Prodromes d’acier par Michel Goya

Prodromes d’acier

par Michel Goya – La Voie de l’épée – publié le 27 octobre 2023

https://lavoiedelepee.blogspot.com/


Quelques considérations sommaires sur une opération terrestre.

Modelage de la force

On parle beaucoup de la mobilisation des réservistes, inédite depuis 1973, mais ce ne sont pas eux, à l’exception des renforts individuels des brigades d’active, qui porteront l’assaut sur Gaza. Les brigades de réserve servent surtout à tenir les autres fronts, tout en contribuant à dissuader d’autres adversaires potentiels. Certaines brigades interviendront sans doute à Gaza, peut-être en 2e échelon des brigades d’active afin de tenir le terrain conquis ou lorsqu’il s’agira de contrôler la zone, une fois la conquête terminée.

L’attaque sera donc portée à Gaza, comme en 2006, 2008, 2009 et 2014, par les brigades d’active, qui, faut-il le rappeler, ne sont pas professionnelles en Israël. Elles sont armées par des hommes (pas de femmes dans les unités de combat) qui effectuent 32 mois de service et plus pour certains cadres et spécialistes. C’est suffisant pour apprendre un métier, mais insuffisant pour acquérir de l’expérience. La moyenne d’âge d’un bataillon d’infanterie israélien doit être aux alentours de 21 ans, celle d’un régiment d’infanterie en France est à peut-être 30 ans, sinon plus. Cela fait une énorme différence. Un officier israélien me disait : « Ce que l’on vous envie, ce sont vos vieux caporaux-chefs et sergents. Ils ne vont pas forcément défourailler tous azimuts s’ils prennent des cailloux sur la tronche, alors que chez nous cela arrive ». C’est une des raisons pour laquelle les Israéliens préfèrent souvent utiliser les réservistes, plus pondérés, dans les missions de contrôle en Cisjordanie. Cela a pour inconvénient de « désentrainer » les unités de réserve, par ailleurs moins bien équipées que l’active, des missions de combat à grande échelle et haute-intensité (GE-HI) mais permet en revanche aux brigades d’active de s’y consacrer. Cela est par ailleurs nécessaire car cette armée de très jeunes a de l’énergie mais pas de mémoire. Les derniers combats GE-HI datent de 2014, à Gaza justement, et il n’y a plus aucun soldat et cadres subalternes qui y a participé, au contraire de nombreux combattants du Hamas. D’où la nécessité de s’entraîner et se réentraîner y compris dans les jours qui précèdent une opération offensive.

Tsahal peut compter sur 4 brigades blindées (BB) en comptant la 460e brigade « école » et 5 brigades d’infanterie blindée (BI). Ce sont plutôt des brigades de petites dimensions (guère plus de 2000 hommes) et monochromes avec seulement des bataillons (3 parfois 4) d’infanterie ou de chars de bataille. A la mobilisation, ces brigades sont complétées de quelques réservistes (compter 2 jours), puis déplacées sur la zone d’action, ce qui compte tenu du poids moyen énorme des véhicules de combat israéliens impose l’emploi de rares porte-chars et donc là aussi quelques délais même si le pays est petit.

Une fois réunies dans la zone d’action, les brigades se reconfigurent en sous-groupements tactiques interarmes, en jargon militaire français. En clair, elles forment des groupements tactiques (GT) de la taille d’une compagnie avec 100 à 200 hommes sur environ une vingtaine de véhicules blindés, avec un savant dosage de génie pour l’ouverture d’itinéraire et le déminage, de chars de bataille Merkava IV pour le tir au canon et d’infanterie blindée, autant que possible sur véhicules lourds Namer et Achzarit, ou sinon sur les plus vulnérables M113. En fonction des missions, ces GT peuvent recevoir le renfort d’équipes de guidage de tirs (artillerie, hélicoptères, drones et chasseurs-bombardiers), d’équipes de génie spécial Yahalom et du bataillon cynophile Oketz, notamment pour le combat souterrain. Ils peuvent recevoir aussi le renfort de sections de la 89e brigade commando qui réunit les bataillons Duvdevan (popularisé par la série Fauda), Maglan et Egoz, qui peuvent agir aussi en autonome, comme les unités « stratégiques » Matkal (Terre), 13 (Marine), 669 et Shaldag (Air), avec cette difficulté de la pénétration isolée dans l’espace urbain hostile de Gaza.

En résumé, Tsahal a réuni un échelon d’assaut environ 80-100 groupements tactiques de compositions diverses. Notons qu’alors que l’on décrit le rapport de forces Israel-Hamas de manière globale, avec notamment plus de 600 000 hommes et femmes côté Tsahal, cela ne fait au maximum que 20 000 soldats en premier échelon à l’assaut, soit à peu près autant que le nombre de combattants ennemis en face, une situation en fait habituelle dans le combat moderne. Le 3 hommes contre 1 décrit comme absolument nécessaire pour attaquer quoi que ce soit est un mythe. Ce qui est important n’est pas le nombre de soldats mais la masse et la précision de la puissance de feu en tir direct, et là bien sûr les Israéliens sont très supérieurs.

Bien entendu, cet échelon d’assaut est appuyé par un puissant échelon d’artillerie, avec pour les seules trois brigades d’active deux fois plus de pièces que l’armée française avec une mention spéciale pour les mortiers, les plus utiles en combat urbain. Il y a également un échelon d’appui volant drones et d’hélicoptères, qui avec la portée de leurs armes n’ont même pas besoin de survoler Gaza pour prendre tout le territoire sous leur feu. Cet échelon aérien à surtout pour fonction d’interdire les toits, les hauteurs des bâtiments les plus élevés et parfois les grands axes à coups de missiles. Outre les missions autonomes sur des cibles d’opportunité dans la profondeur, obusiers et frappes aériennes servent à encager les zones 100 à 200 mètres au moins devant les troupes d’assaut. C’est une arme puissante mais à manier avec précaution, une seule erreur de frappe pouvant provoquer une catastrophe sur un groupement tactique en tir fratricide mais aussi bien sûr sur la population.

Bien entendu également, en arrière des brigades d’assaut et d’artillerie, on trouve les « montagnes de fer » de la logistique avec tout ce qu’il faut pour alimenter la bataille pendant des semaines, avec cette difficulté de l’acheminement ou du repli, des blessés en particulier, en zone très hostile. Petit aparté : l’armée israélienne s’était organisée en bases de soutien zonales en 2006, ce qui c’était avéré catastrophique dans la guerre contre le Hezbollah, plus personne ne sachant qui soutenait qui dès lors que l’opération avait pris une certaine ampleur. Ils se sont réorganisés depuis de manière plus classique, c’est-à-dire organiquement, et plus intelligente.

Phalanges et essaims

Un petit mot de la défense. On parle donc de 30 000 combattants pour le Hamas et les groupes alliés. On peut logiquement estimer à 20-25 000 le nombre de réels fantassins dans le lot, dont au moins 7 000 professionnels (beaucoup ont été perdus dans l’attaque du 7 octobre) et environ 15 000 « réservistes » miliciens. Ils sont plutôt bien équipés sur le modèle classique léger AK-RPG (7 et 29), avec un nombre inconnu de pièces collectives modernes : fusils de snipers lourds à grande portée, postes de tir de missiles et, surtout, mitrailleuses lourdes et canons-mitrailleurs de 23 mm.

Avec 25 000 fantassins pour défendre une frontière de 65 km, on a une densité de 300 à 400 hommes par km2 de frontière, ce qui est assez peu. La défense est donc zonale. Le secteur est découpé en six secteurs de brigade et eux-mêmes en quartiers de défense. Normalement un quartier de défense bien organisé est découpé en quatre espaces : les zones piégées et vides, les grands axes bourrés d’obstacles et de mines et dans l’axe de tirs d’armes à longue portée et de mortiers de 60 mm, des espaces de tir individuel dans les hauteurs –tireurs RPG pour tirer sur les toits des véhicules en haut, snipers un peu plus bas pour des tirs plus rasants et enfin des espaces de manœuvre. Ces espaces de manœuvre sont occupés par des sections de 10 à 30 hommes qui vont s’efforcer d’harceler autant qu’ils peuvent les Israéliens avant leur abordage des zones urbanisées avec des tirs lointains s’ils en ont les moyens, puis à l’intérieur des blocs en trois dimensions avec des caches, des passages à travers les murs ou les tunnels. On peut même des combattants-kamikazes isolés et cachés qui attendront, peut-être pendant des jours, de pouvoir attaquer des soldats israéliens. Tout cela, c’est un peu l’organisation optimale, à la manière de ce que faisaient les rebelles à Falloujah en Irak ou novembre 2003 (moins bien équipés que le Hamas) ou le Hezbollah à Bint Jbeil en juillet 2006, sans parler des combats de l’État islamique dans les villes d’Irak et de Syrie.

Point particulier : avoir quelques centaines de combattants par km2 dans des espaces d’une densité de plusieurs milliers d’habitants (9000 à Gaza-ville) implique que, même si une grande partie des habitants ont fui, la plupart des gens que les soldats israéliens vont rencontrer dans leur espace de combat seront des civils totalement innocents ou sympathisants du Hamas ou encore des combattants masqués. C’est après les murs, le deuxième bouclier des combattants du Hamas, peut-être encore plus contraignant pour les Israéliens que le premier. À cet égard, si les choses sont bien faites, Tsahal devrait avoir prévu dans ses plans la manière dont elle va gérer, en fait aider, immédiatement cette population dans les zones conquises.

Le combat qui s’annonce sera donc, comme dans les expériences précédentes à Gaza et à plus grande échelle, ou dans les combats similaires à Nadjaf et Falloujah en Irak en 2004, un combat de phalanges contre des essaims. Seule l’expérience de la bataille de Sadr City en 2008 pourrait constituer un autre modèle, à condition pour les Israéliens de vouloir in fine négocier et accepter la survie du Hamas, ce qui semble peu probable.

