L’innovation du ciel à la terre à l’École des troupes aéroportées

L’innovation du ciel à la terre à l’École des troupes aéroportées

– Forces opérations Blog – publié le

L’innovation est à nouveau à l’honneur à Pau, épicentre béarnais des troupes aéroportées et siège d’une école spécialisée au sein de laquelle quelques-uns réfléchissent aux scénarios et aux équipements des opérations aéroportées (OAP) d’aujourd’hui et de demain. Tour d’horizon des problématiques et de quelques solutions adoptées ou à l’étude en amont d’une Journée innovation des troupes aéroportées (JITAP) propice à élargir le champ des réflexions. 

Une école au cœur du domaine TAP

Ils ne sont que 200 et pourtant, ces cadres issus de tous les régiments et de toutes les armées, d’unités conventionnelles ou spéciales, constituent la crème de la crème du combat aéroporté. Ensemble, ils arment l’École des troupes aéroportées (ETAP), seule détentrice des savoir et savoir-faire nécessaires pour former la totalité des parachutistes et chuteurs opérationnels des armées, du ministère de l’Intérieur et de quelques alliés triés sur le volet. Si elle oeuvre principalement au profit de la 11e brigade parachutiste, elle accueille ainsi les marins d’ALFUSCO, les aviateurs de la brigade des forces spéciales air et les gendarmes du GIGN. Mais aussi les écoles, à commencer par Saint-Cyr et l’Académie militaire de la gendarmerie nationale.

Située « au coeur de l’inter-domaine TAP », l’école de Pau propose un catalogue de 35 formations, du brevet de base à l’instructeur en chute libre, le Graal du domaine. Mais pas seulement. L’ETAP est également une référence en matières de réglementation et d’innovation. Et celle-ci innove à plus d’un titre. En matière d’instruction notamment. Depuis peu, elle forme en interne ses propres sous-officiers au bénéfice de la 11e BP. Une première cohorte de 28 stagiaires lançait le processus en octobre dernier. Les former directement dans leur futur environnement de travail permettra de renforcer la cohésion et de donner aux régiments un sous-officier parachutiste « complet », « tactiquement formé » et donc directement opérationnel, relève le lieutenant-colonel Philippe, à la tête du bureau études et prospectives (BEP) de l’ETAP. Mais c’est sur l’adaptation des tactiques et des équipements face au durcissement des menaces que porte l’effort principal. 

Après plusieurs décennies de calme relatif, le Sahel aura permis de renouer avec les OAP d’envergure. Ces sauts réalisés durant l’opération Barkhane, les plus ambitieux en quatre décennies, n’affrontaient cependant qu’un ennemi dispersé, peu armé et, surtout, dépourvu de moyens de défense sol-air. Dix ans plus tard, et alors que l’aventure sahélienne s’achève, le danger majeur est non seulement ailleurs mais aussi d’un tout autre acabit. L’adversaire principal, tant pour les TAP que pour le reste des forces françaises, c’est à nouveau une armée conventionnelle, cet ennemi à parité cette fois équipé d’une défense sol-air épaisse, multi-couche et évolutive. Avec un déni d’accès redevenant la norme, l’heure est à l’introspection tous azimuts pour ceux qui doivent avant tout passer au travers. 

Passer au travers d’un maillage plus dense

« Nous réfléchissons à ce que sera une OAP face à un ennemi à parité. Il convient de réfléchir au moyen de percer la bulle A2AD et de réaliser une OAP », pointe le lieutenant-colonel Philippe. Comme l’a démontré la phase initiale de l’attaque russe sur l’aéroport de Kyiv en février 2022, « aucune bulle n’est totalement étanche, cela n’existe pas ». Deux ans plus tard, le bouclier israélien, sans doute l’un des plus denses au monde, était à son tour percé par des roquettes et des ULM envoyés par le Hamas. Même la Russie a ses failles, comme le démontre l’envoi régulier de missiles et de drones ukrainiens dans son espace aérien. Bien que « hyper fiable », la défense sol-air a donc ses limites. « Certes, les radars voient, mais l’humain reste en deuxième couche et conserve des faiblesses, notamment dans l’interprétation ». Le coût ensuite. Faut-il nécessairement tirer ce missile complexe, coûteux et dont les stocks sont limités ? La couche la plus dense reste la couche moyenne portée, mais « chaque strate a ses faiblesses » et toute défense sol-air « reste parcellaire et concentrée sur certains points précis ».

Ces limites, l’ETAP les étudie de près pour déterminer les meilleures stratégies de pénétration, d’évitement et de contournement. L’un des officiers du BEP sortait ainsi de six mois d’étude approfondie des matériels russes, américains et chinois. Reste que la menace est désormais bien plus élevée que lors des opérations précédentes. « Tout l’enjeu sera de savoir pourquoi et sur quoi on mène une OAP. C’est toute l’étude que mène la 11e BP aujourd’hui via l’imposition de dilemmes tactiques ». Complexe, la manœuvre « n’est pas sans risque » et ne pourra se conduire qu’en interarmées et interalliés, chacun amenant les moyens disponibles dans tous les champs concernés, cyber y compris, pour aboutir à la combinaison garantissant le plus haut taux de succès. Un alignement des planètes nécessaire de tout temps, mais maintenant beaucoup plus contraint.

Si le premier défi sera de franchir la barrière, le second sera de durer au-delà. Une fois au sol, les troupes aéroportées deviennent autant d’ilots isolés au sein d’un maillage adverse autrement plus dense qu’avant. À l’armée de l’Air et de l’Espace de répondre au premier enjeu, à l’ETAP d’envisager le second pour tenir a minima 96 heures en totale autonomie. Un délai de ravitaillement étendu par rapport à la norme actuelle, plutôt centrée sur deux à trois jours. Gagner de 24 à 48h amène de nombreux défis de poids et de volume, de par l’emport supplémentaire exigé en munitions, nourriture, eau, batteries et autres équipements indispensables. Diminuer la charge du combattant, assurer son ravitaillement, l’évacuation des blessés et la récupération de la force, c’est justement « tout l’objet de nos études pour le moment ».

La MLD, un objet rustique pour emporter jusqu’à 225 kg, emporter 25 % du matériel disponible sur la zone de mise à terre et réduire de 15 à 30% le temps de réarticulation selon le niveau d’entraînement (Crédits image : armée de Terre).

Un enjeu de poids

Pour l’ETAP, située au coeur d’un écosystème composé de régiments expérimentateurs et du groupement aéroporté de la Section technique de l’armée de Terre (STAT), les réflexions portent sur trois segments, que sont la très grande hauteur, la très basse hauteur et la logistique aéroportée. « Comment j’amène mes troupes sur la zone d’action ? Comment porter plus ? », s’interroge le lieutenant-colonel Philippe. Deux problématiques qui en appellent bien d’autres, comme celles portant sur la limite de la fatigue ou l’allègement de l’équipement. L’une des particularité du parachutiste, c’est en effet sa propension à emporter la quasi totalité du barda individuel et les quelques équipements collectifs sur son dos. Soit près de 50 kg à récupérer et transporter durant au moins quatre jours. 

Cette caractéristique engage un réflexion à première vue paradoxale : alléger le sac à dos non pas pour réduire la charge, mais pour permettre d’emporter plus de munitions, plus de rations. C’est tout l’objet de travaux conjoints entre industriels et unités. Avec MOS, par exemple, ce spécialiste de la nutrition « spéciale » engagé pour plancher sur une « ration 96h ». Le résultat ? Un ensemble de pains lyophilisés pour un poids total de 750 g, trois fois moins que la ration actuelle pour cette solution évaluée avec le concours des groupements commandos parachutistes. C’est aussi un travail sur les effets vestimentaires et autres équipements du quotidien, cette fois poursuivi en collaboration avec le 2e régiment étranger de parachutistes. « Nous allons gagner 10 grammes par 10 grammes sur une gamelle, une gourde, un kit de survie », pour in fine finir par réduire la masse de quelques kilogrammes. Le poids ne changera pas, c’est donc sur les moyens d’allègement que planche l’ETAP pour permettre au combattant de tenir dans le temps. « Nous allons lancer une étude sur les sac à dos. Nous sommes en train de voir avec la STAT », indiquent ceux qui lorgnent en parallèle sur de nouvelles clefs de portage pour réduire la fatigue musculaire. 

Entre la mise à terre et les premiers pas sur le plancher des vaches, se pose l’épineuse question de la réarticulation. Généralement dégagées, les zones de saut participent à la vulnérabilité de parachutistes dispersés, focalisés sur la récupération de leur matériel, le regroupement, voire à la prise en compte des premiers blessés. Les TAP ne manquent pas d’idées simples pour accélérer et sortir au plus vite de cette phase délicate. Fruit de l’imagination d’un sous-officier, la mule largable démontable (MLD) est une première piste. « Au départ, c’est une branche taillée pour faire un axe, deux roues de brouette et une sangle », rappelle le lieutenant-colonel Philippe. Affinée dans un garage puis inscrite dans le projet de réarticulation rénovée et modernisée, la MLD permettra de gagner de 20 à 30 précieuses minutes lors de cette phase critique. Elle s’accompagne de son pendant électrique, une mule W-Go robotisée propulsée par des roues électriques et dotée d’une capacité d’emport de 700 kg. L’objectif à court terme sera d’en valider le largage. 

