La confiance des Américains dans leurs forces armées repart à la hausse

La confiance des Américains dans leurs forces armées repart à la hausse

Les résultats du sondage annuel du Ronald Reagan Institute ont été publiés jeudi. Pour voir l’ensemble des (riches) données et des tableaux en 106 pages, cliquer ici. 

Les données montrent, par exemple, que le niveau de confiance des Américains dans leurs forces armées nationales américaine repart à la hausse (avec 51% des sondés qui font confiance à l’Institution militaire) mais sans revenir au niveau connu en 2018 (70%), année où a eu lieu la première « Reagan National Defense Survey » :

Il est d’ailleurs intéressant de remarquer que toutes institutions concernées enregistrent une amélioration des taux de confiance. Les forces armées restent toutefois en tête, loin devant la police et les agences de maintien de l’ordre.

Autre données intéressante: 79% des personnes interrogées ont déclaré qu’elles soutenaient une augmentation des dépenses militaires, soit le niveau le plus élevé jamais enregistré par l’enquête. Ce chiffre est en hausse par rapport au niveau historiquement bas de 71% enregistré lors du sondage de l’été 2023 de l’Institut (voir mon post d’alors):

La hausse souhaitée des dépenses militaires n’arrive toutefois qu’en 5e position, derrière la hausse préconisée par les sondés des dépenses pour la couverture sociale, les infrastructures, la santé et l’éducation.

Autre sujet abordé: la présence militaire américaine à l’étranger. Le soutien à une telle présence est resté relativement stable depuis la première enquête en 2018. Cette année, 62 % des personnes interrogées se disent favorables à l’installation permanente de bases militaires à l’étranger, tandis que 33 % s’y opposent. L’année dernière, les chiffres sur la même question était respectivement de 66 % et 28 %.

Toujours sur l’étranger: quels sont les théâtres les plus importants? En tête: l’Asie du sud-est, devant le Moyen-Orient et l’Europe:

Sur l’Ukraine, on constate une érosion du soutien aux envois d’armes:

Enfin, les données de l’enquête montrent que 60 % des personnes interrogées soutiennent l’OTAN en tant qu’alliance.

Cette « Reagan National Defense Survey » a été réalisée auprès de 2500 personnes au cours de la première moitié du mois de novembre.

Carte commentée. Quelle influence pour l’Organisation des pays exportateurs de pétrole en 2024 ?

Carte commentée. Quelle influence pour l’Organisation des pays exportateurs de pétrole en 2024 ?

Par AB PICTORIS*, Clément Alberni – Diploweb – publié le 6 décembre 2024.

https://www.diploweb.com/Carte-commentee-Quelle-influence-pour-l-Organisation-des-pays-exportateurs-de-petrole-en-2024.html


*AB Pictoris est une entreprise française fondée par Blanche Lambert, cartographe indépendante. Diplômée de l’IFG et de Sciences Po Aix. B. Lambert publie « Se former à la cartographie avec Inkscape », éd. D-Booker.
Clément Alberni est diplômé d’un Master en Histoire et Relations internationales, de l’Université Catholique de Lille. Après un stage au Ministère des Armées, il occupe chez AB Pictoris un poste d’analyste-cartographe dans le cadre d’un stage se déroulant d’août à octobre 2024.

Découvrez l’histoire, la structure organisationnelle et le rôle de l’OPEP. Soyez au clair sur l’adaptation de l’alliance OPEP+ face à l’arrivée de nouveaux acteurs sur le marché du pétrole. L’OPEP+ joue aujourd’hui un rôle de stabilisateur du marché pétrolier, même si sa capacité à influer sur certaines décisions et à utiliser le pétrole comme levier diplomatique reste non-négligeable. La diversité des membres qui la composent et dont les intérêts sont parfois opposés pousse ses dirigeants à agir de façon pragmatique. Ainsi, malgré le soutien affiché des pays arabes aux Palestiniens, aucun embargo à l’encontre de l’Etat israélien n’a été mis en œuvre à la suite de l’offensive sur la bande de Gaza.
Carte disponible sous deux formats JPG et PDF pour l’impression haute qualité.

A L’OCCASION de la COP 28, le secrétaire général de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) a suscité la colère et l’indignation de nombreux pays présents. Ce dernier a en effet demandé « en urgence » à ses membres de « rejeter proactivement » tout accord ciblant les énergies fossiles [1]. Il précise dans son courrier que la pression excessive et disproportionnée exercée sur les combustibles fossiles pourrait atteindre un point de basculement aux conséquences irréversibles, car le projet de décision contient encore des dispositions sur l’élimination progressive des combustibles fossiles ». Malgré un accord final faisant état d’une sortie progressive des énergies fossiles afin d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, cette prise de position interroge quant au poids politique de l’OPEP et à son niveau d’influence sur le marché du pétrole en 2024. Pour mieux comprendre, revenons plus en détail sur cette organisation peu ou mal connue.

Carte. Quelle influence pour l’Organisation des pays exportateurs de pétrole en 2024 ?
Pays membres de l’OPEP. Pays membres de l’OPEP+. Principaux exportateurs de pétrole. Principaux importateurs de pétrole. Cliquer ici pour voir la carte au format PDF haute qualité d’impression. Conception AB Pictoris et C. Alberni. Réalisation C. Alberni pour AB Pictoris.
Alberni/AB Pictoris

L’OPEP est une organisation de pays producteurs de pétrole créée le 14 septembre 1960, lors de la conférence de Bagdad, dans un contexte de concurrence intense entre compagnies pétrolières et de fortes pressions à la baisse sur le prix du pétrole. Son objectif est de réguler la production et le prix du pétrole par une politique concertée de ses membres.

En 2024 elle est composée de douze membres, dont ses cinq fondateurs, l’Arabie Saoudite, le Venezuela, l’Irak, l’Iran et le Koweït, ainsi que de sept membres ayant rejoint l’organisation, la Libye en 1962 l’Algérie en 1969, les Émirats arabes unis en 1967, le Gabon (1975-1995, de nouveau membre depuis 2016), le Nigéria 1971, la Guinée équatoriale en 2017 et le Congo en 2018.

En 2016, les membres de l’OPEP se sont associés avec dix autres pays producteurs [2] pour s’entendre sur les quotas visant à limiter la production : Azerbaïdjan, Bahreïn, Brunei, Kazakhstan, Malaisie, Mexique, Oman, Russie, Soudan et Soudan du Sud. Cette alliance est connue désormais sous le nom d’« OPEP+ ».

Notons cependant que d’autres grands pays producteurs ne sont pas membres de l’organisation, Etats-Unis en tête qui est de loin le 1er avec une production de plus de 13 millions barils/jour [3] (unité BBL/D/1K). C’est également le cas du Canada (4734 millions), de la Chine (4249 millions), de la Norvège (1859 millions), du Qatar(1322 millions) [4] et de l’Angola (1084 millions) [5].

Structure organisationnelle de l’OPEP

Le siège de l’OPEP est situé à Vienne en Autriche, et sa structure organisationnelle se décline en plusieurs institutions spécifiques. La conférence des ministres est l’organe suprême de décision de l’OPEP. Elle est composée des ministres du pétrole ou de l’énergie des pays membres. Le comité de revue du marché est quant à lui chargé d’analyser l’état du marché pétrolier, puis de préparer les rapports et recommandations qui seront utilisés lors de la conférence des ministres en matière de politique de production et de prix du pétrole. Ensuite, le secrétariat général, en tant qu’organe exécutif de l’OPEP, est chargé de la mise en œuvre des décisions prises en Conférence des Ministres. Enfin l’organisation est constituée de comités techniques, spécialisés et de groupes de travail pouvant mettre en place des comités ad hoc traitant de questions spécifiques. Ces derniers assistent le comité de revue du marché en fournissant des analyses techniques et des recommandations sur la production et les quotas de pétrole.

Une stabilisation des prix du pétrole et la défense des intérêts des pays producteurs aux origines de l’OPEP

Revenons maintenant aux origines de l’OPEP pour mieux comprendre son rôle et son influence croissante sur le marché mondial du pétrole.

Dans les années qui précèdent la création de l’OPEP, la majorité des pays producteurs de pétrole sont soumis à une très forte dépendance économique des revenus générés par les exportations de cette ressource. Ils se trouvent alors dans une situation de grande fragilité, notamment face à la volatilité des cours du baril, dont la tendance à la baisse est largement encouragée et induite par les pays importateurs. Ainsi, le regroupement d’un certain nombre de pays producteurs voit le jour et permet à ces derniers de peser suffisamment pour être en position de négocier avec les firmes pétrolières multinationales. Ce regroupement leur permet également d’instaurer, entre eux, des quotas de production afin de pouvoir contrôler les prix sur le marché mondial.

Différents tournants marquent alors l’histoire de l’organisation.

Le pétrole, un levier diplomatique pour les pays du Golfe

À partir des années 1970, l’OPEP se structure, se renforce et acquiert une stature internationale, lui conférant un rôle croissant sur la scène pétrolière mondiale.

En octobre 1973, la guerre du Kippour [6] éclate entre Israël et une coalition de pays arabes, menée par l’Égypte et la Syrie. Ce conflit est le point de départ d’une action concertée des pays arabes membres de l’OPEP pour utiliser le pétrole comme levier diplomatique.

L’OPEP, dominée alors par ses membres arabes, décide de réduire progressivement sa production de pétrole et d’imposer un embargo à destination des États-Unis et d’autres pays occidentaux pour leur soutien à Israël.

Le pétrole est ici utilisé comme une arme diplomatique : il s’agit de contraindre les puissances occidentales à faire pression sur Israël pour qu’il se retire des territoires acquis pendant la guerre des Six Jours de 1967 [7]. L’embargo provoque une raréfaction de l’offre mondiale de pétrole, entraînant une hausse spectaculaire des prix. En seulement quelques semaines, il sera multiplié par quatre, passant de 4 à 16 dollars. Les économies occidentales ne peuvent pas faire face. Dans les pays directement visés, la croissance s’effondre et le chômage augmente [8].

L’OPEP, auparavant perçue comme un simple groupe de pays exportateurs de matières premières, émerge comme un acteur économique et géopolitique de premier plan. Elle démontre sa capacité à influencer non seulement le marché pétrolier mondial, mais aussi les relations internationales.

Bis repetita en 1979, avec la chute du Shah d’Iran et la révolution islamique dans ce pays alors important producteur de pétrole, qui engendre un nouveau doublement du prix du baril, de 20 à 40 dollars. C’est le second choc pétrolier.

Ces crises successives modifient durablement les rapports de force internationaux et incitent les pays consommateurs à repenser leurs stratégies énergétiques.

Les années 1980 seront marquées par de nombreuses périodes de difficultés pour l’OPEP, en raison notamment d’une production supérieure à la demande, et l’augmentation de la production dans certains pays comme les Etats-Unis (présence de ressources en Alaska) et la Norvège (présence de ressources en Mer du Nord).

De plus, l’OPEP est également confrontée à des difficultés en interne, certains pays membres ne respectant pas les quotas de production décidés en commun. Cette surproduction accroît la surabondance de l’offre sur le marché mondial, entraînant une chute continue des prix du pétrole.

L’Arabie saoudite, en tant que leader de facto de l’OPEP, a joué un rôle clé en tentant d’ajuster sa production pour équilibrer l’offre. L’organisation n’a alors pas d’autres choix que de se réformer : elle adopte une nouvelle stratégie, qui met fin à la guerre des prix en adoptant un mécanisme de fixation des prix basé sur le marché.

