Sociétés militaires privées : Paris s’inquiète de l’action des mercenaires français en Afrique

Sociétés militaires privées : Paris s’inquiète de l’action des mercenaires français en Afrique

L’engagement croissant d’ex-militaires français par des sociétés militaires privées en Afrique inquiète Paris. Une présence discrète mais lourde de conséquences diplomatiques et sécuritaires.

par Jean-Baptiste Leroux – armees.com – Publié le
L'engagement croissant d'ex-militaires français par des sociétés militaires privées en Afrique inquiète Paris. Une présence discrète mais lourde de conséquences diplomatiques et sécuritaires. Pixabay
L’engagement croissant d’ex-militaires français par des sociétés militaires privées en Afrique inquiète Paris. Une présence discrète mais lourde de conséquences diplomatiques et sécuritaires. Pixabay | Armees.com

Alors que la France a réduit drastiquement sa présence militaire officielle en Afrique, nombre de ses anciens soldats sont désormais employés par des sociétés militaires privées anglo-saxonnes. Une situation embarrassante pour Paris, soucieuse de se faire oublier sur le continent, mais confrontée à une réalité qui brouille son message et ravive de vieilles accusations d’ingérence.

En Afrique, une influence persistante malgré le retrait officiel

La France s’est volontairement retirée du devant de la scène militaire en Afrique, après quelques émois diplomatiques. Fini le temps des grandes bases et des opérations comme Barkhane. Paris mise désormais sur la discrétion, afin d’échapper aux accusations de néocolonialisme et aux campagnes de désinformation, en particulier celles orchestrées par la Russie et ses alliés.

Mais ce retrait a laissé un vide sécuritaire que d’autres acteurs se sont empressés de combler. Des sociétés militaires privées (SMP), surtout anglo-saxonnes, ont pris la relève, offrant leurs services aux gouvernements africains et aux entreprises. Parmi leurs employés : un nombre croissant d’ex-soldats français, appréciés pour leur expérience en terrain africain et leur maîtrise du français, atout stratégique dans la région.

Un enjeu diplomatique et sécuritaire particulièrement sensible

La présence d’anciens militaires français armés, bien que désormais civils, soulève des questions délicates. Pour beaucoup d’observateurs, ces « contractors » peuvent être perçus comme des émissaires officieux de la France, alimentant des soupçons d’ingérence. Des rumeurs persistantes évoquent même des bases secrètes ou des opérations clandestines, que les autorités françaises s’efforcent de démentir.

À Paris, cette situation est source d’inquiétude. D’autant que la législation française interdit formellement l’activité de mercenariat. La France ne dispose pas de sociétés militaires privées autorisées à combattre ou à employer des armes, contrairement aux modèles russes ou anglo-saxons. Résultat : Paris n’a aucun contrôle sur ces anciens militaires opérant à l’étranger, alors même qu’ils continuent d’incarner l’image de la puissance française.

Vers un cadre légal pour les contractors français ?

Face à cette réalité, certains militaires français plaident pour la création d’un cadre légal permettant à des entreprises françaises de sécurité d’opérer officiellement à l’étranger. Ce serait un moyen de reprendre la main sur une situation aujourd’hui incontrôlable. Mais ce débat reste sensible, tant le mot « mercenaire » est tabou dans la culture militaire française.

En attendant, des sociétés comme Bancroft, Amentum ou G4S recrutent d’anciens légionnaires, commandos ou techniciens français. Ils sont présents au Bénin, au Mali, en Côte d’Ivoire ou encore en Centrafrique. Leur engagement, bien qu’individuel, a des répercussions collectives et politiques. In fine, la France se retrouve dans une posture ambivalente, tiraillée entre son retrait officiel et l’empreinte laissée par ses vétérans.

Tension : Le Parlement français face à la guerre

par Charles Herrbach – ASSDN – publié le 30 mai 2025

https://aassdn.org/amicale/tension-le-parlement-francais-face-a-la-guerre/


Dans une démocratie confrontée à la guerre, le Parlement français doit conjuguer principes démocratiques et efficacité militaire. Mais quelle place occupe-t-il vraiment face à l’urgence stratégique et présidentielle ?

Le retour de la guerre en Ukraine a favorisé, depuis trois ans, les postures et discours polémologiques au cœur de nos institutions. Voici désormais nos systèmes démocratiques confrontés à des enjeux militaires et stratégiques avec, comme point névralgique, un défi de taille : celui d’assurer la continuité de la vie démocratique dans un contexte dominé par la violence, le tragique et le brouillard stratégique.