Pour l’instant Tsahal utilise ses groupements tactiques pour mener des raids aux abords. Le but est d’abord de tester l’ennemi, évaluer ses défenses et provoquer des tirs afin de détruire leurs auteurs, notamment les équipes de tir de missiles antichars. Secondairement, on prépare des itinéraires pour des engagements ultérieurs et on continue à poursuivre l’entraînement des troupes. On peut continuer ainsi un certain temps. Si les Israéliens ne font que cela, on sera effectivement sur le mode Sadr City ou même celui de la « tonte de gazon » des guerres précédentes contre le Hamas. Il n’est évidemment pas possible de casser le Hamas de cette façon, ce qui est le but stratégique affiché. Deuxième difficulté, Israël ne peut être en situation de mobilisation totale très longtemps car le pays est paralysé pendant ce temps. Le créneau GE-HI maximum est dont d’environ deux mois. Après il faudra passer à moyenne ou faible ampleur et faible intensité, au moins au sol, pour pouvoir durer à la manière de la guerre d’usure contre l’Égypte en 1969-1970, en espérant que cela ne débouche pas sur une extension du conflit (la guerre d’usure s’est terminée par une petite guerre entre Israël et l’URSS).

À un moment donné, peut-être après avoir eu la certitude qu’il n’y aura pas d’extension du conflit et peut-être épuisé toutes les possibilités de libération rapides d’otages, il faudra sans aucun doute lancer les 80 phalanges à l’assaut. Dans les guerres 1956 et 1967, les conquêtes de Gaza n’avaient pris qu’une journée face aux forces égyptiennes et à la division palestinienne. Cette fois, il faudra des jours et des semaines, mais sauf énorme surprise comme en juillet-août 2006 face au Hezbollah, les phalanges atteindront la mer. Ce sera néanmoins coûteux. Les combats similaires en 2014, limités à 3 kilomètres de la bordure et à une durée de trois semaines, avaient fait 66 morts parmi les soldats de Tsahal. Le « devis du sang » qui a dû être présenté par l’état-major à l’exécutif politique pour cette nouvelle opération doit être beaucoup plus élevé.

Hamas-Israël : quelles conséquences diplomatiques et sécuritaires au Moyen-Orient ?

Hamas-Israël : quelles conséquences diplomatiques et sécuritaires au Moyen-Orient ?

Interview
Le point de vue de Didier Billion – IRIS –  publié le 26 octobre 2023

Le 7 octobre 2023, les attaques du Hamas contre Israël et la réponse israélienne qui a suivi ont replacé la question palestinienne au cœur du contexte sécuritaire au Moyen-Orient, faisant craindre une escalade régionale du conflit. Quelle est la position des États arabes face au conflit et à quelles réactions doit-on s’attendre en cas d’intervention terrestre israélienne à Gaza et de prolongation du conflit ? Le conflit Hamas-Israël pourrait-il affecter le processus de rapprochement entre Israël et certains États arabes ? Alors que l’Égypte a décidé de ne pas ouvrir ses frontières, quel rôle le pays tient-il dans ce conflit ? Une médiation du conflit par les pays arabes est-elle possible ? Le point avec Didier Billion, directeur adjoint de l’IRIS, spécialiste du Moyen-Orient et de la Turquie.

Des milliers de personnes ont manifesté à travers le monde arabe, notamment en Jordanie ou au Liban, pour exprimer leur indignation après la destruction d’un hôpital de Gaza par Israël et dénoncer le sort des civils palestiniens à Gaza. Quelle est la position des États arabes et à quelles réactions doit-on s’attendre en cas d’intervention terrestre israélienne à Gaza et de prolongation du conflit ?

Il y a en effet eu, en Jordanie et au Liban, des manifestations assez spectaculaires, notamment celle qui s’est tenue à Amman où des dizaines de milliers de manifestants ont réclamé l’ouverture des frontières. Cela a un sens très particulier dans ce pays lorsque l’on sait que plus de la moitié de la population jordanienne est d’origine palestinienne. Outre ces deux pays, de nombreuses manifestations se sont tenues dans des pays comme la Tunisie, l’Algérie, l’Irak ou la Syrie, ainsi que dans des pays non arabes de la région du Moyen-Orient, comme la Turquie et l’Iran – même si l’on peut émettre quelques doutes sur le caractère spontané des manifestations en Iran. La totalité de ces manifestations de soutien au peuple palestinien est une nouvelle preuve, si besoin en était, de la centralité de la question palestinienne pour les opinions publiques dans les mondes arabes et au Moyen-Orient.

La question palestinienne a été largement ignorée depuis des années au niveau des exécutifs des pays de la région. Mais dans la conjoncture politique actuelle, ouverte par le 7 octobre, de nombreux gouvernements sont obligés de tenir compte des sentiments, ou ressentiments, de leurs opinions publiques, ce qui a amené à une forme de radicalisation de l’expression des exécutifs.

Quant à la question de l’intervention terrestre, la visite du président étatsunien Joe Biden du 18 octobre dernier semble avoir marqué, en tendance, un point d’inflexion. Alors que les dirigeants israéliens insistaient continuellement sur la préparation de l’opération terrestre qui ne manquerait pas d’avoir lieu, les positions des responsables israéliens semblent s’être partiellement modifiées. L’état-major israélien, mesurant la difficulté d’une telle opération, semblait moins enclin à intervenir militairement au sol dans la bande de Gaza. On ne peut néanmoins pas exclure l’éventualité d’une opération terrestre risquant d’aboutir à une radicalisation des positions anti-israéliennes et une escalade régionale du conflit, notamment au Liban, pays de la ligne de front, puisqu’une partie de la frontière nord d’Israël est mitoyenne de ce pays. Le Hezbollah, particulièrement implanté dans la partie sud du Liban et qui contrôle méticuleusement la zone frontière avec Israël, a déclaré après le 7 octobre qu’il prendrait toutes les mesures nécessaires en cas d’invasion terrestre d’Israël à Gaza et agirait en conséquence.

Dans quelle mesure le conflit Hamas-Israël pourrait-il affecter le processus de rapprochement entre Israël et certains États arabes, entamé avec les accords d’Abraham, auxquels devait s’ajouter l’Arabie saoudite qui négociait, avant les évènements tragiques du 7 octobre, avec Tel-Aviv une normalisation de leurs relations ?

En réalité, les accords d’Abraham sont en partie dévitalisés de leur contenu depuis bien avant le 7 octobre. Ces accords ont, à tort, été qualifiés d’accords de paix puisqu’il n’y avait pas de guerre entre les pays signataires (le Bahreïn, les Émirats arabes unis, le Soudan, le Maroc et Israël). Ces derniers, à l’exception du Maroc, se posaient de nombreuses questions, notamment depuis le 1er janvier 2023, date de mise en place du nouveau gouvernement israélien dirigé par Benyamin Netanyahou, dont le centre de gravité est clairement situé à l’extrême-droite. Ce gouvernement comprend en effet des ministres suprémacistes juifs et ultra-orthodoxes qui ne cachaient pas leur intention d’annexer purement et simplement la Cisjordanie, mettant en porte à faux les pays signataires des accords.

En revanche, le Maroc a, pour sa part, continué à entretenir des relations de plus en plus étroites avec Israël, y compris depuis le 1er janvier dernier, cela en raison d’une configuration particulière. Les Israéliens, en contrepartie du soutien du Maroc, ont reconnu la marocanité du Sahara occidental, ce qui pour la diplomatie marocaine constituait une victoire considérable. C’est principalement pour cette raison que le Maroc a accepté de continuer à coopérer étroitement avec Israël depuis le début de l’année. Cependant, eu égard à plusieurs manifestations de protestation en soutien aux Palestiniens au Maroc même, le roi et l’exécutif marocain vont probablement être obligés de tenir compte de ce nouveau paramètre et relativiser leur active coopération avec l’État hébreu.

Les autres États arabes qui avaient signé les accords d’Abraham et qui considéraient que la question palestinienne se serait réglée de facto se sont trompés et sont obligés d’en tenir compte, car l’actualité a ramené la question palestinienne au centre de la situation régionale. Ces accords d’Abraham ne peuvent aujourd’hui être considérés comme caducs, dans le sens où ils n’ont pas été dénoncés juridiquement parlant, mais sont en partie politiquement dévitalisés.

Pour Israël, il s’avérait important d’approfondir le processus et de contracter des accords de normalisation avec l’Arabie saoudite, s’agissant du pays arabe le plus important de la région du fait de sa taille, de sa population, de sa richesse et de la présence des lieux les plus sacrés de l’islam. Le processus de négociation était compliqué, car Mohamed ben Salmane exigeait des contreparties, même s’il avait déclaré, à la fin du mois de septembre, que le processus avançait substantiellement. Néanmoins, immédiatement après les premières réactions de l’État d’Israël et le début des bombardements massifs contre Gaza, l’Arabie saoudite a pris la décision de geler immédiatement le processus de discussion et de normalisation. Cela signifie que la configuration régionale de la relation des États arabes avec Tel-Aviv s’est modifiée. Processus déjà perceptible depuis le début de l’année avec la mise en place du gouvernement d’extrême droite à Tel-Aviv et qui s’est accéléré et cristallisé depuis le 7 octobre.

Alors que l’Égypte a décidé de ne pas ouvrir ses frontières, quel rôle le pays tient-il dans ce conflit, notamment du fait de la situation sécuritaire complexe au Sinaï ? Alors que le Qatar et l’Égypte sont aujourd’hui perçus, chacun à leur manière, comme des acteurs clés dans le conflit Hamas-Israël, et face à un camp occidental en perte de crédibilité dans la région, dans quelle mesure peut-on envisager une médiation du conflit de la part des pays arabes ?

Si on parle toujours de blocus israélien à l’encontre de la bande de Gaza, il s’agit en réalité d’un blocus israélo-égyptien puisque la frontière sud de Gaza est sous le contrôle hermétique des autorités égyptiennes. Il y a plusieurs raisons à ce maintien du blocus par ces dernières depuis les attaques du 7 octobre sur le territoire israélien, indépendamment du niveau d’alerte humanitaire qui touche la population gazaouie. Avec environ 2,3 millions de personnes à Gaza, aucun État au monde n’accepterait sereinement la perspective du passage de plusieurs centaines de milliers de réfugiés à la frontière, car celui-ci entraînerait un problème de logistique considérable dans un pays qui connait une situation économique préoccupante. Par ailleurs, la sortie par le sud de la bande de Gaza débouche sur la péninsule du Sinaï. Or, si dans le reste de l’Égypte la situation sécuritaire est désormais à peu près assurée, le Sinaï est une région non sécurisée et gangrénée par des reliquats de groupes djihadistes et des mafias qui s’adonnent à des trafics de marchandises et d’êtres humains. Les autorités égyptiennes craignent donc qu’un afflux de Palestiniens dans le Sinaï n’aggrave davantage les déséquilibres de cette région. De plus, les responsables du Caire raisonnent sur le long terme, ayant conscience des points de fixation que constitueraient les camps de réfugiés palestiniens installés sur le sol égyptien. Ils tirent les enseignements de l’expérience des transferts massifs de populations palestiniennes au Liban, en Syrie, ou en Jordanie et de la constitution de camps de réfugiés. L’Égypte ne tient donc pas à ce qu’un processus similaire se reproduise dans leur pays en cas d’exode massif des Palestiniens de Gaza. Enfin, les autorités égyptiennes voudraient des garanties d’aides effectives de l’Organisation des nations unies (ONU), de ladite communauté internationale et des puissances occidentales, garanties qu’ils n’ont pas obtenues à ce jour. Plusieurs éléments se conjuguent et permettent ainsi de comprendre la position ferme de l’Égypte, que l’on peut certes critiquer, mais qui s’explique par une série de raisons politiques.

