat inférieur au seuil exigé au cours des derniers exercices.
Attendu de longue date, FTLT permettra de renouveler des capacités dont l’obsolescence et les limites auront été démontrées l’an dernier lors de l’exercice majeur ORION. Densifier la flotte et renforcer sa mise sous blindage, voilà l’une des recommandations inscrites dans un récent rapport parlementaire relatif aux leçons d’ORION et auxquelles cet appel d’offres tentera justement de répondre.
Le 29 juillet 2024, des sources non officielles ont indiqué que la Pologne commencera début août les négociations pour l’acquisition de 159 véhicules de combat d’infanterie (IFV) Borsuk. Cette acquisition vise à équiper deux bataillons d’infanterie mécanisée, chacun recevant 58 véhicules, avec des unités supplémentaires pour la formation.
En bref :
La Pologne négocie l’achat de 159 véhicules de combat d’infanterie Borsuk pour équiper deux bataillons d’infanterie mécanisée.
Le Borsuk est un véhicule amphibie équipé d’un canon automatique de 30 mm et d’un lanceur de missiles Spike.
Le développement est mené par un consortium de sociétés polonaises, avec une production prévue de 1 400 unités pour remplacer les BMP-2.
Le véhicule dispose d’une armure modulaire, de systèmes de contrôle de tir avancés et de protections contre les IED et mines.
Les prototypes du Borsuk ont été testés extensivement et le véhicule a été présenté pour la première fois à l’étranger lors du salon Eurosatory 2024.
Un projet ambitieux soutenu par un consortium national
Le projet Borsuk, initié par l’Agence de l’armement polonaise et le consortium de la Polish Armaments Group et de Huta Stalowa Wola, inclut plus de mille IFV Borsuk et environ 400 véhicules spécialisés. Parmi ces derniers figurent des véhicules de reconnaissance Żuk, des véhicules de commandement Oset, la plateforme MEDEVAC Gotem, les véhicules ARV Gekon et la plateforme de reconnaissance CRBN Ares.
Caractéristiques techniques et capacités du Borsuk
Le Borsuk est un véhicule blindé à chenilles conçu pour l’infanterie mécanisée. Il est équipé de la station d’armes téléopérée ZSSW 30 armée d’un canon automatique Bushmaster Mk 44 de 30 mm. Ce véhicule moderne offre une protection optimale à son équipage contre les tirs d’armes légères, les lance-grenades antichars, les engins explosifs improvisés (IED) et les mines. Il est également amphibie, une caractéristique qui le distingue de nombreux autres véhicules similaires, lui permettant de traverser des cours d’eau et d’opérer dans divers environnements. Le Borsuk peut atteindre une vitesse de 65 km/h sur route et 8 km/h dans l’eau, avec un poids de 28 tonnes dans sa variante de base.
Partenaires industriels et collaboration internationale
Le développement du Borsuk est dirigé par HSW S.A. et inclut plusieurs entreprises polonaises telles que OBRUM Sp.z o.o., Wojskowe Zakłady Motoryzacyjne S.A., ROSOMAK S.A., et des institutions académiques comme l’Université des études militaires et l’Université de technologie militaire. Ce projet représente la nouvelle génération de véhicules blindés à chenilles pour l’armée polonaise, remplaçant le BWP-1 de fabrication soviétique. Ces collaborations stratégiques garantissent que le Borsuk bénéficie des dernières innovations technologiques et des meilleures pratiques de fabrication.
Armements et équipements avancés
Le Borsuk est doté d’un canon Bushmaster Mk 44/S de 30 mm, d’une mitrailleuse coaxiale de 7,62 mm et d’un lanceur de missiles antichars double Spike. Le système de contrôle de tir avancé intègre un auto-tracker et des systèmes optroniques pour le tireur et le commandant. Ces systèmes permettent une acquisition rapide des cibles et une grande précision de tir, même en mouvement. Le véhicule est propulsé par un moteur diesel MTU 8V199 TE20 développant 720 chevaux, couplé à une transmission automatique Allison. Les chenilles en caoutchouc composite fournies par Soucy Defense améliorent la mobilité et réduisent les vibrations, offrant ainsi un confort accru pour l’équipage.
Le Borsuk dispose également de deux jets d’eau à l’arrière pour les opérations amphibies, permettant des manœuvres agiles dans l’eau. Le véhicule est équipé de lance-grenades fumigènes pour créer des écrans de fumée protecteurs et d’un système de détection et suppression des incendies pour une sécurité accrue. Un système de protection NBC (nucléaire, biologique et chimique) et une unité de puissance auxiliaire (APU) assurent le fonctionnement des systèmes principaux même lorsque le moteur principal est éteint.
Production et perspectives futures
Lors du salon Eurosatory 2024 à Paris, la Pologne a présenté son dernier modèle de Borsuk, financé par le Centre national de recherche et de développement polonais. Cinq prototypes ont déjà été testés extensivement, prouvant la viabilité du design et la robustesse du véhicule dans des conditions variées. La production de 1 400 unités est prévue en plusieurs tranches pour remplacer les BMP-2 actuellement en service.
Avantages stratégiques
Le Borsuk offre des capacités de survie et de combat améliorées, grâce à une conception modulaire de l’armure qui peut être ajustée selon les besoins de la mission. Le blindage modulaire permet d’ajouter ou de retirer des panneaux d’armure pour adapter la protection du véhicule aux menaces spécifiques rencontrées sur le champ de bataille. Il est également équipé de lance-grenades fumigènes, d’un système de détection/suppression d’incendie et d’un système NBC pour la protection contre les menaces nucléaires, biologiques et chimiques.
La capacité amphibie du Borsuk lui permet de traverser des rivières et d’opérer dans des environnements marécageux, offrant une flexibilité opérationnelle qui peut être décisive dans de nombreux scénarios tactiques. Le système de propulsion et de suspension avancé assure une mobilité exceptionnelle sur des terrains variés, des routes pavées aux terrains accidentés.
Jean-Baptiste Giraud
Journaliste éco, écrivain, entrepreneur. Dir de la Rédac et fondateur d’EconomieMatin.fr. Fondateur de Cvox.fr. Officier (R) de gendarmerie.
Incontestablement, le Leclerc Evolution, présenté par KNDS, aura été l’un des blindés phares du salon Eurosatory 2024, qui ferme ses portes ce vendredi. Ce char réalise, en effet, la synthèse entre le Leclerc EAU (Émirats arabes unis) et la tourelle EMBT, présentée en 2022 lors de la précédente édition de ce salon.