En cas de guerre, il revient aux dirigeants d’opérer la difficile conciliation entre état de droit et état de guerre, entre principes démocratiques et efficacité opérationnelle. Ce dilemme trouve une acuité particulière dans le régime de la Ve République, dominé par le Président, garant de la continuité des institutions et donc de la vie démocratique, et par le Parlement, expression de la souveraineté nationale et populaire, et à qui revient de contrôler l’action de l’exécutif.

Or, par définition, la guerre et, accessoirement, l’ennemi (sûrement peu soucieux du respect de l’état de droit) imposent un rythme auquel la vie politique et parlementaire est peu coutumière, davantage façonnée par les lenteurs inhérentes au processus législatif et par les querelles partisanes. Quel est alors le rôle des députés et sénateurs en cas d’engagement de la France dans un conflit majeur ?

Le Parlement est responsable du budget

La Constitution du 4 octobre 1958 confère un rôle central au Président de la République : chef des armées (article 15), titulaire des pouvoirs exceptionnels en cas de crise (article 16), il incarne la clé de voûte de la politique de Défense. À lui reviennent l’orientation stratégique, les nominations militaires, la décision d’engagement de troupes à l’étranger, ou encore la mise en œuvre d’une économie de guerre mobilisant citoyens et appareil industriel.

Dans les faits, le Parlement exerce avant tout une fonction budgétaire : il vote les lois de programmation militaire (LPM), qui déterminent, sur six ans, le niveau et l’affectation des crédits alloués à la défense (413 milliards d’euros pour 2024-2030). La LPM traduit donc dans le budget dans la loi les ambitions, et parfois les sacrifices ou renoncements, du pays dans sa politique de Défense : de la fermeture de casernes à la commande du porte-avions de Nouvelle Génération, de la commande de nouveaux canons Caesar aux investissements dans le spatial militaire.

Le Parlement a donc une responsabilité de premier plan dans le dimensionnement ou la réduction de nos armées et de leurs moyens afin de répondre aux objectifs opérationnels.

Un contrôle théoriquement étendu…

Toutefois, lorsque survient la guerre, la Constitution prévoit l’activation de l’article 35, révisé en 2008 sous la présidence de Nicolas Sarkozy (2007 – 2012). Il prévoit que :

  • le Parlement autorise toute déclaration de guerre ;
  • il est informé dans les trois jours de toute intervention extérieure, pour un débat sans vote ;
  • au-delà de quatre mois, l’autorisation parlementaire est requise pour prolonger l’opération, avec un pouvoir de décision ultime confié à l’Assemblée nationale.

Il est notable que la notion même de « guerre » a quasiment disparu au profit du concept d’interventions militaires extérieures ou à l’étranger, appelées communément OPEX. La raison principale en est que le Préambule de la Constitution (à valeur constitutionnelle depuis 1971) prohibe toute « guerre dans des vues de conquête » et tout emploi des forces « contre la liberté d’aucun peuple ».

Ce mécanisme de l’article 35 vise à corriger l’ancienne doctrine, fruit d’une interprétation extensive des prérogatives présidentielles en matière de défense (confortée par la jurisprudence du Conseil constitutionnel et la pratique politique), qui laissait à l’exécutif une liberté quasi absolue dans ce domaine « réservé », sans obligation d’information ni de contrôle du Parlement.

En pratique, cette révision de 2008 marque un tournant : depuis lors, les interventions en Afghanistan (2008), Libye (2011), Mali (2013), Centrafrique (2013), Irak (2014) et Syrie (2018) ont toutes donné lieu à des informations au Parlement, parfois suivies de votes qui, en période de fait majoritaire, ont toujours donné lieu à un large consensus, suscitant des critiques évidentes de la part des oppositions.

…mais en réalité limité et critiqué !

Les accusations sont en effet récurrentes à l’encontre des votes de prolongation, régulièrement interprétés comme un blanc-seing sans limites de durée, d’espace ni d’objectifs. Sont ainsi pointés du doigt des débats perçus comme formels et minimalistes, la pauvreté des informations délivrées au Parlement, le difficile accès aux éléments classifiés, tout comme l’invocation du secret-défense qui permet d’éviter le contrôle institutionnel.

