La Chine développerait un char moyen de nouvelle génération sans équivalent en occident

La Chine développerait un char moyen de nouvelle génération sans équivalent en occident

Ces dernières semaines, l’actualité du char de combat, allant du char léger au char lourd, avec le retour du char moyen, a été particulièrement riche, avec le lancement du développement du M1E3 Abrams américain, les avancées réalisées concernant le programme MGCS européen, ou encore les détails donnés autour du Leopard 2AX de KNDS.

Celle-ci fait naturellement écho au rôle déterminant que joue le char de combat dans la guerre en Ukraine, avec parfois des constats sévères sur certaines certitudes qui avaient cours jusqu’ici en occident.

De fait, face aux déboires rencontrés en Ukraine par le M1A1 américains, les Challenger 2 britanniques, et dans, une moindre mesure, les Leopard 2 allemands, les nouveaux programmes occidentaux, comme le M1E3, le MGCS et même le T-14 russe, visent tous une masse au combat plus réduite, de l’ordre de 50 à 55 tonnes, plutôt que 65 à 70 tonnes.

La Chine n’était pas, jusqu’ici, en pointe, dans le domaine du char de combat. Ainsi, bien que jugé très capable et performant, le Type 99A, son char le plus performant et le plus moderne, n’a été produit qu’à 600 exemplaires. L’état-major chinois donnait, en effet, la priorité aux forces aériennes et navales, en matière de modernisation.

Entré en service en 2011 et parfaitement moderne, on aurait pu penser que ce char aurait représenté le pilier de la réponse chinoise dans ce domaine, pour plusieurs décennies, sous couvert d’améliorations continues. C’est pourtant un char très différent, et, en de nombreux points, sans équivalent en occident, qui a récemment été photographié aux couleurs de l’Armée Populaire de Libération.

Sommaire

Type 96, Type 99A et Type 15 : les chars de l’Armée Populaire de Libération ont beaucoup progressé ces dernières décennies

Si la composante terrestre de l’Armée Populaire de Libération demeure la plus volumineuse armée de la planète, avec un million de soldats d’active, son parc de chars de combat peut sembler, quant à lui, relativement modeste.

char de combat Type 96
Si le Type 99A est le char chinois le plus moderne, c’est le Type 96 qui constitue la colonne vertebrale de son parc de chars lourds.

En effet, celui-ci se compose, aujourd’hui, de 4 500 chars de combat, parmi lesquels 600 Type 99A, la version la plus moderne, d’une masse au combat de 55 tonnes, armée d’un canon de 125 mm, et équipée, semble-t-il, d’un système de défense soft-kill. S’y ajoutent 600 Type 99, qui le précèdent, d’une masse de 51 tonnes, disposant d’un armement similaire, mais d’une électronique embarquée moins évoluée.

Le gros du parc chinois est constitué de 2500 chars moyens Type 96, un blindé conçu dans les années 90, d’une masse au combat allant de 40 à 45 tonnes, et d’une génération comparable à celle des T-72 soviétique, bien que très différent dans l’aspect. Armé d’un tube de 125 mm, ce char sert de base au VT4, le modèle d’exportation proposé par Pékin.

Depuis 2018, l’APL s’est également doté de 500 chars légers Type 15, un blindé de 33 à 36 tonnes au combat, armé d’un canon de 105 mm, spécialement conçu pour les missions de reconnaissance armée, mais aussi pour opérer sur les terrains difficiles impraticables par des chars plus lourds, comme sur les plateaux du Ladakh indien, ou dans les espaces subtropicaux, de la Mer de Chine du Sud.

Enfin, les armées chinoises disposent d’un millier de chars beaucoup plus anciens, comme les Type-88 et Type-79, faisant office de réserve, mais destinés à être progressivement remplacés.

chr léger Type 15 APL
Le char léger Type 15 a été spécialement conçu pour opérer sur les hauts plateaux himalayens le long de la ligne de frontière avec l’Inde.

Jusqu’à présent, donc, la flotte de chars chinois, n’était pas très différente, dans sa constitution, comme dans son évolution, des flottes russes ou occidentales, avec notamment une augmentation sensible de la masse, de la protection, de la létalité et donc, du prix, au fil des nouvelles versions.

Le cliché publié il y a quelques jours, sur les réseaux sociaux chinois, montrant un char de combat d’une conception en profonde rupture avec ces paradigmes, pourrait cependant indiquer que l’Armée Populaire de Libération, aurait pris une trajectoire beaucoup plus radicale, concernant les paradigmes appliqués à la conception de son nouveau char de bataille.

