Les dossiers brulants des agents secrets français

Les dossiers brulants des agents secrets français

Guerre en Ukraine, déclassement de la France en Afrique, lutte antiterrorisme, campagnes de déstabilisation numérique menées depuis l’étranger. Les priorités ne manquent pas pour les agents de la DGSE.

par Frédéric Delmonte  avec AFP – mesinfos.fr – publié le

https://mesinfos.fr/75000-paris/les-dossiers-brulants-des-agents-secrets-francais-189926.html

Les dossiers brulants des agents secrets français

D. R. – Guerre en Ukraine, déclassement de la France en Afrique, lutte antiterrorisme. Les priorités ne manquent pas pour les agents de la DGSE.

Dans un monde plus incertain et agressif, les agents secrets français de la DGSE vont devoir muscler leur jeu. Les renseignements extérieurs français, dont le préfet Nicolas Lerner prend la tête en cette fin d’année, vont devoir accélérer leur mutation technologique dans un monde en plein bouleversement géopolitique, dans lequel l’Occident, et la France en particulier, sont en perte de vitesse. Ces dernières années, la DGSE a été sérieusement critiquée pour plusieurs échecs, notamment de ne pas avoir vu venir l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Elle n’a pas non plus anticipé les coups d’État successifs au Mali, au Burkina Faso et au Niger….

Nouveau patron, nouvelle stratégie à la DGSE

Le préfet Lerner, jusqu’à présent à la tête de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), se voit désormais confier la sécurité extérieure (DGSE), forte de quelque 7.000 personnes.

C’est la première fois que le dirigeant d’un service de renseignement intérieur prend la tête du renseignement extérieur du pays. Nicolas Lerner, énarque issu de la même promotion qu’Emmanuel Macron dont il est proche, avait été nommé directeur général de la sécurité intérieure en octobre 2018. Unanimement salué comme un « gros bosseur« , un « pro« , ce haut fonctionnaire discret de 45 ans a fait toute sa carrière au sein du ministère de l’Intérieur, essentiellement sur les questions de sécurité. La nomination de Nicolas Lerner met fin au mandat de Bernard Emié à la DGSE pendant plus de six ans.

Aperçu des enjeux de la décennie à venir du navire amiral du renseignement français.

Guerre en Ukraine, Taïwan, Hamas…

Guerre en Ukraine, tensions entre Chine et Taïwan, guerre entre Israël et le mouvement islamiste palestinien Hamas, crise entre l’Occident et l’Iran… Les multiples conflits et points chauds mettent à mal les équilibres géopolitiques. Les armées françaises avaient identifié il y a quelques années le risque de retour d’affrontements militaires d’ampleur, meurtriers, coûteux et longs. Les deux dernières années l’ont confirmé.

Mais la DGSE n’a pas anticipé la guerre en Ukraine en février 2022 et cela lui a été reproché. « Il y a une nécessité de regarder avec plus d’acuité ce qui n’a pu être anticipé et essayer d’analyser les soubresauts d’un monde compliqué à lire« , résume Alexandre Papaemmanuel, professeur à Sciences-Po.

Les armées françaises sont confrontées à de nouvelles menaces. (Photo D. R.)

Déclassement stratégique en Afrique

Chine, Russie, Iran et d’autres puissances remettent ouvertement en cause le droit international hérité de l’après-guerre. Dans le même temps, le Sahel, ancien pré carré post-colonial, est devenu un trou noir pour la France, chassée du Mali, du Burkina Faso et du Niger par des coups d’Etats militaires successifs sur fond de sentiment anti-français. Un déclassement stratégique dont la DGSE devra s’accommoder.

« Comment faire pour compenser la perte quasi-totale d’influence et de crédibilité de la France dans le monde ?« , s’interroge Alain Chouet, ex-haut responsable de la DGSE. « Les gens qui me recevaient avec tapis rouge il y a 15 ans, je ne pourrais pas les voir aujourd’hui« .

La priorité de la lutte antiterroriste

Obsession absolue du renseignement français après les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis, et plus encore après ceux qui ont frappé la France en 2015-16 (Charlie Hebdo, le 13 novembre à Paris, Nice), la lutte anti-terroriste a désormais baissé dans l’ordre des priorités. Or les centrales jihadistes d’Al-Qaïda et du groupe Etat islamique n’ont plus la force de frappe du passé mais demeurent une menace réelle. Il faut aujourd’hui anticiper les nouveaux dangers « sans créer d’angles morts« , souligne Alexandre Papaemmanuel.

Réformer la DGSE

Entamée fin 2022, la réforme de la DGSE initiée par Bernard Emié, le directeur sortant, a restructuré les services. Nicolas Lerner devra l’inscrire dans la culture d’un « paquebot dont il est toujours difficile de modifier la route » mais qui sait « continuer à bosser » en s’adaptant aux réformes, selon Alain Chouet. Popularisée par la série télévisée « Le bureau des légendes », la DGSE quittera en 2028 ses mythiques locaux du XXe arrondissement de Paris. Elle s’installera au Fort Neuf de Vincennes, sur une surface de 20 hectares, le double des capacités de son siège actuel.

Investir dans le renseignement technologique

La DGSE, qui reste à des années-lumières des capacités techniques de la NSA américaine, devra continuer à investir lourdement. La possible constitution d’une agence technique autonome, incluant cybersécurité et éventuellement cyberguerre, sur le modèle américain, est débattue sans faire consensus. Par ailleurs, l’intelligence artificielle révolutionne le secteur, avec en première ligne les grands acteurs privés américains (GAFA) ou chinois (BATX), aux moyens considérables.

« Il faut fixer des règles cohérentes avec l’Etat de droit mais qui prennent en compte un monde en compétition dans lequel on veille à ne pas désarmer les démocraties« , prévient le député Thomas Gassilloud, membre de la délégation parlementaire au renseignement.

Coopération accrue entre agences de renseignements

Les activités des espions français ont longtemps été protégées par un épais rideau de fumée et une avalanche de tabous jusqu’à ce que les politiques s’emparent du sujet. Ils sont depuis 2007 placés sous le contrôle de la délégation parlementaire au renseignement, avec une Coordination nationale au renseignement (CNRLT) et une surveillance de ses activités via la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR).

La future DGSE devra à cet égard coopérer plus encore avec les autres agences, notamment le renseignement militaire (DRM) ou la DGSI, que le nouveau directeur connaît parfaitement. Bernard Emié aura contribué avec son successeur Nicolas Lerner à améliorer les relations souvent tendues entre la DGSE et la DGSI, le remplacement du premier par le second confirmant des liens décrits dans la communauté du renseignement comme très réguliers et professionnels.