Par ailleurs, certaines opérations, ponctuelles et limitées (Kolwezi en 1978, Hamilton en 2018), échappent à toute procédure parlementaire, tout comme celles menées sous mandat onusien (guerre du Golfe, Bosnie, Libye) qui relèvent du cadre multilatéral, marginalisant le débat national. Même les opérations de défense des territoires ultramarins (comme la guerre des Malouines/Falklands en 1982) pourraient, en cas de crise dans les Outre-mer (Nouvelle-Calédonie, par exemple), échapper à la qualification d’OPEX et relever exclusivement du pouvoir exécutif sans pouvoir de contrôle relevant de l’article 35.

Enfin, dans l’hypothèse la plus dramatique — une agression extérieure directe — le recours à l’article 16 réduirait le Parlement à un rôle minimal, sous l’effet des pouvoirs exceptionnels du Président (article appliqué une seule fois par le général de Gaulle du 23 avril au 29 septembre 1961, après la tentative de putsch des généraux en pendant la guerre d’Algérie).

Certains modèles, allemand ou anglo-saxons, prévoient les mêmes mécanismes avec parfois des pouvoirs étendus au bénéfice des commissions permanentes : celles-ci disposent alors de véritables pouvoirs d’enquête, d’accès à l’information classifiée, et peuvent évaluer les objectifs, les coûts, et les issues politiques des opérations, faisant régulièrement rêver les oppositions en hémicycle…

Conclusion

Ainsi, la guerre impose son rythme, ses urgences et parfois ses opacités, et le Parlement en est parfois relégué au rang de spectateur, bien qu’une responsabilité colossale pèse sur ses épaules dans la trajectoire financière de nos Armées, car c’est bien celle-ci qui inscrit dans la durée la vision que la Nation porte sur sa propre sécurité.

Au-delà de ces pouvoirs prévus par la constitution, les parlementaires assument parfois autrement leur responsabilité : c’est ce que nous rappellent les monuments aux morts de la salle des Quatre Colonnes de l’Assemblée nationale, avec le nom des 28 députés morts pour la France au cours des deux guerres mondiales.

Charles Herrbach
Revue Conflits
21 mai 2025

Source photo : Revue Conflits

Vétérans ?

Vétérans ?

https://www.asafrance.fr/veterans/


Un parti politique français  a récemment présenté une proposition de loi  pour faire reconnaître le statut de « Vétéran ».

Le texte vise à introduire dans le droit français une notion en vigueur dans le monde anglo-saxon, notamment aux États-Unis.

 

 

 

 

L’objectif affiché est de favoriser le renforcement des liens entre les anciens militaires et leur institution en accordant à ces derniers des droits supplémentaires.

La proposition reprend une motion qui avait été débattue sans vote au CSFM (Conseil supérieur de  la fonction militaire) en 2018.

L’annonce a suscité un intérêt indéniable dans le monde combattant.

Il n’est pas dans le rôle de l’ASAF de s’impliquer dans le soutien à une proposition politique. Mais il est de son rôle et de sa responsabilité d’examiner les idées pouvant concourir à la volonté de défense  et à l’organisation de défense.

Le texte va être mis à l’examen du comité stratégique de l’ASAF pour analyser la pertinence du mot « vétéran »  dans notre  vocabulaire et notre histoire et pour peser les conséquences juridiques et financières d’un tel projet.

GCA (2S) Robert MEILLE
Vice-président de l’ASAF
02/04/2025


Lire la proposition ici : 

Proposition de loi n°1075 visant à créer un statut de vétérans des armées

Le 3e Régiment du Génie a ajouté près de 4 tonnes de protections supplémentaires à ses blindés Griffon

Le 3e Régiment du Génie a ajouté près de 4 tonnes de protections supplémentaires à ses blindés Griffon

https://www.opex360.com/2025/03/24/le-3e-regiment-du-genie-a-ajoute-pres-de-4-tonnes-de-protections-supplementaires-a-ses-blindes-griffon/


Selon l’armée de Terre, le Véhicule blindé multirôle [VBMR] Griffon offre une meilleure protection aux combattants grâce à un « blindage plus performant » que celui du Véhicule de l’avant blindé [VAB], à un tourelleau téléopéré et à des « capteurs de dernière génération ». Aussi, son poids total autorisé en charge [PTAC] est de 24,5 tonnes, pour une motorisation de 400 ch lui permettant de rouler à la vitesse maximale de 90 km/h.