Autre piste, le sac de récupération de matériel (SRM) vise cette fois à faciliter l’emport des parachutes dorsal et ventral, en les réinstallant devant pour laisser place à la musette et faciliter l’usage de l’arme. « Si on est pris à partie, une simple poignée permet de larguer le tout pour faciliter le combat. C’est tout bête, mais il fallait y penser ». Tant la MLD que le SRM sont passés à l’échelle. Les premières perceptions datent de septembre 2024 pour la 11e BP, avec une vingtaine de MLD équipant depuis lors l’échelon national d’urgence rénové (ENU-R). Un succès qui devrait ensuite bénéficier aux forces spéciales. 

Double usage, trottinette et débrouillardise

Rien ne se perd au sein des TAP, tout se conserve. « Il est hors de question de sauter avec du matériel que l’on utilisera pas », explique le chef du BEP. Non seulement le matériel doit servir mais il aura aussi plusieurs usages. La MLD, par exemple, n’est pas limitée à la réarticulation. L’ajout d’une planche ouvre la voie au transport de munitions ou d’un blessé, l’ajout d’une caisse rigide au transport de « tous les petits matériels optroniques, drones et autres équipements fragiles qui ne peuvent pas être largués dans une gaine ». Grâce à la MLD, les TAP pourront emmener plus de munitions antichars et d’appui-feu. Là aussi, l’heure est au recadrage pour conserver ces capacités d’appui tout en musclant la quantité. Parmi les voies explorées sur demande de la brigade, celles d’un lance-roquettes au panel d’effets élargi, plus léger et moins cher que l’Akeron MP, ou encore d’un mortier de 60 mm permettant d’emporter plus de coups, quitte à sacrifier un peu de portée. 

L’ETAP pousse également le curseur un cran plus loin en matière de mobilité. Si le Fardier aérolargable amène un début de réponse mais demeure limité en nombre, l’EZRaider pourrait agir en complément. Plus légère, cette trottinette électrique tout terrain d’origine israélienne serait en service dans les forces spéciales israéliennes. Son intérêt hormis ses performances et sa discrétion ? La possibilité d’un largage par une portière latérale une fois repliée en position verticale. Une configuration « comme un colis MILAN » qui la libérerait des contraintes de la livraison par air, apanage du 1er régiment du train parachutiste. La STAT en a acquis deux exemplaires à des fins d’expérimentation. L’un d’entre eux pourrait atterrir à l’ETAP pour confirmer – ou non – la piste de l’aérolargage. En cas de succès, l’EZRaider prendrait ensuite la voie des régiments, voire des forces spéciales, pour en confirmer l’intérêt tactique.

Motorisées à minima, les TAP n’hésiteront pas à aller se servir dans les équipements capturés à l’ennemi ou abandonnés par les populations civiles. Exploiter la débrouillardise du combattant français, voilà l’idée sous-jacente à la création de cette petite trousse à outils qui, accompagnée de quelques matériaux, permettra de faire démarrer un véhicule d’opportunité pour emmener le groupe de combat. « Comment cacher un PC dans des véhicules civils ? Nous sommes largués sans véhicules, comment motoriser la force ? Il y a là un vrai chantier », lance le lieutenant-colonel Philippe. Un chantier dépassant le seul cadre du BEP pour s’étendre à l’ensemble de la 11e BP et un effort parmi d’autres dans un panorama à 360° appelé à évoluer au vu du contexte sécuritaire, des nouvelles technologies et de l’imagination visiblement sans limite des troupes aéroportées. Début de réponse avec une seconde édition de la JITAP propice aux surprises. 

Crédits image : ETAP

Clemenceau 25 : Le groupe aéronaval du Charles de Gaulle a (aussi) « rencontré » un porte-avions chinois

Clemenceau 25 : Le groupe aéronaval du Charles de Gaulle a (aussi) « rencontré » un porte-avions chinois

https://www.opex360.com/2025/05/21/clemenceau-25-le-groupe-aeronaval-du-charles-de-gaulle-a-aussi-rencontre-un-porte-avions-chinois/


Dans le bilan de la mission Clemenceau 25 qu’elle a publié le 30 avril dernier, la Marine nationale n’a pas tout dit au sujet des activités du groupe aéronaval [GAN] formé autour du porte-avions Charles de Gaulle quand celui-ci naviguait dans la région Indopacifique. C’est en effet ce qu’il ressort de l’audition de son chef d’état-major [CEMM], l’amiral Nicolas Vaujour, par les députés de la commission de la Défense, ce 21 mai.

Même si le programme du porte-avions de nouvelle génération [PANG] ne semble pas menacé étant donné que le budget des Armées devrait, a priori, augmenter sensiblement dans les années à venir, l’amiral Vaujour a commencé son propos liminaire en mettant en avant l’intérêt pour un pays comme la France de disposer d’un groupe aéronaval.

« Le groupe porte-avions est quelque chose d’assez particulier. On l’oublie souvent mais il a trois grandes fonctions : le dialogue stratégique, la supériorité aéromaritime qui permet de défendre nos intérêts partout dans le monde et de gagner un combat en mer ou d’ouvrir une brèche [dans les milieux contestés] et l’agrégation des volontés politiques partenariales », a-t-il dit.

S’agissant du dernier point, le CEMM a fait valoir que « quand vous avez un porte-avions, vous avez des copains qui viennent avec vous » alors que « quand vous n’en avez pas, vous allez toquer à porte des copains qui en ont pour savoir si vous pouvez aller avec eux ».

Quoi qu’il en soit, a-t-il poursuivi, le « groupe porte-avions, ce n’est pas quelques chose d’anodin dans le monde. Pendant la mission Clemenceau 25, le Charles de Gaulle a rencontré cinq groupes porte-avions : deux américains, un indien, un japonais et un chinois. Les pays expriment leur puissance par l’outil porte-avions ».

Effectivement, durant sa mission, le groupe aéronaval eut une interaction avec le porte-avions américain USS Harry S. Truman quand celui-ci se trouvait en Méditerranée. Même chose lors de l’exercice Pacific Steller, auquel participèrent l’USS Carl Vinson et le porte-aéronefs japonais JS Kaga. Puis, en mars, les manœuvres Varuna furent l’occasion pour la marine indienne de déployer, pour la première fois, l’INS Vikrant au côté du Charles de Gaulle.

Cela étant, et sauf erreur, à aucun moment la Marine nationale n’évoqua, dans sa communication, une rencontre entre le GAN et un porte-avions chinois…

Lors de son audition, l’amiral Vaujour a indiqué que le Charles de Gaulle était « passé dans la ligne des neuf traits, c’est à dire en mer de Chine méridionale ». Or, la quasi totalité de cette dernière est revendiquée par Pékin, malgré un avis de la Cour permanente d’arbitrage [CPA] de La Haye qui, rendu en 2016, avait estimé que les prétentions chinoises ne reposaient sur « aucun fondement juridique ».

A priori, cette « rencontre » avec un porte-avions chinois a eu lieu avant ou après l’escale – inédite – du GAN aux Philippines. À cette occasion, il avait pris part à des exercices de lutte anti-sous-marine ainsi qu’à des manœuvres aériennes en mer de Chine méridionale, aux côtés des forces armées philippines.

« Toutes ces interactions ont pour objectif non seulement de renforcer notre interopérabilité, mais aussi de démontrer notre engagement à maintenir la stabilité régionale et à promouvoir une région indo-pacifique libre, ouverte, sûre et pacifique », avait alors expliqué le contre-amiral Jacques Mallard, le commandant du groupe aéronaval français.

« Nous souhaitons renforcer la coopération avec les partenaires régionaux qui partagent notre engagement à faire respecter le droit international et à garantir la liberté de navigation dans les espaces maritimes partagés », avait-il ajouté, avant de refuser de dire si la marine chinoise avait suivi les navires français durant leur navigation vers les Philippines.

En tout cas, d’après les propos de l’amiral Vaujour, une « rencontre » a bel et bien eu lieu entre le GAN et un porte-avions chinois. Selon le renseignement en sources ouvertes, le navire en question pourrait être le CNS Shandong. À en croire l’imagerie satellitaire, ce dernier se trouvait encore amarré à la base navale de Yulin [province de Hainan] le 21 février. Mais il n’y était plus le 25 février, alors que le Charles de Gaulle venait de quitter les Philippines. Sa mission aura été de courte durée puisqu’il fut de nouveau repéré à son port d’attache le dimanche suivant [soit le 2 mars].

Cette rencontre n’a pas engendré de tensions particulières… « Les Chinois nous ont surveillés mais ils n’ont pas du tout été agressifs à l’encontre de la France. Ils comprennent mieux notre position. Cela ne veut pas dire qu’ils sont contents qu’on soit là… Mais nous avons affirmé la liberté de navigation qui est véritablement ce que l’on défend pour nos intérêts », a ensuite expliqué l’amiral Vaujour.

Enfin, interrogé sur le coût du porte-avions, jugé trop élevé par un député, le CEMM a invité à faire un calcul.

« De manière générale, la marine est chère. Mais les armées sont chères. Pendant la phase de construction, le coût du porte-avions [de nouvelle génération] représente 2 % du budget de la Défense. 2 % sur 50 à 60 milliards d’euros, pendant dix / quinze ans. Quand on rapporte ça au budget de l’État [350 milliards], ça devient vraiment pas grand chose. Et encore moins si on le rapporte aux dépenses publiques [1 500 milliards]. Doit on se priver d’un tel outil de puissance ? Je vous laisse réfléchir », a-t-il conclu.

Photo : archive / Marine nationale

Israël à l’épreuve de la doctrine de l’America First

Israël à l’épreuve de la doctrine de l’America First

par Edouard Chaplault-Maestracci – Revue Conflits – publié le 22 mai 2025

https://www.revueconflits.com/israel-a-lepreuve-de-la-doctrine-de-lamerica-first/


Le voyage de Donald Trump dans les pays du Golfe a dessiné une nouvelle donne pour la région. Avec des espoirs de paix et de coopération.