Le préfet Nicolas Lerner a été nommé à la tête de la Direction générale de la sécurité extérieure

Le préfet Nicolas Lerner a été nommé à la tête de la Direction générale de la sécurité extérieure

https://www.opex360.com/2023/12/20/le-prefet-nicolas-lerner-a-ete-nomme-a-la-tete-de-la-direction-generale-de-la-securite-exterieure/


Ce mouvement est inédit car, pour la première fois, la DGSE sera dirigée par un « transfuge » de la Direction générale de la sécurité intérieure [DGSI], le préfet Lerner ayant été nommé à sa tête en 2018. En outre, âgé de 45 ans, il s’apprête à devenir le plus jeune « patron » du renseignement extérieur.

Sorti de l’ENA en 2004 en tant qu’administrateur civil, Nicolas Lerner est d’abord affecté au le secrétariat général du ministère de l’Intérieur, avant de rejoindre l’administration préfectorale. Directeur de cabinet du préfet de la région Languedoc-Roussillon entre 2006 et 2008, puis chef de cabinet du préfet de Police de Paris, il est nommé sous-préfet de Béziers en 2014.

L’année suivante, il devient directeur de la sécurité générale en Corse-du Sud. En 2017, il rejoint le cabinet du ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb, au sein duquel il s’occupe des questions relatives au renseignement et au contre-terrorisme. Il devient ensuite le plus jeune chef du renseignement intérieur, à seulement 40 ans.

Le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, a dit rendre un « hommage appuyé à l’action de Bernard Émié qui a dirigé la DGSE pendant plus de six années, durée exceptionnellement longue sur un poste aussi exigeant ». Ce qui, stricto sensu, n’est pas exact, Alexandre de Marenches ayant dirigé le Service de documentation extérieure et de contre-espionnage [SDECE, « ancêtre » de la DGSE] entre 1970 et 1981. Ancien officier [promotion « Maréchal Bugeaud » à l’École spéciale militaire de Saint-Cyr], Jacques Dewatre a tenu les rênes de la « Piscine » pendant sept ans [1993-2000]… Soit une année de plus que Pierre Brochand [2002-2008].

Quoi qu’il en soit, Bernard Émié aura conduit une vaste réforme de la DGSE, en supprimant des échelons hiérarchiques, en abandonnant une organisation dite en « silos » et en mettant en place des « centres de missions ». Désormais, le service compte trois grandes directions [administration, recherche et opérations, technique et innovation] ainsi qu’un secrétariat général pour l’analyse et la stratégie. En outre, le désormais ancien directeur était particulièrement attaché à la « militarité » de la « Piscine ».

Cela étant, si, durant, ces six dernières années, plusieurs succès notables sont à mettre son actif [comme par exemple la « neutralisation » d’Abdelmalek Droukdel, le chef d’al-Qaïda au Maghreb islamique], la DGSE a dû endosser la responsabilité de quelques « ratés ». Il lui a en effet reproché de ne pas avoir vu venir les coups d’État au Mali et au Niger, l’affaire AUKUS ou encore l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Mais il est vrai qu’il est toujours tentant de rejet la responsabilité d’erreurs d’appréciation sur un service qui, par définition, ne peut pas toujours s’en défendre publiquement.

Toutefois, s’agissant plus particulièrement de l’Ukraine, M. Émié avait tenu à faire une mise au point, lors d’un [rare] entretien donné à la presse [Le Point, en l’occurrence], en juin dernier.

« Nous avons détecté les mêmes mouvements de troupes russes que nos alliés. Si nous avons pu différer dans nos analyses, nous avions le même degré d’information. La seule différence tient au traitement qui a été fait de ces renseignements. Nous étions encore dans une phase de négociation et de dialogue [avec la Russie, ndlr]. La CIA a choisi de divulguer au grand public ses renseignements dans l’espoir de dissuader Moscou de passer à l’action. Nous avons gardé ces éléments secrets car nous ne voulions pas dévoiler nos méthodes de collecte. Ce silence de notre part a conduit un certain nombre de médias à imaginer que nous ne savions pas. Ce qui est faux », avait-il soutenu.

« À l’heure d’ouvrir une nouvelle page dans l’histoire de la DGSE, je souhaite partager à Bernard Émié, ma reconnaissance et celle de la Nation, pour ses 6 années à la tête de la DGSE. C’est la grandeur de l’action d’un service de renseignement de ne voir exposés que ses très rares revers et de ne jamais se voir reconnaître au grand jour l’étendue de ses succès », a dit M. Lecornu. Et de conclure : « Je souhaite bonne chance à Nicolas Lerner qui a toute ma confiance pour continuer à protéger, dans l’ombre, la France et les Français ».

Photo : Ministère de l’Intérieur / DGSI

Une transmission radio qui pourrait être en lien avec les services de renseignement russes

Une transmission radio qui pourrait être en lien avec les services de renseignement russes

par Alain Charret – CF2R – publié le 18 décembre 2023


Durant la Guerre froide, les Anglo-Saxons les avaient baptisées Numbers Stations. Il s’agissait d’émissions composées d’une voix synthétique qui égrenait une suite de chiffres dans différentes langues allant du russe, au roumain en passant même par le français. À l’époque, pas d’Internet, seules quelques publications dédiées à l’écoute des ondes courtes les évoquaient. Si de nombreux amateurs s’amusaient à les répertorier, il était impossible de savoir d’où elles provenaient et encore moins quels étaient leurs destinataires. Ces derniers, pour les recevoir, n’avaient besoin que d’un antique récepteur radio possédant la bande des ondes courtes. Aucune métadonnée à analyser, ni d’adresse IP ; ils étaient donc totalement indétectables.

 

Un antique récepteur radio possédant la gamme des ondes courtes suffit pour recevoir ces émissions

 

Quelques années après la chute de l’URSS et l’ouverture de certaines archives, il fut établi qu’elles émanaient de différents services de renseignement et qu’elles étaient destinées à leurs agents clandestins à travers le monde.

Aujourd’hui, si ce type d’émission a considérablement diminué, on observe ponctuellement la reprise de certaines transmissions. Cela a été le cas notamment au début de l’opération russe en Ukraine. S’il est quasiment impossible de déchiffrer ces messages sans en détenir le code, on peut parfois les rattacher à une activité particulière.

C’est dans ce contexte que le 14 décembre 2023, des amateurs d’écoute radio ont pu entendre une émission en langue allemande qui n’avait plus été active depuis mars 2021. Selon différentes études menées par des passionnés, cette transmission de chiffres proviendrait d’un émetteur situé près de Smolensk, en Russie. Il serait opéré par le GRU, le service de renseignement militaire de la Fédération de Russie.

