Le ministère allemand de la Défense a notifié les premiers contrats pour le futur char Leopard 3

Le ministère allemand de la Défense a notifié les premiers contrats pour le futur char Leopard 3


Comme l’a répété la Direction générale de l’armement [DGA] à l’occasion de la commande des 100 derniers chars Leclerc devant être portés au standard XLR, le ministère des Armées n’envisage pas, pour le moment, de financer une solution « intérimaire » permettant d’attendre 2045 et la mise en service du Système principal de combat terrestre [MGCS – Main Ground Combat System], dont le développement fait l’objet d’une coopération entre la France et l’Allemagne.

Pour rappel, comme le prévoit un protocole d’accord signé en avril dernier par le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, et son homologue allemand Boris Pistorius, ce projet doit être réorganisé selon huit piliers capacitaires afin de garantir un partage des tâches à 50-50 entre les industriels des deux pays. Cependant, certains choix technologiques ne seront confirmés qu’à l’issue d’évaluations technico-opérationnelles. Ce sera ainsi le cas pour l’armement principal du futur char de combat de ce « système de systèmes ».

Sur ce point, deux solutions sont en lice. Ainsi, KNDS France défend son système ASCALON [Autoloaded and SCALable Outperforming guN], qui a la particularité de pouvoir tirer des obus de 120 ou de 140 mm, tandis que Rheinmetall entend imposer son canon de 130 mm, par ailleurs censé équiper le char KF-51 Panther. « Censé » car les deux pays qui l’ont choisi, à savoir la Hongrie et l’Italie ont préféré s’en tenir au traditionnel canon de 120 mm pour le moment.

Quoi qu’il en soit, lors de l’examen du projet de loi de finances 2025, l’automne dernier, plusieurs rapports parlementaires ont insisté sur la nécessité de soutenir l’ASCALON en s’appuyant sur char E-MBT du groupe KNDS ou sur une évolution du Leclerc. Ce qui est donc exclu pour le moment, même si le Délégué général pour l’armement, Emmanuel Chiva, a admis que « la question de la prolongation du char Leclerc jusqu’en 2040 [était] aujourd’hui identifiée ».

Outre-Rhin, on estime, au contraire, qu’une « solution de pont » permettant d’attendre le MGCS est nécessaire. Et celle-ci ne reposera pas sur le Leopard 2A8, c’est-à-dire la dernière version du char Leopard 2.

Chef des opérations de l’équipe du projet MGCS au sein de l’Office fédéral de l’équipement de la Bundeswehr, des technologies de l’information et de l’appui en cours d’emploi [BAAINBw], le colonel Armin Dirks n’avait laissé aucun doute à ce sujet lors de la dernière conférence annuelle « International Armoured Vehicle », organisée au Royaume-Uni, en janvier.

Alors qu’il est question d’un Leopard 2AX [ou Leopard 3, tant les évolutions attendues seront importantes] depuis plusieurs mois, le BAAINBw vient de notifier plusieurs contrats pour développer cette « solution de pont ». C’est en effet ce que vient de révéler la presse spécialisée allemande, sur la foi d’avis d’attribution de marché publiés le 5 février via la plateforme européenne « EU Tenders » [ou TED].

Ainsi, ce Leopard 3 devrait être armée d’un canon de 130 mm étant donné que Rheinmetall s’est vu notifier des contrats pour mener des études techniques en vue de développer au moins trois modèles d’obus de ce calibre.

« Cela suggère qu’une décision préliminaire a été prise en faveur du canon de 130 mm de Rheinmetall, au moins pour la solution du pont et peut-être même pour le MGCS » a résumé Europaïsche Sicherheit & Technik [ESUT].

En outre, le BAAINBw a retenu Hensoldt et KNDS Deutschland pour mener des études sur un nouveau système de conduite de tir.

La première vise à mettre au point un « système de réglage automatique sur le terrain » pouvant être adapté « à toutes les variantes du Leopard 2 » avec un canon de 120 mm et quelle que soit la variante de l’ordinateur de contrôle de tir. Quant à la seconde, confiée à KNDS Deutschland, elle doit permettre de « corriger automatiquement les influences thermiques sur le canon, lesquelles sont susceptibles de réduire sa précision ».

Enfin, KNDS Deutschland a également été chargé de développer un nouveau groupe motopropulseur, appelé OLYMP. D’après des sources sollicités par Hartpunkt, le moteur serait produit par Liebherr, qui « motorise » déjà les véhicules de combat d’infanterie Marder 1 et Lynx KF41.

« Dans le cadre de l’étude visant à augmenter l’agilité de la chaîne cinématique, un moteur alternatif [moteur à combustion] doit être développé. Il convient d’utiliser autant de composants du système existant [pièces identiques] que possible », a précisé le BAAINBw dans son avis de marché.

Les résultats de ces études devront être communiqués en novembre 2026, au plus tard. Ce qui est conforme au calendrier qui avait été évoqué par ESUT en janvier dernier, l’objectif étant de mettre en service ce Leopard 3 au début des années 2030.

Décollage réussi pour le missile Akeron LP

Décollage réussi pour le missile Akeron LP

– Forces opérations Blog – publié le

Décollage réussi pour le missile Akeron LP de MBDA, dont un prototype a été tiré pour la première fois dans le cadre du programme « missile air-sol tactique futur » (MAST-F) piloté au nom de la France par l’Organisation conjointe de coopération en matière d’armement (OCCAr).

Annoncé hier, ce tir a été réalisé depuis le sol sur un site de DGA Essais de missiles. Il aura permis de valider le comportement de l’Akeron LP (ou « missile haut de trame » pour les armées françaises) selon une trajectoire type ainsi que le tube en vue d’une future séparation depuis une plateforme. Un prélude, a première vue, au premier tir depuis un hélicoptère d’attaque Tigre. 

Cet aura également participé à consolider l’aérodynamique et le guidage du missile, explique l’OCCAr. Il aura par ailleurs confirmé la poussée du propulseur conçu pour fournir l’accélération initiale ainsi que celle du système de propulsion principal, qui assure au missile sa portée de 8 km. La sécurité relevant des mécanismes d’ouverture des ailettes et dérives a elle aussi été validée. 

