La Grèce privilégie la modernisation de 500 blindés M113 aux dépens d’un achat de VBCI français

La Grèce privilégie la modernisation de 500 blindés M113 aux dépens d’un achat de VBCI français

https://www.opex360.com/2024/12/09/la-grece-privilegie-la-modernisation-de-500-blindes-m113-aux-depens-dun-achat-de-vbci-francais/


Depuis que le projet de véhicule de combat d’infanterie [VCI] Kentauros, qui devait être mené par le constructeur automobile ELVO, a été abandonné, dans les années 2000, l’armée grecque tente, en vain, de moderniser son infanterie mécanisée.

« Nous en sommes arrivés à aujourd’hui à de gros problèmes de vieillissement et de dévaluation opérationnelle auxquels sont confrontés les véhicules blindés grecs. Malheureusement, les échecs, les omissions et les occasions manquées du passé font que les forces mécanisées et blindées manquent d’un véhicule blindé moderne agile et doté d’une grande puissance de feu », avait estimé le site grec Defence Review. Or, on était alors en 2019… et ce dossier n’a que très peu évolué par la suite, la seule avancée ayant été la livraison de 40 VCI Marder allemands en échange de la cession à l’Ukraine de BMP-1 d’origine russe.

Pourtant, en 2020, la Grèce avait adressé une demande aux États-Unis afin d’obtenir au moins 350 VCI M2A2 / M2A2OD Bradley d’occasion. Mais il fallut trois ans à l’administration américaine pour instruire cette requête, celle-ci ayant fini par approuver le transfert de 300 exemplaires en mars 2023.

Cette dernière proposa ainsi à Athènes la cession, à titre gracieux, de 62 Bradley au titre du programme « Excess Defense Articles » [EDA] et de lui en vendre 102 autres, alors stockés chez BAE Systems Land & Armaments. Mais l’état-major grec refusa cette offre, la remise en état des blindés proposés étant beaucoup trop coûteuse par rapport à ses disponibilités financières.

Puis, en octobre, l’armée grecque confirma son intérêt pour une offre qui lui avait remise KNDS France quelques mois plus tôt. Celle-ci portait sur la livraison « immédiate » de 120 VBCI [Véhicules blindés de combat d’infanterie], sous réserve d’une commande de 250 VBCI « Philoctète », dans le cadre d’une « co-production » avec l’industrie locale. Et cela alors que l’allemand Rheinmetall espérait lui vendre son KF-41 Lynx.

Finalement, selon le site spécialisé OnAlert, l’état-major grec ne commandera ni l’un ni l’autre. En effet, considérant que l’achat de VCI neufs étant trop coûteux, il privilégierait une offre faite par l’israélien Rafael visant à moderniser des blindés M-113 de facture américaine.

« Il semble que la proposition de l’Israélien Rafael, faite en collaboration avec le Grec METKA, au sujet de la modernisation d’au moins 500 M-113, ait désormais pris un net avantage », écrit OnAlert.

Ainsi, il est question de doter les M-113 concernés d’un tourelleau téléopérée muni d’un canon de 30 mm, d’un blindage renforcé, d’une nouveau groupe motopropulseur plus puissants, de systèmes de communications et de capteurs optroniques dernier cri. Les travaux seraient assurés par l’usine que possède METLA à Magnesia. Le coût de ce programme serait bien inférieur à 8 millions d’euros par blindé qu’il aurait fallu débourser pour remettre en état les Bradley d’occasion.

Cela étant, le M-113 ne « boxe » pas dans la même catégorie que les VBCI, KF-41 Lynx et autres Bradley. Étant un véhicule de transport de troupe, il affiche une masse de seulement 12 tonnes… alors qu’un VCI est deux fois plus lourd.

Carte commentée. Quelle influence pour l’Organisation des pays exportateurs de pétrole en 2024 ?

Carte commentée. Quelle influence pour l’Organisation des pays exportateurs de pétrole en 2024 ?

Par AB PICTORIS*, Clément Alberni – Diploweb – publié le 6 décembre 2024.

https://www.diploweb.com/Carte-commentee-Quelle-influence-pour-l-Organisation-des-pays-exportateurs-de-petrole-en-2024.html


*AB Pictoris est une entreprise française fondée par Blanche Lambert, cartographe indépendante. Diplômée de l’IFG et de Sciences Po Aix. B. Lambert publie « Se former à la cartographie avec Inkscape », éd. D-Booker.
Clément Alberni est diplômé d’un Master en Histoire et Relations internationales, de l’Université Catholique de Lille. Après un stage au Ministère des Armées, il occupe chez AB Pictoris un poste d’analyste-cartographe dans le cadre d’un stage se déroulant d’août à octobre 2024.

Découvrez l’histoire, la structure organisationnelle et le rôle de l’OPEP. Soyez au clair sur l’adaptation de l’alliance OPEP+ face à l’arrivée de nouveaux acteurs sur le marché du pétrole. L’OPEP+ joue aujourd’hui un rôle de stabilisateur du marché pétrolier, même si sa capacité à influer sur certaines décisions et à utiliser le pétrole comme levier diplomatique reste non-négligeable. La diversité des membres qui la composent et dont les intérêts sont parfois opposés pousse ses dirigeants à agir de façon pragmatique. Ainsi, malgré le soutien affiché des pays arabes aux Palestiniens, aucun embargo à l’encontre de l’Etat israélien n’a été mis en œuvre à la suite de l’offensive sur la bande de Gaza.
Carte disponible sous deux formats JPG et PDF pour l’impression haute qualité.

A L’OCCASION de la COP 28, le secrétaire général de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) a suscité la colère et l’indignation de nombreux pays présents. Ce dernier a en effet demandé « en urgence » à ses membres de « rejeter proactivement » tout accord ciblant les énergies fossiles [1]. Il précise dans son courrier que la pression excessive et disproportionnée exercée sur les combustibles fossiles pourrait atteindre un point de basculement aux conséquences irréversibles, car le projet de décision contient encore des dispositions sur l’élimination progressive des combustibles fossiles ». Malgré un accord final faisant état d’une sortie progressive des énergies fossiles afin d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, cette prise de position interroge quant au poids politique de l’OPEP et à son niveau d’influence sur le marché du pétrole en 2024. Pour mieux comprendre, revenons plus en détail sur cette organisation peu ou mal connue.

Carte. Quelle influence pour l’Organisation des pays exportateurs de pétrole en 2024 ?
Pays membres de l’OPEP. Pays membres de l’OPEP+. Principaux exportateurs de pétrole. Principaux importateurs de pétrole. Cliquer ici pour voir la carte au format PDF haute qualité d’impression. Conception AB Pictoris et C. Alberni. Réalisation C. Alberni pour AB Pictoris.
Alberni/AB Pictoris

L’OPEP est une organisation de pays producteurs de pétrole créée le 14 septembre 1960, lors de la conférence de Bagdad, dans un contexte de concurrence intense entre compagnies pétrolières et de fortes pressions à la baisse sur le prix du pétrole. Son objectif est de réguler la production et le prix du pétrole par une politique concertée de ses membres.

En 2024 elle est composée de douze membres, dont ses cinq fondateurs, l’Arabie Saoudite, le Venezuela, l’Irak, l’Iran et le Koweït, ainsi que de sept membres ayant rejoint l’organisation, la Libye en 1962 l’Algérie en 1969, les Émirats arabes unis en 1967, le Gabon (1975-1995, de nouveau membre depuis 2016), le Nigéria 1971, la Guinée équatoriale en 2017 et le Congo en 2018.

En 2016, les membres de l’OPEP se sont associés avec dix autres pays producteurs [2] pour s’entendre sur les quotas visant à limiter la production : Azerbaïdjan, Bahreïn, Brunei, Kazakhstan, Malaisie, Mexique, Oman, Russie, Soudan et Soudan du Sud. Cette alliance est connue désormais sous le nom d’« OPEP+ ».