La langue utilisée lors de ce type d’émission indique généralement la région cible. Cela signifierait que le ou les destinataires se trouveraient en Allemagne. Depuis le début de la guerre en Ukraine, la recrudescence d’activité des agents russes dans ce pays a été à plusieurs fois soulignée par les services allemands. Donc rien de bien nouveau. Cependant, difficile de ne pas également noter que la veille s’est ouvert à Berlin ce qui est déjà qualifié par la presse allemande comme le « plus grand procès pour espionnage dans le pays depuis des décennies ».

« Des précautions exceptionnelles entourent ce procès puisque des informations sensibles pourraient être divulguées, dans le contexte de la guerre en Ukraine. Les deux accusés, séparés par une vitre, se retrouvent assis dans des cages de verre. La salle du tribunal est protégée contre les écoutes. Les journalistes n’ont le droit d’utiliser qu’un stylo fourni par la justice pour rendre compte de ce procès [1]».

L’un des deux accusés n’est autre qu’un membre du BND[2], le service de renseignement extérieur allemand. Il est accusé d’espionnage au profit de la Russie. Difficile de croire à une simple coïncidence. Compte tenu de la sensibilité de ce procès, on peut raisonnablement penser que cette transmission a un lien avec cette affaire.

S’il est impossible d’en connaître la signification, on peut imaginer deux options. Il s’agit de l’activation ou de consignes envoyées à un ou plusieurs agents en Allemagne en lien avec le procès. Ou alors tout simplement un leurre destiné à occuper le contre- espionnage allemand obligé de consacrer du personnel sur cette fausse piste au détriment d’autres affaires.


[1] Deutsche Welle le 13/12/2023.

[2] BundesNachrichtenDienst.

2024 : L’année du réveil géopolitique par Sergey Yevgenyevich Naryshkin

2024 : L’année du réveil géopolitique

par Sergey Yevgenyevich Naryshkin* – CF2R – NOTE D’ACTUALITÉ N°623 / décembre 2023

*Directeur du service de renseignement extérieur de la Fédération de Russie (Sloujba vnechneï razvedki Rossiskoï Federatsi /SVR)

https://cf2r.org/actualite/2024-lannee-du-reveil-geopolitique/


 

 

L’enjeu historique de la cryptographie dans l’espionnage américain : l’opération Rubicon

L’enjeu historique de la cryptographie dans l’espionnage américain : l’opération Rubicon

École de Guerre Économique – publié le 24 novembre 2023

https://www.ege.fr/infoguerre/lenjeu-historique-de-la-cryptographie-dans-lespionnage-americain-loperation-rubicon


Après 1945, les Etats-Unis sont capables de lire les communications des pays du monde entier, notamment grâce aux nombreux succès obtenus en cryptologie lors de la Seconde Guerre mondiale (décryptage du JN-25b japonais 6 mois seulement après Pearl Harbor, et déchiffrement des messages Enigma entre autres). Avec le début de la Guerre froide, ce précieux avantage sur les pays communistes est sur le point d’être perdu :  l’URSS privilégie des systèmes de communication par câbles plutôt que par radios, et change ses systèmes de chiffrement entre 1947 et 1948 tout en équipant ses alliés communistes de ces nouveaux systèmes ; les Etats-Unis sont alors privés de l’accès aux communications soviétiques et nord-coréennes, et sont directement menacés de devenir aveugles et de perdre prise sur les événements mondiaux. Pour la puissance des Etats-Unis, il devient vital de maintenir leur avantage en cryptologie sur le reste du monde. C’est dans cette optique que la NSA et la CIA montent l’opération Spartan, renommée ensuite Thesaurus, puis Rubicon en 1987.

De l’accord oral entre Hagelin et Friedman dans les années 1950, au rachat de Crypto AG en 1970 par la CIA et le BND

Au début des années 1950, l’AFSA (future NSA) charge le cryptographe William Friedman d’établir un accord avec son ami de longue date, Boris Hagelin  ; celui-ci a fabriqué la plupart des machines de cryptographie équipant les Etats du monde, et fonde Crypto AG en 1952 dans la ville de Zoug en Suisse. La NSA espère alors rallier Hagelin aux intérêts américains, d’une part en réservant la vente des machines sécurisées de Crypto AG aux pays de l’OTAN ainsi qu’à la Suisse et à la Suède ; d’autre part en vendant des machines (a minima) moins sécurisées aux pays non-alliés voire ennemis. Cela permettrait aux Etats-Unis de garder un ascendant en dehors et au sein-même de l’OTAN, en garantissant l’exclusivité de leur accès à des informations stratégiques portant sur des pays équipés de machines peu sécurisées. Comment la NSA s’y prend-elle pour mener une telle opération ? La NSA dispose de plusieurs leviers :

. Premièrement, la longue amitié liant William Friedman et Boris Hagelin.

. Deuxièmement, l’image favorable qu’ont les Etats-Unis en Europe à la suite de la Seconde Guerre mondiale ; enfin, la sécurité financière et physique de la famille de Hagelin, qui doit être assurée.

Cette opération de recrutement est un succès partiel ; un accord oral existe, et Hagelin transmet à Friedman ses prototypes ainsi que la liste des pays clients de Crypto AG. Toutefois, les tentatives de rédaction de l’accord entre 1951 et 1958 échouent, principalement en raison de désaccords entre Friedman et la NSA ; le premier insiste sur la nécessité d’un tel accord avec Hagelin, tandis que la seconde demeure sceptique quant à sa fiabilité[i].  Ne parvenant pas à conclure un accord satisfaisant entre les parties, la NSA se retire du dossier et le transmet à la CIA ; en 1960, celle-ci parvient à un accord de licence sur cinq ans avec Crypto AG : l’entreprise ne vend plus de machines sécurisées aux pays ennemis des Etats-Unis, en échange d’une indemnisation de 600 000$ en raison du coût d’opportunité et de 75 000$ d’honoraires annuels pour les activités de conseil prodiguées par Hagelin.

Entre le milieu et la fin des années 1960, les services de renseignement prennent une place prépondérante dans Crypto AG, essentiellement pour deux raisons : premièrement, l’arrivée des circuits intégrés et de l’électronique dans la cryptologie, qui fait craindre à Hagelin de ne pas pouvoir suivre le changement technologique. Deuxièmement, Hagelin, né en 1892, a bientôt quatre-vingts ans, et les relations entre Hagelin et son fils sont trop dégradées pour qu’il lègue Crypto AG à son fils. C’est grâce à ces deux leviers que la CIA convainc Hagelin de vendre Crypto AG à la CIA et au BND le 4 juin 1970[ii].