Cette période est caractérisée par un affaiblissement important de l’influence de l’OPEP sur le cours du marché pétrolier international, et par ricochet de sa capacité à peser dans les relations internationales.

Toutefois, les années 2000 signent un tournant décisif avec l’essor et la montée en puissance de géants économiques entraînant une demande en pétrole sans précédent.

L’arrivée des émergents, une demande forte qui donne un nouvel élan à l’OPEP

Les années 2000 marquent un regain de l’influence de l’organisation. En effet, la période est caractérisée par une demande énergétique en forte croissance, notamment de la part des économies émergentes comme la République populaire de Chine et l’Inde. Le prix du baril s’envole, et atteint les 140 dollars en juillet 2008. L’OPEP s’impose comme un acteur déterminant dans la gestion de cette hausse des prix.

Elle joue un rôle stratégique de stabilisation en ajustant régulièrement les quotas de production de ses membres. Malgré une concurrence accrue de la part de pays non-membres qui augmentent les prix, elle parvient à maintenir un fort contrôle sur le marché mondial.

En plus de la montée en puissance des émergents, la période est caractérisée par une série de crises qui secouent particulièrement le Moyen-Orient. L’invasion de l’Irak en 2003 et les tensions en Iran lui imposent d’ajuster ses politiques pour maintenir des niveaux de production élevés de manière à compenser les pertes dans les pays en crise.

Une nouvelle fois, l’OPEP devient un instrument géopolitique. Riyad, en tant que leader de facto de l’organisation, tire son épingle du jeu et utilise habilement son influence sur le marché pétrolier pour renforcer ses relations avec les grandes puissances mondiales, et en particulier avec les États-Unis. Le pétrole, véritable outil de diplomatie, permet à l’Arabie saoudite de négocier des accords bilatéraux favorables, de sécuriser son rôle de partenaire stratégique des États-Unis au Moyen-Orient, et de renforcer sa position au sein du monde arabe.

L’État saoudien profite également de cette période favorable pour établir des relations stratégiques avec les pays émergents à forte demande énergétique, comme la Chine et l’Inde. Par exemple, des accords bilatéraux ont été signés pour garantir des contrats de livraison de pétrole à long terme à ces pays en échange de coopérations dans d’autres domaines, tels que les investissements infrastructurels et les partenariats commerciaux [9].

A l’automne 2008, une crise financière mondiale porte un premier coup d’arrêt à cette période de domination de l’OPEP sur le marché mondial du pétrole. Malgré la crise, l’organisation parvient à maintenir l’unité de ses membres, coordonnant des réductions de production sans précédent, allant jusqu’à retirer 2,2 millions de barils par jour du marché [10]. Cette adaptation rapide permet une reprise partielle des prix dès 2009, bien que les niveaux d’avant-crise n’aient pas été immédiatement atteints.

Au-delà de cette crise financière, l’émergence de nouveaux producteurs et l’importance croissante du pétrole de schiste américain sont à l’origine d’une remise en cause de cette quasi-hégémonie de l’OPEP.

L’alliance OPEP+ face à l’arrivée de nouveaux acteurs sur le marché du pétrole, une adaptation cohérente

En 2014, l’arrivée des États-Unis en tant que puissance majeure sur le marché du pétrole, grâce à l’extraction accrue du gaz de schiste, marque une évolution décisive. Cette révolution énergétique permet à Washington de devenir l’un des plus grands producteurs mondiaux de pétrole, modifiant profondément les dynamiques du marché. L’explosion de la production de schiste provoque un excès d’offre et une chute brutale des prix du baril [11].

Pour faire face à cette nouvelle réalité et stabiliser les prix du pétrole, l’OPEP décide de repenser sa politique en adoptant une nouvelle approche stratégique, plus pragmatique. Ainsi, en 2016, l’organisation forme l’alliance OPEP+ avec des producteurs non-membres, dont la Russie, pour coordonner les politiques de production et limiter la surproduction, cette fois-ci dans un cadre étendu.

La formation de l’OPEP+ permet aux pays membres de l’OPEP de maintenir leur influence sur les prix mondiaux tout en adaptant leurs stratégies à un marché énergétique de plus en plus diversifié et compétitif. Alors que l’OPEP est une organisation historiquement dominée par des producteurs du Moyen-Orient, l’OPEP+ apparaît comme une adaptation à un nouveau contexte stratégique. D’un côté, elle apporte une réponse à la montée en puissance de producteurs non traditionnels, et de l’autre, elle s’inscrit dans l’évolution de la concentration des pouvoirs économiques et énergétiques, qui se trouvent aujourd’hui répartis entre plusieurs pôles majeurs.

L’organisation est aujourd’hui composée des douze membres de l’OPEP, et de douze autres pays producteurs : l’Azerbaïdjan, Bahreïn, Brunéi, le Kazakhstan, la Malaisie, le Mexique, Oman, la Russie, le Soudan et le Soudan du Sud. Le Brésil les a rejoint en tant que membre en janvier 2024.

En définitive, l’OPEP+ joue aujourd’hui davantage un rôle de stabilisateur du marché pétrolier, même si sa capacité à influer sur certaines décisions et à utiliser le pétrole comme levier diplomatique reste non-négligeable. La diversité des membres qui la composent et dont les intérêts sont parfois opposés [12], pousse ses dirigeants à agir de façon plus pragmatique. Ainsi, malgré le soutien affiché des pays arabes aux Palestiniens, aucun embargo à l’encontre de l’Etat israélien [13] n’a été mis en œuvre à la suite de l’offensive sur la bande de Gaza.

L’Organisation risque aussi d’être confrontée à de nouveaux défis, notamment avec la découverte de gisements en Arctique et l’ouverture des nouvelles routes qui joueront un rôle-clé dans l’approvisionnement de cette ressource. Cette découverte et l’importance croissante de ces nouvelles routes liées à la fonte des glaces pourraient placer des pays membres de l’OPEP+, comme la Russie [14], et d’autres producteurs majeurs, comme les Etats-Unis et le Canada, en position de force sur la marché. Cette réalité représente un défi considérable pour l’unité de l’OPEP ainsi que pour son poids politique, l’organisation devra faire preuve d’une très grande capacité d’adaptation, sans quoi elle risque de se voir progressivement marginalisée.

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Carte. Quelle influence pour l’Organisation des pays exportateurs de pétrole en 2024 ?
Pays membres de l’OPEP. Pays membres de l’OPEP+. Principaux exportateurs de pétrole. Principaux importateurs de pétrole. Cliquer ici pour voir la carte au format PDF haute qualité d’impression. Conception AB Pictoris et C. Alberni. Réalisation C. Alberni pour AB Pictoris.Document ajouté le 6 décembre 2024
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Découvrez l’histoire, la structure organisationnelle et le rôle de l’OPEP. Soyez au clair sur l’adaptation de l’alliance OPEP+ face à l’arrivée de nouveaux acteurs sur le marché du pétrole. Carte haute qualité d’impression.


[1] Le Monde. (2023, 9 décembre). À la COP28, le chef de l’OPEP demande aux membres de refuser tout accord ciblant les énergies fossiles. https://www.lemonde.fr/planete/article/2023/12/09/a-la-cop28-le-chef-de-l-opep-demande-aux-membres-de-refuser-tout-accord-ciblant-les-energies-fossiles_6204825_3244.html

[2] Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole. (2022). OPEC annual statistical bulletin 2022. https://www.opec.org/opec_web/en/publications/4580.htm

[3] Trading Economics. (2024, 30 août). Crude oil production. https://fr.tradingeconomics.com/country-list/crude-oil-production

[4] Le Qatar a quitté l’OPEP en janvier 2019.

[5] Le pays a quitté l’OPEP en décembre 2023.

[6] Une offensive lancée par les armées égyptienne et syrienne lors de la fête juive du Yom Kippour surprend et bouscule les forces israéliennes. L’affrontement se termine le 25 octobre 1973 avec un cessez-le-feu qui sera suivi, en novembre, par un accord de désengagement entre les belligérants. Université de Sherbrooke. (2019). Création de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP). https://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMEve/110

[7] Le Monde diplomatique. (2024.). Guerre des Six-Jours. https://www.monde-diplomatique.fr/index/sujet/guerredessixjours

[8] Ministère de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique. (2024). Les chocs pétroliers. https://www.economie.gouv.fr/facileco/chocs-petroliers

[9] Le Monde. (2006, 22 avril). Accord-cadre entre l’Arabie Saoudite et la Chine sur la coopération énergétique. https://www.lemonde.fr/economie/article/2006/04/22/accord-cadre-entre-l-arabie-saoudite-et-la-chine-sur-la-cooperation-energetique_764492_3234.html

[10] Le Monde. (2008, 17 décembre). L’OPEP prépare une baisse coup de poing de ses exportations pétrolières. https://www.lemonde.fr/economie/article/2008/12/17/l-opep-prepare-une-baisse-coup-de-poing-de-ses-exportations-petrolieres_1132032_3234.html

[11] Les Échos. (2015, 24 juin). Les États-Unis sont devenus le premier producteur mondial de pétrole en 2014. https://www.lesechos.fr/2015/06/les-etats-unis-sont-devenus-le-premier-producteur-mondial-de-petrole-en-2014-249501

[12] GEO. (2022, 20 octobre). La guerre en Ukraine chamboule les relations entre la Russie et l’Arabie Saoudite. https://www.geo.fr/geopolitique/guerre-ukraine-chamboule-relations-russie-arabie-saoudite-marche-petrole-opep-prix-production-220562

[13] L’Orient-Le Jour. (2023, 19 octobre). L’OPEP refuse d’imposer un embargo pétrolier réclamé par l’Iran. https://www.lorientlejour.com/article/1353868/lopep-refuse-dimposer-un-embargo-petrolier-reclame-par-liran.html

[14] NDLR : Jean Radvanyi et Marlène Laruelle, « L’Artique russe, un nouveau front stratégique », Les carnets de l’observatoire, éd. L’inventaire, 2024.

L’Inde conclura un accord avec la France pour 26 Rafale-M et 3 sous-marins Scorpène d’ici janvier 2025

L’Inde conclura un accord avec la France pour 26 Rafale-M et 3 sous-marins Scorpène d’ici janvier 2025

L’industrie de la défense indienne s’apprête à franchir une étape majeure dans sa modernisation navale. Un accord stratégique avec la France devrait être conclu d’ici janvier 2025, renforçant considérablement les capacités maritimes de l’Inde. Cette collaboration franco-indienne s’inscrit dans un contexte géopolitique tendu, marqué par l’expansion maritime chinoise et les activités navales pakistanaises dans la région indo-pacifique.

Linde Conclura Un Accord Avec La France Pour 26 Rafale M Et 3 Sous Marins Scorpene Dici Janvier 2025
L’Inde conclura un accord avec la France pour 26 Rafale-M et 3 sous-marins Scorpène d’ici janvier 2025 – © Armees.com

L’acquisition prévue de 26 avions de chasse Rafale-M constitue un pilier majeur de cet accord. Ces appareils, spécialement conçus pour les opérations maritimes, viendront équiper le fleuron de la marine indienne, le porte-avions INS Vikrant. Le Rafale-M se distingue par sa structure renforcée et son train d’atterrissage adapté aux catapultages et appontages sur porte-avions.

Les caractéristiques techniques du Rafale-M en font un atout précieux pour la marine indienne :

  • Vitesse maximale : supérieure à Mach 1,8
  • Rayon d’action en combat : plus de 1 850 km
  • Armement varié : missiles air-air Meteor, missiles de croisière SCALP-EG, missiles anti-navires Exocet
  • Technologie de pointe : radar RBE2-AA AESA, système de guerre électronique SPECTRA

Cette acquisition s’inscrit dans la continuité de la collaboration franco-indienne en matière d’aviation de combat. En effet, l’Indian Air Force a déjà intégré 36 Rafale entre 2019 et 2022, validant l’efficacité de ces appareils dans diverses missions.

