L’armée russe, point de situation par Michel Goya

L’armée russe, point de situation

par Michel Goya – La Voie de l’épée – publié le 31 mars 2024

https://lavoiedelepee.blogspot.com/


Une bonne stratégie se doit d’accorder au mieux des objectifs et des capacités. Comme ces dernières sont plus difficiles à modifier que les premiers, la stratégie s’aligne souvent d’abord sur ce que l’on peut réellement faire face à son ennemi puis on envisage comment modifier éventuellement les moyens. Essayer d’estimer les intentions de la Russie impose donc d’abord de s’intéresser à ce qu’est capable de faire son armée actuellement.

Des chiffres et des êtres

Malgré les lourdes pertes de la guerre, 315 000 tués et blessés selon un document récent de la Defense Intelligence Agency américaine, les forces armées russes sont passées dans leur globalité d’un peu moins d’un million d’hommes fin 2021 à 1,35 million aujourd’hui, en espérant atteindre 1,5 million en 2026. Cet accroissement est le résultat d’une légère augmentation du volume de la conscription, de l’appel aux réservistes fin 2022 et surtout d’une grande campagne de recrutement de volontaires contractuels. En décembre 2023, Vladimir Poutine et son ministre Choïgou annonçaient que 490 000 soldats avaient ainsi été recrutés sous contrat durant l’année. C’est un chiffre colossal, c’est en proportion comme si on avait recruté 195 000 nouveaux soldats en France alors qu’on peine à en avoir 26 000, et donc douteux. Il faut donc sans aucun doute le traduire par « contrats » plutôt que « recrutements », et inclure ainsi les renouvellements, parfois imposés, pour les soldats déjà en ligne. Pour autant, en jouant sur le patriotisme et surtout des incitations financières inédites dans l’histoire – une solde représentant trois fois le salaire moyen plus des bonus et des indemnités personnelles ou familiales en cas de blessures – ainsi que le recrutement de prisonniers ou de travailleurs étrangers en échange de passeports russes, les engagements ont effectivement été très importants en volume.

Si on ajoute les recrutements des différentes milices provinciales et corporatistes ou le renforcement des services de sécurité, on s’approche cependant du 1 % de la population d’une population qui correspond, empiriquement, au maximum que l’on peut recruter sur volontariat pour porter les armes et risquer sa vie. Au-delà il faut en passer par la conscription. Or, cet impôt du temps et éventuellement du sang est généralement très impopulaire s’il ne repose pas sur de bonnes raisons et s’il n’est pas partagé par tous. Quand la patrie n’est pas réellement menacée dans son existence, qu’il existe de très nombreuses échappatoires au service et que l’on est soucieux de sa popularité, on évite donc d’y recourir. Le souvenir de l’engagement malheureux des appelés soviétiques en Afghanistan dans les années 1980 ou celui vingt ans plus tôt des Américains au Vietnam, n’est à ce sujet pas très incitatif.

La Russie avait l’ambition de professionnaliser complètement son armée à partir des réformes du ministre Serdioukov en 2008-2012, mais la contradiction entre l’ampleur des effectifs jugés indispensables – qui correspondraient en proportion à 450 000 pour la France – le nombre réduit de volontaires à l’engagement et encore plus de réservistes opérationnels qui pourraient les compléter a imposé de maintenir une part de conscription. Ce système mixte, professionnels et conscrits, a été maintenu depuis le début de la guerre en Ukraine et il y a ainsi environ 290 000 soldats appelés au sein dans l’armée russe. Toujours par souci de ne pas passer de l’impôt du temps à l’encore plus impopulaire impôt du sang, ces conscrits n’ont pas été engagés en Ukraine sauf très discrètement et ponctuellement. C’est un des paradoxes de cette guerre à la manière russe où on déclare la patrie, et donc désormais aussi les territoires occupés, agressée par toutes les forces de l’univers mais où on n’ose pas pour autant engager tous les hommes chargés de la défendre. C’est donc un actif énorme qui absorbe également de nombreuses ressources militaires pour son encadrement, son équipement et sa vie courante mais qui n’est pas utilisé directement dans la guerre. Cette armée d’appelés sert au moins à tenir l’arrière et remplir toutes les autres missions que la guerre, tout en servant de base de recrutement de volontaires et d’ultime réserve.

Au bilan, les forces armées russes utilisent environ la moitié de leur potentiel humain dans la guerre en Ukraine et un tiers dans les 12 armées du Groupe de forces en Ukraine (GFU). C’est suffisant pour obtenir une supériorité numérique sur le front mais insuffisant pour que celle-ci soit décisive.

Si on peut estimer à 1 % de la population la proportion maximale de volontaires susceptibles s’engager dans une population d’un pays européen moderne de moyenne d’âge de 40 ans, on peut également estimer à 5 % le nombre maximum d’hommes (à 80-90 %) et de femmes réellement mobilisables sous les drapeaux. C’est sensiblement le cas actuellement en Israël, sans que l’on imagine que cela puisse durer longtemps, alors que l’Ukraine est à environ 2,5 % et la Russie à 0,9 %. Pour espérer disposer de la masse suffisante pour l’emporter à coup sûr, la Russie est sans doute obligée de mobiliser un peu plus ses réservistes mais tout en ménageant la susceptibilité de la population. De fait, après le renouvellement par acclamations du mandat de Vladimir Poutine, l’introduction du mot « guerre » dans le paysage et même l’instrumentalisation de l’attentat djihadiste du 22 mars à Moscou tout le monde attend un nouvel appel de plusieurs centaines de milliers d’hommes sous les drapeaux.

Une nouvelle armée russe

Au début de l’année 2023, le GFU et les deux corps d’armée de Donetsk et Louhansk représentaient environ 360 000 hommes après le renfort des réservistes mobilisés à partir de septembre 2022. C’est alors encore un ensemble très hétérogène formé dans l’urgence après la crise de l’automne 2022. Il s’est ensuite consolidé progressivement avec la formation d’une structure spécifique de corps de formation et d’entraînement dans des camps très en arrière du front. Malgré les pertes persistantes, le volume des forces s’est ensuite accru progressivement, avec 410 000 hommes à l’été 2023 et 470 000 au début de 2024.

La quantité autorise l’augmentation de qualité. Ce volume accru et la moindre pression offensive ukrainienne permettent en effet d’effectuer plus de rotations entre la ligne de front et la structure arrière de régénération-formation. Les régiments et brigades peuvent être retirés du front avant d’être sous le seuil de pertes qui impliquerait aussi une implosion des compétences collectives. Les nouvelles recrues peuvent également être accueillies et assimilées en arrière dans les camps et non directement sous le feu, ce qui est souvent psychologiquement désastreux.