Ainsi, le Leclerc Evolution peut prétendre s’inviter, sans pâlir, dans la nouvelle génération intermédiaire de chars de combat en cours de conception, aux côtés du Leopard 2AX/3, développé par KNDS Allemagne, du KF51 Panther de Rheinmetall, du M1E3 Abrams américain, et du T-14 russe, ce d’autant qu’il est présenté, par ses concepteurs, comme « prêt à produire », sur un marché international en forte demande.
Toutefois, comme la commande des 18 Leopard 2A8 par la Bundeswehr, avait lancé la carrière internationale de ce blindé, commandé, ou bientôt commandé, par quatre autres pays européens en seulement un an, le super-char de KNDS France doit, avant tout, obtenir une commande de l’Armée de terre française, pour se positionner de manière crédible sur la scène internationale.
Malheureusement pour le Leclerc Evolution, et la stratégie de KNDS, l’Armée de terre, comme le ministère des Armées n’ont, pour l’heure, nullement l’intention, ni les moyens, d’acquérir le nouveau char français.
Sommaire
Le char n’est pas la priorité de l’Armée de terre aujourd’hui
Et pour cause. De l’aveu même de l’Armée de terre française, les chars ne sont pas, pour elle, la priorité aujourd’hui. En effet, celle-ci doit, dans le cadre de la LPM 2024-2030, mener à bien de nombreux programmes, qui seront difficiles à financer dans leur intégralité, avec, notamment, le déploiement des Griffon, Serval et Jaguar du programme SCORPION, la conception et la commande des VBAE pour remplacer les VBL, l’acquisition des 109 Caesar MkII qui doivent former la colonne vertébrale de l’artillerie française, ou encore la modernisation des hélicoptères d’attaque Tigre et l’entrée en service du H-160M Guépard, pour l’ALAT.
Cette modernisation à marche forcée, conséquence de 25 ans de sous-investissements dans le remplacement des équipements, et d’une utilisation intensive des moyens en Afghanistan, au Levant et dans la bande sahélienne, ne laisse presque aucune marge de manœuvre à l’état-major de l’Armée de Terre, pour, éventuellement, se saisir d’opportunités apparues lors de cette LPM.
Au-delà de ces contraintes parfaitement claires sur les six années à venir, l’Armée de terre souffre, également, d’un état-major dans lequel les forces légères, Légion, troupes de marine et parachutistes, sont sur-représentées par rapport aux unités de ligne, en particulier les chars de combat.
Ainsi, ces 10 dernières années, l’Armée de terre a été commandée par un parachutiste (Gal Bosser), un légionnaire (Gal Burkhard) et un TdM (Gal Schill), alors que le poste de Major Général a été assumé par deux parachutistes (Gal de La Chesnais et Gomart), un génie (Gal Quevilly), et deux cavaliers (Gal Barrera et Béchon), mais ayant fait leurs armes, pour l’essentiel, dans la cavalerie légère.
Par ce tropisme pour les forces légères et de manœuvre, les impératifs de modernisation touchant l’ensemble des équipements, dont l’omniprésente gamme de blindés médians, l’historique opérationnel récent et les contraintes budgétaires, il n’est guère surprenant que les capacités de ligne françaises, chars de combat, artillerie lourde et infanterie mécanisée, n’ont guère été au centre des préoccupations de l’état-major de l’Armée de terre.
Ainsi, alors que ces moyens sont au cœur du conflit en Ukraine contre la Russie, ils sont les parents pauvres des efforts consentis par l’Armée de terre dans la LPM 2024-2030, avec une modernisation limitée de 160 Leclerc seulement, la commande de 109 Caesar MkII appelés à former la totalité de l’artillerie de 155 mm de l’AT et l’absence de modernisation des VBCI.
La stratégie de KNDS loin des attentes françaises qui lui ont donné naissance
À ces considérations purement militaires et budgétaires, s’ajoutent une probable déception politique, concernant la stratégie, pourtant pertinente, établie par KNDS, autour des Leopard 2A-RC 3.0 et Leclerc Evolution, en préparation du MGCS.
En effet, initialement, la fusion entre Nexter et Krauss-Maffei Wegmann, voulue par Jean-Luc Le Drian et Ursula van der Leyen, avait pour objectif de rapprocher les programmes de R&D et de production dans le domaine des armements terrestres, en particulier pour les armées des deux pays. Le programme MGCS devait servir de pivot entre les deux entreprises, et les deux armées, pour donner naissance à cette dynamique.
Rapidement, cependant, il devint évident que les attentes des deux armées, comme les marchés des deux entreprises nationales, n’avaient qu’une surface de recoupement très faible.
Ces divergences tinrent le rôle de frein concernant le programme MGCS, presque à l’arrêt pendant cinq ans, sur fonds de divergences des attentes des armées des deux pays, et de tensions portant sur le partage industriel, plus précisément entre Nexter et Rheinmetall, après que ce dernier fut imposé au programme par le Bundestag, en 2019.
La réponse de KNDS, à ce constat, aura été pertinente, bien qu’inattendue. En effet, plutôt que de rester chacun chez soi, des deux cotés du Rhin, KMW et Nexter entreprirent de developper une offre globale, complémentaire et structurée, pour couvrir le plus de besoins possibles avec la plus grande valeur ajoutée.
À ce sujet, la présentation du Leclerc Evolution a représenté, en quelque sorte, le coming-out de Nexter, concernant cette stratégie industrielle et commerciale, presque à l’opposée des objectifs politiques initiaux, en revendiquant des développements différenciés, et non commun, au profit d’une offre élargie, et non standardisée.
Une LPM sous contrainte et le flou politique interdisent tout opportunisme industriel
Si les biais de l’état-major de l’Armée de terre, et la possible irritation politique liée à la stratégie révélée de KNDS, jouent certainement un rôle important, dans le refus avancé de se tourner vers le Leclerc Evolution, c’est, sans le moindre doute, les contraintes budgétaires, liées à l’exécution de la LPM 2024-2030, qui constituent le frein le plus important, et le plus efficace, à son encontre.
En effet, bien qu’avec 413 Md€ planifiés pour les armées sur cette période, l’effort de renouvellement et de modernisation est évident et palpable, la LPM est, cependant, à ce point optimisée, que libérer des crédits pour développer et acquérir, ne serait-ce qu’une centaine de nouveaux chars, apparait hors de portée de l’Armée de Terre, comme du ministère des Armées.