La mise à profit de Crypto AG pour les intérêts des Etats-Unis (1970 – 1993)

Cet achat constitue un tournant décisif dans l’opération (alors baptisée Thesaurus) : les services américains sont à présent en possession de l’entreprise possédant plus de 80% du marché des équipements de chiffrement ; ils sont alors libres de vendre aux Etats du monde entier des machines défaillantes, ce qui rend possible le déchiffrement des communications diplomatiques de plus d’une centaine d’Etats. Des entreprises américaines et allemandes sont à l’œuvre pour produire les systèmes défaillants des machines : Motorola, Siemens, AEG Telefunken, ANT, Rhode & Schwartz ou encore Tele Security Timman ; toutes sont liées, de près ou de loin, aux services américains ou allemands. Les plans des systèmes sont ensuite envoyés à Crypto AG et implémentés dans les machines par les ingénieurs, avant que celles-ci soient vendues aux différents Etats. Les machines sont alors utilisées dans les administrations et dans les ambassades. La vente de telles machines à des pays comme l’Egypte ou l’Iran s’est révélée être un atout décisif pour les Etats-Unis.

Les accords de Camp David en septembre 1978 sont un exemple probant d’utilisation efficace d’informations obtenues via les machines de Crypto AG, à des fins d’accroissement de puissance. En 1978, Jimmy Carter souhaite parvenir à un processus de paix dans le Proche-Orient afin, à la fois, de maintenir l’influence américaine dans la région, et d’améliorer son image auprès de l’opinion (image alors catastrophique) pour les élections de 1981. Ce processus de paix aboutit aux accords de Camp David conclus entre l’Egypte de Sadate et l’Israël de Begin, avec les Etats-Unis de Jimmy Carter comme « témoin », le 17 septembre 1978. L’accès de la CIA et de la NSA aux communications diplomatiques égyptiennes chiffrées par des machines défaillantes de Crypto AG, a été décisive dans le succès de cette intermédiation américaine.

La rentabilité du système

Les Etats-Unis ont pu lire toutes les communications diplomatiques entre l’Egypte et ses alliés de la Ligue Arabe, ce qui s’est révélé inestimable pour la rédaction des accords, et donc l’accroissement de la puissance américaine. Les exemples de succès de l’utilisation des informations recueillies via les machines lisibles de Crypto AG pourraient être multipliés : la crise des otages en 1979, les îles Malouines en 1982 ou encore l’attentat à la bombe dans la boite de nuit berlinoise « La Belle » le 5 avril 1986. Toutefois, à la suite de l’affaire Bühler en 1992 et la revente des parts du BND à la CIA en 1993, l’opération Rubicon prend progressivement fin, pour finalement s’arrêter complétement en 2018 avec la vente de Crypto AG.

Dans son ensemble, l’opération Rubicon s’est révélée formidablement rentable pour les services américains. Non seulement ont-ils déchiffré les communications de plus d’une centaine d’Etats (si bien que les machines lisibles Crypto AG fournissaient 40% du renseignement technique de la NSA), mais de surcroît, les machines défaillantes ont été payées par lesdits Etats, qui entretenaient donc l’espionnage de leurs propres communications. Enfin, le scandale n’a jamais été médiatisé au point d’affaiblir durablement les Etats-Unis sur le plan cognitif.

Un étudiant de la RENSIE02 de l’EGE

Sources :

https://www.cryptomuseum.com/intel/cia/rubicon.htm#10

https://warwick.ac.uk/newsandevents/knowledgecentre/society/politics/operation_rubicon/

https://www.washingtonpost.com/graphics/2020/world/national-security/cia-crypto-encryption-machines-espionage/

Notes

[i] La NSA est spécialisée dans le renseignement technique, et non pas dans le renseignement humain. Cela éclaire deux points importants : d’une part, cela explique en partie la transmission du dossier à la CIA, qui est spécialisée dans les opérations de renseignement humain. D’autre part, cela explique la « timidité » de l’approche de la NSA envers Hagelin : celui-ci propose dès 1953 que la NSA développe la cryptologie de Crypto AG ; pourtant, la NSA refuse les propositions d’accord rédigés par Friedman et n’a pas confiance en Hagelin. L’idée de Hagelin sur la production de la cryptologie par la NSA sera reprise par la CIA lors du rachat de Crypto AG en 1970.

[ii] L’implication des renseignements allemands dans l’opération à partir de 1970 s’explique par leur démarche effectuée en 1967 : le BND et le service français du chiffrement apprennent les liens unissant Crypto AG et la CIA, puis proposent un accord de rachat de l’entreprise à Hagelin. Celui-ci avertit les renseignements américains, qui finissent par accepter de prendre part au rachat, à condition que les Français (en qui les Américains n’ont pas toujours confiance à (l’époque) ne soient pas impliqués.

L’affaire Ommic, l’illustration du contournement de l’embargo américain de la Chine par l’espionnage industriel

L’affaire Ommic, l’illustration du contournement de l’embargo américain de la Chine par l’espionnage industriel

 

Les semi-conducteurs, également connus sous les noms de circuits intégrés (CI) ou micropuces, jouent un rôle fondamental dans la conception et le fonctionnement des appareils électroniques. En effet, ils sont omniprésents au sein de nombreux produits électroniques. De surcroît, leur présence est indispensable dans des secteurs stratégiques comme celui de la défense et de la sécurité nationale. Les semi-conducteurs sont présents dans les systèmes d’armement ou la technologie aérospatiale.

Le marché mondial des semi-conducteurs est dépendant de la production de Taïwan. Son rôle prépondérant dans le secteur des semi-conducteurs et la forte dépendance des États-Unis à l’égard de l’île pour l’approvisionnement en puces se résument par TSMC, qui signifie Taiwan Semiconductor Manufacturing Company. Cette société taïwanaise est un géant de l’industrie, pesant à elle seule 53 % de la production mondiale de fonderies de semi-conducteurs en 2020 selon un rapport de la Maison Blanche. Cependant, la menace de la Chine pesant sur Taïwan a fait réagir les États-Unis sur leur politique économique. La puissance américaine commence à reconstruire sa production nationale de semi-conducteurs. De plus, le gouvernement de Donald Trump, ainsi que celui de Joe Biden ont énoncé leur intention de restreindre la capacité de la Chine à accéder, développer ou produire des composants de pointe. À cette fin, ils mettent en place une stratégie reposant sur trois points, des embargos, une reconstruction de la production nationale et la formation d’alliances internationales. Le point important de cet article concerne les restrictions commerciales et notamment l’embargo mis en place par le gouvernement de Donald Trump en 2019.