Expansion de la flotte sous-marine

Le volet sous-marin de l’accord prévoit la construction de trois nouveaux sous-marins de classe Scorpène. Ces submersibles, fruit d’une collaboration entre l’Inde et le groupe Naval, viendront compléter la flotte existante de six sous-marins Scorpène, dont le dernier a été livré en 2021.

Les Scorpène, construits localement au chantier naval Mazagon Dock Limited à Mumbai, offrent des capacités avancées :

L’amiral Dinesh K. Tripathi, chef de la marine indienne, a souligné l’importance de ces acquisitions dans un contexte où l’Inde surveille étroitement les mouvements navals en océan Indien. La présence croissante de navires de recherche et de suivi par satellite chinois, ainsi que la collaboration militaire sino-pakistanaise, poussent New Delhi à renforcer sa flotte pour maintenir l’équilibre stratégique dans cette région cruciale.

Transferts technologiques et production locale

Au-delà des acquisitions d’équipements, cet accord franco-indien vise à développer l’industrie de défense locale. Dassault Aviation prévoit d’établir un centre de maintenance, réparation et révision (MRO) en Uttar Pradesh pour soutenir les flottes indiennes de Rafale et de Mirage 2000. De son côté, Naval Group s’est engagé à augmenter la part de composants locaux dans les nouveaux sous-marins Scorpène.

Cette stratégie de transfert technologique et de fabrication locale s’inscrit dans la vision plus large de l’Inde visant à :

  1. Renforcer son autonomie en matière de défense
  2. Stimuler l’innovation technologique nationale
  3. Créer des emplois qualifiés dans le secteur de la défense
  4. Réduire la dépendance aux importations d’armements

En bref, l’acquisition prochaine de Rafale-M et de sous-marins Scorpène supplémentaires témoigne de la volonté de l’Inde de s’affirmer comme une puissance navale majeure dans la région indo-pacifique. Face aux défis sécuritaires croissants, New Delhi mise sur une coopération renforcée avec Paris pour moderniser ses forces armées et consolider sa position stratégique. Cette collaboration franco-indienne promet de redéfinir l’équilibre des forces maritimes dans une région au cœur des enjeux géopolitiques mondiaux.


Laurène Meghe

Rédactrice spécialisée en économie et défense armées. Je couvre également les domaines des enjeux industriels et politique, y compris les relations entre les entreprises et leurs partenaires financiers.

Les risques d’AUKUS s’accumulent. L’Australie doit se préparer à construire des SSN français à la place

Les risques d’AUKUS s’accumulent. L’Australie doit se préparer à construire des SSN français à la place

par Peter Briggs – The Strategist – publié le 5 décembre 2024 

L’Australie devrait commencer à planifier l’acquisition d’au moins 12 sous-marins de la conception française Suffren. Le plan actuel d’AUKUS pour huit sous-marins d’attaque à l’arme nucléaire (SSN) a toujours été imparfait, et maintenant ses risques s’accumulent.

Nous devrions aller de l’avant avec les aspects de l’opération navale du plan SSN AUKUS, tels que le soutien aux sous-marins américains et britanniques lorsqu’ils arrivent en Australie. Mais pour l’effort d’acquisition, nous devrions être prêts à abandonner le plan d’achat de huit SSN sous AUKUS – trois aux États-Unis que Washington a de plus en plus de chances de fournir, et cinq qui sont censés être construits selon un design britannique surdimensionné et probablement pas arriver à temps.

Au lieu de cela, nous commencerions un programme de construction franco-australen pour un plus grand nombre de sous-marins de la classe Suffren, un design qui est déjà en service avec la marine française.

Pour garantir que les livraisons puissent commencer dès 2038, le gouvernement australien qui est élu l’année prochaine devrait s’engager à décider en 2026 s’il convient de passer à la conception française.

Même si le plan d’acquisition d’AUKUS réussit, il fournira une capacité discutable. La conception des sous-marins serait un mélange de deux blocs de sous-marins de classe Virginia, à plus de 14 ans de conception, et de SSN-AUKUS encore à concevoir en utilisant le réacteur PWR3 de la Grande-Bretagne. En outre, SSN-AUKUS serait en partie construit par l’entreprise sous-marine britannique sous-marine qui est sous forte pression pour livrer la prochaine classe de sous-marins de missiles balistiques de la Royal Navy.

Déplaçant plus de 10 000 tonnes, les sous-marins SSN-AUKUS seront trop importants pour les besoins de l’Australie. Leur taille augmentera leur détectabilité, leur coût et leurs équipages. (La grande taille semble être entraînée par les dimensions du réacteur.)

La marine royale australienne est déjà incapable d’équiper ses navires et de croître pour répondre aux besoins futurs. Il aura de grandes difficultés à équiper des Virginias, qui ont besoin de 132 personnes chacun, et les bateaux SSN-AUKUS, aussi, si leurs équipages sont égaux à la quelque 100 choses nécessaires pour l’actuelle classe d’Astute britannique.

Nous n’avons pas encore vu de calendrier pour le processus de conception britannique, pas plus qu’une équipe de conception conjointe ne semble avoir été établie. En l’absence de nouvelles que les jalons ont été atteints ou même fixés, il est très probable que le programme SSN-AUKUS, comme le programme Astute, fonctionnera tard et fournira un bateau de première classe avec de nombreux problèmes. Sachant que la Revue stratégique de la défense de la Grande-Bretagne est aux prises avec de graves déficits de financement, il n’est guère insufflé de confiance.

En outre, huit SSN suffiront à maintenir le déploiement d’un ou deux à tout moment, ce qui n’est pas suffisant pour un moyen de dissuasion efficace. La difficulté de formation des équipages et la mise en place de l’expérience acquise dans trois conceptions de sous-marins renforcerait les défis évidents de la chaîne d’approvisionnement pour parvenir à une force opérationnelle.

Il est moins probable que même cette capacité insuffisante soit moins probable. Les rapports du récent US Navy Submarine League Symposium révèlent que les États-Unis n’ont cessé d’augmenter les taux de construction sous-marin. À présent, un sous-marin supplémentaire aurait dû être commandé pour couvrir le transfert d’un bloc IV de Virginie en Australie dans huit ans, mais aucun contrat n’a été passé. Pire encore, la production de Virginie des deux constructeurs sous-marins américains se ralentit en fait en raison des retards dans la chaîne d’approvisionnement. Le programme de construction de la construction la plus prioritaire des États-Unis, pour les sous-marins de type missiles balistiques de classe Columbia, continue de subir des retards. Fin novembre, la Maison Blanche a demandé un financement d’urgence au Congrès pour les programmes de Virginie et de Columbia.

Cette situation signale de plus en plus probable que, malgré tous ses efforts, la marine américaine ne sera pas en mesure d’épargner des Virginias pour la vente à l’Australie. Le président de l’époque ne sera probablement pas en mesure, comme l’exige la législation, de certifier 270 jours avant le transfert, il ne dégradera pas les capacités sous-marines des États-Unis.

Pendant ce temps, l’establishment de soutien sous-marin britannique a des difficultés à amener les SSN à la mer. Un incendie récent affectant la livraison de la classe Astute finale SSN ne peut que s’ajouter à ces malheurs.

La classe SSN française Suffren était la conception de référence pour la classe d’attaque diesel que l’Australie avait l’intention d’acheter avant de passer à des SSN. Il offre la solution à nos problèmes d’AUKUS. Il est en production par Naval Group, avec trois des six sous-marins prévus en cours de commande dans la marine française.

À 5 300 tonnes et avec une endurance de 70 jours, une capacité de 24 torpilles ou missiles, quatre tubes torpilleurs et un équipage de 60, il serait moins cher de construire, de posséder et d’équipage que les bateaux AUKUS. La conception est flexible – optimisée pour la guerre anti-sous-marine, mais avec une bonne capacité de navires anti-surfaces à partir de torpilles à double usage et de missiles de croisière anti-navires. Il peut également transporter des missiles de croisière, des mines et des forces spéciales.

La classe Suffren utilise du combustible d’uranium faiblement enrichi et a besoin de se ravitailler tous les 10 ans, tandis que les modèles américains et britanniques, avec de l’uranium hautement enrichi, sont censés ne jamais être ravitaillés. Mais le réacteur de Suffren est conçu pour simplifier le ravitaillement, qui pourrait être achevé lors d’un réaménagement prévu en Australie. Le carburant usagé peut être retraité, ce qui simplifie le déclassement en fin de vie.

Il est vrai que la conception de Suffren n’a pas la charge d’arme, les tubes de lancement verticaux ou l’endurance de 90 jours de la Virginie et, vraisemblablement, SSN-AUKUS. Cependant, en tant que parent à propulsion nucléaire de la classe Attack, il est beaucoup plus proche de l’exigence initiale australienne de remplacement de la classe Collins que SSN-AUKUS est en train de s’éteindre. La conception offre une capacité adéquate aux besoins de l’Australie dans un ensemble que nous pouvons nous permettre de posséder. Nous pourrions utiliser 12 Suffrens et nous avons encore besoin de moins de membres d’équipage que nous ne le ferions dans le cadre du plan AUKUS.

Si nous nous sommes tournés vers la conception de Suffren, nous devrions néanmoins nous en tenir aux programmes d’entraînement SSN que nous avons mis en place avec l’US Navy et la Royal Navy. Nous devrions également aller de l’avant avec la mise en place d’une installation de réparation intermédiaire qui soutiendrait leurs NDS ainsi que les nôtres et les faire tourner vers l’Australie-Occidentale.

En ce qui concerne le plan d’acquisition d’AUKUS, nous devons commencer dès maintenant les préparatifs pour construire conjointement des Suffrens avec la France. L’Australie ne peut pas attendre que les États-Unis disent enfin que les Virginias ne seront pas disponibles.

Dans la mesure où la conception a besoin d’être modifiée, nous pouvons revenir au travail accompli pour la classe Attack, en particulier l’intégration d’un système de combat américain et des normes australiennes.

Difficile, difficile et politiquement courageux ? Assurément. Mais ce n’est pas presque aussi improbable que les SSN sous AUKUS à l’heure.

Corée du Sud: l’institution militaire plongée dans les convulsions politiques post-loi martiale

Corée du Sud: l’institution militaire plongée dans les convulsions politiques post-loi martiale

Des soldats devant les bâtiments de l’Assemblée mardi soir. Photo by Jung Yeon-je / AFP

Le président sud-coréen Yoon Suk Yeol a créé la surprise en proclamant mardi la loi martiale, avant de la retirer quelques heures plus tard sous la pression des parlementaires et d’une foule de manifestants. Yoon a dit avoir proclamé la loi martiale « pour protéger la Corée du Sud libérale des menaces posées par les forces communistes nord-coréennes et éliminer les éléments hostiles à l’État ».

En ce qui concerne l’armée sud-coréenne, principale partie prenante de la loi martiale d’urgence, que retenir des événements de mardi soir?

D’abord, l’alignement des chefs militaires sur la décision présidentielle. Cet alignement a débouché sur la proclamation d’un décret en six points du nouveau commandant de la loi martiale, le chef des armées, général Park An-su. Ce décret interdisait les activités et les partis politiques, la « fausse propagande », les grèves et les « rassemblements qui incitent à l’agitation sociale ». Yoon s’est entouré d’hommes à sa botte et à nommé des proches dans toute l’infrastructure sécuritaires (armées et renseignement). Mais, comme l’écrivait en septembre l’ancien patron des forces spéciales sud-coréennes, le général Chun in-bum, « pour qu’un coup d’état ou une loi martial réussisse, il faudra plus que des nominations de hauts gradés; ça exigera la complicité de l’institution militaire dans son ensemble et une opinion publique passive ». Et c’est bien ce qui a manqué mardi soir.

