Le « Projet 2025 » : les démocrates l’adorent, les républicains l’ignorent

Le « Projet 2025 » : les démocrates l’adorent, les républicains l’ignorent

par Alexandre Mendel – Revue Conflits – publié le 28 août 2024

https://www.revueconflits.com/le-projet-2025-les-democrates-ladorent-les-republicains-lignorent/


Écrit sous l’égide de la très conservatrice Heritage Foundation, ce texte de plus de 900 pages, prévoit un plan d’action pour le futur mandat de Trump, sur une ligne dure et ultradroitière. La gauche américaine dénonce un fascisme rampant. Les républicains font mine de ne pas être au courant.

Observateur avisé des États-Unis, qu’il ne cesse de parcourir dans ses espaces ruraux comme urbains, Alexandre Mendel livre chaque semaine, en exclusivité pour Conflits, une « Lettre d’Amérique » pour décrypter les élections en cours.

C’est devenu un classique des meetings démocrates. Casquette Make America Great Again sur la tête, perruque blonde et cravate rouge portée trop longue, un sosie de Donald Trump est toujours présent pour égayer les supporters de Kamala Harris. Devant le gigantesque United Center de Chicago, où se tenait la convention démocrate la semaine dernière, un jumeau mal dégrossi du milliardaire signait d’immenses livres, aux tranches aussi épaisses que la liste des élus qui ont sacrifié Joe Biden quelques semaines auparavant. « Venez chercher votre Projet 2025 dédicacé ! » : la blague fait référence à un document intitulé Project 2025, long de 920 pages et dont le titre a dû être répété, pendant les trois jours de ce grand raout, une bonne centaine de fois par les personnalités invitées à prendre la parole devant plus de 5 000 délégués du parti.

La marque du complot

Si bien que Project 2025 est devenu une marque : celle du complot pour la gauche qui voit dans ce grimoire conservateur une feuille de route pour l’installation du fascisme en Amérique, et celle de l’embarras pour les trumpistes qui jurent, la main sur le cœur, qu’ils n’ont rien à voir avec ce mode d’emploi à destination des conservateurs. Aucun doute que Kamala Harris reprendra, face à Donald Trump, le 10 septembre prochain (si le débat est maintenu)  les arguments de la presse libérale américaine. À savoir que Donald Trump a puisé dans les propositions du Project 2025 pour nourrir son Agenda 47, le nom de son programme officiel. Mais que le véritable projet présidentiel du républicain, c’est tout le Project 2025.

« Sauver le pays de l’emprise de la gauche radicale. »

Comme souvent aux États-Unis (bipartisme aidant), les versions des deux camps sont très exagérées. Donald Trump était certes parfaitement au courant de l’existence de ce document et ses dénégations actuelles ne tiennent pas la route. Pour autant, les trumpistes, tout fascinés qu’ils puissent être parfois par l’autorité, et même par les régimes autoritaires, ne sont pas en train d’installer secrètement une dictature en Amérique. Les rédacteurs du Project 2025 sont bien connus des républicains. Ils n’ont rien d’illuminé se réunissant en secret pour fomenter un coup d’État : beaucoup d’entre eux ont travaillé dans l’administration Trump du temps où il était président et ce ne sont pas eux qui ont pu prévenir deux impeachments et une défaite.  Mais quand Trump affirme, sur son réseau Truth Social, qu’il « n’a aucune idée de qui se trouve derrière Project 2025 », il ment, d’autant qu’il dîne régulièrement avec ses auteurs qui ne font pas qu’écrire puisqu’ils sont aussi doués en matière de levée de fonds… pour sa campagne ! Parmi les auteurs, figurent l’ancien chef de cabinet de la Maison-Blanche, Mark Meadows ou encore Stephen Miller, conseiller principal de Trump.

L’Heritage Foundation, think tank à l’origine de ce sulfureux pavé édite, depuis le premier mandat de Ronald Reagan, ces mémentos, faits de recommandations, à destination des républicains, à un rythme d’à peu près tous les deux ou trois ans. Leur objectif est écrit noir sur blanc : « Sauver le pays de l’emprise de la gauche radicale. » La différence, cette fois-ci, est que le Project 2025 semble être taillé sur mesure pour Trump s’il advenait qu’il soit élu. Ce pavé fait mention de Trump plus d’une centaine de fois. Surtout, il consacre certains thèmes chers au candidat républicain qui promet, en meeting et en interview, « d’être un dictateur le premier jour ». Ainsi, l’Heritage Foundation ne fait pas mystère de ses intentions en suggérant d’en finir avec la toute-puissance de l’État, un thème classique chez les républicains, mais qui ici prend une dimension très régalienne, à rebours de la tradition américaine. Il est ainsi prévu de « démanteler le gouvernement fédéral » par la mise en œuvre « d’une expansion radicale du pouvoir présidentiel sur l’appareil gouvernemental » sur une transition de 180 jours baptisée « manuel de jeu ». Concrètement cela consisterait à regrouper toutes les agences fédérales (FBI et CIA par exemple) sous l’unique responsabilité de l’exécutif, c’est-à-dire sous celle de Trump. Pour se justifier, les rédacteurs du texte interprètent l’article 2 de la Constitution américaine qui dispose que le pouvoir exécutif du pays « est dévolu au président ». C’est la théorie de « l’exécutif unitaire » qui écarte le Congrès dans le contrôle des agences fédérales et des nominations des hauts fonctionnaires les dirigeant.

Le Project 2025 va encore plus loin en permettant une sorte de chasse aux sorcières avec tests de loyauté des futurs fonctionnaires ou encore création d’une académie présidentielle pour former les nouveaux cadres du trumpisme amenés à rester à Washington bien après l’expiration d’un deuxième mandat de Trump. De tout cela, bien sûr, il n’est pas question dans l’Agenda 47. Trump lui-même parle de « bêtise abyssale », mais le mal est fait : en l’associant si fortement au candidat républicain, les démocrates en ont fait un repoussoir, voter pour Trump, c’est directement s’attaquer à la démocratie.

Et s’il n’y avait que ça ! À la recherche du soutien crucial des suburban women (les femmes de banlieue), Donald Trump qui tente de donner des gages à ce segment de l’électorat doit également s’expliquer sur la partie « famille » du Project 2025 qui prévoit que toutes les grossesses doivent être menées à terme, même en cas de danger de mort pour la mère ou que le mariage hétérosexuel est la seule forme d’union possible. Un peu beaucoup pour un candidat qui a promis, à la grande déception des évangéliques, de « garantir les droits reproductifs des femmes », allant jusqu’à utiliser cette terminologie démocrate qui horripile tant les conservateurs.

Le parcours de l’adjudant Eric Comyn, tué par un délinquant routier récidiviste à Mougins

Le parcours de l’adjudant Eric Comyn, tué par un délinquant routier récidiviste à Mougins


 

L’adjudant de Gendarmerie Eric Comyn, a été tué par un chauffard ayant refusé d’obtempérer ce lundi soir à Mougins (Alpes-Maritimes). Son parcours militaire.

Sur le même sujet : Un gendarme tué lors d’un refus d’obtempérer à Mougins (06), le chauffard en fuite interpellé (actualisé avec réactions et précisions)

Né le 30 avril 1970 à Paris, Eric Comyn a effectué son service militaire dans la Marine nationale. Il a ensuite choisi de rentrer dans la Gendarmerie. Formé à l’école de Gendarmerie de Le Mans qu’il a intégrée le 11 janvier 1994, il a débuté son parcours le 9 janvier 1995 à l’escadron de gendarmerie mobile de Revigny-sur-Ornain (55). Il y restera jusqu’en septembre 1998, date de son affectation à l’escadron de gendarmerie mobile de Lure (70). 

En juin 2021, il effectue son changement de subdivision d’arme (CSA) et rejoint la brigade territoriale de Le Luc (83). C’est le 1er juillet 2007, qu’il intègre comme piéton le peloton d’autoroute de Mandelieu-la-Napoule, devenu le peloton motorisé. Il y est nommé au grade de maréchal des logis-chef en 2022 puis adjudant en 2024.

L’adjudant Comyn était à quelques mois de sa retraite et envisageait de rejoindre la réserve opérationnelle.

Il était notamment titulaire de la médaille de la Défense national échelon or, et de la médaille du protection du territoire.

Très apprécié pour ses qualités humaines et professionnelles, il était très impliqué dans la vie de l’unité et, très bon bricoleur, avait notamment réalisé de nombreux travaux de casernement.

L’enquête, ouverte pour “meurtre sur personne dépositaire de l’autorité publique”, a été confiée à Brigade de recherches de Cannes et la Section de recherches de Marseille.

Une cagnotte de la Fondation maison de la Gendarmerie 

La Fondation Maison de la Gendarmerie a mis en place une cagnotte au profit de de son épouse, Harmonie et de ses 2 enfants, Valentin (15 ans) et Marie (11 ans). 

La Voix du Gendarme adresse ses condoléances attristées à sa famille et tout son soutien à ses camarades.