Cette réorganisation été l’occasion d’une reprise en main politique du GFU surtout après la rébellion de Wagner en juin. Wagner a été dissoute et ses soldats « nationalisés », tandis qu’on n’entend plus parler de généraux mécontents. Le risque à ce niveau est celui d’avoir remplacé des mécontents ou ses suspects par des fidèles, un critère qui n’est pas forcément associé à celui de la compétence. Pour le reste, l’armée de terre russe poursuit son retour progressif à l’organisation de l’armée soviétique sur le seul modèle simple armées-divisions-régiments plutôt que le fatras actuel de structures. Le facteur limitant est sans doute celui de l’encadrement supérieur. L’armée russe manque cruellement d’officiers compétents pour constituer les états-majors nécessaires à sa bonne organisation.

Si l’armée russe tend à revenir à ses structures classiques de grandes unités, les échelons les plus bas ont été radicalement transformés pour s’adapter à la guerre de position. Les groupements tactiques de manœuvre mobile (connus sous l’acronyme anglais BTG) associant un bataillon de combat (à dominante blindée ou infanterie motorisée) avec un bataillon d’artillerie et d’appui n’existent plus. L’emploi complexe de ces groupements a été simplifié en dissociant les deux éléments, manœuvre et appuis, dont les bataillons sont désormais regroupés dans des entités spécifiques et coordonnés à l’échelon supérieur. Avec le passage de la guerre de mouvement à la guerre de position, il y a maintenant deux ans, et la réduction du nombre de véhicules de combat, les bataillons de manœuvre sont en fait devenus des bataillons de « mêlée », presque au sens rugbystique du terme où on privilégie le choc sur le mouvement. Oubliant les grandes percées blindées-mécanisées et les assauts aériens ou amphibies, l’armée de terre russe est désormais une « armée de tranchées » largement « infanterisée » avec une proportion de chair humaine par rapport au tonnage d’acier beaucoup plus importante qu’au début de la guerre.

En coordination avec l’appui indispensable de l’artillerie russe, qui a perdu beaucoup de pièces et manque d’obus, mais a augmenté en compétences et diversifié son action, l’infanterie russe mène un rétro-combat avec des unités qui évoluent à pied au contact de l’ennemi en emportant avec elle le maximum de puissance de feu portable – mortiers légers, mitrailleuses, lance-grenades, drones – sur une distance limitée et dans le cadre d’un plan rigide. La valeur tactique de ces bataillons, très variable, est presqu’entièrement dépendante de la quantité de ses cadres subalternes, de sergent à capitaine, qui ont réussi à survivre et ont appris de la guerre. Les meilleurs bataillons sont qualifiés d’« assaut » alors que les plus mauvais se consacrent à la défense du front.

Au total, la forme des combats n’a pas beaucoup évolué depuis le début de la guerre de positions en avril 2022, mais, pour parler en termes économiques, la composante Travail en augmentation l’emporte désormais sur le Capital matériel et technique en baisse car les destructions et l’usure l’emportent sur la production. Le troisième facteur de production, l’Innovation, est en hausse jouant plus sur les évolutions humaines (nouvelles compétences, méthodes ou structures) que matérielles, hormis sur les petits objets comme les drones, mais au bilan le combinaison TCI produit un rendement plutôt décroissant. Il faut aux Russes de 2024 dépenser plus de sang et de temps qu’à l’été 2022 pour conquérir chaque kilomètre carré. Les opérations offensives russes peuvent être toujours aussi nombreuses qu’à leur maximum à l’été 2022 mais de bien moindre ampleur.

La fonte de l’acier

Outre la mobilisation partielle humaine de septembre 2022, c’est la mobilisation industrielle qui a sans doute sauvé le GFU et lui a permis de croiser à nouveau en sa faveur les « courbes d’intensité stratégique » par ailleurs déclinantes des deux côtés par la fonte du Capital. Cette fonte du Capital a d’abord été une fonte de l’acier. Près de 3 200 chars de bataille et 4 100 véhicules blindés d’infanterie ont été perdus sur un parc initial de, respectivement, 3 400 et 7 700. Les forces aériennes russes ont également perdu plus d’une centaine d’avions divers, sans compter les endommagés, et 135 hélicoptères, tandis que 36 000 tonnes de la flotte de la mer Noire sont au fond de l’eau.

Pour compenser ces pertes matérielles et payer ses soldats, la Russie fait un effort financier important représentant 6 à 7 % du PIB et 30 % du budget fédéral, la Russie peut ainsi dépenser entre 10 et 13 milliards d’euros pour son armée, dont une grande partie pour son industrie de défense ou les importations. À titre de comparaison, la France dépense 3,6 milliards d’euros par mois pour ses forces armées, dont deux pour les achats d’équipements, par ailleurs nettement plus chers. Pour autant, cet effort peut à peine être considéré comme un effort de guerre. Pendant les années 1980, les États-Unis en « paix chaude » faisait le même effort de défense en % de PIB et l’Union soviétique bien plus. L’Ukraine, qui est effectivement en économie de guerre, y consacre le quart de son PIB.

Outre sa capacité de coercition sociale qui impose une mobilisation plus intensive de son industriel que dans les pays occidentaux, le véritable atout de la Russie est d’avoir conservé en stock les équipements pléthoriques de l’armée rouge. Aussi l’effort industriel principal russe consiste-t-il surtout à réinjecter dans les forces des matériels anciens régénérés et rétrofités. L’industrie russe peut ainsi « produire » 1 500 chars de bataille et 3 000 véhicules d’infanterie par an, mais ceux-ci sont à plus de 80 % des engins anciens rénovés. Cela permet de limiter la réduction de masse, mais au détriment d’une qualité moyenne qui se dégrade forcément avec l’utilisation de matériels anciens et par ailleurs déjà usés. Les stocks ne sont pas non plus éternels, mais on peut considérer que la Russie peut encore jouer de cet atout jusqu’en 2026. À ce moment-là, il faudra avoir effectué une transition vers la production en série des matériels neufs.

Les matériels majeurs neufs ne sont pas non plus nouveaux, impossibles à inventer en aussi peu de temps du moins, sauf pour des « petits » matériels comme les drones, qui connaissent une grande extension. On se contente donc largement de produire à l’identique les équipements sophistiqués, malgré les sanctions économiques. L’industrie russe continue à fabriquer par exemple un à deux missiles Iskander 9M725 par semaine à peine entravée par l’embargo, visiblement peu contrôlé, sur l’importation de composants. Les choses sont simplement un peu plus compliquées et un peu plus chères.

La limitation principale concerne les munitions et particulièrement les obus d’artillerie, alors que la Russie a atteint en décembre 2022 le seuil minimal pour organiser de grandes opérations offensives. L’armée russe avait alors consommé onze millions d’obus, en particulier lors de l’offensive du Donbass d’avril à août 2022. Pour répondre aux besoins de 2023, la Russie a puisé dans son stock de vieux obus, souvent en mauvais état et surtout produit 250 000 obus et roquettes par mois, dont une petite moitié d’obus de 152 mm. Elle a également fait appel à ses alliés, la Biélorussie, l’Iran, la Syrie (pour des douilles) et surtout la Corée du Nord, qui aurait fourni entre 2 et 3 millions d’obus. La Russie espère produire plus de 5 millions en 2024, dont 4 millions de 152 mm et continuer à bénéficier de l’aide étrangère. Aller au-delà supposerait d’importants investissements dans la construction de nouvelles usines et l’extraction de matières premières. Autrement dit, si rien ne change radicalement les Russes bénéficieront sur l’année en cours et sans doute encore la suivante d’une production importante, quoiqu’insuffisante, mais l’année 2026 risque d’être problématique.

