Comme prévu, la Direction générale de l’armement a livré le premier Griffon « mortier embarqué pour l’appui au contact » (MEPAC) à l’armée de Terre en fin d’année dernière. Une cinquantaine d’exemplaires suivront pour armer une batterie complète dans chaque régiment d’artillerie.
Dix ans après la notification d’un premier marché majeur, la famille de véhicules SCORPION est désormais au complet. Après le Griffon, le Jaguar et le Serval, le Griffon MEPAC a rejoint les rangs de l’armée de Terre le 19 décembre dernier. Livré au 8e régiment du matériel, il servira dans un premier temps à la réalisation d’une évaluation technico-opérationnelle (EVTO) par la Section technique de l’armée de Terre.
« Une livraison de 10 autres véhicules est prévue en 2025 », annonce aujourd’hui le ministère des Armées conformément au calendrier annoncé plus tôt. Les 43 autres seront livrés à l’armée de Terre d’ici à fin 2028.
Derrière l’exemplaire pris en main par la STAT, d’autres sont attendus au printemps pour commencer à équiper les six régiments d’artillerie « sol-sol canon » de l’armée de Terre. Chaque unité disposera à terme d’une batterie à huit pièces venant remplacer des mortiers de 120 mm tractés reversés dans l’infanterie.
Aérotransportable par A400M et armé par quatre militaires, le Griffon MEPAC viendra renforcer la mobilité tactique des batteries opérant en appui d’un groupement ou d’un sous-groupement tactique interarmes. Il bénéficie en effet de la chaîne de mobilité, de la vétronique et des moyens de protection communs à l’ensemble des variantes et sous-variantes du Griffon.
La principale différence relève du mortier 2R2M et des 32 munitions embarquées en tranche arrière. Son système de chargement semi-automatique permet à une équipe de pièce aguerrie de tirer jusqu’à 12 obus en 90 secondes, dont six sont prêts au tir. Derrière le mortier, le Griffon MEPAC repose également sur une centrale de navigation inertielle, un calculateur de pièce (CALP) et un boitier de commande de l’arme.
Le tout permet de traiter un objectif au-delà de 8 km avec la gamme d’obus prérayés actuellement en service, soit via le logiciel de conduite des feux ATLAS, soit de manière autonome. Quant à l’adoption d’une munition guidée, le sujet serait repassé au second plan pour concentrer l’effort sur le calibre 155 mm du canon CAESAR.
La tranche de production du Griffon MEPAC avait été notifiée début 2022 auprès du groupement momentané d’entreprises formé par KNDS France, Arquus et Thales. Un an plus tard, le système engrangeait un premier succès à l’export avec la commande par la Belgique de 24 pièces dans le cadre du partenariat binational CaMo. Leur livraison au profit de la Composante Terre est programmée pour 2028-2029.
Le 6 novembre, à Canjuers [Var], le 3e Régiment d’Artillerie de Marine [RAMa] va effectuer un exercice au cours duquel ses CAESAr [Camion équipés d’un système d’artillerie] seront associés au Système de minidrone de renseignement [SMDR], lequel repose sur trois drones Spy’Ranger [fournis par Thales].
Selon les explications fournies par le ministère des Armées, le SMDR permet « aux observateurs d’artillerie de se soustraire à la vue de l’adversaire, d’accroître la transparence du champ de bataille et d’optimiser la portée et la précision » du CAESAr.
Mais ce n’est pas la première fois que ce mode opératoire est expérimenté. L’an passé, lors d’une campagne de tirs ayant duré cinq semaines, le 40e Régiment d’Artillerie [RA] avait « pris en compte l’accélération de la boucle renseignement – feux » en ayant justement recours au SMDR.
Seulement, les Spy’Ranger sont désormais de conception ancienne, le marché « SMDR » ayant été notifié à Thales par la Direction générale de l’armement [DGA] en 2016. Ce qui est une éternité dans ce domaine… D’autant plus que des drones plus performants et mieux adaptés aux contraintes des artilleurs sont désormais sur le marché. C’est notamment le cas du DT-46 du constructeur français Delair.
Ayant la particularité de fonctionner selon deux configurations [VTOL, c’est-à-dire à décollage et atterrissage verticaux, ou voilure fixe], il affiche une endurance comprise entre 3h30 et 7h30, tout en portant une charge utile de 5 kg [boule optronique, LIDAR, etc.]. Sa portée est de 100 km… alors que celle du Spy’Ranger n’est que de 30 km.
D’où le vif intérêt que lui porte la Section technique de l’armée de Terre [STAT], qui vient de finaliser son évaluation technico-opérationnelle [EVTO], avec le concours du 35e Régiment d’Artillerie Parachutiste [RAP]. Et, visiblement, le DT-46 a donné satisfaction.
« Ce drone sera prochainement déployé dans l’armée de Terre. Il effectuera des missions de renseignement et d’acquisition d’objectifs au profit de l’artillerie », a fait savoir la STAT, via le réseau social LinkedIn. Et de préciser que les tirs effectués par son équipe de marque « drones spécialisés », renforcée par des « télépilotes » du 3e RAMa, du 11e RAMa et du 68e RAA et avec le concours du 35e RAP ont été les « premiers » à avoir été « réalisés avec une numérisation ATLAS complète entre un drone et des CAESAr ».
Pour rappel, le système ATLAS [Automatisation des Tirs et Liaisons de l’Artillerie Sol/sol] permet de transmettre automatiquement des « informations entre les principales équipes du régiment dans la fonction feux mais aussi dans les fonctions commandement, renseignement, logistique et NBC ».
L’armée française innove en utilisant des drones pour piloter ses canons Caesar. Une révolution technologique qui change la donne sur le champ de bataille. Découvrez comment cette synergie homme-machine repousse les limites de l’art de la guerre…
Dans le fracas des conflits modernes, une révolution technologique s’opère dans l’ombre. L’armée française, toujours à la pointe de l’innovation, vient de franchir un cap décisif dans l’art de la guerre en mariant ses redoutables canons Caesar à la précision chirurgicale des drones. Une synergie homme-machine qui repousse les limites du champ de bataille.
L’Armée Française Révolutionne ses Canons Caesar avec des Drones
par Steven Soarez – Viral Mag – publié le 25/10/2024
L’armée française innove en utilisant des drones pour piloter ses canons Caesar. Une révolution technologique qui change la donne sur le champ de bataille. Découvrez comment cette synergie homme-machine repousse les limites de l’art de la guerre…
Le Drone, Œil Céleste de l’Artilleur
Fini le temps où les éclaireurs devaient s’aventurer en territoire hostile pour repérer les cibles et guider les tirs d’artillerie. Désormais, c’est un drone qui joue ce rôle crucial, survolant la zone de combat à la recherche de l’ennemi. Véritable prolongement des sens de l’artilleur, il transmet en temps réel des images haute définition permettant d’ajuster chaque tir au millimètre près.
Grâce à cette technologie de pointe, les canons Caesar français peuvent désormais frapper avec une précision redoutable, tout en maintenant leurs servants à l’abri. Un atout considérable qui change la donne sur le théâtre des opérations.
Une Coordination Minutieuse
Mais pour que cette collaboration homme-machine soit optimale, encore faut-il une coordination sans faille. C’est tout l’enjeu des entraînements menés par l’armée française, où artilleurs et pilotes de drones apprennent à travailler main dans la main.
Chaque tir est le fruit d’un ballet millimétré entre le canon et son drone. Une chorégraphie guerrière où chacun doit jouer sa partition à la perfection.
Un pilote de l’armée de Terre.
Lors de ces exercices grandeur nature, les équipes s’entraînent à coordonner leurs actions en temps réel, affinant leurs procédures pour gagner en rapidité et en efficacité. Le moindre grain de sable dans cette mécanique bien huilée pourrait avoir des conséquences dramatiques sur le champ de bataille.
L’Ukraine, Laboratoire Grandeur Nature
C’est d’ailleurs en Ukraine que cette révolution des drones a pris tout son sens. Face à un ennemi retranché et déterminé, l’utilisation massive de ces aéronefs sans pilote s’est imposée comme une nécessité. Éclaireurs, correcteurs de tir, mais aussi armes de frappe à part entière, les drones ont profondément modifié la physionomie de ce conflit.
Consciente de cette mutation, l’armée française a accéléré l’intégration des drones dans ses unités d’artillerie. Les canons Caesar en sont la parfaite illustration, combinant puissance de feu et intelligence artificielle dans un package redoutablement efficace.
Une Révolution Qui Ne Fait Que Commencer
Mais cette symbiose entre artillerie et drones n’est qu’un premier pas. À l’avenir, ces engins pourraient gagner en autonomie, voire se passer totalement d’opérateur humain. Une perspective qui soulève autant d’espoirs que d’inquiétudes, tant la frontière entre progrès technologique et déshumanisation de la guerre est ténue.
Une chose est sûre : avec ses canons Caesar pilotés par drone, l’armée française est à la pointe de cette révolution qui s’annonce. Une avancée technologique majeure qui pourrait bien redéfinir l’art de la guerre au XXIe siècle.
Une page s’est tournée pour le commandement du renseignement, une autre s’ouvre pour le commandement des actions dans la profondeur et du renseignement (CAPR). Officiellement créé début septembre à Strasbourg, le CAPR et ses trois brigades abordent une nouvelle séquence ponctuée d’enjeux et qui culminera avec l’organisation d’un premier exercice majeur, Diodore 2025.
Réinvestir la profondeur
« Le CAPR est officiellement créé aujourd’hui ». C’est avec ces quelques mots que le commandant de la force et des opérations terrestre, le général de corps d’armée Bertrand Toujouse, actait le 4 septembre à Strasbourg la naissance d’un nouveau commandement alpha au sein de l’armée de Terre. Si le rendez-vous était essentiellement symbolique, il marquait néanmoins un jalon majeur dans un processus engagé il y a environ 18 mois. « Nous franchissons à nouveau une étape », se félicitait le commandant du CAPR, le général de division d’infanterie Guillaume Danès.