Un nouveau char moyen apparu sur les réseaux sociaux chinois

Pour l’heure, en dehors de ce cliché et des informations relayées sur les réseaux sociaux chinois, les données le concernant sont très limitées. Il est vrai que depuis 2019, Pékin se montre particulièrement attentif quant aux informations sur ses capacités industrielles défense et leur production, ce qui tend à créer un épais voile d’opacité autour de ses programmes militaires.

Quoi qu’il en soit, selon ces informations, ce nouveau char aurait une masse au combat de l’ordre de 35 tonnes, comme le Type 15. Il serait, également, armé d’un canon de 105 mm, comme le char léger chinois. Pourtant, il ne s’agirait pas d’un nouveau char léger, mais d’un char moyen, destiné à opérer en première ligne dans les combats de haute intensité.

Char Type-23-chine-apl
Une autre photo du nouveau char moyen observé en Chine.

Pour cela, il semble que les inégénieurs chinois soient partis d’une analyse comparable à celle publiée en décembre 2020 sur ce site, dans l’article « Les paradigmes du char de combat moderne sont-ils obsolètes ?« .

L’article préconisait, de manière synthétique, de s’appuyer sur une plus grande mobilité, les performances d’un système APS hard kill / soft kill, sur un armement principal plus léger complété par des missiles antichars et antiaériens, et sur un tourelleau téléopéré, pour obtenir, au final, les mêmes performances et survivabilité qu’un char lourd moderne, mais pour un prix beaucoup plus faible.

Ce sont précisément les paradigmes qui semblent avoir présidé à la conception de ce nouveau char moyen chinois, équipé d’un puissant APS pour assurer sa protection, d’une grande mobilité pour renforcer sa protection et sa létalité, et d’un armement complémentaire composé d’un canon de 105 mm pour engager les blindés moins protégés, de missiles antichars contre les chars lourds, et d’un RWS pour la protection rapprochée, notamment contre les drones.

Un profond changement de paradigmes sur la conception même de la fonction char de combat, adaptée au théâtre Indo-Pacifique

Contrairement aux chars M1E3, KF51 ou MGCS occidentaux, le nouveau char chinois ne s’appuie pas sur l’intégration linéaire des évolutions technologiques les plus récentes, notamment dans le domaine de l’automatisation et des nouveaux systèmes de détection, pour produire une version allégée, donc plus mobile, du Type 99A.

Il s’agit bien au contraire, d’une évolution profonde des paradigmes même du char de combat, avec une projection, à moyen termes, d’un usage relativement différent de ce que pourront faire les évolutions occidentales, ou même le T-14 Armata russe.

M1E3 US Army GDLS AbramsX
Le M1E3 américain pourrait être lourdement influencé par le démonstrateur AbramsX de GDLS.

Il semble, par exemple, que l’équipage du blindé ait été ramené à seulement deux personnes, un pilote et un commandant, rassemblés dans une cellule de survie au cœur du blindé, la tourelle étant, quant à elle, entièrement robotisée. Ceci laisse supposer qu’une grande partie de la charge de travail sera déléguée à des systèmes automatisés, mais aussi que le blindé ne sera pas conçu pour opérer dans la durée dans une zone de combat de haute intensité, ce qui serait trop éprouvant pour l’équipage.

Au contraire, il semble conçu pour des missions frappes à longue portée, grâce à ses missiles, et des tactiques de type Shoot&Scout, plutôt que de subir le feu adverse. Cette doctrine d’emploi, basée sur la mobilité, parait, en effet, adaptée aux engagements auxquels l’APL peut être exposée, que ce soit dans la chaine himalayenne, face à l’Inde, ou dans un environnement subtropical, radicalement différent, en Mer de Chine du Sud, autour de Taïwan, ou le long de la seconde chaine d’iles qui le bloque l’accès au Pacifique Sud et à l’Ocean indien.

Démonstrateur, prototype ou char de pré-série ?

Reste que, pour l’heure, le faible nombre d’informations attestées au sujet de ce nouveau char, ne donne qu’une idée superficielle de sa fonction potentielle à venir, au sein de l’APL, notamment sa place exacte, dans le parc de chars chinois, entre le Type 15 et le Type 99A.

Surtout, il est impossible, aujourd’hui, de déterminer avec exactitude, si le modèle observé constitue un char de pré-série, destiné à prochainement rejoindre les unités d’active de l’APL, ou le prototype d’un programme toujours en développement.