Se félicitant de ce qu’il considérait comme le « plus grand comeback de l’histoire », Benyamin Nétanyahou voyait dans la réélection de Donald Trump, « le meilleur ami qu’Israël n’ait jamais eu à la Maison-Blanche »[1], la promesse d’un soutien absolu de Washington dans la guerre existentielle que l’état hébreu mène contre l’Iran et ses relais régionaux. Se voyant débarrassé des hésitations de l’administration Biden, le Premier ministre israélien imaginait alors une collaboration renforcée dans le but d’endiguer définitivement la menace iranienne et de venir à bout du Hamas dans la bande de Gaza.

La tournée de Donald Trump au Moyen-Orient, marquée par l’absence d’un détour par la capitale israélienne, signale toutefois une certaine réorientation de sa politique étrangère dans la région. Ce choix diplomatique, s’il ne doit pas être interprété comme un désengagement des États-Unis dans leur soutien historique à Israël, est révélateur d’une approche transactionnelle de la géopolitique, pilier de la doctrine de l’America First, conduisant Washington à faire primer ses intérêts nationaux au Moyen-Orient, quitte à écorner le statut d’allié particulier d’Israël que Nétanyahou pensait jusqu’ici intangible.

Cette redéfinition des priorités internationales se manifeste dans la communication du président américain sur la situation à Gaza et se lit également dans une stratégie diplomatique régionale à tendance bilatérale qui témoigne de certaines divergences d’intérêts entre Washington et Tel-Aviv.

Palestine : interpréter le récent adoucissement de la communication de Donald Trump

Avant même son investiture, Donald Trump faisait plier le Hamas en lui promettant « l’enfer »[2] si l’organisation terroriste ne libérait pas tous les otages retenus à Gaza depuis le pogrom du 7 octobre 2023. Se sentant acculé militairement et voyant dans une trêve la seule possibilité de conserver son pouvoir sur l’enclave palestinienne, le Hamas cédait et Donald Trump pouvait se targuer d’avoir obtenu son premier succès diplomatique avant même sa prise de fonction en annonçant la nouvelle dès le 15 janvier dernier : « Nous avons un deal pour les otages au Moyen-Orient. Ils seront bientôt libérés, merci ! ».

Dans la foulée, Trump présentait son projet contesté de transformer la bande de Gaza en « Riviera du Moyen-Orient », envisageant le déplacement des Palestiniens en Égypte ou en Jordanie afin de transformer l’enclave en station balnéaire de luxe. Soutenue par le Premier ministre israélien, cette idée s’est toutefois heurtée au refus conjoint de la Jordanie et de l’Égypte de recevoir la population gazaouie, à la réaction hostile de la très grande majorité de l’opinion publique, mais aussi aux réticences des pays du Golfe qui font de la cause palestinienne une condition sine qua non à la poursuite de la normalisation de leurs relations avec Tel-Aviv.

La reprise des hostilités entre Israël et le Hamas le 18 mars dernier a marqué un tournant dans la communication de Washington autant qu’elle a contrarié les efforts de Donald Trump dans sa quête d’une paix rapide et durable. Animé par la volonté de se désengager de certains conflits afin de se focaliser sur la menace chinoise qu’il considère comme le danger prioritaire ainsi que par son désir de se voir décerner le prix Nobel de la paix, le président américain a depuis infléchi son soutien médiatique au gouvernement israélien.

Interrogé le 17 mai dernier sur la situation à Gaza, Trump déclarait : « Nous devons aider les Palestiniens. Beaucoup de gens meurent de faim à Gaza, nous devons prêter attention aux deux partis »[3]. En prenant en compte pour la première fois la situation des habitants de l’enclave, Donald Trump donne un gage à ses partenaires du Golfe, bien conscient de l’importance qu’ils accordent au sort des civils palestiniens. Il semble par ailleurs que le changement d’attitude de Donald Trump soit à l’origine de la décision de Benyamin Nétanyahou d’autoriser l’entrée d’une « quantité de base de nourriture » dans la bande de Gaza. Selon le Wall Street Journal, le Premier ministre israélien aurait indiqué répondre ainsi aux pressions des « plus proches amis [d’Israël] dans le monde » ainsi qu’à celles de ses soutiens au Sénat américain[4].

Nouvelle approche

Parallèlement, Donald Trump s’abstient de faire pression sur les pays arabes concernant la reprise des pourparlers de normalisation afin de ne pas entraver la nouvelle dynamique des relations commerciales entre les États-Unis et les pays du Golfe. Cité par Le Figaro, l’homme d’affaires américain Karl Mehta résume cette nouvelle approche en soulignant que « le commerce remplace l’intervention militaire, les puissances régionales contrôlent leur propre destin, et l’Amérique soutient sans occuper »[5]. Une communication nouvelle qui venait ponctuer une tournée qui aura permis la sécurisation de nombreux accords pour un montant total estimé à 2 000 milliards de dollars[6].

Cette politique du deal s’étend au-delà des simples considérations commerciales. C’est ainsi que des discussions menées par des représentants américains ont abouti à la libération d’Edan Alexander, le dernier otage américain retenu par le Hamas. Ce « geste de bonne volonté »[7] du Hamas envers l’hôte de la Maison-Blanche n’a pas été suivi par la libération d’autres otages ni n’a impliqué de quelconque contrepartie américaine. Le recours à des négociations bilatérales, qui manifeste un certain découplage des intérêts américains et israéliens, a été dupliqué à d’autres problématiques régionales. Bien qu’il ne faille pas y voir un revirement idéologique, Trump n’envisageant pas la reconnaissance d’un état palestinien ou la cessation des livraisons d’armes à Israël, les initiatives régionales récentes du président américain sont clairement frappées du sceau de l’America First et semblent en passe de devenir le modus operandi de Washington en matière de politique étrangère.

Une bilatéralisation de la diplomatie régionale au détriment des angoisses existentielles d’Israël

Si Donald Trump n’a pas pris le temps de rendre visite à Benyamin Nétanyahou, il a néanmoins accordé un entretien d’un peu plus de trente minutes au président intérimaire syrien Ahmed al-Charaa. À cette occasion, le nouvel homme fort de Damas se serait engagé à normaliser ses relations avec Israël, mais aussi à apporter son concours à la lutte contre Daech. L’homme, dont le passé djihadiste suscite les réserves de la plupart des dirigeants internationaux, ne bénéficie pas de la confiance du gouvernement israélien. Donald Trump a surpris jusque dans son propre camp en accordant sa confiance à celui qui a passé 5 ans dans une prison irakienne après avoir combattu les troupes américaines.

La décision de Donald Trump de lever l’ensemble des sanctions financières américaines visant la Syrie a été vécue comme un camouflet par Nétanyahou, qui a lancé une campagne de bombardements en Syrie depuis la chute de Bachar el Assad, craignant notamment que les armes chimiques de ce dernier ne tombent entre les mains des nouvelles forces au pouvoir. Même si le Congrès américain doit encore valider la décision de Donald Trump, cette initiative ne rassurera pas Israël.

L’annonce d’un accord entre les Houthis et les États-Unis le 6 mai dernier illustre parfaitement la nouvelle approche de l’administration américaine quant aux enjeux régionaux. Après avoir menacé les rebelles yéménites : « l’enfer s’abattra sur vous comme vous ne l’avez jamais vu auparavant ! », Donald Trump avait déclenché une large opération de bombardements visant leurs positions. Depuis le 15 mars, ces opérations ont mobilisé plus de 2 000 bombes et missiles d’une valeur globale supérieure à 775 millions de dollars[8]. Si l’arrêt des bombardements soulage à court terme l’économie américaine, elle ne résout aucune des problématiques régionales que causent les Houthis. Leur « capitulation »[9], pour reprendre les termes du président américain, ne bénéficie qu’aux navires battant pavillon américain. Ainsi que le souligne Dana Stroul, ancienne responsable américaine de la Défense sous l’administration Biden, les Houthis « n’arrêteront pas de tirer des missiles sur Israël, le commerce maritime ne reprendra pas, et rien ne changera dans la guerre civile au Yémen »[10].

Face aux pays arabes

Si ces récents développements ont contrarié Benyamin Nétanyahou, le dirigeant se montre particulièrement inquiet des négociations en cours entre les États-Unis et l’Iran sur la question nucléaire. Le Premier ministre israélien voyait pourtant dans celui qui avait décidé, lors de son premier mandat, de se retirer de l’accord nucléaire de 2015, un soutien inestimable dans l’optique de l’adoption d’une stratégie offensive qui aurait pu permettre le bombardement des installations nucléaires de la République islamique d’Iran. Certains responsables israéliens indiquent que le moment serait idéal dans la mesure où les frappes israéliennes d’octobre 2024 en Iran ont largement amoindri le système de défense aérienne iranien[11].

L’issue de ces négociations reste cependant incertaine, l’Iran ne semblant pas prêt à abandonner toute recherche nucléaire alors que Pete Hegseth, secrétaire américain à la Défense, a affirmé que « l’Iran ne peut pas avoir d’arme nucléaire » se ménageant la possibilité d’une intervention militaire si les négociations devaient s’avérer infructueuses. Le New York Times rapporte par ailleurs que Donald Trump n’écarte pas non plus le recours à l’option militaire[12]. Une autre question pourrait toutefois se poser si un accord venait à être trouvé sans offrir suffisamment de garanties à Israël. Dans une telle situation, quelle serait la position des États-Unis si l’état hébreu décidait de déclencher une opération militaire d’envergure visant les sites nucléaires iraniens ?


