Les spécificités de la guerre économique dans le numérique

Les spécificités de la guerre économique dans le numérique

 

par Charlotte Pillard Pouget (MSIE41 de l’EGE) – Ecole de Guerre économique – publié le 21 juin 2023

https://www.ege.fr/infoguerre/les-specificites-de-la-guerre-economique-dans-le-numerique


Le numérique est aujourd’hui une guerre technologique et économique entre les deux puissances mondiales qui s’affrontent sur le terrain de la 5G : les Etats-Unis et la Chine. (1)La Commission européenne affiche son ambition numérique (2). L’Europe cherche à renforcer sa souveraineté numérique à travers l’autodétermination des normes. NextGeneration EU alloue un investissement de 250 milliards d’Euros avec pour stimuler la numérisation(3). En 2022, le gouvernement Macron supprime la taxe imposée aux opérateurs de téléphonie mobile sur chaque nouvelle antenne relais. C’était la seule source de financement destinée à la recherche scientifique publique sur les ondes. Cette taxe de 1 674 euros faisait l’objet d’un fort lobbying de la part des opérateurs depuis de nombreuses années. Le gouvernement lui reprochait de freiner l’implantation de la 5G en France (4) Sans recherche publique indépendante sur les effets des ondes sur notre santé, peut-on vraiment faire confiance aux résultats des études effectués par et pour des opérateurs téléphoniques privés ?

Nos contradictions par rapport au numérique

D’une part, les citoyens souhaitent voir s’étendre la couverture de la téléphonie mobile, jusque dans nos campagnes, à tel point qu’une proposition de loi a été déposée en avril 2022 pour instituer un droit à la connexion opposable et garantissant l’égalité d’accès au numérique dans les territoires (5)

Les citoyens, et c’est tout aussi légitime, expriment des inquiétudes quant aux effets des champs électromagnétiques, et défendent le droit fondamental à la santé. Le principe de prudence et les doutes quant à la nocivité de la quantité croissance de notre exposition aux ondes étaient déjà à l’ordre du jour il y a une douzaine d’années, comme le relate le compte-rendu de l’audition publique organisée par le député Alain Gest le 6 avril 2009 au sujet des « antennes relais à l’épreuve des inquiétudes du public et des données scientifiques » (6). Connaissons-nous l’impact sur notre santé et sur celui de la biodiversité de l’augmentation exponentielle du numérique ?

Tiraillement également entre le « droit vital » d’être connecté, et celui tout aussi « vital » de pouvoir choisir d’être déconnecté pour se reposer ou s’occuper autrement. La société actuelle donne-t-elle ce droit de déconnexion à nos enfants parfois biberonnés au numérique (même passif) ? Combien de temps les gouvernements, les politiques ont-ils prétendu que la fumée du voisin n’était pas toxique, avant de reconnaître la nocivité du tabagisme passif ?

Nos adolescents peuvent-ils suivre une scolarité sans téléphone si l’ensemble de la communauté de leur classe d’âge échange plus en ligne que dans la cour du collège et si les professeurs ne communiquent plus oralement les devoirs mais uniquement sur le site « école directe » ?

Le numérique est devenu l’outil indispensable à notre transition énergétique. Il peut servir très efficacement à améliorer le rendement de nos usines, et à réduire notre consommation notamment par l’effacement des pics énergétiques. Dans le secteur industriel, très gros consommateur d’électricité, la suspension de l’alimentation auprès des entreprises volontaires et bénéficiant d’un meilleur tarif, permet d’éviter le recours aux centrales électriques les plus polluantes (gaz et charbon), tout en optimisant les énergies renouvelables. De fait, cette application du numérique permet de réduire notre empreinte carbone.

Malheureusement, le numérique contribue toujours plus aux émissions de gaz à effet de serre, avec une croissance plus rapide que les gains générés par cette même technologie. Les émissions de CO2 du numérique ont augmenté depuis 2013 d’environ 450 millions de tonnes dans l’OCDE, dont les émissions globales ont diminué de 250MtCO2eq, comme indiqué dans le rapport du Shift project. (7) Le Shift project souligne la nécessité de débattre des usages à privilégier pour éviter l’effet rebond de surconsommation permise par la 5G. La technologie en soit n’est pas perverse, mais certains de ses usages peuvent le devenir. Nous devons donc filtrer les applications nécessaires, tout en visant une sobriété numérique indispensable à nos défis environnements…

Entre aspiration à la « high technologie » pour une industrie plus compétitive, et besoin de revenir sur des « low-tech » pour un société plus résiliente, et plus respectueuse de l’environnement.

Conflit d’usage pour les métaux critiques dont l’Europe est dépendante à près de 50 % de la Chine et de la Russie. Les terres rares et métaux, limités par des facteurs physiques, géopolitiques, économiques, écologiques, sont tout aussi indispensables à la réindustrialisation et numérisation de notre économie, qu’à la décarbonation nécessaire.  Quelles sont nos priorités ? Choisir, c’est renoncer à certains usages, voire imposer des quotas sur certains, pour privilégier ceux que nous considérons comme essentiels et vertueux. Dans tous les scénarios imaginables, la sobriété sera notre choix, ou nous sera très vite imposée.