Et s’il existe des clauses de revoyures, en particulier en 2026, pour adapter la LPM aux évolutions des besoins des armées, il convient de garder à l’esprit que l’enveloppe globale, elle, est peu susceptible d’évoluer, tout au moins de manières significatives. Pour y parvenir, il serait nécessaire que l’exécutif opère un changement d’objectifs pour la suite de la LPM, et augmente les investissements prévus, dans le cadre de cette LPM.
Or, le flou politique qui s’est abattu sur la France ces dernières semaines, et qui pourrait bien perdurer au-delà des élections législatives anticipées, rend difficile, pour ne pas dire improbable, qu’un changement de trajectoire puisse être opéré, à ce sujet, dans les mois à venir.
L’Armée de terre et KNDS ne doivent pas rater l’opportunité du Leclerc Evolution
Pourtant, le nouveau Leclerc représente une opportunité unique, afin de permettre à KNDS France, de devenir, à nouveau, un acteur majeur, à l’échelle mondiale, dans le domaine des blindés chenillés lourds, et des chars de combat en particulier, et pour l’Armée de terre, de recoller aux capacités d’engagement de ligne en matière de haute intensité.
En effet, comme évoqué précédemment, le char dispose d’atouts significatifs, pour séduire sur la scène internationale, ce d’autant qu’il serait présenté là où le Leopard 3 n’ira pas, et vice-versa. En d’autres termes, le char bénéficierait d’un positionnement concurrentiel particulièrement attractif, face au K-2 Black Panther sud-coréen, au T-90MS russe, au VT-4 chinois, et même face au M1E3 américain.
Plus performant que les modèles russes, chinois et sud-coréens, il sera, en revanche, sensiblement moins cher que le nouvel Abrams américain, tout en arrivant, sur le marché, avec plusieurs années d’avance, pour peu que la France réagisse suffisamment vite.
Qui plus est, cela permettrait à KNDS de recoller au tempo de la demande, après avoir subi les affres de la contre-programmation avec le Leclerc, arrivé sur un marché atone avec la fin du bloc soviétique, et qui, par ailleurs, s’interrogeait sur l’intérêt du char, après la guerre du Golfe et surtout la première guerre de Tchétchénie.
Cela mettrait, par ailleurs, KNDS France sur un pied d’égalité avec KNDS Deutschland dans le cadre du programme MGCS, en jouant un rôle similaire sur le marché mondial du char de combat, et en maturant effectivement certaines technologies clés, comme l’équipage à quatre membres et le canon Ascalon.
Quant à l’Armée de terre, elle disposerait d’un char de combat, même en petite quantité, particulièrement adapté au combat moderne de haute intensité, susceptible d’évoluer dans les environnements difficiles, comme le long d’une ligne d’engagement figée ou en zone urbaine.
Par ailleurs, l’arrivée de 100 ou 120 Leclerc Evolution, un nombre suffisant pour lancer la production, donc la carrière internationale du blindé, permettrait de décaler autant de Leclerc MLU, par exemple, pour armer des régiments de réservistes, et ainsi, disposer d’une réelle capacité de rotation.
Le Leclerc Evolution permettrait, enfin, à l’Armée de terre comme à la BITD française, d’obtenir de nombreux retours d’expérience, pouvant influencer de manière pertinente le programme MGCS, tant pour le dérisquer que pour le doter de nouvelles capacités optimisées.
Dans le cas contraire, l’armée de terre devra aller jusqu’en 2045 avec ses Leclerc actuels, qui n’auront plus de potentiel opérationnel significatif d’ici à quelques années, et l’arrivée des premiers chars de génération intermédiaire. Elle sera, ainsi, tout autant privée de moyens opérationnels que de la possibilité de faire évoluer son expertise et sa doctrine, dans un monde dans lequel les tempos technologiques et tactiques évoluent très rapidement.
Quant à KNDS France, l’industriel aura perdu, en grande partie, son expertise et sa crédibilité dans le domaine des blindés lourds, pour n’avoir plus vendu de chars, ou de blindés chenillés, depuis les Leclerc émiratis. Dans le même temps, KNDS Deutschland fera, sans le moindre doute, de son Leopard 3 un succès, avec le risque de déclasser la BITD terrestre française, y compris face à Rheinmetall, si le KF51 trouvait preneur.
Changer les paradigmes du programme Leclerc Evolution pour pouvoir lui donner naissance
Que faire, lorsque s’impose la nécessité de développer et de mettre en œuvre le Leclerc Evolution en France, alors que les contraintes budgétaires et politiques l’interdisent ? En effet, il apparait de ce qui précède, que le char de KNDS France, se trouve dans une impasse, en dépit d’un potentiel industriel et opérationnel indéniable.
La solution la plus évidente serait une décision politique en faveur d’une hausse des crédits de défense à relativement courts termes, pour financer la conception du char et sa commande pour les armées françaises. Cependant, celle-ci est peu probable, puisqu’aucun des programmes des trois formations politiques, en tête des sondages pour les législatives anticipées, envisage une telle hypothèse.
Une coproduction, sous la forme d’un marché conjoint signé entre plusieurs pays européens, pourrait, en revanche, en faciliter l’émergence. Ainsi, à l’image de l’accord signé entre Paris, Zagreb et Tallinn, au sujet des Caesar ; entre la France, la Belgique, Chypre, l’Estonie et la Hongrie, pour les missiles Mistral 3 ; ou avec la Grèce, pour les frégates FDI, Paris peut tenter de trouver des partenaires susceptibles d’étendre l’assiette du programme, et de porter une part des couts de développements.
En Europe, la Grèce, qui doit remplacer un grand nombre de ses blindés, y compris ses chars, et qui dispose d’une industrie de défense terrestre, et la Belgique, partenaire de la France dans le cadre du programme CaMo, pourraient rejoindre un tel programme.
Rappelons que si le retour budgétaire, sur les dépenses d’état, dans le domaine de l’industrie de l’armement, s’établit autour de 50 % pour un char comme le Leclerc Evolution, qui repose sur certains composants importés (Moteur MTU, APS Trophy), celui-ci atteint 85 à 90 % lorsque les montants exportés sont équivalents à ceux investis.
En d’autres termes, si Paris commandait 200 Leclerc Evolution, et parvenait, par l’intermédiaire des nouveaux modèles de coopération industriel de défense, à exporter 200 exemplaires, le cout final, sur le budget de l’État, ne dépasserait pas les 15 % des montants investis par la France, dans ce programme, soit moins de 500 m€, pour entièrement renouveler la composante chars lourds de l’Armée de terre, tout en libérant les moyens matériels pour trois régiments de chars de réserve.