[1] https://www.timesofisrael.com/liveblog_entry/netanyahu-calls-trump-greatest-friend-israel-has-ever-had-hailing-his-actions-in-past-2-weeks/

[2] https://edition.cnn.com/2025/01/07/politics/trump-warning-gaza-hostages-negotiations-inauguration

[3] https://www.reuters.com/world/middle-east/deadly-israeli-strikes-pound-gaza-trump-says-people-are-starving-2025-05-16/

[4] https://www.wsj.com/world/middle-east/israel-says-it-will-allow-food-into-gaza-for-the-first-time-in-months-834048a6?mod=world_lead_pos4

[5] https://www.lefigaro.fr/international/les-bonnes-affaires-de-donald-trump-au-moyen-orient-20250515

[6] https://www.whitehouse.gov/articles/2025/05/what-they-are-saying-trillions-in-great-deals-secured-for-america-thanks-to-president-trump/

[7] https://www.timesofisrael.com/thats-no-way-to-become-a-celebrity-video-shows-edan-alexanders-call-with-trump/

[8] https://www.nbcnews.com/politics/national-security/trump-operation-houthis-cost-1-billion-rcna205333

[9] https://www.france24.com/fr/info-en-continu/20250506-🔴-oman-annonce-un-accord-de-cessez-le-feu-entre-les-houthis-du-yemen-et-les-états-unis

[10] https://www.nbcnews.com/politics/national-security/trump-operation-houthis-cost-1-billion-rcna205333

[11] https://allisrael.com/israeli-officials-concerned-about-possible-weak-us-position-in-nuclear-talks-with-iran

[12] https://www.nytimes.com/2025/04/16/us/politics/trump-israel-iran-nuclear.html

Conseil de Défense : le rapport déclassifié sur les Frères musulmans en intégralité

Conseil de Défense : le rapport déclassifié sur les Frères musulmans en intégralité

Le 21 mai 2025, un rapport confidentiel intitulé « Frères musulmans et islamisme politique en France » a été présenté au gouvernement, puis examiné en Conseil de défense.

par Adélaïde Motte – armees.com – Publié le
Frères musulmans
Conseil de défense et de sécurité nationale du 30 octobre 2020 © Présidence de la République

Le 21 mai 2025, un rapport confidentiel intitulé « Frères musulmans et islamisme politique en France » a été présenté au gouvernement, puis examiné en Conseil de défense. Rédigé par deux hauts fonctionnaires, ce document de plus de 60 pages ne parle ni de terrorisme, ni de séparatisme violent. Il s’attaque à une dynamique autrement plus insidieuse : l’enracinement d’une idéologie islamiste intégraliste dans le quotidien des structures françaises.

Son objet ? Décrire, analyser, et nommer une mouvance trop souvent mal comprise : le frérisme. Ce courant, héritier des Frères musulmans fondés en Égypte en 1928, s’adapte à son environnement, s’organise sur le temps long et se développe sous le seuil de détection classique des outils de lutte contre l’islamisme.

Frères musulmans : une organisation à cercles concentriques

Au cœur du rapport, une description limpide d’un mode de structuration méconnu. La confrérie fonctionne selon « des cercles concentriques dont le centre est constitué d’un “cercle restreint” de militants assermentés ». Autour de ce noyau, gravite une galaxie plus diffuse d’influence et de relais idéologiques, désignée comme la « mouvance frériste ».

Cette distinction est importante. Le frérisme ne désigne pas seulement l’adhésion à une organisation formelle, mais aussi l’adhésion à des logiques, des langages, des pratiques, sans nécessairement revendiquer l’appartenance au noyau central. C’est cette souplesse organisationnelle qui rend le phénomène difficile à appréhender. Il ne s’agit pas d’une armée, mais d’un archipel.

Une stratégie d’influence territoriale progressive

Loin d’une stratégie de confrontation, le frérisme agit par infiltration. Le rapport décrit une dynamique fondée sur l’implantation locale et l’adaptation stratégique. En Europe, les Frères musulmans « capitalisent […] sur une dynamique désormais ancienne » : les institutions communautaires.

Il ne s’agit pas de s’enfermer dans des enclaves, mais d’investir les structures sociales existantes. Associations, écoles, lieux de culte, centres culturels, clubs sportifs deviennent autant de points d’appui pour une influence organisée. Cette présence « renforcée par une nouvelle génération de prédicateurs » permet une diffusion culturelle et religieuse ciblée, agile, et médiatiquement compatible.

Les enfants en première ligne du projet frériste

La jeunesse est au cœur de cette stratégie. Le rapport insiste sur « la rigorisation de la pratique religieuse » chez les plus jeunes, avec une mention spécifique à « l’explosion du nombre de jeunes filles portant une abaya et l’augmentation massive et visible du nombre de petites filles portant le voile ».

Cette observation n’est pas anecdotique. Elle met en lumière une influence qui ne vise pas seulement les individus mais les structures d’éducation, de transmission, de socialisation. L’objectif est clair : forger très tôt des repères religieux conservateurs, en rupture progressive avec les normes républicaines.

Une subversion sans violence mais avec méthode

Ce qui rend le frérisme redoutable, c’est son invisibilité relative. Loin des discours de rupture, c’est dans le glissement progressif des normes, dans la normalisation d’un contre-discours religieux politique, que s’installe la menace. Un lent travail d’érosion idéologique.

La dernière partie du rapport n’est pas seulement analytique. Elle formule des recommandations. Les auteurs appellent à « mieux appréhender la menace, documenter ses structures, connaître les aspirations de la population musulmane et lui adresser des messages forts ».

C’est une stratégie d’intelligence politique qui est proposée. Parmi les priorités : « une prise de conscience des effets de l’islamisme en France » et « un discours laïque renouvelé ». L’enjeu est de reconstruire un récit républicain fort, audible et cohérent.

Le rapport « Frères musulmans et islamisme politique en France » documente un phénomène invisible à l’œil nu, mais bien réel. Il ne décrit ni un coup d’État ni un projet violent. Il décrit un travail d’influence, un enracinement idéologique, une conquête culturelle progressive.

C’est une alerte froide et rigoureuse. Une alerte qui, si elle est entendue, pourrait permettre à la République de se défendre, non pas contre une menace spectaculaire, mais contre une lente et méthodique transformation de ses fondations.

Défense : « Lorient tient une place prépondérante »

Défense : « Lorient tient une place prépondérante »

Dans le cadre d’une mission d’information, les députés Damien Girard et Thomas Gassilloud ont passé la journée, lundi 19 mai 2025, chez Naval Group et à la base aéronavale de Lann-Bihoué.

Les députés Thomas Gassilloud (deuxième en partant de la gauche) et Damien Girard (au centre) en visite chez Naval Group.
Les députés Thomas Gassilloud (deuxième en partant de la gauche) et Damien Girard (au centre) en visite chez Naval Group. | NAVAL GROUP

Vers quel modèle l’Armée française doit-elle se tourner dans les années à venir ? Vaste question sur laquelle Damien Girard, député de la circonscription de Lorient (Morbihan) et son collègue du Rhône, Thomas Gassilloud, planchent depuis le mois de janvier.

Dans le cadre de leur mission d’information, les deux parlementaires ont passé la journée, lundi 19 mai 2025, chez Naval Group et à la base d’aéronautique navale de Lann-Bihoué. « Les réflexions venant du terrain sont toujours riches d’enseignements », pointe Damien Girard.

« Lorient tient une place prépondérante en matière de défense, rappelle Thomas Gassiloud. Car c’est ici que sont construits les bâtiments de surface de premier rang de la Marine nationale. Les frégates livrées par Naval Group sont indispensables à la sécurisation du trafic maritime. Notre dissuasion repose également sur la base de Lann-Bihoué. Ses avions permettent de sécuriser la sortie de nos sous-marins depuis l’île Longue et de repérer les éventuels sous-marins russes. »

Comment équilibrer le plan de charge chez Naval Group ?

Les deux lieux sont également indispensables à l’économie locale, puisque Naval Group et la base de Lann-Bihoué emploient, chacun, environ 2 000 personnes. Avec pour chaque structure ses problématiques. Notamment celle du plan de charge chez Naval Group. « L’entreprise se trouve actuellement dans un léger creux, mais il est impératif de maintenir la masse de salariés afin de ne pas perdre les compétences », souligne Damien Girard.

Une à deux frégates de défense et d’intervention sortent, chaque année, de chez Naval Group. | THIERRY CREUX / OUEST-FRANCE

D’où cette réflexion de l’élu écologiste. «  Naval Group produit à la fois des frégates pour la Marine nationale (à raison d’une tous les deux ans), et pour d’autres pays (la Grèce). Les bateaux sont construits une fois les commandes passées. On pourrait imaginer fonctionner différemment comme le fait l’Italie, en ayant des frégates en surnuméraire et en cédant certaines en fonction des besoins d’autres pays. D’autant que l’on sait que le carnet de commandes va se remplir dans les six à neuf mois à venir, et que la capacité à livrer rapidement est importante. »

Damien Girard et Thomas Gassilloud présenteront leur rapport d’information le 11 juin en commission défense, à l’Assemblée nationale.

Un soldat français mobilisé contre l’orpaillage illégal décédé en Guyane

Un soldat français mobilisé contre l’orpaillage illégal décédé en Guyane


Le sergent Maxence Roger est “décédé accidentellement dans le cadre de l’opération Harpie contre l’orpaillage illégal en Guyane“, a annoncé lundi 19 mai le ministère des Armées.