Dotée d’un treuil à l’avant, d’un crochet de remorquage et de modules propres aux missions assurées par les sapeurs [appui à la mobilité et au déploiement, déminage, contre-mobilité, etc.], la version « Génie » du Griffon a été présentée à l’École du Génie d’Angers, en septembre 2020. En réalité, il ne s’agissait encore que d’un prototype, conçu en tenant compte des observations faites quatre ans plus tôt par un groupe de combat du 31e Régiment du Génie [RG].

« Le projet a ainsi intégré pour la première fois ces sapeurs pour qu’ils apportent leur vision ‘terrain’ aux concepteurs et industriel concernés. Faire participer les soldats à la création des équipements permet à l’armée de Terre de disposer de matériels modernes, performants, en phase avec les réalités du terrain et les besoins des hommes », avait expliqué l’armée de Terre, à l’époque.

Le premier Griffon « Génie » fut ensuite présenté à la Direction générale de l’armement [DGA] pour des « opérations de vérification » en septembre 2021. Puis, les livraisons purent commencer.

Cependant, ces blindés sont-ils suffisamment protégés ? La question peut se poser après que, via le réseau social Facebook, le 3e RG a indiqué qu’il venait d’ajouter des protections supplémentaires à six d’entre eux, sans en préciser la raison.

« Nos maintenanciers ont réalisé le montage du blindage de nos Griffon, ajoutant près de 4 tonnes de protection par véhicule », a ainsi affirmé le 3e RG, après avoir salué un « travail d’équipe exemplaire ».

En effet, ce « défi », relevé avec l’appui de l’atelier ROUE et du 8e Régiment du Matériel [RMAT], a nécessité 1 520 heures de travail [soit 63 jours en continu]. Il a consisté à renforcer les portières et les flancs des Griffon concernés. Ces derniers, « désormais prêts pour les missions, portent fièrement leurs noms historiques : Sedan, Rocroy, Sébastopol, Chevalier Bayard, Capitaine Pigouche, Alger 1830 », a conclu le 3e RG. À noter que ces VBMR seront déployés en Roumanie, dans le cadre de la mission Aigle, conduite sous l’égide de l’Otan.

Reste à voir si cette masse supplémentaire ne va pas exercer trop de contraintes sur certains composants mécaniques de ces Griffon [embrayage, freins, suspension, etc.], comme cela a pu être le cas pour d’autres engins, comme le Véhicule blindé léger [VBL]

Photo : Griffon dotés d’un kit de protection supplémentaire, à Mourmelon – 3e RG / armée de Terre

En Côte d’Ivoire, l’armée française prépare un départ en douceur

En Côte d’Ivoire, l’armée française prépare un départ en douceur

Un soldat ivoirien à l’entrée du  43e BIMA, le 11 février.  Photo by Issouf SANOGO / AFP

 

Le 20 février, le camp militaire de Port-Bouët, près d’Abidjan, sera officiellement rétrocédé par la France à la Côte d’Ivoire, conformément à la politique de réaménagement du dispositif militaire français en Afrique.

Le ministre français de la Défense Sébastien Lecornu est attendu à Abidjan pour cette cérémonie aux côtés de son homologue ivoirien, Téné Birahima Ouattara.

Le 43e bataillon d’infanterie de marine (43e BIMa) deviendra le camp Thomas d’Aquin Ouattara, du nom du premier chef d’État-major de l’armée ivoirienne dont le portrait est prêt à être dévoilé le jour J sur la façade du poste de commandement. Le 43e BIMa s’est installé en 1978 sur cette base stratégique, située à proximité de l’aéroport d’Abidjan, mais la présence militaire française remonte à l’époque coloniale.

Le retrait français s’opérera progressivement au cours de l’année 2025.

Un instructeur français lors d’une séance de tir avec des soldats ivoiriens Photo by Issouf SANOGO / AFP

Depuis quelques semaines, une petite centaine de parachutistes ivoiriens ont même déjà pris leurs quartiers sur place. « Nous effectuons quotidiennement de l’entraînement au combat, des activités de cohésion avec nos partenaires français. La cohabitation est très bonne », assure le capitaine Ange Yoboué Kouamé, chef du détachement des parachutistes. Sur le stand de tir, l’adjudant-chef français Frédéric supervise l’une des premières séances de l’armée ivoirienne sur place. « On est juste là avec deux moniteurs pour les conseiller, les appuyer. Par la suite, ils seront autonomes », explique t-il. Toutefois une petite centaine de soldats français va se maintenir pour des missions de formation et d’accompagnement, la rétrocession du camp de 230 hectares permettant à la Côte d’Ivoire de former davantage de troupes sur place.