Le danger serait de se laisser imposer des choix par passivité et manque d’esprit critique par rapport aux politiques qui nous gouvernent…

Guerre informationnelle et manipulation politique

Certaines ordonnances adoptées en toute hâte et sans soumission au préalable au débat public éveillent le soupçon, à tort ou à raison…

  • En juin 2018, l’article 62 de la loi Élan met fin à des dispositifs de la loi Abeille qui tire son nom de Laurence Abeille, députée écologiste à l’origine de la proposition de loi « relative à la sobriété, à la transparence, à l’information et à la concertation en matière d’exposition aux ondes électromagnétiques » adoptée en janvier 2015. La loi abeille permettait un contrôle de l’implantation des antennes-relais, et prévoyait des dispositifs d’information et de concertation en lien avec les élus locaux pour l’implantation ou la modification des antennes relais. Cet article 62 de juin 2018 soit trois ans et demi seulement après la loi abeille est un « cavalier législatif », c’est-à-dire qu’il n’a rien à voir avec le reste de la loi, consacrée aux questions de logement. Nous pouvons légitimement émettre des doutes sur la victoire du lobby des opérateurs de téléphonie mobile qui a maintenu la pression jusqu’à obtenir l’ajout « discret » de cet article.
  • En pleine pandémie covid et pendant la durée de l’état d’urgence sanitaire, l’ordonnance n° 2020-320 du 25 mars 2020 relative à l’adaptation des délais et des procédures applicables à l’implantation ou la modification d’une installation de communications électroniques fût adoptée. « Par dérogation … la décision d’implantation sur le territoire national des stations radioélectriques peut être prise sans accord de l’Agence nationale des fréquences pendant la durée de l’état d’urgence sanitaire » … (3) De quelle urgence sanitaire parle-t-on ?
  • En 2022, le gouvernement Macron supprime la taxe imposée aux opérateurs de téléphonie mobile sur chaque nouvelle antenne relais. C’était la seule source de financement destinée à la recherche scientifique publique sur les ondes. Cette taxe de 1 674 euros faisait l’objet d’un fort lobbying de la part des opérateurs depuis de nombreuses années. Le gouvernement lui reprochait de freiner l’implantation de la 5G en France. (4) Sans recherche publique indépendante sur les effets des ondes sur notre santé, peut-on vraiment faire confiance aux résultats des études effectués par et pour des opérateurs téléphoniques privés ?

 

Quand l’outil numérique nourrit nos addictions et dirige notre projet de société

Les usages numériques les plus fréquents des particuliers sont Youtube, les réseaux sociaux, la pornographie et Netflix. Or, selon le baromètre numérique 2022, 58% des personnes interrogées ne pourraient pas se passer d’internet plus d’une journée sans ressentir un manque, contre 18% en 2011 (8). Cela ressemble à une addiction perverse, plus qu’à un besoin vital… Les usages cités plus haut ne sont pas liés à la survie d’un être humain, alors même que le besoin vital de contact est hypothéqué à cause du numérique ! Un bébé humain se laisse mourir si aucun autre être humain ne le touche, ne le regarde dans les yeux, ou ne lui adresse la parole. Les périodes de confinement pendant la pandémie de covid ont montré in vivo les impacts psychologiques sur les êtres humains d’un manque de contact physique, que le contact numérique n’a pas su combler.

Et pourtant, nous assistons peut-être à la mutation de l’être humain puisque plusieurs études constatent une réduction des rapports physiques, de manière souhaitée et non subie. 44 % des jeunes français âgés de 18 à 25 ans n’ont eu aucun rapport sexuel durant l’année écoulée. C’est un peu moins que pendant le confinement (57 %), mais nettement plus qu’il y a 8 ans (25 %). La tendance en France est alignée avec ce que l’on constate aux États-Unis.   (9) . Les générations nées au XXème siècle peinent à comprendre le fait que les plus jeunes jugent ce manque lié à une potentielle déconnexion plus effrayant que l’absence de contact physique.

Les GAFAM avec leurs algorithmes ultra efficaces de suggestion de contenus, imposent et influencent notre rythme de marche, pulsions d’achat, convictions politiques, et rencontres amoureuses. (10). L’encerclement cognitif fonctionne parfaitement puisqu’une majorité d’humains publie volontiers et sans contrainte des données personnelles d’une part, et accepte au nom de la sécurité les caméras de surveillance de plus en plus nombreuses d’autre part.