Conclusion
On le voit, il ne fait guère de doutes que le char Leclerc Evolution, présenté par KNDS lors du salon Eurosatory 2024, représente une réelle opportunité, tant pour l’industriel et l’ensemble de la BITD terre française, que pour l’Armée de terre, fut-elle quelque peu rétive à franchir le pas.
Toutefois, pour se saisir de ces opportunités, il serait, très certainement, indispensable de faire évoluer plusieurs des paradigmes clés concernant l’acquisition des équipements de défense, et surtout, l’anticipation de la soutenabilité budgétaire de la démarche.
En effet, pour peu qu’il soit possible de sécuriser un volume de commandes à l’export, équivalent au montant des investissements français dans ce programme, il s’avère que le mur qui semble se dresser entre l’Armée de terre, le Leclerc Evolution et sa carrière internationale, pourrait être en grande partie contourné, au point d’être soutenable, y compris pour les caisses de l’État sous tension.
Reste que pour faire de ce programme un véritable succès, un dernier paramètre, celui du temps, doit être pris en considération. En effet, lancer la production du nouveau Leclerc, pour l’Armée de terre, comme pour le marché export, n’a d’intérêt que si elle intervient dans les quelques années à venir, concomitamment au Leopard 2AX/3 allemand, et avant le M1E3 américain.
Faute de quoi, le marché se sera rapidement restructuré autour des nouveaux chars allemands et américains, ainsi que des modèles sud-coréens, turcs, russes ou chinois, ne laissant, comme ce fut le cas pour le Leclerc, qu’un marché saturé en perspective.
La question est donc de savoir si le ministère des Armées, comme le ministère du Budget et de l’économie, sauront faire preuve de la souplesse comme de la vélocité suffisante, pour effectivement permettre à l’industrie de défense française, KNDS France en particulier, de réinvestir le marché des chars de combat et des blindés lourds chenillés, dans un marché plus porteur que jamais ?
Article du 21 juin en version intégrale jusqu’au 3 aout 2024.
Lasers, essaims de drones, missiles hypersoniques… Ces nouvelles armes sont sur le point de bouleverser les conflits. L’art de la guerre n’échappe pas à l’accélération de l’Histoire. S’il fallait des décennies, voire des siècles, pour inventer un nouvel alliage métallique ou changer la forme d’un bouclier durant l’Antiquité, il suffit aujourd’hui de six mois pour qu’un drone soit obsolète sur le champ de bataille.
« Une invention qui change la donne à elle toute seule, cela n’existe plus, à part peut-être l’arme atomique », prévient Léo Péria-Peigné, chercheur à l’Observatoire des conflits futurs de l’Institut français des relations internationales (Ifri).
Adieu donc les fameux game changers, ces armements censés offrir un avantage décisif et définitif. « La guerre reste un duel dans lequel il n’y a pas de solution miracle, mais une combinaison de systèmes d’armes tous nécessaires », ajoute l’auteur de Géopolitique de l’armement (Le Cavalier bleu). Néanmoins, dans tous les domaines, des inventions vont radicalement transformer la conduite de la guerre. Emblème de cette révolution, l’intelligence artificielle (IA) « va irriguer toutes les dimensions de notre travail », assure le général Pierre Schill, chef d’état-major de l’armée de terre française, qui salue la création en mars dernier de l’agence ministérielle de l’IA de défense (Amiad).
« Dans dix à quinze ans, un tiers de l’armée américaine sera robotisé et largement contrôlé par des systèmes dotés d’IA», a même prédit le général Mark Milley, ancien chef d’état-major des armées américaines sous les présidents Trump puis Biden, lors d’une conférence le 15 juillet 2024. Aux États-Unis comme en Chine, des milliers d’ingénieurs travaillent sur des algorithmes voués à l’analyse du renseignement, à la surveillance automatisée des mouvements ennemis, à la conduite de mission des essaims de drones ou encore à la maintenance prédictive des outils les plus précieux comme les avions, les navires et les chars. Presque tout peut être géré par une IA en une fraction de seconde, charge ensuite aux humains de suivre le rythme impulsé par la machine.
L’étape suivante sera celle des systèmes d’armes létaux autonomes (Sala, parfois surnommés « drones tueurs »), une piste que plusieurs pays, dont la France, refusent de suivre. L’idée est de créer des drones terrestres, aériens et navals dotés d’une autonomie de décision plus poussée que celle des armements actuels, qui leur permettrait de tuer sans intervention humaine.
[…]
« Camouflage électronique »
« Dans l’immense majorité des cas aujourd’hui, les opérateurs de drones ne pilotent qu’une seule machine en utilisant une liaison radio », explique Éric Lenseigne, vice-président de Thales chargé de la guerre des drones, qui précise que son groupe fait « d’ores et déjà voler des essaims d’une dizaine de drones hétérogènes, qui accomplissent des missions précises sous le contrôle d’un opérateur unique ». Les usages sont infinis et parfois inattendus : « Des essaims de drones peuvent servir de camouflage électronique en émettant des ondes au-dessus d’un poste de commancdement », rapporte par exemple le général Pierre Schill. De quoi préfigurer la véritable révolution à venir pour les drones : celle de l’intelligence artificielle embarquée.
« Les essaims de drones que les hommes réussissent à créer avec l’IA sont aussi complexes que des vols d’étourneaux, l’une des choses les plus élaborées que l’on connaisse dans la nature », estime Giorgio Parisi, Prix Nobel de physique 2021 pour ses travaux sur les systèmes complexes. « À la différence près que les étourneaux n’ont la capacité de communiquer qu’avec les oiseaux les plus proches, alors que les drones communiquent à longue portée », précise le physicien. L’IA est la seule technologie capable de fournir à l’essaim l’agilité nécessaire pour remplacer à la volée les drones perdus et réorganiser les forces restantes. Les petits processeurs de chaque drone, connectés entre eux, fournissent une puissance de calcul importante tant que la liaison radio reste performante. Mais dans un contexte de spectre disputé, avec des brouillages de part et d’autre et des changements réguliers de fréquence et de mode de chiffrement, ce n’est pas un atout facile à préserver.