Retenu en 2020 pour armer le Tigre rénové, le missile Akeron LP devrait en théorie être qualifié l’an prochain pour ensuite basculer sur des livraisons à compter de 2028. Son horizon a été élargi en juillet 2022 à un emploi depuis le drone MALE européen développé en coopération avec l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne. 

« Ce tir réussi est un beau succès pour le programme MAST-F piloté par l’OCCAr pour la France. Grâce à la grande coopération et à l’implication étroite de tous les acteurs clés (MBDA et ses sous-traitants, la DGA et l’OCCAr), ce succès constitue une avancée importante pour le développement de ce nouveau système d’arme », s’est félicitée l’organisation. 

Reste que la position française demeure ambiguë en ce qui concerne son intégration effective dans l’arsenal des armées. La poursuite du programme Tigre Mk III avec l’Espagne mais sans l’Allemagne s’est soldée par une réduction des ambitions d’améliorations capacitaires au détriment, essentiellement, des missiles. 

« Le programme MAST-F a ainsi été réorienté, en cohérence avec cette hypothèse, vers l’acquisition de missiles sur étagère », indiquait le ministère des Armées à l’automne dernier. L’échéancier sera donc mis à jour selon cette hypothèse. La perspective d’un abandon n’aura pas échappé aux parlementaires, ceux-ci pointant une baisse drastique des crédits alloués à ce programme en 2025. 

Crédits image : DGA

Planeur logistique, leurres et protection anti-drones dans le viseur de l’armée de Terre

Planeur logistique, leurres et protection anti-drones dans le viseur de l’armée de Terre

– Forces opérations Blog – publié le

Un troisième appel à manifestation d’intérêt a été émis par le cluster IDEA3 de la Direction générale de l’armement (DGA). Parmi la dizaine de nouvelles thématiques, la moitié tentera de répondre à plusieurs besoins de l’armée de Terre en matières de logistique et de survivabilité. 

Un pont aérien 2.0

IDEA3, pour « Innovations en DSPO des Equipements Aéronautiques et des Aéronefs et en Aéromobilité », c’est ce pôle d’innovation technique de défense créé en 2019 en Occitanie avec pour enjeu de fédérer et susciter l’innovation dans les domaines de l’aéronautique et l’aéromobilité. Adossé à DGA TA, il rassemble notamment l’armée de Terre, la 11e brigade parachutiste et le commandement des actions spéciales Terre (ex-CFST). 

Après deux appels lancés en 2020 et 2022, le troisième rassemble huit axes d’effort dont quatre pourraient, en cas de succès, bénéficier à l’armée de Terre. Si l’un se focalise sur la préservation de la biodiversité sur les camps militaires, les trois autres ont une finalité opérationnelle. C’est le cas de ce planeur largable à bas coût rechercher pour ravitailler les forces tout en évitant d’amener un aéronef à proximité de la défense sol-air adverse. Autant de besoins qui trouvent une nouvelle résonance au vu des conflits récents. 

Lancé depuis la soute d’un A400M, le planeur souhaité devra être mesure d’amener plus de 700 kg ou minimum 1 m3 de charge utile à plus de 70 km de manière automatique. Plusieurs systèmes pourront être largués en série. Manoeuvrant, l’outil est aussi potentiellement « jetable » et ne devra donc embarquer ni système, ni données sensibles récupérables après l’atterrissage. La première phase du projet visera à concevoir un prototype fonctionnel, à en réaliser la démonstration en vol puis à fournir quatre exemplaires pour des essais réalisés à partir d’un avion militaire. 

L’armée de Terre voit plus loin et projette d’emblée une seconde phase portant sur l’acquisition d’une capacité initiale de 30 à 90 planeurs dont il faudra détailler le coût et les délais de livraison. Le besoin porterait ensuite sur une dizaine de planeurs par an, des exemplaires de série dont le prix unitaire serait plafonné à 50 000€. De quoi matérialiser un pont aérien dronisé particulièrement intéressant pour des régiments parachutistes sans doute plus exposés que d’autres aux problématiques de ravitaillement. 

Cette piste du planeur, l’armée américaine la poursuit depuis au moins une décennie. Plusieurs pistes ont déjà abouties, à l’instar du système GD-2000 de Silent Arrow. Certifié sur A400M, ce dernier est capable de transporter près de 700 kg de fret sur plus de 60 km. Le planeur LG-2K RAIN de Logistics Glider livrerait quant à lui jusqu’à 725 kg de matériels à environ 120 km. 

Le planeur logistique GD-2000, ici lancé depuis un avion C-27J lors d’essais effectués par le 1st Special Forces Group de l’US Army
Crédits image : Crédit image : US Army / 1st SFG

Leurrer et protéger face aux drones

Souvent résumée aux missiles, canons antiaériens et autres systèmes de brouillage, la lutte antidrones s’étend pourtant à d’autres solutions davantage passives. Deux autres voies sont désormais à l’étude au sein du pôle IDEA3 au profit de l’armée de Terre, voire de tout militaire déployé en opération. L’une consistera à leurrer, l’autre à protéger. 

« L’arrivée massive sur le champ de bataille de drones aériens notamment, réduit considérablement la durée de survie du personnel et du matériel au combat. En attirant une partie des vecteurs ciblant la force amie, sur des leurres, nous augmenterions considérablement ses chances de survie », estime l’armée de Terre. 

Semer la confusion, inciter l’ennemi à gâcher une partie de sa puissance de feu, tromper tant les capteurs que l’oeil humain et, in fine, renforcer la survivabilité : voilà la mission qui serait confiée à des leurres reproduisant l’aspect visuel, la signature électromagnétique, infrarouge et/ou thermique d’un combattant débarqué, de petits équipements et jusqu’aux matériels lourds de type véhicule, poste de commandement et stock de munition. Autonome sur le plan énergétique, ces leurres devront également pouvoir être déployés en quelques minutes tout en résistants aux conditions environnementales et climatiques. Qu’ils soient à l’état de prototype ou disponible sur étagère, les armées n’excluent rien. 