Char moyen Type 22 chine
Dernier cliché actuellement disponible concernant ce nouveau char moyen si original chinois.

Il peut même s’agir d’un démonstrateur technologique, comme il y en a de plus en plus en Chine, ce qui parfois induit des analyses précipitées quant à l’évolution des moyens de l’APL. Ce fut, notamment, le cas concernant l’observation d’un démonstrateur de corvette furtive ou des démonstrateurs de nombreux drones, voire de la plateforme expérimentale de porte-drones, qui n’a aucune capacité opérationnelle réelle.

Conclusion

Il faudra donc se montrer encore patient avant d’avoir une quelconque certitude concernant l’évolution du parc de chars chinois, et plus spécifiquement, pour ce qui concerne l’avenir de ce char moyen aux caractéristiques en rupture avec la trajectoire suivie par ailleurs, en occident comme en Russie.

Rien ne permet, en effet, d’assurer que ce modèle entrera bien en service au sein de l’APL, et encore moins qu’il viendra remplacer les chars lourds actuellement en service, même les modèles les plus anciens, proches en termes de masse.

Cela dit, il convient, aussi, de remarquer que la Chine a produit un nouveau modèle de char de combat sur chaque décennie depuis les années 70. Il est donc très probable qu’un nouveau modèle entrera en service sur la décennie en cours, d’autant que le Type 99A est entré en service au tout début des années 2010 (2011), comme le Type 99 qui le précédait, en 2001.

De fait, on peut effectivement s’attendre à ce qu’un nouveau char, baptisé Type 23 ou Type 24, c’est-à-dire conçu en 2023 ou 2024, apparaisse dans les années à venir au sein de l’APL. Dans ce contexte, il est, en effet, possible que ce char moyen aux paradigmes révolutionnaires, constitue les prémices de ce nouveau char à venir des armées chinoises. À suivre donc…

Article du 11 juin en version intégrale jusqu’au 12 aout 2024

Tensions au Proche-Orient : la France invite ses ressortissants à quitter le Liban « dès que possible »

Tensions au Proche-Orient : la France invite ses ressortissants à quitter le Liban « dès que possible »

Les menaces du Hezbollah et de l’Iran vis-à-vis d’Israël incitent de nombreux pays, dont la France, à demander à leurs ressortissants de quitter au plus vite le Liban.

Cette photo prise depuis le nord d'Israël montre des volutes de fumée lors d'un bombardement israélien dans le sud du Liban, le 4 août 2024.
Cette photo prise depuis le nord d’Israël montre des volutes de fumée lors d’un bombardement israélien dans le sud du Liban, le 4 août 2024. (©AFP/Jalaa MAREY)

https://actu.fr/monde/tensions-au-proche-orient-la-france-invite-ses-ressortissants-a-quitter-le-liban-des-que-possible_61444846.html

La France invite ses ressortissants, particulièrement ceux de passage, se trouvant au Liban, à quitter « dès que possible » ce pays dans un « contexte sécuritaire très volatile », a exhorté, ce dimanche 4 août, le ministère des Affaires étrangères.

« Des vols commerciaux directs et avec escales vers la France sont encore disponibles », a précisé le Quai d’Orsay. « Face aux risques d’escalade militaire au Proche-Orient », Paris demandait déjà « instamment » à ses ressortissants de ne pas se rendre au Liban.

 

Des risques d’escalade militaire au Proche-Orient

Cette nouvelle recommandation s’inscrit dans le cadre de la décision prise samedi par les compagnies aériennes Air France et Transavia France de prolonger la suspension de leurs vols vers Beyrouth jusqu’au 6 août inclus au moins « en raison de la situation sécuritaire ».

Dans un contexte sécuritaire très volatile, nous invitons les ressortissants français à prendre leurs dispositions maintenant pour quitter le Liban dès que possible. Pour rappel, face aux risques d’escalade militaire au Proche-Orient, il est instamment demandé aux ressortissants français de ne pas se rendre au Liban.

Le ministère des affaires étrangères

La France recommande également à ses ressortissants résidant en Iran « de quitter temporairement le pays » s’ils le peuvent, estimant qu’il y a un risque de fermeture de l’espace aérien et des aéroports iraniens.

Emmanuel Macron appelle à éviter « à tout prix » une escalade 

Cette consigne intervient dans un contexte de tensions extrêmement fortes avec Israël, après l’assassinat, attribué par l’Iran à Israël, du chef politique du Hamas, Ismaïl Haniyeh, tué mercredi 31 juillet à Téhéran. L’Iran a promis de se venger.