Aucune excentricité ou comportement hors norme ne sort des radars. Nous vivons déjà dans une société où l’intime est réduit, et notre vulnérabilité mise à nue… Le PDG a intérêt à être lisse et dans le moule pour ne pas accroitre la vulnérabilité de son entreprise, faire chuter son cours de bourse ou la précipiter dans les bras d’un potentiel acheteur…

« Il avait remporté la victoire sur lui-même. Il aimait Big Brother ». Ultime phrase de 1984 de George Orwell. La guerre cognitive des GAFAM, et de ses alliés ultra-libéraux (publicitaires, multinationales avides de profit, capitalistes désintéressés des conséquences sociales, écologiques et sanitaires de leurs stratégies, sociétés de surveillance…) est sur le point d’être gagnée. Or, une société surveillée est une société sclérosée, en manque de liberté et de créativité.

Dans cette guerre cognitive de grande intensité, la riposte tente de se préparer. La commission européenne interdit Tik Tok aux fonctionnaires de l’institution au nom de la protection des données et face aux risques de cyberattaques. (11) Plus largement, l’union européenne appliquera le digital service act (DSA) dès septembre 2023. Cette nouvelle législation exige la modération des contenus illicites ou délétères et la transparence du service à toutes les applications, sous peine d’interdiction et de sanction.

Les forces en présence dans cette guerre cognitive ont beaucoup d’intérêts en jeu : financiers et idéologiques, enjeux démocratiques et climatiques entre autres…


Sources

1) https://www.arte.tv/fr/videos/091146-027-A/le-dessous-des-cartes/

2) https://commission.europa.eu/strategy-and-policy/priorities-2019-2024/europe-fit-digital-age_fr

3) Les principaux défis sont :

. Législation sur les services numériques : garantir un environnement en ligne sûr et responsable ;

. Renforcer la compétitivité et la résilience de l’Europe dans le domaine des technologies des semi-conducteurs.

. Identité numérique européenne : contrôle des informations partagées avec des tiers

. Intelligence artificielle : parvenir à de meilleurs soins de santé, à des transports plus sûrs et plus propres, à des procédés de fabrication plus efficaces et à une énergie moins chère et plus durable grâce à l’IA ;

. Gouvernance européenne des données pour faciliter le partage des données entre les secteurs d’activité et entre les États membres (données sur la santé, la mobilité, les données environnementales, agricoles, données de l’administration publique) ;

. Stratégie industrielle européenne pour une souveraineté numérique et la neutralité carbone 2050 ;

. Renforcement de la coopération européenne en matière de défense.

4) https://www.lagazettedescommunes.com/758789/fiscalite-locale-le-gouvernement-envisage-une-reforme-de-lifer-mobile/

5) Proposition de loi n°5192 instituant un droit à la connexion opposable et garantissant l’égalité d’accès au numérique dans les territoires (assemblee-nationale.fr)

6) https://www.assemblee-nationale.fr/opecst/CR%20Antennes%20relais.pdf

7) « Pour une sobriété numérique » : le nouveau rapport du Shift publié (theshiftproject.org)

8) Barometre numérique.pdf

9) https://www.ladn.eu/nouveaux-usages/sexe-jeunes-nont-eu-aucune-relation-en-2021/#:~:text=L’%C3%A9tude%20indique%20que%2044,on%20constate%20aux%20%C3%89tats%2DUnis.

10)  5G : LE GÂCHIS ÉNERGÉTIQUE – YouTube Nicolas Bérard, journaliste « 5G, mon amour »

11) https://www.liberation.fr/international/europe/protection-des-donnees-la-commission-europeenne-interdit-tiktok-a-son-personnel-20230223_D2AA5VEM3RD5ZJROOZBIGX4ETU/

Un rapport du Sénat dénonce les liens troubles de certaines ONG qui s’attaquent à l’industrie française de la défense

Un rapport du Sénat dénonce les liens troubles de certaines ONG qui s’attaquent à l’industrie française de la défense

https://www.opex360.com/2023/06/05/un-rapport-du-senat-denonce-les-liens-troubles-de-certaines-ong-qui-sattaquent-a-lindustrie-francaise-de-la-defense/


 

L’un d’eux a d’ailleurs donné lieu à une proposition de résolution éuropéenne qui, déposée par la commission de la Défense en novembre 2021, défendait la nécessité de « protéger la base industrielle et technologique de défense et de sécurité européenne des effets de la taxonomie européenne de la finance durable ».

En mars dernier, dans une question écrite adressée au ministère des Armées [qui est toujours sans réponse à cette heure], la sénatrice Catherine Dumas a rappelé que la Commission européenne avait promis de revoir sa position concernant le financement des industries de défense compte tenu du « contexte géopolitique créé par la guerre en Ukraine ».

Seulement, aucune nouvelle proposition visant à amender ce projet de taxonomie n’a été faite à ce jour. Et cela n’est pas sans conséquence pour les établissements financiers, qui hésitent à financer des entreprises de la BITD, voire à accorder des crédits à des employés de ce secteur, comme l’a déploré Emmanuel Levacher, le Pdg d’Arquus.

Quoi qu’il en soit, une épée de Damoclès plane donc toujours sur la BITD, comme l’a souligné Éric Trappier, le patron de Dassault Aviation, lors d’une récente audition au Sénat. « Sur la taxonomie, je rappelle que si en Europe la stigmatisation des industries de défense a été mise de côté, il n’en reste pas moins qu’à Bruxelles et au Parlement européen en particulier de nombreux discours critiquent l’industrie de défense. Ce type de discours profite aux Américains ou à nos ennemis », a-t-il avancé.