Notons cependant que d’autres grands pays producteurs ne sont pas membres de l’organisation, Etats-Unis en tête qui est de loin le 1er avec une production de plus de 13 millions barils/jour [3] (unité BBL/D/1K). C’est également le cas du Canada (4734 millions), de la Chine (4249 millions), de la Norvège (1859 millions), du Qatar(1322 millions) [4] et de l’Angola (1084 millions) [5].

Structure organisationnelle de l’OPEP

Le siège de l’OPEP est situé à Vienne en Autriche, et sa structure organisationnelle se décline en plusieurs institutions spécifiques. La conférence des ministres est l’organe suprême de décision de l’OPEP. Elle est composée des ministres du pétrole ou de l’énergie des pays membres. Le comité de revue du marché est quant à lui chargé d’analyser l’état du marché pétrolier, puis de préparer les rapports et recommandations qui seront utilisés lors de la conférence des ministres en matière de politique de production et de prix du pétrole. Ensuite, le secrétariat général, en tant qu’organe exécutif de l’OPEP, est chargé de la mise en œuvre des décisions prises en Conférence des Ministres. Enfin l’organisation est constituée de comités techniques, spécialisés et de groupes de travail pouvant mettre en place des comités ad hoc traitant de questions spécifiques. Ces derniers assistent le comité de revue du marché en fournissant des analyses techniques et des recommandations sur la production et les quotas de pétrole.

Une stabilisation des prix du pétrole et la défense des intérêts des pays producteurs aux origines de l’OPEP

Revenons maintenant aux origines de l’OPEP pour mieux comprendre son rôle et son influence croissante sur le marché mondial du pétrole.

Dans les années qui précèdent la création de l’OPEP, la majorité des pays producteurs de pétrole sont soumis à une très forte dépendance économique des revenus générés par les exportations de cette ressource. Ils se trouvent alors dans une situation de grande fragilité, notamment face à la volatilité des cours du baril, dont la tendance à la baisse est largement encouragée et induite par les pays importateurs. Ainsi, le regroupement d’un certain nombre de pays producteurs voit le jour et permet à ces derniers de peser suffisamment pour être en position de négocier avec les firmes pétrolières multinationales. Ce regroupement leur permet également d’instaurer, entre eux, des quotas de production afin de pouvoir contrôler les prix sur le marché mondial.

Différents tournants marquent alors l’histoire de l’organisation.

Le pétrole, un levier diplomatique pour les pays du Golfe

À partir des années 1970, l’OPEP se structure, se renforce et acquiert une stature internationale, lui conférant un rôle croissant sur la scène pétrolière mondiale.

En octobre 1973, la guerre du Kippour [6] éclate entre Israël et une coalition de pays arabes, menée par l’Égypte et la Syrie. Ce conflit est le point de départ d’une action concertée des pays arabes membres de l’OPEP pour utiliser le pétrole comme levier diplomatique.

L’OPEP, dominée alors par ses membres arabes, décide de réduire progressivement sa production de pétrole et d’imposer un embargo à destination des États-Unis et d’autres pays occidentaux pour leur soutien à Israël.

Le pétrole est ici utilisé comme une arme diplomatique : il s’agit de contraindre les puissances occidentales à faire pression sur Israël pour qu’il se retire des territoires acquis pendant la guerre des Six Jours de 1967 [7]. L’embargo provoque une raréfaction de l’offre mondiale de pétrole, entraînant une hausse spectaculaire des prix. En seulement quelques semaines, il sera multiplié par quatre, passant de 4 à 16 dollars. Les économies occidentales ne peuvent pas faire face. Dans les pays directement visés, la croissance s’effondre et le chômage augmente [8].

L’OPEP, auparavant perçue comme un simple groupe de pays exportateurs de matières premières, émerge comme un acteur économique et géopolitique de premier plan. Elle démontre sa capacité à influencer non seulement le marché pétrolier mondial, mais aussi les relations internationales.

Bis repetita en 1979, avec la chute du Shah d’Iran et la révolution islamique dans ce pays alors important producteur de pétrole, qui engendre un nouveau doublement du prix du baril, de 20 à 40 dollars. C’est le second choc pétrolier.

Ces crises successives modifient durablement les rapports de force internationaux et incitent les pays consommateurs à repenser leurs stratégies énergétiques.

Les années 1980 seront marquées par de nombreuses périodes de difficultés pour l’OPEP, en raison notamment d’une production supérieure à la demande, et l’augmentation de la production dans certains pays comme les Etats-Unis (présence de ressources en Alaska) et la Norvège (présence de ressources en Mer du Nord).

De plus, l’OPEP est également confrontée à des difficultés en interne, certains pays membres ne respectant pas les quotas de production décidés en commun. Cette surproduction accroît la surabondance de l’offre sur le marché mondial, entraînant une chute continue des prix du pétrole.

L’Arabie saoudite, en tant que leader de facto de l’OPEP, a joué un rôle clé en tentant d’ajuster sa production pour équilibrer l’offre. L’organisation n’a alors pas d’autres choix que de se réformer : elle adopte une nouvelle stratégie, qui met fin à la guerre des prix en adoptant un mécanisme de fixation des prix basé sur le marché.

Cette période est caractérisée par un affaiblissement important de l’influence de l’OPEP sur le cours du marché pétrolier international, et par ricochet de sa capacité à peser dans les relations internationales.

Toutefois, les années 2000 signent un tournant décisif avec l’essor et la montée en puissance de géants économiques entraînant une demande en pétrole sans précédent.

L’arrivée des émergents, une demande forte qui donne un nouvel élan à l’OPEP

Les années 2000 marquent un regain de l’influence de l’organisation. En effet, la période est caractérisée par une demande énergétique en forte croissance, notamment de la part des économies émergentes comme la République populaire de Chine et l’Inde. Le prix du baril s’envole, et atteint les 140 dollars en juillet 2008. L’OPEP s’impose comme un acteur déterminant dans la gestion de cette hausse des prix.

Elle joue un rôle stratégique de stabilisation en ajustant régulièrement les quotas de production de ses membres. Malgré une concurrence accrue de la part de pays non-membres qui augmentent les prix, elle parvient à maintenir un fort contrôle sur le marché mondial.

En plus de la montée en puissance des émergents, la période est caractérisée par une série de crises qui secouent particulièrement le Moyen-Orient. L’invasion de l’Irak en 2003 et les tensions en Iran lui imposent d’ajuster ses politiques pour maintenir des niveaux de production élevés de manière à compenser les pertes dans les pays en crise.

Une nouvelle fois, l’OPEP devient un instrument géopolitique. Riyad, en tant que leader de facto de l’organisation, tire son épingle du jeu et utilise habilement son influence sur le marché pétrolier pour renforcer ses relations avec les grandes puissances mondiales, et en particulier avec les États-Unis. Le pétrole, véritable outil de diplomatie, permet à l’Arabie saoudite de négocier des accords bilatéraux favorables, de sécuriser son rôle de partenaire stratégique des États-Unis au Moyen-Orient, et de renforcer sa position au sein du monde arabe.

L’État saoudien profite également de cette période favorable pour établir des relations stratégiques avec les pays émergents à forte demande énergétique, comme la Chine et l’Inde. Par exemple, des accords bilatéraux ont été signés pour garantir des contrats de livraison de pétrole à long terme à ces pays en échange de coopérations dans d’autres domaines, tels que les investissements infrastructurels et les partenariats commerciaux [9].

A l’automne 2008, une crise financière mondiale porte un premier coup d’arrêt à cette période de domination de l’OPEP sur le marché mondial du pétrole. Malgré la crise, l’organisation parvient à maintenir l’unité de ses membres, coordonnant des réductions de production sans précédent, allant jusqu’à retirer 2,2 millions de barils par jour du marché [10]. Cette adaptation rapide permet une reprise partielle des prix dès 2009, bien que les niveaux d’avant-crise n’aient pas été immédiatement atteints.

Au-delà de cette crise financière, l’émergence de nouveaux producteurs et l’importance croissante du pétrole de schiste américain sont à l’origine d’une remise en cause de cette quasi-hégémonie de l’OPEP.