Le Qatar est un État central dans une hypothétique médiation, visant à un cessez-le-feu et un hypothétique début de négociation politique. Cela, car il possède une véritable expérience en termes de médiation, notamment par exemple entre les talibans afghans et les États-Unis. Il entretient par ailleurs des relations étroites avec Gaza. Une partie de la direction du Hamas est en effet basée à Doha et le Qatar verse environ 30 millions de dollars par mois à la bande de Gaza. Doha maintient également des contacts avec les autorités israéliennes, sans que le Qatar n’ait jamais été partie aux accords d’Abraham. Cependant, malgré ces atouts, le pays n’a pas à lui seul la possibilité d’avancer un réel processus de négociation, bien qu’il y prendra certainement part. La question des partenariats est donc primordiale.

Une médiation du conflit de la part des États arabes pris dans leur globalité n’est pas envisageable dans la mesure où leurs intérêts nationaux divergent et même s’ils doivent tenir compte de leurs opinions publiques comme nous l’avons évoqué précédemment. La Ligue des États arabes se fait par ailleurs remarquer par son assourdissant silence.

Enfin, phénomène préoccupant, l’ONU se trouve en situation d’apesanteur politique. Cela signifie en d’autres termes que ce qui devrait constituer la première instance de régulation internationale n’est pas actuellement en situation de peser sur le conflit actuel de façon efficiente.

Le PHA Tonnerre va « soutenir » les hôpitaux de Gaza avec des hélicoptères Tigre et NH-90 à bord

Le PHA Tonnerre va « soutenir » les hôpitaux de Gaza avec des hélicoptères Tigre et NH-90 à bord

https://www.opex360.com/2023/10/26/le-pha-tonnerre-va-soutenir-les-hopitaux-de-gaza-avec-des-helicopteres-tigre-et-nh-90-a-bord/


 

 

Vingt-quatre heures plus tard, à l’issue de sa tournée diplomatique au Proche-Orient, au cours de laquelle il s’est tenu sur une ligne de crête en affirmant qu’Israël avait le droit de se défendre après les attaques du 7 octobre tout en cherchant une solution politique à la question palestinienne, M. Macron est revenu sur son idée de forger une coalition contre le Hamas. « Ce que je suis venu dire, c’est que la lutte contre le terrorisme n’est pas l’affaire d’un seul pays. Elle implique des coopérations », a-t-il dit, selon le quotidien L’Opinion [26/10].

Quoi qu’il en soit, le 25 octobre, au Caire, où il s’est entretenu avec le président Abdel Fattah al-Sissi, M. Macron a réaffirmé qu’il fallait « collectivement tout faire pour éviter l’escalade, bâtir une initiative de paix et de sécurité et traiter les causes de ce que nous vivons ».

Et, dans le droit fil des propos qu’il avait tenus, la veille, en Cisjordanie, devant Mahmoud Abbas [alias Abou Mazen] le président de l’autorité palestinienne [« Une vie palestinienne vaut une vie française qui vaut une vie israélienne », avait-il dit], M. Macron a salué la mobilisation de l’Égypte pour « les populations de Gaza » et annoncé l’engagement de la France sur le terrain humanitaire, avec l’envoi d’un « navire de la Marine nationale » en Méditerranée orientale « pour soutenir les hôpitaux » de l’enclave, visée par des frappes aériennes israéliennes et soumise à blocus depuis les attaques terroristes du 7 octobre.

Le bâtiment « partira de Toulon dans les 48 prochaines heures », a précisé M. Macron, avant d’annoncer l’arrivée prochaine en Égypte d’un avion chargé de matériel médical. « D’autres suivront », a-t-il assuré… alors que l’aide humanitaire est acheminée au compte-gouttes depuis le sol égyptien vers Gaza.

Cela étant, à peine M. Macron venait-il de faire cette annonce que l’on appris que le porte-hélicoptères amphibie [PHA] Tonnerre avait déjà appareillé pour rejoindre la Méditerranée orientale, où il retrouvera la frégate multi-missions à capacités de défense aérienne renforcée [FREMM DA] « Alsace » et la frégate de type La Fayette [FLF] Surcouf.

À noter que d’autres pays ont également déployé des moyens navals dans la région, à commencer par les États-Unis, qui ont annoncé l’envoi de deux porte-avions [les USS Gerald R. Ford et USS Dwight D. Eisenhower], d’un groupe constitué par l’USS Bataan avec 2500 soldats de l’US Marine Corps et du navire de commandement et de contrôle USS Mount Whitney.

Selon les Nations unies, dans vingt-quatre ou quarante-huit heures, les hôpitaux gazaouis seront privés d’électricité, faute de carburant pour alimenter leurs générateurs. D’où la mission du PHA Tonnerre qui, pour rappel, dispose à son bord d’un hôpital de rôle 3, équivalent à celui d’une ville de 20’000 habitants. D’une surface de 950 mètres carrés, il est constitué par une vingtaine de locaux, dont un plateau technique, un scanner et deux blocs opératoires. Il a une capacité de 69 lits, dont 50 dédiés aux soins intensifs.

Cela étant, le PHA Tonnerre n’aura eu que très peu de temps pour se préparer à sa nouvelle mission… puisqu’il vient de participer à l’exercice de l’Union européenne [UE] MILEX, qui s’est terminé le 22 octobre, au large de Rota [Espagne].

Pour ces manœuvres, le PHA Tonnerre avait embarqué un sous-groupement tactique, doté de 55 véhicules dont six chars légers AMX-10RC, une section de fusiliers marins et un détachement de six hélicoptères [trois Gazelle, deux Cougar et un Puma].

Pour le moment, le ministère des Armées n’a fait aucune communication sur les capacités embarquées à bord du PHA Tonnerre. Mais selon une photographie prise au moment de son départ de Toulon, on constate la présence de cinq hélicoptères sur son pont d’envol, dont un Tigre et deux NH-90 [TTH?] et, sans doute, deux Cougar.

Par ailleurs, on ignore également la forme que prendra ce soutien aux hôpitaux de Gaza. Si le PHA Tonnerre doit accueillir des malades, comment seront-ils transportés à bord? Via hélicoptère? Ou via ses Engins de débarquement amphibie rapide [EDAR]?

En outre, il n’est pas impossible que le porte-hélicoptères amphibie soit aussi sollicité pour évacuer les ressortissants étrangers [dont beaucoup de travailleurs humanitaires] présents à Gaza, où, pour rappel, au moins neuf autres Français sont retenus en otage par le Hamas.

La quadrature du cercle pour Tsahal

par le Général (2s) Jean-Bernard Pinatel, membre du Conseil d’administration de Geopragma- Geopragma – publié le 24 octobre 2023

https://geopragma.fr/la-quadrature-du-cercle-pour-tsahal/


Pour avoir sous-estimé les capacités d’action du Hamas, les autorités israéliennes sont aujourd’hui devant une situation qui ressemble à la quadrature du cercle. Cette métaphore rappelle la recherche depuis l’Antiquité d’une solution à un problème dont l’insolubilité a été démontrée seulement en 1882 par Ferdinand von Lindemann. Malheureusement pour Tsahal, l’équation à résoudre doit prendre en compte des variables qui ne sont pas indépendantes. Quelles sont-elles ?

Israël doit agir le plus tôt possible s’il veut atteindre son objectif affiché la destruction du Hamas. Car plus il attend, plus l’effet de sidération mondiale devant la barbarie du Hamas va s’estomper et les voix de tous ceux qui soutiennent le Hamas et qui mettent en avant les pertes des civils palestiniens seront audibles et tendront à renvoyer dos à dos Israël et le Hamas en parlant de crimes de guerre des deux côtés, comme l’ont fait honteusement dès le premier jour certains responsables de LFI en France.

Plus le temps passe, plus le Hamas, surpris lui-même par l’ampleur de sa victoire, aura le temps de s’organiser et plus le prix à payer pour les soldats de Tsahal sera grand s’ils veulent épargner les vies des civils dont le Hamas se servira comme boucliers, puisqu’il a interdit à une partie de la population d’évacuer le Nord de la bande de Gaza comme l’ont demandé les Israéliens soucieux d’épargner les populations civiles.

Mais agir rapidement, c’est le faire sans se soucier de la vie des otages dont la recherche de la localisation dans les souterrains qui truffent Gaza demandera du temps aux forces spéciales infiltrées. Par ailleurs, mener une opération terrestre d’occupation de la bande Gaza requiert une planification minutieuse qui doit ensuite être mise en œuvre par des dizaines de milliers de soldats dont beaucoup sont des réservistes

Et, de son côté, le Hamas qui souhaite retarder voire interdire cette opération terrestre se sert de la double nationalité des otages et de leur âge qui va d’un bébé de quelques mois à une personne âgée en fin de vie, dans un goutte-à-goutte savamment dosé pour affaiblir les soutiens internationaux d’Israël et maintenir l’espoir de toutes les familles israéliennes des otages qui commencent à réclamer une solution politique. La libération des deux otages américains est à cet égard exemplaire. 

Si Tsahal se lance dans une opération terrestre d’envergure où des milliers de civils sont tués, cela risque d’enflammer la rue des États arabes et fragiliser les chefs d’Etat qui ont rétabli des relations diplomatiques ou qui se rapprochaient d’Israël et rendre très difficile aux dirigeants du Hezbollah et à l’Iran de se cantonner à une participation qui reste pour l’instant symbolique. Or Israël sait que le Hezbollah est sorti considérablement renforcé (100 000 combattants ?) et aguerri par 10 ans de guerre en Syrie dans le domaine du renseignement, du combat en milieu urbain et des opérations militaires entre leurs forces et le contingent aéroterrestre d’un acteur mondial, la Russie.