Que faire avec cet instrument ?

Il y a les conquêtes et il y les coups. L’armée russe peut mener ces deux types d’opérations, mais à petite échelle à chaque fois, empêchée par la défense ukrainienne et l’insuffisance de ses moyens. Sa principale est cependant que l’armée ukrainienne est encore plus empêchée qu’elle et qu’il en sera très probablement ainsi pendant au moins toute l’année 2024. Cette légère supériorité sur la longue durée laisse l’espoir d’obtenir la reddition de l’Ukraine et incite donc à poursuivre la guerre jusqu’à cet « état final recherché » tournant autour de l’abandon par l’Ukraine des territoires conquis par les Russes étendus sans doute reste du Donbass, Kharkiv et Odessa, ainsi que de la neutralisation militaire de Kiev et sa sujétion politique. Tant que cet espoir persistera, la guerre durera.

Avec les moyens disponibles actuellement et à venir, la stratégie militaire russe se traduit par une phase de pression constante et globale sur le front et l’arrière ukrainien, à base d’attaques limitées mais nombreuses dans tous les champs. L’objectif premier n’est pas forcément du conquérir du terrain, mais d’épuiser les réserves ukrainiennes d’hommes et de moyens, en particulier les munitions d’artillerie et de défense aérienne. Cette pression offensive constante peut permettre de créer des trous dans la défense qui autoriseront à leur tour des opérations de plus grande ampleur, sans doute dans le ciel d’abord avec la possibilité d’engager plus en avant les forces aériennes, puis au sol d’abord dans le Donbass et éventuellement ailleurs si les moyens le permettent.

Dans cette stratégie d’endurance où la Russie mène un effort relatif humain et économique trois fois inférieur à l’Ukraine, l’année 2025 est sans doute considérée comme décisive. Dans cette théorie russe de la victoire, l’Ukraine à bout et insuffisamment soutenue par ses Alliés ne pourrait alors que constater alors son impuissance et accepter sa défaite. Comme d’habitude cette vision russe est une projection ceteris paribus, or il est probable que les choses ne resteront pas égales par ailleurs. 

Ajoutons que si cette stratégie réussissait, Vladimir Poutine serait auréolé d’une grande victoire et disposerait en 2026 d’un outil militaire plus volumineux qu’au début de 2022 mais également très différent, plus apte à la guerre de positions qu’à l’invasion éclair. Pour autant, après un temps de régénération et de réorganisation soutenue par une infrastructure industrielle renforcée, cet outil militaire pourrait redevenir redoutable pour ses voisins et la tentation de l’utiliser toujours intacte, sinon renforcée.


Sources

Dr Jack Watling and Nick Reynolds, Russian Military Objectives and Capacity in Ukraine Through 2024, Royal United Services Institute, 13 February 2024.

Ben Barry, What Russia’s momentum in Ukraine means for the war in 2024, International Institute for Strategic Studies, 13th March 2024.

Pavel Luzin, The Russian Army in 2024, Riddle.info, 04 January 2024.

Mason Clark and Karolina Hird, Russian regular ground forces order of battle, Institute for the Study of War, October 2023.

Joseph Henrotin, « La guerre d’attrition et ses effets », Défense et sécurité internationale n°170, Mars-avril 2024.

Douglas Barrie, Giorgio Di Mizio, Moscow’s Aerospace Forces: No air of superiority, International Institute for Strategic Studies, 7th February 2024.

La FREMM Alsace et des chasseurs français ont détruit quatre drones houthis ce samedi matin

La FREMM Alsace et des chasseurs français ont détruit quatre drones houthis ce samedi matin

par Philippe Chapleau – Lignes de défense – publié le 9 mars 2024

https://lignesdedefense.blogs.ouest-france.fr/archive/2024/03/09/la-fremm-alsace-et-des-chasseurs-francais-24468.html


Selon un communiqué de l’état-major des Armées, la frégate Alsace et des chasseurs français ont détruit samedi matin « en légitime défense » dans le golfe d’Aden quatre drones de combat tirés en direction du bâtiment français, dans le cadre de l’opération européenne de surveillance navale Aspides.

« Cette action défensive a directement contribué à la protection du cargo True Confidence (sous pavillon de la Barbade), frappé le 6 mars dernier et en cours de remorquage, ainsi que d’autres navires de commerce en transit dans la zone« , a précisé le ministère dans son communiqué.

Trois marins du True Confidence ont péri dans une attaque au missile revendiquée par les Houthis mercredi au large du Yémen, la première attaque meurtrière depuis que les rebelles alignés sur l’Iran ont commencé en novembre à lancer des attaques en mer Rouge en soutien aux Palestiniens de la bande de Gaza.

Quels moyens?

Petit flou sur les moyens français engagés. EUVANFOR (la mission européenne Aspides) parle seulement d’un « destroyer français »:

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Pour sa part, l’état-major français sur X ne parle que de « moyens maritimes »:

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« Tout le monde attend avec impatience les lasers » : la France compte durcir ses frégates contre les drones

« Tout le monde attend avec impatience les lasers » : la France compte durcir ses frégates contre les drones

Bataille navale futuriste

Source : Marine nationale
Les frégates de la Marine nationale sont confrontées à un péril croissant : les drones. Si elles peuvent utiliser des missiles pour faire mouche, chaque tir coûte très cher pour détruire une cible qui ne l’est pas. Lors d’une audition, Sébastien Lecornu, le ministre des Armées, a exprimé l’intérêt croissant des forces pour les lasers.

Deux interceptions de drones le 9 décembre 2023, en provenance des côtes du Yémen. Une autre neutralisation révélée par l’armée française le 11 du même mois. Puis, dans la nuit du 19 au 20 février, et dans celle du 21 au 22, quatre autres destructions ont été annoncées par le ministère des Armées. À chaque fois, deux drones ont été abattus.

Rarement les frégates multi-missions françaises (FREMM) auront eu besoin de mobiliser autant leurs capacités d’autodéfense pour contrer ces menaces, en mer Rouge et dans le golfe d’Aden. Or, ces moyens de protection sont coûteux : pour arrêter ces aéronefs sans pilote, il a systématiquement fallu envoyer un missile Aster.

tir langedoc fremm aster 15
Décollage d’un missile Aster 15 depuis la frégate française en patrouille près du Yémen. // Source : Marine nationale

Une approche qui n’apparaît pas soutenable à long terme, surtout si la France entend durablement participer à la sécurisation du trafic maritime. D’abord, parce que les missiles Aster coûtent cher (comptez 1 million d’euros pour un Aster 15 et 1,4 million pour un Aster 30). Ensuite, parce qu’une FREMM n’en a qu’une quantité limitée (une quinzaine).