Le CAPR, ce sont désormais 15 régiments, unités et centres rattachés à l’état-major ou réunis ou sein de la 4e brigade d’aérocombat (4e BAC), de la brigade de renseignement et cyber-électronique (BRCE) et de la 19e brigade d’artillerie (19e B.ART). Mis sur pied avant l’été, le bataillon de renseignement de réserve spécialisé (B2RS) relève directement de l’état-major installé au quartier Stirn. Idem pour le centre de renseignement Terre (CRT), organisme chargé de la veille et de l’exploitation du renseignement d’intérêt Terre en coordination avec la Direction du renseignement militaire (DRM). Pour tous, l’objectif fixé dès l’origine ne change pas : « proposer des idées pour améliorer la capacité de l’armée de Terre à façonner un adversaire puissant dans la profondeur avant qu’il n’arrive au contact des divisions et brigades interarmes », résume le GDI Danès.
Ce commandement alpha, l’un des quatre récemment créés par l’armée de Terre, a désormais un état-major, un insigne et un fanion tricolore. Trois couleurs pour autant de rappels des brigades qui le composent : le rouge de la 19 B.ART, le bleu clair de la BRCE, le bleu roi de la 4e BAC. Fort de cet amalgame de capacités et de savoir-faire spécialisés, le CAPR devient cet « outil indispensable » destiné à fournir les appui organiques au profit du corps d’armée et de ses divisons et brigades interarmes dans les champs du renseignement, du cyber, de la guerre électronique, des feux dans la profondeur, de la défense sol-air et de l’aérocombat.
Sa zone d’action ? Une frange partant de 50 km après la ligne de contact et s’étendant jusqu’à 500 km sur les arrières de l’ennemi, voire au-delà. Un ennemi capable d’engager plusieurs divisions, soit quelques dizaines de milliers de combattants, et la totalité du spectre capacitaire dont dispose la France et ses alliés. Un ennemi face auquel la France ne s’est plus engagée depuis un quart de siècle, rappelle le GDI Danès en écho à cette préparation « à des temps difficiles » évoquée plus tôt par le chef d’état-major des armées, le général Thierry Burkhard. « L’enjeu de la profondeur est majeur. Il l’est aujourd’hui, comme le démontre tous les jours le conflit ukrainien. (…) Il est en réalité aussi vieux que l’Histoire, tant la profondeur a été le sanctuaire des ressources adverses pour tout pays engagé dans un conflit », rappelait à son tour le GCA Toujouse.
Pour progresser rapidement et de concert, le CAPR mise sur une « Task Force Profondeur » (TF Deep) rassemblant tous les acteurs concernés dans un état-major commun, à contre-courant de l’ensemble de cellules co-localisées mais séparées qui prévalait jusqu’alors. Expérimentale, la structure adopte une configuration unique au sein de l’OTAN. « L’intuition est bonne, je suis sûr que cette Task Force démontrera son efficacité mais il faut encore en apporter la preuve. C’est un nouveau modèle dans l’armée de Terre. L’appropriation par le corps et les divisions prendra du temps et devra démontrer son intérêt par des exercices comme Diodore », concède le général Danès.
Naissance ou renaissance de deux brigades
La matérialisation du CAPR s’est accompagnée de celle de deux de ses trois brigades. Née en 2016, la 4e BAC conserve l’ordre de bataille prévalant depuis le 1er janvier et le rattachement du 9e régiment de soutien aéromobile auprès des 1er, 3ème et 5ème régiments d’hélicoptères de combat. Respectivement créée et recréée, la BRCE et la 19e B.ART agglomèrent quant à elles des unités en provenance de l’ex-COM RENS ou des éléments organiques auparavant subordonnés au deux divisions de l’armée de Terre.
Lointaine descendante de la brigade de renseignement et de guerre électronique, la BRCE rassemble le 2e régiment de hussards, les 44e et 54e régiments de transmissions, la 785e compagnie de guerre électronique et le centre de formation initiale des militaires du rang du domaine du renseignement (CFIM-151e RI). La BRCE hérite de deux missions historiques et d’autant de nouvelles. Traditionnellement, elle aura pour but de commander des unités de renseignement spécialisées dans la détection des menaces que l’ennemi portera sur le dispositif ami et de produire des attaques dans le domaine de la guerre électronique. S’y ajoutent l’identification, la localisation et la destruction de cibles prioritaires dans la profondeur, le tout en coordination avec la 4e BAC et la 19e B.ART, les deux brigades disposant des principaux moyens de frappe dans la profondeur. La lutte informatique offensive (LIO), enfin, entre maintenant dans son périmètre.
Entre le COM RENS et la BRCE, le format diminuera sensiblement. Les 3500 militaires d’avant laisseront place à une brigade plus ramassée d’environ 2500 combattants, la brigade de renseignement « perdant » un 61e régiment d’artillerie et une école des drones rattachés à la 19e B.ART, ainsi qu’un 28e groupe géographique rejoignant la brigade du génie. « Il y a une réflexion en cours sur l’articulation de la chaîne géographique des armées », explique le premier commandant de la BRCE, le général de brigade Vincent Tassel. Pilotée jusqu’à présent par l’état-major des armées, cette chaîne devrait être transférée pour partie à l’armée de Terre, pour partie à la Marine nationale. L’établissement géographique interarmées (EGI) pourrait dès lors devenir un organisme à vocation interarmées à dominante Terre (OVIA-T).
Si le renseignement et la guerre électronique demeurent centraux, « le cyber prend une importance particulière aujourd’hui », note le général Tassel. Certains régiments voient leur domaine de mission évoluer en conséquence. Le 54e RT se voit ainsi confier la mission de la LIO, avec de nouveaux moyens en personnel et en matériels à la clef. Quand cette discrète unité s’avère plutôt tactique et a vocation à accompagner une unité au contact, le 44e RT est quant à lui destiné à armer un bataillon ROEM situé en zone arrière et capable d’agir dans la très grande profondeur. La 785e CGE de Rennes conserve ses deux missions principales, que sont d’inventer et de tester des outils cyber et de guerre électronique. Elle contribue dès lors à la montée en puissance de la LIO.
«La 19e brigade d’artillerie, créée en 1993, est rétablie après 26 années de mise en sommeil», annonçait le GCA Toujouse dans son ordre du jour n°19. Brigade « à haute valeur ajoutée », elle est la seule à disposer de feux longue portée et de moyens d’acquisition dédiés à la contre-batterie au travers du 1er régiment d’artillerie, du seul régiment drones et de renseignement d’origine image – le 61e RA – et du seul régiment de défense sol-air de l’armée de Terre, le 54e régiment d’artillerie. Elle intègre par ailleurs l’école des drones, centre unique de formation et d’expertise dans le segment. À l’heure où le CAPR prenait corps, l’état-major de la 19e B.ART reposait sur une trentaine de militaires. Un format ramassé que la brigade tendra à conserver en écho à l’un de retours d’expérience du conflit russo-ukrainien, celui d’une conversion vers un système de postes de commandement « plus léger, plus réactif, plus furtif et doté de systèmes plus hybrides et redondants », observe son commandant, le général de brigade Marc Galan.
Le général Galan s’est fixé deux objectifs prioritaires. D’une part, la création d’un vrai « esprit brigade » renforcé par l’incorporation effective des unités à compter du 1er novembre. Et, d’autre part, la duplication et l’adaptation des enjeux de synergie et d’innovation poursuivis au niveau supérieur. La 19e B.ART jouera à ce titre un rôle central dans l’accélération de la boucle renseignement-feux dans sa mission d’appui permanent de la manoeuvre aéroterrestre au profit des grandes unités. Elle aura, sans doute plus que d’autres, vocation à s’inscrire dans un environnement interarmées et interalliés. Elle a ainsi reçu pour mission d’armer l’ossature d’une brigade multinationale d’artillerie, autrement dit d’être en capacité d’intégrer des unités alliées similaires. « Il y a un enjeu fort d’interopérabilité lié à la volonté de la France de servir de nation-cadre », relève le général Galan.
Des enjeux capacitaires et de recrutement
La création du CAPR et de ses brigades s’accompagne de nombreuses réflexions capacitaires. À l’exception de l’aérocombat, les différents domaines d’action représentent en effet autant de potentiels à renforcer, d’écueils à combler, voire de capacités à créer de toute pièce. Si les armées ont toujours agi dans le champ électronique, le domaine s’est avéré moins prégnant en Afghanistan, en Irak et au Sahel. « Le retour de la guerre en Europe entre ennemis à parité démontre que la guerre électronique est partout », reconnaît le général Tassel.
Bien qu’engagée après l’éclatement du conflit en Ukraine, l’écriture de la loi de programmation militaire 2024-2030 s’est peu penchée sur la question du spectre électromagnétique. Des discussions sont en cours au sein de l’état-major des armées pour corriger le tir, davantage intégrer le sujet et recréer une trame plus importante à l’échelon interarmées. Un programme d’équipement majeur (PEM) est en cours de déploiement. Il doit doter les armées d’une capacité d’appui électronique via un « système tactique de ROEM interarmées » (SYMETRIE). Preuve du virage engagé, ses cibles ont été augmentées l’an dernier de 49 à 73 cellules de ROEM tactique et de 25 à 36 porteurs pour répondre aux besoin de l’armée de Terre et de la Marine nationale. Porté par le CAPR, le volet terrestre du ROEM s’étend à de nouveaux besoins. Aux systèmes d’interception des signaux radar ou de brouillage des moyens de navigation adverse, par exemple, deux outils que l’armée de Terre entend bien capter.