Compte tenu de la dépendance de toutes ces variables, croire que l’on a trouvé la solution est se comporter comme tous ceux qui se sont essayé à résoudre la quadrature du cercle. Aussi, c’est avec une humilité totale et la quasi-certitude que ma prévision n’a qu’une chance limitée d’être le choix de Tsahal et des autorités israéliennes que je donne mon avis sur un choix possible.

En effet, compte tenu de toutes les pressions diplomatiques des alliés inconditionnels d’Israël, comme les USA et aussi des pays du Moyen-Orient qui ont établi des relations diplomatiques avec Israël — et en premier lieu l’Egypte —, qui veulent éviter toute action qui élargirait le conflit et, en particulier qui amènerait le Hezbollah à s’engager complètement si la mort de milliers de Palestiniens était avérée  ; de la pression intérieure en Israël pour prioriser la libération des otages et pour limiter les pertes des soldats de Tsahal, je pense que la solution retenue ne peut être qu’une opération terrestre limitée dans des zones où les civils ont été majoritairement évacués dans un but essentiellement de communication intérieure et d’appui aux commandos infiltrés. Et l’effort, à mon avis, sera porté dans une longue guerre de l’ombre qui durera jusqu’à ce que tous les chefs du Hamas et la majorité des islamistes qui ont pénétré en Israël et accompli ces massacres barbares soient éliminés.

Général (2s) Jean-Bernard Pinatel

Beyrouth, 23 octobre 1983 : Souvenons-nous des paras du Drakkar

Beyrouth, 23 octobre 1983 : Souvenons-nous des paras du Drakkar

Voici tout juste 40 ans, le 23 octobre 1983, 6 h 30 du matin : un double attentat frappe la Force multinationale de sécurité à Beyrouth. En quelques secondes, 241 marines américains et 58 parachutistes français sont tués (55 du 1er RCP et 3 du 9e RCP). Le poste Drakkar, occupé par les paras français, vient de subir la frappe la plus terrible contre l’armée française depuis les affrontements de la décolonisation. 

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Bruno Racouchot était alors officier au 6e RPIMa. Il nous a aimablement autorisé à reproduire le texte d’hommage en annexe, initialement paru dans le cadre du très confidentiel « Club des chefs de section paras au feu ».

23 octobre 1983, Beyrouth, 6 h 30 du matin, Drakkar est rayé de la carte 

Le 23 octobre 1983, les parachutistes français présents à Beyrouth dans le cadre de la Force Multinationale de Sécurité, étaient victimes d’un attentat. 58 d’entre eux devaient trouver la mort dans l’explosion du poste « Drakkar ». Le texte d’hommage qui suit a été publié dans le cadre du Club des chefs de section paras au feu, qui compte quelques anciens de cette mission sanglante, depuis le Général François Cann, alors à la tête de la force française, et le Général Paul Urwald, qui commandait alors le 6e RIP, jusqu’au benjamin du Club, Bruno Racouchot, officier-adjoint d’une des quatre compagnies déployées à Beyrouth-Ouest. Plus particulièrement en charge de la section de protection du PC du 6e RIP, Bruno Racouchot décrit la configuration extrêmement délicate et sanglante dans laquelle furent alors plongés les parachutistes français.

Rappel du contexte historique 

En juin 1982, Israël lance l’opération « Paix en Galilée », envahit le Sud-Liban et entreprend fin juin-début juillet l’assaut de Beyrouth-Ouest où les Palestiniens sont encerclés dans une nasse, les Syriens refusant de les accueillir sur leur territoire. Un cessez-le-feu est appliqué début août. La communauté internationale, soucieuse d’éviter des affrontements sanglants, décide d’intervenir. Sous la protection des parachutistes français, soutenus par les soldats américains et italiens, les forces palestiniennes sont exfiltrées en douceur. De 500.000 à 600.000 Palestiniens restent dans les camps.

Le 23 août, Béchir Gemayel est élu Président du Liban. Le 15 septembre, il est assassiné. Israël investit Beyrouth-Ouest. Du 16 au 18 septembre ont lieu les massacres de populations civiles dans les camps de Sabra et Chatila, où des centaines de civils palestiniens sont tués. Le 21 septembre, Amine Gemayel, frère aîné de Béchir, est élu président. Le 24 septembre, pour répondre à une opinion internationale scandalisée par les tueries dont les Palestiniens ont été victimes, une Force Multinationale de Sécurité à Beyrouth est créée, intégrant des contingents français, américains, italiens et une poignée d’Anglais.

Dès lors, au Liban, la situation ne cesse de se dégrader. Massacres de populations civiles et attentats se multiplient. Les soldats de la Force Multinationale sont victimes d’innombrables attaques et de bombardements. Si les Américains sont cantonnés à l’aéroport et les Italiens en périphérie de la ville, si les Anglais se contentent de mener des missions de renseignement avec un escadron spécialisé, les Français, eux, reçoivent la mission la plus délicate, au cœur même de Beyrouth.

Tous les quatre mois, les contingents sont relevés, souvent avec des pertes sévères. En septembre 1983 a lieu la relève pour les légionnaires français installés à Beyrouth, remplacés par les parachutistes de la 11e Division parachutiste. C’est l’opération Diodon IV, qui deviendra l’engagement le plus sanglant pour l’armée française depuis les guerres coloniales. Le 3e RPIMa s’installe en secteur chrétien, dans la perspective d’une offensive face au « Chouf », pour pacifier la montagne où les Druzes s’en prennent violemment aux chrétiens. Des éléments du GAP, 1er RHP, 17e RGP, 12e RA, 35e RAP, 7e RPCS et le commando marine Montfort sont également à pied d’œuvre.

Le secteur le plus dangereux, celui de Beyrouth-Ouest, est dévolu à un régiment de marche, le 6e RIP, Régiment d’Infanterie Parachutiste, qui a pour mission principale la protection des populations civiles palestiniennes traumatisées des camps de Sabra et Chatila. Ce régiment, placé sous le commandement du colonel Urwald, a été formé spécialement pour cette opération, et est constitué de quatre compagnies de parachutistes : deux compagnies du 6e Régiment de Parachutistes d’Infanterie de Marine basé à Mont-de-Marsan, une compagnie du 1er Régiment de Chasseurs Parachutistes basé à Pau, une compagnie du 9e Régiment de Chasseurs Parachutistes basé à Pamiers.

Le quotidien d’un chef de section para au feu

C’est une vraie leçon de vie dont vont bénéficier les jeunes chefs de section plongés dans la fournaise de Beyrouth. Les Américains sont à l’époque encore sous le coup de la chute de Saïgon survenue à peine huit ans plus tôt. Ils sont repliés sur l’aéroport, ne sortant quasiment pas de leurs abris, usant de blindés M113 pour traverser le tarmac de l’aéroport. Sous des tirs d’artillerie incessants, en septembre 1983, nos jeunes paras ont remplacé les légionnaires. A la différence des professionnels du 3e RPIMa, d’où viennent-ils ces jeunes du 6e RIP ? Ce sont pour la plupart des appelés, d’un genre un peu particulier cependant. Volontaires TAP, volontaires outre-mer, volontaires service long, pour beaucoup d’entre eux, ils ont déjà bénéficié d’une solide formation et ont effectué des « tournantes » hors métropole.

Mentalement et physiquement préparés, ils pressentent cependant dès leur arrivée que cela va être dur, très dur même. Mais ils vont faire front et s’adapter. Avec modestie, calme, détermination. Certes, en débarquant, chacun d’entre eux éprouve l’étrange picotement qui monte le long de la colonne vertébrale. Heureusement, ils ont à leurs côtés les « anciens », à peine plus âgés qu’eux, qui ont « fait » le Tchad, la Mauritanie, le Zaïre, Djibouti, et pour certains déjà, le Liban… Tous ces noms de TOE lointains les ont fait rêver à l’instruction, quand ils n’avaient déjà qu’un souhait, se montrer à la hauteur de ceux qui les avaient précédés sous le béret rouge. Aujourd’hui, le rêve se trouve enfin confronté brutalement à la réalité.

Beyrouth est un piège monumental. On a beau avoir bourlingué, on a beau avoir entendu tirer à ses oreilles, quand on est un jeune chef de section, débarquer dans un tel univers constitue une épreuve d’ordre quasiment initiatique. On n’ose pas le dire, mais on le ressent d’emblée jusqu’au tréfonds de soi. Avec la secrète question qui taraude et que l’on n’ose pas exprimer : saurai-je me montrer digne de mon grade et de mon arme ? Ce sont d’abord les missions ordinaires, protection des postes, ravitaillement, reconnaissance, tâches d’entretien peu glorieuses mais tellement nécessaires, que l’on accomplit sereinement parce que même si le contexte est moche, on leur a appris à être beaux. Les jeunes paras mûrissent vite. Les visages se creusent, le manque de sommeil se fait vite sentir. Paradoxalement, les relations soudent les esprits et les corps. De secrètes complicités se nouent. Plus besoin de longs discours, les ordres s’exécutent machinalement, avec un professionnalisme qui prouve que, par la force des choses, le métier des armes entre dans la peau de chacun.

L’ennemi est partout et nulle part

Le jeune chef de section apprend très vite à connaître son secteur. Il a la chance d’avoir à ses côtés des hommes décidés encadrés par des sous-officiers d’élite, totalement dévoués à leur tâche. Il rôde, de jour comme de nuit, pour imprimer dans ses neurones les itinéraires, les habitudes, les changements de comportements. Rien n’est anodin. Il sait qu’il lui faut lier connaissance, observer, échanger, parler, surveiller, lire, écouter… Pas de place pour la routine. Plus que jamais, il faut faire preuve d’initiative, agir à l’improviste, sortir des postes, aérer les périmètres de sécurité, ne pas céder à la tentation mortelle de se recroqueviller dans les postes, derrière les sacs de sable et les merlons de terre. Des milliers d’yeux observent les paras français depuis les tours qui encerclent les positions. Ici, l’aspect psychologique est capital. On est en Orient. Il n’est pas permis de perdre la face. Les Français ont des moyens dérisoires en regard de leurs adversaires potentiels ou des grands frères américains, qui peuvent d’un simple appel radio, déclencher la venue de norias d’hélicoptères. En revanche, les Français savent s’immerger dans la population. Ils mangent comme le Libanais de la rue, se mélangent aux civils qui déambulent dans des marchés grouillants. Savoir se faire apprécier, c’est se faire respecter. Un sourire généreux sur une face de guerrier, c’est rassurant. Ça prouve la force plus que les armes. C’est cette stature des paras français qui fait très vite leur réputation dans la population.