Les forces françaises s’apprêtent à rétrocéder la base de Port-Bouët à l’armée ivoirienne et à quitter le Sénégal

Les forces françaises s’apprêtent à rétrocéder la base de Port-Bouët à l’armée ivoirienne et à quitter le Sénégal


En février 2023, alors que les forces françaises venaient de mettre un terme à leur présence en Centrafrique et d’achever leur retrait du Mali avant d’en faire autant au Burkina Faso, le président Macron annonça que la France allait mettre en œuvre une nouvelle stratégie pour l’Afrique, laquelle devait se traduire par une « diminution visible » de son dispositif militaire ainsi que par la mise en place de partenariats impliquant une « montée en puissance » des forces africaines.

Depuis, à la suite d’un putsch, le Niger a dénoncé les accords militaires qu’il avait scellés avec la France… Et le Tchad en a récemment fait autant. En outre, le Sénégal n’est pas loin de suivre le mouvement. Et cela malgré les récentes annonces sur les réductions, drastiques, des effectifs des forces français prépositionnées en Afrique, ceux-ci devant passer de 2 300 à seulement 600 militaires [300 au Tchad, 100 au Gabon, 100 en Côte d’Ivoire et 100 au Sénégal].

Lors d’une audition parlementaire, en janvier 2024, le chef d’état-major des armées [CEMA], le général Thierry Burkhard, avait justifié cette évolution.

« Nous avons des bases au Sénégal, au Tchad, en Côte d’Ivoire et au Gabon. Elles sont installées dans les capitales, et même parfois enclavées dans des aires urbaines en expansion. Leur empreinte et leur visibilité sont devenues difficiles à gérer. Nous devrons sans doute modifier notre schéma d’implantation pour réduire nos vulnérabilités » selon la formule « moins posé, moins exposé », avait-il dit.

Cependant, les enjeux sécuritaires, comme le terrorisme, les trafics et la compétition stratégique avec la Russie, la Chine, la Turquie ou encore l’Iran, n’ayant pas disparu, le CEMA avait défendu la nécessité de garder des « relations avec les autorités militaires locales » et de « garantir des accès stratégiques par voie maritime et aérienne ».

Lors de sa visite aux armées à Djibouti, le 20 décembre, le président Macron a soutenu qu’une telle évolution était nécessaire.

« Notre rôle change en Afrique […] parce que le monde change en Afrique, parce que les opinions publiques changent, parce que les gouvernements changent » et [aussi] « parce que nous avons décidé de manière souveraine en février 2023, après plusieurs années de changement progressif, de rebâtir un partenariat qui repose sur des partenaires respectés », « vis-à-vis desquels nous devons aider à la formation, à l’équipement, en renseignement, pour des opérations spécifiques », a en effet affirmé M. Macron.

Et d’ajouter qu’il fallait « changer la logique qui était la nôtre dans trop de pays » avec « des bases installées, pléthoriques, permanentes, qui nourrissaient des ambiguïtés ».

D’où l’annonce faite par le président ivoirien, Alassane Ouattara, le 31 décembre. « Nous pouvons être fiers de notre armée dont la modernisation est désormais effective. C’est dans ce cadre que nous avons décidé du retrait concerté et organisé des forces françaises en Côte d’Ivoire », a-t-il déclaré. « Ainsi, le camp du 43e BIMA, le bataillon d’infanterie de marine de Port-Bouët, sera rétrocédé aux forces armées de Côte d’Ivoire dès ce mois de janvier 2025 », a-t-il continué.

Une fois qu’il aura été rétrocédé, le camp de Port-Bouët sera baptisé du nom du général Thomas d’Aquin Ouattara, qui fut le premier chef d’état-major des armées ivoiriennes.

Pour rappel, à la suite du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale [LBDSN] de 2008, il avait été décidé de ne conserver que deux bases permanentes en Afrique, à savoir une au Gabon et une autre à Djibouti. Aussi, le 43e BIMa avait été dissous en 2009. Puis, après l’intervention au Mali, en 2013, Jean-Yves Le Drian, alors ministre de la Défense, revint sur cette décision et annonça la création des « Forces françaises en Côte d’Ivoire » [FFCI]. Ce qui était logique, Port-Bouët offrant l’avantage de donner l’accès à un aéroport et à un port en eaux profondes. Et cela dans le cadre d’un accord de défense révisé en 2012 et ratifié deux ans plus tard.