De nouvelles pistes sont explorées dans tous les domaines, des communications aux drones en passant par les capacités d’aide à la décision. De même, la BRCE s’intéresse de près au monde civil, notamment pour répondre à l’une des grandes difficultés de la profondeur : le renvoi rapide et fiable du renseignement vers l’arrière sans être détecté. « Pour cela, nous parlons de plus en plus d’hybridation des réseaux, cette capacité à basculer de manière fluide des moyens militaires aux moyens civils qui permet parfois de se fondre dans la masse », observe le général Tassel. « J’ai profité d’Eurosatory pour faire la tournée des solutions techniques existantes et leur faire part de notre souhait de les tester l’an prochain », nous glisse pour sa part le patron du CAPR. En ce sens, ce commandement poursuivra son travail d’incubateur du combat dans la profondeur en vérifiant in situ la maturité et la pertinence des solutions « permettant de mieux travailler ensemble ».
L’enjeu relève également des ressources humaines. Si le 2e régiment de hussards recrute sans écueil, « en revanche nous avons plus de difficultés pour la guerre électronique parce qu’il s’agit de métiers très spécialisés », pointe le commandant de la BRCE. Pour ce dernier, il s’agira avant tout de mieux faire connaître des métiers pour lesquels la discrétion est naturellement de mise. En attendant de susciter davantage les vocations, la BRCE tire le meilleur de la montée en puissance de la réserve. Cette brigade a la particularité de disposer d’un état-major tactique de réserve (EMT-R), structure qui a armé l’échelon de commandement du bataillon de cérémonie durant les Jeux olympiques et paralympiques de cet été. « Et puis nous avons un complément de réserve, c’est à dire un certain nombre de réservistes aux compétences bien spécifiques ». Ces profils supplémentaires ne seront pas de trop, la BRCE étant appelée à jouer un rôle central dans la sensibilisation du reste de l’armée de Terre à la résurgence de la guerre électronique. « Tout d’abord, il faut savoir que cette menace existe. Cela peut paraître anodin, mais la guerre en Ukraine nous a incité à remettre de la guerre électronique dans tous nos exercices ». Destiné à se déployer parmi les unités de contact, cet autre espace de conflictualité exige de construire les bons réflexes pour diminuer le rayonnement des postes de commandement ou limiter les communications au strict nécessaire. Ce en quoi l’expertise de la BRCE devient incontournable.
Qu’il s’agisse des frappes dans la profondeur ou de la défense sol-air, la 19e B.ART est sans doute la brigade pour qui la marche capacitaire à franchir est la plus élevée. Pour son commandant, « il faut faire mieux dans tous les domaines. Je vais essayer de faire peser la brigade dans tout le domaine capacitaire, sur tout le spectre DORESE ». La LPM 2024-2030 amène un début de réponse. Ce sont notamment les 13 systèmes appelés à remplacer le lance-roquettes unitaire et les 24 Serval Mistral destinés à recréer une défense sol-air d’accompagnement, deux parcs potentiellement doublés à l’horizon 2035. Ce sont aussi les perspectives de développement de nouvelles munitions longue portée mais pas seulement. Sur les feux, « il faut de la précision, de la vitesse et de la masse, tant en pièces qu’en munitions. La mission de l’artillerie reste bien, dans un premier temps, de sidérer et de neutraliser l’adversaire », pointe un commandant de brigade pour qui il sera impératif de « disposer du panel complet de munitions ».
Selon les cas, la LPM prévoit de renouveler l’existant ou de récupérer un embryon de capacité mais sans pour autant répondre entièrement à la question de la profondeur. Le général Galan se veut pragmatique. « À nous aussi de démontrer notre efficacité et nos compétences », insiste-t-il, tout en rappelant que « la guerre en Ukraine n’est qu’un exemple de conflit, nous aurions tort de ne nous focaliser que sur celui-ci ». Il s’agira d’être force de proposition, d’expérimenter. « Beaucoup de choses vont être explorées, comme les munitions téléopérées, les détachement d’acquisition dans la profondeur ». La brigade ne doit par ailleurs pas être limitée à ses matériels majeurs, elle dispose d’un panel de capacités varié. Le radar COBRA, par exemple, « est un matériel très performant dans la lutte contre les tirs indirects ». Idem pour le système de lutte anti-drones MILAD déployé pendant les JOP 2024.
Quatre missions et un cap
Derrière les traditions, le CAPR s’est vu confier une quadruple mission et un premier cap. Effort prioritaire, l’accélération de la boucle renseignement-feux doit contribuer à prendre l’ennemi de vitesse. « Grand Duc aura montré que le sujet n’est pas tant la liaison entre le renseignement et l’artillerie mais plutôt la précision du renseignement pour garantir la confiance de l’artilleur. Et c’est justement en travaillant ensemble que la confiance s’installera », explique le GDI Danès. Surtout, il faut travailler la prise de décision en état-major car, quand deux minutes suffisent pour remonter l’information au poste de commandement, il faut encore « une vingtaine de minutes minimum pour autoriser le feu ».
Seconde priorité, la coordination des acteurs de la troisième dimension impliquera de « se faire confiance et de voler ensemble». Six mois après l’exercice Grand Duc, l’optimisme reste la norme à la tête du CAPR. « Nous avions fait des progrès très rapides dans le raccourcissement de la chaîne décisionnelle et dans la coordination entre acteurs de la 3D, notamment dans un cadre tactique entre drones belges et hélicoptères français », se félicite son commandant. Depuis, la réflexion a encore évolué pour se concentrer sur la diminution de la ségrégation entre intervenants. « Après 25 années d’opérations extérieures, nous ne faisons pas voler ensemble, au même endroit et au même moment, un drone, une roquette et un hélicoptère », pointe le GDI Danès. Ce qui peut paraître logique pour des raisons de sécurité est en réalité un risque nécessaire « pour être efficace et bousculer notre adversaire ». « Il faut être capable de guider un tir d’artillerie ou un hélicoptère avec un drone », martèle celui pour qui il reste « du chemin à faire » dans la sur-interprétation des règlements et dans l’excès de mesures de protection ».
La troisième priorité « s’impose un peu d’elle-même ». C’est l’intégration interarmes, interarmées et interalliés. « Ce combat dans la profondeur, ce n’est pas que le sujet des trois brigades subordonnées au CAPR. C’est aussi la combinaison d’actions spéciales, de manoeuvres aéromobiles et aéroportées, de tirs de l’armée de l’Air et de la Marine. Et c’est même aussi des actions d’opportunité des unités de renseignement ». Et le spectre peut être élargi à l’influence, à la lutte informatique, bref à tous les espaces de conflictualité. « Le CAPR n’a pas tous les outils en main », souligne son commandant. En l’attente d’un successeur pour le LRU, la France repose en effet sur les alliés pour tirer dans la profondeur depuis le sol et atteindre la ligne des 500 km. Il va donc falloir agir avec les autres. Ce sera l’un des autres objectifs pour les mois à venir : trouver les contacts, ouvrir les bonnes portes, embarquer ou se faire embarquer par les bons acteurs. En interne, ce travail est fait. « L’effort pour moi, c’est d’aller en direction de l’armée de l’Air et de l’Espace, de la Marine nationale, du COM CYBER et des alliés, essentiellement américains », assure le GDI Danès. Jusqu’à imaginer la mise à disposition du CAPR au profit d’un corps d’armée étranger, l’un des scénarios envisagés mais restant à valider. Ainsi, la TF Deep « pourrait être projetée par la France au profit d’un autre corps montant en puissance en début d’opération avant de se constituer, un corps dans lequel une division française pourrait s’insérer par la suite ».
Dernière priorité, la transparence du champ de bataille est finalement loin d’être acquise comme l’a démontré l’Ukraine en déclenchant une offensive en territoire russe cet été. Pour le CAPR, cette capacité à voir avant d’être vu exigera en partie de « faire bénéficier les unités tactiques des moyens stratégiques ». C’est à dire de disposer de certains capteurs de la DRM suffisamment efficaces que pour fournir le renseignement requis par l’échelon tactique. Tant l’imagerie satellitaire que les écoutes conduites aux échelons supérieurs ont gagné en précision et en rapidité de traitement, les rendant intéressantes pour les rythmes adoptés par les brigades et divisions.
« Devant nous, il y a essentiellement ce jalon important fixé en mars 2025 avec la conduite de l’exercice Diodore », annonce le GDI Danès. Rendez-vous de grande ampleur, Diodore amènera un environnement ‘haut’ beaucoup plus complet que lors de Grand Duc, qui se concentre traditionnellement sur l’auto-entraînement des unités de l’ancien COM RENS. « Cette fois, le scénario nous échappe car il est construit par quelqu’un d’extérieur, à savoir le CRR-Fr et le COME2CIA. Nous découvrirons notre adversaire et allons travailler dans un cadre plus stimulant », note-t-il. Le CRR-Fr amènera l’environnement suffisant pour faire travailler la TF Deep, cette unité de circonstance constituée d’éléments en provenance des trois piliers du CAPR. Diodore devrait mobiliser le volume d’une brigade, soit de 4000 à 5000 combattants en partie simulés. L’essentiel se jouera dans l’est de la France parmi les grands camps de Champagne. La manoeuvre sera conduite en deux temps. D’un côté, pour réaliser la mission principale imposée par le CRR-Fr. De l’autre, pour effectuer une dizaine de vignettes permettant de travailler des savoir-faire, des organisations, des procédures spécifiques.
Des synergies à construire aux sauts capacitaires, les défis ne manquent pas pour les prochains mois, les prochaines années. Élevée, l’ambition ne se conçoit pas sans un socle de réalisme. Au sommet du CAPR, le pragmatisme prime : l’essentiel des travaux repose actuellement sur un ensemble d’hypothèses et d’intuitions. À défaut – heureusement – d’engagement majeur, seuls les exercices et expérimentations à venir permettront de confirmer les pistes prometteuses, détecter les corrections nécessaires et, surtout, signaler les impasses. Le CAPR avait dans ce sens mis le pied à l’étrier grâce à Grand Duc. Diodore devrait lui permettre de forcer l’allure.