Ensuite, l’entrée (plutôt compliquée) des commandos sud-coréen dans un des bâtiments du Parlement, comme le montre cette vidéo où l’on voit le personnel et vraisemblablement des élus s’opposer à la progression des soldats:

Des hélicoptères ont déposé des troupes dans l’enceinte du Parlement, selon des images de vidéosurveillance diffusées mercredi. D’autres soldats, obéissant aux ordres du chef d’état-major conjoint (Joint Chiefs of Staff JCS), l’amiral Kim Myung-soo, ont escaladé les clôtures de l’enceinte gouvernementale après minuit. Quelque 300 militaires ont pris part à cette action au Parlement dont 230 ont été héliportés en 24 rotations. Mais numériquement, ils ont été vite débordés par la foule des opposants.

Enfin, un constat encourageant: les militaires ont fait preuve de retenue et il ne semble, en ce mercredi matin, qu’aucun débordement/dérapages par les forces de l’ordre n’ait été recensé. On a connu (malheureusement) des militaires sud-coréens ayant la main beaucoup plus lourde, comme en 1980 lors de la précédente et dernière en date proclamation de la loi martiale (officiellement 230 morts). D’ailleurs, des photos des soldats à l’Assemblée montrent qu’ils étaient équipés de munitions d’entrainement (voir le chargeur bleu du militaire à droite de la photo):

Photo by YONHAP / AFP

Et maintenant?

Le Joint Chiefs of Staff JCS a, peu après l’annonce de l’imposition de la loi martiale, rassuré les Américains, précisant que les troupes engagées ne venaient pas de la zone frontalière avec la Corée du Nord et que la sécurité du territoire était bien assurée.

A moyen terme, les forces armées sud-coréennes risquent de se retrouver plongées dans les convulsions politiques post-loi martiale, convulsions exacerbées par la « complicité » du ministre de la Défense de Yoon, Kim Yong Hyun, la complaisance de certains chefs militaires et l’assaut très médiatisé mené par des unités contre l’Assemblée nationale.

« Cette situation laissera des séquelles durables dans les relations civiles et militaires délicates de la Corée du Sud. Mais le risque sécuritaire immédiat concerne la défense extérieure, en particulier compte tenu des incertitudes probables autour du commandement et du contrôle militaires au lendemain de la loi martiale. Cela va évidemment inquiéter les États-Unis, allié de la Corée du Sud par traité, et les forces américaines en Corée », estime Euan Graham, un analyste de l’ASPI (Australian Strategic Policy Institute).

Syrie : l’ouverture d’un nouveau front par Washington/Ankara/Tel Aviv/Kiev contre l’axe Russie/Syrie/Iran au détriment de la sécurité européenne

Syrie : l’ouverture d’un nouveau front par Washington/Ankara/Tel Aviv/Kiev contre l’axe Russie/Syrie/Iran au détriment de la sécurité européenne

par Pierre-Emmanuel THomann* – CF2R – NOTE D’ACTUALITÉ N°664 / décembre 2024

*Docteur en géopolitique

Une alliance de terroristes islamistes dont le noyau est le groupe Hayat Tahrir al-Sham (HTS) en provenance d’Idlib, refuge pour les anciens djihadistes de Daesh[1], ont lancé une offensive en Syrie et conquis la ville d’Alep. Derrière ces djihadistes, il y a les intérêts géopolitiques des puissances : avant tout Ankara (soutien à HTS), mais aussi Tel-Aviv[2] et Washington[3] qui utilisent des proxys islamistes depuis 2011 pour provoquer un changement de régime en Syrie.

Derrière cette nouvelle offensive djihadiste, les rivalités géopolitiques entre puissances aboutissent à des objectifs variés. Pour Washington, le bénéfice de cette opération vise avant tout à ouvrir un nouveau front contre la Russie, pour tenter de ralentir la défaite inéluctable en Ukraine, mais aussi au Proche-Orient contre l’Iran. L’objectif est également d’accroître la conflictualité avec la Russie et ses alliés, pour torpiller l’objectif annoncé par Donald Trump de résoudre les conflits en cours.

Washington est responsable de l’affaiblissement de la Syrie par sa politique de sanctions, avec son occupation – avec les Kurdes – d’une partie du territoire au nord-est du pays et sa base militaire d’Al Tanf, au sud. Les États-Unis ont aussi pour objectif d’orienter l’expansionnisme turc vers les zones d’intérêt de la Russie en Syrie, au Caucase et en Asie centrale. La Turquie occupe une large bande de territoire syrien le long de sa frontière avec Damas, et cherche à élargir sa zone de contrôle contre les Kurdes. Tel-Aviv, soutenu par Washington, bombarde la Syrie depuis des années pour affaiblir la partie du pays loyale à Bachar el Assad, mais aussi le Hezbollah, d’où ses bombardements récents au Liban. L’objectif de Tel Aviv est d’affaiblir l’axe chiite Iran/Syrie/Liban. 

En toile de fond des crises multiples en Ukraine, en Géorgie (tentative de coup d’État en cours), à Gaza (épuration ethnique par Israël), au Liban (offensive de Tsahal), et maintenant en Syrie, c’est la lutte pour nouvel ordre géopolitique mondial qui s’exprime, tournant la page de l’ancien ordre spatial unipolaire américain.

La multiplication des conflits au Proche-Orient, dans le Caucase, en Ukraine et dans les Balkans, malgré leurs spécificités régionales, font partie d’un même théâtre mondial et sont situés dans les zones de confrontation géopolitique entre grandes puissances. Les États-Unis, dans le cadre de leur stratégie d’encerclement de la Russie, cherchent à provoquer la surextension de Moscou, doctrine explicitement préconisée par la Rand Corporation[4] afin que la Russie soit obligée de faire face à différentes menaces sur différents théâtres.

Tout conflit, ancien ou récent, est désormais aspiré dans cette lutte pour le contrôle des espaces géopolitiques entre les États-Unis, la Russie, la Chine et les puissances secondaires.  Au-delà des conflits autour des territoires et des populations, l’enjeu est la nouvelle architecture du système international : la Russie, l’Iran et la Chine, les autres États membres des BRICS et de l’Organisation de Shangaï (OCS) font la promotion d’un monde multipolaire qui s’oppose à celui que défendent les États-Unis, Israël et leurs alliés (OTAN-UE) qui cherchent à en torpiller l’émergence et, a minima, ralentir la mutation vers un nouvel ordre mondial plus équilibré. La Turquie, membre de l’OTAN, mais refusant les sanctions contre la Russie, joue sa propre carte entre les regroupements antagonistes.

L’obstacle principal a une résolution des crises multiples est donc de nature systémique, et tant qu’un nouvel ordre géopolitique plus multipolaire ne sera pas accepté par les États-Unis et leurs supplétifs de l’OTAN/UE, le conflit mondial s’élargira à de nouveaux théâtres et s’envenimera jusqu’au seuil d’une troisième guerre mondiale. 

Cette nouvelle offensive djihadiste en Syrie a été facilitée par les attaques de l’armée israélienne au Liban et en Syrie, pour affaiblir le Hezbollah depuis plusieurs semaines. Le groupe djihadiste HTS est l’héritier de Jabhat al-Nusra, sous-groupe d’Al-Qaïda qui avait fusionné avec l’État islamique mais s’en est détaché en 2014.

Il ne faut pas oublier que la Syrie, la Russie, le Hezbollah, et l’Iran avaient réussi à empêcher les djihadistes sunnites d’Al-Qaïda – soutenus par Washington, Londres, Paris, Tel Aviv, Ankara, Ryad, Doha et Amman – de prendre Damas et avaient aussi combattu l’État islamique. Aujourd’hui, nous assistons à une réactivation des terroristes pour relancer l’objectif de changement de régime. Toutefois, dans le monde arabe, l’Égypte[5] et l’Irak vont cette fois-ci soutenir la Syrie de Bachar el Assad.

Rappelons-nous le soutien de la CIA, non seulement aux djihadistes afghans[6], mais aussi aux bandéristes néonazis contre l’URSS pendant la Guerre froide[7]. Souvenons-nous de la stratégie de tension de la CIA, soupçonnée d’avoir organisé des attentats ayant tué des civils en Europe, afin d’entretenir les populations dans la peur du communisme, toujours dans le contexte de la Guerre froide[8]. Plus récemment, rappelons les changements de régimes organisés en ex-Yougoslavie, en Irak, en Libye et en Syrie[9], à l’occasion desquels Washington, Londres et leurs alliés, ont soutenu des mouvements islamistes. Enfin, souvenons-nous que depuis 2014, les extrémistes ukrainiens se considérant comme les héritiers de Stepan Bandera, mais aussi des mercenaires étrangers néonazis, ont servi de supplétifs pour atteindre les objectifs géopolitiques de Washington et Londres.

Au final, Washington (Grand Occident), Tel Aviv (Grand Israël), Ankara (panturquisme) et Kiev (nation antirusse) continuent de soutenir les terroristes sunnites pour atteindre leurs objectifs géopolitiques respectifs.

Washington en soutenant militairement les deux pivots, Israël (contre l’Iran) et l’Ukraine (contre la Russie), a pour objectif géopolitique de torpiller l’émergence du monde multipolaire et déstabilise l’Europe et le Proche Orient. La politique de terreur exercée par Washington (sabotage de Nord Stream) et son soutien aux djihadistes au Proche-Orient et aux extrémistes bandéristes et néonazis en Ukraine, est destinée à menacer et contraindre tout État qui serait tenté de s’émanciper de la tutelle américaine et de rejoindre le projet géopolitique multipolaire. 

Washington, Tel Aviv et Ankara sont donc des régimes qui pratiquent le terrorisme d’État et menacent à nouveau la sécurité européenne. Ce n’est pas nouveau, la guerre en Irak en 2003 promue par les néoconservateurs adeptes du suprémacisme américano-israélien, a abouti à la montée en puissance de l’État islamique. Ces États sont co-responsables des crises migratoires de ces dernières années et des attentats islamistes en France. Leurs tentatives de changement de régime en Syrie, depuis 2011, avec leurs proxys islamistes (soutenus par Londres et aussi malheureusement aussi par Paris) demeurent jusqu’à aujourd’hui infructueuses.

On l’a dit, les Etats-Unis et la Turquie occupent le territoire syrien depuis des années, ce qui leur permet d’entretenir des djihadistes pour leurs objectifs de déstabilisation, et aujourd’hui ouvrir un nouveau front.

Pour éviter que la Syrie ne tombe aux mains des djihadistes, et préserver la sécurité de l’Europe mais aussi de toute l’Eurasie, il est dans l’intérêt de la France que Bachar el Assad, la Russie et l’Iran réussissent à éliminer ces djihadistes. Si un régime islamiste parvenait à se hisser au pouvoir à Damas, une nouvelle crise migratoire surgirait et les attentats islamistes sur le sol européen seraient facilités.

 

 


[1] https://www.fabricebalanche.com/syrie/lemirat-islamique-didleb/

[2] https://mayenneaujourdhui.com/2024/11/30/le-role-disrael-dans-le-retour-du-terrorisme-en-syrie/

[3] Ömer Özkizilcik, Uniting the Syrian Opposition the Components of the National Army and the Implications of the Unification. Ce rapport de 2019 souligne le soutien militaire de Washington à l’opposition à la Syrie de Bachar el Assad, et notamment sa composante turque, sous le prétexte de combattre Daesh (https://www.setav.org/en/assets/uploads/2019/10/A54En.pdf).