Ce profil si particulier des soldats français, ce sont les chefs de section et les sous-officiers qui l’impriment à leurs hommes. Quels que puissent être les risques, ils ne changeraient leur place pour rien au monde. Ils savent qu’ils vivent une aventure inouïe, où chacun va pouvoir aller à l’extrême limite de ses possibilités. Le chef de section para a beau n’avoir que vingt-cinq ou trente ans, il sait qu’il passe là une épreuve pour laquelle il s’est préparé depuis des années ou depuis toujours, celle du feu. Il devine intuitivement qu’il va peut-être lui être donné d’accéder à une autre forme de connaissance de la vie, qu’il va opérer une mue intérieure subtile que seuls « ceux qui savent » et les anciens comprendront. Il sait qu’il reviendra de Beyrouth, « pareil sauf tout »… Ceux qui ont lu Ernst Jünger savent ce qu’il entend quand il parle de « La Guerre, Notre Mère »…. Drakkar va littéralement « sublimer » cet état d’esprit.

L’épreuve

Deux jours avant Drakkar, le 21 octobre 1983, je suis désigné pour conduire, avec le capitaine Lhuilier, officier opération du 6e RIP, un entraînement commun de la Compagnie Thomas du 1er RCP avec les marines américains à l’aéroport. Il faut bien que la connaissance de la langue de Shakespeare serve à quelque chose… Lhuilier est une figure des paras-colos. Il a eu son heure de gloire avec le 3e RIMa au Tchad quelques années avant, où coincé dans une embuscade, il a fait monter sa compagnie à l’assaut des rebelles, baïonnette au canon, en chantant « La Marie »… Dans l’épreuve qui se profile à l’horizon, il va se révéler un roc inébranlable.

Marines et paras français au coude à coude à l’entraînement… Comment imaginer en voyant tous ces grands gaillards crapahuter dans la poussière et se livrer à des exercices de tir rapide, que la plupart d’entre eux reposeront bientôt dans un linceul de béton ?… Mis en alerte le samedi soir, nous dormons tout équipés sur nos lits de camp, l’arme à portée de main. On entend bien des explosions, des tirs d’artillerie sporadiques. Des rafales d’armes automatiques titillent les postes. Mais va-t-on s’inquiéter pour si peu ?

Dimanche 23 octobre 1983, 6 h 30 du matin. L’aube se lève. D’un coup, une explosion terrible, une lourde colonne de fumée qui s’élève plein sud dans le silence du dimanche matin. L’aéroport et les Américains sont mortellement touchés. Puis une minute après, encore une autre, plus proche cette fois, d’une puissance tout aussi ahurissante. On entend en direct sur la radio régimentaire que Drakkar a été rayé de la carte. Ce poste était occupé par la compagnie du 1er RCP commandée par le capitaine Thomas, dont heureusement un détachement était de garde à la Résidence des Pins, le QG français. Bilan des deux attentats : 241 marines et 58 paras français sont tués, sans compter d’innombrables soldats grièvement blessés, évacués en urgence en Europe.

Dès la première explosion, chacun a bondi à son poste. On comprend d’emblée que c’est terrible. Les ordres fusent à toute vitesse. Des équipes partent pour le lieu de l’attentat, les autres sécurisent les postes. Chacun sait ce qu’il a à faire. On est sous le choc, mais le professionnalisme l’emporte. La mécanique parachutiste, répétée inlassablement à l’entraînement, montre ses vertus en grandeur réelle. On va faire l’impossible pour sauver les camarades. Malheureusement, beaucoup sont déjà morts, déchiquetés, en lambeaux, que l’on ramasse jour après jour, nuit après nuit. On a entendu certains d’entre eux râler sous les ruines, alors que nous étions impuissants à les dégager des amas de gravats. Ils sont là, pris dans l’étreinte mortelle de l’acier et du béton, ceux pour lesquels nous sommes arrivés trop tard, ceux avec lesquels hier on riait, on plaisantait, on rivalisait. Aucun des paras qui va relever ses camarades en cette semaine d’octobre n’oubliera ces pauvres corps, « tués par personne », nobles et dignes jusque dans la mort, magnifiques soldats équipés et prêts pour le combat, parfois la main crispée sur leur Famas. Sans doute est-ce parce qu’ils ont rejoint les légions de Saint-Michel que leur souvenir semble éternel. Le mythe para en tous cas l’est. Maintenant plus que jamais. Et tous, nous communions alors dans une espèce de rêve étrange et éveillé, où la mort étonnamment proche se mêle inextricablement à la vie, en un jeu dont les règles nous échappent. Un nouveau jalon funèbre est posé après les combats des paras de la Seconde Guerre mondiale et bien sûr ceux des grands anciens d’Indochine et d’Algérie.

Le piège fatal

En signe de solidarité avec nos hommes, le Président de la République, François Mitterrand, vient rendre un hommage aux morts le 24 octobre. Les paras savent déjà qu’ils sont pris dans un traquenard monstrueux. Jour après jour, ils sont victimes de nouveaux attentats, dans un secteur totalement incontrôlable, où pullulent les milices, les mafias et les « services ». Personne ne sait réellement qui fait quoi, les informations sont sous influence, rien n’est sûr, tout est mouvant. Sans ordres ni moyens légaux, les paras sont contraints de se battre au quotidien pour assurer la survie de leurs postes et continuer à protéger les populations. Aucun renfort notable n’est envoyé de métropole, hormis une compagnie de courageux volontaires du 1er RCP venus prendre la place de leurs prédécesseurs. En dépit des nombreux morts et blessés qu’ils vont relever dans leurs rangs, les paras ne doivent compter que sur leur savoir-faire, leur calme et leur professionnalisme pour se défendre tout en évitant de répondre aux provocations, refusant parfois de tirer pour préserver les civils. À ce titre, la mission aura certes été remplie, mais nombreux sont les soldats français qui reviendront avec l’amer sentiment d’avoir perdu leurs camarades sans les avoir vengés.

Chacun sait alors que nous vivons un moment unique de notre vie, dont l’intensité et la profondeur nous bouleversent. L’aumônier, le père Lallemand, a le don de savoir parler aux soldats. Que l’on soit croyant pratiquant ou athée, agnostique ou païen, il sait trouver les mots qui apaisent et réconfortent. Paradoxalement, Drakkar ne va pas briser les paras, mais les souder. Les semaines à venir vont être infernales. Et cependant, tous font face avec une abnégation sublime. Le plus humble des parachutistes joue consciencieusement son rôle dans un chaudron où se multiplient les attentats. Bien des nôtres vont encore tomber, assassinés lâchement la plupart du temps. Mais tous accomplissent leur devoir avec fierté et discrétion. Nous recevons des mots et des cadeaux de métropole, comme ces Landais qui nous envoient du foie gras à foison pour Noël, ou encore ces enfants qui nous dédient des dessins touchants. Les paras sont soudés, et même la mort ne peut les séparer.

Dans la nuit du 25 décembre, les postes de Beyrouth-Ouest devenus indéfendables dans la configuration géopolitique de l’époque sont évacués. Fin janvier-début février, les paras  exténués sont rapatriés sur la France. Le contingent de « Marsouins » qui les remplace ne restera pas longtemps. Américains et Italiens quittent le Liban fin février. En mars, le contingent français rembarque, ne laissant sur place que des observateurs.

Les enseignements à tirer

Jeune ORSA à l’époque, ayant la volonté de préparer l’EMIA, je décide cependant de quitter l’armée. Cinq années de boxe intensive et à bon niveau m’ont appris qu’un coup encaissé doit toujours être rendu, au centuple si possible. Déphasage. Je ne me sens pas l’âme d’un « soldat de la paix ». Mais les paras vont rester ma vraie famille. Depuis, j’ai fait le tour du monde, connu d’autres aventures. J’ai passé des diplômes, « fait la Sorbonne », créé une entreprise. Mais rien n’a été oublié. Mes chefs d’alors sont devenus des amis. Nous avons eu des patrons magnifiques, Cann, Urwald, Roudeillac, des commandants de compagnie qui étaient des meneurs d’hommes, de vrais pirates pour lesquels on aurait volontiers donné sa vie, des sous-officiers et des soldats avec des gueules sublimes. Tout cela, mon ami le journaliste Frédéric Pons l’a mis en relief avec brio dans son livre « Les Paras sacrifiés » publié en 1993 et réimprimé en 2007 sous le titre « Mourir pour le Liban ». Il faut dire qu’à la différence de bien d’autres, Pons sait de quoi il parle. Ancien ORSA du 8e RPIMa, il a vécu l’une des premières missions de la FINUL au sud-Liban au tout début des années 80.

En novembre 2007,  j’ai été invité à prononcer une courte allocution à Coëtquidan, devant les élèves de l’EMIA qui avaient choisi pour parrain de leur promotion le Lieutenant de La Batie. J’avais connu Antoine quand il était à Henri IV, je l’avais ensuite revu lors de l’entraînement commun à l’aéroport le 21 octobre 1983… puis mort quelques jours après. Ayant quitté l’armée française comme lieutenant, j’ai donc souhaité parler à ces élèves officiers comme un vieux lieutenant à de jeunes lieutenants. Il faut savoir tirer le meilleur de toute expérience, surtout quand elle s’est révélée tragique. Bref, savoir transformer le plomb en or. Il fallait leur dire ce qu’une OPEX comme celle-là nous avait appris concrètement, nous fournissant des enseignements qui nous servent au quotidien dans la guerre économique.

