Loi de programmation militaire : chronique d’une étrange défaite

Loi de programmation militaire : chronique d’une étrange défaite

La Loi de programmation militaire adoptée permettra de panser partiellement les plaies de l’armée mais pas d’assurer son développement, la France continuant à faire reposer sa sécurité majoritairement sur sa dissuasion nucléaire et sur l’Alliance atlantique.

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Par Romain Delisle – Contrepoints – Publié le 8 octobre 2023

https://www.contrepoints.org/2023/10/08/465045-loi-de-programmation-militaire-chronique-dune-etrange-defaite


Un article de l’IREF

En 1934, le général de Gaulle, alors simple colonel, avait publié un livre visionnaire, intitulé Vers l’armée de métier, sur l’état de l’armée française, et sur la nécessité de constituer une force blindée autonome pour percer les lignes ennemies.

À l’époque, la hiérarchie militaire et les gouvernements successifs avaient préféré parier sur la ligne Maginot pour défendre la frontière nord-est, route de toutes les invasions. Le maréchal Pétain notamment, avait écrit une préface au livre du général Chauvineau[1] pour appuyer l’option défensive de ce qui sera plus tard appelé la « maginotisation » de la France.

Cet exemple est assez révélateur de l’ambiance éthérée et confiante dans une paix perpétuelle, dont l’armée a été la victime, qui a sévi dans notre pays au moins jusqu’aux attentats de 2015, date à laquelle les coupes budgétaires sur la défense ont commencé à être freinées.

En avril 2023, deux mois après son annonce, le projet de loi de programmation militaire a été inscrit à l’ordre du jour du Conseil des ministres, puis voté sans trop d’encombres à la fin de la session parlementaire.

Dans le contexte de tensions internationales consécutives à l’invasion de l’Ukraine, il était très attendu et devait permettre la modernisation de notre outil de défense pour faire face aux fameux « conflits de haute intensité ».

Jusqu’en 2015, la Grande Muette a été la variable d’ajustement budgétaire de l’État

En mars 2023, les sénateurs Joël Guerriau et Marie-Arlette Carlotti avaient rendu un rapport pointant du doigt la baisse des effectifs et des équipements depuis la suspension du service militaire.

Depuis 2002, c’est-à-dire au moment où les effets de sa professionnalisation se sont dissipés, l’armée a perdu plus de 70 000 équivalents temps plein, l’effectif global n’étant plus que de 270 000 personnels civils et militaires. Aucun autre ministère n’a été capable de réduire ainsi ses effectifs, les autres administrations publiques embauchant même plus de 700 000 agents durant la même période.

À titre d’exemple, sous le mandat de Nicolas Sarkozy, entre 2009 et 2012, le nombre de postes a diminué de 7,1 %, contre 5,4 % pour le reste de la fonction publique d’État. En fait, l’armée a été sacrifiée parce qu’elle n’est jamais source de troubles sociaux ou de grèves en tous genres qui émaillent l’actualité hexagonale de manière récurrente.

Cette déflation d’effectifs pose de nombreux problèmes de cohérence et engendre un déficit de compétences dans certains domaines comme le déminage d’un champ de bataille, la protection des bases aériennes, ou la mécanique aéronautique.

En vingt ans, les équipements ont également fondu.

L’armée de terre a perdu près de 400 chars de combat (654 contre environ 220 aujourd’hui) et plus de trois quarts de ses canons (231 contre 58 canons CAESAR actuellement) ; la marine est passée de 87 navires à 79, l’armée de l’Air a également perdu près de 200 avions de chasse (387 contre 195), la moitié étant encore constituée de Mirages 2000 en voie d’obsolescence.

Comme nous l’avons déjà souligné, cette situation délétère a été la cause d’impréparation et de ratés dans de nombreux domaines, comme celui des drones ou des stocks de munitions.

Les trous capacitaires de l’armée française ne devraient pas être résorbés en 2030

Partant de ce constat, un arbitrage politique devait être effectué pour moderniser les forces armées tout en augmentant un minimum sa masse.

Or, selon un autre rapport du Sénat, il se susurre dans les travées du pouvoir que « le retour d’expérience de la guerre en Ukraine n’est qu’un élément de réflexion parmi d’autres »…

La Loi de programmation se contente donc de pallier les manques observés depuis 20 ans, sans véritable augmentation de la force de frappe de nos armées, et ce malgré 268 milliards d’euros consacrés aux équipements, contre 172 pendant la période de la précédente loi.

Un chiffre visiblement insuffisant eu égard à la baisse programmée du nombre de Rafales de l’armée de l’Air à 135, contre 185 actuellement, ou encore de celui des A 400 M (35 contre 50) et chars Leclerc (200 à 160). Le nombre de véhicules initialement prévus par le programme SCORPION (synergie du contact renforcée par la polyvalence et l’infovalorisation) baisse également de 21 % pour le Griffon et le Jaguar, et de 30 % pour le Serval (véhicules blindés de transports de troupes, de reconnaissance et d’appui feu).

Autre exemple : la Marine nationale ne dispose que de 6 bâtiments de lutte anti-mines, soit autant que la Belgique ou les Pays-Bas, alors que notre pays possède la deuxième ZEE (zone économique exclusive) mondiale…

Il est patent que le gouvernement a centré ses choix sur le renseignement (+60 % de budget, soit 5,4 milliards), la cyberdéfense et la dissuasion nucléaire (dont le budget annuel passe de 5,6 à 7 milliards), et ce au détriment du combat direct.

Notons toutefois que, indépendamment des arbitrages financiers opérés ces dernières années, l’armée française a su conserver la majeure partie de ses compétences, dans un format extrêmement réduit mais permettant, le cas échéant, de les recouvrer à moyen terme. L’interopérabilité des armes et des munitions utilisés au sein des pays membres de l’OTAN facilite également la mise sur pied d’une coalition dans des délais relativement brefs, leur supériorité sur le champ de bataille ayant pu être observé lors de la guerre en Ukraine.

En somme, la Loi de programmation militaire adoptée permettra de panser partiellement les plaies de l’armée mais pas d’assurer son développement, la France continuant à faire reposer sa sécurité majoritairement sur sa dissuasion nucléaire, nouvelle ligne Maginot du XXIe siècle.

Dans le cadre d’une potentielle coalition militaire, le risque est de la voir perdre de son influence du fait de la faible ampleur de ses moyens conventionnels, en particulier si nos ennemis n’avaient pas la gentillesse d’attendre la fin de l’exécution de la prochaine Loi de programmation militaire en 2030. Dans un contexte de hausse effrénée de la dépense publique, il est difficile de comprendre que la sécurité des Français n’ait pas été une priorité pour les gouvernants successifs, justifiant la phrase prémonitoire du maréchal de Saxe : « Nous autres, militaires, nous sommes comme des manteaux dont on ne se souvient que quand vient la pluie ».

[1] Dont le titre était : Une invasion est-elle encore possible ?

LPM 2024-2030 : « rupture maîtrisée » ou « continuité vigilante » ?

LPM 2024-2030 : « rupture maîtrisée » ou « continuité vigilante » ?

 

Votée le 1er août 2023, la loi de programmation militaire (LPM) 2024-2030 se substitue à la LPM 2019-2025, dont les deux dernières annuités avaient été laissées dans le flou.

Comme les précédentes, cette loi comporte une prévision de ressources financières année après année, une présentation générale de son contenu physique (effectifs, normes de préparation opérationnelle, équipements) et des dispositions normatives diverses, qui ne sont pas l’objet principal des commentaires qui suivent.

Un rappel préliminaire des limites de tout exercice de programmation budgétaire militaire n’est pas inutile, d’autant que quelques spécificités sont identifiables pour celui-ci.

  • Stricto sensu, les LPM ne s’imposent pas aux budgets annuels successifs, et, dans le passé, rares ont été les lois qui ont tenu leurs engagements. Force est cependant de constater que, jusqu’en 2023, la loi 2019-25 a tenu les siens année après année, tandis que le tuilage des deux lois sur 2024-25 se fait à une hauteur supérieure par rapport aux attentes initiales (3,3, puis 3,2 milliards, en regard des deux marches de 3 milliards attendues).
  • La loi « saute » l’élection présidentielle et les législatives de 2027 ; elle prévoit une actualisation en 2027. La période 2027-2030 reste donc soumise aux aléas de ces échéances. C’est un principe démocratique difficilement contestable !
  • De même que celles qui l’ont précédée depuis environ 25 ans, cette LPM est exprimée en crédits de paiement et ne comporte ni enveloppe ni échéancier d’autorisations de programme. D’un point de vue strictement financier, elle traduit donc une capacité à « payer des factures » et non à « passer des commandes ».
  • Dans ces conditions, il est normal de constater, comme cela a été fait avec une certaine approche polémique, qu’une grande partie des ressources de la loi servira à payer les commandes ou une partie des commandes des années passées. Si l’on prend également en compte le socle des « dépenses contraintes » du ministère (effectifs, entretien du patrimoine), il est tout aussi normal que seulement un quart à un tiers des crédits de paiement votés soient disponibles pour payer, en seconde partie de la loi, des besoins ou des commandes nouvelles. C’est la logique de la programmation en crédits de paiement.
  • Enfin, s’agissant des commandes et livraisons, cette loi ne prévoit aucun échéancier, seulement des cibles d’équipement à terminaison de la loi (même si ce calendrier existe sans nul doute dans les documents de travail du ministère). Cela peut s’expliquer par des annuités initiales qui, bien qu’en forte hausse, restent insuffisantes pour faire face aux commandes volumineuses des deux LPM précédentes et à l’incertitude créée par l’arrivée de besoins nouveaux urgents. D’ailleurs, pour la première fois, le concept de « marge frictionnelle » a été mis en avant par le Secrétaire général pour l’administration du ministère[1]: les aléas dans le déroulement des programmes, d’équipement comme d’infrastructure, permettent d’anticiper une certaine marge de gestion, qui rend inutile de fixer avec précision les flux de paiement, surtout en fin de période. C’est une réalité, au même titre que la « friction clausewitzienne » dans la conduite de la guerre !
  • On peut également noter que contrairement à la précédente, cette loi ne comporte pas d’échéancier de réduction du report de charges, sans doute une précaution vis-à-vis des effets attendus de l’inflation, dont l’impact sur le pouvoir d’achat du ministère a été intégré à hauteur de 30 milliards sur la période. 

Quelles sont les données brutes de la loi ?

Le maître mot de cette LPM est la « cohérence » entre toutes les composantes des capacités militaires. C’est au titre de cette cohérence que des étalements de livraisons touchent plusieurs des grands programmes en cours de réalisation, au bénéfice des munitions, des stocks de rechanges, de la préparation opérationnelle ou du lancement de nouveaux programmes dont le besoin est issu de l’observation du conflit en Ukraine, et d’autres tensions géopolitiques.

En augmentation de 40% par rapport à la précédente[2], l’enveloppe globale prévoit 400 milliards d’euros[3], avec un complément de 13,3 milliards de ressources extra-budgétaires (REX), dont plus de la moitié proviennent des remboursements de l’Assurance maladie de droit commun pour le fonctionnement du service de santé des armées. Le reliquat est fourni par les sources habituelles (produits de cessions de matériels ou d’aliénations immobilières). Le recours aux REX étant élevé en début de période, la discussion du texte a conduit à prévoir une clause de sauvegarde inscrite dans la loi : dans l’hypothèse où les ressources extra-budgétaires ne seraient pas à la hauteur des attentes une année donnée, le manque serait compensé par la loi de finances suivante, autre explication possible de l’absence de dispositions sur le report de charges. Un point d’attention, car l’inventivité budgétaire n’a pas de limite !

Le budget des armées passe ainsi de 43,9 milliards en 2023 à 47,2 milliards en 2024, en visant 67,4 milliards en 2030, soit une progression de plus de 50% par rapport à 2017, en euros courants. Les marches successives se situent entre 3,2 et 3,5 milliards selon les années[4].