Quoi qu’il en soit, l’annonce de M. Ouattara ne met pas un terme à la coopération militaire entre les forces françaises et ivoiriennes. En novembre, l’armée de l’Air & de l’Espace a ainsi déployé une dizaine d’aéronefs en Côte d’Ivoire [A400M, Casa CN-235, C-130J, ALSR « Vador », hélicoptère Fennec, A330 MRTT et un 3 Mirage 2000D] pour prendre part à un exercice aéroterrestre organisé au profit des troupes aéroportées ivoiriennes.

Par ailleurs, les Éléments français au Sénégal, dont l’effectif devait être réduit à 100 militaires, devraient prochainement disparaître.

Dans un discours prononcé à l’occasion du Nouvel An, le président sénégalais, Bassirou Diomaye Faye, a en effet dit avoir « instruit le ministre des Forces armées de proposer une nouvelle doctrine de coopération en matière de défense et de sécurité, impliquant, entre autres conséquences, la fin de toutes les présences militaires de pays étrangers au Sénégal, dès 2025 ». Et de promettre que « tous les amis du Sénégal seront traités comme des partenaires stratégiques, dans le cadre d’une coopération ouverte, diversifiée et décomplexée »

Photo : Ministère des Armées

Le Tchad veut un désengagement militaire français beaucoup plus rapide (actualisé)

Le Tchad veut un désengagement militaire français beaucoup plus rapide (actualisé)

Au Tchad, où la campagne électorale pour les élections législatives et locales prévues le 29 décembre bat son plein, les autorités veulent accélérer le départ des forces françaises.

Selon mon confrère Franck Alexandre, de RFI, des sources proches du gouvernement français indiquent que Paris a bien reçu, jeudi soir 19 décembre, une demande pour un départ de tous les soldats français avant le 31 janvier prochain. Information que RFI a pu confirmer côté tchadien.

« La négociation est toujours en cours », assurent les militaires français cités par mon confrère. Les discussions seraient « techniques, mais se passent bien », précisent-ils. Même son de cloche apparemment à Ndjamena où l’on insiste sur la qualité du partenariat. « La situation n’a rien à voir avec les pays de l’AES », souligne une source proche des autorités tchadiennes, ajoutant qu’un premier calendrier de retrait s’étalant jusqu’en mars a été refusé, car jugé trop long.

« On veut montrer que le désengagement est bien en cours », ont déclaré de hauts responsables militaires français qui confirment aussi que les relèves prévues ont été annulées et le matériel des unités arrivantes a été rappelé en métropole. D’où le départ le 10 décembre du détachement chasse dont les Mirage 2000 stationnaient sur la base aérienne de Ndjamena. D’où aussi l’évacuation en cours des emprises françaises de Faya-Largeau (50 soldats) et d’Abéché (une centaine d’hommes). Deux bases lointaines, à dix jours de piste.

Il faudra ensuite s’occuper du camp Kossei.

Après les redéploiements français du Sahel (du Mali en particulier), les forces françaises ont éprouvé leurs procédures et maîtrisent les étapes des sorties de théâtre. Ce qui ne signifie pas que ce type d’opération est sans risques et sans surprises.

Une partie de matériel prendra certainement la route maritime pour regagner la métropole. Des ports du Cameroun pourraient être utilisés. A moins que les infrastructures portuaires de la Guinée Equatoriale, notamment le port de Bata, ne puissent aussi servir pour ce transit.

Actualisation
Ce vendredi, « 120 soldats français ont décollé de l’aéroport militaire de N’Djamena à bord d’un Airbus A330 Phoenix MRTT, à destination de la France », selon un communiqué publié sur la page Facebook du ministère tchadien des Armées. Interrogée par l’AFP à Paris, l’armée française n’a pas commenté cette annonce. Mais des photos du départ de ces soldats circulent sur les réseaux sociaux:

 

De 2300 à 600: le rapport sur la reconfiguration du dispositif militaire français en Afrique présenté à Macron

De 2300 à 600: le rapport sur la reconfiguration du dispositif militaire français en Afrique présenté à Macron

A Gao, au Mali en novembre 2021. Photo P. CHAPLEAU

 

Personne n’a oublié qu’en février 2023, le président français Emmanuel Macron a annoncé une prochaine « diminution visible » des effectifs militaires français en Afrique. Un an plus tard, on apprenait que Jean-Marie Bockel, éphémère ministre de la Coopération de l’ancien président Nicolas Sarkozy en 2007, était chargé d’une mission sur la reconfiguration du dispositif militaire français en Afrique.