Une enquête pour faire la lumière sur les circonstances de son décès a été ouverte.

Un soldat français tué en Guyane. Le sergent Maxence Roger est “décédé accidentellement dans le cadre de l’opération Harpie contre l’orpaillage illégal”, annonce dans un communiqué le ministère des Armées. Portée disparue dans la nuit du 18 au 19 mai dans les environs du poste fluvial de Saut-Maman-Valentin, la victime a été retrouvée, sans vie, après des “recherches menées en eaux vives”. Le militaire était âgé de 27 ans. 

Déployé pour une “mission de courte durée” au sein du 9e Régiment d’infanterie de Marine stationné à Cayenne, le sergent Maxence Roger est présenté comme un “marsouin parachutiste motivé”, “sérieux et autonome”, “toujours enthousiaste, même dans les situations les plus difficiles”. Le ministère des Armées évoque également un leader “exemplaire”, doté d’un “très bon sens tactique” et d’une bonne dose de “sang-froid et maturité”. Auteur d’un parcours remarquable depuis son engagement en 2018, il s’est vu remettre plusieurs distinctions, à l’instar de la “médaille de la défense nationale bronze”

“J’adresse mes plus sincères condoléances à sa famille, à ses proches ainsi qu’à ses frères d’armes au nom des armées françaises. Nous n’oublierons pas le courage et l’engagement absolus dont il a fait preuve dans l’accomplissement de sa mission”, écrit le chef d’état-major des armées sur X, faisant part de sa “profonde tristesse”.

Une enquête judiciaire a été ouverte et doit désormais permettre de déterminer les circonstances de son décès. Lancée en 2008, l’opération Harpie est menée conjointement par les forces de gendarmerie et les forces armées pour lutter contre l’orpaillage illégal dans le département, autrement dit l’exploitation clandestine de gisements d’or.

Le Haut-commissariat au Plan avance des pistes pour porter le budget des Armées à 3,5 % du PIB d’ici 2030

Le Haut-commissariat au Plan avance des pistes pour porter le budget des Armées à 3,5 % du PIB d’ici 2030


Malgré une hausse continue de ses crédits depuis 2018, le ministère des Armées manque de marges de manœuvre budgétaires pour accompagner sa remontée en puissance. Tel est en effet le constat établi par deux récents rapports publiés par la Cour des comptes et la commission sénatoriale des Finances.

Ainsi, l’un et l’autre ont mis en garde contre le niveau trop élevé du report des charges, lequel a atteint le niveau record de 8 milliards d’euros lors de l’exercice 2024. Pour rappel, il s’agit d’une astuce comptable consistant à ne payer les factures que l’année suivante, des intérêts moratoires étant versés aux industriels en compensation.

« Alors que le stock de report de charges de 2022 vers 2023 était de 3,88 milliards d’euros, il s’établirait à environ 8,02 milliards d’euros de 2024 vers 2025. Il a ainsi plus que doublé en deux ans », a ainsi relevé le sénateur Dominique de Legge, dans son rapport rendu au nom de la commission des Finances.

Pour la Cour des comptes, cette « augmentation du report de charges en 2024 » va « bien au-delà de l’objectif fixé au ministère ». Et d’ajouter : « La révision de la trajectoire de report de charges en fin de période sous programmation, interrogent sur la capacité du ministère à en maîtriser le retour à un niveau raisonnable d’ici à 2030 ».

Un autre point d’attention sont les « restes à payer », c’est-à-dire les autorisations d’engagements [AE] non encore couvertes par des crédits de paiement [CP]. Leur niveau est « en très forte augmentation depuis 2019 » note la Cour des comptes, qui précise qu’il s’est élevé à 100 milliards d’euros à la fin de l’exercice 2024 [soit + 2,9 % par rapport 2023].

Or, comme le souligne M. de Legge, « près de 90 % des crédits de paiement prévus en 2025, hors dépenses de personnel, seront ainsi destinés à apurer ce stock, qui continue par ailleurs d’être alimenté par l’engagement d’AE. »

Aussi, les magistrats de la rue Cambon font valoir que, malgré la hausse significative du budget des Armées et l’évolution « très favorable » de la « moindre évolution des coûts de facteurs » [prix du carburant, par exemple], la « nouvelle dégradation des ratios de report de charges et de restes à payer fait peser un risque significatif sur la soutenabilité des dépenses de la mission Défense ».

« Le ministère et le gouvernement, se doivent désormais d’y mettre impérativement de l’ordre, soit en parvenant à couvrir par des ressources additionnelles ses besoins financiers non programmés, soit en faisant des choix capacitaires pour se ramener plus étroitement à la trajectoire financière planifiée par la Loi de programmation militaire », estime la Cour des comptes.

D’autant plus que, la semaine passée, le ministre des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, a fait savoir que la France allait souscrire à l’objectif de l’Otan visant à porter les dépenses militaires à 5 % du PIB d’ici 2032.

« L’objectif de 3,5% est le bon montant pour les dépenses de base en matière de défense. Mais cela s’accompagne de dépenses qui vont concourir à l’augmentation de notre capacité de défense, qui ne sont pas des dépenses de défense directes, mais qui doivent être réalisées », comme la cybersécurité ou la mobilité militaire, a expliqué M. Barrot.

Pour rappel, il faut remonter au début des années 1960 pour retrouver un tel niveau de dépenses militaires en France.

Cependant, malgré les plans d’économies, les « réformes » et les promesses faites par les gouvernements successifs à la Commission européenne, les finances publiques continuent de se dégrader, avec une dette publique ayant dépassé les 3 300 milliards d’euros [113 % du PIB] et un déficit public s’étant établi 169,6 milliards d’euros en 2024 [soit 5,8 % du PIB]. Dans ces conditions, comment porter les dépenses militaires, au sens large, à 5 % du PIB, alors que d’autres priorités doivent aussi être financées ?

Le Haut-commissariat au Plan a tenté de répondre à cette question dans une note « flash » qu’il vient de publier. Selon lui, il n’existe que quatre leviers pour financer un tel effort, à savoir : la maîtrise des dépenses publiques, avec des « réduction inédites » dans certains domaines [social, fonction publique, etc.], une « hausse majeure des prélèvements obligatoires », alors que leur niveau, selon l’INSEE, est déjà de 42,8 % [hors cotisations sociales imputées], une « croissance du taux d’emploi », ce qui paraît compliqué à court terme, sauf à prendre des mesures radicales, et le « recours à un financement européen, via un endettement commun », ce qui pose des problèmes politiques et juridiques.

Selon cette note, « financer l’effort en ne recourant qu’à un seul levier – que ce soit la maîtrise de dépenses, des hausses d’impôts ou des réformes visant à accroître le taux d’emploi et grâce à cela les recettes publiques – semble peu crédible tant l’ampleur et la vitesse dans l’usage de chacun d’eux serait conséquente et inédite ». Aussi, « il apparaît donc indispensable de combiner plusieurs leviers, qui relèvent d’un choix politique essentiel », estime-t-elle.

Sans surprise, quand on connaît ses engagements pro-européens, le Haut-commissaire au Plan, Clément Beaune, pense que « la clé du problème » passe par l’Union européenne [UE], tant sur le plan financier qu’industriel.

« Au-delà du projet ‘ReArm Europe’, des solutions plus radicales doivent être envisagées. Un emprunt européen, permettant non seulement des financements communs mais aussi des acquisitions et des programmes industriels conjoints, est une idée qui progresse. Un montant proche de 500 milliards d’euros […] serait près de deux fois inférieur à l’effort consenti pendant la crise du Covid et faciliterait grandement les efforts nationaux, le niveau d’endettement global de l’Union européenne restant modéré », écrit M. Beaune dans son « éditorial ».

S’agissant de l’aspect industriel, le Haut-commissaire au Plan plaide pour une DGA [Direction générale de l’armement] européenne, laquelle serait créée à partir de l’Agence européenne de défense [AED], « sous le contrôle des États ». Une telle structure permettrait « de définir et d’acquérir en commun de nouveaux équipements » à des industriels européens.

« De la prescription à la production, c’est un modèle européen qu’il faut inventer : les erreurs commises dans le secteur spatial notamment, avec un ‘retour géographique’ inefficace, doivent inciter à bâtir un autre schéma, reposant sans doute, en aval, sur une spécialisation industrielle nationale plus assumée », conclut M. Beaune sur ce point.

OPINION. Légèreté et impatience ont tué la loi de programmation militaire

OPINION. Légèreté et impatience ont tué la loi de programmation militaire

Selon le groupe Vauban, la loi de programmation militaire (LPM), dès sa conception, reposait sur des hypothèses qui, toutes, sont devenues de lourdes hypothèques, à l’exception peut-être de l’évolution du coût des facteurs plus favorable qu’estimé par le ministère des Armées. Par le groupe Vauban.

« La fameuse haute intensité n'aura guère touché les armées, notamment l'armée de Terre dont l'entraînement tient toujours aussi peu compte dans les écoles de formation d'officiers et de sous-officiers des enseignements des guerres en cours et, qui repose toujours sur un matériel dépassé, usé, échantillonnaire ou carrément absent » (Le groupe Vauban).