Conformément aux orientations de son dernier plan stratégique, l’armée de Terre met progressivement en place quatre nouveaux commandements dits « Alpha » qui, subordonnés au Commandement des forces terrestres [CFOT], sont censés incarner les « artères vitales qui irriguent la stratégie militaire » tout en assurant une « cohésion sans faille au sein des forces armées ».
Dit autrement, il s’agit de commandements spécialisés appelés à fournir des appuis au combat dans des domaines clés, tels que les frappes dans la profondeur, les actions « hybrides », le renseignement et la logistique.
Ces derniers mois, le « Commandement des Actions Spéciales Terre » [CAST], le « Commandement de l’Appui et de la Logistique de Théâtre » [CALT] et le « Commandement de l’Appui Terrestre Numérique et Cyber » [CATNC] ont officiellement été créés. Bien qu’il ait déjà pris part à l’exercice « Grand Duc », en mars dernier, il restait à en faire autant pour le « Commandement des Actions dans la Profondeur et du Renseignement » [CAPR]. D’où la prise d’armes organisée à Strasbourg, le 4 septembre.
À cette occasion, deux autres unités devant lui être subordonnées ont également été créées [ou recréée, pour l’une d’elles]. En effet, comme cela avait été annoncé depuis plusieurs mois, l’armée de Terre a réactivé la 19e Brigade d’Artillerie [B.ART], vingt-cinq après sa dissolution, dans le cadre de la professionnalisation des armées.
À l’époque, unité organique de la Force d’Action Rapide, la 19e B.ART réunissait les 1er, 54e et 403e régiments d’artillerie [RA]. Après sa dissolution, ces derniers furent rattachés à la Brigade d’artillerie d’Haguenau-Oberhoffen.
Relevant désormais du CAPR, par ailleurs commandé par le général Guillaume Danes, la 19e B.ART se compose des 1er et 54e RA. Mais pas seulement puisque le 61e régiment d’artillerie, jusqu’alors subordonné à la brigade de renseignement [BRENS] l’a rejoint, avec son École des drones, créée en 2023.
À noter que les capacités du 1er RA ont été amoindries avec la cession de quatre de ses treize Lance-roquettes unitaires [LRU] à l’Ukraine. Leur remplacement est prévu dans le cadre du programme « Frappe Longue Portée Terrestre » [FLPT].
Quant à la seconde unité, il ne s’agit pas non plus d’une création mais plutôt d’une transformation, la BRENS étant devenue la « Brigade de renseignement et cyber-électronique » [BRCE]. Celle-ci regroupe le 2e régiment de Hussards, les 44e et 54e régiments de transmissions, la 785e Compagnie de guerre électronique et le Centre de formation initiale des militaires / 151e RI. Au passage, le 28e groupe géographique, bien que relevant de l’artillerie, a été transféré à la Brigade génie [BGEN] du CALT.
Outre la 19e B.ART et la BRENS ce nouveau commandement dédié à l’action dans la profondeur compte également la 4e Brigade d’aérocombat [BAC], formée par les 1er, 3e et 5e régiments d’hélicoptères de combat [RHC] ainsi que par le 9e régiment de soutien aéromobile. Enfin, le Centre du renseignement Terre [CRT], avec 180 spécialistes de l’exploitation du renseignement, complète son ordre de bataille.
«L’armée de Terre de combat s’adapte à la géométrie du champ de bataille. Dernier-né des grands commandements mis sur pied dans le cadre de sa transformation, le CAPR aura la responsabilité de la portion de terrain s’étendant devant la ligne des contacts, où les unités de renseignement, d’aérocombat et d’artillerie qui relèvent de son autorité agiront en étroite coordination pour renseigner et délivrer des feux dans la profondeur », a expliqué le général Pierre Schill, le chef d’état-major de l’armée de Terre [CEMAT]. Et d’ajouter : Il « possède des atours pour contribuer à comprendre l’adversaire dès la phase de contestation et pour fournir les capacités-clefs d’une nation-cadre ».
Selon les explications données par le CEMAT, la création de ce nouveau commandement est liée aux retours d’expérience [RETEX] des combats en Ukraine et au Haut-Karabakh, au cours desquels il est apparu que l’accélération de la « boucle acquisition-feux » était centrale, grâce à la combinaison de « capteurs et d’effecteurs ».
« Imposer sa supériorité au combat passe désormais par la détection, la reconnaissance et l’identification d’objectifs au plus loin, qui précèdent leur destruction », a-t-il résumé.
Quoi qu’on en dise, les armées occidentales n’ont pas connu, depuis la guerre de Corée, de réels engagements de haute intensité dans la durée. À ce titre, la guerre du Golfe de 1991, souvent mise en avant pour justifier des arbitrages faits par les occidentaux en matière d’armées, d’équipements et de doctrines, a été trop courte, et trop spécifique, pour en tirer de réelles conclusions.
Dans ce contexte, la guerre en Ukraine, depuis février 2022, est l’occasion, pour ces mêmes armées occidentales, pour confronter leurs équipements, ainsi que, d’une certaine manière, leurs doctrines, à la réalité. Ce fut l’occasion de revenir sur certaines certitudes, notamment concernant l’efficacité relative supposée des équipements occidentaux sur les matériels, plus rustiques, russes.
Cette guerre a également montré le rôle déterminant de l’artillerie dans ce type de conflit. Dans ce domaine, les nouveaux systèmes européens, dotés d’un tube de 52 calibres et de systèmes de visée plus évolués, ont montré leur grande efficacité, face aux matériels russes, mais aussi, américains ou britanniques, moins performants.
Le canon Caesar porté sur camion, de conception française, brille particulièrement dans ce conflit. Un temps jugé trop léger et insuffisamment protégé, face à l’Archer suédois, ou moins mobile sur terrain difficile, que le Pzh2000 allemand, celui-ci a montré, à plusieurs reprises, toute l’efficacité de son concept.
Toutefois, si les ukrainiens ont parfois envoyé des messages contradictoires au sujet de ce système, une récente interview en ligne, sur Telegram, d’artilleurs russes, montre qu’il est, aujourd’hui, le système le plus redouté, et celui qui leur a fait le plus de mal.
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Des messages parfois contradictoires concernant le canon Caesar venant d’Ukraine
Aujourd’hui, les armées ukrainiennes alignent une cinquantaine de Caesar, dont 19 en version 8×8 fournis par le Danemark, et 32 en version 6×6 par la France. Celles-ci doivent recevoir, sur 2024, 78 nouveaux Caesar 6×6, financés conjointement par Paris, Copenhague et Kyiv.
Cependant, les messages concernant l’efficacité du Caesar au combat, venant des armées ukrainiennes, ont occasionnellement été contradictoires. Il y a quelques mois, un artilleur ukrainien avait ainsi expliqué à des journalistes français, que le canon tracté M777 américain était plus efficace, car pouvant plus facilement se dissimuler, et de cette façon résister aux attaques de drones, et car trop complexe à employer et à maintenir.
Les faits, cela dit, ne lui donnaient pas raison, notamment par la comparaison des pertes entre les deux systèmes. Et ces déclarations avaient d’ailleurs amené le ministère de la Défense ukrainien, à publier un communiqué pour contredire le colonel Yan Iatsychen, commandant de la 56ᵉ brigade d’infanterie motorisée, et exprimer sa pleine satisfaction du CAESAR.
Il y a quelques jours, Alexandre Zavitnevych, Président de la commission de la sécurité nationale, de la défense et du renseignement du Parlement ukrainien, la Rada, avait fait l’éloge du Caesar, en particulier aux mains des artilleurs de la 55ᵉ brigade d’artillerie, alors en charge de protéger le théâtre de Zaporojjie.
Il a toutefois précisé qu’ils rencontraient des difficultés concernant le maintien en condition opérationnelle (MCO), une difficulté sur laquelle KNDS-France et les autorités ukrainiennes, travaillent activement. Dans le même temps, il a indiqué que la mobilité du canon français était mise à mal lors des périodes de fortes pluies, au printemps et à l’automne.
Le témoignage d’un artilleur russe sur l’évolution de l’artillerie ukrainienne
À ces sujets, l’interview d’artilleurs russes, menée par des compatriotes milbloggers, apporte une vision complémentaire, et très éclairante, sur la perception concernant l’efficacité de l’artillerie ukrainienne, mais aussi celle du Caesar français.
La première partie de l’interview traite de l’évolution de la doctrine employée par l’artillerie ukrainienne comme russe, au début du conflit, et son évolution au fil du temps. Ainsi, il apparait, comme on pouvait s’y attendre, que l’une comme l’autre appliquaient des doctrines soviétiques au début du conflit, concentrant de puissantes forces d’artillerie menant un feu massif et très soutenu, à chaque utilisation.
On comprend, à ce titre, qu’un officier ukrainien ait eu du mal à faire sienne la doctrine d’emploi du Caesar, conçu pour être très mobile et employé en petite unité, voir de manière individuelle, et puisse privilégier le M777, beaucoup plus conforme, dans l’esprit, à l’utilisation faite de l’artillerie héritée de la doctrine soviétique. « Plusieurs centaines de coups pouvaient être tirés sur une même cible, pour mettre un ou deux coups au but« , précise ainsi l’artilleur russe à ce sujet.
Au fil du temps, les tirs de contrebatterie, d’une part, les frappes de drones et le manque de munitions, de l’autre, ont amené les ukrainiens à évoluer vers des unités beaucoup plus compactes, plus mobiles, et tirant beaucoup moins d’obus par frappe, d’un rapport « un à cent« , selon le témoignage russe, avec toute la subjectivité que cela implique.
Le Caesar est un cauchemar pour les artilleurs russes
La seconde partie de l’interview porte, elle, sur les capacités les plus redoutées par les artilleurs russes. Et le constat est sans appel, il s’agit du Caesar français. Celui-ci n’évolue pas, selon lui, « dans le même siècle que les équipements en service au sein des armées russes« .