Le président français Emmanuel Macron et le roi de Jordanie Abdallah II ont appelé ce dimanche 4 août à éviter « à tout prix » une escalade, selon le compte-rendu d’une conversation téléphonique publié par l’Élysée.

Le ministère libanais de la Santé a indiqué lui dans la nuit de dimanche à ce lundi 5 août qu’une « frappe ennemie israélienne » avait tué deux personnes à Houla, dans le sud du pays. Un peu plus tôt, l’armée israélienne avait annoncé avoir « identifié un terroriste du Hezbollah pénétrant dans une structure militaire » dans ce secteur, et avoir « frappé » celle-ci. 

Les violences transfrontalières ont fait 547 morts, dont 115 civils, au Liban depuis l’attaque du Hamas en Israël en octobre, selon un décompte de l’AFP.

Le chef du Hezbollah menace d’une « bataille ouverte sur tous les fronts »

Israël n’a pas commenté l’attaque contre Ismaïl Haniyeh, mais a juré de détruire le Hamas après l’attaque sans précédent menée par ce mouvement le 7 octobre sur son sol, qui a déclenché la guerre dévastatrice à Gaza.

Le guide suprême d’Iran, Ali Khamenei, a de son côté menacé Israël d’un « châtiment sévère », et le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, d’une « bataille ouverte sur tous les fronts », le Hamas et les rebelles yéménites Houthis jurant aussi de riposter.

En face, le ministre israélien de la Défense, Yoav Gallant a affirmé dimanche que l’armée était « prête à réagir rapidement ou à attaquer ».

Les États-Unis, eux, ont musclé leur dispositif militaire sur place avec davantage de navires de guerre et avions de combat. « Simultanément, nous nous efforçons de désamorcer la situation diplomatiquement », a assuré Jon Finer, conseiller adjoint à la sécurité nationale.

Alors que le Liban risque d’être en première ligne d’une escalade, la Suède, les États-Unis, la Grande-Bretagne, la Jordanie, l’Arabie saoudite et donc la France ont ainsi appelé leurs ressortissants à quitter le pays.

L’offensive israélienne à Gaza a fait jusqu’à présent près de 40 000 morts

La guerre à Gaza a entraîné l’ouverture de fronts contre Israël par le Hezbollah et les Houthis qui forment avec le Hamas et des groupes armés irakiens ce que l’Iran appelle « l’axe de la résistance » face à Israël.

Roquettes tirées depuis le sud du Liban interceptées par les défenses israéliennes en Haute-Galilée, dans le nord d'Israël, le 4 août 2024.
Des roquettes tirées depuis le sud du Liban interceptées par les défenses israéliennes en Haute-Galilée, dans le nord d’Israël, le 4 août 2024. (©AFP/Jalaa MAREY)

Samedi, le Hezbollah a affirmé avoir pour la première fois ciblé la ville de Beit Hillel dans le nord d’Israël avec des dizaines de roquettes et l’armée israélienne a riposté par des frappes dans le sud du Liban, des échanges quasi-quotidiens à la frontière israélo-libanaise depuis le 8 octobre.

Dans le même temps, l’armée israélienne poursuit son offensive contre le territoire palestinien de Gaza, ravagé et menacé de famine selon l’ONU.

Le Hamas, qui a pris en 2007 le pouvoir à Gaza, est considéré comme terroriste par Israël, les États-Unis et l’Union européenne.

Son attaque le 7 octobre dans le sud d’Israël a entraîné la mort de 1197 personnes, en majorité des civils, selon un décompte de l’AFP basé sur des données officielles israéliennes. Sur 251 personnes alors enlevées, 111 sont toujours retenues à Gaza, dont 39 sont mortes, selon l’armée.

L’offensive israélienne à Gaza a, elle, fait jusqu’à présent 39 583 morts, d’après des données du ministère de la Santé du gouvernement de Gaza, dirigé par le Hamas, qui ne détaille pas le nombre de civils et de combattants morts.

Avec AFP

La Russie intensifie ses exercices militaires nucléaires tactiques

La Russie intensifie ses exercices militaires nucléaires tactiques

Par Jean-Baptiste Leroux -armees.com –  Publié le 2 août 2024

La Russie poursuit ses exercices militaires nucléaires. Wikipedia

La Russie a récemment intensifié ses exercices militaires en mettant l’accent sur l’utilisation d’armes nucléaires tactiques. Ces manœuvres, qui ont débuté en mai dernier, visent à démontrer la puissance militaire russe et à envoyer un message clair aux pays occidentaux.