L’alliance OPEP+ face à l’arrivée de nouveaux acteurs sur le marché du pétrole, une adaptation cohérente

En 2014, l’arrivée des États-Unis en tant que puissance majeure sur le marché du pétrole, grâce à l’extraction accrue du gaz de schiste, marque une évolution décisive. Cette révolution énergétique permet à Washington de devenir l’un des plus grands producteurs mondiaux de pétrole, modifiant profondément les dynamiques du marché. L’explosion de la production de schiste provoque un excès d’offre et une chute brutale des prix du baril [11].

Pour faire face à cette nouvelle réalité et stabiliser les prix du pétrole, l’OPEP décide de repenser sa politique en adoptant une nouvelle approche stratégique, plus pragmatique. Ainsi, en 2016, l’organisation forme l’alliance OPEP+ avec des producteurs non-membres, dont la Russie, pour coordonner les politiques de production et limiter la surproduction, cette fois-ci dans un cadre étendu.

La formation de l’OPEP+ permet aux pays membres de l’OPEP de maintenir leur influence sur les prix mondiaux tout en adaptant leurs stratégies à un marché énergétique de plus en plus diversifié et compétitif. Alors que l’OPEP est une organisation historiquement dominée par des producteurs du Moyen-Orient, l’OPEP+ apparaît comme une adaptation à un nouveau contexte stratégique. D’un côté, elle apporte une réponse à la montée en puissance de producteurs non traditionnels, et de l’autre, elle s’inscrit dans l’évolution de la concentration des pouvoirs économiques et énergétiques, qui se trouvent aujourd’hui répartis entre plusieurs pôles majeurs.

L’organisation est aujourd’hui composée des douze membres de l’OPEP, et de douze autres pays producteurs : l’Azerbaïdjan, Bahreïn, Brunéi, le Kazakhstan, la Malaisie, le Mexique, Oman, la Russie, le Soudan et le Soudan du Sud. Le Brésil les a rejoint en tant que membre en janvier 2024.

En définitive, l’OPEP+ joue aujourd’hui davantage un rôle de stabilisateur du marché pétrolier, même si sa capacité à influer sur certaines décisions et à utiliser le pétrole comme levier diplomatique reste non-négligeable. La diversité des membres qui la composent et dont les intérêts sont parfois opposés [12], pousse ses dirigeants à agir de façon plus pragmatique. Ainsi, malgré le soutien affiché des pays arabes aux Palestiniens, aucun embargo à l’encontre de l’Etat israélien [13] n’a été mis en œuvre à la suite de l’offensive sur la bande de Gaza.

L’Organisation risque aussi d’être confrontée à de nouveaux défis, notamment avec la découverte de gisements en Arctique et l’ouverture des nouvelles routes qui joueront un rôle-clé dans l’approvisionnement de cette ressource. Cette découverte et l’importance croissante de ces nouvelles routes liées à la fonte des glaces pourraient placer des pays membres de l’OPEP+, comme la Russie [14], et d’autres producteurs majeurs, comme les Etats-Unis et le Canada, en position de force sur la marché. Cette réalité représente un défi considérable pour l’unité de l’OPEP ainsi que pour son poids politique, l’organisation devra faire preuve d’une très grande capacité d’adaptation, sans quoi elle risque de se voir progressivement marginalisée.

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Carte. Quelle influence pour l’Organisation des pays exportateurs de pétrole en 2024 ?
Pays membres de l’OPEP. Pays membres de l’OPEP+. Principaux exportateurs de pétrole. Principaux importateurs de pétrole. Cliquer ici pour voir la carte au format PDF haute qualité d’impression. Conception AB Pictoris et C. Alberni. Réalisation C. Alberni pour AB Pictoris.Document ajouté le 6 décembre 2024
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Découvrez l’histoire, la structure organisationnelle et le rôle de l’OPEP. Soyez au clair sur l’adaptation de l’alliance OPEP+ face à l’arrivée de nouveaux acteurs sur le marché du pétrole. Carte haute qualité d’impression.


[1] Le Monde. (2023, 9 décembre). À la COP28, le chef de l’OPEP demande aux membres de refuser tout accord ciblant les énergies fossiles. https://www.lemonde.fr/planete/article/2023/12/09/a-la-cop28-le-chef-de-l-opep-demande-aux-membres-de-refuser-tout-accord-ciblant-les-energies-fossiles_6204825_3244.html

[2] Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole. (2022). OPEC annual statistical bulletin 2022. https://www.opec.org/opec_web/en/publications/4580.htm

[3] Trading Economics. (2024, 30 août). Crude oil production. https://fr.tradingeconomics.com/country-list/crude-oil-production

[4] Le Qatar a quitté l’OPEP en janvier 2019.

[5] Le pays a quitté l’OPEP en décembre 2023.

[6] Une offensive lancée par les armées égyptienne et syrienne lors de la fête juive du Yom Kippour surprend et bouscule les forces israéliennes. L’affrontement se termine le 25 octobre 1973 avec un cessez-le-feu qui sera suivi, en novembre, par un accord de désengagement entre les belligérants. Université de Sherbrooke. (2019). Création de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP). https://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMEve/110

[7] Le Monde diplomatique. (2024.). Guerre des Six-Jours. https://www.monde-diplomatique.fr/index/sujet/guerredessixjours

[8] Ministère de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique. (2024). Les chocs pétroliers. https://www.economie.gouv.fr/facileco/chocs-petroliers

[9] Le Monde. (2006, 22 avril). Accord-cadre entre l’Arabie Saoudite et la Chine sur la coopération énergétique. https://www.lemonde.fr/economie/article/2006/04/22/accord-cadre-entre-l-arabie-saoudite-et-la-chine-sur-la-cooperation-energetique_764492_3234.html

[10] Le Monde. (2008, 17 décembre). L’OPEP prépare une baisse coup de poing de ses exportations pétrolières. https://www.lemonde.fr/economie/article/2008/12/17/l-opep-prepare-une-baisse-coup-de-poing-de-ses-exportations-petrolieres_1132032_3234.html

[11] Les Échos. (2015, 24 juin). Les États-Unis sont devenus le premier producteur mondial de pétrole en 2014. https://www.lesechos.fr/2015/06/les-etats-unis-sont-devenus-le-premier-producteur-mondial-de-petrole-en-2014-249501

[12] GEO. (2022, 20 octobre). La guerre en Ukraine chamboule les relations entre la Russie et l’Arabie Saoudite. https://www.geo.fr/geopolitique/guerre-ukraine-chamboule-relations-russie-arabie-saoudite-marche-petrole-opep-prix-production-220562

[13] L’Orient-Le Jour. (2023, 19 octobre). L’OPEP refuse d’imposer un embargo pétrolier réclamé par l’Iran. https://www.lorientlejour.com/article/1353868/lopep-refuse-dimposer-un-embargo-petrolier-reclame-par-liran.html

[14] NDLR : Jean Radvanyi et Marlène Laruelle, « L’Artique russe, un nouveau front stratégique », Les carnets de l’observatoire, éd. L’inventaire, 2024.

Mastodonte des cieux : voici le Lockheed C-130J “Super Hercules”, l’avion militaire aux capacités impressionnantes

Mastodonte des cieux : voici le Lockheed C-130J “Super Hercules”, l’avion militaire aux capacités impressionnantes

Par Yoann Beauvois – Science et Vie – Publié le 9 novembre 2024

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Découvrez les performances exceptionnelles du Lockheed C-130J Super Hercules, un avion militaire aux multiples fonctions stratégiques.

[Article publié initialement en avril 2024]

Dans le domaine de l’aviation militaire, les missions et objectifs de chaque aéronef doivent être multiples. De la reconnaissance, à l’escorte jusqu’aux attaques menées, la polyvalence d’une armée aérienne est nécessaire dans un monde de tensions perpétuelles dont les enjeux géo-politiques augmentent. Du côté du transport, un avion en particulier possède des compétences certaines et ce, depuis plusieurs décennies : le Lockheed C130J “Super Hercules”. Focus.