« La portée de ces systèmes atteint 40 km avec des obus conventionnels, surpassant de loin les systèmes soviétiques que nous avons, qui plafonnent à 32 km avec des obus à portée additionnée« . « La configuration sur roues de ces залупы » (je vous laisse le choix de la traduction ;-)) « leur permet de rapidement quitter une position, même une fois déployés ».
« Il ne faut que 60 secondes pour le déployer, et 40 secondes pour s’échapper. Le système de visée est automatique, ce qui lui confère une précision extraordinaire« , ajoute-t-il.
De fait, les armées russes ont fait de la destruction des Caesar, une véritable priorité, n’hésitant pas à employer des drones Lancet, et même des roquettes et missiles balistiques à courte portée (OTRK), pour y parvenir.
Et d’ajouter que le Caesar est aujourd’hui un système rare, employé avec parcimonie par les armées ukrainiennes, pour les tirs de contrebatterie, avec une grande efficacité. « Ces obusiers français ont pris un nombre énorme de vies d’artilleurs russes« , conclut-il.
Le concept du Caesar, associant efficacité et masse, s’impose en haute intensité
Bien évidemment, un témoignage ne fait pas une situation. Il convient donc de se montrer prudent, quant à la surinterprétation des conséquences de cette interview, d’autant que, pour des raisons évidentes, celle-ci est volontairement obscure sur de nombreux aspects.
Toutefois, elle tend à accréditer le concept ayant entouré la conception du Caesar lui-même, dans les années 90. Pour rappel, celui-ci n’avait pas vocation, initialement, à remplacer l’artillerie sous casemate chenillée, comme l’AuF1 GCT, sur châssis AMX-30. Le Caesar visait à remplacer les canons tractés TR-F1, plus économiques, plus mobiles, et plus facilement déployables.
Pour autant, celui-ci n’a pas été conçu, comme avancé parfois par le passé, pour une utilisation sur théâtre de moindre intensité. Il visait, effectivement, à remplacer par la mobilité, la précision et l’allonge, la survivabilité liée au blindage, concernant les canons automoteurs, tout en conservant une efficacité opérationnelle identique, y compris en haute intensité.
Le fait est, aujourd’hui, l’Armée de terre va basculer l’ensemble de son artillerie lourde, sur Caesar Mk2, y compris en remplaçant ses derniers AuF1 par ce système. Et plusieurs armées, y compris en Europe, ont fait un choix similaire. En effet, au-delà de ses qualités techniques et opérationnelles, le Caesar offre un atout clé, sensible particulièrement en Ukraine : il est économique, et relativement « facile » à produire.
Ainsi, pour le prix d’un Archer 2 suédois, il est possible d’acquérir 2,5 à 3 Caesar, alors que pour un RCH155, ou un PZH2000, ce sont 3,5 à 4 Caesar qui prennent la ligne. Certes, le Caesar Mk2 n’aura pas l’automatisation de l’Archer 2, ni la capacité de faire feu en mouvement du RCH155, mais avec le même investissement, il permet d’atteindre une masse critique efficace sur le champ de bataille, que ces autres systèmes peinent à atteindre.
On comprend, dans ces conditions, que le Caesar tende à devenir le système d’artillerie de nouvelle génération central des armées ukrainiennes, étant certainement le seul à pouvoir afficher de telles performances, tout en étant produit à 72 unités par an en 2024, 144 unités en 2025, selon l’industriel.
KNDS-France anticipe de nouvelles commandes à venir du Caesar et l’arrivée des concurrents
On comprend également que KNDS-France, ex-Nexter, soit confiant quant à l’avenir commercial de son système, et la raison pour laquelle le français a annoncé une hausse de la production mensuelle pour atteindre 12 unités par mois, d’ici à 2025. Pour rappel, elle n’était que de trois canons par mois en 2022, encore moins auparavant.
En effet, au-delà des commandes ukrainiennes, françaises, belges, tchèques ou encore estoniennes, la démonstration de la validité du concept du Caesar, plus que de ses capacités elles-mêmes, qui étaient déjà connues, a le potentiel d’engendrer, dans les mois et années à venir, de nouvelles commandes, mettant KNDS-France au centre de l’artillerie occidentale.
Reste que ce succès va, aussi, aiguiser les appétits des autres industriels. Jusqu’à présent, les grands industriels européens, s’ils avaient compris l’intérêt de la configuration roues-canon, n’avaient pas adhéré au concept Caesar, donnant naissance à l’Archer suédois, au Zuzana 2 slovaque, ou au RCH155 allemand. Beaucoup plus lourds, et considérablement plus onéreux, ces systèmes n’évoluent donc pas dans la même catégorie que le Caesar.
Maintenant que le concept même est validé, la situation est différente, et des offres basées sur les mêmes paradigmes, émergeront bientôt. C’est déjà le cas du PCL-181 chinois, très proche, dans l’esprit et dans l’aspect, du Caesar français, mais aussi de l’Atmos israélien, probablement le plus sérieux concurrent, aujourd’hui, du système de KNDS-France.
Ainsi, comme les succès des Mirage III israéliens, amenèrent les américains à concevoir le F-16, l’avion le plus vendu de sa génération, il va falloir, à l’industriel français, s’emparer du plus de marchés possibles, avant que les offres concurrentielles ne débarquent vraiment. L’augmentation des cadences de production montre que KNDS-France a parfaitement saisie la temporalité des enjeux qui se présentent aujourd’hui.
Article du 22 avril en version intégrale jusqu’au 27 aout 2024
Depuis une dizaine d’années, l’industrie de défense française est engagée dans une dynamique porteuse particulièrement efficace à l’exportation, l’ayant amenée sur la seconde marche du podium mondial, après les États-Unis, mais devant la Russie.
Si la France exporte une grande variété d’équipements, allant du missile antichar au sous-marin, en passant par l’obus d’artillerie et l’avion de chasse, trois équipements se démarquent et portent, en grande partie, la progression des exportations françaises de défense aujourd’hui.
Ainsi, le chasseur Rafale, le sous-marin Scorpene et le canon Caesar, font régulièrement les gros titres, en France comme ailleurs, pour leurs succès internationaux. Si, désormais, tous se félicitent de ces succès, qu’on attribue volontiers à l’innovation et la détermination française, peu savent, en revanche, que ces trois équipements ont eu des débuts pour le moins difficiles, lorsque les armées françaises n’en voulaient pas.
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Les stars de l’exportation des équipements de défense français
Il est, aujourd’hui, incontestable que le Rafale, le Scorpene et le Caesar, portent, à eux trois, la dynamique d’exportation française en matière d’armement, grâce à des contrats qui se chiffrent en centaines de millions, voire en milliards d’euros, mais également en entrainant, avec eux, d’importants contrats d’équipements et de maintenance, ruisselant dans toute la BITD (Base Industrielle et Technologie Défense).
Ainsi, après une quinzaine d’années de vaches maigres et d’inquiétudes industrielles et politiques,le Rafale de Dassault Aviation, s’est imposé, avec 300 appareils commandés sur la scène internationale, comme le plus grand succès européen d’exportation d’avions de combat depuis le Mirage F1, dans les années 70 et 80, et comme l’avion de chasse moderne le plus exporté aujourd’hui, après le F-35 américain.
De même, le sous-marin Scorpene, avec 16 navires commandés (bientôt 19 avec la commande indienne) par 5 forces navales, dépasse déjà le précédent record français détenu par la Daphnée dans les années 60, et vient directement menacer le Type 214 allemand, successeur du Type 209 qui détient le record occidental de sous-marins exportés dans les années 80 et 90.
Chose encore plus rare, pour un équipement français, le Caesar est en passe de s’imposer comme un équipement standard au sein de l’OTAN, alors que cinq forces armées européennes, en plus de la France, ont déjà signé des commandes en ce sens (Belgique, Estonie, Lituanie, République tchèque et France), et que deux autres ont signé des lettres d’intention en ce sens (Croatie et Slovénie).
Il est toutefois particulièrement intéressant de constater que ces trois équipements qui, aujourd’hui, portent les exportations françaises en matière d’équipements de défense, et qui rapportent plusieurs milliards d’euros de production industrielle export, chaque année, à la balance commerciale nationale, ont connu des débuts particulièrement difficiles.
En effet, les armées françaises, ou certaines d’entre elles, n’en voulaient pas !
La Marine nationale préférait le F/A-18 Hornet au Rafale M en 1993
Lorsqu’il est question des débuts difficiles du Rafale, et de ses différents échecs commerciaux de 1997 à 2015, au Maroc, au Brésil ou encore aux Pays-Bas, il est fréquent de se voir rappeler la phrase désormais ô combien « pas prophétique » du ministre de la Défense Hervé Morin en 2010, lorsqu’il jugeait l’appareil trop compliqué et trop cher pour pouvoir être exporté.
Cette position ministérielle avait, il est vrai, à ce point inquiété Dassault Aviation, que l’industriel préféra sacrifier la ligne d’assemblage du Mirage 2000, après l’échec de l’appareil en Pologne, même si certains marchés potentiels se profilaient déjà en Europe de l’Est et en Asie, à moyen terme, pour le monomoteur français.
En effet, l’avionneur français craignait que le gouvernement français, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, abandonne le Rafale pour une version modernisée du Mirage 2000, comme pouvait l’être le Mirage 2000-9 vendu aux Émirats arabes unis.
Le fait est, en procédant ainsi, Dassault obligea le ministère de la Défense à respecter ses engagements de commandes minimum de Rafale, avec 11 appareils par an, pour maintenir la ligne de production active, jusqu’à la première commande Égyptienne, en 2015, suivie, depuis, par beaucoup d’autres.