Nul doute que les commentaires iront bon train pour comparer ce budget à celui des alliés anglais et allemands qui affichent des dotations plus importantes. Cependant, les différences dans l’équilibre entre les différentes composantes de ces budgets incitent à la prudence sur l’efficience des euros allemands et des livres anglaises, et aucun de ces deux pays n’a un « agrégat équipements » pesant plus de 50% de son budget[5].

Il est à noter que sous la pression du Sénat, les échéanciers initiaux ont été modifiés, ramenant 2,3 milliards vers l’avant sur la période 2024-2027. Ce décalage n’a pu être fléché que sur des besoins à faibles délais de réalisation (préparation opérationnelle, munitions, MCO) que des autorisations d’engagement suffisantes devront rendre possibles.

La loi et son rapport annexé mettent en avant des « efforts » qui sont autant d’axes de la communication ministérielle, permettant aux non spécialistes et au grand public de mettre du corps en regard de l’effort financier.

Dans le domaine capacitaire, sur la période de programmation, ces efforts sont les suivants (en milliards) :

Innovation 10
Renseignement 5
Défense sol-air 5
Cyber 4
Espace 6
Drones 5

En outre, quelques thématiques sont mises en avant, mais avec des recoupements avec les domaines capacitaires ci-dessus ou des programmes d’équipement mentionnés par ailleurs…

Munitions 16 (+45%)
Outre-mer 13
Forces spéciales 2

Le MCO est doté de 49 milliards, avec la reprise ad nauseam des incantations habituelles pour « des efforts de négociation rénovée entre les services de soutien et l’industrie, pour atteindre des niveaux de disponibilité plus élevés, une meilleure réactivité dans la fourniture des pièces de rechange, à coûts maîtrisés »

Pour les effectifs, 6 300 postes seront ouverts pendant la période couverte par la loi (portant les effectifs à 275 000 militaires et civils en 2030). Un effort est également promu concernant la réserve, avec un objectif de 80 000 en 2030 (puis 105 000 en 2035), et comme slogan ministériel « un réserviste pour deux militaires d’active »[6].

Prenant acte de la fin annoncée des grandes opérations en Afrique et des réflexions en cours sur l’opération Sentinelle, la loi réduit la dotation budgétaire pour les OPEX/MISSINT de 1 200 à 750 millions d’euros annuels.

Enfin, ni le Service national universel (SNU), ni le coût budgétaire de l’aide militaire à l’Ukraine ne sont inclus dans le texte et les dotations de la LPM. 

Quatre questions sur cette loi… 

Première question : rupture ou continuité ? 

Quasi unanimes ont été les responsables politiques, militaires, économiques, et nombre d’experts et d’observateurs également, à considérer que le « 24 février 2022 » marquait une rupture dans l’ordre mondial. C’est un fait indéniable, bien plus que le traumatisme du « 11 septembre 2001 ».

Présentée à l’automne 2022, la revue nationale stratégique (RNS) reprenait les orientations de celles de 2017, puis 2021, qui actaient l’évolution des menaces et le risque de glissement stratégique face à des États s’éloignant des normes des relations internationales mises en place à la fin de la Seconde Guerre mondiale et qui s’étaient maintenues, vaille que vaille, tout au long de la Guerre froide, puis de la recomposition géopolitique qui lui avait succédé.

Dans le contexte stratégique actuel, sans renier les engagements vis-à-vis de ses alliés, l’OTAN principalement comme le montre son action dans la suite de l’invasion russe en Ukraine, la France met en avant sa stratégie de « puissance d’équilibres » (avec un S)… Si la loi acte certaines évolutions capacitaires tirées de l’observation du conflit ukrainien, celles-ci demeurent marginales et ne font qu’accélérer des tendances déjà lancées. Plus que la capacité à s’engager massivement dans un « conflit de haute intensité » face à un acteur majeur, c’est l’option « gagner la guerre avant la guerre » qui prévaut, concept bâti par les armées elles-mêmes il y a peu.

Dans ce cadre, la dissuasion nucléaire autonome reste le pilier central de la défense nationale et constitue en fait l’effort réel de cette LPM, comme celui de celles qui l’ont précédée. Compte tenu des programmes en cours de réalisation et de leur environnement, la dissuasion appellera chaque année des ressources grandissantes, sans doute au-delà des 5,6 milliards du budget 2023. Conjuguée avec l’accent mis sur les outre-mer et l’Indo-Pacifique, elle a mécaniquement un effet d’entraînement sur les programmes conventionnels de la Marine, et dans une moindre mesure de l’armée de l’Air et de l’Espace.

La dissuasion nucléaire reste au cœur de la défense nationale pour des raisons qu’il ne faut pas négliger :

  • Elle est le fondement du positionnement stratégique « d’équilibre » de la France depuis le retour aux affaires du général De Gaulle, même si au fil des décennies le vocabulaire a évolué.
  • À ce titre, personne ne peut prendre la responsabilité de passer au compte des pertes et profits les investissements colossaux qui lui ont été consacrés depuis plus soixante ans.
  • Ce d’autant que la souveraineté de la dissuasion nucléaire est le premier facteur de la souveraineté de l’industrie de défense nationale, dans les domaines nucléaire, naval, aéronautique, électronique au sens très large, spatial… en dépit de ses évolutions capitalistiques.
  • Enfin, et c’est sans doute le fait nouveau du « 24 février 2022 », le comportement de la Russie a redonné toute sa place à la « dialectique du nucléaire » avec ce pays.

L’analyse stratégique qui sous-tend cette loi n’occulte pas le risque d’être confronté un jour à un engagement débouchant sur les formes les plus exigeantes et violentes du combat conventionnel ; mais c’est surtout la dissémination rapide de technologies militaires très vulnérantes parmi un nombre croissant d’acteurs au profil indéterminé qui caractérise ce risque.

Face à des acteurs étatiques, la France mise sur la dissuasion nucléaire et son appartenance active à l’OTAN pour anticiper et éviter un engagement majeur destructeur et de longue durée. C’était d’ailleurs déjà la doctrine gaullienne lors de la guerre froide.

Par conséquent, au risque de décevoir tous ceux qui appelaient à l’urgence de « préparer la guerre de masse », la LPM poursuit sur la voie d’un modèle d’armée complet, unique en Europe et cousin lointain du modèle américain[7].

Confrontée à la réalité des ressources, même en augmentation, l’ambition de ce modèle (dissuasion nucléaire autonome, capacité spatiale complète, armées professionnalisées, « blue water Navy », capacité de projection stratégique, déploiement important et permanent sur cinq continents) ne peut que le faire apparaître en permanence imparfait ou du moins en construction…

C’est à ce titre que l’on peut identifier les grandes orientations capacitaires que porte la LPM 2024-30, dans la continuité, et non la rupture, si tant est qu’elle puisse être possible.

  • La préservation du modèle d’armée complet, plus par construction évolutive que par grandes ruptures, avec, inflexion notable, un rejet de la course à la masse au bénéfice de la cohérence capacitaire (le « DORESE »[8] mis en avant de longue date au sein de l’armée de Terre). Le prix à payer est le ralentissement de certains programmes majeurs.
  • Cette inflexion se traduit par des objectifs ambitieux en matière de réactivité d’engagement d’un volume plus important de forces des trois armées (ENU-R, FIRI…)[9], d’où l’accent mis sur les soutiens, les munitions et l’entraînement.
  • L’attachement à la capacité d’engagement et de « nation-cadre » au sein d’une coalition, prioritairement au sein de l’OTAN, capacité qui passe par les moyens de commandement et d’appuis au sens large.

Deuxième question : la loi prend elle en considération de « nouvelles menaces » ?

Les « nouvelles menaces » ont été décrites lors des exercices d’évaluation stratégique successifs et rappelées par la RNS 2022, la guerre russo-ukrainienne n’ayant en fait été qu’une concrétisation de certaines d’entre elles. Leur analyse était à l’origine de la stratégie de « gagner la guerre avant la guerre », afin de ne pas se laisser entraîner dans des spirales de confrontation nécessitant des moyens hors de portée.

En effet, le choc provoqué par l’irruption d’un conflit européen digne de la Seconde Guerre mondiale ne doit pas occulter les autres sources d’inquiétude pour la sécurité nationale et celle de l’Europe. On peut citer : les tensions dans l’espace Indo-Pacifique, la course mondiale aux capacités spatiales, l’échec relatif ou total de « la lutte contre le terrorisme » et le retrait qui s’en suit des Occidentaux de certaines parties du monde[10], l’exploitation des fragilités des sociétés européennes, ouvertes, transparentes et placées « hors du monde cruel » par plus de soixante-dix ans de paix interne.

Au niveau stratégique, la LPM 2024-30 poursuit les efforts entamés depuis une dizaine d’année dans les domaines du renseignement et des capacités regroupées sous le terme « cyber ». Comme pour le spatial, ces capacités ne sont plus considérées comme des « facilitateurs » des autres capacités, mais au contraire comme des moyens à placer au centre des modes d’action, y compris dans leur emploi offensif. Il en va de même de l’action dans les champs dit « immatériels ».

Toujours au niveau stratégique, la capacité de projection lointaine de volumes de forces bien calibrés relève également de cette stratégie. Qu’il soit nucléarisé ou non, un acteur étatique sera toujours plus réticent à engager la confrontation violente s’il sait d’emblée qu’il sera confronté aux forces d’une puissance nucléaire, qui plus est agissant dans le cadre de l’OTAN.

La projection graduelle des moyens décrits dans le rapport annexé, depuis les premiers modules du l’ENU-R jusqu’à la division à trente jours (pour ne parler que du domaine terrestre), joue en quelque sorte le rôle que le 2e corps d’armée stationné en Allemagne jouait durant la guerre froide : démontrer l’acceptation d’une confrontation conventionnelle pouvant déboucher sur des extrêmes mal définis (c’est la finalité du dispositif de « réassurance » aux confins orientaux de l’Europe auquel la France participe depuis une dizaine d’années. C’est également celle des déploiements aéronavals lointains dont la capacité est régulièrement démontrée, comme l’exercice réalisé en Indo-Pacifique pendant l’été 2023).

On peut dire la même chose de la capacité d’action dans les grands fonds marins qui, de prime abord, peut laisser perplexe. Comment peut-on avoir la prétention de savoir protéger l’ensemble les capacités numériques qui transitent par le réseau tentaculaire des câbles sous-marins ? L’intérêt n’est-il pas plutôt d’affirmer une capacité de créer un risque de contact direct dans ce nouvel espace de « guerre hybride », au-delà de la mise en évidence de la preuve ?

Au niveau tactique, le choc des images a donné aux opérations terrestres du conflit russo-ukrainien un écho propice à l’emballement des enseignements… Les effets meurtriers de puissants feux d’artillerie, la réduction des villes en tas de ruines, le blocage de toute progression par le minage intensif, autant de réalités qui renvoient aux images d’un lointain passé et à des capacités massives abandonnées en France faute de moyens (y compris humains) ou du fait des lois internationales (comme les mines).

Si l’approche par la masse est sans nul doute possible abandonnée par la stratégie de « gagner la guerre avant la guerre », la capacité de constituer des modules de forces plus agressifs, mieux appuyés et soutenus semble bien au cœur des efforts de la loi au titre de la cohérence déjà évoquée. Et quoique l’on en pense, l’effort à fournir ne doit pas être sous-estimé : pour l’armée de Terre, il faudra dès 2027 disposer de la capacité d’engagement d’une division à deux brigades à trente jours, avec en 2030 une capacité de la relever. C’est un objectif ambitieux dont il faudra suivre la réalisation tout au long de la période de programmation, en se souvenant que la projection durant l’hiver 2022 d’un bataillon en Roumanie, si elle a été rapide n’en a pas moins nécessité de faire appel à 80 points de perception pour réunir ses équipements[11].

Les autres armées ont également des objectifs ambitieux. Si la nature de leurs milieux d’évolution, plus homogène que le milieu terrestre, peut paraître leur créer moins de difficultés, les distances et la permanence seront leurs défis. En effet, alors que les forces terrestres doivent se préparer à des actions de force en Europe et au Moyen-Orient, les outre-mer et l’Indo-Pacifique prennent désormais une importance inédite dans les stratégies navale et aérienne.