Ce défi n’est pas ignoré par l’état-major et le gouvernement. Cela a été redit le 27 février par Sébastien Lecornu, le ministre des Armées, lors de son audition par les membres de la commission de la défense nationale et des forces armées. Il a aussi exposé aux députés l’existence de solutions en train d’être considérées pour parer ce péril pour de bon.

« L’adaptation de nos frégates, c’est un gros sujet. C’est toujours l’éternel débat : tirer un missile Aster 15 ou 30 avec le coût qu’il a sur un drone qui peut coûter 20, 30, 40 ou 50 000 euros. Le déséquilibre économique entre l’intercepteur et la munition créée déjà un rapport de force qui vous est défavorable », a-t-il rappelé.

Sébastien Lecornu
Sébastien Lecornu devant les membres de l’Assemblée nationale. // Source : LCP

L’artillerie anti-aérienne classique, solution simple mais périlleuse

Première piste, pour répondre à court terme à cet enjeu : revenir à de l’artillerie sol-air classique. « On est en train de l’étudier », a confirmé le ministre, d’autant que l’armée de Terre connaît bien ce sujet. Une défense anti-aérienne qui pourrait être « modernisée avec un peu d’IA, avec des systèmes d’acquisition de tir, etc. », a-t-il avancé.

Le souci reste la prise de risque que l’on est prêt à prendre pour neutraliser des contacts hostiles — sans parler du danger que constituent les attaques saturantes. « La question de l’évolution de cette affaire est importante », a souligné le ministre, car c’est la sécurité des marins à bord et la protection de frégates valant chacune 850 millions d’euros qui sont en jeu.

« C’est facile à dire, ce n’est pas facile à faire. Vous êtes le pacha d’une frégate : vous tirez le missile Aster, vous êtes à peu près certain de faire l’interception », a exposé Sébastien Lecornu. « Vous voulez prendre un autre billet pour intercepter : vous attendez donc un peu plus longtemps et, par définition, votre cible est un peu plus proche. »

Selon MBDA, qui fabrique les deux variantes de l’Aster, la portée pratique du modèle 15 peut dépasser les 30 km. Pour le modèle 30, cela peut frapper au-delà des 100 km. Les missiles filent en outre à plusieurs fois la vitesse du son (Mach 3 pour l’Aster 15 par exemple). Une artillerie comme le Phalanx CIWS a une portée pratique de 1,5 km.

Phalanx CIWS arme armement militaire armée
Un système de défense Phalanx CIWS. // Source : Paul Kelly

Des lasers pour durcir les frégates françaises

L’autre piste, plus longue à déployer, est l’emploi de lasers, que l’armée attend de toute évidence avec impatience, selon les propos du ministre : « On a une nouvelle technologie et tout le monde attend avec impatience les lasers anti-drones. La nouvelle génération de technologie permettra sans doute de durcir nos frégates. »

En mai 2023, l’amiral Pierre Vandier, chef d’état-major de la marine, avait déjà partagé son grand intérêt pour ces lasers. C’était cette fois devant la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, au Sénat. « Je tiens particulièrement aux armes à énergie dirigée », avait-il confié aux élus.

« Mon objectif est qu’on ne tire pas un Aster 15 qui vaut un million d’euros contre un drone qui vaut 10 000 euros. Le prix d’un tir vers un drone doit être inférieur ou égal au prix du drone. C’est une condition de notre supériorité », avait-il indiqué. Un test avait d’ailleurs été annoncé par l’amiral. Il a été mené avec succès.

En l’espèce, il s’agissait de déployer une tourelle laser sur une frégate de défense aérienne. « Nous voulons ainsi prouver qu’il est possible, avec un laser de puissance, d’abattre des drones dans un rayon de quelques kilomètres », avait-il dit. Ladite tourelle, Helma-P, a été fournie par Cilas, une filiale de Safran et MBDA. On la retrouvera aux JO.

Sébastien Lecornu n’a pas développé davantage son propos, évoquant juste en fin d’audition que des discussions sont en cours avec Naval Group. L’industriel français, qui s’est occupé du programme FREMM, a la responsabilité plus large de construire les prochains navires de la Marine nationale, et ses futurs drones de combat sous-marins.

Sur la terre ferme, les armes à énergie dirigée sont déjà utilisées dans une logique d’autodéfense. C’est le cas en Israël avec l’Iron Beam qui vient en appui du « dôme de fer » (Iron Dome). L’Iron Beam cherche à détruire des drones avec des lasers, tandis que l’Iron Dome consiste essentiellement à tirer des missiles pour contrer des roquettes.

D’autres nations sont aussi engagées sur ce terrain. Les États-Unis dès 2014 au profit de sa marine, la Chine ou encore le Royaume-Uni avec le projet DragonFire. À bien des égards, le laser est considéré comme l’arme idéale pour contrer des drones, sans dépenser des fortunes. Il a toutefois deux contraintes : la météo et l’atmosphère.

Artillerie ou laser ? Le débat est en cours. Et si c’était l’un et l’autre, au final ? Sébastien Lecornu a en tout cas souligné qu’il faut surtout donner « la capacité à un commandant de bord et son état-major d’avoir le choix ». Disposer de systèmes d’armes multiples offre en effet davantage d’options quand on est sous le feu ennemi.

La Marine nationale a évalué un nouveau type de drone aérien à bord d’un porte-hélicoptères amphibie

La Marine nationale a évalué un nouveau type de drone aérien à bord d’un porte-hélicoptères amphibie

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Cette liste ne demande qu’à être complétée. Pour cela, encore faut-il évaluer leurs performances et les capacités qu’ils sont susceptibles d’offrir. Aligner des drones aériens sur un pont d’envol ne rime à rien si on n’a aucune idée du bénéfice que l’on peut en attendre. Il s’agit de définir et d’éprouver des concepts d’emploi en fonction de scénarios représentatifs de missions opérationnelles. Tel est d’ailleurs l’objet du projet « Perseus », mis en avant lors de la dernière mise à jour du plan stratégique Mercator de la Marine nationale.

« Facteur de supériorité opérationnelle », l’innovation technologique est « au cœur du projet Perseus », qui vise à « intégrer plus vite les idées prometteuses qui deviendront les capacités déterminantes pour les combats futurs », tout en favorisant le rapprochement entre la Direction générale de l’armement [DGA], les industriels et les unités opérationnelles de la Marine, est-il expliqué dans ce plan stratégique.

C’est donc dans le cadre de ce projet Perseus que, le 19 février, la Marine nationale a évalué un nouveau type de drone à bord d’un porte-hélicoptères amphibie. Les images de cet essai ont été diffusée par Sébastien Lecornu, le ministre des Armées, via X [anciennement Twitter].

Le drone en question – de type DT46 – a été mis au point par la société haut-garonnaise Delair. Cet appareil a la particularité de pouvoir être configuré soit en version VTOL [décollage et atterrissage vertical], soit en version « voilure fixe », auquel cas il a besoin d’une catapulte pour décoller.