Quelques années plus tôt, cependant, c’est bien le ministère de la Défense, et son locataire, François Léotard, qui sauvèrent le programme Rafale, plus spécifiquement, le Rafale Marine. En effet, en 1993, l’ensemble de l’état-major, rue Royale, n’avait qu’une idée en tête : sortir du programme Rafale, pour pouvoir acheter des F/A-18 Hornet américains.
Il est vrai qu’à ce moment-là, l’aéronavale française était face à une évolution très incertaine, en particulier à court terme. Ainsi, les deux porte-avions français, embarquaient toujours des chasseurs de troisième génération, le Super-Étendard d’attaque, le F-8 Crusader de supériorité aérienne, et l’Étendard-4P de reconnaissance.
Ces appareils, mis en œuvre en Irak trois ans plus tôt, étaient alors largement dépassés face à une défense aérienne ou une chasse moderne, et face au groupe aérien embarqué américain, alignant F-14, F-18, A-6 et A-7.
De fait, lorsque l’US Navy proposa à la Marine nationale, une flotte d’une soixantaine de F/A-18 Hornet en occasion récente, pour le prix de moins de vingt Rafale M, tout l’état-major, ou presque, s’est mobilisé pour tenter de faire pression sur le ministère, et laisser le programme Rafale à la seule Armée de l’Air.
Or, le retrait de la Marine de ce programme aurait non seulement fait porter son développement sur la seule Armée de l’air, mais cela aurait, également, augmenté le prix unitaire de l’appareil, avec, à la clé, une réduction du volume de production. De fait, avec le retrait de la Marine, le programme Rafale pouvait, tout simplement, péricliter.
Le ministère de la Défense décida cependant de rejeter l’offre américaine, et de poursuivre le programme Rafale comme prévu. Notons qu’aujourd’hui, les Rafale M du premier lot, au standard F1, ont été portés au standard F3R multirôle, et volent toujours, alors que l’US Navy a retiré du service l’ensemble de ses Hornet.
Le Caesar, le système d’artillerie révolutionnaire conçu par GIAT dans le dos de l’Armée de terre
Si la Marine nationale a tenté de se retirer du programme Rafale pour se tourner vers un chasseur américain, l’Armée de terre, elle, a tout simplement ignoré, pendant plusieurs années, le canon Caesar, et n’a consenti à en commander que cinq exemplaires, initialement, pour lancer la carrière internationale du système d’artillerie conçu par GIAT.
Il est vrai que quand le concept du Caesar est apparu dans l’esprit des ingénieurs français, l’Armée de terre percevait encore le reliquat de ses nouveaux canons automoteurs AuF1 GCT, dont elle était particulièrement satisfaite, un temps au moins. En outre, elle venait de lancer l’acquisition du canon tracté TrF1, pour soutenir les éléments projetés.
De fait, le besoin d’un nouveau système, tout innovant fut-il, était loin d’être la priorité de l’état-major de l’Armée de terre. Surtout que le programme Caesar semblait devoir relever des défis impossibles.
En effet, il s’agissait non seulement de franchir le cap des tubes de 52 calibres, ce qui entrainait de nombreuses évolutions, notamment au niveau de la culasse, mais aussi de parvenir à installer ce canon sur un châssis 6×6 susceptible de résister aux contraintes mécaniques du tir.
Le Caesar avait, force est de le reconnaitre, des ambitions particulièrement élevées, devant assurer un tir soutenu de 155 mm, avec une grande précision et une portée de 40 km, tout en pouvant embarquer, en monobloc, à bord d’un avion C130. À vrai dire, pas grand monde, en dehors des ingénieurs de GIAT, ne pensaient alors la chose possible. Pas question, donc, de dépenser des crédits dans ce programme.
Ces derniers avaient, pourtant, déjà résolu le problème, en ajoutant un faux châssis au châssis principal du camion UNIMOG 6×6 sélectionné, car seul à répondre aux exigences françaises alors. Celui-ci permettait d’absorber une grande partie des efforts mécaniques lors du tir, alors qu’avec d’autres innovations, le Caesar passait de concept farfelu, à système d’armes efficace et redoutable.
En dépit de ces avancées, et de la présentation officielle du Caesar lors du salon Eurosatory 1994, l’Armée de terre n’était toujours pas convaincue. Le ministre de la Défense, Alain Richard, consenti toutefois à en acquérir cinq exemplaires, pour lancer la carrière internationale du système.
Ce ne sera qu’une fois les premiers exemplaires livrés et expérimentés, que l’Armée de Terre prit la mesure du potentiel de ce nouveau système, d’abord pour remplacer les TrF1, puis pour devenir la pièce d’artillerie standard de ses régiments, en remplaçant les AuF1.
Même aujourd’hui, la Marine nationale ne veut pas entendre parler du Scorpene, ni d’un quelconque sous-marin à propulsion conventionnelle.
Si le ministère de la Défense est parvenu à sauver le programme Rafale, et à faire adopter le Caesar par l’Armée de Terre, personne, en revanche, n’a réussi à faire changer de point de vue la Marine nationale, sur la question des sous-marins à propulsion conventionnelle.
Depuis qu’elle a reçu son premier sous-marin nucléaire d’attaque, le Rubis, en 1983, celle-ci considère, en effet, qu’il lui serait très inefficace de se doter d’une flotte mixte, alliant SNA et sous-marins d’attaque à propulsion conventionnelle, ou SSK. Pour elle, un SNA peut faire tout ce que fait un SSK, en mieux, et un plus rapide, alors que l’inverse n’est pas vrai.
De fait, même si on venait à proposer à la Royale deux SSK plutôt qu’un SNA, soit sensiblement la même enveloppe budgétaire, celle-ci refuserait sans le moindre doute.
Pourtant, le SNA a un immense défaut : il ne s’exporte pas. Or, la flotte de 6 SNA et de 4 SNLE, ne suffit pas pour garantir la pérennité et l’évolution des compétences sous-marines de Naval Group et de sa chaine de sous-traitance et d’équipements, pourtant indispensables à la dissuasion française.
D’ailleurs, la Grande-Bretagne, second, et seul pays opérant une flotte sous-marine nationale à propulsion nucléaire comparable à celle de la France, avec 7 SNA et 4 SNLE, a dû se tourner vers certaines technologies américaines, pour concentrer ses investissements de R&D pour maintenir sa filière industrielle.
Naval Group, alors DCNS, prit un parti différent, en poursuivant la conception, la fabrication et l’exportation de sous-marins à propulsion conventionnelle, un exemple unique sur la planète. En effet, tous les industriels construisant des SSK dans le monde, peuvent s’appuyer sur une commande nationale pour concevoir et fabriquer leurs premiers exemplaires.
C’est le cas de la Chine avec le Type 39A, la Russie avec les 636.3 et 677, l’Allemagne avec le Type 214 et Type 212/CD, de la Suède avec le A26, l’Espagne avec le S80 plus et de la Corée du Sud avec le KSS-III, tous proposant à l’export des sous-marins en service, dérivés de modèles en service ou bientôt en service, dans leur propre marine.
Naval group, pour sa part, est parvenue à faire du Scorpene, un modèle initialement codéveloppé avec l’Espagne, avant de devenir exclusivement français, un véritable succès international. Celui-ci a d’ailleurs dépassé le record de 15 sous-marins français exportés établi par la Daphnée dans les années 60, et vient désormais flirter avec les ventes de Type 214 de l’allemand TKMS, pourtant champion absolu des exportations de sous-marins depuis les années 70 et 80 avec le Type 209.
Il fallut, cependant, beaucoup de détermination, et une certaine dose de chances, pour convaincre Santiago et la Marine chilienne, ses premiers clients, d’acquérir les deux premiers Scorpene, pour lancer la carrière internationale du modèle, alors que la Marine nationale refusait, et refuse toujours, de s’en équiper.
Le puissant lien entre l’attractivité à l’exportation et la mise en œuvre d’un armement par les armées nationales
Pourtant, un équipement militaire majeur, comme un sous-marin ou un avion de combat, bénéficie grandement d’être mis en œuvre par ses armées d’origine, pour son attractivité internationale.
En effet, une commande nationale permet de porter une grande partie de la R&D du modèle, et donc d’en faire un système financièrement compétitif face à la concurrence internationale.
Ainsi, lors de la compétition norvégienne en 2018, Berlin s’assura du succès de TKMS, en annonçant la commande de 2 sous-marins du même modèle pour la Bundesmarine, et en portant 66 % des couts de R&D pour son développement. Ne pouvant s’aligner, Naval Group et le Scorpene, pourtant favoris jusque-là, durent se résigner à abandonner la compétition.
En second lieu, un sous-marin, un avion de combat ou un navire en service dans les armées nationales d’origine, peut prétendre à une meilleure évolutivité, et à une maintenance sécurisée, puisque l’industriel doit, avant tout, assurer ces aspects pour ses propres forces. Ce sont ces paradigmes qui amenèrent la Marine hellénique à exiger des FDI très proches de celles en service au sein de la Marine nationale, pour son programme de frégates.
Enfin, disposer d’un équipement, au sein des armées nationales, permet d’en faire la promotion lors des exercices internationaux, mais aussi lors des conflits. Ainsi, le Rafale et le Caesar sont devenus d’autant plus attractifs qu’ils avaient montré leur efficacité opérationnelle au Levant et en Afrique, obtenant au passage le fameux qualificatif « Combat Proven ».
Peut-on refonder le lien entre les armées et l’industrie de défense au bénéfice des deux ?
Bien évidemment, la commande nationale n’entraine pas le succès international. Toutefois, elle ouvre des opportunités commerciales accrues et renforcées, dans les compétitions et discussions avec les armées partenaires, souvent inaccessibles aux équipements destinés exclusivement à l’exportation.
Cela vaut, d’ailleurs, aussi bien pour les équipements français que pour les autres. Ainsi, le Mig-35 et le JF-31 chinois n’ont toujours pas convaincu sur la scène internationale, alors que le Su-35s, et le J-10C, rencontrent davantage de succès, nonobstant les conditions spécifiques des exportations d’équipements de défens de la Russie et de la Chine.