Le très “populaire” Lockheed C-130 Hercules

SI vous n’êtes pas très passionné par le monde de l’aviation, de prime abord le Lockheed C-130 Hercules ne vous dit peut-être rien. Pourtant, il y a fort à parier que vous l’ayez déjà vu sur grand ou petit écran. Cet engin dont l’envergure flotte avec les 41 mètres et culmine à 12 mètres de hauteur, a souvent été montré dans de grandes sagas comme James Bond, Fast and Furious ou encore Transformers.

Il se remarque très facilement grâce à son nez bombé, sa peinture grise foncée et surtout, ses hélices iconiques. Conçu par Lockeed Martin dans les années 1950, il compte aujourd’hui plus de 2000 exemplaires dans le monde et a été dérivé en plusieurs modèles. Et il s’est considérablement adapté aux missions et enjeux modernes.

Le C-130J Super Hercules, un grand qui pèse son poids

A la fin des années 1990, le C-130 se modernise et propose une version dite “Super Hercules”, avec de nouveaux moteurs et un changement dans le poste de pilotage. Un poil plus long de 4 mètres que son modèle de base, notre géant des airs pèse environ 34 tonnes à vide et peut doubler son poids une fois chargé. Même si ces statistiques sont bien loin de ce que propose l’avion le plus massif de l’histoire.

L’avion, dans cette version, peut également atteindre la vitesse maximale de 670 km/h. Le site du Ministère des Armées françaises le décrit comme un “avion de transport tactique ou d’assaut (…) quadri turbopropulseur de transport militaire, de court à moyen rayon d’action”.

Les capacités du C-130J Super Hercules et sa version C-130J-30

Sur la fiche des spécificités de l’engin, la Défense française rappelle qu’il peut voler pendant 8 heures non-stop et dévoile quelques-unes des ses principales fonctions. 

Outre le transport de personnes et de militaires, il est d’un soutien logistique de grande utilité capable de livrer des colis ou du matériel en tout genre. Il peut supporter le transport de plus de 120 personnes dans ses soutes, et pas moins de 92 parachutistes dans sa version C-130J-30.

Un document de l’Armée de l’air et de l’Espace française précise ses principales fonctions : 

  • Largage de personnes
  • Largage de colis
  • Transport
  • Recherche et sauvetage
  • Extraction de personnel en zone de menace
  • Ravitaillement en vol des hélicoptères (version KC-130J)
  • Évacuation sanitaire

Naval Group est sur le point de signer le contrat des quatre futurs sous-marins de la marine royale néerlandaise

Naval Group est sur le point de signer le contrat des quatre futurs sous-marins de la marine royale néerlandaise


En 1978, le ministère néerlandais de la Défense confia au constructeur naval RDM [Rotterdamsche Droogdok Maatschappij] le soin de mener à bien le programme Walrus II, lequel devait permettre de doter la marine royale des Pays-Bas de quatre nouveaux sous-marins.

Depuis, l’industrie navale néerlandaise a perdu ses savoir-faire dans ce domaine, RDM ayant dû baisser le rideau en 1996. Et, faute d’avoir pu lancer un nouveau programme dans les délais, un premier sous-marin de type Walrus a été retiré du service en octobre 2023, afin de pouvoir continuer à mettre en œuvre les trois exemplaires restants jusqu’à la réception de leurs successeurs.

Cela étant, en mars dernier, soit quarante-six ans après le lancement du programme Walrus, le gouvernement néerlandais annonça qu’il avait finalement retenu le français Naval Group pour lui fournir quatre sous-marins à propulsion classique de type Black Sword Barracuda. Et cela, aux dépens du tandem formé par Damen et Kockhums ainsi qu’à ceux de ThyssenKrupp Marine Systems [TKMS]. Seulement, il fallait encore transformer l’essai.

Un premier obstacle fut franchi en juin, quand les députés néerlandais, malgré une campagne de presse ayant critiqué les modalités de l’appel d’offres, approuvèrent le choix de Naval Group et celui de son partenaire IHC Royal pour ce programme de sous-marins, désormais appelé « Orka ». Un second le fut après que le tribunal de La Haye rejeta un recours qui avait été déposé par TKMS.

Pour autant, avant de notifier officiellement le contrat, il restait encore à trouver un accord sur l’organisation industrielle du programme. Ce qui fut fait le 10 septembre, avec la signature d’un « Accord de coopération industrielle obligatoire » [ICA], d’une valeur d’un milliard d’euros.

« Cet accord définit la stratégie de coopération industrielle de Naval Group avec le secteur maritime et de défense néerlandais, impliquant des industries et des centres d’excellence, dans le but de maximiser l’autonomie stratégique », avait alors précisé l’industriel français.

Quoi qu’il en soit, la voie étant ouverte, plus rien n’empêche la signature du contrat. Selon La Presse de la Manche, la Tribune et le site spécialisé MarineSchepen, elle devrait avoir lieu ce 30 septembre. Quant à son montant, il serait de l’ordre de 5 à 6 milliards d’euros. Du moins, est-ce la « fourchette » la plus fréquemment évoquée.

Par la suite, Naval Group et ses partenaires auront dix ans pour construire et livrer les deux premiers sous-marins [l’Orka et le Zwaardvis] à la marine royale néerlandaise. Suivront ensuite le Barracuda et le Tijgerhaai, avant 2039. Pour rappel, les quatre unités seront produites à Cherbourg.

Les exportations françaises d’équipements militaires ont accusé un sérieux recul en 2023

Les exportations françaises d’équipements militaires ont accusé un sérieux recul en 2023


L’actuel gouvernement étant démissionnaire, la publication du rapport annuel au Parlement sur les exportations françaises d’armement a pris du retard cette année. Pour autant, quelques médias, comme La Tribune, ont pu y avoir accès. Sans surprise, le cru 2023 n’a pas été aussi bon que le précédent, marqué, il est vrai, par l’entrée en vigueur du contrat « Rafale » [80 exemplaires] signé par les Émirats arabes unis pour 16,9 milliards d’euros [soit environ 60 % des 27 milliards de prises de commandes].

Ainsi, l’an passé, le montant total des exportations françaises d’équipements militaires s’est élevé à 8,2 milliards d’euros [- 69 %], ce qui est très en deçà des 11,7 milliards de l’année 2021. Au cours de la période 2014-23, seuls les exercices 2017 et 2020 avaient été moins bons, avec respectivement 6,9 et 4,9 milliards d’euros de prises de commandes.

Parmi les dix principaux clients de la Base industrielle et technologique de défense [BITD] française en 2023, l’Indonésie arrive en tête, grâce à l’entrée en vigueur du contrat relatif à un second lot de 18 Rafale pour 2,6 milliards d’euros. Encore une fois, le chasseur-bombardier de Dassault Aviation pèse « lourd » puisque cette commande représente environ 30 % du total du résultat.

L’Arabie Saoudite [pour 552 millions] et l’Inde [pour 488 millions] viennent ensuite. Ces deux pays sont suivis, et c’est une surprise, par l’Angola, qui a commandé trois corvettes dérivées de la Combattante BR71 MKII du chantier naval CMN, via le groupe émirien Abu Dhabi Ship Building. Enfin, l’Ukraine [pour 363 millions d’euros] complète cette courte liste.

« Si l’année 2023 peut paraître relativement modeste en termes de prises de commandes, cela ne correspond pas à une tendance de fond : l’évolution de nos exportations doit être appréciée sur des échelles de temps plus longues car le bilan annuel est très fluctuant, au gré du nombre et du montant des contrats majeurs entrés en vigueur en cours d’année », explique le ministère des Armées.

Cela étant, ce recul des exportations françaises d’armement a de quoi être décevant quand l’on sait que les dépenses militaires mondiales ont atteint le niveau record de 2443 milliards de dollars [+ 6,8 % en termes réels] en 2023. À eux seuls, les membres de l’Otan ont représenté 55 % de ce total [1341 milliards de dollars].

Par ailleurs, ces dernières années, la priorité de la BITD française était d’augmenter le niveau de ses prises de commandes auprès des pays membres de l’Union européenne [UE]. Or, en 2023, seule la Grèce fait partie de ses dix premiers clients, avec notamment une commande de drones tactiques Patroller.