Pouvant être rapidement déployé [moins de 15 minutes], le DT46 présente des performances différentes selon sa configuration. En mode VTOL, il est capable de rester en vol pendant 3h30 et porter une charge utile de 5 kg tandis qu’en mode « voilure fixe », il affiche une endurance de 7 heures. Le décollage et l’atterrissage se font automatiquement. D’après Delair, sa portée de communication, « entièrement chiffrée », est de 100 km. Il peut emporter différents types de capteurs, dont une boule optronique, un LIDAR et un IMSI-catcher.

Visiblement, ce DT46 a donné satisfaction. « Expérimentation réussie sur le porte-hélicoptères amphibie, pour ces nouveaux drones 100 % français, désormais capables d’atterrir sur une zone beaucoup plus restreinte. La LPM permet des résultats concrets : nos Armées recevront leurs premières livraisons dès le mois de mars », a en effet commenté M. Lecornu.

Pour le chef d’état-major de la Marine nationale [CEMM], l’amiral Nicolas Vaujour, la « réussite » de cette évaluation d’un « drone léger et plus facile d’emploi » marque « une étape supplémentaire dans les démarches de Polaris [une « marine de combat », ndlr] et Perseus ».

Cependant, à en juger par les images, cet essai du DT46 a été réalisé par temps calme, dans la rade de Toulon. Probablement qu’il y en aura d’autres, afin d’éprouver ses capacités en haute mer et dans des conditions météorologiques moins clémentes.

À bord d’un PHA, on peut imaginer qu’un drone DT46 permette de reconnaître une zone avant le lancement d’une opération amphibie ou de vérifier qu’aucun navire potentiellement hostile soit en approche. En réalité, l’éventail des missions qu’il pourra effectuer dépendra de la nature de sa charge utile.

La Marine nationale va recevoir 15 systèmes de mini-drones aériens embarqués supplémentaires

La Marine nationale va recevoir 15 systèmes de mini-drones aériens embarqués supplémentaires

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Déployable en moins de quinze minutes par deux opérateurs et doté d’une propulsion électrique, l’Aliaca affiche une autonomie de 3 heures pour un rayon d’action de 27 nautiques. À bord d’une frégate ou d’un patrouilleur, il est lancé au moyen d’une catapulte et sa récupération se fait automatiquement, grâce à un filet. Les données et les images qu’il collecte durant sa mission grâce à sa batterie de capteurs sont transmises en temps réel, de jour comme de nuit.

La Marine nationale mit très vite à l’épreuve ses premiers SMDM, en menant une phase d’évaluation opérationnelle [EVALOPS] depuis le patrouilleur de haute mer [PHM] « Commandant Bouan », avec le concours du Centre d’expérimentations pratiques et de réception de l’aéronautique navale [CEPA/10S].

Ces mini-drones agissent comme des « capteurs déportés », c’est à dire qu’ils permettent à un patrouilleur de surveiller une zone donnée ainsi que de repérer et d’identifier les navires qui y naviguent tout en « caractérisant » leurs activités. Et cela à distance supérieures aux portées radar. L’an passé, dans le golfe de Guinée, le PHM « Premier-maître L’Her » a démontré l’apport du SMDM lors de la saisie de 4,7 tonnes de cocaïne à bord d’un cargo et en retrouvant la trace du pétrolier Monjasa Reformer, qui avait été détourné par des pirates.

Puis, en septembre dernier, la DGA fit savoir qu’elle venait de qualifier le SMDM. « Grâce à ces performances, le potentiel d’emploi de ces drones tactiques est large : identification et prise de photos de navires inconnus, repositionnement discret de navires d’intérêt, ou encore recherche de naufragés », avait-elle alors souligné. Et d’ajouter qu’il allait « intégrer progressivement de nouvelles technologies » afin d’améliorer ses capacités.

Initialement, le SMDM devait être uniquement destiné aux patrouilleurs et aux frégates de surveillance. Cela étant, la Marine nationale indiqua qu’elle avait l’intention d’en équiper ses sémaphores – ou du moins un partie d’entre eux – à moyen terme. Peut-être qu’elle sera bientôt en mesure de mettre en oeuvre ce projet.

En effet, ce 5 février, la DGA a annoncé qu’elle venait de commander 15 SMDM supplémentaires pour environ 30 millions d’euros.

« Les premières intégrations de SMDM ayant donné pleine satisfaction sur le plan opérationnel, cette commande complémentaire permettra de répondre aux attentes de massification de la Marine Nationale. Les nouvelles livraisons débuteront dès la fin de l’année 2024 », a précisé la DGA, via un communiqué. Et d’ajouter que ce système de mini-drones pourrait disposer bientôt d’un « transpondeur ».

De son côté, Survey Copter a dit voir dans cette « commande additionnelle » la confirmation de « la relation de confiance » nouée avec la DGA et la Marine nationale. En outre, a souligné l’industriel, depuis le 4 septembre dernier, le « SMDM s’illustre dans une configuration côtière afin d’appuyer les opérations de recherche et secours dans la Manche, menées par le Centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage [CROSS] Gris-Nez [Pas-de-Calais].

L’armée française signe pour des drones de combat taillés pour la guerre sous-marine

L’armée française signe pour des drones de combat taillés pour la guerre sous-marine

Source : Naval Group
 
La France se prépare à avoir un jour dans sa marine des drones sous-marins de combat. Un démonstrateur va être construit par Naval Group.

Après l’espace aérien, les drones envahissent de plus en plus les fonds marins. La France, avec son immense domaine maritime, entend en être. Six mois après avoir lancé des études sur l’utilisation des drones sous-marins, décision a été prise de construire un démonstrateur de drone sous-marin de combat sans équipage.

La nouvelle a été annoncée le 30 janvier 2024 par la direction générale de l’Armement, dont la mission est de préparer les futurs systèmes de défense de la France. L’engin, appelé dans le jargon un UCUV (Unmanned Combat Underwater Vehicle), sera construit par Naval Group, l’un des géants de la construction navale dans le monde.

Une capacité de traitement propre et une autonomie décisionnelle

L’UCUV français appartiendra plus précisément à la classe des XL-UUV, soit la catégorie des drones sous-marins de combat sans équipage et de grandes dimensions. Il est précisé dans l’annonce de la DGA que l’engin atteindra à terme les 10 mètres de long pour une masse globale dépassant les 10 tonnes.

drone naval group sous marin
Un prototype en essai. // Source : Naval Group

Ce drone de combat devra afficher une « longue endurance », disposer de « capacités de traitement autonomes », grâce à la présence de capteurs, et assumer une certaine « autonomie décisionnelle ». Son armement éventuel n’est pas mentionné. Sa vocation militaire ouvre toutefois la possibilité de lui octroyer des armes.