Statu quo temporaire pour le budget 2025 des armées ?

Statu quo temporaire pour le budget 2025 des armées ?

– Forces opérations Blog – publié le

Entre les budgets 2024 et 2025, pas un euro de différence ? Le gouvernement démissionnaire privilégie pour l’instant le statu quo dans les plafonds budgétaires fixés pour l’an prochain. Un scénario qui, s’il se maintient, reviendrait à stopper net la nouvelle dynamique engagée au bénéfice des armées françaises. 

Avec plusieurs semaines de retard sur le calendrier établi, le Premier ministre Gabriel Attal a finalement choisi le statu quo en proposant une enveloppe identique à celle de 2024, soit 492 Md€. La raison invoquée ? Avancer dans la construction d’un budget qui devra impérativement être présenté au Parlement le 1er octobre puis adopté avant le 1er janvier. Et, par là, fournir une base de travail potentiellement réversible au futur gouvernement. 

Les différentes enveloppes ne sont pas détaillées, mais ce gel théorique des dépenses implique néanmoins quelque 10 Md€ d’économies à réaliser pour les différents ministères. L’annonce intervient en effet sur fond d’austérité. Un effort de 25 Md€ sera nécessaire pour tenir l’objectif de 5,1% de déficit public en 2024, annonçait mi-juillet le ministre de l’Économie et des Finances, Bruno Lemaire. Resteraient 10 Md€ à trouver, dont la moitié à charge des ministères. 

Si le ministère des Armées s’en était bien sorti lors du premier tour de vis de février dernier, aucun détail n’a depuis filtré sur les arbitrages suivants. Les premiers échos font état de situations variables, certains étant plus touchés que d’autres. Pour la mission Défense, un statu quo ou, pire, un recul des crédits aurait pour principale conséquence d’enrayer la trajectoire haussière d’une loi de programmation militaire à peine entamée et considérée dès son adoption comme un socle à renforcer selon le contexte. 

Reconduire les crédits à l’identique – probablement le meilleur scénario en l’état – reviendra à empêcher le franchissement de la marche de 3,3 Md€ prévue pour porter les dépenses militaires à 50,5 Md€. De nouveaux arbitrages seraient donc à prévoir, ceux-ci venant s’ajouter aux étalements et renoncements consentis pour mettre sur pied une LPM dont la nécessité n’est plus à démontrer. Ce sera ensuite autant de crédits à trouver et à répartir entre les cinq annuités restantes pour s’assurer de remplir les objectifs d’une LPM dite « de transformation », calcul d’autant plus complexe que l’accélération de l’effort se situe au-delà de l’horizon 2027. 

La balle est désormais dans l’autre camp. Celui du Nouveau Front Populaire (NFP) a rapidement battu en brèche la copie de Matignon. La principale faction de gauche a pris les devants pour, sans surprise, revenir sur la rigueur gouvernementale et soutenir une envolée des dépenses. Certains proposent de rehausser l’enveloppe globale de 30 Md€ afin de soutenir la croissance, les services publics, les salaires de la fonction publique, les aides au logement et la gratuité de l’enseignement. Mais pas un mot, du moins jusqu’à présent, sur les armées. 

Crédits image : EMA

Des nouvelles du M10 BOOKER

Des nouvelles du M10 BOOKER

– le 26 août 2024

https://blablachars.blogspot.com/2024/08/des-nouvelles-du-m10-booker.html


L’armée américaine a accordé à General Dynamics Land Systems (GDLS) un nouveau contrat d’un montant de 322 millions de dollars. Le document qui est une modification du précédent contrat signé en juin dernier, permet de lancer la production d’un second lot de M10 Booker dans le cadre de la production des engins de présérie. La production des engins prévus par ce nouveau contrat devrait être effective avant octobre 2026 et devrait être répartie sur plusieurs sites de la firme américaine. Le M10 Booker devrait donner aux IBCTs (Infantry Brigade Combat teams) de nouvelles capacités aux unités d’infanterie dans le domaine de la mobilité et de la puissance de feu. Un total de 504 M10 Booker devrait être livré à l’armée américaine d’ici 2035, avec quatre premiers bataillons équipés d’ici 2030. Bien qu’il ne soit pas officiellement désigné sous le terme de « tank », le M10 Booker marque une évolution importante dans la conception des futurs engins blindés dont l’avenir pourrait se décliner autour d’engins plus légers, plus polyvalents et dotés de bonnes capacités d’agression.  

Parallèlement à la signature de ce contrat, le M10 Booker a franchi un nouveau jalon dans le cadre de son évaluation par l’armée américaine avec le premier embarquement de l’engin à bord d’un C-17 Globemaster III durant le mois d’aout. Une des exigences de l’état-major américain  était de pouvoir embarquer deux de ces engins à bord d’un C-17, imposait aux concepteurs de l’engin de limiter son poids au regard de la charge utile de l’avion américain qui peut embarquer 77,5 tonnes. L’engin dont le poids initial est annoncé à 38 tonnes peut recevoir jusqu’à 4 tonnes de blindage additionnel. Selon l’unité de transport (le 145ème Airlift Wing) aucun C-17 n’a volé avec deux M10 à bord, les clichés diffusés ne montrant qu’un seul engin à bord de l’avion. Il est probable que cette étape décisive sera franchie dans les mois à venir pour confirmer les aptitudes du nouvel engin américain et démontrer son aptitude à la projection et sa mobilité stratégique. 

 

Préparation à l’embarquement à bord du C-17

 

A bord de l’avion

Le futur Super avion de chasse français ne laissera aucune chance à ses concurrents avec cette nouveauté high-tech

Le futur Super avion de chasse français ne laissera aucune chance à ses concurrents avec cette nouveauté high-tech


Le futur Super avion de chasse français ne laissera aucune chance à ses concurrents avec cette nouveauté high-tech
Le futur Super avion de chasse français ne laissera aucune chance à ses concurrents avec cette nouveauté high-tech

Le Rafale F5, le fer de lance de la force aérienne française volera entouré de drones.

Dans un monde où les tensions géopolitiques façonnent l’avenir de la guerre moderne, l’armée française s’apprête à franchir un nouveau cap avec le développement du Rafale au standard F5. Cette nouvelle version du célèbre avion de combat intégrera une technologie de pointe permettant de commander une flotte de drones, redéfinissant les missions aériennes de haute intensité, notamment dans des zones sensibles comme Taïwan.

Une évolution nécessaire pour le « vieux » Rafale

Le Rafale, déjà un pilier de l’Armée de l’air et de l’espace française depuis 2002, est en constante évolution. Le passage au standard F5 marque un tournant significatif avec l’adoption de systèmes sophistiqués et d’intelligence artificielle pour gérer des volumes de données sans précédent. Cette capacité renforcée permettra au Rafale F5 de synchroniser ses actions avec une meute de drones spécialisés, élargissant ainsi son champ d’action et sa capacité de frappe.

Technologie des « ailiers fidèles »

Le concept des Loyal Wingman, ou « ailiers fidèles », initialement développé par des nations comme les États-Unis avec des projets tels que le XQ-67A de General Atomics, trouve désormais sa place dans la stratégie aérienne française. Ces drones, conçus pour être interconnectés en réseau avec l’avion leader, augmentent la force de frappe, étendent les capacités de détection et de brouillage, et améliorent la protection contre les menaces ennemies.

Capacités et armement du Rafale F5

Extérieurement semblable à ses prédécesseurs, le Rafale F5 se distinguera par son câblage en fibre optique et son équipement IA, lui permettant de traiter des quantités colossales de données et de coordonner des missions avec ses drones accompagnateurs. Ces drones pourront être utilisés pour saturer les défenses adverses ou agir en complément du Rafale, selon les besoins de la mission.

Vers des missions de haute intensité

Avec la montée des tensions dans des régions clés comme Taïwan, et face à des adversaires disposant de systèmes d’armement avancés et nombreux, le Rafale F5 et ses drones ailiers joueront un rôle crucial. Ils permettront de neutraliser les défenses antiaériennes ennemies et de perturber la logistique adverse, augmentant significativement les chances de succès dans des conflits de haute intensité.

L’avenir de la guerre aérienne

Bien que la version F5 du Rafale ne soit pas attendue avant les années 2030, ses développements préfigurent déjà les futurs théâtres d’opérations militaires. Ces avancées posent la France et ses alliés à l’avant-garde de la technologie militaire aérienne, prêts à répondre aux défis futurs que la géopolitique mondiale pourrait poser.

La modernisation continue du Rafale en F5 illustre l’engagement de la France dans le maintien de sa supériorité aérienne et dans le développement de capacités répondant aux scénarios de conflit les plus exigeants. L’intégration de drones dans les stratégies de combat aérien n’est qu’un début dans l’évolution vers des guerres toujours plus connectées et technologiquement avancées.

Quels liens entre la guerre russe en Ukraine depuis 2022 et la relance du conflit israélo-palestinien depuis le 7 octobre 2023 ?