[4] https://www.rand.org/pubs/research_briefs/RB10014.html

[5] https://french.ahram.org.eg/NewsContent/1/130/57427/Egypte/Politique/L%E2%80%99Egypte-souligne-son-soutien-;-l%E2%80%99Etat-syrien-et-;.aspx

[6] https://www.monde-diplomatique.fr/2016/02/SOUCHON/54701

[7] ttps://mronline.org/2022/09/14/ukraine/

[8] https://www.nouvelobs.com/rue89/rue89-nos-vies-connectees/20110501.RUE2092/quand-l-otan-tuait-des-civils-en-europe-pour-lutter-contre-l-urss.html

[9] https://cf2r.org/actualite/revelation-des-plans-secrets-de-la-cia-pour-la-destabilisation-de-la-syrie/

La ligne était rouge vif

La ligne était rouge vif

par Jean-Luc Basle – CF2R – TRIBUNE LIBRE N°167 / décembre 2024

Ancien directeur de Citigroup New York, auteur de « L’Euro survivra-t-il ? » (2016) et de « The International Monetary System : Challenges and Perspectives » (1982)

 

Les États-Unis ont accédé à la requête des Ukrainiens, maintes fois formulée, de les autoriser à frapper des cibles en territoire russe avec les missiles longue-portée de fabrication américaine et européenne que sont les ATACMS, Himars,Storm Shadow et Scalp. L’accord obtenu, les Ukrainiens ont attaqué la Russie les 19 et 21 novembre. La Russie a répondu avec force et célérité en ciblant, le 21 novembre, le constructeur aérospatial ukrainien Yuzhmash sur les bords du Dniepr avec un nouveau missile hypersonique, l’Oreshnik. Surpris, les Occidentaux ont immédiatement accusé la Russie d’escalader la guerre. Leur surprise tient à ce que dans le passé Vladimir Poutine, craignant un emballement du conflit, n’avait pas réagi quand les Occidentaux avaient franchi ses lignes rouges, perçues à l’ouest comme de simples bluffs. Mais cette fois, la ligne n’était pas rouge, mais rouge vif et Poutine a réagi. Les évènements des 19 et 21 novembre donnent à réfléchir sur ce que le futur nous réserve, d’autant que dans son allocution du 21 novembre, Vladimir Poutine a informé les Occidentaux qu’il n’existait pas de défense aérienne en Occident capable d’arrêter l’Oreshnik et qu’il y aurait une réponse à toute frappe ukrainienne sur le territoire russe. La guerre est perdue sur le terrain. Washington le sait. La raison et la sagesse préconisent donc l’arrêt du conflit et l’amorce de négociations. Encore faut-il au préalable s’interroger sur les motivations américano-ukrainiennes.

Pourquoi cibler le territoire russe quand de l’avis des experts ces attaques ne changeront pas l’issue du conflit ? Personne n’a réponse à cette question, aussi les conjectures vont-elles bon train. Serait-ce pour le transformer en une guerre d’usure qui épuiserait économiquement la Russie, provoquant la colère des Russes et la démission de Poutine ? Pour sauver la face en espérant obtenir un meilleur règlement du conflit ? Pour provoquer une réaction de Vladimir Poutine qui le décrédibiliserait sur la scène internationale ? Pour frustrer le projet de paix de Donald Trump ? Quelles qu’en soient les raisons, une chose est sure : l’Oreshnik a changé la donne. La Russie a désormais une option entre l’inaction et la réponse nucléaire. Dans un signe de défiance, les Ukrainiens ont à nouveau frappé Koursk les 23 et 25 novembre. Peut-être les Russes n’auront-ils pas besoin de répondre à ces attaques si Washington a compris leur message ? Le temps des rodomontades est passé, celui des négociations est venu pour éviter un affrontement direct russo-américain dont on n’ose imaginer les conséquences.

Le 22 février 2022, jour du lancement de l’opération militaire spéciale, Vladimir Poutine a pris soin d’en donner les objectifs immédiats : démilitarisation, dénazification et neutralité de l’Ukraine. Les objectifs stratégiques qui sous-tendent cette opération sont au cœur du différend russo-américain. Ils sont énumérés dans le projet de traité d’architecture européenne de sécurité que Vladimir Poutine a remis à Washington et à Bruxelles le 17 décembre 2021, et se résument en deux points essentiels : retrait de l’OTAN des nations qui l’ont rejoint après 1991 (en conformité avec la promesse de James Baker à Mikhaïl Gorbatchev) et neutralité des nations limitrophes de la Russie.

Ce projet d’architecture s’appuie sur le principe de l’indivisibilité de la sécurité qui stipule que la sécurité d’une nation ne peut se faire au détriment d’une autre – principe inscrit dans les déclarations d’Istamboul de 1999 et d’Astana de 2010, signées par les membres de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) dont les Etats-Unis, la Russie, l’Ukraine, la Grande-Bretagne, la France, l’Allemagne, etc.[1] A ce principe, les États-Unis en opposent un autre, celui de la « porte ouverte »[2], qui donne à toute nation le droit de s’allier à toute autre nation sans égard à l’impact d’une telle alliance sur une ou plusieurs autres nations – principe inscrit dans l’Acte final d’Helsinki et la Charte de Paris pour une nouvelle Europe. Ces positions antinomiques augurent mal d’une résolution du conflit, sauf renoncement improbable des États-Unis à leurs visées hégémoniques.

Ce règlement du conflit est d’autant plus improbable que Donald Trump entend le régler par la force. « Nous obtiendrons la paix par la force » a-t-il déclaré récemment. Qu’entend-il par ces mots ? Nul ne le sait, mais ils se situent dans le droit fil de la politique de l’escalade dominante (Escalation Dominance) qui repose pour partie sur une escalade de la violence et pour partie sur le bluff ou « stratégie de l’ambiguïté »,[3] ou encore « théorie de l’Homme fou » (Madman), chère à Richard Nixon, qui se résume par cette expression : « arrêtez-moi ou je fais un malheur (sous-entendu « je recours au nucléaire »). En l’espèce, cela signifie, si l’on prend la déclaration de Donald Trump au mot, que Vladimir Poutine doit se soumettre à la volonté américaine. Ouah ! Ce serait la première fois dans l’histoire des nations que le perdant impose sa volonté au vainqueur !

Le problème avec cette approche est qu’elle n’est plus valide. Vladimir Poutine y a trouvé réponse avec le missile Oreshnik, équipé d’une charge conventionnelle capable de faire d’énormes dégâts, comme démontré lors de l’attaque de Yuzhmash. A toute nouvelle attaque ukrainienne sur le sol russe, la Russie répondra par une attaque Oreshnik sur le sol ukrainien, voire sur celui de ses alliés que la Russie qualifie désormais de co-belligérants. C’est au tour des États-Unis d’être coincés dans un dilemme cornélien du tout ou rien – « tout » signifiant un engagement direct dans la guerre, et « rien » l’ignominie. La déclaration péremptoire de Donald Trump est donc vide de sens. Poutine est en position de force.

Si Trump maintient sa position, un accord est impossible à moins que Poutine accepte un accord bâclé pour mettre fin à une guerre qui lui coûte cher et qui menace son économie, en se satisfaisant de l’annexion du Donbass et de la neutralité de l’Ukraine. Ce serait une erreur. La neutralité de l’Ukraine serait une neutralité de façade. Les États-Unis ne renonceront pas à leur objectif de démembrer la Russie. Une guérilla larvée émergera en Ukraine – la CIA et son avorton la National Endowment for Democracy (NED) ont une grande expérience en la matière – guérilla qui forcera tôt ou tard Poutine à envahir l’Ukraine. C’est alors que la question du règlement définitif du conflit se posera. Une paix durable n’est donc possible qu’à deux conditions. Les États-Unis doivent :

  1. a) accorder à la Russie ce qu’ils se sont octroyés en 1823 avec la doctrine de Monroe, une sphère d’influence ;
  2. b) renoncer au mythe de l’hégémonie messianique. Peut-être Donald Trump y consentirait-t-il pour avoir la paix et mener à bien son programme de réformes, mais l’appareil de sécurité (ministères des Affaires étrangères et de la Défense, complexe militaro-industriel et agences de renseignement – CIA, NSA, etc.) n’est pas prêt à accorder à la Russie ni l’un ni l’autre.

A ce point du débat, il convient de revenir à la thèse de l’Américain William Gilpin préconisant à la fin du XIXe siècle la construction d’une voie ferrée reliant New York à Moscou pour faciliter les échanges commerciaux. Cette thèse, en opposition frontale avec celle de l’Anglais Halford Mackinder, a longtemps été ignorée, avant d’être reprie par Henry Wallace, vice-président des Etats-Unis de 1941 à 1945.[4] Cette adhésion à la vision de Gilpin lui valut très probablement d’être éliminé de la course à la Maison Blanche en 1944. S’il avait été élu, loin d’être des ennemis, Washington et Moscou auraient été des partenaires industriels et commerciaux dans un monde apaisé.

La paix est non seulement possible mais aussi bénéfique. Le Vietnam qui fut en guerre avec les États-Unis pendant vingt ans, est aujourd’hui son troisième fournisseur après la Chine et le Mexique.


[1] Créé en 1973, l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe a pour objet la paix et la sécurité des États.

[2] La doctrine de « la porte ouverte », due au secrétaire d’État John Hay, avait pour objet d’ouvrir la porte de la Chine aux États-Unis à la fin du XIXe siècle en traitant toutes les nations sur un pied d’égalité afin qu’aucune n’est le contrôle total du pays.

[3] Gilles Andréani, professeur affilié à Sciences Po, se fait l’avocat de cette méthode dans un récent article intitulé : « Ukraine, troupes au sol, ambigüité stratégique : il faut mettre fin à la désunion occidentale », Telos, 22 mai 2024.

[4] Halford Mackinder opposait l’empire naval britannique à un empire continental euroasiatique en devenir, appelé île-monde, qui serait contrôlé par la Russie.

Le groupe Wagner : une ombre grandissante au cœur du Sahel

Le groupe Wagner : une ombre grandissante au cœur du Sahel

Centre français de recherche et d’analyse des politiques internationales
Perspective Monde Université de Université de Sherbrooke, Québec, Canada -publié le 2/12/2024
https://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMAnalyse/3662


L’implantation du groupe Wagner dans la région du Sahel a profondément modifié la dynamique sécuritaire et géopolitique de cette zone instable d’Afrique. Cette société militaire privée russe s’est rapidement imposée comme un acteur incontournable, suscitant à la fois espoirs et inquiétudes (1).

Un renforcement de l’influence russe dans la région saharienne

Le groupe Wagner a fait son entrée au Mali fin 2021, à l’invitation de la junte militaire au pouvoir. Cette arrivée a coïncidé avec le retrait des forces françaises de l’opération Barkhane, créant un vide sécuritaire que la Russie s’est empressée de combler (2). Le groupe a ensuite étendu sa présence au Burkina Faso en 2023, où environ 100 mercenaires sont arrivés en janvier 2024. Des rumeurs persistent également sur une possible implantation au Niger après le coup d’État de juillet 2023 (3).