En plus de restreindre l’utilisation des principales applications de Google par Huawei, la décision prise en 2019 a également limité la capacité de l’entreprise chinoise à produire ses processeurs de la série HiSilicon Kirin, en l’interdisant de faire affaire avec TSMC. Les États-Unis ont également convaincu le gouvernement japonais, sud-coréen et néerlandais de durcir leurs mesures de restriction contre la Chine dans le domaine des semi-conducteurs. Ces dernières affectent les entreprises américaines et étrangères qui fabriquent leurs produits sur le territoire chinois, comme en témoigne l’intention de sociétés sud-coréennes de solliciter une licence d’exportation. En septembre 2022, le gouvernement américain a interdit à Nvidia (fournisseur américain de matériels et de logiciels d’intelligence artificielle) et AMD (fabricant américain de semi-conducteurs) d’exporter des puces pour l’intelligence artificielle vers la Chine avec comme objectif d’empêcher la production de certains équipements, notamment dans le domaine militaire.

Ommic, une entreprise stratégique mais exploitée par la Chine

L’entreprise OMMIC, créée en 2000, est une PME industrielle française spécialisée dans les semi-conducteurs. Elle se démarque grâce au développement de composants en nitrure de gallium (GaN) et en arséniure de gallium (GaAs). Ces derniers sont reconnus pour leur performance ainsi que pour leur capacité à résister à des températures élevées. Ces caractéristiques les positionnent comme des composants de premier choix pour les systèmes de télécommunication haut débit, les technologies radars, les communications par satellite, les réseaux mobiles 5G et le guidage de missile.

OMMIC est stratégique pour la France, car l’industrie de la défense et l’industrie spatiale utilisent le savoir-faire de l’entreprise. L’intérêt stratégique d’OMMIC est davantage mis en avant depuis son rachat en février 2023 par l’entreprise américaine Macom Technology Solutions. La France a perdu une entreprise stratégique dans la télécommunication et ainsi que les secrets militaires qu’elle détenait.

En 2018, 94 % des parts d’OMMIC sont rachetées par Ruodan Zhang. Cet individu de nationalité chinoise est passé par le fonds d’investissement français Financière Victoire. Zhang devient président d’OMMIC en 2018 et le directeur général est Marc Rocchi, l’ancien président de la PME.

Ruodan Zhang est soupçonné d’avoir utilisé sa position de président pour permettre l’exportation de semi-conducteurs vers la Chine et à prix bradé. En effet, ces opérations ressortent dans les comptes annuels de l’entreprise, le chiffre d’affaires baisse de 12,65 % (soit 2,1 millions d’euros) entre 2020 (16,5 millions d’euros) et 2021 (14,4 millions d’euros). Les comptes annuels de l’entreprise recensent une perte de 3,9 millions d’euros.

En 2021, les activités d’OMMIC en Russie représentent 25,5 % du chiffre d’affaires de l’entreprise. La PME française a donc un commerce qui servait des intérêts étrangers alors qu’elle jouait un rôle stratégique dans le secteur militaire français.

De plus, les comptes annuels relèvent aussi qu’une cargaison à destination de clients russe et chinois a été bloquée par les douanes françaises en janvier 2021. Par la suite, une enquête a été ouverte par le parquet national antiterroriste. Ce dernier saisira la DGSI et l’Office central pour la répression de la grande délinquance financière en 2022. Le 24 mars 2023, Marc Rocchi, le directeur général, ainsi que Luo Qi, une cadre chinoise de la société, ont été mis en examen pour livraison à une puissance étrangère de procédés, documents ou fichiers de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation. Les autorités françaises n’ont pas arrêté Ruodan Zhang, car ce dernier est en Chine. Elles affirment que cet individu était en lien avec l’industrie de la défense chinoise.

Ce cas expose l’implication de la France dans la « guerre des puces » entre la Chine et les Etats-Unis. Pour contourner l’embargo américain, la Chine s’attaque aux entreprises stratégiques européennes pour continuer à développer ses technologies de télécommunication et militaire.

L’espionnage d’industries étrangères pour combler le retard technologique chinois

Le cas de l’entreprise Ommic permet à la Chine d’accéder à la technologie de semi-conducteurs occidentale, ce qui lui donne la possibilité de copier cette dernière. C’est une opération rentable la Chine. Le renseignement chinois a œuvré de 2018 à 2021 sans se faire détecter et il a exporté des circuits imprimés vers la Chine entre 2021 et 2023. Cette opération a un double résultat, la Chine rattrape son retard en copiant les semi-conducteurs occidentaux dont elle était privée depuis 2019. De plus, le renseignement chinois a récolté des composants présents dans l’armement français, notamment une partie servant au guidage des missiles ou au radar (outils omniprésents dans un conflit majeur). Cette opération d’espionnage industriel semble montrer une grande rentabilité pour la Chine. En effet, le pays contourne l’embargo américain en passant par l’Europe. Mais le cas OMMIC n’est pas le seul succès du renseignement chinois.

En septembre 2023, Huawei, l’une des principales entreprises de télécommunication et d’informatique chinoise, a présenté un nouveau smartphone équipé d’un processeur 5 G de 7 nm. Les États-Unis ne justifient pas ce progrès chinois qui n’était pas censé apparaître avant plusieurs années. Cependant, après avoir étudié la composition du téléphone, Bloomberg News, une agence de presse américaine, annonce qu’un composant d’une société sud-coréenne est présent dans l’appareil. Le fabricant sud-coréen de semi-conducteurs SK hynix a lancé une enquête pour comprendre la présence de son composant dans le téléphone chinois. En effet, elle n’a pas le droit, depuis l’embargo américain de 2019, de conclure des ventes avec des entreprises chinoises. Huawei a contourné l’embargo américain, sans se faire détecter, dans l’objectif de rattraper son retard dans l’innovation de processeurs. Mais ce retard reste très marqué, les semi-conducteurs chinois ont une puissance encore inférieure à ceux utilisés en Occident. En effet, les entreprises américaines, comme Apple, vont utiliser des puces taïwanaises de 3 nm en 2024.

L’espionnage sur le territoire national, la mise en place d’une production chinoise de semi-conducteurs

La Chine use de l’espionnage industriel pour acquérir des technologies occidentales, mais, cela ne répond pas aux difficultés de la production. En effet, équiper les différents appareils chinois avec une technologie, se rapprochant de celle utilisée en Occident, coûte cher et nécessite une grande chaîne de production. Or, la Chine ne s’est pas autant spécialisée comme l’a fait Taïwan avec les semi-conducteurs. Elle ne dispose donc pas d’une production similaire. Cependant, il faut constater qu’elle accueille sur son territoire de nombreuses usines étrangères, dont une partie produisant des semi-conducteurs. Par conséquent, ces chaînes de production utilisent la main d’œuvre chinoise. Or, cet usage est une faille exploitable par les renseignements chinois. Entre 2018 et 2019, un cadre de la société sud-coréenne Samsung a volé des plans de l’entreprise dans le but de répliquer une usine de semi-conducteurs à Xi’an, une ville du nord de la Chine.