Et si la DSA et la déception ne suffisent pas, reste l’option du bouclier. Omnidirectionnelles, les attaques de drones « se caractérisent par une vitesse et une létalité qui s’accroissent chaque jour, d’où la nécessité de doter les soldats de moyens de défense proportionnels et efficaces », observe le cluster IDEA3. 

La réponse envisagée ? Une protection anti-drones susceptible de dissiper l’énergie d’une explosion équivalente à 2 à 3 kg de TNT. Une protection qui serait déclinée en une version pour combattant débarquée dotée d’ouvertures pour l’observation et le tir, et une version sans ouverture pour le matériel volumineux. Une « carapace » dotée à première vue d’une certaine souplesse et contribuant au passage à la furtivité optique et infrarouge de ce qu’elle recouvre. Le tout, tant transportable que déployable et reconfigurable quasi instantanément par un seul combattant. 

Succincte, la définition du besoin s’assortit néanmoins d’un mort d’ordre devenu récurrent : « Soyez créatifs et novateurs ! ». L’armée de Terre entend aboutir sur un prototype fonctionnel pour chaque version. Les questions de coût unitaires et de production en série sont là aussi évoquée au sein d’une phase ultérieure, avec des volumes indicatifs atteignant les 10 000 exemplaires. Intéressé par l’une de ces thématiques ? Plus d’infos ici.

Une commande mais pas que !

Une commande mais pas que !

par Blablachars- publié le 29 janvier 2025

https://blablachars.blogspot.com/2025/01/une-commande-mais-pas-que.html#more


On a appris avant-hier la notification fin 2024 par la Direction Générale de l’Armement à KNDS France d’une commande portant sur la rénovation de 100 chars Leclerc, après les 50 exemplaires commandés en 2021 et 2022. Cette nouvelle commande porte à 200 le nombre de chars rénovés, cible dont l’atteinte est prévue au cours de la prochaine Loi de Programmation Militaire (LPM) 2030-2035. La LPM actuelle prévoyant la « scorpionisation » de 160 chars à l’horizon 2030. Cette commande qui s’inscrit dans le cadre du programme Scorpion a le mérite d’assurer la visibilité du plan de charge du site de Roanne au sein duquel est réalisée la rénovation du Leclerc, interroge également sur les intentions de la DGA pour l’avenir du char. 

Les commentaires accompagnant l’annonce de cette notification ne peuvent que tempérer l’enthousiasme des partisans les plus optimistes du char français, soucieux de son avenir. En effet, il est clairement expliqué que « les travaux de rénovation […] permettront au char Leclerc de rester en service jusqu’à l’arrivée du futur système de combat terrestre Main Ground Combat System ou MGCS ». Ce commentaire plutôt laconique est la confirmation des propos du Général Schill à Eurosatory qui avait fermé la porte à toute autre rénovation du Leclerc, condamné à attendre l’arrivée de son successeur et surtout à vieillir loin des préoccupations de la DGA et de l’armée de terre. La commande de la DGA apparait comme le dernier clou du cercueil du char français, entérinant la modernisation jusqu’à 2035 et ne laissant donc aucune place à une éventuelle solution de rechange. On ne peut qu’admirer la délicatesse de la manoeuvre de cette administration qui n’a jamais considéré le segment de décision comme une priorité, comme en témoigne la revalorisation du char et celle du dépanneur réalisées toutes deux a minima et faisant fi de tous les observations des conflits en cours. 

 

 

Alors que chaque jour apporte son lot de propos et de déclarations sur les tensions actuelles et les risques de survenue d’un conflit de haute intensité, la France continue à développer un segment médian que tout le monde s’accorde à reconnaitre aussi réussi qu’inadapté aux engagements actuels et futurs. Notre participation à un conflit de haute intensité nous placerait inévitablement dans une situation délicate au regard des moyens engagés, que beaucoup savent inadaptés à des opérations très éloignées de la contre-insurrection ou de l’intervention lointaine. Le conflit au Moyen Orient montre que même l’affrontement d’un proxy terroriste comme le Hamas ou le Hezbollah nécessite également des moyens lourds dont nous sommes aujourd’hui largement dépourvus, et ce dans plusieurs domaines comme le bréchage ou encore les feux dans la profondeur. Dans la partie qui se « joue » entre la DGA, l’armée de terre, l’industriel et bien sur les financiers, il est difficile de trouver l’origine de ce désintérêt pour le segment lourd, même si pendant longtemps les argentiers ont tenu le mauvais rôle. Du côté industriel, les innovations sont au rendez-vous comme en témoigne la présentation du Leclerc Evo et de l’Ascalon au dernier salon Eurosatory. Du côté de la DGA, le service minimum semble de mise pour le char et son dépanneur, ce dernier recevant le système  Scorpion, l’incontournable brouilleur Barage, le tourelleau T1 de Hornet (différent de celui du char de combat) mais aucun système d’accrochage sous le feu.  Ce manque d’ambition se retrouve sur le char, dont la rénovation se résume à quelques améliorations ponctuelles, la plus significative étant là aussi le système Scorpion. Il faudra attendre 2028 pour voir les viseurs PASEO, sauf glissement / étalement de la commande ! A noter que le tourelleau T2B de FN Herstal est positionné à la place exacte de feu l’Armement de TOit (ATO) qui équipait les engins de présérie et qui fut refusé pour la version EMAT et adopté par les Émirats Arabes Unis. Il convient d’ajouter que bon nombre des équipements ajoutés dans la rénovation, le sont sous forme de kits de prédispositions permettant d’accueillir le cas échéant le composant prévu. L’armée de terre ne pipe pas mot, engagée (de gré ou de force) dans la pérennisation du parc Leclerc (concept un peu flou qui laisse la porte ouverte à de nombreuses itérations) remettant fortement en question sa survie opérationnelle pour les années à venir. 