Des manœuvres nucléaires de grande envergure

Depuis le début de la semaine, la Russie a lancé des exercices militaires à grande échelle, mobilisant plus de 300 navires pour des manœuvres navales. À partir du 31 juillet, l’accent a été mis sur l’utilisation des armes nucléaires tactiques. Ces exercices, constituant la troisième étape d’un programme commencé en mai, sont menés dans les districts militaires du centre et du sud, incluant le Caucase russe et les régions du sud et de l’est de l’Ukraine.

Les armes nucléaires tactiques, moins puissantes que les armes stratégiques, sont conçues pour être utilisées sur le champ de bataille. Elles peuvent être déployées depuis des véhicules, pièces d’artillerie, navires ou avions, visant des cibles spécifiques plutôt que des villes entières. Le ministère russe de la Défense a précisé que l’aviation et les systèmes de missiles Iskander participent activement à ces manœuvres.

Des objectifs stratégiques et militaires

L’objectif principal de ces exercices est de tester le déplacement et l’armement des armes nucléaires tactiques. Selon le ministère russe de la Défense, ces manœuvres visent à améliorer la capacité de réaction rapide et l’efficacité opérationnelle des forces armées russes dans des scénarios de combat simulés.

L’annonce de ces exercices avait été faite par le président Vladimir Poutine en mai, en réponse aux actions occidentales jugées provocatrices par la Russie, telles que la livraison de missiles à longue portée à l’Ukraine et les déclarations concernant un possible déploiement de troupes occidentales dans le conflit. En renforçant sa présence militaire et en montrant sa capacité à utiliser des armes nucléaires, la Russie cherche à dissuader toute intervention étrangère et à affirmer sa supériorité stratégique.

Un message clair aux Occidentaux

Les exercices militaires russes sont perçus comme un signal fort envoyé aux pays occidentaux. Le ministère russe des Affaires étrangères a déclaré que ces manœuvres visent à rappeler aux Occidentaux les risques stratégiques qu’ils génèrent par leurs actions et leurs conséquences potentielles. Ce message est destiné à dissuader toute aide militaire accrue à l’Ukraine et à mettre en garde contre les implications d’un soutien occidental dans le conflit.

Depuis le début de l’invasion de l’Ukraine, Vladimir Poutine alterne entre des déclarations de force et des propositions de dialogue, créant une atmosphère de tension constante autour de la question nucléaire. En exhibant son arsenal tactique, la Russie cherche à maintenir une pression constante sur ses adversaires et à montrer qu’elle est prête à utiliser tous les moyens nécessaires pour atteindre ses objectifs.

Les réactions de la communauté internationale

La communauté internationale a réagi avec une inquiétude croissante face à ces exercices militaires. Les pays occidentaux, en particulier, voient ces manœuvres comme une escalade dangereuse et une démonstration de force inquiétante. Les experts en sécurité et les analystes militaires surveillent de près ces développements, craignant que cette démonstration de puissance puisse conduire à une intensification du conflit en Ukraine et à une instabilité accrue dans la région.

Les États-Unis et l’Union européenne ont appelé à la retenue et à la désescalade, soulignant l’importance de solutions diplomatiques. Ils continuent de soutenir l’Ukraine tout en cherchant à éviter une confrontation directe avec la Russie. La communauté internationale reste vigilante, cherchant à prévenir une crise nucléaire tout en faisant face aux défis posés par l’agressivité militaire russe.


Jean-Baptiste Leroux
Jean-Baptiste Le Roux est journaliste. Il travaille également pour Radio Notre Dame, en charge du site web. Il a travaillé pour Jalons, Causeur et Valeurs Actuelles avec Basile de Koch avant de rejoindre Economie Matin, à sa création, en mai 2012. Il est diplômé de l’Institut européen de journalisme (IEJ) et membre de l’Association des Journalistes de Défense. Il publie de temps en temps dans la presse économique spécialisée.

Se préparer à une guerre prochaine en Europe ou ailleurs ? Entretien du 28 juillet 2024 pour Atlantico

Se préparer à une guerre prochaine en Europe ou ailleurs ? Entretien du 28 juillet 2024 pour Atlantico


 

Entretien pour Atlantico ce 28 juillet 2024 suite aux déclarations du CEMA britannique

Le 23 juillet 2024, Le général Sir Roly Walker, chef d’état-major des armées britanniques, nommé à l’été 2023, déclarait dans le Times (et non dans the Economist)  que la Grande-Bretagne devait se préparer à une troisième guerre mondiale si la Chine envahissait Taïwan en 2027 (https://www.thetimes.com/uk/defence/article/weve-got-three-years-to-prepare-for-war-says-head-of-the-army-2tgcscmk6).