Toujours au niveau tactique, un autre effet des moyens inscrits dans la loi réside dans ce que l’on pourrait qualifier de « descente » des capacités nouvelles (renseignement, cyber, influence, champs immatériels…) vers la plupart des niveaux tactiques. Sa concrétisation la plus visible est la « dronisation » de tous ces niveaux, y compris des cellules de base que sont, dans l’armée de Terre, le groupe de combat de 10 hommes ou le véhicule blindé. On pourrait en dire autant de la « guerre électronique ». D’où l’évolution des systèmes de commandement annoncés dans le prolongement de ces choix.

Il y a ici une question subsidiaire à poser : Quid des menaces anciennes ?

Les deux grands glissements stratégiques des dernières années, résurgence de la confrontation OTAN/Russie, militarisation progressive des tensions avec la Chine en Indo-Pacifique, n’ont pas pour autant fait disparaître les vecteurs des menaces ou des risques de crise qui ont marqué les engagements des armées françaises pendant trente ans depuis la chute du mur de Berlin.

Pour reprendre une question posée récemment par l’animateur d’un blog très suivi[12] : Est-on certain qu’en 2035, l’adversaire le plus probable ne sera pas toujours le terroriste (ou trafiquant) africain, armé d’une kalachnikov, d’IED et d’un smartphone avec une bonne liaison internet ?

Certes le désengagement du Sahel, la nouvelle stratégie africaine, une appréciation différente du risque sur le territoire national laissent aujourd’hui envisager le contraire, et la réduction des dotations budgétaires pour les OPEX va dans ce sens. Mais rien ne dit que la conjonction de la mauvaise gouvernance dans de nombreux pays, des tensions interétatiques, des effets dramatiques du dérèglement climatique sur des populations souvent pauvres, fragiles et de plus en plus nombreuses, notamment au sud du Sahara, n’ouvriront pas à nouveau un cycle d’engagements peut-être moins puissants mais toujours compliqués.

Bien sûr, des armées qui occupent le haut du spectre capacitaire ne devraient pas avoir de difficultés à s’engager un cran en dessous, « qui peut le plus, peut le moins »… À voir ! En tout cas, à surveiller, au travers de la formation, de l’entraînement, de certains équipements, de la doctrine d’emploi des forces spéciales et de leur environnement, ainsi que, pour l’armée de Terre, de l’atteinte de la capacité de maintenir une brigade interarmes disponible pour intervenir sur quatre théâtres d’opérations « secondaires ».

Troisième question : quels sont les effets de la loi sur l’écosystème de production des équipements militaires ?

Pour être caricatural, on peut confondre cet écosystème avec l’expression péjorative de « lobby militaro-industriel », heureusement tombée quelque peu en désuétude.

Destiné à produire les équipements constitutifs des capacités militaires et leur soutien, il regroupe et articule, d’une part les acteurs publics et leurs procédures, d’autre part le tissu industriel impliqué dans la défense, avec ses caractéristiques capitalistiques.

La loi inscrit d’emblée parmi ses objectifs la souveraineté de l’industrie de défense nationale. Ce terme doit être bien compris comme le souci qu’aura plus que jamais l’État français de maîtriser les capacités industrielles et de les piloter prioritairement dans le sens de ses intérêts. La création d’une « direction de l’industrie de défense » au sein de la DGA se rattache à cette priorité.

L’existence même de la programmation militaire fournit le cadre d’élaboration d’une vision partagée de l’avenir par l’administration (armées, DGA, ministère du budget) et l’industrie. La mise au point d’une LPM vise à fournir un outil de pilotage cohérent du déroulement des programmes d’équipement, notamment en assurant la crédibilité des engagements de l’État (c’est la raison pour laquelle, exprimée en crédits de paiement, la LPM doit garantir aux industriels le paiement des commandes passées lors des lois précédentes…).

Dans une perspective d’avenir, la loi doit également permettre à l’écosystème de le préparer au mieux, au-delà de la poursuite des programmes en cours. C’est tout le rôle des ressources consacrées à « l’innovation », terme qui recouvre désormais les études amont, les subventions aux opérateurs comme le CEA, le CNES, la recherche appliquée… En prévoyant un total de 10 milliards sur la période, la loi reste sur la tendance à la hausse imprimée depuis 2018, avec l’objectif de ne plus chercher à rattraper des retards, mais plutôt à promouvoir des « innovations de rupture »[13].

À priori, le décalage des commandes et livraisons de certains programmes majeurs, dont les cibles restent inchangées, n’est pas une préoccupation forte des acteurs industriels qui se sont exprimés lors de l’élaboration de la LPM 2024-30. Pour la plupart (surtout dans les domaines aéronautique, naval et munitionnaire), les plans de charge et le chiffre d’affaires bénéficient des succès à l’export des dernières années et des besoins de production pour alimenter l’Ukraine en équipements et munitions, financés en grande partie par l’Union européenne.

L’attention des industriels se polarise plus sur les dispositions désormais regroupées dans l’article 49[14] de la loi qui, au titre de « l’économie de guerre », institue à la fois des obligations de constitution de stocks stratégiques, à la charge financière des industriels, et un « droit de préemption » de l’État français sur la production industrielle, fusse au détriment des livraisons prévues à des clients étrangers. Quasi totalement privée, soumise tant aux règles du marché concurrentiel qu’à la surveillance de la Commission européenne, l’industrie rappelle que sa contribution à l’économie de guerre décrétée en France ne l’exonère pas des dangers de la guerre économique qu’elle conduit à l’international.

Au-delà du coût à supporter pour les stocks stratégiques, c’est le risque de se voir écarter des compétitions internationales qui est identifié comme le principal, les clients potentiels ne pouvant accepter de voir éventuellement leurs livraisons ne pas respecter les délais contractuels.

Les conditions de mise en œuvre de cet article de la loi seront vraisemblablement une des premières tâches de la direction de l’industrie de défense de la DGA. Une tâche qui comportera également le traitement de l’accès au crédit bancaire, sujet brûlant qui touche toute l’industrie de défense, avec des effets dévastateurs pour le tissu des PME sur lequel repose largement l’écosystème.

Quatrième question : la loi conforte elle le système humain des armées ?

L’affirmation du rôle premier des femmes et des hommes dans la robustesse du système de défense est dans la bouche de tous les responsables politiques et militaires… depuis des siècles, au moins pour les hommes !

La LPM 2024-30 apporte sa contribution à la consolidation de ce rôle, par une multitude de dispositions dont les objectifs sont tout à la fois l’attractivité des carrières pour fidéliser les militaires en service et recruter des compétences nouvelles, améliorer les conditions de la mobilité des familles et de leur implantation dans les territoires, enfin de poursuivre les actions de reconnaissance de la Nation vis-à-vis des blessés et des familles de militaires morts en service.

L’attractivité des carrières, en fait le combat du recrutement et de la fidélisation, passera par un prolongement de la nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM) mise en œuvre par la précédente loi, notamment au niveau indiciaire pour compenser le « tassement vers le haut » de la grille indiciaire, qui se révèle un frein à l’attractivité des progressions volontaires de carrière.

Le « Plan Famille 2 » inscrit désormais dans la durée ce mode de pilotage d’ensemble de tous les éléments constitutifs de l’accompagnement familial de la fonction militaire (logement, aide à la petite enfance, environnement médico-social). C’est déjà en soi une avancée très appréciable, même si les situations particulières et le contexte de stationnement et d’emploi de chaque armée laisseront toujours subsister des manques et des insatisfactions. Le « Plan Famille 2 » est doté de 750 millions d’euros.

Un autre aspect du modèle RH décrit par cette LPM est la volonté de porter le nombre de réservistes à 80 000 en 2030, sur une trajectoire à 105 000 en 2035. L’effort de recrutement, de formation et de fidélisation à fournir est en lui-même un défi, avant que les armées ne précisent les missions et les équipements de cette réserve opérationnelle massive.

Le modèle RH porté par la LPM 2024-30 est donc cohérent avec les objectifs fixés aux armées et s’inscrit dans la continuité de la consolidation de l’armée professionnalisée décidée il a plus de 25 ans. Absorbant plus du quart des ressources financières du ministère, il est confronté à de multiples défis, notamment ceux liés à la montée en gamme des compétences recherchées sur un marché du travail tendu et à l’évolution sociétale qui fait de la fidélisation dans toutes les catégories de grade un combat permanent.

GCA (2S) Tristan VERNA


NOTES :

  1. Audition du SGA par la Commission de la défense de l’assemblée nationale, le 12 avril 2023, reprenant une expression utilisée par le Premier Président de la Cour des Comptes devant la même Commission.
  2. Taux de progression à prendre pour ce qu’il vaut : les deux périodes programmation n’ont pas la même durée, se superposent et l’inflation rend précaire toute comparaison…
  3. Tous les montants financiers sont exprimés en crédits de paiement.
  4. Cette progression permet de viser les 2% du PIB en 2025-2027, nonobstant la fragilité de cet indicateur emblématique lié à un agrégat, PIB, dont la réalité n’est connue qu’avec plusieurs années de décalage. Il est à noter que pour certains responsables du ministère, les 2% du PIB seraient dès à présent atteints, et en voie d’être dépassés.
  5. Sans oublier qu’en 2022, des officiels américains ont fait état d’un supposé déclassement des armées britanniques, tandis que ce sont les responsables militaires allemands eux-mêmes qui ont annoncé leur incapacité d’assurer leur mission de défense nationale.
  6. La limite d’âge de tous les réservistes est portée à 72 ans, mesure mise en œuvre dès l’été 2023 par l’armée de Terre.
  7. On peut objecter l’existence d’un modèle complet en Russie, mais quelle est sa véritable fiabilité ?
  8. Pour « Doctrine, Organisation, Rh, Entraînement, Soutien, Équipement ».
  9. Échelon national d’urgence renforcé, Force d’intervention rapide interarmées.
  10. Comme la perte progressive des bases françaises en Afrique.
  11. Audition du CEMAT par la commission de la défense de l’Assemblée nationale, le 12 avril 2023.
  12. Michel Goya, dans une interview sur France Inter.
  13. Cette formulation, en cédant à la facilité, aurait pu être lourde de conséquences pour certains systèmes d’armes majeurs bien installés dans le paysage actuel des armées. Ses effets sur l’avenir devront être suivis attentivement.
  14. Il s’agit des modifications à apporter au Code la défense pour ce qui concerne « l’industrie de défense ».

CERCLE MARÉCHAL FOCH

CERCLE MARÉCHAL FOCH

Le G2S change de nom pour prendre celui de Cercle Maréchal Foch, tout en demeurant une association d’anciens officiers généraux fidèles à notre volonté de contribuer de manière aussi objective et équilibrée que possible à la réflexion nationale sur les enjeux de sécurité et de défense. En effet, plutôt qu’un acronyme pas toujours compréhensible par un large public, nous souhaitons inscrire nos réflexions sous le parrainage de ce glorieux chef militaire, artisan de la victoire de 1918 et penseur militaire à l’origine des armées modernes. Nous proposons de mettre en commun notre expérience et notre expertise des problématiques de Défense, incluant leurs aspects stratégiques et économiques, afin de vous faire partager notre vision des perspectives d’évolution souhaitables. (Nous contacter : Cercle Maréchal Foch – 1, place Joffre – BP 23 – 75700 Paris SP 07).