Avec le recul, ce qui demeure certain, c’est que, sans en avoir eu alors une pleine conscience, Beyrouth anticipait le destin de l’Occident. Le terrorisme est devenu une menace permanente, y compris au cœur de notre vieille Europe. Mais en ce temps-là, nous autres, modestes chefs de section, n’étions pas à même d’analyser les basculements géopolitiques en gestation. Plus modestement, Beyrouth nous a révélé la valeur des hommes. Beyrouth nous a enseigné bien des sagesses. Pour ceux qui surent le vivre avec intelligence, Beyrouth fut une épreuve initiatique au sens premier du terme, qui nous a décillé les yeux sur nous-mêmes et sur le monde. Ce que les uns et les autres avons appris dans ce volcan, aucune école de management, aucun diplôme d’université, ne nous l’aurait apporté, ni même l’argent ou les honneurs. Nous avons appris le dépassement de soi pour les autres, la valeur de la camaraderie, la puissance des relations d’homme à homme fondées sur la fidélité, la capacité à transcender sa peur, la reconnaissance mutuelle, l’estime des paras pour leur chef et l’amour fraternel du chef pour ses paras… Des mots qui semblent désuets dans  l’univers qui est le nôtre, mais qui reflètent cependant un ordre supérieur de connaissance des choses de la vie. Cette richesse intérieure acquise, nous en ferons l’hommage discret à tous nos camarades tombés en OPEX le 23 octobre, lorsque, à 6 h 30 du matin, nous penserons à ceux du Drakkar. Comme nos grands anciens, montera alors de nos lèvres vers le ciel la vieille chanson : « j’avais un camarade… »

Bruno Racouchot, ancien lieutenant au 6e RPIMa

L’auteur : DEA de Relations internationales et Défense de Paris-Sorbonne, maîtrise de droit et de sciences politiques, Bruno RACOUCHOT, est aujourd’hui le directeur de la société Comes Communication, créée en 1999, spécialisée dans la mise en œuvre de stratégies et communication d’influence.

IN MEMORIAM Drakkar

capitaine Thomas Jacky
capitaine Ospital Guy
lieutenant Dejean de La Bâtie Antoine
sous-lieutenant Rigaud Alain
adjudant Bagnis Antoine
adjudant Moretto Michel
sergent Dalleau Christian
sergent Daube Vincent
sergent Lebris Jean-Pierre
sergent Longle Yves
sergent Ollivier Gilles
caporal chef Bensaidane Djamel
caporal chef Beriot Laurent
caporal chef Carrara Vincent
caporal chef Duthilleul Louis
caporal chef Grelier Xavier
caporal chef Loitron Olivier
caporal chef Margot Franck
caporal chef Seriat Patrice
caporal chef Vieille Hervé
caporal Girardeau Patrice
caporal Hau Jacques
caporal Jacquet Laurent
caporal Lamothe Patrick
caporal Lepretre Dominique
caporal Leroux Olivier
caporal Muzeau Franck
caporal Thorel Laurent
parachutiste de 1ère classe Gasseau Guy
parachutiste de 1ère classe Gautret Remy
parachutiste de 1ère classe Julio François
parachutiste de 1ère classe Pradier Gilles
parachutiste de 1ère classe Tari Patrick
parachutiste de 1ère classe Théophile Sylvestre
parachutiste Bachelerie Yannick
parachutiste Bardine Richard
parachutiste Caland Franck
parachutiste Chaise Jean-François
parachutiste Corvellec Jean
parachutiste Delaitre Jean Yves
parachutiste Deparis Thierry
parachutiste Di-Masso Thierry
parachutiste Durand Hervé
parachutiste Guillemet Romuald
parachutiste Kordec Jacques
parachutiste Lastella Victor
parachutiste Ledru Christian
parachutiste Levaast Patrick
parachutiste Leverger Hervé
parachutiste Meyer Jean-Pierre
parachutiste Porte Pascal
parachutiste Potencier Philippe
parachutiste Raoux François
parachutiste Renaud Raymond
parachutiste Renou Thierry
parachutiste Righi Bernard
parachutiste Schmitt Denis
parachutiste Sendra Jean

Lire aussi : Déroute à Beyrouth, de Michel GOYA

Pour le renseignement militaire français, rien ne permet de dire que l’hôpital Al-Ahli a été touché par une frappe israélienne

Pour le renseignement militaire français, rien ne permet de dire que l’hôpital Al-Ahli a été touché par une frappe israélienne

https://www.opex360.com/2023/10/21/pour-le-renseignement-militaire-francais-rien-ne-permet-de-dire-que-lhopital-al-ahli-a-ete-touche-par-une-frappe-israelienne/


Malgré le manque d’éléments tangibles pour la corroborer, l’affirmation du Hamas a été reprise par l’ensemble des médias et commentée par des organismes internationaux [comme l’Organisation mondiale de la santé], avant d’enflammer les réseaux sociaux et donner lieu à de nombreuses manifestations dans les pays arabes [mais aussi européens].

Seulement, la version du Hamas a été contredite par l’état-major israélien, celui-ci ayant affirmé que l’hôpital avait été en réalité touché par une roquette tirée par le Jihad islamique. Ce que, d’ailleurs, semblait confirmer des images diffusées en direct par la chaîne qatarienne al-Jazeera au moment de cette « frappe » présumée.

 

 

Et, depuis Tel Aviv, où il était en visite officielle pour exprimer son soutien à Israël après les attaques terroristes du 7 octobre, le président américain, Joe Biden, a donné du crédit à cette version [et on suppose qu’il avait des informations fournies par ses services de renseignement].

« J’ai été profondément attristé et choqué par l’explosion dans l’hôpital à Gaza hier [17/10]. Et sur la base de ce que j’ai vu, il apparaît que cela a été mené par la partie adverse », a en effet déclaré M. Biden, lors d’une conférence de presse donnée au côté de Benjamin Netanyahu, le Premier ministre israélien.

Selon des images de l’hôpital Al-Ahli Arabi prises peu après, il est en effet apparu que la munition en cause était tombée sur le parking de l’hôpital, la structure de l’établissement n’ayant pas été directement touchée. L’explosion survenue ensuite [et que l’on peut voir sur les images d’al-Jazeera] pourrait avoir été amplifiée par celle des réservoirs des voitures qui s’y trouvaient. Ce qui expliquerait le nombre des victimes, qui « se situerait probablement dans le bas d’une fourchette de 100 à 300 » morts, selon le renseignement américain.

 

 

En tout cas, les dégâts observés ne correspondent pas à ceux que peuvent faire une bombe larguée par un avion de combat ou un drone, comme la GBU-39 SDB [Small Diameter Bomb] et ses 110 kg d’explosifs. Et c’est d’ailleurs ce qu’affirme le renseignement militaire français.

Jusqu’à présent, le président Macron s’est montré prudent dans cette affaire. « La France condamne l’attaque contre l’hôpital Al-Ahli Arabi de Gaza qui a fait tant de victimes palestiniennes. Nous pensons à elles. Toute la lumière devra être faite », a-t-il d’abord réagi. Puis, a-t-il dit par la suite, « le jour où les services français consolideront, avec les services partenaires, des informations sûres, il y aura à ce moment-là une attribution ou des éléments ».

C’est donc désormais le cas. « La nature de l’explosion et les échanges avec d’autres partenaires du renseignement me conduisent à [affirmer] que rien ne permet de dire qu’il s’agit d’une frappe israélienne », a en effet déclaré un responsable de la Direction du renseignement militaire [DRM], le 20 octobre, selon l’AFP. Et d’ajouter : « L’hypothèse la plus probable est une roquette palestinienne qui a explosé avec une charge d’environ 5 kilos ».

Sur les images du parking de l’hopital, la DRM a identifié un « trou [et non un cratère] d’environ 1 mètre sur 75 cm, et de 30 à 40 cm de profondeur. Or, il « fait environ cinq kilos d’explosifs pour produire cet effet, assurément moins de dix kilos », explique-t-elle.

« L’hypothèse d’une bombe ou d’un missile israélien n’est pas possible car la charge minimale de ce type d’armement est très largement supérieur. Un engin de la sorte aurait formé un cratère beaucoup plus grand », insisté ce responsable de la DRM. En revanche, les dimensions du « trou » observé sont cohérentes « pour des roquettes acquises ou fabriquées » par les groupes armés palestiniens.

D’ailleurs, les éléments balistiques qu’elle a analysés confirment l’hypothèse d’un « tir de roquette qui a été détourné ou qui a connu des avaries techniques et dont des éléments ont touché le parking proche de l’hôpital ».

En outre, la DRM a dit douter du bilan avancé par le Hamas. « Un tel bilan, incohérent, supposerait des milliers de blessés », a-t-elle estimé, après avoir expliqué sa décision de « rendre publiques ses analyses à la demande de la présidence française par souci de transparence ».

Le dispositif français en Europe de l’Est

Le dispositif français en Europe de l’Est

par Victor Denis – Esprit Surcouf – publié le 20 octobre 2023
Etudiant en relations internationales

https://espritsurcouf.fr/defense_le-dispositif-francais-en-europe-de-l-est_par_victor-denis_/


Le déclenchement de la guerre en Ukraine par la Russie le 24 février 2022 a mis en évidence la nécessité de renforcer le flan Est de l’OTAN. Si certains dispositifs préexistaient à l’attaque, la crainte des pays de l’Est de voir le conflit « sortir » de ses frontières ukrainiennes pour s’étendre en Europe a approfondi la coopération militaire des alliés.

La stratégie de déploiement comporte deux aspects : la dissuasion et la défense. C’est dans ce contexte de guerre et de mise en place d’une défense européenne, appuyée par les Etats-Unis, que la France déploie près de 2 000 militaires en Europe de l’Est.

EN ESTONIE, L’OPÉRATION LYNX

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Crédit photo EMA

L’opération Lynx trouve son origine en 2016, lorsque les chefs d’Etat et de gouvernement des pays membres de l’OTAN se sont réunis à Varsovie afin de renforcer la posture dissuasive et défensive de l’alliance.

Quelques mois plus tard, des présences avancées renforcées (enhanced Forward Presence) sont instaurées dans les pays baltes et en Pologne. Elles consistent en le déploiement de forces otaniennes multinationales visant à renforcer la défense du flanc Est de l’OTAN contre toute attaque ou incursion. La France contribue à l’eFP en Estonie depuis 2017 par la participation d’un Sous-groupement Tactique Interarmes (SGTIA) au sein d’un bataillon britannique, dans le cadre de la mission LYNX.

Le SGTIA a également eu l’occasion d’être déployé en Lituanie en 2018 et en 2020, puis est maintenue en Estonie à la suite de l’invasion russe de l’Ukraine.