Il était alors prévu qu’un rapport serait remis au Président à la mi-juillet 2024.

Lundi, Jean-Marie Bockel a remis au président français son rapport sur la reconfiguration du dispositif militaire français en Afrique, a annoncé l’Elysée. Ce rapport prône un partenariat « renouvelé » et « coconstruit ».

« Les recommandations s’inscrivent dans la volonté de mise en œuvre d’un partenariat de défense renouvelé, répondant aux besoins exprimés par nos partenaires, et coconstruit avec eux, dans le plein respect de leur souveraineté », a ajouté la présidence sans commenter les constats et les recommandations. L’AFP précise d’ailleurs en ce 26 novembre que le plan de réduction « ne devrait pas faire l’objet d’annonces formelles ».

La mission de l’ancien secrétaire d’Etat à la Coopération sous l’ancien président Nicolas Sarkozy concernait les quatre pays où sont implantées des bases militaires françaises sur le continent, hors celle de Djibouti. Ces quatre pays sont le Sénégal, la Côte d’Ivoire, le Tchad et le Gabon. Au début de l’été dernier, deux sources proches de l’exécutif et une source militaire avaient confié à l’AFP que le projet visait à conserver une centaine de militaires au Gabon (contre 350 alors), autant au Sénégal (contre 350) et en Côte d’Ivoire (600 auparavant) ainsi que quelque 300 au Tchad (contre 1000). Soit un passage de 2300 militaires des forces prépositionnées à 600, volume qui constituera peut-être le « dispositif socle » dont parlait Jean-Marie Bockel, il y a quelques jours sur France24.

A noter qu’en avril 2024, la commission de la défense nationale et des forces armées de l’Assemblée nationale a tenu à prendre part à la réflexion sur l’avenir de la politique française de défense en Afrique en organisant, à partir du mois de novembre 2023, un large cycle d’auditions sur les mutations stratégiques du continent. Son Rapport d’information n°2461 est à lire ici.

Afrique : le rapport sur la reconfiguration du dispositif militaire français présenté à Macron

Afrique : le rapport sur la reconfiguration du dispositif militaire français présenté à Macron

https://www.lefigaro.fr/international/afrique-le-rapport-sur-la-reconfiguration-du-dispositif-militaire-francais-presente-a-macron-20241125


Des soldats français au Tchad, en 2022.

Des soldats français au Tchad, en 2022. AURELIE BAZZARA-KIBANGULA / AFP

 

Les nouvelles modalités de la présence militaire française en Afrique prévoient une réduction significative pour ne conserver qu’un détachement de liaison permanent.

L’envoyé personnel d’Emmanuel Macron en Afrique, Jean-Marie Bockel, a remis lundi au président français son rapport sur la reconfiguration du dispositif militaire français en Afrique, qui prône un partenariat «renouvelé» et «coconstruit», a annoncé l’Élysée. «Les recommandations s’inscrivent dans la volonté de mise en œuvre d’un partenariat de défense renouvelé, répondant aux besoins exprimés par nos partenaires, et coconstruit avec eux, dans le plein respect de leur souveraineté», ajoute la présidence.

La mission de l’ancien secrétaire d’État à la Coopération sous l’ancien président Nicolas Sarkozy concernait les quatre pays où sont implantées des bases militaires françaises sur le continent, hors celle de Djibouti: Sénégal, Côte d’Ivoire, Tchad et Gabon.

Abaisser les forces prépositionnées

Contrairement aux autres pays où il s’est entretenu tant avec les autorités qu’avec des représentants de la société civile, Jean-Marie Bockel n’a pas pu se rendre à Dakar et émettre des recommandations concernant le Sénégal, en raison des élections présidentielles et législatives qui s’y sont déroulées ces derniers mois. Selon le plan envisagé par l’exécutif et qui ne devrait pas faire l’objet d’annonces formelles, la France prévoit d’abaisser les forces prépositionnées dont elle dispose sur ses emprises militaires.

Le 6 novembre, Jean-Marie Bockel avait confirmé, lors d’une audition devant les députés de la commission de la Défense, la réduction de voilure sans dévoiler de chiffres, arguant alors que les données étaient classifiées. Au début de l’été, deux sources proches de l’exécutif et une source militaire avaient confié à l’AFP que le projet visait à conserver une centaine de militaires au Gabon (contre 350 alors), autant au Sénégal (contre 350) et en Côte d’Ivoire (600 auparavant) ainsi que quelque 300 au Tchad (contre 1000).