Il faut dire que la concurrence sur le marché européen s’est intensifiée. Outre les États-Unis, qui peuvent s’attendre encore à obtenir de nombreux contrats à en juger par la fréquence des avis délivrés par leur agence de coopération en matière de sécurité et de défense [DSCA], il faut composer avec Israël [artillerie, défense aérienne, électronique, missiles antichars] et la Corée du Sud [chars, artillerie, munitions, etc.] très active en Pologne et en Roumanie.

Cependant, le cru 2024 s’annonce meilleur, avec notamment la commande néerlandaise de quatre sous-marins Black Sword Barracuda, le contrat signé par la Serbie pour 12 Rafale ou encore l’achat de CAESAr par l’Estonie et l’Arménie.

Le canon Caesar est un cauchemar, selon les artilleurs russes

Le canon Caesar est un cauchemar, selon les artilleurs russes

Quoi qu’on en dise, les armées occidentales n’ont pas connu, depuis la guerre de Corée, de réels engagements de haute intensité dans la durée. À ce titre, la guerre du Golfe de 1991, souvent mise en avant pour justifier des arbitrages faits par les occidentaux en matière d’armées, d’équipements et de doctrines, a été trop courte, et trop spécifique, pour en tirer de réelles conclusions.

Dans ce contexte, la guerre en Ukraine, depuis février 2022, est l’occasion, pour ces mêmes armées occidentales, pour confronter leurs équipements, ainsi que, d’une certaine manière, leurs doctrines, à la réalité. Ce fut l’occasion de revenir sur certaines certitudes, notamment concernant l’efficacité relative supposée des équipements occidentaux sur les matériels, plus rustiques, russes.

Cette guerre a également montré le rôle déterminant de l’artillerie dans ce type de conflit. Dans ce domaine, les nouveaux systèmes européens, dotés d’un tube de 52 calibres et de systèmes de visée plus évolués, ont montré leur grande efficacité, face aux matériels russes, mais aussi, américains ou britanniques, moins performants.

Le canon Caesar porté sur camion, de conception française, brille particulièrement dans ce conflit. Un temps jugé trop léger et insuffisamment protégé, face à l’Archer suédois, ou moins mobile sur terrain difficile, que le Pzh2000 allemand, celui-ci a montré, à plusieurs reprises, toute l’efficacité de son concept.

Toutefois, si les ukrainiens ont parfois envoyé des messages contradictoires au sujet de ce système, une récente interview en ligne, sur Telegram, d’artilleurs russes, montre qu’il est, aujourd’hui, le système le plus redouté, et celui qui leur a fait le plus de mal.

Sommaire

Des messages parfois contradictoires concernant le canon Caesar venant d’Ukraine

Aujourd’hui, les armées ukrainiennes alignent une cinquantaine de Caesar, dont 19 en version 8×8 fournis par le Danemark, et 32 en version 6×6 par la France. Celles-ci doivent recevoir, sur 2024, 78 nouveaux Caesar 6×6, financés conjointement par Paris, Copenhague et Kyiv.

Canon M-777 ukraine
Les forces ukrainiennes ont perdu plus de la moitié des canons M777 livrés par les Etats-Unis, contre moins de 15 % de leur canon Caesar.

Cependant, les messages concernant l’efficacité du Caesar au combat, venant des armées ukrainiennes, ont occasionnellement été contradictoires. Il y a quelques mois, un artilleur ukrainien avait ainsi expliqué à des journalistes français, que le canon tracté M777 américain était plus efficace, car pouvant plus facilement se dissimuler, et de cette façon résister aux attaques de drones, et car trop complexe à employer et à maintenir.

Les faits, cela dit, ne lui donnaient pas raison, notamment par la comparaison des pertes entre les deux systèmes. Et ces déclarations avaient d’ailleurs amené le ministère de la Défense ukrainien, à publier un communiqué pour contredire le colonel Yan Iatsychen, commandant de la 56ᵉ brigade d’infanterie motorisée, et exprimer sa pleine satisfaction du CAESAR.

Il y a quelques jours, Alexandre Zavitnevych, Président de la commission de la sécurité nationale, de la défense et du renseignement du Parlement ukrainien, la Rada, avait fait l’éloge du Caesar, en particulier aux mains des artilleurs de la 55ᵉ brigade d’artillerie, alors en charge de protéger le théâtre de Zaporojjie.

Il a toutefois précisé qu’ils rencontraient des difficultés concernant le maintien en condition opérationnelle (MCO), une difficulté sur laquelle KNDS-France et les autorités ukrainiennes, travaillent activement. Dans le même temps, il a indiqué que la mobilité du canon français était mise à mal lors des périodes de fortes pluies, au printemps et à l’automne.

Le témoignage d’un artilleur russe sur l’évolution de l’artillerie ukrainienne

À ces sujets, l’interview d’artilleurs russes, menée par des compatriotes milbloggers, apporte une vision complémentaire, et très éclairante, sur la perception concernant l’efficacité de l’artillerie ukrainienne, mais aussi celle du Caesar français.

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Très performant, le Pzh2000 allemand est aussi beaucoup plus onéreux qu’un Caesar, ne permettant pas d’atteindre une masse critique efficace sur la ligne d’engagement.

La première partie de l’interview traite de l’évolution de la doctrine employée par l’artillerie ukrainienne comme russe, au début du conflit, et son évolution au fil du temps. Ainsi, il apparait, comme on pouvait s’y attendre, que l’une comme l’autre appliquaient des doctrines soviétiques au début du conflit, concentrant de puissantes forces d’artillerie menant un feu massif et très soutenu, à chaque utilisation.

On comprend, à ce titre, qu’un officier ukrainien ait eu du mal à faire sienne la doctrine d’emploi du Caesar, conçu pour être très mobile et employé en petite unité, voir de manière individuelle, et puisse privilégier le M777, beaucoup plus conforme, dans l’esprit, à l’utilisation faite de l’artillerie héritée de la doctrine soviétique. « Plusieurs centaines de coups pouvaient être tirés sur une même cible, pour mettre un ou deux coups au but« , précise ainsi l’artilleur russe à ce sujet.

Au fil du temps, les tirs de contrebatterie, d’une part, les frappes de drones et le manque de munitions, de l’autre, ont amené les ukrainiens à évoluer vers des unités beaucoup plus compactes, plus mobiles, et tirant beaucoup moins d’obus par frappe, d’un rapport « un à cent« , selon le témoignage russe, avec toute la subjectivité que cela implique.

Le Caesar est un cauchemar pour les artilleurs russes

La seconde partie de l’interview porte, elle, sur les capacités les plus redoutées par les artilleurs russes. Et le constat est sans appel, il s’agit du Caesar français. Celui-ci n’évolue pas, selon lui, « dans le même siècle que les équipements en service au sein des armées russes« .

Canon Caesar Advivka
Les Caesar ukrainiens seraient principalement employés pour al contre-batterie, avec une grande efficacité, selon les artilleurs russes.

« La portée de ces systèmes atteint 40 km avec des obus conventionnels, surpassant de loin les systèmes soviétiques que nous avons, qui plafonnent à 32 km avec des obus à portée additionnée« . « La configuration sur roues de ces залупы » (je vous laisse le choix de la traduction ;-)) « leur permet de rapidement quitter une position, même une fois déployés ».

« Il ne faut que 60 secondes pour le déployer, et 40 secondes pour s’échapper. Le système de visée est automatique, ce qui lui confère une précision extraordinaire« , ajoute-t-il.

De fait, les armées russes ont fait de la destruction des Caesar, une véritable priorité, n’hésitant pas à employer des drones Lancet, et même des roquettes et missiles balistiques à courte portée (OTRK), pour y parvenir.

Et d’ajouter que le Caesar est aujourd’hui un système rare, employé avec parcimonie par les armées ukrainiennes, pour les tirs de contrebatterie, avec une grande efficacité. « Ces obusiers français ont pris un nombre énorme de vies d’artilleurs russes« , conclut-il.