Autre nouveauté qui appartenait jusqu’à peu à la science-fiction : le laser. Les quelques armes expérimentales, installées notamment sur des navires et sur de petits blindés, ouvrent la voie à une systématisation de leur présence sur le champ de bataille en complément des fusils, canons et missiles traditionnels. Avec le laser, il n’y a pas de munitions : les tirs sont illimités tant que l’énergie est disponible.
« L’instantanéité du tir est aussi un atout majeur », précise Léo Péria-Peigné, qui souligne cependant « les problèmes d’échauffement et d’usure des lasers lorsqu’ils sont très sollicités ».
Les blindages doivent être réimaginés, tout comme la logistique et surtout la production d’énergie des véhicules, navires et avions. Seuls les porte-avions équipés de petits réacteurs nucléaires semblent aujourd’hui suffisamment dotés en électricité pour mettre en oeuvre plusieurs canons lasers dans un contexte de combat de haute intensité.
Manipuler les perceptions du cerveau
Le supersonique était une évolution, l’hypersonique est une révolution. Capables de dépasser cinq fois la vitesse du son (6 174 km/h), les missiles de croisière et les planeurs hypersoniques rejoignent les missiles nucléaires intercontinentaux dans la panoplie des armes quasiment imparables. Pis : contrairement à ces derniers, leur trajectoire n’est pas balistique. Jusqu’au dernier moment, ils peuvent manoeuvrer pour échapper à des défenses ou pour camoufler la véritable origine de l’attaque. Leur vitesse ne laisse que quelques instants à la cible pour décider d’une riposte, qui peut prendre la forme d’une contre-attaque éclair visant les systèmes de guidage et de ciblage des armes hypersoniques adverses : c’est ce que prévoit la Russie par exemple, avec une combinaison de missiles et de lasers. Toutefois, les armes hypersoniques coûtent très cher et n’apportent pas toujours un avantage décisif.
« La Russie dispose de missiles hypersoniques et cela ne lui a pas donné la victoire en Ukraine depuis deux ans », relève Léo Péria-Peigné, selon qui « Moscou préfère fabriquer une myriade de petits drones rustiques ou de missiles classiques, pour le prix d’un seul missile hypersonique ».
On sait brouiller les communications ; mais les cerveaux ? La guerre cognitive rêve de manipuler les perceptions du cerveau et donc d’altérer sa capacité à décider. En 2016, des diplomates américains et canadiens en poste à La Havane ont été pris de mystérieux vertiges et de maux de tête violents, au point qu’ils ont dû être rapatriés pour être traités dans leur pays.
Un récent article intitulé « Améliorer l’organisation de l’interaction entre le département des armements de la VKS et les entreprises industrielles pour accomplir les tâches de l’ordre de défense de l’État dans des conditions d’utilisation intensive du combat de l’aviation », publié dans la revue russe Военная мысль (Pensée militaire)expose d’importants changements dans l’approche du développement et de la production d’armes et d’équipements militaires dans le domaine aéronautique, dictés par les nécessités apparues lors de la guerre actuelle en Ukraine.
Les auteurs de l’article, le général de Corps d’Armée Yuri Grekhov et le colonel Vladimir Ivanchura, décrivent les mesures adoptées au cours du conflit pour répondre aux besoins en matière d’approvisionnement en armes et de gestion des pertes d’avions, soulignant comment ces facteurs ont nécessité une révision des approches établies pour garantir la mise en œuvre la défense de l’État russe.
Selon les auteurs, la guerre en Ukraine a mis en évidence la nécessité de mettre en œuvre des mesures d’urgence pour maintenir la fonctionnalité et les ressources opérationnelles des avions, en plus de satisfaire aux exigences en matière d’approvisionnement en armes. Cette situation a conduit à une révision significative des approches traditionnelles. Une procédure temporaire pour la réalisation des travaux de recherche et développement (R&D) a été introduite, permettant de réduire drastiquement la durée du cycle de développement de nouveaux modèles d’armes et d’équipements. La procédure temporaire a entraîné une réduction du nombre de tests requis avant qu’un produit n’entre en production de masse.
Comme l’expliquent Grekhov et Ivanchura, cette modification a réduit le temps nécessaire pour achever l’ensemble du cycle de création d’armes et d’équipements militaires de 6/10 ans à seulement 18 mois/2 ans. Cette approche accélérée a été rendue possible en réduisant le nombre minimum de tests nécessaires et en se concentrant sur ceux qui permettent de valider concrètement les caractéristiques de combat du produit.
L’article souligne également que le nombre de tests pour les armes aéronautiques de série – dont la production implique désormais l’utilisation de composants nationaux en remplacement de ceux importés – a été considérablement réduit. Seuls les tests essentiels pour confirmer les caractéristiques opérationnelles restent inchangés. Cette décision a permis de renoncer à une partie significative des tests traditionnels, en particulier pour les produits destinés aux réserves militaires et aux matériaux de consommation, bien avant l’expiration de leur durée de service et de stockage.
L’article de Grekhov et Ivanchura donne un aperçu clair des nouvelles procédures adoptées pour faire face aux défis imposés par la guerre en Ukraine. La réduction drastique des délais de développement des armes aéronautiques représente un changement significatif qui pourrait avoir un impact durable sur les capacités militaires et la préparation opérationnelle des Forces aérospatiales russes, mais constitue également un indicateur utile pour toutes les forces armées d’autres nations, qui pourraient se retrouver engagées dans des conflits prolongés de haute intensité.
À titre d’exemple, selon le canal Telegram « DD Geopolitics », l’armée russe aurait récemment déployé un nouveau système radar mobile dénommé Irbis, permettant de localiser et d’identifier les positions de tir ennemies jusqu’à une distance de 150 kilomètres.
La réduction des délais de développement des nouvelles armes aéronautiques russes est une réponse directe aux besoins opérationnels dictés par le conflit en Ukraine. Ce changement a des implications géopolitiques significatives. La capacité de la Russie à accélérer le processus de développement et de production d’armes pourrait modifier les équilibres militaires dans la région et au-delà. Une force aérienne mise à jour et équipée plus rapidement accroît la préparation et l’efficacité des opérations militaires russes, rendant plus difficile pour les forces adverses de prévoir et de contrer les menaces. De plus, la réduction de la dépendance aux composants importés renforce l’autonomie industrielle de la Russie, atténuant les effets des sanctions internationales et des blocages commerciaux. Cette approche non seulement améliore la résilience de la défense russe, mais pourrait également stimuler des innovations technologiques susceptibles d’être exportées, élargissant l’influence économique et militaire de la Russie.