Retour sur la LPM (Loi de programmation militaire)

Retour sur la LPM (Loi de programmation militaire)

 

par Victor Denis (*)
Etudiant en relations internationales
François Chauvancy (*)
Général de brigade (2s)

Esprit Surcouf – publié le 22 septembre 2023

https://espritsurcouf.fr/defense_retour-sur-la-lpm_par_victor-denis-et-general-francois-chavancy/


Quel regard porter sur les besoins de nos armées ? Quels choix budgétaires avons-nous fait ? Qu’est-ce que cette LPM raconte des relations entre politiques et militaires ? L’auteur nous propose quelques éléments de réponse dans son entretien avec le général François Chauvancy (2S).
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Après 90 heures de débat, l’Assemblée nationale s’est prononcée. A une écrasante majorité, les députés ont voté pour la loi de programmation militaire 2024-2030, désormais transmise au Sénat. Cette LPM alloue 413 milliards d’euros au budget des armées, un chiffre en hausse de 40% par rapport à la précédente. La raison ? Une prise de conscience du monde politique devant la montée des périls : retour de la guerre de haute intensité en Ukraine, menace d’escalade nucléaire, menace chinoise dans l’indopacifique, persistance du djihadisme en Afrique et au Levant…

A quoi notre armée est-elle prête ? Quelles sont ses limites et ses besoins ? Pour répondre à ces questions, l’étudiant trouve vite l’interlocuteur : un ancien militaire étoilé qui vient donner des cours dans son université, le général François Chauvancy, dont beaucoup de journalistes se souviennent pour l’avoir connu comme Off-Com (officier communication) hors normes au Sirpa ou en opérations.

Pour quoi faire

La réponse est claire et concise, le général semble rôdé à l’exercice : « Nos armées sont prêtes à intervenir sous des formats réduits, sous format de corps expéditionnaires. Nous pouvons projeter dans la durée environ une force mécanisée importante, interarmes, environ 5 000 hommes, contre un ennemi asymétrique et sous-équipé par rapport à nous. Au niveau aéro-maritime, nous sommes capables de projeter un groupe aéronaval avec une capacité de frappe au sol ou en mer. Nous pouvons contrôler une zone maritime importante ». « Concernant les forces aériennes, nous sommes sous-équipés. L’armée l’air estime qu’il lui faut 180 Rafales pour assurer ses missions, alors qu’elle n’en a que 130 ».

Le général ajoute : « Contre un ennemi peu équipé, ou équipé d’une manière légère, on est capables de faire. Toutefois, face à un ennemi traditionnel, ou conventionnel, comme en Ukraine, on voit qu’on n’a pas tous les équipements militaires adaptés et suffisants ». Il est vrai que nous avons négligé, en France, le retour des guerres conventionnelles. La fin de la guerre froide semblait abolir à jamais la menace d’un conflit symétrique à haute intensité. 

« La 1ère loi de programmation militaire [du président Macron] a été une LPM de réparation. Le chef d’Etat-major a essayé de préserver autant que possible une armée avec toutes ses capacités, même sous forme échantillonnaire ». Nous avons une armée « bonsaï », capable de faire de tout, mais en petite quantité. Là où d’autres pays créent une interdépendance des savoir-faire, ce qui, dans un contexte de coalition, n’est pas illogique, la France préfère quant à elle conserver ses capacités dans tous les domaines, quitte à produire moins.

Regard sur la LPM

Pour le général, « la 2ème LPM dépasse le niveau de la réparation. On en arrive à une forme de reconstruction pour se donner des capacités d’action ». Il met toutefois en avant des choix budgétaires contestables.

 

La loi de programmation prévoie des budgets conséquents pour la cybersécurité. Photo sgt Moreau Sirpa Terre

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Pour lui, il faut apprendre de la guerre en Ukraine. Il rappelle les chiffres : A Bakhmout, le nombre de morts russes est estimé à 20 000, contre 10 à 15 000 côté ukrainien. En France, nous disposons de 12 000 fantassins, ce qui paraît très peu. Quant aux réservistes : « Ce n’est pas parce qu’on nous promet 90 000 réservistes dans la LPM qu’ils sont utilisables en temps de guerre », ajoutant qu’il faut d’abord s’assurer de leur entrainement et de leur capacité opérationnelle.

Au regard de la vitesse de consommation des équipements militaires sur le terrain ukrainien, la question des équipements militaires se pose également : « L’argent qu’on met dans nos chars, qui sont coûteux, font-ils la différence avec des chars beaucoup moins chers et beaucoup plus nombreux ? Cela vaut-il le coup d’avoir des chars à plusieurs millions d’euros, qui peuvent être détruits par des missiles à quelques milliers d’euros ? ». Avec un constat global : nous manquons de chars et de Rafales, même s’il faut souligner la hausse du budget pour le maintien en condition opérationnelle.

Ces « manques » dans la LPM sont rapidement mis en parallèle avec les 13% des crédits alloués à la dissuasion nucléaire. Le général Chauvancy se questionne : « avons-nous besoin de perfectionner l’arme à ce point-là ? Les équipements qu’on met en place sont-ils totalement justifiés ? ». Qualifiés d’« excessifs », ces 13% signifient beaucoup quant à la place que tient le nucléaire dans notre stratégie. L’objectif affiché est de développer cette dissuasion, notamment par une modernisation des composantes aériennes et océaniques, afin de faire appel à moins de forces conventionnelles. Pourtant, pour le général, « nous ne ferons pas la guerre avec le nucléaire ». Il expose le risque de développer cette dissuasion aux dépends de nos capacités militaires. Pour lui, « il faut que les LPM, dans leur conception, montre notre détermination à être capables de se battre. Le fait d’être capable de se battre et de l’exprimer par la LPM et les moyens financiers qu’on y met, doit être capable de dissuader. Là ça a du sens, au même titre que la dissuasion nucléaire ». Et il émet quelques doutes sur la capacité de cette LPM à répondre à cette approche.

Le politique et le militaire

Le général Chauvancy l’affirme : « Je suis très critique sur les relations entre le politique et le militaire sous la Vème République », évoquant notamment les LPM non respectées. Avant 2015, celles-ci étaient systématiquement bafouées. Il y a, dans l’esprit du politique, l’idée que le budget de la défense serait une forme de réserve permettant d’amortir le choc des conjonctures économiques. Les politiques, pensant que la guerre était devenue impossible depuis la chute du mur de Berlin, n’ont pas suffisamment préparé nos armées aux conflits contemporains. Le général met également en cause le rôle du chef militaire, qui est celui d’exprimer clairement les besoins de l’armée aux politiques.

Il revient alors sur la « séquence De Villiers » : « [Avec la démission du Général De Villiers], Emmanuel Macron découvre que l’armée a son mot à dire, lui qui ne connaissait pas le milieu militaire. L’armée attend que le pouvoir politique écoute […], les militaires savent qu’ils servent l’Etat et la nation, et que le politique n’est que l’expression d’une majorité à un moment donné », qualifiant le président de « locataire », à contrario des militaires qui ont une expérience plus longue. L’armée attend donc une forme d’humilité de la part du pouvoir politique.

Aussi, « le président Macron, qui ne connait pas trop le milieu militaire, profite de l’opportunité du 13 juillet 2017 au soir pour se faire le Général de Villiers. Le problème, c’est que ça ne se fait pas ». Alors, quand le général De Villiers quitte son bureau, après avoir démissionné, il est applaudi par le personnel militaire. Loin d’être anecdotique, cette séquence envoie un message fort au président de la République : « la communauté militaire a un sens global de la mission et du devoir et n’a pas du tout accepté le rôle du politique et son comportement vis-à-vis du CEMA », rappelle le général Chauvancy. Ce n’est qu’à la suite de cet épisode, qui frappe l’opinion publique, que les rapports s’améliorent entre politiques et militaires : la première loi de programmation militaire tient la route, et a globalement été respectée.

Le général Chauvancy revient sur les conséquences de la démission : « Le président Macron a découvert que le miliaire était une communauté particulière, où le sens de l’engagement réel, sans contreparties, est un fait. Il peut compter sur les militaires, puisqu’ils sont là pour les missions qu’on leur donne ». Il poursuit : « Les militaires sont le dernier recours de la République face aux menaces et aux extrémismes, face à la déstabilisation de l’Etat, et je reste convaincu que le président Macron l’a bien intégré. D’où la place des militaires, discrètes mais avec une reconnaissance : la LPM est un témoignage de reconnaissance envers les armées. C’est l’expression politique et financière de la reconnaissance du pouvoir politique envers les armées ».


(*) Victor Denis est actuellement étudiant en Master 2 « Conflictualités et médiation » à l’UCO. Il est diplômé d’une Licence d’Histoire avec pour spécialité les sciences politiques. Après de premières expériences en politique et au sein d’ONG, il choisit de s’orienter vers la géopolitique et la sécurité internationale.
(*) François Chauvancy, général de brigade (2S), est Saint-cyrien, breveté de l’Ecole de guerre et Docteur en sciences de l’information et de la communication. Il a servi en opérations au Liban, en ex-Yougoslavie, en Albanie, au Kosovo et en République de Côte d’Ivoire. De 2002 à 2012, il a été représentant français auprès de l’OTAN pour les opérations militaires d’influence, les opérations sur l’information, la communication stratégique et l’environnement humain des opérations. Il est aujourd’hui enseignant, et consultant en géopolitique, notamment sur LCI. Il anime un blog hebdomadaire « Défense et Sécurité ».

Avec la commande de 486 lanceurs HIMARS supplémentaires, la Pologne aura 60 fois plus de lance-roquettes que la France en 2030.

Avec la commande de 486 lanceurs HIMARS supplémentaires, la Pologne aura 60 fois plus de lance-roquettes que la France en 2030.


M142 HIMARS e1666970934572 Lance-Roquettes Multiple | Construction de véhicules blindés | Contrats et Appels d'offre Défense

 

Avec la commande de 486 lanceurs HIMARS supplémentaires, la Pologne aura 60 fois plus de lance-roquettes que la France en 2030.


C’était attendu depuis plusieurs semaines, et notamment depuis la visite de Mariusz Błaszczak sur le site d’assemblage des HIMARS de Lockheed-Martin de Camden, dans l’Arkansas, en mais dernier. C’est désormais chose faite.

Le 11 septembre, ce même Mariusz Błaszczak, le ministre de la Défense polonais, a annoncé avoir approuvé une très importante commande de systèmes HIMARS supplémentaires, ainsi que de munition, auprès de Lockheed-Martin, le tout pour une enveloppe pouvant atteindre 10 Md$.

486 lanceurs HIMARS et des milliers de munitions pour la Pologne

Selon le communiqué, la Pologne va donc commander, au travers du FMS, 486 lanceurs HIMARS, en plus des 20 déjà commandés en 2019, ainsi que plusieurs dizaines de milliers de missiles GMLRS, GMLRS-ER, ATACMS et PrSM, selon Lockheed-Martin.

Baptisés HOMAR-A (America), ces systèmes viendront ainsi renforcer les quelque 290 systèmes lance-roquettes K239 Chunmoo commandés il y a un an auprès de la Corée du Sud, et désignés par le nom de code HOMAR-K (Korea) dans les armées polonaises.

HIMARS en ukraine
La Pologne avait déjà commandé, en 2019, 20 lanceurs HIMARS, dont deux sont destinés à l’instruction.

Les HIMARS polonais viendront armer 27 escadrons d’artillerie à longue portée, dont l’immense majorité devront être créés dans les années à venir, dans la mesure où les armées polonaises n’exploitaient qu’une centaine de lance-roquettes multiples de conception locale ou soviétique jusqu’ici.

Le contour exact de la commande n’a pas encore été présenté par les autorités polonaises. On ignore notamment le calendrier des livraisons, ainsi que la part de conception locale qui sera négociée entre LM et les autorités polonaises.

Bien évidemment, cette nouvelle annonce ne peut être considérée en dehors du contexte électoral polonais, avec des élections législatives aux résultats incertains approchant de leur échéance le 15 octobre. De fait, le gouvernement polonais du PiS, multiplie les annonces de ce type, visant à flatter son électoral nationaliste.

En revanche, si cette annonce venait à se concrétiser, les armées polonaises disposeraient alors d’une puissance de feu trois fois plus importante que celle de l’ensemble des armées européennes réunies.

60 fois plus de lance-roquettes multiples que l’Armée de Terre française en 2030

Rappelons, à ce titre, que la LPM 2024-2040 prévoit, pour l’Armée de Terre française, le remplacement des 8 LRU actuellement en service, par 13 nouveaux systèmes lance-roquettes à longue portée en 2030, 60 fois moins que n’en auront les armées polonaises.