L’autonomie décisionnelle sera partielle, avec le souci d’avoir toujours un humain dans la boucle. Le cerveau embarqué des drones restera sous la supervision des marins pour planifier et réaliser des missions. En somme, la France doit suivre la doctrine déjà observée avec les drones aériens : les engins agissent sous l’œil et sous la décision d’un opérateur.

Un nouveau champ de conflictualité : le fond des mers

Ce développement reflète la volonté des puissances d’investir un nouveau milieu, les fonds marins, déjà en partie occupés par les sous-marins. Ces dernières années, l’état-major et le gouvernement insistent sur la nécessité de se déployer dans ces nouveaux champs de conflictualité : cyber, espace, informationnel et le fond des océans.

Pour les États ayant un accès à la mer, cela devient un enjeu stratégique, pour protéger les approches maritimes d’un pays, ou sécuriser les abords d’une force navale déployée. Ces drones, de petite taille et pensés pour être très discrets, peuvent aussi servir à des actions offensives, ou bien faire du renseignement et de la surveillance.

Naval Group, qui équipe depuis longtemps la Marine nationale, travaille depuis 2016 sur des drones sous-marins, lui permettant d’accumuler déjà de l’expérience et de l’expertise dans ce secteur. Des développements sur fonds propres qui devraient ensuite se concrétiser avec la signature de contrats avec l’armée française.

La France veut se tourner vers le Saab GlobalEye suédois pour remplacer ses avions Awacs

La France veut se tourner vers le Saab GlobalEye suédois pour remplacer ses avions Awacs

L’acquisition possible, par la France, du système d’alerte aérienne avancée Saab GlobalEye suédois, pour remplacer les AWACS E-3F Sentry de l’Armée de l’Air et de l’Espace, sera incontestablement un des sujets majeurs abordés par le Président français, à l’occasion de sa visite officielle en Suède, qui débute de 30 janvier, alors que Paris et Stockholm vont approfondir leurs coopérations industrielles en matière de défense.

Mais les enjeux de cette visite, pourraient bien dépasser de beaucoup ce seul cadre pourtant déjà stratégique. En effet, tout indique qu’à cette occasion, le président français va aborder la possible participation suédoise au programme SCAF, et peut-être même d’autres coopérations ambitieuses, comme dans le domaine des drones de combat. Car, en bien des aspects, la France et la Suède partagent la même vision en matière de défense et de coopération industrielle européenne, mais aussi des besoins proches.

Sommaire

La Suède, une grande nation militaire et industrielle Défense en Europe

Bien qu’attachée à sa neutralité pendant longtemps, ou peut-être à cause d’elle, la Suède a été, au long de la Guerre Froide, et après, l’un des pays européens partageant le plus les positions de la France en matière de Défense.

Pour assurer la protection de son immense territoire, en dépit d’une population relativement faible de seulement 8 millions d’habitants en 1980, Stockholm avait développé un puissant outil militaire, ainsi qu’une importante industrie de défense lui permettant de produire l’essentiel de ses équipements, du sous-marin à l’avion de combat.

Sous-marin A26 Blekinge
La Suède est l’un des rares pays capables de concevoir des sous-marins conventionnels à hautes performances, comme le nouveau A26 classe Blekinge.

Comme tous les pays européens, la Suède a baissé la garde dans les années 2000, avec un budget défense à ce point réduit que les armées suédoises n’alignaient plus que 2 bataillons d’active opérationnels en 2015, contre 15 brigades en 1990. Toutefois, Stockholm n’a jamais cessé de soutenir son industrie de défense, produisant certains équipements particulièrement réussis comme le chasseur JAS 39 Gripen, le véhicle de combat d’infanterie CV90, ou le sous-marin A-19 de la classe Götland.

Surtout, la Suède a pris, dès 2016, la mesure de l’évolution de la menace en Europe de l’Est, réintroduisant un service militaire obligatoire, mais partiel, en 2017, adossé à une nouvelle doctrine dite de Défense Globale, conçue pour dissuader un éventuel adversaire de vouloir s’emparer militairement du pays.

Son implication budgétaire a évolué proportionnellement sur la même durée. Alors que Stockholm ne consacrait que 1 % de son PIB à ses armées en 2015, soit 55 milliards de couronnes (5 Md€ 2015), celui-ci a été amené, en 2024, à 115 Md de couronnes (10 Md€ 2024) et 2,1 % de son PIB, lui permettant de faire progresser son dispositif défense jusqu’à 3 brigades, ainsi qu’une vingtaine de bataillons auxiliaires, prêts sous 48 heures d’ici à 2025.

Ainsi, si la Suède va prochainement rejoindre l’OTAN, après l’accord donné par le Parlement turc, elle continue, de manière évidente, à s’investir pleinement dans sa propre défense, et dans la défense collective régionale et européenne.

La visite d’État d’Emmanuel Macron en Suède pour approfondir les liens industriels de défense entre les deux pays

C’est dans ce contexte que le président français, Emmanuel Macron, va entamer, ce 30 janvier, une visite d’État en Suède. Si de nombreux sujets vont être discutés entre le président français, et son homologue suédois, Ulf Kristersson, la coopération franco-suédoise en matière de défense européenne, et d’industrie de défense, sera en tête de liste.

Missile MMP Akheron Jaguar
Paris et Stockholm vont entamer une coopération visant à étendre les performances et capacités du missile antichar Akheron de MBDA.

En effet, si, à son habitude, Paris avait tancé Stockholm, en 2018, après que la Suède a arbitré en faveur du système antiaérien et antimissile américain Patriot, au détriment du SAMP/T Mamba franco-italien, les relations se sont rapidement normalisées par la suite, avec plusieurs coopérations industrielles de défense efficaces, qu’il s’agisse des munitions antichars (roquettes VT4, missile Akheron, obus Bonus), de systèmes de détection (radar giraffe, avion Awacs GlobalEye…), et d’autres.

Car si les industries françaises et suédoises sont souvent en compétition, comme dans le cas du Rafale face au Gripen, du sous-marin Blekinge face au Scorpene ou Marlin, ou du canon CAESAR face à l’Archer, elles savent aussi très bien collaborer, comme dans le cas du programme Neuron ou du missile Meteor.

Surtout, Paris et Stockholm partagent des positions proches concernant la coopération industrielle européenne de défense, et le renforcement de l’autonomie stratégique européenne, même si la Suède demeure un partenaire proche, en particulier dans le domaine de l’industrie de défense, des États-Unis (motorisation du Gripen, avion d’entrainement T-7A…).

La France envisage le Saab GlobalEye pour remplacer ses 4 avions radar AWACS E-3F

Pour entamer la discussion, Emmanuel Macron n’arrivera pas, en Suède, uniquement avec de belles paroles. En effet, plusieurs programmes de coopération industrielle Défense vont être lancés à l’occasion de cette visite, en particulier concernant l’évolution du missile antichar Akheron de MBDA, qui sera doté de nouvelles capacités avec Saab.