 

 

Hasard du calendrier, la décision de la DGA est rendue publique quelques jours seulement après l’évocation par le colonel Dirks de l’après Leopard 2 et des études en cours sur le sujet. On ne pouvait imaginer circonstances plus favorables pour souligner les différences existant des deux côtés du Rhin à propos de cet engin. Quel que soit l’avenir du futur Leopard 3, il a déjà le mérite de provoquer une véritable réflexion sur l’avenir du char de combat et sur le recensement des solutions technologiques disponibles pour son évolution. Le Leclerc Evo, même s’il est perfectible a également le mérite d’apporter des solutions et de tenter de susciter un débat sur l’avenir du char. Débat dont la France se prive depuis de (trop) longues années et dont nous payerons forcément les conséquences dans les années à venir. La première d’entre elles est le risque de plus en plus importante de nous voire imposer le calendrier du programme MGCS, mais aussi les caractéristiques du futur MGCS, par un partenaire disposant dès maintenant d’une solution de transition et d’une clientèle conséquente. 

L’intérêt allemand pour le char et son avenir n’a finalement rien de surprenant dans ce pays où les meilleurs choisissent de servir au sein de la composante blindée mécanisée, préférant sentir la graisse et la poudre plutôt que le sable chaud ! Il est des choix qui ne s’expliquent pas !

L’armée de Terre a réceptionné son premier Griffon MEPAC

L’armée de Terre a réceptionné son premier Griffon MEPAC

par – Forces opérations Blog – publié le

Comme prévu, la Direction générale de l’armement a livré le premier Griffon « mortier embarqué pour l’appui au contact » (MEPAC) à l’armée de Terre en fin d’année dernière. Une cinquantaine d’exemplaires suivront pour armer une batterie complète dans chaque régiment d’artillerie.

Dix ans après la notification d’un premier marché majeur, la famille de véhicules SCORPION est désormais au complet. Après le Griffon, le Jaguar et le Serval, le Griffon MEPAC a rejoint les rangs de l’armée de Terre le 19 décembre dernier. Livré au 8e régiment du matériel, il servira dans un premier temps à la réalisation d’une évaluation technico-opérationnelle (EVTO) par la Section technique de l’armée de Terre. 

« Une livraison de 10 autres véhicules est prévue en 2025 », annonce aujourd’hui le ministère des Armées conformément au calendrier annoncé plus tôt. Les 43 autres seront livrés à l’armée de Terre d’ici à fin 2028. 

Derrière l’exemplaire pris en main par la STAT, d’autres sont attendus au printemps pour commencer à équiper les six régiments d’artillerie « sol-sol canon » de l’armée de Terre. Chaque unité disposera à terme d’une batterie à huit pièces venant remplacer des mortiers de 120 mm tractés reversés dans l’infanterie.

Aérotransportable par A400M et armé par quatre militaires, le Griffon MEPAC viendra renforcer la mobilité tactique des batteries opérant en appui d’un groupement ou d’un sous-groupement tactique interarmes. Il bénéficie en effet de la chaîne de mobilité, de la vétronique et des moyens de protection communs à l’ensemble des variantes et sous-variantes du Griffon. 

La principale différence relève du mortier 2R2M et des 32 munitions embarquées en tranche arrière. Son système de chargement semi-automatique permet à une équipe de pièce aguerrie de tirer jusqu’à 12 obus en 90 secondes, dont six sont prêts au tir. Derrière le mortier, le Griffon MEPAC repose également sur une centrale de navigation inertielle, un calculateur de pièce (CALP) et un boitier de commande de l’arme. 

Le tout permet de traiter un objectif au-delà de 8 km avec la gamme d’obus prérayés actuellement en service, soit via le logiciel de conduite des feux ATLAS, soit de manière autonome. Quant à l’adoption d’une munition guidée, le sujet serait repassé au second plan pour concentrer l’effort sur le calibre 155 mm du canon CAESAR. 

La tranche de production du Griffon MEPAC avait été notifiée début 2022 auprès du groupement momentané d’entreprises formé par KNDS France, Arquus et Thales. Un an plus tard, le système engrangeait un premier succès à l’export avec la commande par la Belgique de 24 pièces dans le cadre du partenariat binational CaMo. Leur livraison au profit de la Composante Terre est programmée pour 2028-2029. 

Crédits image : DGA Techniques Terrestres

La Marine nationale peut commencer à utiliser son premier drone de surface dédié à la guerre des mines

La Marine nationale peut commencer à utiliser son premier drone de surface dédié à la guerre des mines


Confié à Thales en 2015, dans le cadre d’une coopération avec le Royaume-Uni placée sous l’égide de l’Organisation conjointe de coopération en matière d’armement [OCCAr], le Maritime Mine Counter Measures [MMCM] doit permettre d’identifier et de neutraliser des mines grâce à un drone de surface [USV] qui, doté d’un sonar remorqué, est associé à un robot téléopéré [ROV] et à trois drones sous-marins [AUV].

Cet ensemble repose sur le système de mission M-CUB ainsi que sur le logiciel MiMap, capable d’analyser en temps réel les données collectées par le sonar grâce à un algorithme d’intelligence artificielle [IA]. Enfin, il est mis en œuvre à partir d’un centre d’opérations léger, appelé e-POC [pour expeditionary-Portable Operations Center], censé permettre de mener des missions de lutte anti-mines avec des USV depuis « n’importe quel théâtre d’opérations ».

En décembre, après la livraison de deux prototypes/démonstrateurs à la France et au Royaume-Uni, l’OCCAr a fait savoir que Thales venait de remettre un premier drone de surface à la Direction générale de l’armement [DGA]. Ce que cette dernière a confirmé, ce 21 janvier.

« La livraison de ce drone constitue une première étape avant l’atteinte d’une véritable capacité opérationnelle en fin d’année 2025. Dans cette perspective, ce drone sera associé à cinq drones de surface supplémentaires, constituant ainsi la première capacité de systèmes autonomes de surface de la Marine nationale », a en effet indiqué la DGA, via un communiqué.

Mais elle a donné une autre précision : ce drone de surface « a passé avec succès sa mise en condition de navigation [MECNAV] le 16 janvier ». En clair, il est autorisé à naviguer en « mode inhabité / téléopéré, et, partant, à débuter sa « première phase de montée en compétence exploratoire ».

Pour rappel, lors de la dernière édition du salon Euronaval, en novembre, la DGA a annoncé l’acquisition de huit drones sous-marins autonomes de nouvelle génération A18-M auprès d’Exail. Une option pour huit exemplaires de plus a été posée. Ces engins doivent être équipés de la dernière version du sonar à ouverture synthétique SAMDIS [Synthetic Aperture Mine Detection and Imaging System] développé par Thales.