L’avertissement du général Sir Roly Walker est le plus grave de ces dernières années. Selon lui, le Royaume-Uni avait trois ans pour se préparer à la guerre contre un « axe de contestation » alors que la Russie, la Chine, la Corée du Nord et l’Iran travaillaient de plus en plus ensemble.

Les forces britanniques avaient « juste assez de temps » pour « rétablir » une force terrestre crédible qui pourrait dissuader les nations ennemies de se lancer dans la bataille avec l’Occident.

Il ajoutait que la façon dont la guerre en Ukraine se terminait n’avait pas d’importance, car de toute façon, la Russie qui émergerait serait « très, très dangereuse » et « rechercherait une forme de représailles pour ce que nous avons fait pour aider l’Ukraine ».

Général (2S) François Chauvancy

Saint-cyrien, breveté de l’École de guerre, docteur en sciences de l’information et de la communication (CELSA), titulaire d’un troisième cycle en relations internationales de la faculté de droit de Sceaux, le général (2S) François CHAUVANCY a servi dans l’armée de Terre au sein des unités blindées des troupes de marine. Il a quitté le service actif en 2014. Consultant géopolitique sur LCI depuis mars 2022 notamment sur l’Ukraine et sur la guerre à Gaza (octobre 2023), il est expert sur les questions de doctrine ayant trait à l’emploi des forces, les fonctions ayant trait à la formation des armées étrangères, la contre-insurrection et les opérations sur l’information. A ce titre, il a été responsable national de la France auprès de l’OTAN dans les groupes de travail sur la communication stratégique, les opérations sur l’information et les opérations psychologiques de 2005 à 2012. Depuis juillet 2023, il est rédacteur en chef de la revue trimestrielle Défense de l’Union des associations des auditeurs de l’Institut des Hautes Etudes de la Défense Nationale (IHEDN). Il a servi au Kosovo, en Albanie, en ex-Yougoslavie, au Kosovo, aux Émirats arabes unis, au Liban et à plusieurs reprises en République de Côte d’Ivoire où, sous l’uniforme ivoirien, il a notamment formé pendant deux ans dans ce cadre une partie des officiers de l’Afrique de l’ouest francophone. Il est chargé de cours sur les questions de défense et sur la stratégie d’influence et de propagande dans plusieurs universités. Il est l’auteur depuis 1988 de nombreux articles sur l’influence, la politique de défense, la stratégie, le militaire et la société civile. Coauteur ou auteur de différents ouvrages de stratégie et géopolitique., son dernier ouvrage traduit en anglais et en arabe a été publié en septembre 2018 sous le titre : « Blocus du Qatar : l’offensive manquée. Guerre de l’information, jeux d’influence, affrontement économique ». Il a reçu le Prix 2010 de la fondation Maréchal Leclerc pour l’ensemble des articles réalisés à cette époque. Il est consultant régulier depuis 2016 sur les questions militaires au Moyen-Orient auprès de Radio Méditerranée Internationale. Animateur du blog « Défense et Sécurité » sur le site du Monde à compter d’août 2011, il a rejoint en mai 2019 l’équipe de Theatrum Belli.

La chaîne de valeur de l’aluminium : un élément clé de l’autonomie stratégique et de la neutralité carbone de l’Europe Note de l’Ifri, juillet 2024

La chaîne de valeur de l’aluminium : un élément clé de l’autonomie stratégique et de la neutralité carbone de l’Europe Note de l’Ifri, juillet 2024

Fours de fusion dans une usine d’aluminium © Jose Luis Stephen/Shutterstock.com

 

par Thibault Michel – IFRI – publié le 29 juillet 2024

https://www.ifri.org/fr/publications/notes-de-lifri/chaine-de-de-laluminium-un-element-cle-de-lautonomie-strategique-de


Les États-Unis, le Canada et l’Union européenne (UE) considèrent désormais tous l’aluminium comme un élément stratégique. Ce métal est en effet de plus en plus utilisé, en particulier dans le cadre de la transition énergétique, pour les véhicules électriques, les réseaux, les éoliennes ou les panneaux solaires.

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L’Europe aura ainsi besoin d’approvisionnements grandissants en aluminium dans les années à venir. Cependant, l’industrie européenne de l’aluminium a été affaiblie au cours des dernières décennies et ne représente désormais qu’une faible part de la production mondiale. En conséquence, elle n’est plus en mesure de subvenir aux besoins européens.