Et d’insister : « La taxonomie sociale a été mise de côté mais n’en demeure pas moins une ambiance de méfiance vis-à-vis des industries de défense. Il faudrait pouvoir être fier de contribuer à développer des matériels militaires dans un cadre démocratique, au lieu d’être montrés du doigt. Analysons ceux qui montrent du doigt : d’où viennent-ils? Qui sont-ils? On serait surpris de voir que certains attaquent plutôt l’Europe que leur propre pays ».

À ces questions, les sénateurs de la commission des Affaires étrangères et de la Défense ont quelques idées de réponses.

Les « difficultés d’accès aux financements privés résultent de la prise en compte par les acteurs concernés de deux risques : un risque juridique – et force est de constater que les investisseurs privés sont soumis à un nombre croissant de règles et normes contraignantes – et un risque d’image, ‘réputationnel’, alimenté en partie par certaines organisations non-gouvernementales [ONG] et des lobbies », a ainsi affirmé Pascal Allizard, co-auteur, avec Yannick Vaugrenard d’un rapport d’information sur le programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense », remis à l’occasion de l’examen du projet de Loi de programmation militaire [LPM] 2024-30.

« Cela nous a été très clairement expliqué lors de nos auditions : certaines ONG, qui n’en ont que le nom, sont financées par certains pays et ont pour seul objectif de nuire à la BITD européenne et française. À cet égard, les textes en matière environnementale, sociale et de gouvernance, tels que les projets de taxonomie ou d’écolabels, constituent de véritables épées de Damoclès pour la BITD », a ensuite accusé M. Allizard.

Aussi, selon M. Vaugrenard, le rapport recommande de « pousser la Banque Européenne d’Investissement à revoir sa politique interne qui lui interdit actuellement de financer des investissements dans le secteur de la défense », ce qui serait un « signal fort à l’égard des investisseurs privés », et appelle à « établir une cartographie précise des ONG et lobbies actifs en matière ESG et dont l’action peut avoir des conséquences sur notre industrie de défense ».

Pour le sénateur Cédric Perrin, très au fait de ces questions, il « faut arrêter de croire que les conseils d’administration des banques décideraient spontanément, du jour au lendemain, d’arrêter de financer les entreprises de la défense ». Et d’ajouter : « Il y a une pression exercée par certaines ONG qui, j’imagine, sont financées par des pays étrangers. Il me semble qu’il faut désormais mettre des noms sur ces organisations qui n’ont aucun intérêt à ce que notre BITD se développe ».

Et pour M. Perrin, il faudrait commencer ce travail sans tarder. « Le problème de financement touchait d’abord les PME puis les entreprises de taille intermédiaire, désormais même les grands groupes sont victimes de ces cabales contre la défense qui sont parfaitement orchestrées ».

Pour le président de la commission des Affaires étrangères et de la Défense, Christian Cambon, c’est un « vrai sujet ». « Nous savons que des pays qui veulent nuire à nos industries se servent de certaines ONG. Même si la plupart d’entre-elles sont évidemment respectables et font un travail essentiel, d’autres sont cependant instrumentalisées pour pousser ces projets de taxonomie dans un sens défavorable à notre BITD ».

Cela étant, le rôle trouble tenu par certaines ONG dans les « attaques réputationnelles » contre la BITD française n’est pas une nouveauté. Il avait d’ailleurs été pointé par le général Éric Bucquet, quand il était à la tête de la Direction du renseignement et de la sécurité de la Défense [DRSD, contre-espionnage et contre-ingérence]. « Je pense que lorsqu’une ONG bloque un port français pour empêcher l’exportation d’armes, il y a un intérêt économique derrière, la difficulté étant de le prouver » et « si les militants agissent en toute innocence, avec naïveté, les financements, eux, proviennent parfois de puissances qui œuvrent contre les intérêts de la France », avait-il expliqué aux députés.

Comment l’Allemagne finance l’affaiblissement du nucléaire français. Entretien avec le CI2S

Comment l’Allemagne finance l’affaiblissement du nucléaire français. Entretien avec le CI2S

 

par Comité d’Intelligence Stratégique pour la Souveraineté CI2S – Revue Conflits – publié le 8 mai 2023

http://Comment l’Allemagne finance l’affaiblissement du nucléaire français. Entretien avec le CI2S


En 2020, l’Allemagne remporte une victoire décisive : la fermeture de la centrale de Fessenheim. Alors que le parc nucléaire français est mal en point, Berlin en profite pour multiplier les actions dans le but d’affaiblir l’industrie française du nucléaire. Pour sauver sa compétitivité économique, l’Allemagne finance des fondations politiques qui mènent des opérations d’influence anti-nucléaire sur le territoire français et à l’étranger, notamment auprès des fournisseurs d’uraniums. Enquête sur cette croisade contre l’atome français.