Le SAMDIS 600 permet d’obtenir des images à partir d’angles multiples en une seule passe. Associé au logiciel MiMap, il « offre des probabilités de détection et de classification exceptionnellement élevées, avec des performances supérieures qui permettent d’accélérer le tempo et d’augmenter l’efficacité des opérations de la Marine », assure l’industriel.

Le MMCM est l’un des quatre piliers du programme SLAM-F [Système de lutte anti-mines marines futur], qui vise à renouveler l’ensemble des moyens de la Marine nationale dédiés à la lutte contre les mines. Il prévoit l’acquisition de Bâtiments bases des plongeurs démineurs de nouvelle génération [BBPD NG], de Bâtiments de guerre des mines [BGDM] et du Système d’exploitation des données de guerre des mines [SEDGM].

La DGA livre deux hélicoptères Caracal à l’armée de l’Air et de l’Espace

La DGA livre deux hélicoptères Caracal à l’armée de l’Air et de l’Espace

par Antony Angrand – Air & Cosmos – publié le 17 janvier 2025

Le 20 décembre 2024, la Direction générale de l’armement (DGA) a livré à l’armée de l’Air et de l’Espace deux hélicoptères H225M Caracal. Ces livraisons sont les deux premières d’une commande de huit appareils effectuée en avril 2021 au titre du plan de soutien aéronautique à Airbus Helicopters. Ces appareils portent la dotation des forces à 21 hélicoptères, dont treize à l’armée de l’Air et de l’Espace et huit à l’Aviation légère de l’armée de terre (ALAT).


Deux premières livraisons sur 8 machines commandées 

Le 20 décembre 2024, la Direction générale de l’armement (DGA) a livré à l’armée de l’Air et de l’Espace deux hélicoptères H225M Caracal. Ces livraisons sont les deux premières d’une commande de huit appareils effectuée en avril 2021 au titre du plan de soutien aéronautique à Airbus Helicopters. Ces appareils portent la dotation des forces à 21 hélicoptères, dont treize à l’armée de l’Air et de l’Espace et huit à l’Aviation légère de l’armée de terre (ALAT).

Deux hélicoptères aux équipements accrus

Les deux hélicoptères livrés bénéficient d’améliorations par rapport aux versions précédentes : une détection accrue avec la caméra optronique de dernière génération l’Euroflir 410, un cockpit modernisé et équipé de quatre écrans multifonctions 10×8 pouces (soit 25,4 x 20,32 cm), une navigation plus précise avec le GPS CMA5024, de nouvelles radios et treuils électriques, ainsi que deux phares orientables supplémentaires (blanc et infrarouge) pour les opérations de nuit.

Industrie française 

Cette commande bénéficie très majoritairement à l’industrie française, dont Airbus Helicopters et ses principaux sous-traitants Safran Helicopter Engines, Safran Electronics & Defense et Thales. Dernier né de la famille des hélicoptères Puma / Super Puma / Cougar, le Caracal a été mis en service au sein des forces en 2006. Il est optimisé pour effectuer des missions de recherche et de sauvetage au combat, de transport tactique ou d’évacuation sanitaire de jour comme de nuit.

Des Caracal pour l’outre-mer

Grâce à sa perche de ravitaillement en vol, le Caracal dispose d’une allonge et d’une autonomie parmi les meilleures de sa catégorie, lui permettant d’assurer ses missions en France et sur les théâtres d’opérations. Ces hélicoptères sont destinés à remplacer les Puma de l’armée de l’Air et de l’Espace actuellement basés en outre-mer et à l’étranger (Guyane, Nouvelle-Calédonie et Djibouti). L’équipement de ces deux hélicoptères comprendra, en fonction des missions, deux mitrailleuses MAG 58 7,62 mm montées en sabord et canon de 20 mm SH20, systèmes électro-optique (FLIR) – caméra infrarouge, télémètre laser, pointeur laser, système PLS (Personnal Locating System) de localisation des personnels tombés en zone hostile, détecteur de départ de missile, d’alerte laser, d’alerte radar, lance-leurres et blindage.

Babcock signe un contrat historique pour la formation des pilotes de l’armée de l’air française

Babcock signe un contrat historique pour la formation des pilotes de l’armée de l’air française

Par Sabine Ortega – aerocontact.com – publié le 14 Jan 2025
Babcock signe un contrat historique pour la formation des pilotes de l'armée de l'air française
© Babcock

Le 10 janvier dernier, Babcock International a annoncé avoir signé un nouveau contrat de 17 ans pour la fourniture et le soutien de solutions de formation aérienne militaire pour l’armée de l’air et de l’espace française et la marine française.

Ce contrat de 795 millions d’euros, attribué par la Direction Générale de l’Armement (DGA), permettra aux élèves pilotes de s’entraîner sur 22 nouveaux avions PC-7 MkX Pilatus et sur 12 simulateurs de formation fournis par Babcock sur la base aérienne de Salon-de-Provence, avant de se spécialiser en tant que pilotes de chasse ou de transport.

En plus de la fourniture des avions et des simulateurs, ce contrat comprendra le support tout au long de la vie des avions, des infrastructures et des équipements pilotes.

Création de 100 postes dans les régions de Salon-de-Provence et du Cannet-des-Maures

Ce contrat permettra de créer plus de 100 nouveaux postes dans les régions de Salon-de-Provence et du Cannet-des-Maures, parmi lesquels des ingénieurs, techniciens, chefs de projet et administrateurs, qui contribueront à dispenser près de 11 000 heures de vol et 6 500 heures de formation sur simulateur à environ 120 élèves par an.

Pierre Basquin, directeur général de Babcock Aviation et directeur général France, a déclaré à ce propos : « L’Armée de l’air et de l’espace et la Marine française jouent un rôle majeur dans la sécurité nationale et internationale. Nous sommes ravis de soutenir notre client dans ses besoins de formation aérienne, lui permettant ainsi de se concentrer sur la satisfaction des besoins critiques de l’aviation militaire. Ce nouveau contrat à long terme renforce notre solide relation avec l’Armée de l’air et de l’espace et nous positionne comme son principal partenaire de soutien capacitaire dans les programmes de formation des pilotes de chasse. »

 Depuis 2018, Babcock collabore aux côtés de l’Armée de l’Air et de l’Espace pour fournir des systèmes de formation modernes sur simulateurs de vol et 26 avions PC-21 existants sur la base aérienne de Cognac-Châteaubernard.