 

K-239 Chunmoo
La Pologne a déjà commandé 290 systèmes K239 Chunmoo sud-coréens baptisés HOMAR-K au sein des armées polonaises

 

Il sera, de toute évidence, beaucoup plus difficile pour les armées françaises de revendiquer le statut de « meilleures armées d’Europe », furent-elles plus expérimentées au combat par ses opérations extérieures.

Une bataille commerciale et industrielle avec l’Allemagne

Cette annonce risque aussi de couper l’herbe sous le pied de Rheinmetall, qui visait à devenir le partenaire privilégié de Lockheed-Martin en Europe afin de commercialiser un système dérivé du HIMARS produit dans le pays.

Il est, en effet, probable qu’avec une telle commande, Varsovie négociera une forme d’exclusivité territoriale pour le marché européen. Surtout, en mettant en œuvre un tel parc, la Pologne disposera de fait des infrastructures logistiques dimensionnées pour assurer la maintenance de large flotte.

On peut donc vraisemblablement s’attendre à ce que la France soit appelée à commander ses HIMARS auprès de Varsovie, si Paris décidait de se tourner vers ce système pour le remplacement des LRU.

LRU armée de terre
L’hypothèse d’un développement national, d’un remplaçant au LRU de l’Armée de Terre française est désormais improbable alors que le marché européen sera saturé d’offres d’ici à quelques années.

L’hypothétique remplaçant français du LRU face à un marché européen saturé d’offres

Quant à l‘hypothèse d’un développement national français, elle devient de plus en plus improbable, alors que le marché européen se structure très rapidement avec l’apparition conjointe des offres polonaises basées sur l’HIMARS américain et le Chunmoo sud-coréen, et le PULS israélien vers lequel Berlin se tournera probablement, maintenant que Varsovie a choisi l’HIMARS.

Dès lors, les opportunités commerciales, indispensables à l’absorption des couts de développement élevés de ce type de système, seront de toute évidence très limitées en Europe pour un système national français.

Sauf à se tourner vers des partenariats extra-européens porteurs d’une forte demande, comme l’Inde ou l’Égypte, les options pour une solution nationale française s’amenuisent à vue d’œil.

Reste qu’une nouvelle fois, il faudra attendre les résultats des élections d’octobre, pour se faire une idée de ce vers quoi les armées polonaises évolueront dans les années à venir.

Pour l’armée de Terre, il devient « impératif » d’utiliser tous les leviers pour enrayer la baisse de ses effectifs

Pour l’armée de Terre, il devient « impératif » d’utiliser tous les leviers pour enrayer la baisse de ses effectifs

 

https://www.opex360.com/2023/08/27/pour-larmee-de-terre-il-devient-imperatif-dutiliser-tous-les-leviers-pour-enrayer-la-baisse-de-ses-effectifs/


 

Et, visiblement, cette tendance n’est pas en train de s’inverser… au point que le chef d’état-major de l’armée de Terre [CEMAT], le général Pierre Schill, a sonné le tocsin dans une lettre adressée le mois derniers « aux commandeurs et aux brigadiers », c’est à dire aux généraux à la tête des commandements spécialisés et des brigades.

« La priorité absolue concerne les effectifs. Jusqu’à l’an dernier, l’armée de Terre pouvait se targuer d’atteindre ses objectifs […] au prix d’efforts que je connais et que je salue », écrit le général Schill. Mais, poursuit-il, « les premiers mois de 2023 montrent une baisse inhabituelle des effectifs globaux de l’armée de Terre. En l’état actuel, les projections d’effectifs prévisionnels pour la fin de l’année sont mauvais ». Et effectivement, il serait question d’un « déficit » de 2’500 militaires…

« Cette inflexion peut s’expliquer par des raisons conjoncturelles comme structurelles que nous traiterons dans la durée » mais les « effectifs à terminaison de l’année 2023 constitueront néanmoins la base de départ des droits qui seront ouverts à l’armée de Terre en LPM [Loi de programmation militaire] 24-30 », rappelle le CEMAT.

Aussi, il n’y a pas de temps à perdre. Et, pour le général Schill, « il est donc impératif d’utiliser tous les leviers » dont disposent les « commandeurs » et « brigadiers » pour « corriger à la hausse les prévisions actuelles » de leurs unités car « chaque recrutement, chaque engagement, chaque renouvellement de contrat, chaque réengagement sera une victoire ».

En juillet, Europe 1 avait fait état de difficultés concernant le recrutement des trois armées. « À la fin de l’année, entre 1500 à 2000 jeunes n’auront pas été recrutés, par rapport aux objectifs fixés », avait affirmé la radio, avant d’évoquer des soucis de « fidélisation », avec « trop » de sous-officiers et de militaires du rang ayant tendance « à quitter l’institution pour rejoindre le privé ».

Et d’ajouter que, pour « sauver les meubles pour l’année 2023 », il était demandé, dans les régiments, aux partants de « prolonger de quelques mois pour étaler les départs sur 2024″… Ce qui ne ferait que décaler le problème sans le régler.

Ces difficultés concernent aussi la réserve opérationnelle de l’armée de Terre. Dans sa lettre, le général Schill a également demandé un effort « à la fois sur le recrutement et l’emploi » des réservistes, alors que, selon la LPM 2024-30, leur nombre est appelé à doubler d’ici 2030.

Aussi, écrit le CEMAT, « en 2023, les crédits d’activité des réserves » des unités « devront être intégralement employés et les effectifs de réservistes cesser leur décrue, voire entamer une hausse ». Et de conclure : « Il est impératif que la réserve opérationnelle de l’armée de Terre se sente intégrée et utile ».

Marine nationale : Le concept de double équipage permet de compenser en partie le manque de frégates de 1er rang

Marine nationale : Le concept de double équipage permet de compenser en partie le manque de frégates de 1er rang

 

https://www.opex360.com/2023/08/03/marine-nationale-le-concept-de-double-equipage-permet-de-compenser-en-partie-le-manque-de-fregates-de-1er-rang/


En mai 2017, la frégate multi-missions Auvergne, effectue, au large de Toulon, sa mise en condition opérationnelle, avant son départ pour un déploiement de longue durée. Le 18 mai 2017, le vice amiral d’escadre De Briançon se rend à bord de la FREMM.

Cependant, une solution pour compenser ce déficit en navires de premier rang consiste à s’inspirer du fonctionnement des sous-marins nucléaires en adoptant le concept de « double équipage », comme l’avait préconisé l’amiral Christophe Prazuck, le chef d’état-major de la Marine nationale [CEMM] en 2018. À l’époque, il avait surtout mis en avant des considérations ayant trait à la fidélisation des marins, l’idée étant de réduire leur temps passé en mission.

Cela étant, le « double équipage » a d’autres vertus, comme l’a souligné l’amiral Pierre Vandier, l’actuel CEMM, lors d’une audition au Sénat [le compte rendu a été mis en ligne alors que la LPM 2024-30 était sur le point d’être promulguée, ndlr].

« La création de doubles équipages sur certains types de bâtiments de surface est une œuvre de mon prédécesseur. Nous l’avons poursuivie, si bien que quatre FREMM [deux à Toulon et deux à Brest], trois patrouilleurs de service public et plusieurs bâtiments de soutien et d’assistance outre-mer fonctionnent aujourd’hui en double équipage », a d’abord rappelé l’amiral Vandier.

Et celui-ci d’ajouter : « Les bénéfices [de ce concept] sont effectivement importants. Le double équipage permet ainsi de gérer facilement des alertes, notamment outre-mer. Il s’accompagne également d’une augmentation très significative du niveau opérationnel, les équipages dans leur période à terre pouvant se concentrer sur l’analyse poussée du retour d’expérience, sur l’évolution des tactiques et doctrines et sur la préparation de la prochaine mission ».

Qui plus est, une frégate multimissions [FREMM] en double équipage peut effectuer 162 jours de mer par an, contre 123 pour une FREMM à simple équipage.

« La LPM porte l’ambition de mettre deux FREMM supplémentaires en double équipage en zone atlantique. La pression militaire, notamment sous-marine, y est en effet croissante. Le nombre de frégates restant inchangé, nous avons donc besoin de plus de jours de mer », a expliqué le CEMM. Aussi, avec deux FREMM de plus à double équipage, le gain est d’environ 80 jours de mer par an, a-t-il relevé.

En clair, 6 FREMM à double équipage [soit 972 jours de mer] valent 8 FREMM à simple équipage [soit 984 jours de mer]. À condition toutefois que la disponibilité technique opérationnelle [DTO] suive…

Sur ce point, le rapport annuel de performance pour le programme 178 « Préparation et emploi des forces », publié par le ministère de l’Économie et des Finances, indique que, en 2022, la « DTO des frégates est restée globalement conforme à la prévision [57 % pour 59 % prévus] grâce à la très bonne tenue des frégates de défense aérienne compensant les conséquences des avaries rencontrées sur les frégates multi-missions [notamment sonar et système de combat] et sur les frégates de type La Fayette [usine électrique].

Et d’ajouter : « La performance globale est toutefois limitée par la sensibilité des bâtiments aux aléas du domaine des armes-équipements. Un plan d’actions sur la performance du Maintien en condition opérationnelle des armes-équipements, incluant des acquisitions de rechanges critiques, a été lancé ».

Quoi qu’il en soit, a insisté l’amiral Vandier, « le bénéfice du double équipage est avéré » au point que son homologue britannique envisage d’ailleurs de passer l’ensemble de la Royal Navy en double équipage ». Et de noter que l’US Navy a une « vision différente » puisque les déploiements de ses frégates « ont une durée très longue » et que le « surplus de missions » lui sera fourni par le « déploiement d’une flotte de drones de surface ».

Au passage, le CEMM a donné le détail de la « population » de sous-mariniers, en indiquant que celle-ci se compose de 335 officiers et de 850 sous-mariniers. « Les flux entrants dans les forces sous-marines sont de l’ordre de 300 à 350 marins par an. Aujourd’hui, nous ne rencontrons pas de difficultés de recrutement particulières dans ce domaine », a-t-il conclu.

Pourquoi le Rafale F5 sera plus attractif que le F-35 en 2030 et au-delà ? Partie 1/2

Pourquoi le Rafale F5 sera plus attractif que le F-35 en 2030 et au-delà ? Partie 1/2


L’arrivée du standard Rafale F5 pour 2030, comme annoncé par le Ministre des Armées, Sébastien Lecornu, dans le cadre de la LPM 2024-2030,va non seulement doter le chasseur de Dassault Aviation de nouvelles capacités, elle pourrait également profondément transformer le marché des avions de combat, y compris face à un Lockheed-Martin F-35 qui semble intouchable aujourd’hui.

Après presque une décennie de vaches maigres et de doutes, entre 2005 et 2015, le Rafale s’est imposé comme un des plus importants succès de l’industrie de défense française en matière d’exportation, alors que le nouveau standard Rafale F5 arrivera en 2030.

En effet, depuis la première commande de 24 Rafale F3 par l’Égypte en février 2015, le chasseur français a aligné les succès, au Qatar et Inde dans un premier temps, puis en Grèce, en Croatie, en Indonésie et bien évidemment aux Émirats Arabes Unis, les 80 Rafale F4 commandés par Abu Dhabi pour 14 Md€ étant le plus important contrat à l’exportation jamais signé par la BITD française.

De fait, avec 284 livrés, commandés ou sous engagement pour l’exportation d’une part, et 225 chasseurs devant armer à terme les forces aériennes françaises de l’Armée de l’Air et de l’Espace et de l’aéronautique Navale, le Rafale est aujourd’hui un succès colossal pour Dassault Aviation et l’ensemble de la team Rafale, ce d’autant que d’autres contrats à l’exportation sont attendus dans les mois à venir, peut-être avec des annonces lors du prochain salon du Bourget.

Il faut dire que le Rafale ne manque pas d’arguments à faire valoir. Très équilibré, offrant une polyvalence rare, et des performances aéronautiques appréciées, l’appareil dispose également d’une électronique embarquée moderne et performante, et d’un ensemble de munitions et autres systèmes embarqués en faisant l’un des meilleurs chasseurs du moment, et ce, dans tous les domaines.