Le déploiement de Wagner au Mali, au coût de 10 millions de dollars par mois, met en lumière la priorité donnée à la sécurité au détriment d’autres secteurs essentiels (4). L’efficacité de Wagner est mise en doute avec une augmentation des pertes civiles et une intensification du conflit, notamment contre certaines communautés sahéliennes. En échange de ses services, Wagner aurait obtenu des concessions minières, notamment dans l’or, renforçant la dépendance du Mali à la Russie. Cette coopération, qui inclut une protection contre les djihadistes dans certaines régions, manque de transparence et freine potentiellement les réformes démocratiques. Enfin, elle a détérioré les relations avec les partenaires occidentaux, ce qui pourrait nuire à l’aide internationale et à l’économie du pays (5).

Violations des droits humains et déstabilisation

Depuis l’arrivée du groupe Wagner au Mali en décembre 2021, les violences envers les populations civiles ont considérablement augmenté. Le premier trimestre de 2022 a enregistré plus de victimes civiles que toute l’année 2021, avec 71 % des actions violentes impliquant directement des civils (6). Près de 300 civils auraient été tués lors d’opérations conjointes entre le groupe Wagner et les forces maliennes, avec des violations graves des droits humains incluant des massacres, des traitements inhumains, des enlèvements, des abus sexuels, des destructions de biens et des arrestations massives sans fondement légal (7). Les incidents majeurs incluent le massacre de Moura en mars 2022, où plusieurs centaines de civils ont été tués en seulement cinq jours, ainsi que des attaques sur des marchés civils, comme à Hombori. (8).

Selon les Nations unies (ONU), les forces maliennes et les paramilitaires de Wagner sont responsables de l’exécution sommaire de plus de 300 civils, dont 58 femmes et jeunes filles victimes de violences sexuelles, lors du massacre de Moura. La présence de Wagner fragilise la stabilité régionale en délégitimant les gouvernements locaux et en compliquant les efforts internationaux de stabilisation. Le groupe alimente également la désinformation anti-occidentale, notamment anti-française, ce qui risque d’aggraver l’instabilité à long terme. En soutenant des régimes autoritaires et en commettant des crimes de guerre, Wagner nourrit la méfiance envers les acteurs internationaux et entrave toute avancée vers une paix durable (9).

La situation au Sahel central se détériore, avec une violence djihadiste croissante et une crise humanitaire grave. En 2023, le Burkina Faso a enregistré plus de 8 000 morts liés aux violences, tandis qu’au Mali, l’implication du groupe Wagner aggrave la situation sécuritaire. Parallèlement, le Niger connaît une intensification des violences depuis le coup d’État de juillet. Cela génère plus de 2,8 millions de déplacés et 7 millions de personnes en besoin d’aide, avec des milliers d’écoles fermées et des régions sous blocus. En 2024, la violence devrait persister, alimentée par les juntes militaires et Wagner, aggravant les conflits et la crise des réfugiés (10).

De nombreuses organisations non gouvernementales (ONG) et observateurs internationaux accusent le groupe d’exactions et de violations des droits humains. Des témoignages font état d’exécutions sommaires, de tortures et de pillages attribués aux mercenaires russes. La mission de l’ONU au Mali (MINUSMA) a rapporté une augmentation par dix du nombre de violations des droits humains commises par les forces de sécurité entre fin 2021 et début 2022, coïncidant avec l’arrivée de Wagner (11).

Les raisons de l’engagement russe en Afrique de l’Ouest

La Russie a utilisé le groupe Wagner pour étendre son influence en Afrique, notamment au Sahel, où l’instabilité politique favorise ses opérations. Ce réseau de mercenaires, étroitement lié au Kremlin, joue un rôle clé dans la stratégie de Moscou pour renforcer ses relations avec plusieurs gouvernements africains en échange de services de sécurité et de soutien militaire. En retour, Wagner obtient des concessions minières, principalement dans les secteurs de l’or et des diamants, mais aussi dans l’exploitation d’autres ressources naturelles telles que le pétrole, le gaz, et le bois (12).

La Russie exploite l’instabilité politique et le mécontentement contre l’ancienne puissance coloniale, la France, pour renforcer ses liens avec des régimes locaux en difficulté, comme au Mali, Burkina Faso et en République centrafricaine (RCA). Souvent violentes, les opérations de Wagner alimentent des préoccupations internationales concernant les droits humains. La présence russe dans le Sahel soulève des risques pour la stabilité régionale, tout en renforçant le contrôle de Moscou sur les ressources vitales (13).

L’impact de l’Africa Corps sur la sécurité et les régimes du Sahel

L’impact du groupe Wagner sur la stabilité du Sahel est controversé. Bien que les régimes militaires louent son efficacité contre les menaces sécuritaires, un rapport de l’’United States Institute of Peace (USIP) souligne que ses interventions aggravent souvent les conflits. Ses méthodes brutales, telles que les violences envers les civils, alimentent le ressentiment local et intensifient l’insécurité. Dans certaines régions, Wagner inspire plus de crainte que les groupes djihadistes, exacerbant les tensions et exposant davantage de civils aux attaques armées. (14).

Après la mort de son meneur Evgueni Prigojine en août 2023, le groupe Wagner a été rebaptisé Africa Corps et placé sous le contrôle direct du ministère russe de la Défense, supervisé par Yunus-Bek Yevkurov. Ancien président de l’Ingouchie et général de l’armée, Yevkurov supervise désormais les opérations russes en Afrique, renforçant l’influence de Moscou dans la région. L’Africa Corps, composé principalement d’anciens membres de Wagner, est déployé dans cinq pays : le Mali, le Burkina Faso, le Niger, la République centrafricaine et la Libye, où il établit son quartier général (15).

Ce groupe poursuit plusieurs objectifs : assurer des missions de sécurité, former les forces locales, soutenir politiquement les régimes en place, et exploiter les ressources naturelles, notamment la mine d’or d’Intahaka au Mali. En janvier 2024, l’Africa Corps a renforcé la protection du président burkinabé Ibrahim Traoré, en envoyant un premier contingent de 100 soldats, puis 200 supplémentaires. Cette restructuration s’inscrit dans la stratégie russe d’élargir son influence en Afrique, de sécuriser ses intérêts et de contrer l’Occident, tout en tentant de redorer l’image des opérations russes, souvent associées aux violations des droits humains commises par Wagner (16).

L’implantation de Wagner au Sahel a consolidé l’influence de la Russie, mais au prix d’une escalade des violences et de l’instabilité. En soutenant les régimes locaux contre les djihadistes, le groupe utilise des méthodes brutales qui alimentent les tensions et exacerbe la souffrance des civils. Si la présence russe renforce son pouvoir dans la région, elle complique les efforts internationaux pour restaurer la paix et la stabilité.


Références:

(1) Rampe, W, What Is Russia’s Wagner Group Doing in Africa ? Council On Foreign Relations ,14 mai 2023 https://www.cfr.org/in-brief/what-russias-wagner-g… consulté le 7 novembre 2024

(2) Tacchi, B. J. I. & J, Wagner in Africa: How the Russian mercenary group has rebranded, le 20 février 2024, https://www.bbc.com/news/world-africa-68322230 consulté le 7 novembre 2024

(3) Wilk, A, The Wagner forces under a new flag : Russia’s Africa Corps in Burkina Faso. OSW Centre for Eastern Studies, 31 janvier 2024, https://www.osw.waw.pl/en/publikacje/analyses/2024… consulté le 7 novembre 2024

(4) Radio-Canada, Que fait le groupe Wagner en Afrique ?, Radio-Canada.ca, 2 mai 2023 https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1977921… consulté le 7 novembre 2024

(5) Jeune Afrique, Mali : comment Wagner compte faire main basse sur des mines d’or,7 septembre 2022 https://www.jeuneafrique.com/1374898/politique/rus… consulté le 13 novembre 2024

(6) ACLED, Wagner Group Operations in Africa: Civilian Targeting Trends in the Central African Republic and Mali, 30 aout 2022 https://acleddata.com/2022/08/30/wagner-group-oper… consulté le 13 novembre 2024

(7) Loc.cit.

(8) Bensimon, C., « Au Mali, l’armée et des combattants étrangers seraient responsables du massacre de 500 personnes à Moura selon l’ONU », Le Monde, 12 mai 2023, https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/05/12/… consulté le 14 novembre 2024

(9) Loc.cit.

(10) ACLED Conflict Watchlist 2024 : Sahel, 2024, https://acleddata.com/conflict-watchlist-2024/sahel/, consulté le 14 novembre 2024

(11) OHCHR, Mali : UN experts call for independent investigation into possible international crimes, 13 janvier 2023, https://www.ohchr.org/en/press-releases/2023/01/ma… consulté le 14 novembre 2024

(12) Berge, J., Central African Republic Mine Displays Stakes for Wagner Group’s Future, Center for Strategic and International Studies, 21 septembre 2023, https://www.csis.org/analysis/central-african-repu… consulté le 15 novembre 2024

(13) Loc.cit.

(14) Litzow, J., Africa: Here’s How to Respond to Russia’s Brutal Wagner Group, United States Institute of Peace, 11 avril 2023, https://www.usip.org/publications/2023/04/africa-h… consulté le 15 novembre 2024

(15) Al-Rashid, A., The Wagner Lesson: Unveiling the Africa Corps’ Impact on Russia’s Influence in Africa, Future Center, 1er novembre 2023, https://www.futureuae.com/en-AE/Mainpage/Item/9355… consulté le 15 novembre 2024

(16) Loc.cit.

IIIème Guerre mondiale ou démonstrations de force avant les pourparlers ?

IIIème Guerre mondiale ou démonstrations de force avant les pourparlers ?


Conflit Russie-Ukraine et escalade militaire
Montage Le Diplomate

Par Alexandre Del Valle

IIIème Guerre mondiale ou démonstrations de force avant les pourparlers ?


Retour sur la décision du président américain sortant, Joe Biden, et de son homologue anglais, Keir Starmer, d’autoriser les forces armées ukrainiennes à utiliser des missiles ATACMS et Storm Shadows contre l’Oblast russe de Koursk. Une décision qui a déclenché une riposte « appropriée » de Moscou assimilée à une menace nucléaire et à une  déclaration de guerre de la Russie aux pays de l’OTAN devenus de facto belligérants. 

Les 20 et 21 novembre derniers, Joe Biden et Kern Stammer ont autorisé l’Ukraine à utiliser des missiles ATACMS et Storm Shadow capables d’atteindre 300 km pour frapper le territoire russe. La motivation officielle de cette décision aurait été de dissuader la Corée du Nord d’envoyer davantage de troupes et de faire dérailler la contre-attaque russe à Koursk, en train de porter ses fruits après un étrange retard. Et même la France, qui a déjà fourni des missiles à longue portée à l’Ukraine, a déclaré qu’autoriser Kiev à frapper des cibles militaires en Russie, voire même à envoyer une force européenne au sol, restait une option sur la table. De son côté, la président russe Vladimir Poutine a estimé qu’étant donné que les forces ukrainiennes ne peuvent pas utiliser les missiles occidentaux seules, elles ont forcément été appuyées par des spécialistes militaires des pays fournisseurs (Etats-Unis, Grande-Bretagne, etc) pour insérer les données de renseignement nécessaires au ciblage.