Sabine Ortega Sabine Ortega
Journaliste emploi, formation, et nouvelles technologies

Grenades à fusil, viseurs et autres évolutions à l’étude pour le HK 416F

Grenades à fusil, viseurs et autres évolutions à l’étude pour le HK 416F


Le fusil d’assaut HK 416F en service dans les armées françaises pourrait bientôt tirer des grenades à fusil, un coup de punch supplémentaire pour le combattant et une évolution parmi d’autres issues de la veille technologique et des évaluations conduites par la Section technique de l’armée de Terre (STAT). 

Retrouver une capacité perdue

Sept ans après son adoption par les armées françaises, le HK 416F récupère aujourd’hui une capacité perdue depuis le retrait du FAMAS : le tir de grenades à fusil. Si celles du FAMAS sont compatibles avec la version standard (S) du HK 416F, manquait le système de visée indispensable pour puiser dans les stocks disponibles. Un hiatus en passe d’être corrigé grâce au travail d’un expert en petits armements de la STAT. 

Conçue à partir d’une feuille blanche et en misant sur l’impression 3D, cette visée adaptée au HK 416F reprend les deux hausses correspondantes à chaque modèle de grenade en service. La plus petite autorise un tir à 75 et 100 m pour l’AC 58 antichar à charge creuse. L’autre, pour l’APAV (anti-personnel, anti-véhicule), permet de tirer de 50 à 150 m. La STAT a prôné la simplicité pour faciliter l’usage par le plus grand nombre : il suffit grosso-modo d’aligner de petites pointes sur l’objectif. 

Si les derniers tirs de validation datent de septembre 2024, l’idée n’est en réalité par toute neuve. Ce projet d’adaptation a démarré en 2019 avant de tomber dans l’oubli. Les réflexions avaient alors abouti à un premier modèle attaché au guidon, une configuration qui fonctionnait très bien selon la STAT. Le sujet est réapparu il y a quelques mois avec cette nouvelle contrainte qu’est la généralisation des viseurs et autres systèmes optiques.

Le système de visée sera donc intégré sur le côté tout en réduisant au maximum le déport sur le rail Picatinny. La configuration a néanmoins un avantage, car elle « permet d’avoir un découvert complet sur l’objectif au lieu d’être ‘enfermé’ dans un tube ». Elle reste par ailleurs adaptée aux ambidextres, le fichier d’origine pouvant être modifié par simple symétrie. En résulte une solution intérimaire simple et robuste permettant de maintenir un savoir-faire en attendant le lancement d’un éventuel marché pour de nouvelles grenades accompagnées d’un moyen de visée ad-hoc. 

Restent quelques inconnues, dont celle de la production. À supposer que l’impression 3D soit privilégiée, l’armée de Terre pourra s’appuyer sur les imprimantes déployées en régiment et sur l’expérience acquise, par exemple, via la ferme I3D ou par la 13e base de soutien du matériel pour produire et déployer rapidement l’outil. L’option de la fabrication additive amène cependant la question de la durabilité, une problématique à laquelle l’utilisation d’un métal comme l’aluminium répondrait mieux d’après notre interlocuteur de la STAT. 

Viseur, chargeur et réducteur

« Nous sommes obligés de nous adapter. La chance du HK 416F, c’est qu’il repose sur une plateforme de type AR-15 et reste donc une sorte de ‘Lego’. Tous les fabricants de la planète utilisent ses standards », observe un armurier de la STAT. Du garde-main à la crosse, la modularité de cette arme parmi les plus répandues au monde lui permet d’accueillir régulièrement de nouvelles briques. « On a pas mal de veille technologique », complète-t-il. Il s’agit non seulement de détecter la bonne idée au bon moment, mais aussi de mieux encadrer les modifications « maison » apportées sans logique d’ensemble et sans l’aval technique de la DGA.

L’aide à la visée, premièrement, fait dorénavant l’objet d’un effort d’acquisition. Un second essai après celui, avorté, réalisé à l’été dernier sur les viseurs de nouvelle génération proposés par Thales et Safran. Les chargeurs, ensuite, autre équipement souvent acquis à titre personnel, à l’échelon de la compagnie ou du régiment. La STAT évalue aujourd’hui des solutions en polymère synonymes de réduction de la masse et d’une « bien meilleure résistance ». Le chargeur métallique devient en effet inutilisable une fois cabossé tandis que son équivalent en polymère continuera de fonctionner même de manière dégradée. Des essais de casse se sont révélés « concluants », un chargeur fendu de bas en haut permettant toujours l’emport et le tir d’une majorité de cartouches. 

La STAT évalue enfin l’ajout de silencieux. Ou plutôt de « réducteurs de signature » (RDS) car l’atténuation n’est pas seulement sonore mais aussi thermique et visuelle. Ici aussi, certains ont pris les devants en s’équipant sur leurs propres deniers de matériels non testés et non validés par la DGA. Côté STAT, l’effort porte sur des RDS à double flux car le HK 416F n’est pas doté d’une buse permettant de réguler les gaz créés par la détonation de la cartouche. L’accumulation de gaz dans le canon doté d’un RDS accélère donc le cycle et l’usure des pièces, risque d’enrayement à la clef. 

Les RDS à double flux permettent justement de pallier à ce souci par l’évacuation d’une partie du gaz par la bouche. Leur conception « devient quelque chose de commun », note une section technique dont la recherche porte notamment sur des modèles proposées par les fabricants suisse BT et finlandais Ase Utra. Autrefois réduit aux forces spéciales, l’usage de RDS s’étendrait progressivement aux équipes spécialisées de l’armée de Terre, que sont les groupements commandos montagne et parachutistes, sections d’aide à l’engagement débarqué et autres équipes cynotechniques. 