Mais le gros dossier, de cette visite, sera incontestablement les discussions qui seront entamées entre les deux pays, pour remplacer les 4 avions de veille aérienne avancée AWACS E-3F Sentry de l’Armée de l’Air et de l’Espace, par le GlobalEye suédois.

le Saab Globaleye suédois va t il rempalcer les E-3F français ?
Un E-3F SDCA du 36e Escadron de Détection et Contrôle Aéroportés. © A. Jeuland / Armée de l’air

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Pour le chef d’état-major de l’armée de Terre, l’artillerie est maintenant la « reine des batailles »

Pour le chef d’état-major de l’armée de Terre, l’artillerie est maintenant la « reine des batailles »

https://www.opex360.com/2024/01/21/pour-le-chef-detat-major-de-larmee-de-terre-lartillerie-est-maintenant-la-reine-des-batailles/


« Si l’appellation de « reine des batailles » a été donnée à l’infanterie durant le premier conflit mondial, il aurait été plus exact de l’accorder à l’artillerie, ne serait-ce que par la place prépondérante qu’elle occupe peu à peu dans les opérations, au point de représenter le tiers des effectifs des armées belligérantes de 1918. Point d’artillerie, point d’offensive! », fait ainsi valoir le colonel [ER] Henri Ortholan, historien et auteur de « L’artillerie de la grande guerre 1914-1918 – Une arme en constante évolution« , paru en 2020.

Par bien des côtés, la guerre en Ukraine rappelle les combats de 1914-18. D’ailleurs, c’est le constat établi par le général Valeri Zaloujny, le commandant en chef des forces ukrainiennes. « Tout comme lors de la Première Guerre mondiale, nous avons atteint un niveau technologique qui nous met dans une impasse », a-t-il en effet expliqué dans les pages de l’hebdomadaire The Economist, en novembre dernier.

Dans ce contexte, l’artillerie est [re]devenue incontournable, alors que, avec la fin de la Guerre Froide et les « dividendes de la paix », elle a été « ringardisée », pour reprendre le mot du général Pierre Schill, le chef d’état-major de l’armée de Terre [CEMAT], qui a fait part de ses réflexions sur ce sujet via Linkedin, cette semaine.

« Les armées n’ont pas été épargnées par la ‘fin de l’Histoire’ théorisée après la chute du mur de Berlin. Dans le sillage de la Guerre Froide, des savoir-faire, des capacités, des gammes de matériels ont été écartés comme obsolètes, ‘ringardisés’ voire oubliés », a ainsi rappelé le général Schill. Et avec les réductions budgétaires qui marquèrent cette période, « le besoin de disposer d’une artillerie puissante était discutable », a-t-il ajouté. D’autant plus que la puissance aérienne était censée « faire le travail », face à des adversaires supposés être technologiquement inférieurs.

Cependant, l’artillerie démontra qu’elle restait pertinente lors des opérations menées contre l’État islamique [EI ou Daesh] en Syrie et, surtout, en Irak. Entre 2016 et 2019, le détachement français Wagram, doté de quatre CAESAr [Camions équipés d’un système d’artillerie de 155 mm], assura environ 2500 missions de tirs [soit 18’000 obus tirés], notamment au cours de la bataille de Mossoul.

Quoi qu’il en soit, pour le CEMAT, la guerre en Ukraine « met en évidence le point suivant : dans un environnement tactique où la supériorité aérienne n’est plus acquise, où les volumes comptent encore plus que la technicité, l’artillerie est la ‘reine des batailles’ », avec des « duels d’artillerie » qui « paralysent le champ de bataille » et provoquent « l’essentiel des pertes ».

En outre, poursuit le général Schill, « l’intérêt et l’efficacité de l’artillerie sont décuplés par l’omniprésence des drones, conférant ce qu’il est désormais convenu d’appeler la transparence du champ de bataille, démultipliant les capacités de la ‘chaîne’ artillerie ».

« Plus que jamais, ‘l’artillerie conquiert, l’infanterie occupe’, ce qui conduit au paradoxe suivant : dans l’environnement très technologique de la guerre en Ukraine, c’est possiblement le volume d’obus disponibles qui fera pencher le cours de la guerre », constate le CEMAT.

Sur ce point, les forces russes ont l’avantage, comme l’a souligné Cédric Perrin, le président de la commission sénatoriale des Affaires étrangères et de la Défense, à l’occasion de la présentation d’un rapport rédigé après un déplacement en Ukraine, le mois dernier.

Selon lui, l’armée ukrainienne « tire entre 5000 et 8000 » obus de 155 mm par jour… soit près deux fois moins que les Russes [entre 10’000 et 15’000 coups quotidiennement, ndlr]. « Les autorités ukrainiennes ont fait de la production de munitions la priorité. Si la production locale de munitions a été multipliée par vingt depuis 2022, cela reste très insuffisant », affirme le rapport.

Et celui-ci de relever que, « entre mai et décembre 2023, le nombre de soldats russes aurait augmenté de 20% sur le front, tandis que les nombres de chars et de pièces d’artillerie déployés auraient chacun augmenté de 60% ce qui illustre combien la ‘masse’ demeure du côté russe. Ces chiffres contrastent brutalement avec l’essoufflement des livraisons occidentales à l’Ukraine ».

Dans le même temps, la promesse de la Commission européenne de livrer 1 million d’obus à Kiev tarde à se concrétiser. Pour autant, le commissaire Thierry Breton a assuré, cette semaine, que l’Union européenne aurait la capacité d’en produire 1,3 million d’ici la fin de cette année. « Nous sommes à un moment crucial pour notre sécurité collective en Europe, et, dans la guerre d’agression menée par la Russie en Ukraine, l’Europe doit et continuera à soutenir l’Ukraine avec tous ses moyens », a-t-il fait valoir.

En attendant, « la pénurie de munitions est un problème pressant auquel nos forces armées sont actuellement confrontées. […] Nous devons renforcer les capacités de défense ukrainiennes pour protéger le monde libre contre le danger russe », a affirmé Rustem Umerov, le ministre ukrainien de la Défense, lors du lancement de la coalition « Artillerie pour l’Ukraine », dirigée par la France.

Celle-ci devrait se traduire par la livraison de 78 CAESAr supplémentaires aux forces ukrainiennes dans le courant de année. Quant aux obus de 155 mm, le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, a assuré que la France serait en mesure de leur en fournir 3000 par mois d’ici la fin janvier.

Or, dans leur avis budgétaire sur le programme 146 « Équipement des forces », publié en novembre, les sénateurs Hélène Conway-Mouret et Hugues Saury, ont expliqué que « l’ambition affichée par le ministère des Armées en matière de munitions demeure très insuffisante au regard des exigences des combats de haute intensité » étant donné que, pour les obus de 155 mm, les « livraisons devraient être de 20’000 unités en 2024 soit l’équivalent de quatre jours de consommation des armées ukrainiennes ».