Pour sa part, l’Ukraine a également démontré des capacités d’adaptation et d’innovation remarquables, avec le soutien des techniciens militaires et des industries des nations membres de l’OTAN. Elle a su développer rapidement de nouveaux drones et intégrer sur les avions de conception russo-soviétique – Mig 29, Sukhoi Su-27 et Su-24 –des bombes et missiles occidentaux, réduisant les temps d’intégration nécessaires, qui prenaient plusieurs années en temps de paix.
Ce dynamisme technologique est emblématique de la guerre moderne, où la rapidité de développement et d’adaptation des armes peut déterminer l’issue des conflits.
En résumé, la guerre en Ukraine a catalysé un changement significatif dans les délais de développement des armes aéronautiques russes, avec des implications géopolitiques pouvant redéfinir les équilibres de pouvoir au niveau régional et mondial. La capacité d’accélérer les cycles de développement militaire offre à Moscou un avantage stratégique, tandis que la résilience et l’innovation de l’Ukraine, soutenues par l’OTAN, montrent comment la coopération internationale peut influencer de manière décisive les dynamiques d’un conflit.
C’est à l’occasion du Salon aéronautique de Farnboroug, que le Royaume-Uni a dévoilé son avion de chasse du futur. Développé par BAE Systems, Leonardo et Mitsubischi Heanvy Industrie, cet appareil est le concurrent direct du SCAF européen.
Lors du prestigieux Salon aéronautique international de Farnborough, le Royaume-Uni a dévoilé une maquette grandeur nature de son futur avion de chasse de sixième génération. Cette présentation, orchestrée par BAE Systems, marque une étape importante dans le développement du Global Combat Air Programme (GCAP), en partenariat avec l’Italie et le Japon. Ce projet ambitieux vise à concurrencer le Système de Combat Aérien du Futur (SCAF) mené par Airbus et Dassault.
Un modèle technologique avancé
La maquette présentée par BAE Systems, en collaboration avec Leonardo et Mitsubishi Heavy Industries, représente d’après le quotidien Les Echos, une avancée significative dans le domaine de l’aviation militaire. Le modèle, imposant et futuriste, illustre les progrès réalisés dans la conception et le design de cet avion de combat révolutionnaire. L’avion de chasse de sixième génération sera équipé des technologies les plus avancées, incluant des capacités de furtivité améliorées, une intelligence artificielle intégrée pour assister le pilote, et des systèmes de capteurs sophistiqués pour une conscience situationnelle optimale. Ce modèle vise également à être hautement modulaire, permettant des mises à jour et des améliorations rapides en réponse aux évolutions technologiques et tactiques.
L’objectif est de faire voler le premier prototype de cet avion de chasse dès 2035. Bien que le projet en soit encore à ses débuts, les ingénieurs des trois pays collaborent étroitement pour harmoniser leurs exigences et assurer la faisabilité de ce calendrier.
Un partenariat stratégique et complexe
Le GCAP représente une collaboration stratégique entre le Royaume-Uni, l’Italie et le Japon, visant à maintenir leur suprématie technologique dans le domaine de la défense aérienne. Cependant, cette alliance pose également des défis en termes de financement et de répartition des responsabilités industrielles. En décembre 2022, les trois pays ont signé un mémorandum d’accord pour développer ensemble ce système de combat aérien. Transformé en traité intergouvernemental en décembre 2023, cet accord scelle leur engagement à long terme. Actuellement, chaque entreprise travaille avec des budgets nationaux, mobilisant des centaines d’ingénieurs pour avancer sur le projet. À la fin de 2024, près de 2000 salariés de Leonardo seront dédiés à ce programme, aux côtés de 1700 collaborateurs de BAE Systems.
Malgré l’enthousiasme autour du projet, le financement officiel n’a pas encore été confirmé par les gouvernements. Le Premier ministre britannique, Keir Starmer, a réaffirmé l’importance de ce programme pour le maintien de la supériorité technologique du Royaume-Uni. Toutefois, il a également initié une revue stratégique de la défense dont les résultats sont attendus pour le second semestre 2025, laissant planer une incertitude sur le futur financement.
Rivalité avec le programme SCAF
Le GCAP se positionne comme un concurrent direct du SCAF, le projet européen piloté par Airbus et Dassault en partenariat avec la France, l’Allemagne et l’Espagne. Les deux programmes visent à développer des avions de chasse de nouvelle génération pour 2035-2045, chacun apportant ses innovations et ses stratégies uniques. Le SCAF et le GCAP représentent deux visions concurrentes de l’avenir des avions de combat. Alors que le SCAF se concentre sur une interopérabilité accrue et l’intégration de systèmes de drones et de cloud de combat, le GCAP met l’accent sur une approche modulaire et une collaboration étroite entre des partenaires non européens.
Malgré cette compétition, des voix au sein de l’industrie, comme chez Airbus, plaident pour une certaine convergence technologique à terme, afin de réduire les coûts et d’assurer l’interopérabilité des systèmes de défense. Cette perspective pourrait ouvrir la voie à des collaborations futures, malgré les rivalités actuelles.
*Jean-Baptiste Le Roux est journaliste. Il travaille également pour Radio Notre Dame, en charge du site web. Il a travaillé pour Jalons, Causeur et Valeurs Actuelles avec Basile de Koch avant de rejoindre Economie Matin, à sa création, en mai 2012. Il est diplômé de l’Institut européen de journalisme (IEJ) et membre de l’Association des Journalistes de Défense. Il publie de temps en temps dans la presse économique spécialisée.
En quelques années, le CAmion Équipé d’un Système d’ARtillerie, ou canon CAESAR, s’est hissé au rang des équipements stars des exportations françaises d’armement, rejoignant le Rafale et le sous-marin Scorpene dans le club très fermé des armements susceptibles de faire les gros titres en France et à l’étranger.
Plusieurs échos et déclarations laissaient entendre que de nouvelles commandes pouvaient intervenir à l’occasion du salon Eurosatory 2024. C’est désormais chose faite, puisque l’Arménie, ainsi que la Croatie et l’Estonie, ont signé des engagements pour commander, au total, 60 nouveaux systèmes d’artillerie français.
Ce faisant, le Caesar s’impose, dorénavant, comme le système d’artillerie européen le plus largement exporté, que ce soit en nombre d’exemplaires livrés et/ou commandés, comme en nombre de clients, permettant à KNDS France, Ex-Nexter, de revenir dans le palmarès international des exportateurs d’équipements terrestres, après le semi-échec du Leclerc, et l’insuccès du VBCI.