Quels liens entre la guerre russe en Ukraine depuis 2022 et la relance du conflit israélo-palestinien depuis le 7 octobre 2023 ?

Par Guillaume Ancel – Diploweb – publié le 23 août 2024 

https://www.diploweb.com/Quels-liens-entre-la-guerre-russe-en-Ukraine-depuis-2022-et-la-relance-du-conflit-israelo.html    


Guillaume Ancel est un ancien lieutenant-colonel, saint-cyrien, breveté de l’Ecole de Guerre et de l’Institut royal supérieur de défense de Bruxelles. Il a quitté l’armée de terre en 2005 pour rejoindre le monde des entreprises. Il est aussi chroniqueur radio et TV sur les sujets de sécurité et de défense. Il a publié aux Belles Lettres et chez Flammarion des récits particulièrement réalistes, suscitant de nombreux débats. Il est l’auteur du Blog Ne pas subir.

Une sorte de concurrence médiatique s’est établie entre ces deux conflits depuis le 7 octobre 2023, comme si l’opinion publique ne pouvait en suivre qu’un seul à la fois. Comme si l’opinion publique ne pouvait pas comprendre les interactions. Guillaume Ancel se livre à une intéressante réflexion sur les interactions entre deux conflits, leurs différences et leurs possibles points communs. Voilà qui illustre brillamment l’interdépendance des évènements à la surface de la planète.

JE suis souvent tenté d’associer, ou plutôt de relier ces deux conflits bien qu’ils soient séparés par 2 000 km de distance, des acteurs très différents et des contextes sans comparaison. Et pourtant, ces guerres – celle relancée par la Russie contre l’Ukraine le 24 février 2022 et celle déclenchée par le Hamas contre Israël par une attaque terroriste le 7 octobre 2023 – sont reliées par de nombreux points que je vais essayer de tracer, sans prétendre à l’exhaustivité.

Ces conflits en Ukraine et au Proche-Orient, déclenchés par des actes d’agression (invasion russe et attaque terroriste du Hamas) ont un impact direct sur nos sociétés occidentales et tout spécialement européennes. Le premier parce qu’il menace directement et militairement les pays européens, et particulièrement ceux qui se situent au contact de la Russie et d’une Biélorussie vassalisée par V. Poutine. Pas la peine de discuter longtemps avec nos amis finlandais, baltes ou polonais pour observer que cette guerre n’est pas un sujet virtuel mais une menace directe de leur intégrité.

Le second conflit, au Proche-Orient, concerne nos pays européens indirectement et socialement, puisque comme les nord-Américains, nos sociétés intègrent d’importantes communautés juives dont Israël est l’Etat refuge (qu’il leur faut soutenir) ainsi que de vastes communautés musulmanes qui ressentent une forme de solidarité pour les souffrances infligées au peuple palestinien, dont la bande de Gaza est emblématique.

Pour ces deux guerres, nos sociétés occidentales se sentent donc concernées et observent avec attention leur évolution quand pour beaucoup d’autres conflits malheureusement, elles estiment généralement une forme de détachement, probablement parce que « la paix, c’est quand il y a la guerre ailleurs » (Jacques Prévert).

 

Paris le 2 mai 2018. Guillaume Ancel
Guillaume Ancel
Ancien lieutenant-colonel, saint-cyrien, breveté de l’Ecole de Guerre et de l’Institut royal supérieur de défense de Bruxelles. Auteur de plusieurs ouvrages.
Ancel

Mais, au-delà de leurs impacts sur nos sociétés, ces guerres sont aussi reliées par certains de leurs acteurs. La Russie de Poutine affiche volontiers sa coopération militaire et politique avec l’Iran et la Corée du Nord. Si cette dernière semble « se contenter » de fournir des munitions que la Russie peine à produire pour bombarder massivement l’Ukraine, l’Iran joue elle un rôle de premier plan au Proche-Orient, en particulier par ses liens forts avec les rebelles Houthis au Yémen, plusieurs groupes armés en Irak, sa quasi-mainmise sur la Syrie d’Assad et le contrôle exercé sur le Hezbollah au sud du Liban.

L’Iran fournit par ailleurs des milliers de drones de combat à la Russie et probablement d’autres munitions qui manquent à Poutine pour sa guerre contre l’Ukraine. Il est étonnant d’observer qu’à ce titre, l’Iran n’ait pas fait l’objet de sanctions économiques et technologiques renforcées alors qu’il joue un rôle de premier plan pour le bombardement de cibles civiles en Ukraine. Tandis que les Occidentaux se torturent le cerveau au sujet de l’emploi des armes qu’ils fournissent à l’Ukraine.

Mais tous ces sujets sont connus, bien documentés et n’étonneront personne. Je vais décrire maintenant des événements moins voyants et qui méritent réflexion, en se rappelant que dans la guerre, ce qui est voyant n’est forcément important.

L’attaque terroriste du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023 est arrivée à point nommé pour Poutine

A la fin de l’été 2023, la contre-offensive ukrainienne s’échinait à percer les lignes russes avec des moyens importants mais insuffisamment concentrés et combinés. En face, l’armée russe craignait de voir rompre cette digue longue de 1 100 km, trop longue pour être suffisamment puissante, un peu comme le mur de l’Atlantique qui avait été conçu pour ralentir un débarquement allié, pas pour l’empêcher. Une percée dans leurs lignes aurait pu être dévastatrice si elle avait créé un effet de débâcle dans une organisation militaire russe qui repose sur une centralisation rigide et l’absence de prise d’initiative.

Les alliés de l’Ukraine retenaient leur souffle mais commençaient à s’inquiéter… quand le Hamas a déclenché le 7 octobre 2023 son raid ultra violent contre Israël.

Les armées de Poutine jouaient à l’été 2023 une course contre la montre tandis que les Ukrainiens s’acharnaient avec l’énergie du désespoir. Début octobre 2023, deux des trois lignes défensives russes étaient déjà enfoncées dans la région de Zaporijia. Les alliés de l’Ukraine retenaient leur souffle mais commençaient à s’inquiéter… quand le Hamas a déclenché le 7 octobre 2023 son raid ultra violent contre Israël, avec une volonté manifeste de terroriser et de le montrer, provoquant stupeur et consternation de l’Etat hébreu mais aussi de son parrain, les Etats-Unis qui garantissent depuis l’origine la survie de cette nation continuellement menacée.

Théoriquement, les Etats-Unis sont capables de gérer plusieurs conflits en même temps, mais celui d’Israël est prioritaire dans leur esprit et leurs stocks de munitions ne sont pas extensifs à l’infini. Les Américains choisissent immédiatement de donner la priorité à la défense d’Israël et réduisent en proportion leurs livraisons militaires à l’Ukraine. Ces derniers voient tarir une source essentielle d’approvisionnement tandis que les Européens sont incapables de prendre véritablement le relais, faute d’avoir réellement mobilisé leurs puissantes industries. La contre-offensive ukrainienne de 2023 est un échec, pour de multiples raisons, mais cette opération du Hamas contre Israël en a été le coup de grâce, au moment où l’armée russe – qu’on croyait essorée – recevait des centaines de milliers d’obus d’artillerie complaisamment fournis par la Corée du Nord.

Pur hasard que l’action terroriste qui va enflammer tout le Proche-Orient se déclenche au moment où Poutine en a le plus besoin dans son « opération militaire spéciale » contre l’Ukraine qui n’en finit pas de s’enliser ? Rappelons-nous qu’un an auparavant, Sergueï Lavrov, le fidèle ministre des Affaires étrangères de Poutine, rencontrait les chefs du Hamas. Or, d’après les spécialistes des questions militaires dont je fais parfois partie, il a fallu un an au Hamas pour préparer cette action terrifiante qui n’était pas à sa portée. Les services israéliens ont rapporté que le Hamas avait bénéficié de la formation et des conseils d’instructeurs iraniens (dépêchés sur place à Gaza ?) pour préparer l’opération du 7 octobre 2023, en particulier en termes de neutralisation des systèmes de détection et de coordination israéliens.

Il est très probable que l’attaque terroriste du 7 octobre 2023 contre Israël ait été préparée avec l’aide de l’Iran et sur l’incitation de la Russie de Poutine pour détourner l’attention des Américains du front ukrainien.

A partir du 7 octobre 2023, l’aide militaire américaine à l’Ukraine se réduit de manière drastique jusqu’au mois de mai 2024 où, en pleine campagne électorale présidentielle, le candidat Donald Trump lève enfin son blocage du Congrès pour des raisons non éclaircies à ce jour. Est-ce que certains services américains l’ont menacé de publier des éléments de preuve sur sa relation plus qu’ambiguë avec V. Poutine ? Trump a-t-il craint d’être tenu responsable d’un échec possible de l’Ukraine dans cette période si sensible de la campagne électorale américaine ?

Koursk, un argument dans la concurrence médiatique entre la guerre qui frappe l’Ukraine et celle que mène Israël ?