Rapport d’investigation réalisé par Comité d’Intelligence Stratégique pour la Souveraineté (CI2S) disponible ici, publié par le média Souveraine Tech. Actuellement, l’ancien ministre François Goulard se concentre sur ces questions.

Propos recueillis par Côme de Bisschop.

Ce samedi 15 avril, vingt et un ans après sa décision de sortir de l’atome, l’Allemagne a définitivement débranché ses trois derniers réacteurs nucléaires en activité. Comment l’opinion publique allemande est-elle devenue farouchement antinucléaire ? 

L’opposition de l’opinion publique allemande à l’atome se développe durant la guerre froide. Si elle concerne initialement le nucléaire militaire (notamment au travers de mouvements pacifistes parfois instrumentalisés par les Soviétiques comme ce fût le cas lors de la crise des Euromissiles), elle s’étend progressivement au domaine civil, notamment après l’accident de Tchernobyl. Dès lors, l’atome inspire une telle criante qu’on trouve des livres “traumatisants” destinés à enseigner la peur du nucléaire à la jeunesse. On peut notamment citer les ouvrages de Gudrun Pausewang qui contenaient des descriptions détaillées d’enfants agonisant à la suite d’un “Tchernobyl géant” en Allemagne et qui furent mis au programme par de nombreux instituteurs de l’époque.

Depuis, le sujet du nucléaire n’a pas disparu des débats publics. Il a notamment été utilisé par des partis politiques, à l’instar de Die Grunen, comme cheval de bataille électoral. Tous ces éléments contribuent au développement d’une psychose autour de la question nucléaire. Celle-ci fut notamment observable à l’issue de l’accident de Fukushima en mars 2011 lorsqu’une frénésie s’empara de l’opinion publique allemande. Cela poussa Angela Merkel à accélérer l’abandon de l’atome face à la menace d’un revers politique au profit de Die Grunen lors des élections suivantes.

Les fondations politiques sont des acteurs spécifiques de la politique étrangère allemande. Ces dernières sont-elles des agents d’influence de l’État allemand ? En vue de quels objectifs agissent-elles ?

Les fondations politiques sont une spécificité du système allemand qui ne trouve pas vraiment d’équivalent dans le reste du monde. Il s’agit de structures parapolitiques, financées majoritairement par l’État et rattachées à un parti politique allemand. On compte 7 fondations, la fondation Friedrich Ebert (SPD), la fondation Konrad Adenauer (CDU), la fondation Friedrich Naumann (FDP), la fondation Hans Seidel (CSU), la fondation Rosa Luxembourg (PDS/Die Linke), la fondation Heinrich Böll (Les Verts) et la fondation Desidarius Erasmus (AfD). Elles fonctionnent sur un modèle assimilable à celui d’un think tank avec comme objectif déclaré la promotion d’une ligne idéologique proche de celle de leur parti de rattachement. Elles agissent sur le sol allemand, mais également à l’international. Bien que revendiquant une indépendance vis-à-vis de l’État fédéral, l’examen empirique de l’action des fondations depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale met en lumière leur rôle d’agent d’influence aligné sur les intérêts allemands.

Dès les années 50, les fondations sont massivement employées par la République Fédérale Allemande dans sa stratégie de lutte contre l’influence communiste, notamment contre celle de la RDA face à qui elle souhaite incarner “l’Allemagne légitime”. Les fondations sont notamment employées en Amérique du Sud où leur efficacité est tel qu’elles serviront de modèle à des expériences telles que la National Endowment for Democracy, une structure financée par le gouvernement américain, et impliquée dans de nombreuses opérations de déstabilisation de régimes étrangers. L’État allemand est particulièrement satisfait de l’action des fondations. Il loue dans un rapport leur capacité à “influencer le développement de pays à travers une orientation de leurs élites dans un sens sociopolitique déterminé”, mais également le fait que leur emploi permet de dissimuler l’implication du gouvernement fédéral. Par moment, l’État estime même que l’emploi des fondations politiques est plus efficace que celui de ses services secrets.

En 1996, le Président fédéral Roman Herzog déclare considérer les fondations comme “l’un des instruments les plus efficaces et éprouvés de la politique étrangère allemande, si on ne se limite pas aux seules méthodes et au savoir traditionnel de la diplomatie”. Depuis la fin de la Guerre froide, les fondations politiques ont été engagées en Europe de l’Est dans des opérations “d’européanisation” des sociétés et de rapprochement des élites politiques avec l’Allemagne ; en Afrique, afin d’appuyer la politique étrangère allemande ; dans les États des printemps arabes afin de peser sur les modalités de fonctionnement des nouvelles institutions et, plus récemment, en France afin de pousser Paris à renoncer à l’énergie nucléaire.

La liste ci-dessus est loin d’être exhaustive, les fondations politiques allemandes mènent des actions partout dans le monde avec la bénédiction d’un État allemand particulièrement satisfait n’ayant de cesse d’augmenter leur budget.