Le Rafale F5 pourrait venir mettre à mal la position hégémonique du F-35
Le F-35 s’est imposé comme le standard de fait de l’OTAN, aussi bien au sein des forces aériennes américaines qu’Européennes.

En dépit de ces atouts indiscutables, le Rafale n’est jamais parvenu à s’imposer face au F-35A de l’Américain Lockheed-Martin, que ce soit lors des compétitions européennes (Pays-Bas, Suisse, Finlande, Belgique …) ou asiatiques (Corée du Sud, Singapour).

Il faut dire que le Lightning II dispose de nombreux arguments à faire valoir au-delà du seul soutien du Pentagone et du Département d’État américain, arguments suffisamment différenciés pour justifier, au moins du point de vue du discours, d’une génération d’écart avec ses principaux concurrents européens comme le Gripen E/F suédois, le Typhoon et le Rafale français.

Et de fait, le F-35A (et parfois B) s’est systématiquement imposé partout où l’appareil était proposé, et est même au cœur d’une certaine rupture de ban de la part d’alliés des États-Unis s’étant vus refuser l’appareil, comme l’Arabie Saoudite et la Thaïlande.

Mais les choses pourraient bien changer dans les années, voire dans les mois à venir. En effet, à l’occasion des débats parlementaires autour de la Loi de Programmation Militaire 2024-2030, le Ministère des Armées a tracé une trajectoire pour l’avion français très ambitieuse, parfois même révolutionnaire vis-à-vis des us français ces dernières années, et susceptible de profondément faire évoluer le positionnement relatif du Rafale sur la scène internationale, en particulier face au F-35 américain.

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La Loi de Programmation militaire a été votée par l’Assemblée Nationale par 408 voix contre 87

De fait, d’ici, le Rafale F5, épaulé de drones Neuron et évoluant dans un techno-système international articulé autour du « Club Rafale », aura 5 atouts à mettre en avant pour s’imposer face au chasseur de Lockheed, étudiés dans cet article en deux parties.

1- Le Rafale F5 sera-t-il premier Système de Combat aérien opérationnel sur le marché international ?

Jusqu’à l’arrivée des commandes de vol électriques, la mission principale du pilote était de piloter l’appareil, c’est-à-dire de le garder dans son domaine de vol, tout en effectuant les tâches et remplissant au mieux les missions confiées. Avec l’arrivée des commandes de vol électrique, avec le F-16 ou le Mirage 2000, le pilotage fut confié à l’appareil lui-même, le pilote (ou l’équipage) étant alors en charge de la trajectoire, du combat et de la conduite de mission au sens plus étendu.

Avec la modernisation des systèmes embarqués, de plus en plus de tâches ont été confiées à l’avion lui-même. De fait, à bord d’un Rafale F3R, le pilotage et le contrôle de la trajectoire de vol ne représentent qu’une infime partie de la charge de travail dans le cockpit.

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Le cockpit full glass du F-35 contribue à donner à l’appareil une stature futuriste très séduisante pour les décideurs occidentaux

C’est dans ce domaine que le F-35 dispose d’un des arguments contre les Rafale, Typhoon ou Gripen aujourd’hui. En effet, l’avion Lockheed-Martin prend non seulement en charge le pilotage, mais aussi une grande partie de la mission de combat, le pilote ayant pour fonction de déterminer la meilleure conduite à tenir pour mener la mission et répondre à l’environnement.

De fait, l’efficacité du F-35 dépend beaucoup moins de l’aguerrissement de l’équipage que pour les autres appareils, ce qui est censé simplifier les procédures et même les exigences de recrutement, formation et entrainement des équipages, tout en améliorant les capacités opérationnelles finales. Cet argument a notamment fait mouche en Suisse, un pays dont la Défense fait face à d’importantes difficultés pour maintenir le niveau d’entrainement de ses équipages.

Le Rafale F5, lui, évoluera à un tout autre niveau. En effet, il sera, à l’instar du programme SCAF rassemblant l’Allemagne, l’Espagne et la France, un Système de Combat Aérien, basé sur un système de systèmes, et non un avion de combat faisant office de vecteur principal de ses moyens mis en œuvre, comme c’est encore le cas du Rafale F4.

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Le programme SCAF européen devait être le premier système de combat aérien de 6ᵉ génération sur le vieux continent. Il se pourrait que le Rafale F5 lui vole ce titre.

Pour y parvenir, le Rafale F5 va être doté de drones de combat intégrés à son propre système, Neuron et Remote Carrier, chaque drone ayant un niveau d’autonomie comparable à celui du F35 aujourd’hui, et contrôlé par le Rafale lui-même, l’équipage ayant pour fonction de coordonner et optimiser l’efficacité de ce système de systèmes.

De fait, si le F-35A est, pour ainsi dire, l’archétype de ladite 5ᵉ génération d’avion de combat, le Rafale F5 sera l’un des premiers représentant de la 6ᵉ génération, qui se caractérise précisément par cette nouvelle architecture.

Et si l’US Air Force a effectivement annoncé qu’elle entendait doter 300 de ses F-35A de drones de combat, à l’instar du Rafale F5 épaulé du Neuron et des Remote Carrier, tout indique à ce jour que ces drones de type Loyal Wingam attachés au programme NGAD, ne seront pas, au moins pour un temps, proposés sur la scène internationale.

Même si le F-35 venait à se voir doter de drones de type Loyal Wingman, ses avantages relatifs liés à la 5ᵉ génération, comme la furtivité et la fusion de données, auront été gommés ou amoindris dans l’effort pour intégrer la 6ᵉ génération, alors que le Rafale, lui, pourra s’appuyer sur des exigences beaucoup plus caractéristiques de cette nouvelle génération, notamment en termes de capacité d’emport et d’autonomie.

2- Neuron, Remote Carrier : une gamme complète de drones de combat et d’appui

Car le Rafale F5 ne sera pas qu’un avion, mais en techno-système opérationnel étendu et complet, s’appuyant notamment sur deux types de drones de combat, voire trois en y intégrant le RPAS Mâle européen. Ainsi, dans un amendement présenté lors du vote de la LPM 2024-2030, le Ministère des Armées a précisé que conjointement au Rafale F5 serait développé un drone de combat dérivé du programme de démonstrateur Neuron. Il s’agira, de toute évidence, d’un effort visant à développer un drone ailier, à l’instar de ceux développés aux États-Unis dans le cadre du programme NGAD, en Australie avec le MQ-29 Ghost Bat ou en Russie avec le S-70 Okhotnik-B.

Conçu pour être particulièrement furtif tant sur le spectre électromagnétique qu’infrarouge, le Neuron représente en effet une base de travail particulièrement adaptée pour développer un drone de combat ailier capable d’accompagner et d’étendre les capacités opérationnelles du chasseur, en transportant et mettant en œuvre ses propres senseurs (radar, infrarouge, optronique…) ainsi que ses propres munitions, le démonstrateur disposant à ce titre d’une soute à munition capable d’accueillir 2 bombes de 250 kg.

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Dassault va developper un drone de combat dérivé du Neuron pour assurer la fonction d’ailier des Rafale F5

Il est probable que le drone de combat qui sera développé d’ici à 2030, sera relativement différent du démonstrateur Neuron, notamment pour pouvoir accueillir et mettre en œuvre des senseurs et armements plus étendus, mais également pour s’intégrer pleinement et efficacement au système de systèmes du Rafale F5.

On ignore à ce jour si le drone résultant sera développé pour pouvoir être mis en œuvre à bord du PAN Charles de Gaulle et de son successeur, ce qui représenterait un avantage significatif, surtout si, comme le Rafale, le drone est capable d’employer un Skijump.

Si le développement du « Neuron » interviendra dans le cadre du Rafale F5, les industriels français, notamment MBDA, sont également engagés dans le développement d’une autre famille de drones de combat, en l’occurrence les Remote Carrier du programme SCAF.

La version lourde de cette famille de drones de combat aéroportés est développée par Airbus DS. La version légère, pouvant être mise en œuvre à partir d’un chasseur et non d’un appareil lourd de type A400M, est, quant à elle, développée par MBDA France, et trouvera toute sa place au sein du Système de Combat Aérien Rafale, qui mériterait probablement de s’appeler SCAR plutôt que Rafale F5 pour en marquer le caractère disruptif.

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Les Remote Carrier du programme SCAF sont, eux aussi, supposés entrer en service en 2030, et pourraient donc très probablement s’inviter bientôt à bord du Rafale F5

Or, selon les informations distillées jusqu’à présent au sujet du pilier Remote Carrier du programme SCAF, les premiers RC devaient justement entrer en service, tant à bord et au profit des Rafale français que des Typhoon allemands et espagnols, au début des années 2030, c’est-à-dire sur la même échéance que celle annoncée par le Ministère pour le Rafale F5 et le Neuron.

En disposant simultanément d’un drone de type Loyal Wingman, très furtif et potentiellement embarqué, ainsi que de drones de combat légers de type Remote Carrier, le Rafale F5 proposera alors un environnement opérationnel et technologique entièrement renouvelé et probablement unique sur la scène internationale.

Fin de la première partie –

Malgré un budget en hausse de 11 Md€/an depuis 2017, pourquoi les armées françaises sont-elles toujours exsangues ?

Malgré un budget en hausse de 11 Md€/an depuis 2017, pourquoi les armées françaises sont-elles toujours exsangues ?

Defile Maistrance Meta-Defense.fr Planification et plans | Articles gratuits | Budget des armées

Malgré un budget en hausse de 11 Md€/an depuis 2017, pourquoi les armées françaises sont-elles toujours exsangues ?

Meta Défense – publié le

https://meta-defense.fr/2023/07/22/budget-armees-francaises-exsangues/


L’exécution de la Loi de Programmation Militaire française 2019-2025 à ce jour a été, de l’avis de tous les observateurs, exemplaire. En effet, celle-ci a respecté scrupuleusement les hausses budgétaires prévues, constituant une première depuis que l’exercice a été mis en place.

Ainsi, le budget des armées en 2017 n’était que de 32,7 Md€, après une quinzaine d’années de sous-investissements critiques, ayant amené les armées françaises au bord de l’implosion. De fait, les crédits supplémentaires alloués ont permit d’amener le budget des armées à 43,9 Md€ en 2023, soit une hausse de 11,2 Md€ ou 34% vis-à-vis du budget 2017.

Et si la prochaine LPM 2024-2030 respecte les lignes annoncées, le budget 2024 atteindra alors 46,9 Md€, soit 43% de plus qu’il ne l’était lors de l’arrivée du président Macron à l’Elysée.

Pour autant, si le moral des militaires s’est semble-t-il amélioré sur cette période caractérisée par un effort important pour la condition militaire, le format des armées, lui, semble stagner, et même le remplacement de certains matériels ayant déjà largement joué les prolongations, comme les Patrouilleurs hauturiers A69 de la Marine Nationale, les KC-135 de l’Armée de l’Air et de l’espace, ou encore les canons automoteurs AUF1 et hélicoptères gazelles de l’Armée de terre, semblent encore être amenés à rencontrer certaines difficultés lors de la prochaine LPM.

Pourquoi, avec une telle hausse budgétaire, les armées peinent-elles encore à engager les programmes permettant de renouveler les équipements obsolètes, et refusent-elles toute notion d’augmentation sensible de format sur la prochaine LPM, qui pourtant devrait permettre, en appliquant une croissance linéaire du budget comme précédemment, d’arriver à un budget annuel de 68 à 69 Md€ en 2030, soit une hausse de presque 108% en 13 ans ?

Comme souvent, il n’y a pas qu’une cause à cet état de fait, celui-ci reposant principalement sur deux facteurs détériorant sensiblement l’efficacité de l’effort fourni pour redonner aux armées les crédits et les moyens nécessaires à leurs missions. Le premier n’est autre que la conséquence directe de 20 années de sous-investissements dans le renouvellement des équipements, en parti compensés, mais en parti seulement, par une sévère révision à la baisse du format des armées.