Ceci a entraîné la décision de Vladimir Poutine de riposter de façon « appropriée » en testant un missile « Oreshnik » RS26 de portée intermédiaire (IRBM) et hypersonique. Conçu pour emporter 6 ogives nucléaires, ce missile, lancé avec de simples explosifs conventionnels, a été testé et utilisé comme un avertissement quant à la capacité de Moscou à viser avec des armes nucléaires ou pas – et sur une distance de 5500 km – n’importe quel point de l’Ukraine et n’importe quelle capitale occidentale. En juin dernier, lors d’une réunion avec des représentants d’agences de presse internationales, alors que ces missiles occidentaux étaient déjà utilisés en Ukraine et en Crimée annexée contre des objectifs russes, Poutine avait déjà émis l’hypothèse que Moscou pourrait réagir en fournissant à son tour des missiles “dans les régions du monde d’où seront lancées des attaques sensibles sur les sites des pays qui fournissent des armes à l’Ukraine“. Ces derniers jours, cette menace s’est accentuée et se dirige désormais directement vers des cibles occidentales, d’où  le risque de « III guerre mondiale » agité par les médias et nombre de commentateurs. Maintes voix ont également exprimé leur étonnement concernant la décision de Biden de monter d’un cran le degré de belligérance alors que le peuple américain a voté pour un président élu ayant promis de faire la paix. Qu’en est-il vraiment ?

Premièrement, il faut garder à l’esprit que la guerre psychologique a toujours été partie intégrante de la guerre. De ce point de vue, deux mois avant que le supposé non-interventionniste Donald Trump entre en fonction (20 janvier), chaque camp, celui pro-Ukraine et la Russie, a intérêt à exercer des pressions maximales sur les dirigeants et les populations respectives, afin d’arriver à la table des négociations tant annoncées avec le meilleur rapport de force concret et psychologique. C’est ainsi qu’il faut comprendre les propos menaçants des proches de Poutine qui ont avoué que le but est de faire « tressailler de peur » l’Occident (Kadyrov, Medvedev). Poutine lui-même a déclaré : « nous nous considérons pleinement fondés à employer nos armes contre les infrastructures militaires des pays qui autorisent l’usage des leurs contre nos propres installations (…). Je recommande vivement aux élites dirigeantes des pays qui envisagent de déployer leurs contingents militaires contre la Russie d’y réfléchir à deux fois », dans son discours de 8 minutes. Maniant le chaud et le froid, Vladimir Poutine a également dit dans son discours-avertissement, spécialement aux Anglais et aux Etats-Unis, mais aussi implicitement à la France, que la Russie serait « toujours prête, aujourd’hui encore, à résoudre tous les différends de cette manière » par le dialogue, mais en précisant que Moscou pourra « affronter tous les développements possibles que pourraient occasionner les événements en cours. Et si certains en doutent encore, ils ont bien tort de le faire. La Russie répliquera toujours »… La peur est en fait une arme qui peut s’avérer efficace, car, comme on l’a vu avec la victoire de Donald Trump et de sa nouvelle équipe, notamment Vence, Kennedy et Musk, on sait que la promesse de paix – et donc la peur de la guerre – a motivé nombre d’Américains démocrates et républicains à voter Trump afin d’éviter la « troisième guerre mondiale », expression-épouvantail d’ailleurs utilisée le 20 novembre par Trump Junior sur les réseaux sociaux. Il convient donc de relativiser la gravité certes réelle de la situation.

D’un autre côté, il serait imprudent de réduire les avertissements de Poutine à un simple bluff, car l’histoire regorge d’exemples selon lesquels les menaces et surenchères créent des engrenages guerriers infernaux. Toutefois, les dirigeants des deux camps, et même le soi-disant fou Kim Jong Un Guide suprême de Corée du Nord, ne sont pas des jihadistes candidats au suicide. Ils aiment la vie, la chair, le luxe, ont des familles, des intérêts et donc un désir de survie, comme l’expliquait inlassablement mon ami et maître le géostratège Pierre Marie Gallois, inventeur de la dissuasion nucléaire française dite « du faible au fort ». Ils n’ont donc pas l’intention de déclencher le feu nucléaire final, du moins jamais contre une autre alliance ou puissance nucléaire plus forte ou aussi forte qu’eux. Il est certes aussi vrai que la nouvelle doctrine nucléaire qui a été approuvée par Vladimir Poutine le 26 septembre dernier prévoit une éventuelle « réponse nucléaire contre tout pays qui attaquerait la Russie même s’il ne possède pas d’armes atomiques mais qui serait soutenu par des puissances nucléaires », ce qui est exactement le cas de l’Ukraine, aidée par des pays de l’Otan – dont trois sont des puissances nucléaires et d’autres abritent des ogives nucléaires. Toutefois, malgré la gravité apparente de la situation, il faut raison garder et rappeler qu’aucun déplacement d’ogive nucléaire stratégique n’a été  détecté pour le moment et que l’essai du missile hypersonique RS26 russe du 22 novembre a été effectué – comme un essai précédent en Sibérie d’ailleurs – après en avoir informé les Occidentaux afin qu’ils sachent qu’il ne s’agissait pas d’une attaque nucléaire tournée contre une capitale européenne ou ouest-américaine. De la même manière, en autorisant depuis des mois les Ukrainiens à frapper les forces russes avec des missiles de 250 à 300 km, les Occidentaux  ont toujours annoncé par avance leur décision de façon directe ou progressive, comme cela s’est passé avec les Storm Shadow et ATACMS américains, dans le cadre d’une « communication » stratégique et médiatique qui a à chaque fois laissé le temps aux troupes russes de se préparer et de déplacer hommes, munitions ou autres engins de guerre.

Le message de guerre psychologique de Vladimir Poutine, qui sait déjà que l’administration Trump pourrait lui laisser les terres ukrainiennes actuellement conquises – Crimée incluse – est de faire comprendre que c’est une erreur de penser qu’il bluffe et que l’on peut « désanctuariser » impunément le sol d’un pays nucléaire, comme cela s’est produit depuis le 6 août dernier avec l’incursion ukrainienne vers Koursk, et comme on le voit avec l’autorisation de frapper le sol russe sur un rayon de 300 km. De ce point de vue, la révision de la doctrine nucléaire puis l’essai du 22 novembre dernier sont destinés à réintroduire une effectivité de la dissuasion qui aurait été apparemment érodée. D’une certaine manière, on peut dire que Russes et Américains procèdent depuis des jours, plus encore qu’avant, à un « dialogue stratégique in vivo et in concreto ». La Russie a donc logiquement averti les États-Unis (via le Centre national russe pour la réduction des risques nucléaires), plus d’une demi-heure avant le lancement du missile hypersonique, dans le cadre d’un système d’échange automatique visant à « maintenir une communication constante » avec un système du camp adverse, selon les propres termes du porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov. 

Face aux capitales pro-ukrainiennes qui estiment que la sanctuarisation nucléaire du territoire russe peut être violée sans conséquences graves, alors que pendant toute la guerre froide l’OTAN n’a jamais tenté de pénétrer « l’étranger proche russe » ou foulé le sol des pays membres du Pacte de Varsovie, d’autres Etats – même pro-ukrainiens, comme l’Italie – prennent au sérieux les avertissements poutiniens : le ministre des Affaires étrangères transalpin, Antonio Tajani, a ainsi déclaré qu’il refusait que l’Ukraine utilise des armes italiennes sur le sol russe. De même, l’Allemagne, plus grand contributeur de l’UE à l’effort de guerre ukrainien, a confirmé par la bouche de son chancelier, Olaf Scholz, que les missiles de croisière Taurus ne seraient jamais fournis à Kiev. Mieux, Scholz a téléphoné à Poutine immédiatement après la chute de son gouvernement, en parlant de nécessité de dialogue, ceci au grand dam des pays les plus antirusses, la Pologne et les pays Baltes. Quant au trio Autriche-Slovaquie-Hongrie, ce dernier pays présidant l’UE jusqu’au 31 décembre et ayant présenté à Donald Trump un plan de paix en juin dernier, il ne veut absolument pas participer à l’escalade et souhaite continuer à bénéficier du gaz russe par oléoduc. Ce trio est d’accord sur ce point avec Angela Merkel qui a avoué dans ces mémoires, parues ces jours-ci, puis dans des interviews récentes, que l’économie allemande a besoin du gaz russe bon marché par gazoducs pour que son économie et son industrie demeurent compétitive. Le chancelier Scholz a ouvertement reconnu lui-même que la reprise des relations avec Moscou permettrait de sauver l’Allemagne d’une crise économique énergétique provoquée par les sanctions sur les hydrocarbures russes. Une vision partagée plus clairement encore non seulement par la droite allemande ultra de l’AFD mais aussi par la gauche souverainiste de Sarah Wangenknecht, les deux étant en pleine ascension électorale, surtout en Allemagne de l’Est, certes, mais de plus en plus dans d’autres Landers également. 

Deuxièmement, il convient de relativiser la potentielle escalade inhérente aux autorisations occidentales de frapper le territoire russe et à la riposte russe par le test du missile hypersonique. L’autorisation faite aux Ukrainiens d’utiliser des missiles ATACMS et Storm Shadow contre le territoire russe ne changera pas plus la donne et les rapports de force que cela n’a été le cas lorsque ces armes ont été utilisées depuis des mois contre la Crimée et des forces russes dans le Donbass. Non seulement ces missiles ont souvent été abattus par la défense aérienne russe, mais ils ont été livrés en nombre très limités aux forces ukrainiennes. Par ailleurs, l’arrivée sur le front russe de militaires nord-coréens, qui a servi de prétexte à Washington pour justifier l’autorisation des ATACMS contre la Russie, a été exagérée par le camp pro-ukrainien, car si la présence de 10 000 soldats nord-coréens sans expérience du combat et armés de 70 canons et lance-roquettes est avérée, cela demeure infime par rapport aux 700 000 soldats russes au total équipés de 2 000 pièces d’artillerie sur la ligne de front. Et les reporters sur place le long du front ont plus vu de mercenaires colombiens que de Nord-Coréens. En réalité, pour ne pas avoir à trop dégarnir ses troupes en pleine progression dans l’Oblast de Doniesk, les forces russes tentent de récupérer les terres du sud occupées par les Ukrainiens dans l’oblast de Koursk avec le minimum de troupes du Donbass et le maximum de forces intérieures et de mercenaires. Enfin, le secrétaire américain à la Défense, Lloyd Austin, et le porte-parole du Conseil national de sécurité, John Kirby, ont souligné à quel point l’utilisation de l’ATACMS par les Ukrainiens était inutile puisque les aéroports russes et autres bases d’importance stratégique sont situés bien hors de leur portée.

Revenons maintenant sur le discours du maître du Kremlin, qui a insisté sur un point d’histoire que l’Occident, Washington et l’Otan ont du mal à admettre, à savoir que « ce n’est pas la Russie, mais les États-Unis qui ont détruit l’architecture internationale de sécurité et, en poursuivant leurs combats, s’accrochent désespérément à leur hégémonie, entraînant la planète entière dans un conflit global ». La référence aux casus belli de la proposition faite à l’Ukraine en 2008 d’adhérer à l’OTAN, des soutiens occidentaux aux révolutions ukrainiennes antirusses de 2004 et 2014 – sans oublier la question des missiles antimissiles américains installés en Pologne et en Roumanie, rentre certes dans le registre d’une propagande de guerre psychologique visant à renverser les rôles et accuser l’Occident du bellicisme dont Moscou est justiciable. Toutefois, le propos peut malgré tout convaincre d’autant plus efficacement certains occidentaux épris de paix qu’il contient une part de vérité susceptible d’enfoncer un coin dans l’unité occidentale et de susciter une certaine empathie dans les pays du Sud global. Enfin, concernant la volonté russe de produire à nouveau et en masse des missiles à portée intermédiaire (5500 km) pouvant frapper toutes les capitales occidentales, sauf l’Australie et la Nouvelle Zélande, Poutine a rappelé que leur  développement s’est effectué « en réponse aux programmes lancés par les États-Unis, consistant à produire et déployer en Europe et dans la région Asie-Pacifique leurs propres missiles de courte portée et de portée intermédiaire. Nous estimons que les États-Unis ont commis une erreur en 2019 lorsqu’ils ont déchiré, sur un prétexte fallacieux, le Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire. Aujourd’hui, les États-Unis ne se contentent pas de produire de tels équipements  : ils ont entrepris, dans le cadre de leurs exercices militaires, le transfert de ces systèmes avancés vers différentes régions du monde, notamment en Europe, sans compter qu’ils s’entraînent à leur utilisation lors de leurs manœuvres ». L’allusion au projet de George Bush jrentre 2004 et 2008 de prépositionner dans toute l’Europe de l’Est des missiles et anti-missiles américains pouvant annuler la capacité d’interception ou de riposte russe (option certes réduite ensuite par Barak Obama à la Roumanie avant que la Pologne fasse de même en 2024), est ici évidente et participe aussi d’une tentative de renverser l’accusation de bellicisme originel. Du point de vue de Bruxelles et Washington, il s’agit là d’un pur narratif poutinien qui, même si l’extension de l’OTAN vers l’est et l’ingérence pro-démocratique en Ukraine sont indéniables, ne justifie aucunement la guerre d’agression russe en Ukraine et l’annexion de territoires d’un pays voisin dont Moscou avait reconnu à maintes occasion l’indépendance et les frontières depuis 1991.