Un nouveau lot de 8000 fusils HK 416F est attendu en 2025, l’un des derniers pour parvenir à la cible de 117 000 exemplaire définie par le programme « Arme individuelle future » (AIF). Les livraisons ne sont pas encore achevées que, déjà, l’armée de Terre entrevoit d’engager la réflexion sur l’évolution de son fusil d’assaut. Avec, d’après le dernier numéro du magazine institutionnel Fantassins, l’étude d’un éventuel changement de calibre et d’un retour vers le système « Bullpup » adopté pour le FAMAS.

OPINION. Le futur avion de patrouille maritime, une affaire triplement risquée

OPINION. Le futur avion de patrouille maritime, une affaire triplement risquée

L’ingénieur général hors classe de l’armement (2S) Philippe Roger appelle à le ministère des Armées à la vigilance sur le programme du futur avion de patrouille maritime. Il rappelle que trois programmes de ce type, qui ont été conduits récemment sur la base d’avions civils, ont connu des difficultés de développement, des retards de plusieurs années et des dépassements de budget de plusieurs milliards. Par Philippe Roger, ingénieur général hors classe de l’armement (2S).

« L’ambition opérationnelle est très forte, la forme contractuelle a généré des difficultés dans le cas de l’A400M, et l’industriel pressenti, Airbus, ignore le domaine de la patrouille maritime anti-sous-marine » (L’ingénieur général hors classe de…DGA

 

Contrat à prix forfaitaire et choix d’un maître d’œuvre inexpérimenté dans le domaine militaire concerné, pour atteindre des performances très ambitieuses : ce fut la recette des difficultés techniques, calendaires et budgétaires rencontrées sur de nombreux programmes militaires dans le passé, y compris pour l’Airbus A400M qui donne toutefois aujourd’hui toute satisfaction opérationnelle.

Mais pourquoi prendre strictement les mêmes ingrédients pour le futur avion de patrouille maritime français, qui doit être mené à bien dans un délai qu’on ne peut allonger, et dans le contexte budgétaire que l’on devine ? A-t-on suffisamment trié les performances demandées, pourrait-on choisir un type de contrat moins risqué, les maîtres d’œuvre mis en compétition sont-ils au bon niveau technique et comprennent-ils la mission de patrouille maritime ?

Il existe une méthode éprouvée.

La Marine nationale et la Direction générale de l’armement (DGA) poursuivent deux programmes très lourds devant aboutir à une mise en service entre 2035 et 2038 : le porte-avions nucléaire successeur du Charles de Gaulle, et le sous-marin nucléaire lanceur d’engins de troisième génération. Ces programmes comportent, conformément à la longue expérience de la DGA, plusieurs phases, permettant de ne s’engager qu’après avoir constaté les résultats de l’étape précédente et vérifié qu’il reste des marges financières suffisantes.

Mais on peut y déroger : cette méthode peut n’être pas appliquée, quand on estime que le développement est simple et que les prix unitaires sont prévisibles, au point que l’industriel accepte un contrat à prix forfaitaire pour l’ensemble du programme, développement et production, et fait son affaire des risques, couverts par une marge que son conseil d’administration a acceptée au nom de ses actionnaires. Le cas se présente souvent quand l’industriel propose de dériver une version militaire d’un produit civil existant, les modifications apparaissant faibles et le client demandant un prix forfaitaire, qui semble lui simplifier la vie.

C’est sur la base d’un tel contrat forfaitaire qu’est lancé un troisième programme majeur pour la Marine, un programme d’avion de patrouille maritime, basé sur un avion civil. Ce programme doit impérativement aboutir à temps, car on ne peut ni prolonger au-delà l’avion Atlantique 2 ni interrompre une mission nécessaire à la protection des SNLE. Malheureusement, c’est autour de la date d’aboutissement des deux autres programmes que l’Atlantique 2 doit disparaître, si bien qu’il y a deux exigences : réussir le développement dans les temps, et financer simultanément les trois programmes. Est-on bien dans un cas d’adaptation simple ?

Désastres de plusieurs programmes analogues

Trois programmes d’avions de patrouille maritime conduits récemment sur la base d’avions civils ont connu des difficultés de développement lourdes, des retards de plusieurs années, et des dépassements de budget de plusieurs milliards. Le pire des cas a été celui de la dernière version de l’avion de patrouille maritime Nimrod de la Royal Air Force, dont le développement a été arrêté après une dépense infructueuse d’une dizaine de milliards de livres.

L’avion de patrouille maritime P8 de l’US Navy basé sur le Boeing 737 n’a pu quant à lui être mis en production qu’après un long et complexe développement ayant coûté près de 10 milliards de dollars. Quant au système dit Meltem développé par Thales avec Airbus Espagne pour la marine turque sur la base d’un biturbopropulseur simple, le CN235, il a eu de fortes difficultés techniques. Il a fallu dix ans pour livrer les premiers appareils, après une renégociation du contrat et des pertes lourdes pour l’industriel, alors même que des centaines de CN235 civils étaient en service.

La difficulté de transformer un avion civil de série en un système d’armes complexe évoluant à basse altitude et basse vitesse avec des virages serrés pendant les pistages de sous-marins, dans un brouillard salin très corrosif, a été sous-estimée dans ces trois cas, et les industriels comme l’État acheteur ont pris des vessies pour des lanternes et ont bu le bouillon. Un des éléments du problème, la corrosion saline, est bien connu, au moins en France, par les fortes difficultés induites dans l’entretien, plus que laborieux, des hélicoptères de la Marine livrés par Airbus et NHIndustries. Quant aux virages à fort facteur de charge, ils ont nécessité des transformations profondes des structures des avions civils pris comme base, et une surveillance permanente de leur état de fatigue.

Sur un sujet beaucoup plus simple, la transformation en avion ravitailleur MRTT de l’Airbus A330, le développement a connu quelques lenteurs, alors même que les risques avaient été réduits par le développement préalable d’une version à base d’A310. Les difficultés budgétaires de l’époque ont fait que les commandes françaises initiales ont été passées, prudemment, pour une version moins ambitieuse que celle spécifiée.