On peut, dès lors, s’interroger du succès qu’aurait pu rencontrer le Scorpene, ou la corvette Gowind 2500, si la Marine nationale s’était équipée de quelques exemplaires ?
Néanmoins, aujourd’hui, les Armées françaises n’ont aucun intérêt, en dehors de répondre à d’éventuelles exigences du ministère des Armées, pour s’équiper de ces équipements, et, plus largement, pour soutenir l’émergence de nouveaux équipements, n’entrant pas strictement dans son calendrier d’acquisition.
Pourtant, ces exportations représentent un enjeu majeur pour préserver l’autonomie stratégique française, avec une BITD capable de produire la presque totalité des équipements de défense nécessaires, la commande française, seule, ne suffisant pas à cela.
Il conviendrait donc d’imaginer des mécanismes permettant aux armées de retirer des bénéfices directs du succès des exportations françaises, l’amenant à réviser leur stratégie d’équipements pour soutenir l’émergence de ces nouveaux équipements, y compris en participant à leur développement.
Certains pays, comme la Corée du Sud et la Turquie, ont institutionnalisé ce lien, leurs armées commandant, quasiment systématiquement, mais souvent en petites quantités, les équipements produits par leur BITD respective, tant à des fins d’expérimentation opérationnelle, que pour soutenir leurs exportations. Ceci créé, d’ailleurs, un tempo technologique beaucoup plus soutenu pour l’industrie de défense dans ces deux pays.
Une solution, en France, serait de créer un fond ministériel destiné à cette fonction, régénéré par les succès enregistrés à l’exportation de la BITD, par une évaluation et captation des recettes budgétaires ainsi générées. Ce mécanisme budgétaire serait assez proche, dans sa mise œuvre, des recettes variables employées dans les années 2010 pour compléter le financement du ministère de la Défense, par la vente d’infrastructures ou de licences télécom.
Conclusion
On le voit, le succès que rencontre aujourd’hui le Rafale, le Scorpene ou le canon Caesar, doivent bien davantage à la détermination de leurs industriels d’origine, et parfois d’un coup de pouce politique de la part du ministère de la Défense, que du soutien des Armées elles-mêmes.
Il ne s’agit, évidemment, de jeter l’opprobre sur les Armées françaises et leurs état-majors, qui doivent, depuis plusieurs décennies, déployer des trésors d’inventivité pour parvenir à optimiser les programmes industriels indispensables à leur modernisation, avec des budgets sans marge de manœuvre.
Pour résoudre ce problème, et se préparer à absorber le choc que vont représenter l’arrivée des nouvelles BITD chinoises, coréennes ou turques, ainsi que la montée en puissance des offres industrielles allemandes, italiennes ou encore, espagnoles et polonaises, il conviendrait de mettre en œuvre un dispositif dégageant, justement, ces marges de manœuvre, et qui bénéficieraient simultanément aux armées et aux industriels, sans surcouts pour l’état.
Des solutions, en ce sens, peuvent être imaginées, même dans un cadre aussi contraint que celui de la France aujourd’hui. Encore faut-il que le problème soit étudié au bon niveau, par les politiques comme par les industriels eux-mêmes, et bien entendu, par les Armées.
Article du 15 juillet en version intégrale jusqu’au 24 aout 2024
En quelques années, le CAmion Équipé d’un Système d’ARtillerie, ou canon CAESAR, s’est hissé au rang des équipements stars des exportations françaises d’armement, rejoignant le Rafale et le sous-marin Scorpene dans le club très fermé des armements susceptibles de faire les gros titres en France et à l’étranger.
Plusieurs échos et déclarations laissaient entendre que de nouvelles commandes pouvaient intervenir à l’occasion du salon Eurosatory 2024. C’est désormais chose faite, puisque l’Arménie, ainsi que la Croatie et l’Estonie, ont signé des engagements pour commander, au total, 60 nouveaux systèmes d’artillerie français.
Ce faisant, le Caesar s’impose, dorénavant, comme le système d’artillerie européen le plus largement exporté, que ce soit en nombre d’exemplaires livrés et/ou commandés, comme en nombre de clients, permettant à KNDS France, Ex-Nexter, de revenir dans le palmarès international des exportateurs d’équipements terrestres, après le semi-échec du Leclerc, et l’insuccès du VBCI.
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Arménie, Estonie et Croatie : 3 nouveaux utilisateurs et 60 nouveaux Caesar pour KNDS au salon Eurosatory
Le Caesar aura donc été, incontestablement, l’une des grandes vedettes du salon Eurosatory 2024, aux côtés des nouveaux chars de combat de KNDS et de Rheinmetall, ainsi que des nombreux systèmes antiaériens et antidrones apparus cette année. Le canon français a, en effet, enregistré 3 nouvelles commandes pour un total de 60 exemplaires, à l’occasion de l’événement parisien.
Les premiers à s’être engagées, le 18 juin, ont été les armées arméniennes, pour 36 Caesar MkI 6×6, pour équiper deux bataillons d’artillerie. Après avoir officialisé le retrait du pays de l’Organisation du Traité de Sécurité Collective, sous tutelle russe, Erevan a entrepris de transformer les équipements de ses armées, en particulier en se tournant vers les États-Unis et la France, pour tenir en respect l’Azerbaïdjan, soutenue par la Turquie et Israël.
Le lendemain, ce fut au tour de la Croatie et de l’Estonie d’annoncer la commande de 12 exemplaires chacun, MkI pour Zagreb, MkII pour Tallinn, devenant ainsi les 12ᵉ et 13ᵉ pays utilisateurs du canon Caesar dans le monde, et les 5ᵉ et 6ᵉ en Europe.
Ces deux pays ont, à ce titre, signé un accord-cadre avec la France, à l’occasion du salon, pour organiser l’acquisition, la livraison et la maintenance des systèmes d’artillerie, formant les bases d’un « Club Caesar » inspiré du Leoben allemand.
À ce titre, le ministère des Armées a précisé que d’autres pays avaient déjà signifié leur intérêt pour rejoindre cette structure, sans préciser s’il s’agissait de clients existants ou de nouveaux utilisateurs potentiels.
Performances/prix, mobilité, délais de production, Ukraine : les raisons du succès du canon Caesar aujourd’hui
Le Canon Caesar avait enregistré quelques succès auprès de clients internationaux, peu de temps après son entrée en service en France, en 2003, avec la Thaïlande, pour 6 unités, l’Arabie Saoudite, pour 76 unités, en 2006, et l’Indonésie, en 2012, pour 37 systèmes d’artillerie.
C’est, cependant, à partir de 2020, que la dynamique Caesar a véritablement décollé pour Nexter, avec la République tchèque pour 52 systèmes en version 8×8, suivis en 2022 par la Belgique (9+19 Caesar MkII), la Lituanie (18 Caesar MkII), le Maroc (36 Caesar MkI), et l’Ukraine (12+6+6+6+19+78 MkI, 19 MkI 8×8), et par l’Arménie (36 MkI), la Croatie (12 MkI) et l’Estonie (12 MkII), en 2024.
Ce succès repose sur la conjonction de plusieurs facteurs. Le plus évident n’est autre que l’augmentation massive des efforts d’armement et de modernisation des forces armées, en particulier en Europe, pour répondre à la montée des tensions internationales, mais aussi pour remplacer les équipements occidentaux envoyés en Ukraine, pour soutenir l’effort de guerre de Kyiv.
Sous l’impulsion des autorités françaises, Nexter, devenu KNDS France, a, par ailleurs, su parfaitement répondre à l’évolution de la demande, en augmentant les cadences de production du Caesar, passées de 1,5 système par mois en 2021, à 6 systèmes par mois aujourd’hui, et avec l’objectif d’atteindre 12 systèmes mensuels en 2025.
Ce faisant, l’entreprise est en mesure de proposer des délais de livraison raccourcis, très appréciés des clients potentiels aujourd’hui, en dépit d’un carnet de commande très bien rempli, avec plus de 360 exemplaires restants à produire à ce jour, soit 5 ans de production à 6 systèmes par mois, mais plus que deux ans et demi, avec une production mensuelle de 12 canons.
Surtout, il présente un rapport performances prix sans concurrence en Europe. Avec un prix unitaire évoluant entre 3,5 et 4 m€, le Caesar s’avère, en effet, 3 fois moins cher qu’un K9 Thunder sud-coréen, et plus de 4 fois moins cher que le Pzh 2000 allemand, tout en disposant d’un canon de 52 calibres, d’une portée de 40 km avec obus non propulsé, et d’une excellente précision de tir, même à portée maximale.
Par ailleurs, sa légèreté, 17 tonnes au combat, et sa configuration 6×6, lui confère une mobilité sans également en tout chemin, tant pour éviter les tirs de contrebatteries adverses, que pour se déplacer très rapidement autour de la ligne d’engagement, pour apporter les appuis là où ils sont nécessaires.
De fait, sans égaler la mobilité tout terrain ou la protection du Pzh 2000 ou du K9, le Caesar s’avère un choix très attractif pour de nombreuses forces armées qui souhaitent étendre le nombre de tubes de 155 mm, et qui sont sous contrainte budgétaire ; pour les forces armées qui exploitent une doctrine mobile et dynamique, comme la France ; ou pour les armées engagées sur des terrains difficiles, inaccessibles aux systèmes lourds, comme l’Indonésie et la Thaïlande.
Le troisième système d’artillerie moderne le plus largement répandu, derrière le M109 et le K9 Thunder
Avec les commandes arméniennes, croates et estoniennes, le canon Caesar voit son parc de clients internationaux, atteindre 12 pays, dont cinq en Europe. Ce faisant, il devient, incontestablement, le système d’artillerie européen moderne le plus exporté aujourd’hui, avec ses 548 exemplaires, loin devant le Pzh 2000 allemand et ses 300 exemplaires auprès de huit pays.