Le second résulte directement de la façon dont la LPM est conçue, à savoir une programmation pluri-annuelle exprimée en Euro courants, et donc incapable d’absorber des variations économiques sévères, comme le retour de l’inflation observé en 2022 et 2023, celle-ci ayant, pour ainsi dire, neutraliser l’effort budgétaire consenti depuis 2017.

malgré la hausse du budget des armées françaises, certaines unités comme les patrouilleurs A69 n'ont toujours pas été remplacées
Il reste aujourd’hui 6 Patrouilleurs A69 en service au sein de la Marine Nationale, Ces navires sont entrés en service entre 1981 et 1984.

Les conséquences d’un budget en sous-investissement chronique dans les Armées

En moyenne, un équipement militaire d’importance, comme ceux acquis dans le cadre des Programmes à Effets Majeurs, a une durée de vie au sein des armées de 30 à 35 ans. C’est ainsi que tous les navires de la Marine nationale, mais également les aéronefs des 3 armées, ou les blindés de l’Armée de terre, restent en service sur une période dépassant 30 années.

Or, sur la base du format des armées défini par le Livre Blanc de 2013, la valeur totale des équipements en service au sein des 3 armées, en dépit d’un nouveau coup de rabot dans les effectifs, les unités, et par voie de conséquence, dans les équipements requis pour répondre au contrat opérationnel, avoisine les 240 Md€ exprimés en € 2023.

Avec une durée de vie de 30 ans, il s’avère donc nécessaire d’investir chaque année 8 Md€, en moyenne, dans les programmes à effets majeurs et efforts de développement, pour assurer un renouvellement fluide du parc matériel des armées. C’est désormais le cas, mais sur les vingt années ayant précédé, cet effort n’était que de 4 Md€ par an en moyenne, soit un déficit de 40% et 4 Md€ par an, ce pendant une vingtaine d’année de 2000 à 2020, sur l’autel des bénéfices de la paix.

Sur la même période, paradoxalement, les armées furent souvent très sollicitées, avec de nombreuses interventions extérieures les obligeants à sur-consommer le potentiel de leurs équipements. De fait, non seulement les armées ne parvinrent pas à renouveler leurs équipements de manière raisonnée, mais elles durent répondre à une activité opérationnelle importante détériorant encore plus rapidement leur parc.

Au final, il en est résulté un déficit d’investissement de prés de 80 Md€ en 2020, de sorte à renouveler l’ensemble des matériels qui auraient du l’être sur les 20 années passées, ceci expliquant, en grande partie, le manque de résilience des forces notamment dans l’hypothèse d’un engagement de haute intensité, comme l’ont montré plusieurs rapports récents de parlementaires désormais beaucoup plus insistants sur ces manquements du fait du contexte international.

Quant aux militaires, ils n’ont cessé de répéter, depuis le milieu des années 2000, qu’ils étaient dans l’obligation de consommer leurs propres réserves pour répondre à la pression opérationnelle en l’absence d’investissements suffisants, mais ils ne furent effectivement écoutés qu’à partir du moment où les menaces devinrent beaucoup plus pressantes et palpables de l’opinion publique.

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Au delà de l’évolution des couts d’acquisition, il convient de prendre en considération les couts de modernisation, souvent plus que significatifs. Ainsi, l’étude et le développement du standard F4 aura couté 2 Md€ aux finances publiques françaises.

Dans ces conditions, on comprend que le surplus budgétaire consenti lors de la LPM 2019-2024, même s’il est effectivement conséquent, n’aura permis à ce jour, que de ramener les investissements en matière de renouvellement des équipements à leur point d’équilibre, soit 8 Md€ par an.

Il ne permet donc, aujourd’hui, que de renouveler les équipements à un rythme normal, c’est à dire sur un rythme de 30 années, ceci expliquant qu’en dépit de son évolution, le budget des armées ne permet aujourd’hui ni d’envisager une augmentation de format, ni même une remise en état des armées sur un échéancier de court ou de moyen terme.

Pour répondre à ce besoin, il serait nécessaire d’augmenter encore sensiblement les efforts budgétaires, tout en gardant à l’esprit que l’essentiel de cet effort serait initialement fléché vers le renouvellement des matériels obsolètes et la réparation des dégâts de la période 2000-2020, ce qui sera probablement en grande partie l’objectif visé par la prochaine LPM, en tout cas par les militaires.

Comment l’inflation handicape très lourdement les investissements des armées ?

Pour autant, en dépit d’une enveloppe budgétaire appelée à évoluer très sensiblement d’ici 2030, cela pourrait bien ne pas suffire, en raison d’un second paramètre d’importance réapparu il y a peu, l’inflation. En effet, traditionnellement, les LPM sont conçues et exprimées en Euro courants, sans prendre en considération d’autres paramètres économiques comme l’évolution de la dette, la croissance économique et, ce qui apparait plus gênant, l’inflation.

Il est vrai que depuis la crise inflationniste des années 80, la France avait été relativement préservée dans ce domaine, avec une inflation annuelle d’autant plus maitrisée que le pays rejoignait la zone Euro sous influence allemande, Berlin ayant historiquement une aversion profonde à l’inflation. De fait, sur les LPM précédentes, l’inflation n’a pas eu d’effets notable, tout du moins ceux-ci ont été largement négligeables face à l’inconstance politique des dirigeants du pays.

La LPM 2019-2025 fut, elle aussi, conçue sur les mêmes paradigmes, avec une hausse budgétaire exprimée en € courant de 1,7 md€ par an pendant 4 ans, puis de 3 Md€ par an pendant 3 ans, de sorte à atteindre un effort de défense de 50 Md€/ an en 2025. Malheureusement pour les armées, la crise Covid d’une part, puis l’agression russe en Ukraine de l’autre, eurent raison de la résilience européenne à l’inflation, avec un taux moyen de 5% en 2022, de 6% en 2023 et une prévision à 3,5% en 2024, contre 1% en moyenne sur la période 2017-2021.

 

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L’augmentation du format des armées est aujourd’hui hors de portée du fait des effets de l’inflation qui ont raboté une grande partie des crédits supplémentaires ces dernières années

Une telle inflation est venue très largement compromettre l’effectivité de la hausse consentie depuis 2017 du budget des armées, ce d’autant que dans le même temps, et conformément à la planification annoncée, le cout des Opérations Extérieures, soit en moyenne 1,5 md€ par an, était transféré d’un effort interministériel au seul budget des armées. Mis bout-à-bout, ces deux facteurs donnent une vision très différente de la réalité de la hausse budgétaire de 11,2 Md€ et de 34 % sur cette période, comme le montre le tableau ci-dessous.

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Analyse des équivalents budgétaires à périmètre constant de la LPM 2019-2025

On le voit, exprimé en euro 2017, les 43,9 Md€ du budget 2023, correspondent à 37,2 Md€ de capacités budgétaires à périmètre constant pour les Armées, soit une hausse de seulement 5 md€ et 13,4%. Ce montant est par ailleurs largement entamé par les hausses de soldes passées, présentes et à venir, celles-ci constituant, d’une certaine manière, le principal bénéfice de la LPM 2019-2025 puisqu’ayant permis d’apaiser un sentiment de démoralisation très palpable au sein des armées en 2017.

En revanche, on comprend que les crédits effectivement disponibles pour renouveler le parc matériel, n’auront que très faiblement progressé en Euro constants, ceci expliquant que les armées peinent encore à simplement renouveler leurs équipements obsolètes.

Il montre également qu’une grande partie des crédits supplémentaires qui seront libérés lors de la prochaine LPM, alors que l’inflation reviendra probablement à des niveaux certes plus élevés qu’en 2017-2021, mais plus accessibles qu’en 2022-2023, permettra seulement revenir à la situation d’investissement visée par la LPM 2019-2025 avant la crise inflationniste.

Ainsi, si l’inflation en 2022, 23 et 24 avait été limitée à 1,5% par an, comme le montre le tableau ci-dessous, la hausse budgétaire compensée de l’inflation en 2024 aurait été de 10% supérieure à aujourd’hui.

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Exécution budgétaire de la LPM 2019-2025 sans la crise inflationniste de 2022-2023

Conclusion

On le comprend, l’action cumulée du déficit d’investissements de 2000 à 2020 d’une part, et les crises internationales ayant engendré une inflation importante et non planifiée en 2022 et 2023, ont eu raison d’une grande partie des efforts budgétaires consentis par la France pour recapitaliser ses armées depuis 2017.

Sur la trajectoire qui semble celle qui sera suivie par la LPM à venir, il est probable, sauf nouvel épisode économique non planifié, qu’une grande partie de la hausse des investissements à venir, ne servira qu’à compenser les pertes cumulées d’investissement des années précédentes, et à rattraper le coup de rabot lié à l’inflation en 2022, 2023 et 2024.

On comprend également que la situation budgétaire des armées françaises, aujourd’hui, n’est pas si éloignée de celle qui était la sienne en 2017, l’essentiel de l’effort préservé de l’inflation ayant été capté vers l’amélioration indispensable de la condition militaire, ne laissant que bien peu de moyens pour le renouvellement du parc matériel, et évidement aucune marge de manoeuvre à court ou moyen terme, pour accroitre le format des armées.

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Le remplacement des équipements ne peut se faire aujourd’hui que sur un rythme supérieur à leur durée de vie réelle planifiée, comme dans le cas des H160M qui devront remplacer, à partir de 2026, des appareils entrés en service au milieux des années 80.

Pour répondre à ce besoin, si tant est qu’il devienne véritablement un objectif politique, il serait alors nécessaire soit de s’inscrire dans les pas de Berlin, et de libérer une enveloppe de 80 Md€ pour compenser le sous-investissement des années précédentes et remettre les armées dans un format et un fonctionnement normal, soit d’accroître considérablement, pour un temps, la croissance de l’effort de défense tout en intégrant à la programmation militaire à moyen terme, donc à la LPM, une clause de re-évaluation budgétaire stricte pour compenser une inflation supérieure à 1,5%.

Surtout, il semble indispensable de construire l’envelopper budgétaire allouée aux armées sur la base des couts réels auxquelles elles sont effectivement exposées, en particulier celui visant au renouvellement des équipements de son parc, de sorte à empêcher qu’une situation comme celle à laquelle elles sont exposées aujourd’hui, naturellement alors qu’elles sont le plus sollicitées, ne se reproduise à l’avenir.

Un second porte-avions nucléaire NG français : Pourquoi faire ? Et pour combien ?

Un second porte-avions nucléaire NG français : Pourquoi faire ? Et pour combien ?


PANG1 Meta-Defense.fr

 

C’est par un tweet enthousiaste que le député Renaissance de la deuxième circonscription du Finistère, Jean-Charles Larsonneur, a annoncé hier en soirée l’adoption par une majorité transpartisane d’un amendement à la Loi de Programmation Militaire 2024-2030, pour qu’une étude approfondie soit menée durant la LPM, au sujet de la construction et mise en œuvre d’un second porte-avions nucléaire de nouvelle génération, ou PANG, alors que la première unité qui doit remplacer le PAN Charles de Gaulle en 2038.

Au delà du fait que le Parlement a joué, dans la conception de cette LPM, un rôle bien plus visible et bienvenu que lors des précédentes, l’annonce d’une étude formelle pour donner une vision claire de ce que pourrait faire, mais également de ce que couterait la construction et la mise en oeuvre d’un second porte-avions pour la France, est incontestablement une avancée notable sur un sujet qui, depuis jacques Chirac, n’a cessé d’être reporté par les président successif à la « prochaine mandature ».

Combien couterait un second porte-avions nucléaire de nouvelle génération ?

Il est vrai qu’un porte-avions, qui plus est nucléaire, coute cher. Ainsi, l’enveloppe pour la conception et la construction du successeur du PAN Charles de Gaulle est officiellement fixée autour de 5 à 6 Md€, certains échos faisant même état de 8 Md€. En outre, au delà de la construction et de l’équipement du navire lui-même, il convient de lui conférer un équipage expérimenté, qui plus est intégrant une tranche nucléaire, ainsi qu’une escorte efficace et un groupe aérien dimensionné pour en exploiter le potentiel.