En tout état de cause, depuis octobre 2023 avec l’opération « Netanyahou » particulièrement violente contre Gaza et qui menace tout le Proche-Orient, l’Ukraine ne parvient plus réellement à attirer et retenir l’attention des médias et du grand public, même lorsqu’elle reçoit enfin des avions F16. La destinée de la guerre en Ukraine ressemble à la chronique d’un échec annoncé (dans le Donbass)… jusqu’au 6 août 2024, lorsque l’armée ukrainienne lance une opération particulièrement audacieuse d’invasion de la région russe de Koursk. Tout le monde est surpris par son ampleur et sa durée, y compris les décideurs ukrainiens alors que l’attention internationale était monopolisée par le risque de riposte Iranienne contre Israël après l’élimination d’Ismael Haniyeh, le chef du Hamas en visite officielle à Téhéran.

De fait, une sorte de concurrence médiatique s’est établie entre ces deux conflits, comme si l’opinion publique ne pouvait en suivre qu’un seul à la fois. Comme si l’opinion publique ne pouvait pas comprendre les interactions. Pour l’Ukraine, la perte d’attention fait peser un risque existentiel en affaiblissant l’effort consenti par les cinquante nations du « groupe de Ramstein » qui la soutiennent. Pour Israël, l’aide américaine est la condition sine qua non de sa survie, Tsahal ne disposant même pas des stocks de munitions qui lui permettrait de mener un conflit en toute autonomie. Les deux guerres semblent presque en compétition.

Concrètement, les Américains, qui sont déterminants dans l’approvisionnement en armes et surtout en munitions d’Israël comme de l’Ukraine, opèrent des choix drastiques entre ces deux conflits, notamment en fonction de la perception qu’ils ont de leur issue.

Pour Israël, il apparaît de plus en plus urgent de stopper l’offensive Netanyahou contre Gaza dont le bilan est désastreux, avec un accord de cessez-le-feu.

Pour l’Ukraine, les Américains ont désormais conscience qu’aucun des deux belligérants ne peut l’emporter « en l’état ». Les Ukrainiens n’ont pas les moyens de chasser l’armée de Poutine de l’intégralité de leur territoire, tandis que celle-ci ne peut espérer plus que conquérir le Donbass à défaut de soumettre son impétueux voisin. Il leur faut donc aussi trouver une voie de sortie, probablement dans une négociation, à condition que les Ukrainiens n’arrivent pas sans cartes à la table de discussion qui ne serait plus alors qu’une capitulation.

L’offensive commencée le 6 août 2024 dans la région de Koursk constitue donc une étape sur le chemin d’une négociation, ainsi que dans l’élargissement de « la marge de manœuvre » accordée à l’Ukraine. Là où les Israéliens ne semblent soumis à aucune contrainte dans l’utilisation de l’armement américain, y compris contre leurs voisins les plus éloignés (l’Iran à 1 500 km), les Ukrainiens doivent jusqu’ici se restreindre à ne pas attaquer de cibles (même militaires) en territoire russe au-delà de leur périmètre de défense élargi à 30-40 km de la frontière comme dans l’opération contre Koursk.

A ce sujet, il est assez étonnant de constater le « deux poids, deux mesures » qui prévaut pour ces belligérants. L’Ukraine doit se tenir à carreau et éviter tout bombardement intempestif qui ferait des dommages collatéraux importants, tandis qu’Israël – tout du moins leur premier ministre Benyamin Netanyahou – ne semble connaître aucune limite à la dévastation de la bande Gaza qui n’est pourtant pas peuplée que de miliciens du Hamas…

Cette affaire du « deux poids, deux mesures » pollue considérablement la gestion de ces crises, une large partie des pays musulmans qui soutiennent l’Ukraine – comme la Tunisie ou la Turquie – n’admettent pas que Netanyahou puisse ravager la bande de Gaza quand l’Ukraine n’en a pas le droit : un droit qui serait différent selon les environnements et les pays ?

Cette question de l’utilisation de l’armement fourni et de la manière de procéder sépare clairement ces deux guerres puisque les réponses apportées sont diamétralement opposées.

Un dernier point commun entre ces deux guerres est enfin l’importance de l’élection présidentielle américaine, le 5 novembre 2024. Poutine comme Netanyahou misaient gros sur l’élection de Trump et c’est une terrible déconvenue pour ces deux dirigeants – qui entretiennent par ailleurs une relation d’une proximité malvenue – que Joe Biden se soit retiré (par surprise aussi) de la course à la Maison Blanche au profit d’une candidate bien plus jeune et dynamique. Parions qu’elle ne s’en laissera pas compter par ces vieux crocodiles qui se complaisent dans la guerre et qu’elle pèsera efficacement pour leur trouver une issue.

Manuscrit clos le 21 août 2024

Août 2024-Ancel/Diploweb.com

Général Schill : Abandonner les hélicoptères d’attaque au regard d’une « expérience contingente » serait « dangereux »

Général Schill : Abandonner les hélicoptères d’attaque au regard d’une « expérience contingente » serait « dangereux »

https://www.opex360.com/2024/08/25/general-schill-abandonner-les-helicopteres-dattaque-au-regard-dune-experience-contingente-serait-dangereux/


Il peut être hasardeux de tirer des conclusions définitives à partir des retours d’expérience [RETEX] d’un conflit qui n’est pas encore terminé. Ainsi, durant les premiers mois de la guerre en Ukraine, le drone tactique turc TB-2, utilisé par les forces ukrainiennes, fut largement mis en avant et présenté comme étant un « game changer » grâce aux résultats qu’il avait permis d’obtenir face à l’armée russe. Mais cela n’aura finalement pas duré.

« Nous assistons chaque jour à une adaptation réactive permanente du glaive et du bouclier, de sorte que certaines capacités présentées comme emblématiques à tel ou tel moment de la guerre ne le sont plus. Le meilleur exemple en est le drone turc Bayraktar TB2, dont on parlait beaucoup il y a un an et qui a totalement disparu du narratif, parce qu’une parade a été trouvée pour en limiter l’efficacité », fit en effet valoir le général Jacques Langlade de Montgros, le Directeur du renseignement militaire [DRM], lors d’une audition parlementaire, en juillet 2023.

Cela étant, fin 2022, le ministère japonais de la Défense évoqua l’idée de retirer du service ses hélicoptères de reconnaissance et d’attaque [soit 12- AH-64D Apache, 47 AH-1S Cobra et 33 Kawasaki OH-1] pour les remplacer par des drones tactiques. Cette orientation avait été suggérée par l’attrition importante des Kamov Ka-52 russes en Ukraine.

En février dernier, l’US Army mit prématurément un terme à son programme FARA [Future Attack Reconnaissance Aircraft], qui visait à développer un hélicoptère de reconnaissance et d’attaque pouvant voler à la vitesse de 370 km/h et susceptible d’évoluer en mode autonome pour des missions dans des milieux fortement contestés. Le tout en ayant la capacité de mettre en œuvre des drones.

« En examinant le programme FARA à la lumière des nouveaux développements technologiques, de l’évolution du champ de bataille et des projections budgétaires actuelles, il a été estimé que les capacités accrues qu’il offrait pourraient être obtenues de manière plus abordable et plus efficace en s’appuyant sur une combinaison » de différents équipements, comme les drones et les moyens spatiaux, fit alors valoir l’US Army, qui avait mis le remplacement de ses hélicoptères OH-58D Kiowa et d’une partie de ses AH-64 Apache au premier rang de ses priorités en 2020.

En France, la question de l’avenir de l’hélicoptère de reconnaissance et d’attaque fut posée par Sébastien Lecornu, le ministre des Armées, lors d’une audition au Sénat, en février 2023, alors que le projet de porter le Tigre au standard MK3 était fragilisé par le choix de l’Allemagne de s’en retirer.

« L’hélicoptère Tigre continuera de voler jusqu’en 2040/45. Après, le vrai sujet, c’est le saut technologique. J’ai demandé […] aux armées de regarder si ce qui est imaginé pour le standard 3 correspond bien à ce qu’on veut technologiquement. […] Est-ce qu’on n’aura pas un super hélicoptère déjà démodé [avec les drones]? J’assume poser la question publiquement », avait déclaré le ministre. Finalement, l’Aviation légère de l’armée de Terre devra se contenter de seulement 42 Tigre portés au standard Mk2+ sur les 67 exemplaires qu’elle possède.

De son côté, la British Army n’a jamais exprimé de doute sur l’utilité de ses AH-64E Apache / Guardian, expliquant qu’il suffisait d’adapter leur emploi aux nouvelles réalités du champ de bataille. Même chose pour la Pologne, qui a récemment confirmé l’achat de 96 appareils de ce type, ou encore pour la Corée du Sud, qui envisage de doubler sa flotte.

Certes, depuis le 24 février 2022, les forces russes ont perdu au moins 91 hélicoptères d’attaque. Mais cette attrition au combat a surtout été constatée durant les dix premiers mois de la guerre.