Le concept du Caesar, associant efficacité et masse, s’impose en haute intensité

Bien évidemment, un témoignage ne fait pas une situation. Il convient donc de se montrer prudent, quant à la surinterprétation des conséquences de cette interview, d’autant que, pour des raisons évidentes, celle-ci est volontairement obscure sur de nombreux aspects.

Canon Caesar Mali
Avec une masse au combat de 17 tonnes, le Caesar est très leger, et peut aisément être déployé sur des théatres d »opérations, y compris par avion.

Toutefois, elle tend à accréditer le concept ayant entouré la conception du Caesar lui-même, dans les années 90. Pour rappel, celui-ci n’avait pas vocation, initialement, à remplacer l’artillerie sous casemate chenillée, comme l’AuF1 GCT, sur châssis AMX-30. Le Caesar visait à remplacer les canons tractés TR-F1, plus économiques, plus mobiles, et plus facilement déployables.

Pour autant, celui-ci n’a pas été conçu, comme avancé parfois par le passé, pour une utilisation sur théâtre de moindre intensité. Il visait, effectivement, à remplacer par la mobilité, la précision et l’allonge, la survivabilité liée au blindage, concernant les canons automoteurs, tout en conservant une efficacité opérationnelle identique, y compris en haute intensité.

Le fait est, aujourd’hui, l’Armée de terre va basculer l’ensemble de son artillerie lourde, sur Caesar Mk2, y compris en remplaçant ses derniers AuF1 par ce système. Et plusieurs armées, y compris en Europe, ont fait un choix similaire. En effet, au-delà de ses qualités techniques et opérationnelles, le Caesar offre un atout clé, sensible particulièrement en Ukraine : il est économique, et relativement « facile » à produire.

Ainsi, pour le prix d’un Archer 2 suédois, il est possible d’acquérir 2,5 à 3 Caesar, alors que pour un RCH155, ou un PZH2000, ce sont 3,5 à 4 Caesar qui prennent la ligne. Certes, le Caesar Mk2 n’aura pas l’automatisation de l’Archer 2, ni la capacité de faire feu en mouvement du RCH155, mais avec le même investissement, il permet d’atteindre une masse critique efficace sur le champ de bataille, que ces autres systèmes peinent à atteindre.

RCH155 KMW
Retenu par la Bundeswehr, le RCH155 de KNDS-Deutschland, n’est pas un concurrent du Caesar. Il est en effet persque 4 fois plus cher.

L’atout est d’autant plus sensible, en Ukraine, que les pertes documentées proportionnelles du Caesar ne sont pas supérieures à celles de l’Archer ou du Pzh2000, alors même qu’il est intensément employé par les forces ukrainiennes, et, de toute évidence, directement visé par les forces russes.

On comprend, dans ces conditions, que le Caesar tende à devenir le système d’artillerie de nouvelle génération central des armées ukrainiennes, étant certainement le seul à pouvoir afficher de telles performances, tout en étant produit à 72 unités par an en 2024, 144 unités en 2025, selon l’industriel.

KNDS-France anticipe de nouvelles commandes à venir du Caesar et l’arrivée des concurrents

On comprend également que KNDS-France, ex-Nexter, soit confiant quant à l’avenir commercial de son système, et la raison pour laquelle le français a annoncé une hausse de la production mensuelle pour atteindre 12 unités par mois, d’ici à 2025. Pour rappel, elle n’était que de trois canons par mois en 2022, encore moins auparavant.

En effet, au-delà des commandes ukrainiennes, françaises, belges, tchèques ou encore estoniennes, la démonstration de la validité du concept du Caesar, plus que de ses capacités elles-mêmes, qui étaient déjà connues, a le potentiel d’engendrer, dans les mois et années à venir, de nouvelles commandes, mettant KNDS-France au centre de l’artillerie occidentale.

KNDS-France Caesar
KNDS-France anticipe de nouvelles commandes exports dans les années à venir pour le Caesar, en passant la productioàn annuelle de 6 à 12 systèmes par mois.

Reste que ce succès va, aussi, aiguiser les appétits des autres industriels. Jusqu’à présent, les grands industriels européens, s’ils avaient compris l’intérêt de la configuration roues-canon, n’avaient pas adhéré au concept Caesar, donnant naissance à l’Archer suédois, au Zuzana 2 slovaque, ou au RCH155 allemand. Beaucoup plus lourds, et considérablement plus onéreux, ces systèmes n’évoluent donc pas dans la même catégorie que le Caesar.

Maintenant que le concept même est validé, la situation est différente, et des offres basées sur les mêmes paradigmes, émergeront bientôt. C’est déjà le cas du PCL-181 chinois, très proche, dans l’esprit et dans l’aspect, du Caesar français, mais aussi de l’Atmos israélien, probablement le plus sérieux concurrent, aujourd’hui, du système de KNDS-France.

Ainsi, comme les succès des Mirage III israéliens, amenèrent les américains à concevoir le F-16, l’avion le plus vendu de sa génération, il va falloir, à l’industriel français, s’emparer du plus de marchés possibles, avant que les offres concurrentielles ne débarquent vraiment. L’augmentation des cadences de production montre que KNDS-France a parfaitement saisie la temporalité des enjeux qui se présentent aujourd’hui.

Article du 22 avril en version intégrale jusqu’au 27 aout 2024

Les 4,8 milliards d’euros de contrats militaires de l’armée grecque passent encore sous le nez de l’Europe et particulièrement de la France

Les 4,8 milliards d’euros de contrats militaires de l’armée grecque passent encore sous le nez de l’Europe et particulièrement de la France


Les 4,8 milliards d'euros de contrats militaires de l'armée grecque passent encore sous le nez de l'Europe et particulièrement de la France
Les 4,8 milliards d’euros de contrats militaires de l’armée grecque passent encore sous le nez de l’Europe et particulièrement de la France

L’armée grecque passe à la vitesse supérieure avec un investissement massif dans les F-35 de Lockheed Martin.

La Grèce a marqué un tournant stratégique dans sa politique de défense en signant un contrat colossal de 4,8 milliards de dollars pour l’acquisition de vingt avions de combat F-35 Lightning II. Ce mouvement audacieux est une réponse directe aux tensions montantes en Méditerranée orientale et vise à renforcer significativement les capacités aériennes du pays.

Un Pas de Géant pour la Défense Grecque

L’achat des F-35 par la Grèce symbolise une modernisation profonde de sa flotte aérienne. Ces avions de cinquième génération, connus pour leur furtivité et leur technologie avancée, permettront à la Grèce de solidifier sa défense et de jouer un rôle dissuasif plus significatif dans la région.

Une Alliance Renforcée avec l’Occident

En intégrant la flotte de F-35, la Grèce se joint à un groupe sélect de nations possédant cette technologie de pointe, renforçant ainsi ses liens avec les États-Unis et d’autres membres de l’OTAN. Ce partenariat stratégique promet d’améliorer la coopération militaire et d’accroître la sécurité régionale.

Investissement Technologique et Économique

Le financement alloué par la Grèce ne couvre pas uniquement l’acquisition des avions, mais englobe également des services essentiels tels que la maintenance, la formation du personnel, et l’amélioration des infrastructures. Ce projet devrait dynamiser l’industrie locale grâce aux partenariats avec des entreprises grecques pour la maintenance des avions, favorisant ainsi le transfert de technologie et la création d’emplois qualifiés.

Impact Géopolitique en Méditerranée

L’acquisition des F-35 intervient dans un contexte de tensions accrues avec des voisins comme la Turquie, sur fond de différends territoriaux. La présence de ces avions ultra-modernes est un message clair de la Grèce à ses adversaires, soulignant sa capacité à défendre ses intérêts avec une puissance aérienne supérieure.

Une Course à l’Armement Régionale ?

La montée en puissance de la Grèce pourrait inciter d’autres nations de la région à moderniser leurs propres forces aériennes. Ce phénomène pourrait entraîner une escalade des dépenses militaires et exacerber les tensions régionales, chaque acteur cherchant à ne pas se laisser distancer sur le plan technologique.