« Or, malgré les déclarations du gouvernement, les volumes d’acquisition des munitions resteront dans les années à venir similaires aux moyennes constatées les années précédentes pour les munitions d’artillerie », ce qui « place dangereusement la France en décalage par rapport à ses partenaires. […] Nexter estime qu’il conviendrait de garantir l’achat de 15’000 obus pour permettre de pérenniser la filière et rendre possible une montée en puissance rapide de la production à 40 à 45’000 obus. À plus long terme le groupe KNDS/Nexter vise une capacité de production de 100’000 obus et appelle toujours de ses vœux davantage de perspectives sur les commandes de l’État », ont conclu les deux parlementaires.

Photo : TF Wagram / EMA

Mer Rouge : La Marine nationale justifie l’emploi de missiles Aster 15 pour détruire des drones bon marché

Mer Rouge : La Marine nationale justifie l’emploi de missiles Aster 15 pour détruire des drones bon marché

https://www.opex360.com/2024/01/13/mer-rouge-la-marine-nationale-justifie-lemploi-de-missiles-aster-15-pour-detruire-des-drones-bon-marche/


Évidemment, cela a ouvert un débat sur le rapport entre le coût de ces missiles et celui des engins qu’ils ont détruits, sachant que le prix d’une munition téléopérée iranienne [MTO ou drone « kamikaze »] de type Shahed-136, comme celle probablement utilisée par les Houthis, est d’environ 20’000 dollars.

Lors du dernier point presse du ministère des Armées, le 11 janvier, le vice-amiral Emmanuel Slaars, commandant la zone maritime de l’océan Indien [ALINDIEN] ainsi que les forces françaises stationnées aux Émirats arabes unis [FFEAU] n’a pas manqué d’être interrogé sur ce sujet. Pour lui, « analyser les choses » sous cet angle est un « peu court » étant donné que ce n’est pas le prix de la munition utilisée pour écarter une menace qui compte mais la valeur de ce qu’elle a permis de protéger.

« Il faut intégrer dans vos analyses le fait que le coût à prendre en compte n’est pas seulement celui du missile que l’on utilise mais également le coût de ce que l’on protège. Là, en l’occurrence, il s’est agi de protéger nos marins et leur bateau parce que, lors des attaques des 9 et 11 décembre, il n’y a aucun doute sur le fait que la Languedoc était visée. Donc, il n’y a aucun état d’âme à avoir », a affirmé le vice-amiral Slaars.

Par ailleurs, toujours selon ce dernier, le prix des drones utilisés par les Houthis seraient plus élevés que ceux généralement avancés. « Certains sont assez sophistiqués, notamment ceux utilisés […] pour repérer les bateaux. Être capable de les détruire, c’est finalement anticiper une frappe beaucoup plus létale [avec des missiles, ndlr] et plus critique », a-t-il estimé.

Cela étant, les options de la FREMM en matière de défense aérienne sont limitées. Outre ses missiles Aster 15, associés au radar multifonctions Herakles, capable de détecter et de suivre jusqu’à 400 cibles maritimes et aériennes, elle dispose d’une tourelle de 76 mm.

Si des exercices ont démontré l’efficacité de cette dernière contre les drones, encore faut-il que les conditions opérationnelles se prêtent à son utilisation. À ce jour, sur les vingt-six attaques déjouées en mer Rouge, seul le « destroyer » britannique HMS Diamond a fait usage de son canon de 114 mm contre des drones lancés par les Houthis [lors de l’attaque que ceux-ci ont mené le 9 janvier, ndlr]. Mais il ne l’a fait qu’à une seule reprise, les missiles Aster de son système Viper [ou PAAMS pour Principal Anti Air Missile System] ayant été jusqu’alors privilégiés.

Quoi qu’il en soit, la Marine nationale aura à mener une réflexion sur les capacités surface-air de ses frégates. L’intégration de missiles VL Mica NG, comme cela avait été proposé pour les futures frégates de défense et d’intervention [FDI] grecques, pourrait être une solution susceptible d’être mise en oeuvre assez rapidement.

Lors d’un colloque à l’Institut Montaigne, le 7 décembre, le chef d’état-major des armées [CEMA], le général Thierry Burkhard, avait mis ce sujet sur la table.

« Dans l’arsenal russe, une des armes les plus utilisées pour les frappes dans la profondeur est le drone Shahed d’origine iranienne qui doit coûter à peine 20’000 dollars. Aujourd’hui, on abat quelquefois ce drone avec des Patriot ou des Aster [Aster 30 du système sol-air moyenne portée / terrestre, ndlr] qui coûtent plusieurs millions. Quand on tue un Shahed avec un Aster, en réalité c’est le Shahed qui a tué l’Aster », avait-il expliqué, selon un compte-rendu de l’AFP.

Or, avait-il continué, « si on veut gagner la guerre il va falloir développer des armes d’usure peu chères, en parallèle des armes de haute technologie qui permettent d’emporter la décision ».

SpaceX lance un drone spatial militaire pour une mission “top secret”

SpaceX lance un drone spatial militaire pour une mission “top secret”

La méga fusée Falcon Heavy de SpaceX a lancé avec succès le drone spatial militaire américain X-37B dans la nuit de jeudi à vendredi. La mystérieuse navette, mise en service en 2010, est en route pour sa septième mission “top secret”.

Le drone spatial X-37B lors de son atterrissage au Kennedy Space Center de Cap Canaveral (Floride), `a l’issue de sa 4e mission, le 7 mai 2017. (U.S. Air Force/Handout via REUTERS)
Le drone spatial X-37B lors de son atterrissage au Kennedy Space Center de Cap Canaveral (Floride), `a l’issue de sa 4e mission, le 7 mai 2017. (U.S. Air Force/Handout via REUTERS) Handout . / REUTERS

Ressemblant à une navette spatiale miniature de la Nasa, le X-37B est un drone réutilisable et entièrement autonome de neuf mètres de long et 4,5 mètres d’envergure, alimenté en énergie par des panneaux solaires.

On sait fort peu de choses sur ses recherches passées – si ce n’est quelques expériences sur le transport de l’énergie solaire ou l’étude de l’effet des radiations sur les graines – “et cette mission s’annonce encore plus mystérieuse que les précédentes”, prévient la chaîne américaine.

Le Pentagone est en effet resté très vague sur la septième mission de son drone spatial, évoquant en des termes vagues “l’expérimentation de technologies d’avenir sur la connaissance du domaine spatial et l’étude des effets des radiations sur des matériaux fournis par la Nasa”.

Mais son lancement via le Falcon Heavy – l’une des plus puissantes en activité – “pourrait indiquer que le X-37B est destiné à des orbites plus lointaines”, comme “la Lune ou Mars”, suggère CNN. Le X-37B a effectué son premier vol en 2010 et a passé plus de dix ans dans l’espace au cours de ses six premières missions – la sixième s’étant achevée en novembre 2022.

La Chine, que le gouvernement américain considère comme son principal concurrent dans la course à l’espace moderne, a lancé son propre drone spatial le 14 décembre dernier, précise la chaîne américaine. Les informations sur l’engin chinois sont encore plus rares, mais “certains observateurs pensent qu’il s’agit d’une copie conforme du X-37B”.