« La fameuse haute intensité n’aura guère touché les armées, notamment l’armée de Terre dont l’entraînement tient toujours aussi peu compte dans les écoles de formation d’officiers et de sous-officiers des enseignements des guerres en cours et, qui…Gonzalo Fuentes

Dans deux articles [1] qui firent à l’époque grand bruit dans les cercles politiques, militaires et industriels de l’armement, notre groupe démontrait, chiffres à l’appui, le non-financement de la Loi de programmation militaire (LPM) 2024-2030 et prétendait que l’économie de guerre cachait en réalité une guerre à l’économie. Deux ans ont passé où notre groupe s’est fait silencieux préférant observer la tournure des évènements, sûr que bon sens et épreuve des faits lui donneraient raison. Avec la publication salutaire du rapport du Sénat sur le financement de la LPM, l’heure est venue en effet de constater, comme Richelieu dans son Testament politique, qu’« il n’y a pas de nation au monde si peu propre à la guerre que la nôtre ; la légèreté et l’impatience qu’elle a dans les moindres travaux sont deux principes qui ne se vérifient que trop ».

Vers un écroulement capacitaire

Légèreté d’abord : dès sa conception, la LPM reposait sur des hypothèses qui, toutes, sont devenues de lourdes hypothèques, à l’exception peut-être (provisoire ?) de l’évolution du coût des facteurs plus favorable qu’estimé par le ministère des Armées. Mais pour le reste, pour tout le reste, nos deux articles se sont tous confirmés dans le moindre détail : sous-estimation des besoins de financement des armées, sous-estimation des surcoûts, non prise en compte des surcoûts (Ukraine, OPEX et OPINT) et des besoins autres (financement de l’OTAN, par exemple), insincérité des ressources extra-budgétaires, déplacement des hausses majeures hors du mandat politique du président…

Nul mérite à ce résultat que la censure sur les comptes rendus des commission de défense du Parlement n’a pas réussi à étouffer : il était d’emblée vain de croire que la défense pouvait, seule, surnager dans la tempête qui décimait les finances publiques nationales sans choix dans le périmètre de l’État. Ce constat fait, l’avenir s’écrira logiquement : sans la priorité donnée au domaine régalien contre les choix sociaux et environnementaux, impossibles, illusoires et inefficaces, la Défense nationale s’écroulera progressivement et avec elle, l’État. Déjà, sans réaction du président ni du ministre des Armées, c’est Bercy qui dirige : bloquant et débloquant les crédits au gré de sa gestion personnelle, au détriment des armées, de l’industrie d’armement et d’une loi votée au Parlement. La légèreté budgétaire entraînera l’écroulement capacitaire.

De l’économie de guerre à une guerre à l’économie

L’impatience ensuite : notre groupe avait également critiqué l’impatience de l’exécutif dans trois domaines : le contexte international, la haute intensité et l’armement. Pour tragique qu’elle soit, la guerre russo-ukrainienne n’a aucune incidence sur les intérêts vitaux de la France et, si elle devait en avoir, la force de frappe est là pour y répondre ; oser prétendre que l’armée russe ira déferler sur l’Europe dès 2029 alors qu’elle peine à prendre des objectifs extrêmement limités en Ukraine ou sur son propre territoire, est tout aussi exagéré que prétendre que les États-Unis se retireront du champ européen, alors qu’ils y opèrent des bases majeures (de logistique, de renseignement et d’interception).

Dans tous les cas, la dissuasion protège la France. La fameuse « haute intensité » n’aura guère touché les armées, notamment l’armée de Terre dont l’entraînement tient toujours aussi peu compte dans les écoles de formation d’officiers et de sous-officiers des enseignements des guerres en cours et, qui repose toujours sur un matériel dépassé, usé, échantillonnaire ou carrément absent.

Enfin, l’impatience dans le domaine de l’armement s’est traduite par l’économie de guerre : au lieu d’être un réarmement classique, s’appuyant sur des commandes fermes, pluriannuelles de la Direction générale de l’armement (DGA), l’économie de guerre s’est surtout traduite par une guerre à l’économie de l’armement où les mesures à la fois intrusives, instables et infondées du ministère des armées sont prises dans un climat généralisé de suspicion des industriels et des banques sans pour autant être compensées par des commandes nouvelles fermes. L’État avec légèreté et impatience ignore que qui paie, commande et qui commande, paie.

Dans ces trois domaines, l’impatience était inutile et surtout mauvaise conseillère : il fallait attendre la fin de l’ancienne LPM, se donner le temps de faire des choix, notamment en tenant compte des guerres en cours et surtout ménager un espace budgétaire ferme à la LPM pour traduire financièrement les exigences réels d’un réarmement de fond. Celui-ci s’impose toujours, non en raison d’un quelconque contexte stratégique versatile qu’en raison de la permanence des ambitions nationales de la France qui se veut encore une grande puissance défendant ses intérêts dans le monde et ses alliances tout aussi mondiales.

« C’est chose étrange que la légèreté des Français… »

Au bilan tout provisoire et qui s’alourdira, n’en doutons pas, dans les semaines à venir, légèreté budgétaire et impatience stratégique ont ruiné dès sa conception l’actuelle LPM ; il est curieux de constater qu’à part quelques sénateurs, ce constat pourtant clair dès 2023 ne choque aucun autre parti politique. Voilà qui est de mauvaise augure pour 2027. Comme le remarquait Louis XIII à Richelieu dans une lettre du 5 août 1635 : « c’est chose étrange que la légèreté des Français… ».

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[*] Le groupe Vauban regroupe une vingtaine de spécialistes des questions de défense.

L’A400M de l’armée française réussit ses premiers essais comme bombardier d’eau !

L’A400M de l’armée française réussit ses premiers essais comme bombardier d’eau !

https://feuxdeforet.fr/2025/05/19/la400m-de-larmee-francaise-reussit-ses-premiers-essais-comme-bombardier-deau/


Alors que la France fait face à des incendies de plus en plus fréquents et violents, une innovation prometteuse émerge du côté des forces armées : l’A400M, avion de transport militaire de l’armée de l’Air et de l’Espace, a réussi avec succès ses premiers essais de largage d’eau, ouvrant la voie à une nouvelle capacité de lutte contre les feux de forêts.

Des résultats très encourageants

Les tests ont été menés récemment par Airbus en collaboration avec l’armée française, la Direction Générale de l’Armement (DGA) et la Sécurité Civile. Résultat : l’A400M, équipé d’un kit amovible de largage, a pu déverser jusqu’à 20 000 litres d’eau en un seul passage, avec une précision et une efficacité impressionnantes.

Ces premiers essais sont jugés très concluants par les autorités, démontrant que l’A400M peut non seulement remplir un rôle de transport stratégique, mais aussi devenir un appui majeur dans la lutte contre les incendies à grande échelle.

Une transformation rapide et réversible

Le système utilisé repose sur un kit « Roll-on/Roll-off », facilement installé dans la soute de l’avion sans nécessiter de modifications permanentes. Cela permet de convertir rapidement l’A400M en bombardier d’eau, tout en conservant sa vocation militaire principale. Cette flexibilité en fait un atout logistique précieux en cas d’urgence.

Un soutien stratégique face aux mégafeux

Face à l’augmentation dramatique des incendies en France — notamment dans le sud, en Corse et désormais dans des zones autrefois épargnées — cette nouvelle capacité arrive à point nommé. Elle pourrait combler les lacunes des moyens civils, parfois débordés lors de crises multiples.

L’engagement des A400M dans ce rôle marque aussi un tournant dans la coopération entre les armées et les services civils, pour répondre à des menaces liées au climat.

Et maintenant ?

Fort du succès des premiers essais, l’armée française envisage d’intégrer cette capacité dans son arsenal opérationnel dès les prochaines saisons estivales. D’autres phases de test et de validation opérationnelle sont attendues, mais l’enthousiasme est réel tant chez les militaires que chez les pompiers.

Quelle matérialité de la désinformation ?

Quelle matérialité de la désinformation ?

Par Samuel Henry* – Diploweb – publié le 18 mai 2025 

https://www.diploweb.com/Quelle-materialite-de-la-desinformation.html


*Samuel Henry s’exprime en son nom propre. Samuel Henry est officier de l’armée de Terre, actuellement stagiaire à l’Ecole de Guerre (Paris). L’an passé, il a soutenu une thèse sur les biais cognitifs dans la planification militaire. Il explore depuis plusieurs années nos mécaniques cognitives et leurs effets dans la prise de décision et dans le domaine des manipulations de l’information.

La diffusion de faux contenus n’est plus anodine, tant par son caractère massif, que par les effets induits sur les opinions publiques et sur la vie de nos démocraties. Le terme « désinformation » fait désormais florès pour désigner ce phénomène accéléré par l’usage immodéré des réseaux sociaux. Si la désinformation agit d’abord sur nos croyances et dans un cadre virtuel, sa propagation peut avoir des effets réels dans le monde matériel. C’est de cette matérialité de la désinformation qu’il est question.

Documenté et pédagogue, Samuel Henry offre des clés pour comprendre un sujet majeur.

FRANCE, le 2 octobre 2023. « Punaises de lit. PERSONA NON GRATA. » titre le journal Libération. La recrudescence de punaises de lit devient un sujet public. Dans l’espace privé, de nombreuses personnes croient voir leur logement infesté. Certains individus en perdent momentanément le sommeil. Le sujet devient un enjeu politique : un projet de loi est envisagé. L’invasion virtuelle a des effets réels. Pourtant, hormis quelques vidéos qui font le buzz sur les réseaux sociaux, la prétendue invasion de punaises de lit est loin d’être prouvée.