« Depuis le début de l’invasion de l’Ukraine, il y a eu au moins 23 pertes vérifiées d’hélicoptères d’attaque russes Ka-52. Cela représente plus de 25 % de la flotte en service au sein des forces aériennes russes, qui en comptaient alors 90 [exemplaires] et près de la moitié des pertes totales d’hélicoptères russes », avait souligné le ministère britannique de la Défense [MoD], en octobre 2022.

Par la suite, beaucoup d’hélicoptères d’attaque russes [Mi-28, Ka-52, Mi-35M] ont été détruits ou endommagés au sol… Cela a été le cas pour une quinzaine de Ka-52, selon les données compilées par Oryx.

Dans le numéro 0 de Combats Futurs, un revue publiée par le Commandement du Combat Futur [CCF], le chef d’état-major de l’armée de Terre [CEMAT], le général Pierre Schill a abordé la question de l’avenir de l’hélicoptère de reconnaissance et de combat.

« Dans le conflit ukrainien, il est clair que les progrès de la défense sol-air ont été plus rapides que ceux des moyens de pénétration aériens. Dans les phases tactiques, les moyens défensifs l’emportent sur les moyens offensifs conventionnels. […] Les belligérants contournent ce blocage par l’emploi massif de drones de taille, portée et mission différentes. Est-il pour autant pertinent d’en tirer la conclusion définitive de l’obsolescence des moyens aériens traditionnels [hélicoptères d’attaque ou avions de chasse] ? Je ne le pense pas », a affirmé le général Schill.

Cependant, a-t-il admis, « il est certain que dans un conflit de haute intensité marqué par des espaces de densité de défense sol-air, les hélicoptères sont plus vulnérables ». Toutefois, a poursuivi le CEMAT, le « sujet est plus complexe qu’une simplification qui s’arrête aux images de STRATCOM [communication stratégique, ndlr] qui montraient des destructions d’hélicoptères russes au début de la guerre ».

Ainsi, les RETEX « expliquent qu’après une phase initiale qui a vu leur disparition presque totale du champ de bataille, les hélicoptères d’attaque sont désormais utilisés efficacement en défensive pour interdire toute approche de blindés de la ligne des contacts. Ce fut notamment le cas lors de la contre-offensive ukrainienne de l’été 2023 au cours de laquelle les hélicoptères antichar russes ont joué un rôle majeur », a expliqué le général Schill.

En outre, a-t-il fait observer, peu d’armées possèdent et « savent utiliser » les hélicoptères d’attaque. « Il serait donc dangereux de mettre au rebut un type d’armement au regard d’une expérience contingente », a estimé le CEMAT. Et cela d’autant plus que « l’efficacité des armées continuera à reposer sur la combinaison des capacités – de toutes les capacités ».

« La complexité des matériels modernes impose par ailleurs une prudence dans les abandons capacitaires tant serait hasardeuse la recréation d’une capacité industrielle abandonnée », a encore insisté le général Schill.

Et de conclure : « Il est en tout cas certain que nous devons prendre en compte certaines évolutions et innovations. Je pense aux drones ou au binôme hélicoptère – drone par exemple qui sont des pistes indispensables à explorer ».

Des coups et des douleurs par Michel Goya

Des coups et des douleurs

Russia’s President Vladimir Putin chairs a meeting with security officials and regional governors to discuss the situation in the south of the country following an incursion of Ukrainian troops, via a video link at a residence outside Moscow, Russia August 12, 2024. Sputnik/Gavriil Grigorov/Kremlin via REUTERS

 

par Michel Goya – La Voie de l’épée – publié le 24 août 2024

https://lavoiedelepee.blogspot.com/


Nous sommes le 6 octobre 1973 à 14h00, l’armée égyptienne déclenche l’opération Badr. En  quelques heures, cinq divisions d’infanterie égyptienne précédées de bataillons de commandos franchissent le canal de Suez, dépassant les fortins de la ligne Bar Lev et établissent une tête de pont. La surprise est totale du côté israélien et les contre-attaques terrestres ou aériennes butent sur les défenses antichars installées au-delà du canal et les défenses anti-aériennes restées en deçà. 

Aussi étonnant que cela puisse paraître, cette petite tête de pont est l’unique objectif stratégique égyptien. Malgré les échecs tactiques qui vont suivre et la contre-attaque israélienne sur le sol africain, la victoire initiale et le maintien jusqu’au bout de ce gage territorial suffit à l’Égypte pour sauver son honneur et accepter d’engager des négociations. Quatre ans plus tard Anouar al-Sadate est en Israël pour parler de paix.

Ouvrir la boîte du chat

On en sait maintenant un peu plus sur les intentions ukrainiennes dans leur offensive dans la province russe de Koursk. Une telle opération pouvait consister en un grand raid, visant à détruire et ébranler autant que possible les forces et le pouvoir russe avant de revenir en Ukraine, ou en une opération de conquête de territoire. L’ampleur des moyens déployés, le temps passé, le plan de cloisonnement du district de Glushkovo par la destruction des ponts précédant très probablement une nouvelle attaque ukrainienne de ce côté, semblent indiquer le choix de la seconde option.

Pour être plus précis, on s’oriente visiblement vers une opération de conquête limitée visant à prendre une zone suffisamment pour être significative stratégiquement, il faut alors compter en milliers de km2, et défendable opérationnellement, c’est-à-dire s’appuyant sur des défenses naturelles, comme la rivière Seym, et des retranchements, tout en étant, comme les Égyptiens en octobre 1973, dans la bulle de protection et d’appui de la défense aérienne et de l’artillerie à longue portée avec par ailleurs des lignes logistiques relativement courtes et protégées. La poche actuellement tenue, plus celle à venir du district de Glushkovo entre la frontière et la Seym, correspond déjà à ces critères. Elle peut encore être étendue, mais sans doute pas beaucoup plus, la phase fluide du combat de manœuvre commençant à faire place à la création d’une ligne de front avec l’engagement des renforts russes.

Il est ainsi très peu probable, et sans doute pas souhaitable, que les Ukrainiens aillent très au-delà de la zone actuelle en direction de Koursk par exemple ou même de la centrale nucléaire de la province. En stratégie comme dans beaucoup d’autres choses, il faut savoir où s’arrête ce qui suffit. Avancer par exemple jusqu’au Koursk, une cinquantaine de kilomètres au-delà de la ligne de contact actuelle, nécessiterait d’augmenter encore le nombre de brigades engagées afin de maintenir une densité minimale de force. Il ne faudrait pas se contenter en effet d’une flèche en direction de la capitale de la province, mais bien d’avoir une poche suffisamment large pour écarter les menaces d’attaque de flanc ou simplement les frappes sur un axe logistique unique. Il faudrait deux fois plus de brigades qu’actuellement déployées pour tenir cette zone, ce qui paraît difficile lorsqu’on combat déjà en flux tendus, pour finalement arriver devant une ville de plus de 400 000 habitants dont la saisie demanderait sans doute encore plus de forces et de temps. Tout cela nécessiterait également le déplacement en Russie de tout l’échelon d’appui d’artillerie et de défense sol-air avec les contraintes qui cela implique. Beaucoup d’efforts incertains – pour rester dans l’exemple de la guerre de 1973 on rappellera la grande erreur égyptienne d’engager les deux divisions blindées de réserve en avant de la zone tenue – pour des gains stratégiques qui ne seraient pas en proportion. La plupart de ces gains stratégiques ont déjà été obtenus et contrôler 4 000 ou 6 000 km2 au lieu des 2 000 qui peuvent être espérés à court terme ne les multiplierait pas par deux ou trois.

Ceux-ci sont déjà considérables et d’abord politiques. On les a déjà évoqués dans le dernier billet, ils n’ont pas changé. Comme un gros chat de Schrödinger, considéré comme à la fois vivant et mort avant qu’on découvre son état réel en ouvrant sa boîte, Poutine pouvait être considéré à la fois comme extrémiste et timoré face à la perspective de déclarer la guerre. Après quelques jours de sidération, comme chaque fois qu’il est surpris, Vladimir Poutine a finalement montré qu’il avait finalement plus peur des réactions internes à une mobilisation guerrière que des Ukrainiens.

Il n’y a que deux emplois possibles de la force légitime, la guerre et la police. Poutine a choisi de qualifier l’opération ukrainienne d’« attaque terroriste » et d’en confier la gestion a des siloviki – les hommes des services de renseignement et de police – plutôt qu’à de vrais généraux. Ce sont pourtant les régiments et brigades déployés en urgence à Koursk qui colmatent vraiment la brèche et s’efforcent de cristalliser une nouvelle ligne de front en défendant toutes les localités.