Ainsi, pour mettre en œuvre le Charles de Gaulle, la Marine Nationale met en œuvre un équipage de presque 2000 marins, officiers mariniers et officiers sur le navire, auxquels s’ajoutent quelques 500 militaires à bord de son escorte composée d’un sous-marin nucléaire d’attaque, une frégate anti-aérienne, deux frégates anti-sous-marines ainsi qu’un Bâtiment Ravitailleur de la Flotte (ou BRF) dans un déploiement classique.

Le groupe aérien, lui, se compose de 2 des 3 avions de guet aérien E2C Hawkeye, de 16 à 20 Rafale M sur les 40 en service au sein des 3 flottilles de l’aéronautique Navale, de quelques hélicoptères ainsi que du soutien d’un avion de patrouille maritime Atlantique 2, sur la vingtaine en service aujourd’hui. Au total, donc, le Groupe aéronaval se compose de 6 navires, 25 aéronefs et 3500 militaires, soit l’équivalent de 3 régiments de l’Armée de Terre.

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Le PAN Charles de Gaulle est en général accompagné d’une frégate anti-aérienne, de deux frégates anti-sous-marines, d’un bâtiment logistique ainsi que d’un Sous-marin nucléaire d’attaque et d’un avion de patrouille maritime

De fait, l’annonce de l’étude qui sera menée au cours de la prochaine LPM, a laissé perplexe de nombreux observateurs : la France aura-t-elle les moyens de financer la construction du navire et de son escorte ? la Marine Nationale pourra-t-elle doter les nouveaux navires et flottilles des personnels requis ? N’y aurait-il pas mieux à faire avec ce montant que de se doter d’un second Groupe Aéronaval ?

Quels atouts un second porte-avions nucléaire apporterait-il ?

Comme souvent, les questions, tout comme les réponses avancées, dépendent du point de vue pris par celui qui les pose, alors que les options sont nombreuses, tant du point de vue budgétaire que RH, pour y répondre dans les années à venir, selon les ambitions affichées.

En premier lieu, il est indispensable de clarifier l’intérêt, pour la France, de se doter d’un second porte-avions. Nous ne reviendrons pas sur la dispute d’experts récurrente depuis plusieurs années, et même décennies, au sujet de la supposée nouvelle vulnérabilité des porte-avions aux missiles désormais hypersoniques.

Comme nous l’avons déjà montré, cette vulnérabilité n’est ni nouvelle, ni même supérieure à ce qu’elle fut dans les décennies passées, alors même que les porte-avions ont joué un rôle décisif dans le contrôle des océans et des conflits depuis la seconde guerre mondiale.

Nous ne reviendrons pas davantage sur le potentiel militaire unique du porte-avions dans le contexte opérationnel moderne, le navire étant le seul à pouvoir tout à la fois imposer une zone d’exclusion aérienne et navale sur un rayon de 1000 km voire au-delà, tout en menant des frappes soutenues dans la durée contre un adversaire ou en soutien de forces alliées. C’est la raison pour laquelle toutes les grandes marines mondiales, y compris la Chine et la Russie qui pourtant se réclament à la pointe des armes hypersoniques, se dotent ou entendent se doter de cette capacité unique.

De fait, la France dispose déjà de cette capacité, et même d’une capacité partagée uniquement par l’US Navy, à savoir la mise en oeuvre d’un porte-avions doté de catapultes et de brins d’arrêt, permettant aux aéronefs mis en oeuvre de décoller à lourde charge en consommant peu de carburant, et donc de disposer d’une autonomie et d’une puissance de feu supérieures.

En outre, cette configuration autorise un plus grand nombre de manoeuvres aériennes chaque jour, ce qui multiplie de fait le potentiel opérationnel du bâtiment.

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Le porte-avions chinois Type 003 de plus de 80.000 Fujian a été lancé le 17 juin 2022. C’est le premier porte-avions chinois à être doté de catapultes électromagnétiques, ici protégées par des infrastructures sur le pont)

Pour autant, avec un unique navire, la Marine Nationale ne peut garantir la présence à la mer du groupe aéronaval que 40% du temps, et une prise d’alerte de l’ordre de 60% du temps, le reste étant nécessaire à la maintenance du navire, et au repos et à l’entrainement de son équipage. On notera que la flotte de chasse embarquée française, avec 40 Rafale Marine et 3 E-2C Hawkeye, est également dimensionnée pour respecter ce contrat opérationnel, sans pouvoir aller au delà.

L’arrivée d’un second porte-avions nucléaire permettrait donc à la France de maintenir à la Mer un de ses deux navires autour de 60% du temps, et d’assurer une prise d’alerte de 100% du temps, tout en réduisant de 30% la pression opérationnelle sur les équipages et les deux navires vis-à-vis du Charles de Gaulle, permettant d’en améliorer l’entrainement, la maintenance et même la qualité de vie.

Surtout, en passant d’une prise d’alerte de 60% à 100%, le Groupe Aéronaval ouvrirait de toutes nouvelles perspectives opérationnelles à l’Etat-major français, y compris dans le domaine de la dissuasion, puisqu’il aurait, à tout moment, la garantie de pouvoir compter sur un Porte-avions et son escorte en cas de crise ou de conflit, et même de 2 porte-avions au besoin environs 30% du temps.

Doctrine et couts sont liés

C’est précisément le contrat opérationnel qui sera donné à ce Groupe Aéronaval qui déterminera grandement les couts de mise en œuvre d’un second porte-avions. Certes, les couts de la construction du navire, eux, seront fixes, même si le navire devait rester à quai faute d’équipage et d’avions.

Ils représentent, aujourd’hui, entre 4 et 5 Md€, dont 1 Md€ pour les seules systèmes de catapultes et brins d’arrêt électromagnétiques acquis auprès des États-Unis. Tout le reste, c’est à dire l’escorte, le groupe aérien embarqué, et même l’équipage, dépendra des choix opérationnels et politiques qui encadreront la mise en oeuvre de ce navire.

Un E2 C Hawkeye pret a etre catapulter sur le pont du Porte avions nucleaire francais Charles de Gaulle Meta-Defense.fr
Le Groupe aérien du Charles de Gaulle se compose d’une vingtaine de Rafale M, de deux E-2C Hawkeye et de plusieurs hélicoptères dont les fameux « Pedro » en charge de repêcher les pilotes en cas d’accident

Ainsi, si la France veut se doter pleinement et de manière autonome d’un second groupe aéronaval, il conviendra non seulement de constituer un second équipage nucléaire de 2000 hommes et femmes pour armer le navire, mais également d’acquérir et d’armer 1 SNA, 3 frégates dont une anti-aérienne et d’un BRF supplémentaires, soit un surcout de construction d’environ 4 Md€, et un millier de marins supplémentaires pour armer les bâtiments, souvent en double équipage.

Il serait également indispensable de constituer deux flottilles de chasse embarquée supplémentaires, et donc d’acquérir environs 30 appareils, ainsi que 2 avions de guet aériens E-2D en plus des 3 delà commandés pour remplacer les Hawkeye du Charles de Gaulle.

Au total donc, une telle hypothèse devrait revenir à 13 ou 14 Md€ en acquisition, et à 400 m€ par an en couts de personnels. Et de rappeler qu’un tel montant permettrait à l’Armée de l’Air de constituer 3 escadrons de chasse supplémentaires et leurs appareils de soutien, ou à l’Armée de terre de se doter de 400 chars lourds et autant de véhicules de combat d’infanterie chenillés.

Il ne revient pas à cette analyse de déterminer quels investissements seraient les plus performants pour renforcer la défense et le rôle de la France sur la scène internationale. En revanche, il est indispensable de prendre en considération que cette approche ne représente qu’une hypothèse parmi d’autres quant à l’utilisation et donc au dimensionnement du second PANG.

porte avions charles de gaulle Meta-Defense.fr
Un second porte-avions permettrait de faire baisser la pression opérationnelle sur les équipage, tout en augmentant la disponibilité de la capacité aéronavale tant à la mer qu’à l’alerte.

Ainsi, il serait également possible de considérer que le second navire n’aurait pour seule fonction que de suppléer le premier lors de ses indisponibilités, ou d’en partager la charge. Présenté ainsi, les besoins en matière d’escorte supplémentaire seraient fortement réduits, voire inexistants, alors que les besoins concernant le dimensionnement du groupe aérien embarqué serait plus ou moins divisés par deux, ce qui en ramènerait les couts d’acquisition autour de 6,5 à 7 Md€, et les surcouts de fonctionnement à seulement 250 m€ par an.

Il serait même possible de réduire encore davantage ces couts, tout en augmentant la présence à la mer du second groupe aéronaval, en bâtissant une alliance opérationnelle pour sa mise en oeuvre avec d’autres pays européens susceptibles d’en fournir tout ou partie de l’escorte, une partie du groupe aérien embarqué, voire une partie de l’équipage. Des pays comme l’Italie, l’Espagne ou la Belgique pourraient y voir un intérêt évident, et se laisser séduire par une telle approche.

Conclusion

On le comprend, dès lors, la construction d’un second porte-avions de nouvelle génération, ne doit en aucun cas être exclusivement considérée comme la reproduction à l’identique de la capacité et donc des couts engagés autours du remplaçant du Charles de Gaulle, mais plutôt comme un champs riche de possibilités et d’options, qui permettrait à la France et à l’Europe de se doter d’une capacité qui ne sera détenue, au delà de 2040, que par les Etats-Unis et la Chine, à savoir de disposer en permanence d’un groupe aéronaval avec en son centre un porte-avions nucléaire lourd doté de catapultes.

L’étude qui sera menée dans les années à venir, et qui ne manquera probablement d’explorer toutes ces options, permettra précisément d’y voir clair dans ce domaine, et donc donnera aux dirigeants comme aux parlementaires, les outils pour prendre une décision plus rationnelle que dogmatique.

L’an 1 de la prochaine LPM déjà sur les rails

L’an 1 de la prochaine LPM déjà sur les rails

par – Forces opérations Blog – publié le

La prochaine loi de programmation militaire n’est pas encore promulguée que, déjà, ses effets sont visibles dans les premiers travaux budgétaires pour 2024. Ceux-ci annoncent une hausse de 3,3 Md€ du budget des armées, conformément au plan mais sur fond d’austérité. 

Chose promise, chose due : le gouvernement propose de porter les dépenses militaires à 47,2 Md€ en 2024, première marche d’une nouvelle LPM à peine adoptée. Soit une hausse de 3,3 Md€ par rapport à l’exercice en cours que les parlementaires et dont 300 M€ sont venus s’ajouter grâce aux initiatives parlementaires.

La mission Défense en ressort gagnante, situation récurrente depuis près d’une décennie. Elle n’est dépassée que par l’enseignement (+ 3,9 Md€) et précède l’écologie (+ 2,3 Md€). Ces plafonds proposés « poursuivent le réarmement des fonctions régaliennes engagé dès 2017, dans le respect des lois de programmation », souligne un rapport publié ce matin par Bercy. 

Ces crédits supplémentaires permettront de financer le soutien des équipements, le lancement de nouveau programmes d’armement ainsi que la poursuite de « l’investissement en faveur de la défense spatiale, du renseignement et de la cybersécurité », trois « patchs » majeurs de la LPM 2024-2030. 

Enfin, cette marche en hausse contribuera à l’effort d’augmentation des effectifs, fixé à 700 équivalents temps plein pour l’an prochain. La déclinaison exacte entre grands programmes et autres ajustements et nouveautés capacitaires ne sera connue que courant octobre avec la publication des bleus budgétaires. 

L’effort en faveur des armées est d’autant plus considérable qu’il s’inscrit « dans un contexte de sortie des crises sanitaire, énergétique et de l’inflation ». Exit le «  quoi qu’il en coûte », les dispositifs exceptionnels et autres mesures de soutien, l’État tente désormais de rétablir la barre des finances publiques en revenant au format pré-crises et en mettant en oeuvre des mesures d’économies. Les crédits diminueront ainsi de près de 5 Md€ par rapport à ceux octroyés pour 2023. 

Crédits image : État-major des armées.