Quelle matérialité de la désinformation ?
Illustration 1 – La Une de Libération, le 2 octobre 2023. La matérialité des punaises de lit.
Copyright Libération, 2023

Cinq mois plus tard, au début du mois de mars 2024, les responsables politiques français dénoncent officiellement ce qui s’est avéré être une manœuvre de désinformation « artificiellement amplifiée sur les réseaux sociaux par des comptes dont il a été établi qu’ils sont d’inspiration ou d’origine russe [1] ». La Russie, adversaire de la France sur le plan informationnel, s’est contentée de prendre le train de nos peurs en marche, afin d’amplifier une mauvaise rumeur. Et ça marche !

La désinformation surfe sur des peurs virtuelles, mais ses effets dans la sphère politique et privé sont bien réels. L’illusion des punaises de lits illustre un problème concret. Alors que la désinformation agit d’abord sur nos esprits et concerne la diffusion de faux contenu, la notion de matérialité a une double acception : matériel (au sens de concret) et vérifiable. Evoquer la matérialité de la désinformation convoque un double paradoxe. D’une part, c’est opposer l’immatériel des contenus de l’information aux effets concrets de nos choix. D’autre part, c’est affirmer l’idée d’effets vérifiables à ce déluge de contenus non-vérifiés.

Comment la matérialité de la désinformation nous renseigne sur la lutte à mener ?

Si la désinformation est de prime abord une matière qui échappe et qui semble floue ou immatérielle (I), ses effets concrets sont cependant bien réels (II). Dès lors, anticiper la matérialité de la désinformation semble être une clé judicieuse pour mieux lutter contre les manipulations de l’information (III).

I. La désinformation : une matière qui échappe

Une matière galvaudée

La désinformation est un terme que personne n’entend de la même oreille. Selon l’acception que l’on retient, elle peut soit être confondue avec l’onomatopée « fake news [2] » de Donald Trump, ou, plus sérieusement être définie comme une « diffusion volontaire et intentionnelle d’une fausse information en sachant qu’elle est fausse  ». Toujours est-il que cette définition demeure assez peu connue du grand public. L’usage du terme désinformation est suffisamment galvaudé pour qu’il puisse aussi bien englober les fausses nouvelles diffusées sciemment que les accusations péremptoires utilisées pour discréditer un adversaire politique. Bien souvent, le fait de qualifier dans un débat public un fait ou une information comme de la « désinformation » permet de censurer facilement n’importe quel contradicteur. Tout l’enjeu de la sensibilisation à la désinformation consiste donc à repositionner la véracité des faits sans s’ériger en arbitre subjectif. Plusieurs versions des faits peuvent parfois cohabiter. Elles peuvent alors donner lieu à des vérités sélectionnées ; c’est-à-dire des faits qui ne sont pas faux en eux-mêmes, mais dont l’évocation sélective oriente les perceptions. Il s’agit là encore d’une logique de manipulation des perceptions, sans que les faits en eux-mêmes ne soient strictement réfutables. C’est pourquoi, pour lutter contre la désinformation, s’attaquer strictement au contenu n’est pas toujours la solution.

Pour lutter, étudier la propagation plutôt que la vérité matérielle

Chez les Britanniques, l’ « information warfare » est aussi appelée « political warfare ». Se faire l’arbitre du vrai confine à l’action politique. C’est pourquoi, en France, l’agence VIGINUM, responsable depuis 2021 de la détection des manœuvres informationnelles de nos adversaires, caractérise les manœuvres informationnelles plutôt que les contenus. En démocratie, une agence gouvernementale responsable de lutter contre la désinformation ne peut pas être l’arbitre du vrai. En revanche, sans préjuger de la véracité des contenus, il est possible de caractériser l’amplification artificielle d’un contenu sur les réseaux sociaux. Ce genre d’action – une manœuvre inauthentique coordonnée – atteste d’une volonté de nuire de la part de nos adversaires et permet de les exposer. Le mensonge se caractérise donc par le mode de propagation, plutôt que par la matière du contenu. Même la lutte contre la désinformation consiste à étudier la mécanique de propagation plutôt que la matière !

Illustration 2 – L’ouvrage « Warfare by words » (Penguin, 1942).
Son auteur, Ivor Thomas explique très bien le caractère politique de l’information warfare.

Affaiblir la démocratie et faire advenir la post-vérité

L’important n’est plus la véracité du message, mais d’exposer le plus souvent possible la cible à votre message d’influence. D’abord faire naître le doute, puis imposer votre récit par une diffusion massive, afin de remporter la partie. L’inversion accusatoire (« whataboutism » en anglais) illustre parfaitement cette « diffusion du doute ». Ainsi, nos adversaires sont particulièrement performants pour dresser des « accusations en miroir », ou plus prosaïquement, une stratégie du «  C’est celui qui dit qui y est.  » La Russie est accusée d’attaquer un pays souverain en violation de l’ordre international ? Il lui suffit d’accuser en retour. Expliquer que l’OTAN s’est montré agressive. Expliquer que les Ukrainiens sont des « nazis ». Expliquer que les droits des peuples du Donbass sont violés depuis plusieurs années. La multiplication de ces accusations dilue l’accusation initiale dans un océan de vérités alternatives. L’effet final est de lasser le public, de défaire son rapport à la vérité, avant de défaire les cœurs et les esprits.

 
Illustration 3 – Sempé. L’inversion accusatoire : une stratégie aussi puérile qu’efficace

« L’agent d’influence n’est jamais pour, toujours contre, sans autre but que de donner du jeu, du mou, tout décoller, dénouer, défaire, déverrouiller. » explique un agent soviétique dans le roman « Le montage  » (Vladimir Volkoff, éd. Julliard – L’Age d’homme, 1982). Cette technique d’influence est appelée « technique du fil de fer ». Ce fil de fer, c’est notre rapport à la vérité. A force de le tordre, l’avalanche de désinformation finit par le casser. « Le sujet idéal de la domination totalitaire n’est ni le nazi convaincu, ni le communiste convaincu, mais celui pour qui les distinctions entre fait et fiction et entre vrai et faux n’existent plus . » écrivait Hannah Arendt. C’est ce qu’on appelle aujourd’hui l’ère de la post-vérité  : un monde où la distinction entre le vrai et le faux n’importent plus, tant le flux est assourdissant. Inonder la zone de merde (« Flood the zone with shit ») préconisait Steve Bannon. Il s’agit d’inonder l’auditoire de « fake news » afin de susciter la confusion et de lasser les journalistes et les communautés de « fact-checking ». La diffusion massive de contenus de désinformation pourrait faire advenir ce monde-là – et ses effets seraient matériels.

II. Des effets souvent immatériels mais toujours réels

Une action réelle sur le domaine virtuel de nos croyances et de nos représentations

Les actions de désinformation agissent d’abord sur un espace virtuel, celui de nos cadres de représentation et de nos croyances. Chez les héritiers des Soviétiques, ce genre d’action est appelé mesures actives, depuis l’époque de la Tcheka (1917-1922). Les mesures actives [3] sont des actions informationnelles qui ont pour objet de faire évoluer la vision d’un auditoire sur un sujet. L’addition de ces manœuvres permet in fine de faire évoluer le cadre de croyance. Un dicton du KGB illustre ce principe : « La goutte d’eau creuse la pierre, non par la force, mais en tombant souvent. ». Cette récurrence est appelée « bruit de fond » dans le domaine de la lutte informationnelle. Un peu à la manière d’une contrebasse ou d’un piano dans un orchestre de jazz, le bruit de fond permet d’assurer la permanence du rythme de la manœuvre d’influence.

L’effet du bruit de fond est démontré en psychologie sociale, depuis 1968 par Robert Zajonc [4]. « L’effet de simple exposition », tel que ce chercheur en psychologie sociale le baptise, est la tendance que nous avons à évaluer plus favorablement des informations familières, quels que soient la signification ou le crédit que nous accordons à ces informations. Le bruit de fond de la désinformation devient persistant par un autre effet documenté : l’effet d’influence continu. Les premières recherches sur l’effet d’influence continue datent de 1994 grâce à Hollyn Johnson et Colleen Seifert [5]. Leurs expériences démontrent qu’une information démentie et désormais tenue pour fausse par une audience, continue à guider inconsciemment le raisonnement d’une partie de l’audience, comme s’il n’y avait jamais eu de démenti. Comme le disait le philosophe Francis Bacon, « Calomniez ! Calomniez ! Il en restera toujours quelque chose » dans l’esprit de l’auditoire.

L’effet final : priver de la souveraineté, sans que le territoire ne soit pris

Le pouvoir de l’influence n’est pas nouveau. Le stratège Sun-Tzu (IV e siècle avant J-C) expliquait : « Soumettre l’ennemi sans ensanglanter la lame, voilà le fin du fin. ». Les ressources de l’influence permettent d’envisager cette soumission, ou plutôt la démission de l’adversaire. Comme l’a affirmé le général russe Valeri Guerassimov (1955 – ) « Les ressources de l’information permettent de priver l’adversaire de sa souveraineté sans que le territoire ennemi ne soit pris. ». C’est une nouvelle forme de stratégie indirecte, consistant à « gagner la bataille avant de l’engager » pour reprendre les mots de Sun Tzu. Avec Donald Trump au pouvoir, les mesures de contrôle réflexif déployées par la Russie semblent porter leurs fruits. Les Etats-Unis, le principal compétiteur de la Russie, sont désormais dirigés par un homme qui a fait l’objet de mesures actives des services russes, et qui laisse dire que l’Ukraine a provoqué l’invasion russe sur son sol et est responsable du conflit, en laissant élire le « dictateur » Zelensky à sa tête [6].