L’embargo américain retarde le développement de l’industrie chinoise, mais il n’est pas sans failles. En effet, la Chine utilise l’espionnage industriel autant à l’international que sur son propre territoire. Là où l’espionnage ciblant les industries étrangères permet de rattraper un retard technologique, celui effectué en Chine permet de mettre en place une chaîne de production capable de rivaliser avec celles de l’Occident. L’objectif est d’assurer une auto-suffisance chinoise pour la production de semi-conducteurs.

Un embargo bientôt obsolète face à une Chine autonome

Le cas Ommic est un échec pour la France qui n’a pas réussi à protéger son industrie de pointe. L’Europe a été entraînée dans cette « guerre des puces » entre la Chine et les Etats-Unis. Cependant, même si le renseignement chinois agit sur le sol européen, la puissance américaine ne va pas réagir assez rapidement. L’Europe est livrée à elle-même et doit protéger ses secrets technologiques ciblés par le renseignement chinois. De son côté, le gouvernement américain place sa stratégie autour des sanctions économiques et va contrôler la production des entreprises ayant des usines sur le sol chinois. En effet, il a autorisé, en octobre 2023, Samsung et Sk hynix à envoyer des composants à leurs usines sur le sol chinois. Par conséquent, les États-Unis jouent sur un unique levier qui est l’application des sanctions et restrictions économiques en réaction au progrès chinois. Cette absence de marge de manœuvre va rapidement se faire ressentir lorsque l’on observe le progrès chinois dans l’innovation des semi-conducteurs.

Enfin, cet embargo a précipité une politique isolationniste chinoise sur les semi-conducteurs. À la suite de ces restrictions, la Chine a énormément investi dans son industrie de semi-conducteurs. De plus, en réponse aux différentes sanctions, le gouvernement chinois a, en août 2023, restreint l’accès au gallium et au germanium, ces deux métaux rares sont essentiels pour la fabrication de semi-conducteurs. La Chine possède une grande partie des métaux rares sur Terre et raffine 90 % de la production mondiale. Elle peut contrôler l’usage de ces métaux et connaître la manière dont ces derniers sont utilisés. La Chine commence à appliquer le même levier que le gouvernement américain, mais la différence est que le gouvernement chinois possède la majeure partie des ressources nécessaires aux semi-conducteurs. La stratégie américaine risque de rapidement s’essouffler face à une autonomie de la Chine.

Un étudiant de la RENSIE02 de l’EGE


Sources

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Challenges.fr. (2023, 27 juillet). Des secrets industriels livrés à Pékin et Moscou ? Quatre mises en examen à Paris. Challenges. https://www.challenges.fr/france/des-secrets-industriels-livres-a-pekin-et-moscou-quatre-mises-en-examen-a-paris_863018

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Gaudiaut, T. (2023, 5 avril). Semi-conducteurs : cinq fonderies détiennent 90 % du marché mondial. Statista Daily Data. https://fr.statista.com/infographie/27908/plus-grandes-fonderies-semi-conducteurs-selon-chiffre-affaires/

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Tv5monde. (2023, 29 mars). L’espionnage industriel, une arme privilégiée par la Chine ? TV5MONDE – Informations. https://information.tv5monde.com/international/lespionnage-industriel-une-arme-privilegiee-par-la-chine-1798739

Younan, S. (2023, août 5). Métaux rares : Le protectionnisme de la Chine pousse l’Europe dans ses retranchements. Capital.fr. https://www.capital.fr/economie-politique/metaux-rares-le-protectionnisme-de-la-chine-pousse-leurope-dans-ses-retranchements-1476101#:~:text=La%20Chine%20produit%20pr%C3%A8s%20de,16%25%20de%20la%20production%20mondiale.

Zellmer, M. « . (2022, 17 octobre). The USA has now opened the chip war against China. nextpit. https://www.nextpit.com/the-usa-has-now-opened-the-chip-war-against-china

Zonebourse. (2023, août 30). Les stocks de puces chinoises se redressent après le lancement discret du nouveau téléphone Mate 60 Pro de Huawei. Zonebourse. https://www.zonebourse.com/cours/action/SEMICONDUCTOR-MANUFACTURI-6170774/actualite/Les-stocks-de-puces-chinoises-se-redressent-apres-le-lancement-discret-du-nouveau-telephone-Mate-44730162/

Rapport de la Maison Blanche sur la construction d’une chaîne de production américaine de semi-conducteurs : https://www.whitehouse.gov/wp-content/uploads/2021/06/100-day-supply-chain-review-report.pdf

Un ex-militaire, auteur d’un livre sur la DGSE, mis en examen pour divulgation du secret défense

Un ex-militaire, auteur d’un livre sur la DGSE, mis en examen pour divulgation du secret défense

par Philippe Chapleau – Lignes de défense – publié le 24 septembre 2023

https://lignesdedefense.blogs.ouest-france.fr/


Dans un post du 27 mai, j’avais signalé la parution d’un ouvrage consacré à la DGSE. Il s’agissait du livre Espion. 44 ans à la DGSE de Richard Volange (un pseudo) sorti chez Talent Editions (288 pages, 21,90€).

Cet ancien militaire a été mis en examen jeudi à Paris, notamment pour détournement et divulgation du secret de défense nationale. Il a été placé sous contrôle judiciaire.

Contrairement à ce que j’écrivais dans une première version de ce post, l’ancien espion a été interpellé le 12 septembre par des policiers de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), selon une information du Canard Enchaîné. Son conseil, Me Emmanuel Ludot, a confirmé cette mise en examen, prononcée vendredi 15 septembre.

Selon Le Canard Enchaîné, ce sont les détails livrés sur la traque et la capture de Peter Cherif, vétéran du djihad français, en 2018 que lui reproche la justice. Me Ludot a simplement confirmé qu’était reproché à son client « le contenu de son livre ». 