Cette attaque terrestre ukrainienne a testé aussi la population russe, en particulier celle, très majoritaire, des « épargnés » de la guerre. De ce côté-là, on assiste logiquement plutôt à un réflexe patriotique de soutien aux défenseurs de la patrie, mais c’est un soutien passif. Comme le soulignait la sociologue Anna Colin-Lebedev, le contraste avec la réaction de la population ukrainienne aux attaques russes en Crimée et dans le Donbass en 2014-2015 est saisissant. On n’assiste pas par exemple à la formation spontanée de bataillons d’autodéfense à la frontière avec l’Ukraine, la faute à une longue stérilisation politique et un transfert complet et admis de l’emploi de la force aux services de l’État. Pas de révolte à attendre non plus de ce côté-là, ce que par ailleurs personne n’attendait sauf peut-être justement en cas de mobilisation générale, ce dont Poutine n’a pas voulu, ce qui constitue peut-être l’enseignement majeur de cette opération.

Pas de surprise non plus pour les Ukrainiens du côté des Alliés occidentaux placés devant le fait accompli d’emploi de leurs armes et équipements sur le sol russe. Cet emploi n’a pas, comme c’était prévisible, provoqué la foudre russe sur le territoire des pays fournisseurs, et ceux-ci sont obligés de suivre. On n’imagine pas en effet de se ridiculiser en demandant le retour immédiat des véhicules Marder allemands ou Stryker américain, voire VAB français, sur le sol ukrainien ou d’interdire d’utiliser les lance-roquettes HIMARS ou les bombes AASM après leur démonstration d’efficacité contre les forces ennemies sur le sol russe. C’est une autre évolution considérable qui peut, en liaison avec la décision américaine de fournir également des missiles air-sol à longue portée, peut doper la campagne de frappes ukrainienne.

Au regard de cette impuissance russe de matamore, on ne peut au passage n’avoir que des regrets sur la faiblesse de notre attitude face à la Russie depuis des années et particulièrement juste avant la guerre en 2022. On ne parlait que de « dialogue » comme attitude possible face à la Russie dans nos documents possibles, affublé parfois de « ferme », mais timidement parce qu’on avait supprimé tous les moyens qui permettaient de l’être. Nous avons cru la Russie forte et nous nous savions faibles, nous avons donc été lâches et longtemps encore après que la guerre a commencé. Pour paraphraser Péguy, nous avons expliqué que nous voulions conserver nos mains pures pour cacher que nous n’avions plus de mains.

L’autre nouveauté stratégique de cet été est effectivement la montée en puissance des frappes en profondeur ukrainiennes. On rappellera qu’on peut catégoriser les frappes venues du ciel en trois missions : appui immédiat en avant des troupes de manœuvre (celles que préfèrent les soldats au sol) ; interdiction sur l’arrière de la ligne de front et enfin destructions de cibles militaires ou civiles d’intérêt militaire dans la grande profondeur, comme par exemple les raffineries russes ou inversement le réseau électrique ukrainien. Les plus productives, notamment pour déjouer la stratégie de pression et d’étouffement russe sont les frappes d’interdiction, sur les bases, dépôts, postes de commandement, en clair tout le réseau arrière permettant aux forces de manœuvre de fonctionner.

Desserrer l’étouffement

L’instrument premier de la campagne de frappe ukrainienne est constitué la flotte de drones à longue portée de plus en plus perfectionnée et de plus en plus nombreuse qu’ils ont su se constituer de manière autonome. On serait bien avisé d’ailleurs de s’en inspirer, nous qui fondons notre capacité de frappes en profondeur uniquement sur nos puissants, mais rares chasseurs-bombardiers. L’inconvénient principal des drones est qu’ils ne peuvent porter une charge explosive très élevée, ce qui limite leur emploi à des cibles peu protégées. Heureusement pour les Ukrainiens, et c’est une nouvelle source d’étonnement, les Russes n’ont toujours pas bétonné leurs bases aériennes et beaucoup d’autres objectifs sensibles sur leurs arrières. Ils se sont contentés pour l’essentiel d’éloigner autant que possible ces objectifs de la ligne de front, ralentissant ainsi les opérations, et de les protéger par un peu plus de défense aérienne, ce qui absorbe des ressources précieuses au détriment de la ligne de contact. On assiste donc depuis quelque temps à quelques coups très réussis, comme sur les bases de Mourmansk ou de Marinovka, ou encore les dépôts de carburant de Proletarsk et le ferry Congo trader de transport, là-encore spécialisé dans le transport de carburant.

Tout semble indiquer une volonté ukrainienne d’éviter autant que possible d’attaquer sur le front difficile du Donbass pour privilégier partout ailleurs les raids ou parfois conquêtes terrestres et les frappes, ce que j’appelle « la guerre de corsaires ». C’était un peu la stratégie athénienne face à Sparte durant la guerre du Péloponnèse ou la stratégie romaine durant la Seconde Guerre punique après avoir vainement tenté de vaincre Hannibal sur le champ de bataille. On rappellera cependant que cette stratégie périphérique est très rarement décisive en soi et parfois même désastreuse. Si les enthousiastes peuvent comparer l’opération Triangle blanc à Koursk au débarquement d’Inchon en septembre 1950 pendant la guerre de Corée, les sceptiques peuvent évoquer de leur côté l’expédition athénienne en Sicile en – 415 ou l’établissement d’un camp fortifié à Diên Biên Phu fin 1953 après de nombreuses opérations aéroportées ou amphibies françaises très réussies (l’expression « guerre de corsaires » vient de là).

Il y a toujours aussi le risque que l’ennemi contre défensivement cette stratégie ou adopte la même. Ce n’est pas vraiment l’échec de l’expédition de Sicile qui a engendré la défaite d’Athènes onze ans plus tard, mais la création d’une flotte spartiate et la défaite navale d’Athènes à Aigos Potamos. Privée de flotte, Athènes s’est retrouvée définitivement impuissante face au siège spartiate. Logiquement, la Russie devrait désormais – aurait dû en réalité depuis longtemps – lignemaginotiser sa frontière, y installer un commandement militaire spécifique avec un étagement de forces d’active ou rapidement mobilisables, et des réserves de théâtre. Elle devrait faire couler du béton autour de toutes les cibles possibles ou les enterrer ou les deux et les hérisser des défenses antiaériennes multicouches et dans l’immédiat plutôt à basse et moyenne altitude, un peu comme lorsqu’ils ont protégé le Nil en 1970 face à la campagne aérienne israélienne ou contribué à la défense du Tonkin sensiblement à la même époque face aux Américains. Le fait que cela n’ait pas été fait alors que la guerre dure depuis plus de deux ans ne cesse d’étonner et témoigne quand même des profonds dysfonctionnements de ce régime à la fois corrompu, hypercentralisé et paranoïaque. Le Politburo soviétique était beaucoup plus efficient et réactif.

En attendant, la guerre de corsaires à l’ukrainienne a de beaux jours devant elle, multipliant les coups afin d’user l’adversaire et de remonter le moral de tous à coups de communiqués de victoires. Pour autant, pour gagner vraiment une guerre il faut livrer des batailles et planter des drapeaux sur des villes et on attend les Ukrainiens surtout dans le Donbass. Il y a peut-être à cet égard un espoir même si les dernières nouvelles dans la région de Toretsk et de Pokrovsk ne sont pas bonnes.

Il faut se rappeler du sentiment dominant à l’été 2022 alors que les villes de Severodonetsk et de Lysychansk venaient d’être prises par les Russes après des mois de combats acharnés. Tous les pro-russes de France et de Navarre (re)chantaient victoire ou demandaient la reddition des Ukrainiens « pour abréger leurs souffrances (et nos dépenses) ». Les choses paraissaient en effet inéluctables devant les multiples et inexorables attaques de grignotage russes. Et puis, les Russes se sont arrêtés d’un coup, victimes d’épuisement alors que de l’autre côté les forces ukrainiennes montaient rapidement en puissance grâce à un effort particulier de mobilisation et l’apport occidental, avec à l’époque l’apport d’une artillerie occidentale. On avait alors assisté à un croisement des courbes stratégiques chères au général Svetchine, l’idole du sacro-saint art opératif soviétique, qui a duré jusqu’aux victoires spectaculaires dans les provinces de Kharkiv et de Kherson jusqu’à la fin du mois de novembre, jusqu’à ce que survienne un nouvel équilibre du fait des adaptations russes dans l’urgence.

J’ai le sentiment, mais peut-être s’agit-il simplement d’un biais optimiste, qu’à force d’efforts à l’avant et d’usure à l’arrière les Russes commencent un peu à atteindre leur point culminant face à la réorganisation des forces ukrainiennes aidées à nouveau puissamment par les Occidentaux, les Américains en premier lieu. La prise de Pokrovsk par les Russes serait effectivement une catastrophe, mais elle n’est sans doute pas près d’arriver. Pour autant, il faudra bien un jour que les Ukrainiens gagnent à nouveau des batailles offensives dans la région s’ils veulent gagner la guerre, et ça non plus cela ne semble pas près d’arriver. Pour conclure sensiblement de la même façon depuis des mois, il faudra sans doute attendre 2025 et peut-être 2026 pour voir quelque chose qui ressemble à une victoire pour l’un des deux camps puis, mettons les choses dans l’ordre, des négociations de paix. Peut-être.