Vous précisez que les fondations politiques doivent la quasi-totalité de leur budget à l’État allemand. Ce dernier est-il ainsi le commanditaire du projet qu’il finance ?

Il existe deux modes de financement des fondations politiques par l’État allemand. Le premier est un financement de droit calculé en fonction des résultats du parti politique de rattachement de la fondation sur les quatre derniers scrutins législatifs. Le second, et principal mode de financement des fondations pour leurs actions à l’étranger, est une attribution de fonds dédiée à une initiative spécifique : une fondation politique présente un projet à un ministère et celui-ci décide s’il accepte ou non de le financer.

Dans ce cadre, l’État allemand, par l’intermédiaire de son ministère, peut être qualifié de commanditaire du projet. Bien qu’il n’en soit pas l’architecte premier, il n’en demeure pas moins le principal financeur et un acteur central sans qui l’entreprise ne pourrait se concrétiser. Il est important de souligner que le ministère sollicité contrôle le projet en amont et est entièrement libre de refuser d’accorder des fonds. Ainsi, lorsque les ministères du Développement et des Affaires étrangères financent des projets d’influence visant à entraîner des “transformations socio-écologiques”, ils le font en toute liberté et en toute connaissance de cause.

Quels sont les objectifs de l’Allemagne dans ses exercices d’affaiblissement de la filière nucléaire française ? Est-ce pour rattraper l’avantage concurrentiel français ou pour convertir ses voisins limitrophes à cette peur de la potentielle catastrophe ?

Si la peur du nucléaire au sein de l’opinion publique allemande peut pousser Berlin à voir d’un mauvais œil le développement de l’atome dans un pays limitrophe, la principale raison des manœuvres d’affaiblissement de la filière nucléaire française reste économique. L’abandon de l’atome par l’Allemagne en 2011 supposait une hausse durable des coûts de l’énergie. Si cette augmentation était problématique pour les ménages, elle était catastrophique pour le tissu industriel allemand qui allait voir sa compétitivité s’effondrer, notamment par rapport à l’industrie française qui, n’ayant pas abandonné le nucléaire, n’allait pas voir ses coûts de production exploser.

À cette époque, l’obstacle se tenant entre l’Allemagne et un déclassement industriel majeur se résume au marché commun de l’énergie (adopté en 2007 sous présidence allemande) et à ses mécanismes permettant de juguler la hausse des prix, mais dont la pérennité sur le temps long n’est en rien assurée (en témoignent les débats actuels autour de l’ARENH). N’ayant pas les moyens de compenser les avantages octroyés à l’industrie française par l’utilisation du nucléaire, Berlin tente donc de pousser Paris à y renoncer.

Certaines de ses fondations politiques sont particulièrement actives dans la lutte contre la filière nucléaire française en utilisant des relais médiatiques et associatifs. Comment arrivent-elles à propager le paradigme antinucléaire au sein de l’opinion publique française ?

La fondation politique la plus active sur le territoire national est la Fondation Heinrich Böll. Sa stratégie d’influence vise à propager le paradigme antinucléaire au sein de l’opinion publique française et conjugue une approche directe et une approche indirecte. L’approche directe consiste à produire et diffuser de la doctrine pseudoscientifique militante visant à diaboliser le secteur nucléaire. Ces productions, souvent alarmistes et manichéennes, ont pour objectif de jouer sur la perception du grand public afin que celui-ci ne voit plus dans l’atome qu’une énergie du passé, dangereuse, qu’il serait vital d’abandonner. L’approche indirecte se traduit par le financement de structures tierces, notamment d’associations militantes. La Fondation Heinrich Böll finance ainsi, et ce depuis plusieurs années, le Réseau Action Climat. Il s’agit d’une fédération regroupant une trentaine d’associations écologistes et enregistrées en tant que représentante d’intérêts auprès de la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique.

Cela étant, l’intérêt majeur du Réseau Action Climat et de ses associations membres réside dans leur capacité à mener des actions militantes “choc” à fort impact médiatique. Ces dernières, dont la conduite est impossible pour la Fondation Heinrich Böll du fait de ses faibles effectifs et de son positionnement, permettent de provoquer l’irruption du sujet nucléaire dans le débat public sous un angle négatif, bien plus émotionnel que rationnel. Ces actions sont doublement efficaces, car elles permettent également de “rabattre” les tiers vers la documentation d’influence élaborée par la Fondation Heinrich Böll, favorisant, par voie de conséquence, la propagation du paradigme antinucléaire au sein de la société française.

Selon la stratégie adoptée par ces fondations politiques, cette stigmatisation massive du nucléaire au sein de l’opinion publique française doit mener à un abandon de la filière par les autorités publiques. La bataille idéologique du nucléaire peut-elle être remportée en dissuadant l’opinion publique plutôt que les dirigeants politiques ?