Quelques mots sur le livre:
Entré à 19 ans dans les services secrets grâce à son père, lui-même agent, il va y rencontrer sa future femme et son futur beau-père; d’où le titre du chapitre 1: « la DGSE, une histoire de famille ». D’archiviste à agent de terrain, de Paris à Djibouti, Richard Volange (un nom d’emprunt bien sûr mais assez transparent), comme le dit l’éditeur, a eu une carrière exceptionnelle, qui l’a mené au coeur de la politique française en Afrique et de ses erreurs. L’auteur totalise dix ans aux Archives, trois à la section Europe, une vingtaine au « secteur N » -le service Afrique- de la DGSE (Direction Générale de la Sécurité Extérieure), dont quinze sur le terrain, de la Centrafrique au Burundi, en passant par la République du Congo. Son livre, dont les dernières pages sont amères, mérite bien quelques heures d’une lecture qui rappellera à certains quelques bons souvenirs des Congo, d’Angola et d’autres lieux exotiques.

CF. site de la FNAC:

https://www.fnac.com/a17736893/Richard-Volange-Espion-44-ans-a-la-DGSE

Un ancien militaire mis en examen pour divulgation du secret-défense

Un ancien militaire mis en examen pour divulgation du secret-défense

Un ancien militaire a été mis en examen jeudi 21 septembre à Paris, notamment pour détournement et divulgation du secret de défense nationale – Leon Tanguy/MAXPPP
 

Un ancien militaire a été mis en examen, jeudi 21 septembre, dans le cadre d’une enquête sur les sources d’un article évoquant un programme de renseignement français en Égypte, a indiqué le parquet de Paris. Il pourrait être une des sources de l’article de la journaliste Ariane Lavrilleux, récemment placée en garde à vue.

par La Croix (avec AFP) – publié le 21 septembre 2023

https://www.la-croix.com/france/ancien-militaire-mis-examen-divulgation-secret-defense-2023-09-21-1201283705


Un ancien militaire a été mis en examen, jeudi 21 septembre à Paris, notamment pour détournement et divulgation du secret de défense nationale, dans une enquête sur les sources d’un article de presse évoquant un programme de renseignement français en Égypte, a indiqué le parquet de Paris.

Un article de Disclose

Cet ex-militaire semble être considéré par la justice comme une des sources de l’article, pour le média Disclose, publié fin 2021 et notamment signé par la journaliste Ariane Lavrilleux. Cette dernière a fait l’objet de près de 40 heures de garde à vue dans ce dossier avant d’être relâchée sans poursuite à ce stade.

La garde à vue d’Ariane Lavrilleux a suscité une large condamnation au sein du monde journalistique, qui y a vu une atteinte à la protection des sources. Un « nouveau cap » a été franchi contre la liberté d’informer, a critiqué la journaliste jeudi après-midi lors d’une conférence de presse à Paris, dénonçant un « détournement des services de la justice ».

Le parquet de Paris a rappelé avoir été destinataire de deux plaintes déposées par le ministère des Armées en janvier 2021 et novembre 2021. Ces plaintes contre X faisaient « à la suite de la parution d’articles dans le média Disclose, comportant des documents et photographies supportant la mention « Confidentiel Défense » ainsi que des éléments susceptibles de permettre l’identification d’agents du renseignement », a précisé le ministère public.

La mission « Sirli »

Disclose avait affirmé dans un article publié en novembre 2021 que la mission de renseignement française « Sirli », entamée en février 2016 au profit de l’Égypte au nom de la lutte antiterroriste, avait été détournée par l’État égyptien qui se servait des informations collectées pour effectuer des frappes aériennes sur des véhicules de contrebandiers présumés, à la frontière égypto-libyenne.

Le parquet de Paris a précisé que, suite à l’ouverture d’une enquête préliminaire fin 2021, « les investigations s’orientaient vers la mise en cause d’un membre du ministère des armées ».

Une information judiciaire ouverte en 2022

Une information judiciaire a ensuite été ouverte le 21 juillet 2022, visant plusieurs infractions parmi lesquelles détournement et divulgation de secret de défense nationale par son dépositaire, mais aussi appropriation ou divulgation d’un secret de défense nationale ou révélation d’information sur un agent de renseignement.

Le parquet de Paris a précisé que « le contenu des investigations demeure couvert par le secret de l’instruction ».

Les opérationnels du Service action de la DGSE peuvent cumuler jusqu’à 200 jours de mission par an

Les opérationnels du Service action de la DGSE peuvent cumuler jusqu’à 200 jours de mission par an

https://www.opex360.com/2023/09/14/les-operationnels-du-service-action-de-la-dgse-peuvent-cumuler-jusqua-200-jours-de-mission-par-an/


 

Par ailleurs, le ministère des Armées n’évoque pratiquement jamais le Service action… sauf dans les pages du Journal Officiel. Et, ces dernières années, seul Bernard Bajolet, alors à la tête de la DGSE, a confié qu’il était utilisé « au plein de ses capacités », à l’occasion d’une audition parlementaire réalisée peu après les attentats commis en France par l’État islamique [EI ou Daesh].

Cela étant, on sait que le Service Action se compose de trois unités chapeautées par le Centre d’instruction des réserves parachutistes [CIRP] de l’armée de Terre, du Groupe aérien mixte 56 « Vaucluse » de l’armée de l’Air & de l’Espace [AAE] et du navire Alizée de la Marine nationale.

Quoi qu’il en soit, pour le lancement de Terre Mag, son nouveau magazine d’informations, l’armée de Terre a fait le choix de braquer les projecteurs sur l’une des trois unités du CIRP, à savoir le Centre parachutiste d’instruction spécialisée [CPIS] établi à Perpignan… et dont le DGSE ne parle même pas sur son site Internet.

Ainsi, on apprend que cette unité prépare « des dizaines » de militaires « triés sur le volet » à des « actions clandestines de coercition et à la guérilla » dans les zones de crise, en particulier « là où les forces spéciales ne sont pas autorisées à opérer ». Ces activités peuvent conduire à « exercer une pression ou une influence sur un individu, une organisation ou un État » et inclure « du renseignement, des cyberattaques, des campagnes de désinformation, etc. ».

« Nos agents agissent hors du cadre législatif. C’est la principale différence avec les forces spéciales ou armées en général », rappelle le chef de corps du CPIS dans les pages de Terre Mag.

L’une des spécificités de cette unité [mais qui doit valoir aussi pour les deux autres du CIRP, à savoir le Centre parachutiste d’entraînement aux opérations maritimes et le Centre parachutiste d’entraînement spécialisé] est que les opérationnels disposent « d’une autonomie incomparable dans la préparation et la conduite » de leurs missions. « Chacune est unique et les équipes projetées changent en permanence, selon les besoins », explique Terre Mag.

Visiblement, l’activité du CPIS est intense. « Les agents cumulent en général plusieurs spécialités. Leur rythme de projection s’élève à environ 200 jours par an », apprend-on en effet.