L’aluminium possède une empreinte environnementale conséquente et sa production, de la bauxite à l’aluminium primaire, entraîne d’importantes émissions de gaz à effet de serre (GES). Ces émissions sont particulièrement liées aux quantités extrêmes d’énergie (gaz et électricité) consommées au cours du processus industriel, notamment pour l’électrolyse. La forte consommation d’électricité nécessaire confère à la structure des mix électriques nationaux une influence majeure sur les émissions de CO2 issues de l’aluminium. Mais certaines émissions sont aussi spécifiques à la production d’aluminium, par exemple celles produites par la réaction chimique opérée dans le cadre de l’électrolyse, qui transforme l’alumine en aluminium primaire.

Avec une croissance de la demande dans les années à venir, l’Europe devra produire plus d’aluminium afin de remplir les besoins de sa transition énergétique, tout en réduisant l’empreinte carbone de son industrie de l’aluminium.

Pour relever ce défi, différentes technologies de décarbonation sont actuellement considérées. Comme pour d’autres industries, l’efficacité énergétique ou l’électrification des processus industriels peuvent aider à réduire cette empreinte carbone. Cependant, ces deux solutions ont généralement d’ores et déjà été mises en œuvre par les industriels, afin de réduire les coûts énergétiques. La mise en place partielle de ces solutions a permis à l’industrie européenne de l’aluminium d’avoir une empreinte carbone de 6,8 tonnes de CO2 par tonne d’aluminium primaire, quand la moyenne mondiale est de 16,1 tonnes de CO2.

Le recyclage doit aussi pouvoir jouer un rôle clé, en particulier car un aluminium recyclé consomme 96 % d’électricité de moins qu’un aluminium primaire, avec des émissions de GES environ quatre fois moindres (pour ce qui est des émissions directes). Toutefois, si le développement du recyclage en Europe constituera une étape cruciale, des approvisionnements supplémentaires en aluminium primaire restent essentiels et le recyclage ne pourra être un remède miracle. L’ensemble des solutions évoquées constitue des outils pertinents pour réduire l’empreinte carbone de l’industrie européenne de l’aluminium mais ne sera pas suffisant pour atteindre la neutralité carbone.

Pour ce faire, le secteur de l’aluminium aura besoin de technologies disruptives. Deux d’entre elles sont aujourd’hui à l’étude. En premier lieu, le captage et séquestration du carbone ainsi que son utilisation (CCUS), pour lequel plusieurs projets sont actuellement développés en Europe, en particulier en Norvège, en Islande et en France. Néanmoins, cette technologie requiert des investissements massifs tandis que les fumées émises lors du processus d’électrolyse sont peu concentrées en CO2. La seconde technologie est celle de l’anode inerte, pour laquelle trois projets sont développés dans le monde à l’heure actuelle, au Canada, en Russie et en Allemagne. Cependant, le déploiement de ces technologies à une échelle industrielle n’est pas prévu avant 2030 et pourrait se produire plus tard encore.

Face à l’augmentation des coûts de l’énergie alors que les prix mondiaux de l’aluminium sont maintenus à des niveaux relativement bas en raison de l’importance de l’offre chinoise, qui n’est pas exposée aux mêmes coûts de production, l’industrie européenne de l’aluminium est aussi confrontée à des problématiques en matière de compétitivité. Avec la réforme de la législation européenne sur les crédits carbone et la mise en place du Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF), les industriels de l’aluminium primaire et les producteurs de produits manufacturés en aluminium sont inquiets de la concurrence internationale et redoutent une potentielle perte de compétitivité. Si ce mécanisme apparaît comme une politique nécessaire pour protéger la compétitivité des industriels européens tout en permettant la décarbonation des industries les plus polluantes, il contient des failles, avec des risques de contournements.

L’UE doit relever le défi de développer une industrie de l’aluminium décarbonée, compétitive et résiliente. À cette fin, plusieurs éléments pourraient être étudiés :

  1. Renforcer la production d’aluminium primaire en Europe ;
  2. Fournir un soutien plus large au développement de technologies de décarbonation ;
  3. Améliorer le recyclage à travers l’Europe et limiter les exportations de déchets ;
  4. Étendre le périmètre du MACF à davantage de produits transformés et intensifier la diplomatie climatique de l’UE à l’étranger ;

Développer la résilience de l’industrie européenne, en particulier concernant les approvisionnements en alumine.