L’A400M, un développement que l’on savait difficile

Le développement de l’avion de transport Airbus A400M partait, quant à lui, d’une feuille blanche, et non pas d’un avion civil existant. Mais il est utile de le citer ici, car le contrat correspondant a été passé à prix forfaitaire pour l’ensemble du développement et de la production, c’est-à-dire avec la méthode contractuelle retenue pour le nouvel avion de patrouille maritime. Les nombreuses difficultés techniques à envisager pour ce programme A400M, aux spécifications justifiées mais très exigeantes, auraient demandé un type de contrat permettant un suivi pied à pied du programme par l’OCCAr, agence délégataire des États.

Mais les promesses d’Airbus et les exigences des États coopérants ont fait adopter une méthode contractuelle toute autre, qui apparaissait protectrice mais n’a pas permis de tenter de contrer à temps les difficultés techniques rencontrées. Elle a été une des causes des multiples réunions de crise où les États et Airbus se sont réparti les charges supplémentaires, après avoir même envisagé l’arrêt du programme à ses débuts. On aurait peut-être pu arriver à l’excellent service opérationnel que rend aujourd’hui l’A400M par des voies plus sûres.

Ces exemples montrent qu’on peut s’attendre à des difficultés :

– Quand les capacités demandées sont très ambitieuses, même si elles sont opérationnellement justifiées,

– Quand on demande aux industriels de traiter à prix forfaitaire sur l’ensemble du développement et de la production, ce qui leur impose de prendre des marges très élevées dont l’acheteur ne peut contrôler la justification pour comparer les offres, ce qui fausse la concurrence. Il ne peut pas non plus en contrôler la consommation pendant le développement, si bien que les demandes de renégociation du marché pour couvrir les aléas n’apparaissent que par surprise, mettant le programme en danger, et amenant à des ponctions sur les programmes contemporains.

– Quand on s’adresse à un industriel qui ne connaît pas le domaine opérationnel à traiter.

Un pari triplement risqué

Qu’en est-il dans notre programme d’avion de patrouille maritime ? L’ambition opérationnelle est très forte, la forme contractuelle a généré des difficultés dans le cas de l’A400M, et l’industriel pressenti, Airbus, ignore le domaine de la patrouille maritime anti-sous-marine. L’ambition opérationnelle : que peut-on élaguer ?

Une mesure simple du niveau de l’ambition opérationnelle est que Airbus a dû proposer un appareil de 100 tonnes pour remplacer l’Atlantique 2 qui exécutait de façon satisfaisante la mission principale anti-sous-marine, et des missions secondaires anti-surface et air-sol, avec 47 tonnes. La cause principale semble en être le choix d’emporter en interne à l’avion un missile anti-navires lourd (missile qui reste à développer) pour une mission secondaire, la mission anti-navires de surface qui est remplie actuellement sur l’Atlantique 2 par l’Exocet AM39.

Ce choix amène à prévoir une soute très importante, et a amené Airbus à ne pas se contenter de modifier un A320, comme prévu à l’origine, et à passer à un A321XLR à très grand rayon d’action, bien plus lourd, ce qui va nécessiter une refonte des hangars et de leurs voies d’accès. Il amène aussi à anticiper des coûts à l’heure de vol et des coûts de maintenance qui, étant en général proportionnels au poids, seront au moins doubles de ceux de l’Atlantique 2. Sachant que ces coûts forment les deux tiers du coût complet de tout programme aéronautique, l’effet de ce choix est extrêmement important.

Sur l’avion bien moins lourd retenu par Dassault Aviation la difficulté est évitée par l’accrochage sous voilure du nouveau missile, mais cette solution simple et éprouvée n’a pas, ou n’a plus, les faveurs de la Marine. C’est pourtant celle retenue pour l’avion P8 par l’US Navy, qui est de loin le plus grand opérateur au monde d’avions de patrouille maritime. Une révision de ce choix serait de nature à réduire les risques, la taille de l’appareil nécessaire, le devis initial et ses marges, et le coût sur la durée de vie.

Faire plus ambitieux que l’US Navy ? Il y faut réfléchir à deux fois ! A-t-on une autre option dans la situation budgétaire actuelle, face à la menace que fera peser un programme très ambitieux et risqué sur les deux autres programmes majeurs, et face au besoin de renforcement de la flotte de surface, qu’un rapport parlementaire vient de mettre à nouveau en évidence ?

Veut-on dimensionner l’avion pour aller à plus de 4.000 km de la France tirer des missiles anti-navires, ou bien accepte-t-on de se concentrer sur la mission principale anti-sous-marine, qui participe à la protection des SNLE, et d’emporter sous la voilure les armes destinées aux missions secondaires, comme le fait l’US Navy ?

Réduire les autres risques : Faut-il pousser les aléas du programme sous le tapis du contrat forfaitaire, qui donne une fausse sécurité et n’est pas adapté à un programme risqué, surtout si l’ambition opérationnelle n’est pas réduite ? Ou adopter un type de contrat qui permette de suivre pas à pas le développement, mais aussi de vérifier le détail des marges initiales : sont-elles suffisantes, induisent-elles ou non une distorsion de concurrence ? Et il faut se demander à nouveau si on doit confier une partie importante d’un développement majeur à un bureau d’études inexpérimenté dans le domaine concerné.

Rêveries

Le domaine de la patrouille maritime aurait dû être couvert par un programme de coopération franco-allemande, dit MAWS, mais l’Allemagne l’a fait capoter en cours de route pour acheter plusieurs lots d’avions américains P8, nous laissant financer seuls un nouveau développement. A la génération précédente, elle avait refusé d’acheter l’Atlantique 2, dont elle fabriquait pourtant 40%. Deux claques dont la France se serait bien passée.

Mais voilà qu’on entend dire aujourd’hui au sein de l’État qu’une des vertus du choix d’Airbus serait de permettre de relancer la coopération franco-allemande sur le sujet, coopération qui est morte et « ganzkaputt » (toute cassée) depuis que l’Allemagne a commandé un deuxième lot de P8… Après ce camouflet, qui n’est pas le seul dans la période récente, faut-il faire tourner à travers un programme de patrouille maritime les usines allemandes, en plus des usines espagnoles ? Ce serait appeler la claque suivante.