Crédit photo EMA

En mars 2022, la France déploie également un sous-groupement d’infanterie spécialisé dans le combat d’usure en milieu difficile. Aujourd’hui, le détachement français en Estonie compte près de 300 soldats participant aux exercices interarmées et interalliés, issus de la 13e Demi-brigade de Légion étrangère, du 3e Régiment d’artillerie de marine, du 1er Régiment étranger de cavalerie et du 1er Régiment étranger du génie, sur un total de 1 300 militaires otaniens qui y sont stationnés.

Le SGTIA dispose de 18 Griffon, 14 véhicules hautes mobilités, 12 véhicules de l’avant blindés, 5 véhicules blindés légers, 4 canons Caesar ou encore 3 AMX-10 RC. Ils sont accompagnés d’un échelon de soutien national, qui comprend trois porteurs polyvalents logistique avec remorques, et un camion lourd de dépannage.

LA MISSION ENHANCED AIR POLICING (EAP) EN PAYS BALTES

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Également située dans les pays baltes, EAP est une mission de police du ciel otanienne datée de 2014, dans la continuité des missions de police du ciel réalisées depuis 2004. Reposant sur le principe de volontariat dans le cadre d’un processus rotatif entre les membres de l’OTAN, elle a pour objectif d’assurer l’inviolabilité et la sécurisation de l’espace aérien des pays concernés.

Dans ce cadre, la France est présente en Lituanie avec des Mirages-2000 depuis 2007, et a approfondi son intervention en décembre 2022, dans le contexte de la guerre en Ukraine, par l’intermédiaire d’une centaine de militaires de toutes spécialités (6 pilotes, 40 mécaniciens, 15 fusiliers commandos de l’air…) et de 4 Rafales de la 30e Escadre de chasse. Il s’agit d’une présence non-agressive et non escalatoire. Les Rafales ont ainsi effectué 500 heures de vol, une quinzaine de décollages sur alertes réelles, et ont ainsi intercepté et identifié 27 aéronefs inconnus aux abords de l’espace aérien des pays baltes.

Crédit photo EMA

LA ROUMANIE ET LA MISSION AIGLE

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De plus, depuis février 2022, la présence française en Roumanie vise à renforcer la posture dissuasive et défensive de l’OTAN. Craignant que la guerre en Ukraine ne déborde sur son territoire, la Roumanie, en tant que pays frontalier, accueille des forces françaises, ainsi que belges et néerlandaises, dépêchées en tant que « Force de réaction rapide » de l’OTAN, et sous commandement multinational. Dans le cadre de cette mission AIGLE, la France déploie un bataillon, prenant la forme d’un Multinational Battlegroup, un détachement Air MAMBA, une Brigade Forward Command Element (BFCE), ainsi qu’un Elément de soutien national (ESN). C’est au sein de ce Multinational Battlegroup que les soldats belges et néerlandais sont accueillis, respectivement au nombre de 300 et de 30. Les militaires français sont quant à eux, au total, plus de 1 000. D’importants moyens sont déployés par la France : 13 chars Leclerc et deux dépanneurs de chars Leclerc, 24 véhicules blindés de combat d’infanterie, 37 véhicules de l’avant blindés, plus de 40 véhicules légers de reconnaissance, ainsi que 3 Lance-roquettes unitaires et 4 CAESAR. Le détachement Sol-air moyenne portée est mis en place à la demande de la Roumanie et de l’OTAN, et inclue un système de défense sol-air MAMBA qui assure la défense anti-aérienne.

Séquence de tirs avec un véhicule blindé de combat d’infanterie – Crédit photo EMA

ENTRE DEFENSE AERIENNE DU FLANC ORIENTAL DE L’OTAN, ET ACTION NAVALE EN MEDITERRANEE

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A l’Est, la défense aérienne est également assurée par la mission Air Shielding. A la suite de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, l’OTAN a mis en place un dispositif de patrouilles aériennes, appelées enhanced Vigilance Activities (eVA) puis Air Shielding, et effectives sur l’intégralité du flanc Est (Pologne, Bulgarie, Roumanie, Croatie). Chaque semaine, deux missions Combat Air Patrol (CAP) sont conduites par la France, incluant un ou deux Rafale, ainsi que trois missions de ravitaillement et une mission de détection et de contrôle. Les Rafale et ravitailleurs de l’Armée de l’Air et de l’Espace sont engagés à partir des bases de Mont-de-Marsan et d’Istres, en France. Ces missions s’effectuent en coopération avec les alliés et sous contrôle opérationnel de l’OTAN.

Enfin, la France déploie son Groupe aéronaval (GAN) en Méditerranée et contribue à la posture dissuasive et défensive de l’OTAN sur le flanc Est de l’Europe. Le GAN soutient les missions aériennes Air Shielding et assure des missions de surveillance aéro-maritime. Il a ainsi déployé des Rafales pour une mission de défense aérienne et de surveillance dans l’espace aérien roumain, bulgare et croate. Le GAN est composé d’un porte-avions Charles de Gaulle, d’un Frégate de défense aérienne, d’une Frégate multi-missions à capacité aérienne renforcée, d’une Frégate multi-mission, d’un sous-marin et d’avions Rafales. Près de 3 000 marins y sont déployés.

L’OTAN renforce donc ses positions sur son flanc Est. Les différentes présences françaises en Europe orientale stimulent la défense otanienne, mais aussi la défense européenne. En effet, ces interventions se font certes dans le cadre de l’OTAN, mais elles révèlent également une volonté de certains pays européens, dont la France, d’assurer une autonomie stratégique en matière de défense. Le récent élargissement de l’OTAN à la Finlande, et la candidature de la Suède à l’intégration de l’alliance démontre que celle-ci accroît son importance en Europe orientale, et rassure tant, à l’Est, on s’inquiète d’un débordement du conflit.

(*) Victor Denis est titulaire d’un Master en « Conflictualités et médiation » à l’UCO. Il est également diplômé d’une Licence d’Histoire avec pour spécialité les sciences politiques. Après de premières expériences en politique et au sein d’ONG, il choisit de s’orienter vers la géopolitique et la sécurité internationale.

Que pèse Tsahal, l’armée israélienne?

Que pèse Tsahal, l’armée israélienne?

par Pierre Kupferman & Pascal Samama – BFMTV – publié Le

Israël dispose d’une armée considérée comme l’une des plus puissantes du monde. Ce pays de moins de 10 millions d’habitants consacre 4,5% de son PIB à son armement.

Tsahal est-elle comme on le dit souvent l’une des plus puissantes armées du monde? Sans nul doute du point de vue technologique, en dépenses consacrées à l’armement ou en effectif militaire mobilisable rapidement. Ce pays de 9,6 millions d’habitants, en guerre depuis sa création en 1948, est le 15e pays consacrant le plus d’argent à ses forces armées, selon le dernier rapport du Sipri, l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm.

En 2022, l’État hébreu a consacré 23 milliards de dollars pour ses dépenses militaires. Ce montant représente 4,5% de son produit intérieur brut (PIB), soit deux fois plus que la plupart des pays de l’Union européenne. Le budget d’armement atteint 2500 dollars (2350 euros) par habitant. Par comparaison, si la France consacrait le même montant par habitant, ses dépenses militaires annuelles dépasseraient 150 milliards d’euros contre 49 milliards en 2022.

Des F-35 avec avionique israélienne

En volume, les Etats-Unis sont en tête avec un budget 38 fois plus élevées. La France est au 8e rang mondial. L’État hébreu, qui est aussi une puissance nucléaire, est à la 15e place de ce classement mondial, mais il est dans le top 10 des exportateurs d’armes au monde, selon le Sipri.

Le Dôme de fer (Iron Dome) ou le système anti-missile Arrow sont les plus connus. Mais Tsahal dispose aussi d’un arsenal conventionnel conséquent. Elle dispose d’environ 2200 blindés. C’est 10 fois plus que ce dont dispose l’armée française. À ces chars s’ajoutent 530 pièces d’artillerie.

Les forces aériennes disposent de 339 avions de combat américains, dont près de 200 F-16, des F-15 et une cinquantaine de F-35. En juillet, une nouvelle commande de 25 F-35 a été passée. Israël est le seul pays du Moyen-Orient à posséder des F-35 et à être autorisé à installer son propre système avionique qui a été élaboré par le groupe Elbit Systems.

Enfin, la force navale s’appuie sur six sous-marins (classe Dolphin 1 et 2), 14 navires de guerre et 48 patrouilleurs. La marine compte également des unités de forces spéciales.

Une volonté de souveraineté quasi-totale

Cette puisssance repose sur une industrie parmi les plus performantes et une volonté de souveraineté quasi totale pour la défense de ses intérêts. Toujours selon le Sipri, trois entreprises israéliennes se classent dans les 100 premiers fabricants d’armes de la planète: Elbit Systems, qui est en 28e position, Rafael (35e) et Israel Aerospace Industries (38e). Ces trois entreprises produisent directement -ou via des filliales- aussi bien des chars, comme la Merkava, les boucliers anti-aériens Iron Dome et Arrow, que des drones ou des satellites d’observation.

Israel Military Industries produit aussi ses armes légères. La plus connue est le pistolet-mitrailleur Uzi, mais elle fabrique également des fusils d’assaut de calibre 5,56 Otan (Galil, Tavor, Negev, TAR-21) ainsi que des pistolets semi-automatiques (Jericho 941, Barak ou Desert Eagle).

170.000 militaires et 465.000 réservistes

La particularité de Tsahal repose aussi sur la conscription. Le service militaire dure presque trois ans pour les hommes et deux ans pour les femmes. L’effectif de cette armée est de 170.000 militaires en activité (dont 126.000 pour l’armée de Terre) avec en plus 465.000 réservistes mobilisables à tout moment.

Depuis l’attaque du 7 octobre, Tsahal a rappelé 350.000 soldats réservistes. En seulement trois jours, ils ont rejoint leur unité. Si l’on prend le nombre total de citoyens aptes à intégrer les forces armées, le nombre de soldats représente 2,4 millions d’hommes et de femmes.

Puissance du Hamas et du Hezbollah

Tsahal fait face à des groupes terroristes (Hamas et Hezbollah) évidemment moins puissants, mais très efficacement armés, comme le dévoile un reportage de France Culture paru quelques jours seulement avant l’attaque du 7 octobre. Le Hamas a patiemment constitué un arsenal pendant une décennie. Il est fait d’armes récentes et modernes données par des Etats ou achetées officiellement à différents pays. Elles proviennent de Syrie, de Libye, du Liban, d’Iran, et même de Chine ou de pays de l’Est. Certaines ont été récupérées lors de combat avec les militaires israéliens.