La conquête de l’opinion publique est une excellente stratégie d’influence, particulièrement dans un système démocratique. La population est ici un effecteur à instrumentaliser afin de faire pression sur l’ensemble du paysage politique. Il convient de rappeler qu’en 2011, c’est la peur de l’opinion publique et des conséquences électorales liées qui ont poussé Angela Merkel à accélérer la sortie du nucléaire. Mme Merkel était loin d’être une dogmatique anti-atome. En effet, 6 mois auparavant, son gouvernement avait fait passer une loi sur l’allongement du temps de fonctionnement des centrales nucléaires qu’elle avait qualifié de “révolution énergétique”.

De plus, la Fondation Heinrich Böll est loin d’avoir délaissé le monde politique. Elle entretient d’excellentes relations avec Europe Ecologie Les Verts. En mars dernier, le Vice-Président de l’antenne parisienne de la fondation a ainsi été le premier intervenant lors d’une conférence de presse au siège d’EELV censée marquer le début de ce que Marine Tondelier a elle-même qualifié de “contre-offensive culturelle” contre le nucléaire.

Les associations antinucléaires comme « GreenPeace France » ou « Les Amis de la Terre » sont financées par des fondations politiques allemandes, elles-mêmes financées par l’État allemand. Notre voisin d’outre-Rhin nous a-t-il déclaré une guerre idéologique en s’infiltrant au sein de la société française pour affaiblir le fleuron de notre industrie qu’est l’énergie nucléaire ?

Les stratégies d’influence mises en place par l’Allemagne s’apparentent moins, du fait de leur effet final recherché, à des actions de guerre idéologique qu’à des manœuvres de guerre économique. Bien qu’il serait exagéré d’affirmer que Berlin nous mène une guerre économique, le bon sens nous pousse à rappeler la propension de l’Allemagne à prioriser ses intérêts, et ce, même au détriment de ses “alliés proches”.

Il n’est pas question de faire ici de “l’anti-germanisme primaire”, il n’en demeure pas moins essentiel, à nos yeux, d’insister sur la nécessité d’une prise de conscience quant à l’asymétrie demeurant entre l’Allemagne et la France à l’importance accordée  à la notion de “couple franco-allemand”, un concept vraisemblablement tombé en désuétude outre-Rhin.

Les fondations politiques allemandes œuvrent également à l’étranger. Comment la Fondation Rosa Luxemburg, par exemple, attaque-t-elle le problème à la source en menant des opérations d’influence auprès des fournisseurs d’uranium ?

Contrairement à la Fondation Heinrich Böll évoquée précédemment, la Fondation Rosa Luxemburg ne mène pas d’action importante sur le territoire français. Cela étant, elle joue tout de même un rôle dans la stratégie d’affaiblissement de la filière nucléaire française. Elle œuvre notamment à dégrader les relations entre la France et ses fournisseurs de matière première nucléaire. Dernièrement, la Fondation Rosa Luxemburg a particulièrement ciblé la relation entre la France et le Niger, un pays qui, en 2020, a pourvu a plus d’un tiers des besoins français en uranium. Pour cela, la fondation élabore et diffuse de la doctrine d’influence particulièrement virulente contre la France. Elle y développe un narratif caricatural qui accuse Paris de mener une politique néocoloniale aux dépens de Niamey.

La Fondation Rosa Luxemburg cherche ici à capitaliser sur le sentiment anti-français s’étant développé en Afrique de l’Ouest. Elle aspire à stigmatiser la France dans l’espoir de dégrader les relations entre Paris et Niamey afin de perturber la chaîne d’approvisionnement de la filière nucléaire française en uranium. Il est par ailleurs pertinent de souligner que l’élaboration et la diffusion de cette documentation d’influence sont officiellement financées par le ministère fédéral allemand de la Coopération économique et du Développement. Il n’est pas question ici d’affirmer que les modalités d’exploitation des mines nigériennes par Orano seraient au-dessus de toute critique. Il est question de déterminer s’il est acceptable ou non qu’un État finance au travers d’un organe parapolitique des manœuvres de perturbation de l’approvisionnement d’une filière stratégique d’un de ses prétendus alliés proches.

Les « actions hostiles » visant l’industrie de l’armement se multiplient, selon la Direction de la sécurité de la Défense

Les « actions hostiles » visant l’industrie de l’armement se multiplient, selon la Direction de la sécurité de la Défense

 


Alors qu’il est désormais question « d’économie de guerre », les projets européen de taxonomie, qui visent à classer les entreprises selon leur impact sur l’environnement et des critères sociaux, pourraient contrarier davantage l’accès des industriels de l’armement au crédit. Crédit que, par ailleurs, de plus en plus d’établissements financiers rechignent à leur accorder, en raison de règles de conformité réglementaire [compliance] très strictes… et, parfois, de pressions de la part de certaines ONG.

« La taxonomie est une réalité de plus en plus pressante. Le léger assouplissement lié au choc de l’invasion russe n’a pas empêché un retour à la tendance : on continue à pointer du doigt l’industrie de défense comme non durable. Cela touche le financement mais aussi, plus largement, l’ensemble des acteurs susceptibles de participer à l’industrie de défense », a ainsi récemment expliqué Emmanuel Levacher, le Pdg d’Arquus, lors d’une autidion au Sénat.