Vers une Stabilité ou une Instabilité Accrue ?

Bien que l’augmentation des capacités militaires de la Grèce puisse potentiellement dissuader les conflits, elle pourrait aussi alimenter une course à l’armement et des stratégies militaires plus agressives de la part des pays voisins, posant des questions sur le véritable impact de ces investissements sur la stabilité régionale à long terme.

Un Revers pour l’Industrie de Défense Européenne

Cet achat massif de matériel américain par la Grèce souligne un échec notable pour l’industrie de défense européenne, qui peine à rivaliser avec les géants de l’aéronautique des États-Unis. Malgré la présence de fabricants européens compétents, le choix de la Grèce de se tourner vers Lockheed Martin pour renforcer sa flotte aérienne met en lumière les lacunes perçues dans les options disponibles au sein de l’Europe. Cela pose des questions sur la capacité de l’Europe à s’unir autour d’une politique de défense commune et compétitive sur le marché mondial, et à offrir des solutions qui répondent aux exigences techniques et stratégiques des nations de l’OTAN. Ce scénario incite à une réflexion sur l’intégration et le renforcement de l’industrie de défense européenne pour éviter que de telles préférences pour les équipements non européens ne deviennent une norme.

Cet article explore l’engagement substantiel de la Grèce dans la modernisation de ses forces armées par l’acquisition de F-35, un investissement qui a des implications profondes tant sur le plan militaire que géopolitique. Alors que la Grèce cherche à assurer sa sécurité et à affirmer sa présence sur la scène internationale, les répercussions de ce choix stratégique pourront redéfinir les équilibres de pouvoir en Méditerranée orientale.

Vente d’armes : la menace allemande

Vente d’armes : la menace allemande

par Sylviane Astrait – Ecole de Guerre économique – publié le 16 janvier 2023

https://www.ege.fr/infoguerre/vente-darmes-la-menace-allemande
Auditrice de la 41ème promotion MSIE de l’EGE


Au cours des dernières années, le dossier explosif des exportations d’armes a réveillé les tensions dans les relations franco-allemandes. En cause, les règles strictes imposées par Berlin, faisant régulièrement obstacle aux projets de défense français et européens dans les programmes développés en coopération. Bien que l’Allemagne soit désormais un des leadeurs mondiaux des matériels de défense, elle assume mal ses performances à l’export, sujet très sensible dans l’opinion publique. En dépit de plusieurs accords signés avec la France visant l’exportation d’armement de produits en commun, la menace persistante de blocages des transferts d’armes vers des territoires sensibles de la part du gouvernement allemand inquiète Paris. L’enjeu est de taille, s’agissant en premier lieu des contrats déjà signés par la France, ou des projets de coopération en cours tels que le futur Système De Combat Aérien Du Futur (SCAF) ou le Main Ground Combat System (MGCS, char du futur) qui ont vocation à être exportés, y compris dans les pays du Golfe. La double perspective d’une loi allemande sur le contrôle-export et d’un projet de règlement européen sur initiative de l’Allemagne menace directement la souveraineté des Etats membres de l’UE et, en première ligne, la France.

Le double jeu allemand

A la différence de Paris qui tient sur les ventes d’armes un discours plutôt assumé, Berlin revendique une politique restrictive de ses exportations en armement et s’est présentée, depuis quelques années, comme le champion des exportations « responsables ». Le gouvernement fédéral assurait début 2019 mener une « politique restrictive et responsable sur les transferts d’armement », avec une priorité donnée aux ventes vers les Etats membres de l’OTAN et de l’UE. Le refus de l’Allemagne d’envoyer des armes défensives à Kiev à la fin de l’année 2021, avant de revenir sur sa décision dès l’invasion russe quelques semaines plus tard, nous offre une première illustration de la contradiction allemande à travers cette politique ultra restrictive alors présentée comme « ancrée dans notre histoire » par la ministre allemande des Affaires étrangères, Annalena Baerbock, expliquant pudiquement cette décision par « différentes responsabilités historiques« .

En dépit du narratif vertueux entourant la politique restrictive du gouvernement fédéral, le réalisme géopolitique offre pourtant une vision différente : l’explosion des exportations « made in Germany » ces dernières années. Selon le rapport du think tank suédois Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI) sur les ventes d’armes, publié en mars 2020, l’Allemagne a augmenté ses exportations d’armes majeures de 21 % entre 2016 et 2020, ce qui représente 5,5 % du total mondial. Ses principaux marchés d’exportation sont la Corée du Sud, l’Algérie et l’Égypte. Tenant désormais un rôle majeur dans l’échiquier international de l’industrie de l’armement, le pays occupe la quatrième place derrière les Etats-Unis (largement en tête), la Russie et la France (qui comptabilise 8,2 % des exportations mondiales d’armes sur la même période). En 2021, le gouvernement allemand a accordé un nombre record de licences individuelles pour l’exportation d’armes pour une valeur atteignant les 9,35 milliards d’euros, selon le rapport du Parlement européen sur les exportations allemandes d’armements.

L’offensive informationnelle de l’Allemagne autour d’une politique « responsable » des exportations d’armement lui offre en réalité une puissante portée de nuisance économique vis-à-vis de ses partenaires européens et, en premier lieu, la France.

La politique restrictive de l’Allemagne, une arme économique redoutable dans les projets en coopération

C’est bien l’idéalisme porté par les gouvernements successifs de ces dernières années qui a offert à Berlin une occasion inédite de torpiller les projets développés conjointement avec la France, menaçant par la même occasion la pérennité des futures collaborations franco-allemandes sur les programmes d’armement. La guerre au Yémen, déclenchée par la coalition saoudo-émirienne à l’été 2014, avait déjà marqué un tournant dans la coopération franco-allemande et mis à jour la politique de cavalier seul menée par Berlin en matière d’armement, lorsque cette dernière avait imposé de manière unilatérale une politique restrictive à ses partenaires commerciaux. L’assassinat du journaliste saoudien Jamal Khashoggi en octobre 2018 eut pour conséquence le placement sous embargo de l’Arabie Saoudite et des Émirats Arabes Unis par le gouvernement de Merkel, sans concertation aucune avec ses partenaires européens.

En quoi ces décisions impactent la France ? Cette position rigoriste de l’Allemagne constitue un obstacle majeur pour l’exportation des programmes d’armement menés conjointement avec la France car elle a pu conduire Berlin à bloquer des exportations d’industriels français à destination de territoires jugés sensibles, à l’instar de l’Arabie Saoudite, en refusant ou en retardant l’octroi de licences d’exportation, dès lors que ces matériels sont fabriqués avec des composants allemands. Ainsi, la participation de l’Allemagne à un projet d’armement commun, quand bien même cette contribution ne représente qu’une part marginale du système d’armement, offre à Berlin l’occasion de bloquer unilatéralement l’exportation du programme dans son ensemble, pénalisant ainsi très lourdement ses partenaires économiques. Et lorsqu’elles n’interdisent pas formellement l’export, les autorités allemandes peuvent freiner le processus d’octroi de licences d’exportation au moyen de délais d’instruction excessivement longs.

A de nombreuses reprises au cours de la dernière décennie, Berlin a démontré cette puissance de frappe autour du contrôle du commerce des armes, comme l’illustre notamment le blocage la livraison de boîtes de vitesses allemandes de certains blindés du français Arquus (anciennement Renault Trucks Defense) en 2019, ainsi que des éléments pyrotechniques du canon Caesar, équipements destinés à l’Arabie saoudite dans le cadre du vaste contrat SFMC (Saudi-French Military Contract). La même année, l’annulation des exportations de véhicules de remorquages lourds de la société allemande Rheinmetall vers l’Arabie saoudite a lourdement pénalisé le sous-traitant français Nicolas Industrie, réduisant de moitié l’emploi chez la petite entreprise et la poussant à la faillite, selon le journal français La Tribune.