Israël affirme avoir détruit «des milliers de lance-roquettes» du Hezbollah

Israël affirme avoir détruit «des milliers de lance-roquettes» du Hezbollah

Dans un message adressé aux habitants du sud du Liban, l’armée israélienne a annoncé le lancement, ce dimanche 25 août, de frappes sur le pays en ciblant le Hezbollah, qui a cependant mené au petit matin « des attaques de grande envergure » contre Israël. Le ministre de la Défense israélien a décrété l’état d’urgence pour 48 heures. Les avions israéliens auraient « visé et détruit des milliers de rampes de lancement de roquettes du Hezbollah ». 

Un homme regarde l'effet d'une frappe israélienne sur le sud du Liban, le 25 août 2024.
Un homme regarde l’effet d’une frappe israélienne sur le sud du Liban, le 25 août 2024. AFP – –

L’armée israélienne a annoncé ce dimanche 25 août qu’elle avait opéré des frappes préventives au Liban. Le Hezbollah libanais a cependant annoncé avoir lancé dimanche « plus de 320 » roquettes Katiouchas sur onze bases militaires en Israël et sur le Golan syrien occupé, dans le cadre de « la première phase » de sa riposte à l’assassinat d’un chef militaire le 30 juillet. Dans un communiqué, la formation pro-iranienne a précisé que cette « première phase » s’était « achevée avec succès », précisant qu’elle avait pour objectif de viser les « casernes et positions israéliennes afin de faciliter le passage des drones d’attaques » vers le territoire israélien « en profondeur ». « Notre opération militaire d’aujourd’hui est terminée et accomplie », a donc déclaré le Hezbollah soutenu par l’Iran. Les affirmations d’Israël « concernant l’action préventive qu’il a menée […] et l’échec de l’attaque de la résistance sont des affirmations vides de sens », a-t-il ajouté. Dans l’immédiat, les autorités israéliennes n’ont pas fait état de positions militaires touchées. Le Hezbollah a en outre averti qu’Israël serait « sévèrement puni » s’il portait atteinte aux civils au Liban.

Les murs de la maison ont tremblé plusieurs fois…00:45, Johanna, habitante de la ville israélienne de Maalot

Nicolas Falez

Le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu a tenu une réunion du cabinet de sécurité à 4h TU. Le ministère de la Défense a décrété l’état d’urgence sur tout le territoire d’Israël pour 48 heures. Yoav Gallant a publié un décret dans lequel il écrit être « convaincu qu’il existe une forte probabilité qu’une attaque soit menée contre la population civile également dans les autres zones du pays sur lesquelles la déclaration de « situation spéciale » sur le front intérieur ne s’applique pas ». « Je déclare par la présente la « situation spéciale » […] dans les autres zones du pays », ajoute le texte. En raison des frappes, des vols de ce dimanche matin à Tel-Aviv ont été retardés ou déroutés, mais la situation est depuis revenue à la normale, a annoncé l’aéroport Ben-Gourion.

« Toute personne se trouvant à proximité de zones où le Hezbollah opère doit quitter immédiatement les lieux pour se protéger et protéger sa famille », a exhorté l’armée israélienne. Celle-ci a affirmé avoir « observé des préparatifs pour lancer des obus et des missiles » contre Israël. L’armée « fera tout ce qui est nécessaire pour protéger les citoyens d’Israël », a-t-elle encore indiqué. « Décréter l’état d’urgence permet à l’armée de donner des instructions aux civils en Israël, notamment d’interdire des rassemblements ou de fermer des sites », précise le cabinet de Yoav Gallant. Le porte-parole de l’armée israélienne, le contre-amiral Daniel Hagari, a précisé lors d’une allocution télévisée qu’il reste « possible d’organiser des activités éducatives et de se rendre au travail » dans les secteurs du nord du pays où l’état d’urgence vient d’être étendu, à condition de rester dans « des zones où l’on peut atteindre un abri dans le délai conforme », soit moins d’une minute et demie.

Ces frappes surviennent en pleines négociations au Caire visant à tenter d’obtenir une trêve dans la guerre dans la bande de Gaza. Celle-ci a été déclenchée par une attaque sans précédent en territoire israélien le 7 octobre 2023 par le mouvement islamiste palestinien Hamas. Dans un message vidéo sur le réseau social X, le porte-parole de l’armée israélienne Daniel Hagari a déclaré que « des avions de chasse sont en train d’attaquer des cibles du Hezbollah ».

Les échanges de tirs entre Israël et le Hezbollah, mouvement chiite soutenu par l’Iran, sont quasiment quotidiens depuis le début de la guerre dans la bande de Gaza. Le Pentagone a assuré que les États-Unis étaient au côté d’Israël : « Nous continuons à suivre de près la situation et nous avons été très clairs sur le fait que les États-Unis sont prêts à soutenir la défense d’Israël », a déclaré un porte-parole du Pentagone dans un communiqué. 

Le ministre israélien de la Défense, Yoav Gallant a annoncé avoir informé son homologue américain Lloyd Austin par téléphone : « Nous sommes déterminés à utiliser tous les moyens dont nous disposons pour défendre nos citoyens », a-t-il notamment dit. Dans le même temps, son bureau assure que les deux ministres ont « discuté de l’importance d’éviter une escalade régionale ». À ce stade, écrit notre correspondant à Jérusalem, Michel Paul, on ne sait pas si la délégation israélienne aux pourparlers sur une trêve et la libération d’otages va se rendre dans la capitale égyptienne pour la reprise des négociations.

Le canon Caesar est un cauchemar, selon les artilleurs russes

Le canon Caesar est un cauchemar, selon les artilleurs russes

Quoi qu’on en dise, les armées occidentales n’ont pas connu, depuis la guerre de Corée, de réels engagements de haute intensité dans la durée. À ce titre, la guerre du Golfe de 1991, souvent mise en avant pour justifier des arbitrages faits par les occidentaux en matière d’armées, d’équipements et de doctrines, a été trop courte, et trop spécifique, pour en tirer de réelles conclusions.

Dans ce contexte, la guerre en Ukraine, depuis février 2022, est l’occasion, pour ces mêmes armées occidentales, pour confronter leurs équipements, ainsi que, d’une certaine manière, leurs doctrines, à la réalité. Ce fut l’occasion de revenir sur certaines certitudes, notamment concernant l’efficacité relative supposée des équipements occidentaux sur les matériels, plus rustiques, russes.

Cette guerre a également montré le rôle déterminant de l’artillerie dans ce type de conflit. Dans ce domaine, les nouveaux systèmes européens, dotés d’un tube de 52 calibres et de systèmes de visée plus évolués, ont montré leur grande efficacité, face aux matériels russes, mais aussi, américains ou britanniques, moins performants.

Le canon Caesar porté sur camion, de conception française, brille particulièrement dans ce conflit. Un temps jugé trop léger et insuffisamment protégé, face à l’Archer suédois, ou moins mobile sur terrain difficile, que le Pzh2000 allemand, celui-ci a montré, à plusieurs reprises, toute l’efficacité de son concept.

Toutefois, si les ukrainiens ont parfois envoyé des messages contradictoires au sujet de ce système, une récente interview en ligne, sur Telegram, d’artilleurs russes, montre qu’il est, aujourd’hui, le système le plus redouté, et celui qui leur a fait le plus de mal.

Sommaire

Des messages parfois contradictoires concernant le canon Caesar venant d’Ukraine

Aujourd’hui, les armées ukrainiennes alignent une cinquantaine de Caesar, dont 19 en version 8×8 fournis par le Danemark, et 32 en version 6×6 par la France. Celles-ci doivent recevoir, sur 2024, 78 nouveaux Caesar 6×6, financés conjointement par Paris, Copenhague et Kyiv.

Canon M-777 ukraine
Les forces ukrainiennes ont perdu plus de la moitié des canons M777 livrés par les Etats-Unis, contre moins de 15 % de leur canon Caesar.

Cependant, les messages concernant l’efficacité du Caesar au combat, venant des armées ukrainiennes, ont occasionnellement été contradictoires. Il y a quelques mois, un artilleur ukrainien avait ainsi expliqué à des journalistes français, que le canon tracté M777 américain était plus efficace, car pouvant plus facilement se dissimuler, et de cette façon résister aux attaques de drones, et car trop complexe à employer et à maintenir.

Les faits, cela dit, ne lui donnaient pas raison, notamment par la comparaison des pertes entre les deux systèmes. Et ces déclarations avaient d’ailleurs amené le ministère de la Défense ukrainien, à publier un communiqué pour contredire le colonel Yan Iatsychen, commandant de la 56ᵉ brigade d’infanterie motorisée, et exprimer sa pleine satisfaction du CAESAR.

Il y a quelques jours, Alexandre Zavitnevych, Président de la commission de la sécurité nationale, de la défense et du renseignement du Parlement ukrainien, la Rada, avait fait l’éloge du Caesar, en particulier aux mains des artilleurs de la 55ᵉ brigade d’artillerie, alors en charge de protéger le théâtre de Zaporojjie.