Visiblement, cette situation est loin de déplaire à tout le monde. « Derrière la taxonomie se cachent des représentants d’intérêt, essentiellement à Bruxelles, qui nous nuisent directement, et qui sont financés par des puissances, supposément amies ou non. […] Nous sommes, là aussi, victimes de notre naïveté », a en effet affirmé le sénateur Pascal Allizard, lors de l’examen en commission d’un rapport sur le soutien de la politique de la défense.

Ces « représentants d’intérêt », le député Christophe Passard les a évoqués dans un rapport sur le financement de l’économie de guerre. « Compte tenu du lobbying intense dont les institutions européennes font l’objet, l’image et les intérêts de la défense doivent être mieux défendus à Bruxelles », a-t-il écrit.

Cela étant, et outre les difficultés potentielles de financement, la Base industrielle et technologique de défense [BITD] française fait face à d’autres « actions hostiles », comme l’a souligné le général Philippe Susnjara, le patron de la Direction du renseignement et de la sécurité de la Défense [DRSD – service de contre-espionnage et de contre-ingérence, ndlr], lors de son audition à l’Assemblée nationale dans le cadre de l’examen du projet de Loi de programmation militaire [LPM] 2024-30.

Pour les années à venir, la DRSD a identifié quatre axes d’effort, dont l’adaptation, en matière de contre-ingérence, aux nouvelles conflictualités liées notamment à la Chine et à Russie, la montée en puissance du « cyber », la prévention du terrorisme et de la radicalisation et la protection des entreprises de la BITD, lesquelles font face à une « forte progression des actions hostiles ».

« Les tentatives de prédation et de déstabilisation de la base industrielle et technologique de Défense se sont multipliées. Elles prennent la forme d’ingérences légales, au travers des normes et de la réglementation, ou extralégales, avec, par exemple, des attaques contre la réputation d’une entreprise concourrant à un marché, des captations d’informations, l’affaiblissement d’un concurrent etc », a expliqué le général Susnjara.

« L’augmentation du budget de la défense et la mise en avant des matériels occidentaux aiguisent certains appétits. Dans ce domaine, la Chine représente la menace principale : elle agit dans de nombreux secteurs, pas uniquement celui de la défense, et se montre particulièrement intrusive dans la recherche », a-t-il poursuivi. En clair, il s’agit ni plus ni moins que d’espionnage industriel…

« Nous devons nous montrer vigilants sur les normes et les réglementations, notamment anglo-saxonnes, car la Chine et d’autres pays souhaitent se doter de moyens importants en la matière », a ajouté le général Susnjara, en soulignant la coopération étroite de la DRSD avec Tracfin et la Direction générale de la sécurité intérieure [qui a repris la mission de contre-espionnage de l’ex-Direction de la surveillance du territoire].

Ces « actions hostiles » ne visent pas seulement les grands groupes… Mais aussi – et sans doute surtout – leurs sous-traitants et fournisseurs, qui, connus pour posséder des savoir-faire particuliers, peuvent constituer un maillon faible. « À cet égard, notre objectif est de se doter d’un outil utilisant la cartographie en 3D et la technologie des jumeaux virtuels pour disposer d’une meilleure vision de l’ensemble des installations et d’une connaissance en temps réel et à jour de nos niveaux de protection », a précisé le général Susnjara.

S’agissant de la contre-ingérence informationnelle, la DRSD s’attache à déterminer dans « quelle mesure certains acteurs peuvent attaquer la réputation d’une entreprise et divulguer de fausses informations, par exemple pour l’empêcher d’obtenir un marché », a continué son directeur.

« Une petite cellule suit ces dossiers, notre objectif étant, dans l’année qui vient, de nous brancher sur ceux, dans la sphère institutionnelle ou industrielle, qui mènent déjà des actions très intéressantes. Les grands groupes font déjà de la veille informationnelle, mais pas forcément dans leur chaîne logistique. Comme pour le cyber, il peut y avoir des attaques contre les petites entreprises, qui sont des maillons de cette chaîne, pour contourner la protection que déploient les grandes sociétés », poursuivi le général Susnjara.

Enfin, les entreprises de la BITD seraient également susceptibles de faire l’objet d’actes hostiles en lien avec le contexte politique et sociétal français.

« Nous suivons l’ensemble de la radicalisation, qui se développe malheureusement dans la société actuelle », a dit le DRSD. « Nous suivons la présence de l’ultradroite au sein des armées, mais il n’y a pas de sujet particulier. Nous prenons les mesures d’entrave, en lien avec le commandement, lorsqu’elles sont nécessaires. Et nous agissons de la même façon avec l’islam radical », a-t-il expliqué.

Le problème ne se pose pas dans les mêmes termes avec l’ultragauche. Avec celle-ci, a développé le général Susnjara, « nous avons plutôt affaire à des gens qui pourraient viser la BITD ou les institutions de l’extérieur : là, nous travaillons de manière coordonnée avec les autres acteurs du renseignement ».