Le groupe terroriste est aussi équipé de « drones, mines, engins explosifs improvisés, missiles guidés antichars, lance-grenades, obus de mortier », assure à l’AFP Lucas Webber. Dans une vidéo publiée sur plusieurs réseaux sociaux, le Hamas montre comment son réseau transforme des canalisations en roquettes. Selon l’IISS (institut international d’études stratégiques), les brigades Al-Qassam du Hamas sont au total constituées de 15.000 à 20.000 agents.

Le mouvement pro-iranien Hezbollah, installé dans le Sud-Liban, est bien plus armé. Cette milice dispose de toutes les armes classiques possibles, de 200.000 missiles (Katioucha, Grad, Shahab) d’une portée allant jusqu’à 1000 km et de presque autant de roquettes. S’y ajoutent des batteries anti-aériennes et une gamme de drones, dont des Shahed-136 utilisés par la Russie en Ukraine et des Mohajer-4, tous deux de facture iranienne.

« La question la plus importante, c’est combien (de missiles) disposent d’un guidage de précision mais cela devrait être significatif », juge Fabian Hinz, un expert de l’IISS.

Le Hezbollah est « plus grand, mieux financé, plus professionnel, mieux équipé et mieux armé que le Hamas », insiste Lucas Webber. En 2021, ce groupe revendiquait 100.000 combattants.

Aux portes de Gaza, les blindés de l’IDF sur le pied (la chenille) de guerre

Aux portes de Gaza, les blindés de l’IDF sur le pied (la chenille) de guerre

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par Philippe Chapleau – Lignes de défense – publié le 14 octobre 2023

https://lignesdedefense.blogs.ouest-france.fr/


Israël se prépare à « mettre en œuvre un large éventail de plans opérationnels offensifs qui comprennent, entre autres, une attaque intégrée et coordonnée depuis l’air, la mer et la terre », selon un communiqué de ce samedi soir.

Des convois de blindés israéliens ont fait mouvement ce samedi pour se rapprocher de leurs positions d’attaque le long de la frontière avec Gaza (voir une vidéo ici).

Ces convois comprennent des chars Merkava et des blindés de transport de troupes Namer (au fond sur la photo ci-dessus) à la silhouette basse caractéristique. Ces engins appartiennent à l’une des trois brigades blindées d’active du corps blindé mécanisé de l’armée israélienne, l’IDF (Photos qui suivent EPA, ATEF SAFADI). 

Sur cette offensive, on lira les propos de Michel Goya sur ouest-france.fr: Pour Israël, quelles sont les options pour répondre à l’attaque d’ampleur du Hamas ? 

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Outre les Merkava et les Namer, la force blindée comprend aussi des M113 et des bulldozers blindés DR9 (62 tonnes) fabriqués par Caterpillard et équipés de blindage cage (en anglais: slat armor) dont on aperçoit trois exemplaires sur ls photo ci-dessus.

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Des Namer (Léopard en français) en attente. Ce blindé de transport de troupes est construit sur un chassis de Merkava Mark IV. A son équipage de 3 hommes s’ajoutent un groupe de combat de 9 soldats. L’IDF en possèderait près de 300. 

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Outre l’infanterie, des unités du génie sont intégrées à la force d’assaut pour les opérations de déminage (menace d’IED) et de bréchage (spécialement à cause des destructions massives de bâtiments du fait des bombardements israéliens).

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Une colonne de Merkava (Photo by Aris MESSINIS /AFP). Ce type de char de bataille est équipé du dispositif Iron Fist (ou Trophy). Il est constitué d’un système de détection radar qui repère les missiles entrants, prédit leur trajectoire et actionne des lanceurs des billes de métal  qui font exploser le missile ou la roquette avant l’impact contre le char. 

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Veillée d’armes pour ce tankiste israélien (photo REUTERS/Ronen Zvulun). 

Carte. La tectonique des plaques au Moyen-Orient

Carte. La tectonique des plaques au Moyen-Orient

Carte. La tectonique des plaques au Moyen-Orient
Cette carte est extraite de la publication de l’institut FMES, Atlas stratégique de la Méditerranée et du Moyen-Orient, téléchargeable sur le site de l’institut FMES
Orcier/FMES

Par Institut FMES, Pascal ORCIER – publié le 6 octobre 2023.


L’institut FMES propose à travers son « Atlas stratégique de la Méditerranée et du Moyen-Orient » une lecture claire et synthétique des grands enjeux du bassin méditerranéen et du Moyen-Orient et passe en revue l’ensemble des forces en présence. Cet ouvrage accessible, novateur et original présente en 50 cartes inédites des problématiques complexes et des informations utiles et synthétiques. Il illustre les capacités des forces armées et des scénarios de crises possibles. Disponible en version numérique gratuite à télécharger sur le site de l’institut FMES. Cet Atlas a été publié grâce au soutien de la Direction Générale des Relations Internationales et de la Stratégie (DGRIS) du Ministère des Armées. Cartographie par Pascal Orcier, professeur agrégé de géographie, docteur, cartographe, auteur et co-auteur de plusieurs ouvrages.

La plaque nord est contrôlée à la fois par l’Iran et la Russie, chacun prétendant au leadership zonal. La plaque sud est dominée par les États-Unis qui s’appuient sur Israël, l’Égypte (pivot du canal de Suez) et les monarchies de la péninsule Arabique. Le leadership américain, sans être ouvertement remis en cause, est fragilisé. La Chine reste pour l’instant en embuscade, investissant massivement partout où cela lui semble possible.

Dans le cadre de ses synergies géopolitiques, Diploweb.com est heureux de vous faire connaitre cette carte commentée extraite de l’« Atlas stratégique de la Méditerranée et du Moyen-Orient » publié par l’institut FMES.
Carte grand format en pied de page.

SI on prend de la hauteur, le Moyen-Orient est divisé en deux plaques géopolitiques qui sont en friction le long d’une ligne de fracture tectonique zigzagant de Chypre au détroit d’Ormuz en passant par le Levant et le golfe Persique. La plaque nord est contrôlée à la fois par l’Iran et la Russie, chacun prétendant au leadership zonal. Elle englobe l’Iran, l’Irak, la Syrie, le Liban et la Turquie qui l’a rejointe lors du processus d’Astana. Les États-Unis sont encore tolérés en Irak, mais il est probable qu’ils ne puissent plus s’y maintenir longtemps. La plaque sud est dominée par les États-Unis qui s’appuient sur Israël, l’Égypte (pivot du canal de Suez) et les monarchies de la péninsule Arabique. Le leadership américain, sans être ouvertement remis en cause, est fragilisé. L’implication de la Russie s’est renforcée avec l’antagonisme croissant entre Téhéran et Washington et avec les échecs américains en Irak et en Syrie. On peut noter que les tensions régionales présentent un intérêt pour les Américains et les Russes en justifiant leur présence et leur rôle de parrain, de pourvoyeur d’armement et de soutien au Conseil de sécurité de l’ONU. Les deux puissances savent toutefois que cette tension ne doit pas s’accroître au risque de provoquer un embrasement qui s’avèrerait très dommageable pour eux-mêmes comme pour leur influence régionale. La Chine reste pour l’instant en embuscade, investissant massivement partout où cela lui semble possible. Elle sait que ses investissements seront inégalement productifs, mais elle est patiente et sait que le temps joue probablement pour elle. Son intérêt consiste à stabiliser la région pour rentabiliser au maximum ses investissements et poursuivre sa grande stratégie mondiale de domination économico-politique vers l’ouest.

L’Iran, l’Arabie saoudite, la Turquie et Israël se sont imposés comme les quatre acteurs régionaux les plus influents représentant chacun un peuple et une culture différents (perse, arabe, turc et juif) même si l’islam reste un lien fort en termes de représentation. Ces quatre États oscillent entre rivalité extrême et alliance de façade pour favoriser leurs intérêts immédiats. Leurs dirigeants se savent fragiles sur la scène intérieure et pourraient être tentés par l’escalade pour faire diversion et tenter de sauver ainsi leur régime. C’est sans doute là le plus grand danger de la région. Dans ce jeu d’influence, la Turquie semble partagée entre le renforcement de ses liens avec le Qatar et la réconciliation avec les Émirats arabes unis. Dans un contexte économique très dégradé par la crise sanitaire qui va mettre à terre de nombreuses compagnies aériennes, Turkish Airlines s’alliera-t-elle à Qatar Airways ou à Emirates, toutes trois leviers majeurs d’influence pour ces États ambitieux ? Un tel rapprochement éclairerait la suite des recompositions régionales.

A terme, l’intérêt de la Chine consiste sans doute à infléchir la ligne de fracture vers le sud de manière à englober les Émirats arabes unis et Oman, afin de contrôler intégralement le détroit d’Ormuz et sécuriser à son profit la sortie du golfe Persique. Cela impliquerait de s’engager davantage dans la région, de renforcer ses liens avec la Russie et l’Iran pour établir un condominium sur la plaque nord, et de disposer des leviers pour faire reculer les États-Unis. L’Europe reste la grande absente de ce Grand Jeu moyen-oriental, même si la France, le Royaume-Uni et l’Italie y sont actifs à titre individuel. Le dilemme de l’Union européenne est simple : soit elle s’aligne sur un des deux grands protagonistes au risque d’être entraînée dans des tensions qui la dépassent, soit elle tente de mettre sur pied une politique autonome conforme à ses intérêts en jouant de son poids, faible mais décisif, pour surmonter les antagonismes qu’elle générera. La deuxième option est plus difficile, plus ambitieuse, mais la seule à éviter son effacement. Le Moyen-Orient pourrait bien être un révélateur du destin de l’Europe et de la France.

Copyright pour le texte et la carte 2022-institut FMES

Mise en ligne initiale sur le Diploweb.com 19 juin 2022

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Carte. La tectonique des plaques au Moyen-Orient
Cliquer sur la vignette pour agrandir la carte. Cette carte est extraite de la publication de l’institut FMES, Atlas stratégique de la Méditerranée et du Moyen-Orient, téléchargeable sur le site de l’institut FMES

Document ajouté le 18 juin 2022
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Le Moyen-Orient pourrait bien être un révélateur du destin de l’Europe et de la France. Pourquoi ? Découvrez l’argumentation autour d’une présentation de la tectonique des plaques dans cette région, via les jeux des grands acteurs.