Les nouvelles modalités de la présence militaire française en Afrique prévoient une réduction significative pour ne conserver qu’un détachement de liaison permanent et dans le même temps d’adapter l’offre de coopération militaire aux besoins exprimés par ces pays, explique-t-on à Paris.

Une militaire française, servant au 121e régiment du train de Montlhéry, meurt durant une mission au Liban

Une militaire française, servant au 121e régiment du train de Montlhéry, meurt durant une mission au Liban

La maréchal des logis Fany Claudin, rattachée au 121ᵉ régiment du train de Montlhéry, est décédée vendredi lors d’un accident de la route durant une mission d’escorte au Liban.

La maréchal des logis Fany Claudin s'est engagée le 4 février 2020 au 121ᵉ régiment du Train. Ce dernier fait part de son
La maréchal des logis Fany Claudin s’est engagée le 4 février 2020 au 121ᵉ régiment du Train. Ce dernier fait part de son « immense tristesse » à l’annonce de son décès lors d’un accident de la circulation survenu le 15 novembre sur la route côtière au nord de Naqoura au Liban. (©X / 121ᵉ régiment du Train)


L’annonce a été faite par le ministère des Armées. Vendredi 15 novembre 2024, la maréchal des logis Fany Claudin, servant au 121ᵉ régiment du train de Montlhéry (Essonne), est décédée dans un accident de la route lors d’une mission d’escorte de convoi au Liban. Elle avait 23 ans.

Elle assurait une mission d’escorte de convoi logistique

Arrivée au pays du cèdre au début du mois de novembre, la militaire française née à Annemasse (Haute-Savoie) était déployée au sein de la Force intérimaire des nations unies au Liban (Finul) dans le cadre de l’opération Daman, destinée à préparer le retour des populations déplacées par la guerre dans le Sud-Liban.

Elle assurait une mission opérationnelle d’escorte de convoi logistique entre Dayr Kifa et Naqoura lorsque l’accident qui lui coûta la vie s’est produit.

« Malgré une prise en charge rapide par un médecin de la Finul, l’équipe médicale n’a pu que constater le décès du maréchal des logis Claudin », précise le communiqué du ministère des Armées.

Le chef d’état-major des Armées fait part de « grande tristesse »

« Je m’associe à la douleur de sa famille, ses proches et ses frères d’armes du 121ᵉ régiment du train et les assure du soutien des armées françaises », écrit sur X le chef d’état-major des Armées Thierry Burkhard faisant part de sa « grande tristesse » à l’annonce du décès accidentel de la maréchal des logis Fany Claudin.

« Elle contribuait quotidiennement au soutien de la force œuvrant au retour de la paix », ajoute-t-il.

Selon l’Armée de Terre, la jeune militaire était en couple, sans enfant.

Plusieurs de ses camarades ont été blessés dans l’accident

De son côté, le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, partage sur X, sa « vive émotion en apprenant le décès de la maréchal des logis Fany Claudin ».

« Nos pensées vont à sa famille, ses frères d’armes et ses camarades blessés dans l’accident. Ainsi qu’à l’ensemble des 700 militaires français qui œuvrent, au sein de la Finul pour la désescalade au Sud-Liban », poursuit-il.

« Tous les agents de l’État en Essonne s’associent à la peine de ses proches et de ses frères d’armes », déclare, sur X, la préfète de l’Essonne, faisant également part de sa « vive émotion » à l’annonce du décès de la militaire française.

Une militaire qui a fait preuve d’un « dévouement permanent »

Dans une biographie publiée sur Facebook, l’Armée de Terre décrit Fany Claudin comme un « élément prometteur aux yeux de ses chefs » qui «se distingue par son dynamisme, sa camaraderie, et montre de réelles aptitudes au commandement ».

Avant d’être déployée au Liban, la militaire française avait été projetée au Niger d’octobre 2022 à février 2023, au sein du groupement tactique désert logistique « Jura ». Elle y fit preuve « d’un dévouement permanent en s’investissant quotidiennement dans sa mission » selon l’Armée de Terre.

Fany Claudin avait obtenu en avril dernier son brevet militaire n° 1 avec des « résultats remarquables ».

En quelques années de service, la maréchal des logis avait obtenu plusieurs décorations : la croix du combattant, la médaille d’outre-mer avec agrafe « Sahel », la médaille de la protection militaire du territoire avec agrafe « Sentinelle » et la médaille de bronze de la défense nationale.

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