« Une bataille perdue, c’est une bataille qu’on croit perdue. » L’adage du maréchal de Saxe (1696-1750) n’a pas vieilli. Les contenus de désinformation peuvent littéralement défaire nos sociétés lorsqu’ils échappent à notre discernement, mais ils peuvent aussi, au contraire, susciter une envie de « faire bloc », une envie de demeurer souverains. Pour ce faire, la désinformation doit être combattue avant que ses effets ne se matérialisent.

Lorsque c’est matériel, c’est souvent trop tard

Lorsque la désinformation se matérialise, il est souvent trop tard. Si la population ne trouve plus le sommeil, c’est que l’hypothèse des punaises de lit est complètement ancrée dans les esprits. Si la population refuse de se faire vacciner, c’est que le scepticisme anti-vax triomphe. Si, comme en Roumanie en 2024, la population se choisit un candidat populiste, qui passe de 1% d’intentions de vote à la majorité des suffrages en six semaines, c’est que la rationalité démocratique est vaincue. Après avoir renforcé les peurs, après avoir altéré les croyances, après avoir convaincu les individus d’agir, la désinformation finit par se concrétiser au travers de conséquences matérielles : des insomnies, la recrudescence d’une épidémie ou encore un résultat électoral populiste. La matérialisation n’est que l’ultime effet de la désinformation. Lorsqu’elle advient, c’est qu’il est souvent trop tard pour agir. L’annulation de l’élection de Calin Georgescu en Roumanie au motif d’interférences étrangères dans la campagne a permis à l’intéressé de dénoncer un « déni de démocratie ». Et d’ouvrir un boulevard pour le candidat d’extrême droite qui se présente à sa suite.

Aux Etats-Unis, lorsque la foule donne l’assaut sur le Capitole (6 janvier 2021), il est trop tard pour agir contre les rumeurs et les fausses nouvelles. Dans l’échelle de viralité (« breakout scale ») construite par Ben Nimmo [7] pour évaluer la dangerosité des faux contenus, la matérialisation par l’action violente est d’ailleurs l’ultime degré de viralité auquel un contenu peut prétendre. L’échelle se divise en six « paliers de viralité » :

1. Une plateforme, pas de propagation.

2. Deux plateformes pas de propagation ou une plateforme et début de propagation.

3. Plusieurs plateformes, propagation.

4. Reprise médiatique.

5. Amplification par une personnalité publique.

6. Réponse politique ou Appel à la violence.

Illustration 4 – L’échelle de viralité de Ben Nimmo, toujours utilisée pour caractériser la manœuvre adverse

La matérialité est le signe d’un contenu de désinformation qui triomphe. On ne peut que souhaiter que la désinformation reste en deçà du stade 6, aux stades des rumeurs. Finalement, anticiper la matérialité des contenus de désinformation, permet de mieux limiter leurs effets.

 
Illustration 5 – États-Unis, 6 janvier 2021. L’assaut sur le capitole : illustration de la matérialité de la désinformation, stade ultime de propagation

III. Anticiper la matérialité

Ouvrir les yeux avant la matérialisation

C’est pourquoi il est essentiel d’ouvrir les yeux avant la matérialisation. « On ne combat pas un incendie les yeux fermés », entendait-on aux prémices du Covid pour justifier le besoin de tests de dépistage. Il en va de même pour les contenus de désinformation. Ils doivent être détectés et exposés dès qu’ils atteignent un certain seuil de viralité. C’est le travail essentiel que réalisent les équipes de VIGINUM. 
Pourtant, en dépit de nos capacités d’analyse, certaines données demeurent encore invisibles à nos yeux. Il est par exemple impossible d’estimer le volume et la proportion des contenus produits par intelligence artificielle que nous rencontrons au quotidien. De même, il est encore impossible de connaître avec exactitude le fonctionnement de l’algorithme de recommandation des plateformes. Ce sont donc les règles invisibles des algorithmes qui déterminent ce qui nous est donné à voir et à ne pas voir. Sur ces questions, il paraît essentiel de légiférer pour ne plus être aveugles. [8]

Ou plutôt pour ne plus être borgne, car il y a malgré tout des phénomènes qui sont observés et documentés en détail. Ainsi, 70% des contenus visionnés sur YouTube sont directement suggérés par l’algorithme de recommandation [9]. Par ailleurs, une fausse nouvelle se répand six fois plus vite et plus profondément qu’une information classique [10]. Sans surprise, nous sommes plutôt enclins à écouter l’arbre qui tombe, plutôt que la forêt qui pousse [11] ; les contenus construits pour devenir viraux sont souvent empreints de négativité. Ils se répandent ainsi plus facilement, dopés par la peur, la colère ou l’indignation qu’ils suscitent chez les utilisateurs. Enfin, une récente étude a également démontré que la représentation politique du monde que vous forgez sur X n’est en rien conforme à la réalité [12].

Reconnaître la réalité, sans attendre la matérialité

L’enjeu de la désinformation consiste finalement à reconnaître sa réalité, sans attendre d’observer sa matérialité. Un peu comme certains déclaraient « ne pas croire au Covid », il se trouve encore des individus qui « ne croient pas à la désinformation ». Ce déni est très pratique car il déresponsabilise. Une enquête de 2019 avait d’ailleurs souligné que ce refus de croire aux effets matériels avaient des conséquences sur la propagation des contenus. Ainsi la population de plus de soixante-cinq ans relaie davantage les faux contenus [13], car elle envisage moins les effets réels de la propagation de ces contenus. C’est l’illusion qu’un mauvais contenu peut rester une « bonne blague ».

Le cauchemar de Saint-Exupéry

De fait, il est difficile de croire que notre clic peut finir par influencer une mécanique électorale. Il est aussi difficile de croire que notre simple bulletin peut décider du sort d’une élection, pourtant nous votons. Nous reconnaissons l’incidence infinitésimale de ce geste. Nous gagnerions sans doute alors à comprendre que, lorsque nous facilitons la diffusion d’un contenu, nous votons. Puisque ce vote peut avoir de l’effet, il est opportun de s’interroger  : « Qu’attend-t-on de moi ? » . Telle est la question pertinente, plutôt que « Suis-je d’accord ? ». Si chaque utilisateur effectuait ce questionnement, la propagation des contenus serait vraisemblablement plus rationnelle et moins manipulable. D’autant que les statistiques des réseaux sociaux (metrics) permettent de sonder une population en temps réel sur ses opinions. En réagissant à chaud sur les réseaux sociaux, nous autorisons leurs propriétaires à nous sonder et à nous influencer en direct, sans jamais avoir ouvertement consenti à une telle situation. C’est un vote inconscient mais permanent que nous effectuons. L’analyse de nos données permet de cataloguer la population en un vivier influençable. Antoine de Saint-Exupéry affirmait qu’une « industrie basée sur le profit tend à créer – par l’éducation – des hommes pour le chewing-gum et non du chewing-gum pour les hommes ». L’écrivain rêvait de demeurer dans un monde où on fait du chewing-gum pour les hommes. Las ! Moins d’un siècle plus tard, l’exploitation systématique et semi-consentie des données de navigation accouche d’un monde où l’on utilise les hommes pour leurs cookies. Nous vivons en quelque sorte le cauchemar de Saint-Exupéry.

La réalité incontournable, finalement, est que la désinformation est devenue le premier sujet de préoccupation stratégique [14]. Le premier terrain que laboure la désinformation est celui de nos croyances, de nos peurs et de nos représentations. Un domaine immatériel, mais bien réel. L’un des enjeux de la lutte contre les manipulations de l’information est de reconnaître ce fléau réel, pour le combattre et le contrer, avant qu’il ne se matérialise. C’est pourquoi il est primordial d’ouvrir les yeux, d’exiger l’accès aux données, de continuer à détecter les actions informationnelles adverses et d’exposer celle qui le méritent. Ce combat, le citoyen ne le mène pas seul. Il peut exiger que la législation soit plus dure envers les plateformes. Exigeons que le consentement à l’utilisation de nos données par les plateformes soit explicitement sollicité. Exigeons la transparence sur le fonctionnement des algorithmes de recommandations. Exigeons des possibilités de paramétrages dans la vitesse de navigation ou dans les modalités d’affichages des statistiques. Exigeons davantage de taxes, qui viendraient financer des médias de confiance. Aujourd’hui, chaque utilisateur délègue aux plateformes le choix éditorial des contenus qui lui est proposé. Nous sommes arrivés à cet état de fait parce que nous n’avions pas réfléchi aux effets induits, à leur matérialité. Il est temps de reconnaître la réalité des effets sur nos démocraties. Il est temps de mieux analyser, mieux légiférer et mieux propager.

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Plus

. Edward Bernays, « Propaganda », H. Liveright, 1928.

. Stephen Brill, « The death of truth », Knopf, 2024.

. Gérald Bronner, « Apocalypse cognitive », PUF, 2021.

. David Colon, « La guerre de l’information », Tallandier, 2023.

. Giuliano Da Empoli, « Les ingénieurs du chaos », Jean-Claude Lattès, 2019.

. Christine Dugoin-Clément, « Influence et manipulations », VA Editions, 2021.

. Christine Dugoin-Clément, « Géopolitique de l’ingérence russe. La stratégie du chaos », PUF, 2025.

. Jean-Noël Kapferer, « Rumeurs », Seuil, 1987.

. Bruno Patino, « La civilisation du poisson rouge », Grasset, 2019.

. Ivor Thomas, « Warfare by words », Penguin, 1942.

. Jean-Baptiste Jeangène Vilmer, Alexandre Escorcia, Marine Guillaume, Janina Herrera, « Les manipulations de l’information, un défi pour nos démocratie »s, Carnets du CAPS, 2018.

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