Sommaire
Arménie, Estonie et Croatie : 3 nouveaux utilisateurs et 60 nouveaux Caesar pour KNDS au salon Eurosatory
Le Caesar aura donc été, incontestablement, l’une des grandes vedettes du salon Eurosatory 2024, aux côtés des nouveaux chars de combat de KNDS et de Rheinmetall, ainsi que des nombreux systèmes antiaériens et antidrones apparus cette année. Le canon français a, en effet, enregistré 3 nouvelles commandes pour un total de 60 exemplaires, à l’occasion de l’événement parisien.
Les premiers à s’être engagées, le 18 juin, ont été les armées arméniennes, pour 36 Caesar MkI 6×6, pour équiper deux bataillons d’artillerie. Après avoir officialisé le retrait du pays de l’Organisation du Traité de Sécurité Collective, sous tutelle russe, Erevan a entrepris de transformer les équipements de ses armées, en particulier en se tournant vers les États-Unis et la France, pour tenir en respect l’Azerbaïdjan, soutenue par la Turquie et Israël.
Le lendemain, ce fut au tour de la Croatie et de l’Estonie d’annoncer la commande de 12 exemplaires chacun, MkI pour Zagreb, MkII pour Tallinn, devenant ainsi les 12ᵉ et 13ᵉ pays utilisateurs du canon Caesar dans le monde, et les 5ᵉ et 6ᵉ en Europe.
Ces deux pays ont, à ce titre, signé un accord-cadre avec la France, à l’occasion du salon, pour organiser l’acquisition, la livraison et la maintenance des systèmes d’artillerie, formant les bases d’un « Club Caesar » inspiré du Leoben allemand.
À ce titre, le ministère des Armées a précisé que d’autres pays avaient déjà signifié leur intérêt pour rejoindre cette structure, sans préciser s’il s’agissait de clients existants ou de nouveaux utilisateurs potentiels.
Performances/prix, mobilité, délais de production, Ukraine : les raisons du succès du canon Caesar aujourd’hui
Le Canon Caesar avait enregistré quelques succès auprès de clients internationaux, peu de temps après son entrée en service en France, en 2003, avec la Thaïlande, pour 6 unités, l’Arabie Saoudite, pour 76 unités, en 2006, et l’Indonésie, en 2012, pour 37 systèmes d’artillerie.
C’est, cependant, à partir de 2020, que la dynamique Caesar a véritablement décollé pour Nexter, avec la République tchèque pour 52 systèmes en version 8×8, suivis en 2022 par la Belgique (9+19 Caesar MkII), la Lituanie (18 Caesar MkII), le Maroc (36 Caesar MkI), et l’Ukraine (12+6+6+6+19+78 MkI, 19 MkI 8×8), et par l’Arménie (36 MkI), la Croatie (12 MkI) et l’Estonie (12 MkII), en 2024.
Ce succès repose sur la conjonction de plusieurs facteurs. Le plus évident n’est autre que l’augmentation massive des efforts d’armement et de modernisation des forces armées, en particulier en Europe, pour répondre à la montée des tensions internationales, mais aussi pour remplacer les équipements occidentaux envoyés en Ukraine, pour soutenir l’effort de guerre de Kyiv.
Sous l’impulsion des autorités françaises, Nexter, devenu KNDS France, a, par ailleurs, su parfaitement répondre à l’évolution de la demande, en augmentant les cadences de production du Caesar, passées de 1,5 système par mois en 2021, à 6 systèmes par mois aujourd’hui, et avec l’objectif d’atteindre 12 systèmes mensuels en 2025.
Ce faisant, l’entreprise est en mesure de proposer des délais de livraison raccourcis, très appréciés des clients potentiels aujourd’hui, en dépit d’un carnet de commande très bien rempli, avec plus de 360 exemplaires restants à produire à ce jour, soit 5 ans de production à 6 systèmes par mois, mais plus que deux ans et demi, avec une production mensuelle de 12 canons.
Surtout, il présente un rapport performances prix sans concurrence en Europe. Avec un prix unitaire évoluant entre 3,5 et 4 m€, le Caesar s’avère, en effet, 3 fois moins cher qu’un K9 Thunder sud-coréen, et plus de 4 fois moins cher que le Pzh 2000 allemand, tout en disposant d’un canon de 52 calibres, d’une portée de 40 km avec obus non propulsé, et d’une excellente précision de tir, même à portée maximale.
Par ailleurs, sa légèreté, 17 tonnes au combat, et sa configuration 6×6, lui confère une mobilité sans également en tout chemin, tant pour éviter les tirs de contrebatteries adverses, que pour se déplacer très rapidement autour de la ligne d’engagement, pour apporter les appuis là où ils sont nécessaires.
De fait, sans égaler la mobilité tout terrain ou la protection du Pzh 2000 ou du K9, le Caesar s’avère un choix très attractif pour de nombreuses forces armées qui souhaitent étendre le nombre de tubes de 155 mm, et qui sont sous contrainte budgétaire ; pour les forces armées qui exploitent une doctrine mobile et dynamique, comme la France ; ou pour les armées engagées sur des terrains difficiles, inaccessibles aux systèmes lourds, comme l’Indonésie et la Thaïlande.
Le troisième système d’artillerie moderne le plus largement répandu, derrière le M109 et le K9 Thunder
Avec les commandes arméniennes, croates et estoniennes, le canon Caesar voit son parc de clients internationaux, atteindre 12 pays, dont cinq en Europe. Ce faisant, il devient, incontestablement, le système d’artillerie européen moderne le plus exporté aujourd’hui, avec ses 548 exemplaires, loin devant le Pzh 2000 allemand et ses 300 exemplaires auprès de huit pays.
Il se classe même dans le TOP 3 des systèmes d’artillerie modernes les mieux exportés, derrière le K9 Thunder Sud-coréen, exporté à 1300 exemplaires auprès de 9 forces armées, dont 4 en Europe (Pologne, Estonie, Norvège, Finlande), et le M109 américain, dont plus de 2500 exemplaires demeurent en service hors des États-Unis dans 24 forces armées, dont sept en Europe.
On notera, même, qu’en termes de nombre de clients, le Caesar surpasse le K9 Thunder, mais ce dernier a enregistré plusieurs gros contrats avec fabrication locale en Pologne (532 unités), en Égypte (200 exemplaires), en Turquie (421 systèmes) et en Inde (200).