Le grand contournement

Avant l’embargo de 2018, certains industriels français et européens avaient déjà rencontré des difficultés pour honorer des commandes vers les pays du golfe arabo-persique, en dépit des accords gouvernementaux Debré-Schmidt de 1971 et 1972 qui prévoyaient notamment qu’aucun des deux gouvernements ne pouvait « empêcher l’autre gouvernement d’exporter ou de laisser exporter dans des pays tiers des matériels d’armement issus de développement ou de production menés en coopération« , sauf circonstances exceptionnelles. Le non-respect de ces accords par l’Allemagne démontre la difficulté d’établir une politique commune, souhait pourtant cher à la coalition. D’autres dispositifs, tels que la Position commune de l’UE sur les exportations d’armes et le Traité sur le commerce et les armes, n’ont pas davantage permis d’aligner les pratiques de l’Allemagne avec celles de ses partenaires économiques, ce que certains observateurs expliquent sobrement par des divergences d’interprétation des critères établis par ces textes. Il s’agit surtout d’une rhétorique avancée par l’Allemagne pour justifier une application sui generis de règles internationales, européennes ou d’accords bilatéraux, sous prétexte de motifs éthiques.

Selon le rapport du SIPRI sur les ventes d’armes, les exportations « made in Germany » ont continué de plus belle, y compris à destination de belligérants de la guerre au Yémen. Sur les six premiers mois de 2019, l’Egypte a ainsi été le deuxième client de l’Allemagne, avec 802 millions d’euros de ventes d’armes ; les Emirats Arabes Unis, autre membre de la coalition, a été le sixième importateur d’armes allemandes, pour 206 millions d’euros de commandes ; le Qatar enfin, sur la même période, a commandé pour 165 millions d’euros de matériel militaire.

Si l’Allemagne est pointée du doigt pour continuer de livrer des armes à trois pays impliqués dans la guerre au Yémen, il lui est également reproché de pousser l’hypocrisie plus loin en contournant les restrictions qu’elle s’est elle-même imposées. Trois stratégies ont pu être mises en œuvre pour éluder les censures à l’export : (i) la production délocalisée, (ii) l’établissement de filiales étrangères des sociétés allemandes et (iii) l’envoi de cadres de l’industrie allemande pour la formation et l’assistance techniques ou la R&D. D’autres incohérences ont pu être mises en lumière, trahissant l’ambiguïté allemande : livraison d’armements à Ryad pour les contrats déjà signés, exportations significatives de matériels de défense de même nature conjointement à la Turquie et à la Grèce (alors même que l’Allemagne avait empêché l’autorisation de livraison de l’hélicoptère de combat Tigre pour une démonstration en Turquie), gigantesques contrats algériens… l’Allemagne se fait tout aussi discrète en janvier 2018 lors de l’affaire des chars made in Germany conduits par l’armée turque, alors qu’elle lançait une offensive dans le nord-ouest de la Syrie, contre la milice kurde YPG, alliée des Etats-Unis.

Convenir d’un désaccord : l’accord d’octobre 2019 sur les projets d’armement conjoints

Après des mois de négociations, un nouvel accord « juridiquement contraignant » entre Paris et Berlin a été conclu en octobre 2019. S’il visait à réduire le risque de divergences politiques pouvant conduire à bloquer les exportations de systèmes d’armement développés conjointement, il a échoué à aboutir à une véritable convergence des politiques d’exportation. Le gouvernement français s’était pourtant félicité de cet accord, par lequel Berlin s’est engagé à ne pas s’opposer à l’exportation de matériels militaires français si la part allemande n’excède pas les 20% de composants ou d’équipements allemands (et réciproquement pour la France). Florence Parly, alors ministre des Armées, louait un « accord assez large […] qui, en respectant la souveraineté des États, permet de créer des conditions favorables aux projets de coopération« . Mais comment évoquer la préservation de la souveraineté lorsqu’un accord vient légitimer une pratique ouvertement offensive de la part d’une des parties, dans un contexte d’affrontement informationnel et concurrentiel à peine voilé ?

Pire, comme le centre de recherche bruxellois GRIP l’a observé, cet accord posant le principe dit « de minimis » – soit le seuil de 20% de participation à la valeur du système final – n’est pas applicable aux programmes intergouvernementaux (évinçant de facto le système principal de MGCS (char du futur) et l’avion de combat de nouvelle génération NGWS (l’un des piliers du SCAF)), et exclut formellement six catégories d’armes du principe « de minimis ». D’autres inconnues subsistent et interrogent les observateurs, comme les calculs de valeur servant à l’application de ce principe « de minimis ».

La puissance de frappe de cette arme économique qu’est le pouvoir gouvernemental de paralyser des exportations se trouve désormais légitimée et donc renforcée par la consécration de cette règle « de minimis », révélant un nouvel échec tricolore à l’issue de ce rapport de forces qui l’oppose à l’Allemagne, sur fond de guerre informationnelle bâtie sur un discours éthique. Derrière ce que certains officiels français ont perçu comme un assouplissement des règles allemandes dans les projets en coopération, l’accord de 2019 marque une étape décisive vers l’harmonisation européenne des contrôles export nationaux, contrepartie politique exigée par l’aile gauche de la coalition allemande.

Le spectre d’une harmonisation des normes européennes : quand le piège se referme

La volonté allemande de transférer les dispositifs nationaux des contrôles des exportations d’armement à l’échelon européen trahit en réalité la volonté de ralentir les performances à l’export de ses principaux concurrents européens et, en premier lieu, la France.

L’Allemagne prévoit d’abord l’adoption d’une loi au niveau national, et devrait ensuite proposer un projet de règlement devant servir de base aux discussions avec ses partenaires européens. L’initiative allemande d’un projet de texte européen marque clairement son intention de prendre l’ascendant sur les discussions lui permettant, selon La Tribune, d’imposer ses propres critères en cohérence non seulement avec sa future loi nationale et aussi avec son objectif de privilégier la commande domestique.

La France a gros à perdre. La possibilité d’exporter des systèmes d’armes constitue une priorité pour les Etats membres de l’UE, tant le volume des commandes publiques de ces derniers demeure faible au regard des investissements engagés. Il existe indéniablement une forme de dépendance à l’égard des exportations vers les pays tiers à l’UE, dans la mesure où l’exécution des programmes de modernisation de défense des Etats membres est souvent conditionnée aux exportations, grâce aux recettes qu’elles génèrent. Le projet d’harmonisation des règles européennes, véritable grenade dégoupillée, représente une menace certaine pour la souveraineté française et le droit d’exporter en fonction de ses intérêts.

Cette forme de préférence européenne, pour le plus grand bénéfice des industriels extra-européens (en particulier les Etats-Unis), a toutes les chances de l’emporter dans un contexte de regain pour le grands projets de défense communs, si la France ne riposte pas fermement sur le terrain des négociations. En attendant le Conseil de défense franco-allemand reporté au mois de janvier prochain, Paris doit impérativement se préparer à contrer la politique de cavalier seul de son partenaire outre-Rhin. Fin octobre 2022, Olaf Scholz annonçait le développement d’un bouclier antimissile avec 14 pays de l’OTAN, qui sera basé sur des technologies américaines, allemandes et peut-être israéliennes… mais pas françaises. 


Sources

« Le débat en Allemagne sur les exportations d’armement », IRIS, avril 2021

« L’ombre d’un doute. Les divergences franco-allemandes en matière d’exportation d’armes », rapport du GRIP, 31 mars 2021

Rapport du Parlement européen sur les exportations allemandes d’armements, 17 juillet 2020

« Exportations : l’Allemagne plonge la PME Nicolas Industrie au bord de la faillite », La Tribune, 11 février 2019

« le piège allemand se referme sur l’exportation française d’armement », la Tribune, 24 octobre 2022

« La coopération en matière d’armement entre la France et l’Allemagne : La coopération en matière d’armement entre la France et l’Allemagne : une entente impossible ? », IFRI, novembre 2020

« L’étonnant double discours Allemand », Challenges, 9 mars 2020

« L’embarrassant succès des armes made in Germany », Le Monde, 27 février 2018

Les exportations d’équipements militaires français ont bondi de 30% en 2018