Aussi, la sélection est impitoyable… et pour le chef de corps du CPIS, « présenter son dossier est déjà un acte de courage ». Ainsi, un candidat fera d’abord l’objet d’une enquête de sécurité, qui s’intéressera aussi à son entourage. Puis il aura à passer des entretiens, des tests psychotechniques et une évaluation de « mise en situation sur le terrain ». À noter que Terre Mag ne parle pas de tests sportifs mais sans doute que cela va de soi…

Une fois ces étapes passées, le volontaire va suivre une formation de dix-huit mois, laquelle alterne des phases d’apprentissage et de restitution. Et l’échec est interdit. Mais d’après Terre Mag, très peu de candidats échouent, en raison notamment de la solidité du processus de sélection, lequel met l’accent sur l’expérience opérationnelle, la capacité à se fondre dans la population, la rusticité, l’honnêteté intellectuelle ainsi que la capacité à gérer la tension nerveuse et à supporter l’isolement.

« Les personnes qui se présentent veulent donner un sens plus grand à leur engagement. Elles ne cherchent ni la reconnaissance, ni les médailles. Il n’y a pas de place pour l’ego chez nous », résume le chef de corps du CPIS.

Arrestation en Allemagne d’un postulant espion

Arrestation en Allemagne d’un postulant espion

par Alain Rodier – CF2R – publié le 13 août 2023

https://cf2r.org/actualite/arrestation-en-allemagne-dun-postulant-espion/


Un Allemand travaillant pour la Bundeswehr, soupçonné d’espionnage au profit de la Russie, a été arrêté à Coblence le 9 août après une enquête menée par l’Office fédéral du service de contre-espionnage militaire, l’Office fédéral de police criminelle (BkA) et l’Office fédéral pour la protection de la Constitution (BfV). Le même jour, la maison qu’il partageait avec son épouse a été perquisitionnée.

Le capitaine Thomas H. de la Bundeswehr a proposé ses services en adressant en mai 2023 des e-mails au consulat général de Russie à Bonn et à l’ambassade à Berlin. Sa carrière lui a permis d’avoir accès à des informations sur divers projets d’armement, notamment dans le domaine de la guerre électronique. Le bureau dans lequel il était affecté est le principal service informatique et logistique de la Bundeswehr. Il y était notamment chargé de la gestion des équipements militaires. Selon Der Spiegel, citant des sources sécuritaires, Thomas H. aurait travaillé auparavant plusieurs années au bureau des achats de la Bundeswehr à Coblence (Rhénanie-Palatinat).

Bien sûr, le contre-espionnage allemand qui surveille étroitement les représentations diplomatiques russes a été alerté. Il semble qu’il ait attendu d’avoir une preuve concrète de volonté de remise de documents aux Russes pour intervenir. La peine encourue est donc plus importante (dix ans de prison). Pour le procureur de la République, le capitaine se sentait dévalorisé dans son travail et il aurait voulu se sublimer en se livrant à de l’espionnage. C’est un classique de la discipline qui est résumée dans l’acronyme MICE : Monnaie, Idéologie, Compromission et Ego.

Le Tagesspiegel rapporte que l’officier de la Bundeswehr avait déjà attiré l’attention en interne en raison de sa sympathie pour le parti d’extrême droite Alternative pour l’Allemagne (AfD) et sa politique pro-russe. Ce fait est bien sûr exploité politiquement par les autres partis.

On ne peut qu’être confondu par la naïveté de l’officier allemand qui a proposé quasi ouvertement ses services aux Russes. Il se dit qu’en France, il n’y a pas de véritable culture du renseignement, mais en Allemagne, cela semble être aussi le cas…

Des services allemands gangrénés par l’espionnage et entravés par un excès de contrôles

Cette arrestation fait suite à des cas similaires survenus à la fin de l’année dernière : un membre du service de renseignement extérieur allemand, le BND a été arrêté et accusé d’avoir fourni des informations confidentielles aux Russes ; un officier de réserve de la Bundeswehr a été écarté pour avoir collaboré avec Moscou pendant des années ; et le 18 octobre, le chef de l’agence allemande de cybersécurité a été limogé, après des révélations de médias faisant état de son manque de distance avec la Russie. Pourtant, au printemps 2022, Berlin avait expulsé une quarantaine de diplomates russes qui représentaient une menace pour la sécurité.

L’arrestation du capitaine Thomas H survient tout juste après que deux anciens chefs du BND, August Hanning et Gerhard Schindler, aient écrit dans le journal Bild, début août, pour se plaindre que l’agence était « entravée et édentée » en raison de la surveillance et de l’ingérence bureaucratiques. Les anciens maîtres-espions ont révélé que pas moins de sept comités politiques et juridiques doivent approuver et superviser leur travail, les obligeant souvent à s’appuyer sur des informations provenant de services amis. Confirmant leurs dires, le président de l’organe de contrôle parlementaire, Konstantin von Notz (Verts) a déclaré : « l’Allemagne a besoin d’accorder plus d’attention au contre-espionnage et à l’influence illégitime des pays autocratiques ».

Cela pourrait confirmer que les arrestations d’espions de l’an dernier soient dues à des dénonciations de services amis dans le cadre des échanges Totem existant entre agences, plutôt qu’aux propres efforts du contre-espionnage allemand (pour Thomas H., cela relève de la stupidité de cet officier).

Durant la Guerre froide, l’Allemagne a longtemps été en première ligne dans la de l’ombre. Elle était particulièrement vulnérable aux espions de l’Est. Dans les années 1970, Günter Guillaume, un assistant du chancelier Willy Brandt, a provoqué la chute de celui-ci lorsqu’il a été révélé qu’il était un espion communiste de longue date. Les Allemands de l’Est, via le maître espion Markus Wolf, ont formé des agents « Roméo » pour séduire les secrétaires célibataires travaillant pour le gouvernement de Bonn et les convaincre de collaborer.

Il n’est pas difficile de discerner pourquoi l’Allemagne est si sujette à la pénétration d’espions russes : c’est encore un autre héritage du sombre passé du pays. L’expérience totalitaire de la dictature nazie a tellement inoculé le pays contre tous les aspects d’un « État policier » que la suspicion à l’égard des agences d’espionnage nationales est devenue endémique. Le pays entretient, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, une grande méfiance à l’égard des services, d’où les freins et contrôles excessifs qui entravent aujourd’hui leur action. À cela s’ajoute la relation ambivalente de l’Allemagne avec la Russie, y compris le sentiment de culpabilité résultant de la Seconde Guerre mondiale et la division ultérieure du pays jusqu’en 1989.

Ces facteurs se combinent pour faire de l’Allemagne un maillon faible au sein du monde occidental face à l’espionnage russe qui s’est accru depuis l’invasion de l’Ukraine par Moscou.