En guise de conclusion : la paix annoncée par Donald Trump est-elle compromise pour autant ?

Pas forcément ! Premièrement parce que l’intensification des menaces et utilisations d’armes toujours plus efficaces et dissuasives des deux côtés du front ne signifie pas forcément une entrée dans la III -ème guerre mondiale, même si le risque n’est pas nul, mais rentre dans le contexte des dernières avancées et démonstrations de capacités de nuisance de part et d’autre avant l’ouverture prochaine de négociations annoncées par l’Administration Trump. Ensuite, il faut rappeler que, paradoxalement, cette montée en puissance – apparemment très inquiétante et « co-belligène – arrive dans un contexte global de possibles négociations imminentes. Il faut « tout faire pour mettre fin à la guerre en 2025 par la diplomatie en partant d’’une Ukraine forte’, a ainsi déclaré le président Volodymyr Zelensky, alors qu’il avait fait criminaliser dans la loi ukrainienne pareille idée et qu’il excluait toute négociation territoriale dans son fameux « plan de victoire ». Il a même été jusqu’à saluer parmi les premiers la victoire de Donald Trump et sa vision de la « paix par la force » et voit dans la nouvelle administration la perspective de sortir de la guerre par le haut, afin que cela n’apparaisse pas comme une trahison de sa part comme une décision du protecteur américain. Ceci en échange, bien sûr, de garanties pour l’avenir de la part des Etats-Unis, de l’OTAN et de l’UE. De son côté, Vladimir Poutine – lors de l’entretien téléphonique avec le chancelier allemand, Olaf Scholz, le 15 novembre dernier, a réitéré qu’un éventuel accord pour la fin du conflit doit “se baser sur les nouvelles réalités territoriales”, ou plutôt sur ce que Moscou a réalisé jusqu’à présent. Ceci paraissait totalement inacceptable et inaudible il y a encore un ou deux mois, et a fortiori durant l’été, lorsque l’Ukraine réussissait une incroyable percée en terre russe vers Koursk,  mais elle est hélas devenue totalement réaliste pour les nationalistes ukrainiens maintenant qu’elle est au cœur du plan de paix du président américain élu et que les rapports de force sont nettement en faveur de l’armée russe, avec une progression accélérée dans l’oblast de Doniesk, partout  sur la ligne de front, puis même dans l’Oblast de Koursk, où les troupes ukrainiennes reculent et subissent de lourdes pertes d’ailleurs peu médiatisées. Après l’appel téléphonique avec Scholz, le Kremlin a rappelé que Poutine – dans un discours au ministère des Affaires étrangères – a posé le retrait des forces ukrainiennes des quatre régions partiellement occupées (Donetsk, Lougansk, Zaporhizhia et Kherson) comme condition d’un cessez-le-feu. Or cette option é été clairement acceptée par Donald Trump, son vice-président J.D. Vence et la quasi-totalité de son équipe, néo-cons y compris, dont Marco Rubio. En fait, le plan de paix de Trump, qui s’est appuyé en partie sur celui présenté par Victor Orban en juillet dernier, prévoit des régions autonomes de chaque côté d’une zone démilitarisée, le renvoi dans au moins vingt ans de l’entrée de l’Ukraine dans l’OTAN ; une neutralisation totale du pays, des garanties de ne jamais redevenir une puissance nucléaire et une base de l’empire rival US, et un abandon des territoires russophones en cours de conquête par la Russie et annexés à cet effet. Il est clair que pour voir le jour, ce plan théoriquement inacceptable par Kiev, passe par une remise en question totale du “plan de victoire” de Zelensky qui a parlé au contraire d’”une invitation” de l’Alliance comme base fondamentale de la paix » …. Le président ukrainien devrait donc non seulement se dédire, donc s’auto délégitimer, mais il devrait agir en contravention non seulement du droit ukrainien mais surtout de la Constitution ukrainienne, laquelle interdit tout abandon de souveraineté, inscrit dans le marbre l’adhésion du pays à l’OTAN au plus vite, et assimile à une forfaiture le simple fait de vouloir changer la constitution sous l’influence directe ou indirecte de forces étrangères.

Pour ce qui est du « dindon de la farce » qu’est l’Union européenne, première victime des sanctions, en pleine récession, obligée de payer son gaz 3 à 5 fois plus cher que les États-Unis, et sur qui va peser le fardeau financier de la reconstruction de l’Ukraine, le plan Trump prévoit qu’elle  devra prendre la place des États-Unis sur le front de l’aide militaire, ce qui impliquera de multiplier par deux les contributions annuelles – à ce jour autour de 20 milliards, soutenues en grande partie par l’Allemagne – et à un moment où, par ailleurs, l’économie n’est pas au mieux… Face au réalisme cynique du plan Trump, que d’aucuns comparent déjà aux accords de Munich signés avec Hitler par l’Anglais Neville Chamberlain en 1938, notamment, pour éviter en vain une guerre et en se déshonorant, l’effondrement de Kiev n’est pas une option pour de nombreux États membres de l’OTAN et de l’UE. Cela représenterait en effet, selon Bruxelles et les grandes capitales européennes, surtout les Pays-Baltes, la Roumanie et la Pologne, une menace existentielle pour leur sécurité, avec à la clef un double risque d’encourager la Russie à recommencer sa politique expansionniste dans l’avenir une fois son armée reposée et renforcée, puis d’autres pays aux appétits impérialistes à faire de même. En outre, les services de renseignement occidentaux estiment que si le pays se retrouvait aux mains des Russes, 10 millions d’Ukrainiens pourraient fuir vers l’Europe, avec un exode aux proportions bibliques. Un vrai dilemme « paix maintenant » versus « si vis pacem para bellum ». Un vrai casse-tête pour l’avenir de l’UE et la crédibilité de l’Alliance atlantique, mais que les partisans de l’America First sont déterminés à résoudre avec le triomphe de la Realpolitik et des accords bilatéraux sur les logiques multilatérales et les alliances globales désormais fragiles et inquiètes du risque d’arrêt brutal de leurs logiques d’expansion permanente et existentielles, bien que belligènes…

Le chasseur F-35I Adir d’Israël a un « talon d’Achille » que personne n’avait vu venir

Le chasseur F-35I Adir d’Israël a un « talon d’Achille » que personne n’avait vu venir

Le F-35I Adir, fleuron de l’aviation militaire israélienne, fait face à un défi inattendu. Ce chasseur furtif de cinquième génération, conçu pour dominer les cieux, se trouve au cœur d’une controverse juridique internationale. Une situation qui pourrait compromettre son efficacité opérationnelle et soulève des questions sur l’utilisation des technologies de pointe dans les conflits modernes.

Par Paolo Garoscio – armees.com – Publié le 1 décembre 2024

Chasseur F 35i Adir Disrael Faiblesse Inattendue Decouverte
Le chasseur F-35I Adir d’Israël a un « talon d’Achille » que personne n’avait vu venir – © Armees.com

L’organisation non gouvernementale palestinienne Al-Haq a récemment intenté une action en justice à Londres. Son objectif ? Mettre un terme aux exportations de composants britanniques destinés à la flotte de F-35 israélienne. Cette démarche juridique vise le Département britannique du Commerce et des Affaires, accusé de fournir des pièces essentielles pour ces avions de chasse de pointe.

Al-Haq affirme que ces exportations sont illégales, arguant que les F-35I auraient été utilisés pour frapper des zones civiles à Gaza. L’ONG souligne :

  • L’utilisation confirmée des F-35 dans les attaques sur Gaza
  • Le largage de bombes de 2000 livres sur des zones densément peuplées
  • La nécessité d’un contrôle accru sur l’utilisation de ces armes sophistiquées

Cette action en justice intervient dans un contexte déjà tendu. Le Royaume-Uni avait suspendu environ 30 licences d’exportation d’armes vers Israël en septembre, invoquant des préoccupations liées au droit humanitaire international. Néanmoins, les composants du F-35 avaient été exemptés de cette suspension, le gouvernement britannique arguant de « implications sérieuses pour la paix et la sécurité internationales » en cas d’arrêt de ces exportations.

Chasseur F 35i Adir Disrael Faiblesse Inattendue Decouverte 2

Implications pour la flotte mondiale de F-35

L’affaire soulève des questions cruciales sur la chaîne d’approvisionnement mondiale du programme F-35. Si la plainte d’Al-Haq aboutissait, cela pourrait avoir des répercussions bien au-delà d’Israël. En effet, le F-35 est utilisé par plusieurs pays alliés, et son système de production repose sur une collaboration internationale complexe.

Voici un aperçu des enjeux :

Bien que la plainte soit peu susceptible d’arrêter les opérations israéliennes à court terme, elle met en lumière la scrutiny croissante sur l’utilisation du F-35 et pourrait compliquer l’approvisionnement futur de la flotte mondiale.

Le débat sur l’utilisation militaire et les droits humains

Cette affaire s’inscrit dans un débat plus large sur l’équilibre entre sécurité nationale et respect du droit international humanitaire. Les Forces de Défense Israéliennes (FDI) réfutent les accusations d’utilisation inappropriée du F-35I Adir. Elles mettent en avant la complexité du conflit à Gaza, notamment :

L’utilisation par le Hamas de boucliers humains et d’infrastructures civiles pour ses opérations militaires. La présence d’un vaste réseau de tunnels sous les zones urbaines, surnommé le « Métro de Gaza ». La nécessité d’utiliser des armements de précision pour minimiser les dommages collatéraux.

Toutefois, les groupes de défense des droits humains persistent dans leurs allégations. Ils pointent du doigt les lourdes pertes civiles et la destruction massive d’infrastructures à Gaza. Cette situation soulève des questions éthiques sur l’emploi d’armes hautement sophistiquées dans des zones densément peuplées.

Le cas du F-35I Adir illustre ainsi la difficulté de concilier avancées technologiques militaires et protection des populations civiles en temps de conflit. Il met également en lumière les défis juridiques et éthiques auxquels font face les nations développant et exportant des systèmes d’armement avancés.


Paolo Garoscio

Journaliste chez EconomieMatin. Ex-Chef de Projet chez TEMA (Groupe ATC), Ex-Clubic. Diplômé de Philosophie logique et de sciences du langage (Master LoPhiSC de l’Université Paris IV Sorbonne) et de LLCE Italien.