Il se classe même dans le TOP 3 des systèmes d’artillerie modernes les mieux exportés, derrière le K9 Thunder Sud-coréen, exporté à 1300 exemplaires auprès de 9 forces armées, dont 4 en Europe (Pologne, Estonie, Norvège, Finlande), et le M109 américain, dont plus de 2500 exemplaires demeurent en service hors des États-Unis dans 24 forces armées, dont sept en Europe.
On notera, même, qu’en termes de nombre de clients, le Caesar surpasse le K9 Thunder, mais ce dernier a enregistré plusieurs gros contrats avec fabrication locale en Pologne (532 unités), en Égypte (200 exemplaires), en Turquie (421 systèmes) et en Inde (200).
De manière intéressante, le Caesar surpasse les exportations russes en matière de systèmes d’artillerie modernes (125 2S-19 Msta-s pour 5 pays utilisateurs), tout comme les systèmes chinois (170 PLZ-45/ 4 pays et 480 PCL-181/3 pays).
Ceci en dit long sur les performances et l’attractivité du Caesar, sur un marché particulièrement concurrentiel comprenant plus d’une douzaine de systèmes de 155 mm sur le marché mondial.
Présenté au salon Eurosatory 2024, le Caesar MkII prêt à prendre la relève
Lancé en 2022, le Caesar MKII a été présenté, pour la première fois, à l’occasion du salon Eurosatory 2024. Celui-ci doit permettre de prolonger la carrière opérationnelle et commerciale du Caesar, en y intégrant les retours d’expériences venus des armées françaises au Levant et en Afrique sud-saharienne, et par les armées ukrainiennes, face à la Russie.
Tout en reprenant les principes et paradigmes du MkI, le Caesar MkII s’avère très différent, avec un nouveau châssis, une nouvelle cabine blindée à 4 portes, un nouveau moteur de 460 cv, deux fois plus puissant que celui du MkI, et une électronique embarquée entièrement modernisée.
Déjà réputée pour sa précision, la centrale inertielle Sigma 30 est ainsi remplacée par le nouveau Geonyx de Safran, conçue pour évoluer en environnement brouillé et privé de signaux de géolocalisation. Un système de brouillage anti-IED et anti-drone, baptisé ECLIPSE, a été ajouté, ainsi que l’ensemble des composants du système SCORPION, comme la radio cryptée Contact et le nœud de communication tactique du système, pour les modèles français et belges.
En outre, ces systèmes de positionnement et de pointage, associés au nouveau système hydraulique qui contrôle le véhicule et le canon, doivent permettre une mise en batterie et une sortie de batterie encore plus rapide, pour répondre aux améliorations anticipées des systèmes de localisation par drones et de contrebatterie adverses.
Le Caesar MkII est aussi mieux protégé, avec une cabine répondant au standard Stanag 2, soit contre les munitions de 7,62 x 39 mm à 30 m, et contre les shrapnels d’obus de 155 mm à 80 m et plus.
Ces systèmes alourdissent le Caesar MkII, qui atteint 25 tonnes sur la balance au combat, contre 18 pour le MkI. Toutefois, son moteur de 460 cv, contre 215 cv pour la version précédente, lui confère un rapport puissance poids de 18 cv par tonne, supérieur à celui de la précédente version, tout en restant autour du seuil d’efficacité tout-terrain de huit tonnes par essieu, lui garantissant une meilleure mobilité tout terrain. En termes de masse et d’encombrement, le Caesar MkII demeure aérotransportable par avion A400M, ce qui reste un impératif majeur pour les armées françaises.
En dépit de ces améliorations notables, le Caesar MkII conserve l’argument du prix, avec un cout unitaire de l’ordre de 5 m€ selon KNDS, et même moins élevé, selon certaines sources.
Une offre taillée pour remplacer l’artillerie tractée et accroitre la puissance de feu à moindre coût
On le voit, le succès du Canon Caesar, sur la scène internationale, semble poursuivre la dynamique entamée dès 2020, et accélérée avec l’envoi des premiers systèmes français en Ukraine, au printemps 2022.
Un temps, le positionnement exact du Caesar restait incertain, étant souvent perçu comme un système d’artillerie léger, destiné avant tout à la projection de puissance, mais insuffisamment protégé pour être employé dans un conflit de haute intensité.
Toutefois, son excellente tenue en Ukraine, aux côtés de systèmes bien plus lourds et onéreux comme le Pzh 2000 allemand, le M109 américain ou le Krab Polonais, mais aussi son prix, qui en fait une alternative aux systèmes d’artillerie tractée en fin de vie, ont permis de clarifier le marché de prédilection du Caesar, destiné à recréer de la masse et de la puissance de feu, aux côtés de l’artillerie d’assaut, en substitution des canons tractés désormais trop vulnérables.
Ce positionnement devenant plus compréhensible, en lien avec ses résultats opérationnels, le système d’artillerie français pourrait enregistrer encore de nombreux succès internationaux dans les mois et années à venir, et s’imposer comme une des références françaises de la scène internationale de l’armement, renforcée par l’arrivée du Caesar MkII.
Un réducteur de traînée de culot [ou Base Bleed en anglais] est un dispositif pyrotechnique à base de propergol qui, à la sortie de la bouche d’un canon, dégage des gaz chauds, permettant ainsi de réduire la traînée aérodynamique du projectile sur lequel il a été fixé et, donc, d’augmenter sa portée.
Si cette technologie est ancienne, la Direction générale de l’armement [DGA] entend l’améliorer, via le marché EC3B [Étude sur l’amélioration de la méthodologie de caractérisation aérobalistique du Base Bleed]. Celui-ci a été confié à l’Office national d’études et de recherches aérospatiales [ONERA] et KNDS Ammo France, la filiale munitionnaire de KNDS, en 2019.
Lors de la dernière édition du salon de l’armement aéroterrestre EuroSatory, l’ONERA a fait savoir qu’il venait de franchir une « étape importante dans le développement d’un moyen de caractérisation des Base Bleed au profit de la DGA et de KNDS Ammo France ».
Ainsi, l’ONERA a amélioré son logiciel de simulation multi-physique pour l’énergétique et la propulsion CEDRE afin de prendre en compte les « conditions de fonctionnement des Base Bleed » et a développé un banc d’essais dédié sur son site du Fauga Mauzac, près de Toulouse.
« L’énergétique est la science de l’énergie. Dans le processus de combustion [simplifié], l’énergie arrive sous forme chimique, concentrée dans le carburant [kérosène, ergols, propergol], pour être transformée en chaleur [énergie thermique] et enfin se transformer en poussée [énergie mécanique] », explique l’ONERA. Aussi, poursuit-il, les modèles de CEDRE « décrivent les physiques de la chimie, de la thermodynamique, de l’aérodynamique ».
S’agissant du banc d’essais du Fauga Mauzac, celui-ci a récemment réalisé des essais « pour des vitesses de rotation du propergol jamais atteintes allant jusqu’à 12000 tours par minute », ce qui permettra désormais d’étudier très précisément les Base Bleed en « simulant l’emploi d’une munition dans les conditions réalistes [vitesse de rotation, altitude…]. Le prochain objectif est de tester un niveau de rotations de 18000 tours par minute.
De son côté, KNDS Ammo France conduit des « travaux de recherches expérimentaux et numériques complémentaires » à ceux de l’ONERA. Mais leur nature exacte n’a pas été précisée.
Ce projet EC3B, « financé par la DGA et mené à bien en partenariat avec KNDS au profit de nos armées, aboutit à un moyen d’essai unique qui va améliorer les performances de nos armements et permettre à notre industrie d’être au meilleur niveau mondial», a résumé René Mathurin, directeur de programme Défense à l’ONERA.
l’essentielDepuis début juin 2024, 45 soldats ukrainiens sont formés par l’armée française à la maîtrise du canon caesar, l’un des plus pointus du monde.
Quinze jours d’entraînement pour acquérir la maîtrise du canon Caesar, le « tireur d’élite des canons », que les troupes russes appellent également leur « calvaire ». Tel est la mission de 45 soldats ukrainiens actuellement mobilisés dans le Var au sein du plus grand camp d’entraînement militaire d’Europe occidentale.
Sous la houlette de l’armée française, ces derniers apprennent les gestes qu’ils appliqueront dans l’urgence du champ de bataille : glisser l’obus de 45 kg dans le vérin, charger la poudre… Cinq artilleurs sont nécessaires pour armer la bête. « Le but est de les rendre autonomes en deux semaines, déclare l’un des officiers français pour Le Parisien, mais ils sont déjà aguerris : ça va très vite avec les Ukrainiens ! »
6 obus en moins d’une minute à 39 kilomètres de distance
Piloté par ordinateur, le canon prend en compte la pression de l’air ou la vitesse du vent. Sa précision inégalée en fait l’un des plus efficaces au monde. Son fût en acier de 8 mètres est capable de recracher 6 obus en moins d’une minute à 39 kilomètres de distance.
L’armée française l’a adopté depuis 2009. Quant à l’Ukraine, 30 unités lui ont déjà été cédées par la France. En janvier 2024, le ministre de la Défense Sébastien Lecornu a promis 78 nouvelles livraisons de canons à l’Ukraine avant la fin de l’année.
« En Ukraine, l’artillerie mobile a clairement montré sa supériorité sur l’artillerie posée, qu’il faut trente minutes pour déballer ou remballer« , analyse l’expert militaire Xavier Tytelman pour Le Parisien. « Le taux de survie des Caesar en Ukraine est très important, poursuit-il. […] Les Russes le disent : c’est leur calvaire.«
L’Armée Française Révolutionne ses Canons Caesar avec des Drones
L’armée française innove en utilisant des drones pour piloter ses canons Caesar. Une révolution technologique qui change la donne sur le champ de bataille. Découvrez comment cette synergie homme-machine repousse les limites de l’art de la guerre…