De manière intéressante, le Caesar surpasse les exportations russes en matière de systèmes d’artillerie modernes (125 2S-19 Msta-s pour 5 pays utilisateurs), tout comme les systèmes chinois (170 PLZ-45/ 4 pays et 480 PCL-181/3 pays).
Ceci en dit long sur les performances et l’attractivité du Caesar, sur un marché particulièrement concurrentiel comprenant plus d’une douzaine de systèmes de 155 mm sur le marché mondial.
Présenté au salon Eurosatory 2024, le Caesar MkII prêt à prendre la relève
Lancé en 2022, le Caesar MKII a été présenté, pour la première fois, à l’occasion du salon Eurosatory 2024. Celui-ci doit permettre de prolonger la carrière opérationnelle et commerciale du Caesar, en y intégrant les retours d’expériences venus des armées françaises au Levant et en Afrique sud-saharienne, et par les armées ukrainiennes, face à la Russie.
Tout en reprenant les principes et paradigmes du MkI, le Caesar MkII s’avère très différent, avec un nouveau châssis, une nouvelle cabine blindée à 4 portes, un nouveau moteur de 460 cv, deux fois plus puissant que celui du MkI, et une électronique embarquée entièrement modernisée.
Déjà réputée pour sa précision, la centrale inertielle Sigma 30 est ainsi remplacée par le nouveau Geonyx de Safran, conçue pour évoluer en environnement brouillé et privé de signaux de géolocalisation. Un système de brouillage anti-IED et anti-drone, baptisé ECLIPSE, a été ajouté, ainsi que l’ensemble des composants du système SCORPION, comme la radio cryptée Contact et le nœud de communication tactique du système, pour les modèles français et belges.
En outre, ces systèmes de positionnement et de pointage, associés au nouveau système hydraulique qui contrôle le véhicule et le canon, doivent permettre une mise en batterie et une sortie de batterie encore plus rapide, pour répondre aux améliorations anticipées des systèmes de localisation par drones et de contrebatterie adverses.
Le Caesar MkII est aussi mieux protégé, avec une cabine répondant au standard Stanag 2, soit contre les munitions de 7,62 x 39 mm à 30 m, et contre les shrapnels d’obus de 155 mm à 80 m et plus.
Ces systèmes alourdissent le Caesar MkII, qui atteint 25 tonnes sur la balance au combat, contre 18 pour le MkI. Toutefois, son moteur de 460 cv, contre 215 cv pour la version précédente, lui confère un rapport puissance poids de 18 cv par tonne, supérieur à celui de la précédente version, tout en restant autour du seuil d’efficacité tout-terrain de huit tonnes par essieu, lui garantissant une meilleure mobilité tout terrain. En termes de masse et d’encombrement, le Caesar MkII demeure aérotransportable par avion A400M, ce qui reste un impératif majeur pour les armées françaises.
En dépit de ces améliorations notables, le Caesar MkII conserve l’argument du prix, avec un cout unitaire de l’ordre de 5 m€ selon KNDS, et même moins élevé, selon certaines sources.
Une offre taillée pour remplacer l’artillerie tractée et accroitre la puissance de feu à moindre coût
On le voit, le succès du Canon Caesar, sur la scène internationale, semble poursuivre la dynamique entamée dès 2020, et accélérée avec l’envoi des premiers systèmes français en Ukraine, au printemps 2022.
Un temps, le positionnement exact du Caesar restait incertain, étant souvent perçu comme un système d’artillerie léger, destiné avant tout à la projection de puissance, mais insuffisamment protégé pour être employé dans un conflit de haute intensité.
Toutefois, son excellente tenue en Ukraine, aux côtés de systèmes bien plus lourds et onéreux comme le Pzh 2000 allemand, le M109 américain ou le Krab Polonais, mais aussi son prix, qui en fait une alternative aux systèmes d’artillerie tractée en fin de vie, ont permis de clarifier le marché de prédilection du Caesar, destiné à recréer de la masse et de la puissance de feu, aux côtés de l’artillerie d’assaut, en substitution des canons tractés désormais trop vulnérables.
Ce positionnement devenant plus compréhensible, en lien avec ses résultats opérationnels, le système d’artillerie français pourrait enregistrer encore de nombreux succès internationaux dans les mois et années à venir, et s’imposer comme une des références françaises de la scène internationale de l’armement, renforcée par l’arrivée du Caesar MkII.
Système de tir à travers l’arc de l’hélice imaginé par le lieutenant [aviateur] Roland Garros, obusier portable pneumatique de 60 mm, « Sauterelle d’Imphy »… Lors de la Première Guerre Mondiale, nombreuses furent les inventions venues de la base, les combattants étant les mieux placés pour trouver des solutions à des problèmes pratiques.
Cette démarche a ensuite été « institutionnalisée » par le ministère des Armées vers la fin des années 1980, avec la création de la « Mission innovation participative » [MIP], récemment transformée en « Cellule d’innovation participative » [CIP] et placée sous l’égide de l’Agence de l’innovation de défense [AID].
Les projets que celle-ci soutient laissent entrevoir des gains capacitaires intéressants à moindres coûts. Certains sont d’ailleurs devenus incontournables, comme le smartphone « Auxylium », qui permet de se passer des radios tactiques en milieu urbain. Sera-ce le cas du « FUSHYB », évoqué par l’AID dans son bilan de l’année 2023 qu’elle a publié la semaine passée ?
Ainsi, il s’agit d’un « fusil hybride » imaginé par un officier marinier du commando Marine « Hubert » qui, basé à Saint-Mandrier-sur-Mer [Var], est spécialisé dans l’action sous-marine et le contre-terrorisme maritime.
Selon les explications – succinctes – données par l’AID, FUSHYB est un fusil « deux en un » destiné aux tireurs d’élite, doté de deux capacités « complémentaires », à savoir la puissance de feu et la porté d’un côté et la précision et la discrétion de l’autre. Le calibre de cette arme n’a pas été précisé.
« Les dernières opérations ont montré l’utilité de disposer d’un fusil offrant ces deux capacités primordiales dans un seul et même système », souligne l’AID. Et d’expliquer : « Concrètement l’arme permet, sans changement de configuration, l’utilisation de munitions supersoniques en mode semi-automatique [pour la puissance de feu et la portée] et de munitions subsoniques en mode réarmement manuel et culasse calée [pour la précision, la discrétion et le silence].
En 2023, l’AID a soutenu 27 nouveaux projets issus de l’innovation participative, pour un montant total – et modeste – de 1,89 million d’euros.