Il a toutefois précisé qu’ils rencontraient des difficultés concernant le maintien en condition opérationnelle (MCO), une difficulté sur laquelle KNDS-France et les autorités ukrainiennes, travaillent activement. Dans le même temps, il a indiqué que la mobilité du canon français était mise à mal lors des périodes de fortes pluies, au printemps et à l’automne.

Le témoignage d’un artilleur russe sur l’évolution de l’artillerie ukrainienne

À ces sujets, l’interview d’artilleurs russes, menée par des compatriotes milbloggers, apporte une vision complémentaire, et très éclairante, sur la perception concernant l’efficacité de l’artillerie ukrainienne, mais aussi celle du Caesar français.

01ukraine weapon 01 lqgz videoSixteenByNine3000 v2 Artillerie | Actualités Défense | Articles gratuits
Très performant, le Pzh2000 allemand est aussi beaucoup plus onéreux qu’un Caesar, ne permettant pas d’atteindre une masse critique efficace sur la ligne d’engagement.

La première partie de l’interview traite de l’évolution de la doctrine employée par l’artillerie ukrainienne comme russe, au début du conflit, et son évolution au fil du temps. Ainsi, il apparait, comme on pouvait s’y attendre, que l’une comme l’autre appliquaient des doctrines soviétiques au début du conflit, concentrant de puissantes forces d’artillerie menant un feu massif et très soutenu, à chaque utilisation.

On comprend, à ce titre, qu’un officier ukrainien ait eu du mal à faire sienne la doctrine d’emploi du Caesar, conçu pour être très mobile et employé en petite unité, voir de manière individuelle, et puisse privilégier le M777, beaucoup plus conforme, dans l’esprit, à l’utilisation faite de l’artillerie héritée de la doctrine soviétique. « Plusieurs centaines de coups pouvaient être tirés sur une même cible, pour mettre un ou deux coups au but« , précise ainsi l’artilleur russe à ce sujet.

Au fil du temps, les tirs de contrebatterie, d’une part, les frappes de drones et le manque de munitions, de l’autre, ont amené les ukrainiens à évoluer vers des unités beaucoup plus compactes, plus mobiles, et tirant beaucoup moins d’obus par frappe, d’un rapport « un à cent« , selon le témoignage russe, avec toute la subjectivité que cela implique.

Le Caesar est un cauchemar pour les artilleurs russes

La seconde partie de l’interview porte, elle, sur les capacités les plus redoutées par les artilleurs russes. Et le constat est sans appel, il s’agit du Caesar français. Celui-ci n’évolue pas, selon lui, « dans le même siècle que les équipements en service au sein des armées russes« .

Canon Caesar Advivka
Les Caesar ukrainiens seraient principalement employés pour al contre-batterie, avec une grande efficacité, selon les artilleurs russes.

« La portée de ces systèmes atteint 40 km avec des obus conventionnels, surpassant de loin les systèmes soviétiques que nous avons, qui plafonnent à 32 km avec des obus à portée additionnée« . « La configuration sur roues de ces залупы » (je vous laisse le choix de la traduction ;-)) « leur permet de rapidement quitter une position, même une fois déployés ».

« Il ne faut que 60 secondes pour le déployer, et 40 secondes pour s’échapper. Le système de visée est automatique, ce qui lui confère une précision extraordinaire« , ajoute-t-il.

De fait, les armées russes ont fait de la destruction des Caesar, une véritable priorité, n’hésitant pas à employer des drones Lancet, et même des roquettes et missiles balistiques à courte portée (OTRK), pour y parvenir.

Et d’ajouter que le Caesar est aujourd’hui un système rare, employé avec parcimonie par les armées ukrainiennes, pour les tirs de contrebatterie, avec une grande efficacité. « Ces obusiers français ont pris un nombre énorme de vies d’artilleurs russes« , conclut-il.

Le concept du Caesar, associant efficacité et masse, s’impose en haute intensité

Bien évidemment, un témoignage ne fait pas une situation. Il convient donc de se montrer prudent, quant à la surinterprétation des conséquences de cette interview, d’autant que, pour des raisons évidentes, celle-ci est volontairement obscure sur de nombreux aspects.

Canon Caesar Mali
Avec une masse au combat de 17 tonnes, le Caesar est très leger, et peut aisément être déployé sur des théatres d »opérations, y compris par avion.

Toutefois, elle tend à accréditer le concept ayant entouré la conception du Caesar lui-même, dans les années 90. Pour rappel, celui-ci n’avait pas vocation, initialement, à remplacer l’artillerie sous casemate chenillée, comme l’AuF1 GCT, sur châssis AMX-30. Le Caesar visait à remplacer les canons tractés TR-F1, plus économiques, plus mobiles, et plus facilement déployables.

Pour autant, celui-ci n’a pas été conçu, comme avancé parfois par le passé, pour une utilisation sur théâtre de moindre intensité. Il visait, effectivement, à remplacer par la mobilité, la précision et l’allonge, la survivabilité liée au blindage, concernant les canons automoteurs, tout en conservant une efficacité opérationnelle identique, y compris en haute intensité.

Le fait est, aujourd’hui, l’Armée de terre va basculer l’ensemble de son artillerie lourde, sur Caesar Mk2, y compris en remplaçant ses derniers AuF1 par ce système. Et plusieurs armées, y compris en Europe, ont fait un choix similaire. En effet, au-delà de ses qualités techniques et opérationnelles, le Caesar offre un atout clé, sensible particulièrement en Ukraine : il est économique, et relativement « facile » à produire.

Ainsi, pour le prix d’un Archer 2 suédois, il est possible d’acquérir 2,5 à 3 Caesar, alors que pour un RCH155, ou un PZH2000, ce sont 3,5 à 4 Caesar qui prennent la ligne. Certes, le Caesar Mk2 n’aura pas l’automatisation de l’Archer 2, ni la capacité de faire feu en mouvement du RCH155, mais avec le même investissement, il permet d’atteindre une masse critique efficace sur le champ de bataille, que ces autres systèmes peinent à atteindre.

RCH155 KMW
Retenu par la Bundeswehr, le RCH155 de KNDS-Deutschland, n’est pas un concurrent du Caesar. Il est en effet persque 4 fois plus cher.

L’atout est d’autant plus sensible, en Ukraine, que les pertes documentées proportionnelles du Caesar ne sont pas supérieures à celles de l’Archer ou du Pzh2000, alors même qu’il est intensément employé par les forces ukrainiennes, et, de toute évidence, directement visé par les forces russes.

On comprend, dans ces conditions, que le Caesar tende à devenir le système d’artillerie de nouvelle génération central des armées ukrainiennes, étant certainement le seul à pouvoir afficher de telles performances, tout en étant produit à 72 unités par an en 2024, 144 unités en 2025, selon l’industriel.

KNDS-France anticipe de nouvelles commandes à venir du Caesar et l’arrivée des concurrents

On comprend également que KNDS-France, ex-Nexter, soit confiant quant à l’avenir commercial de son système, et la raison pour laquelle le français a annoncé une hausse de la production mensuelle pour atteindre 12 unités par mois, d’ici à 2025. Pour rappel, elle n’était que de trois canons par mois en 2022, encore moins auparavant.

En effet, au-delà des commandes ukrainiennes, françaises, belges, tchèques ou encore estoniennes, la démonstration de la validité du concept du Caesar, plus que de ses capacités elles-mêmes, qui étaient déjà connues, a le potentiel d’engendrer, dans les mois et années à venir, de nouvelles commandes, mettant KNDS-France au centre de l’artillerie occidentale.

KNDS-France Caesar
KNDS-France anticipe de nouvelles commandes exports dans les années à venir pour le Caesar, en passant la productioàn annuelle de 6 à 12 systèmes par mois.

Reste que ce succès va, aussi, aiguiser les appétits des autres industriels. Jusqu’à présent, les grands industriels européens, s’ils avaient compris l’intérêt de la configuration roues-canon, n’avaient pas adhéré au concept Caesar, donnant naissance à l’Archer suédois, au Zuzana 2 slovaque, ou au RCH155 allemand. Beaucoup plus lourds, et considérablement plus onéreux, ces systèmes n’évoluent donc pas dans la même catégorie que le Caesar.

Maintenant que le concept même est validé, la situation est différente, et des offres basées sur les mêmes paradigmes, émergeront bientôt. C’est déjà le cas du PCL-181 chinois, très proche, dans l’esprit et dans l’aspect, du Caesar français, mais aussi de l’Atmos israélien, probablement le plus sérieux concurrent, aujourd’hui, du système de KNDS-France.

Ainsi, comme les succès des Mirage III israéliens, amenèrent les américains à concevoir le F-16, l’avion le plus vendu de sa génération, il va falloir, à l’industriel français, s’emparer du plus de marchés possibles, avant que les offres concurrentielles ne débarquent vraiment. L’augmentation des cadences de production montre que KNDS-France a parfaitement saisie la temporalité des enjeux qui se présentent aujourd’hui.

Article du 22 avril en version intégrale jusqu’au 27 aout 2024