> Cette publication est uniquement disponible en anglais: The Aluminum Value Chain: A Key Component of Europe’s Strategic Autonomy and Carbon Neutrality

Découverte militaire : l’armée américaine prépare l’avènement des avions d’assaut de longue portée

Découverte militaire : l’armée américaine prépare l’avènement des avions d’assaut de longue portée

Armee Marine Aviation Industrie International

L’Armée américaine avance dans son programme d’avions d’assaut longue portée et passe à la phase d’ingénierie

 

**WASHINGTON, D.C.** — L’armée américaine a récemment annoncé que son ambitieux programme FLRAA (*Future Long-Range Assault Aircraft*, littéralement avions d’assaut à longue portée du futur) était sur le point de passer de la phase de développement technologique à la phase essentielle du développement d’ingénierie et de fabrication. Cette transition marque une étape notable dans les efforts de modernisation de l’armée américaine qui visent à redéfinir ses capacités aériennes et son champ d’action opérationnel.

Le projet FLRAA devrait représenter environ 70 milliards de dollars sur sa durée de vie, ventes militaires étrangères potentielles incluses. Ce programme ambitionne de remplacer près de 2 000 hélicoptères multifonctions Black Hawk à partir des années 2030. Au-delà d’un simple remplacement un pour un, le FLRAA est conçu pour assumer et développer les rôles joués par le Black Hawk, en offrant une vitesse, une portée et une capacité augmentées.

En juin dernier, le FLRAA, conçu par Textron Bell, est parvenu à franchir toutes les étapes d’une rigoureuse revue de conception préliminaire et d’une évaluation du Conseil d’acquisition des systèmes de l’Armée. « Après examen du FLRAA en terme d’abordabilité, de viabilité technologique, de projections de menaces et de sécurité, d’ingénierie, de fabrication, de soutien et de risques de coûts, le Conseil d’acquisition des systèmes de l’Armée a confirmé que toutes les sources de risques du programme ont été traitées de manière approfondie pour cette phase du projet », déclarait un communiqué officiel de l’Armée américaine.

**Nouvelle phase de développement et stratégie d’acquisition**

Transitant désormais vers la phase de développement de l’ingénierie et de la fabrication, l’Armée va attribuer une option de contrat à Bell, marquant ainsi le début d’une étape qui pourrait s’élever à environ 7 milliards de dollars avec les phases de production à faible cadence. L’avancée de la conception du basculement d’hélice de Bell a surpassé l’équipe Sikorsky-Boeing qui proposait une conception à pales de rotor coaxiales. Suite à cela, l’Armée américaine a accordé le contrat à Bell fin 2022. Une contestation ultérieure déposée par Lockheed Martin, la société mère de Sikorsky, a retardé le projet d’un an mais a été rejetée par le Government Accountability Office en avril 2023.

Le programme prévoit de doter sa première unité d’appareils à l’exercice 2031, suite à un essai réalisé par un groupe d’utilisateurs limité prévu entre les exercices 2027 et 2028. « Atteindre la phase de développement de l’ingénierie et de la fabrication est une étape importante pour le FLRAA et démontre l’engagement de l’Armée en faveur de notre priorité de modernisation aéronautique la plus élevée » a souligné Doug Bush, le responsable des acquisitions de l’Armée. « Le FLRAA fournira des capacités d’assaut et d’évacuation médicale pour l’Armée du futur, en apportant une augmentation significative de la vitesse, de la portée et de l’endurance ».

**Capacités stratégiques et champ d’action opérationnel**

A l’heure actuelle, les hélicoptères de l’Armée américaine n’atteignent pas les exigences opérationnelles futures, et ceci se fait particulièrement sentir dans des régions étendues comme la zone du théâtre Indo-Pacifique. Pour pallier ce problème, le FLRAA souhaite être capable de parcourir environ 2 440 milles marins (soit 2 810 miles) sans ravitailler, tout en conservant une grande souplesse pour déployer les troupes dans les zones à haut risque. « Les champs de bataille du futur exigent des manœuvres élargies, la capacité de soutenir et de fournir un commandement et un contrôle sur de grandes distances, et bien sûr, d’évacuer nos blessés » a indiqué le général de division Mac McCurry, commandant du Centre d’aviation de l’Armée. « Avec une portée et une vitesse environ deux fois supérieures, le FLRAA apporte une capacité de combat sans équivalent à la Force conjointe ».

Le contrat accordé en 2022 inclut neuf options. Avec cette phase, Bell est chargé de produire des conceptions d’avions détaillées et de construire six prototypes. Le premier avion de cette phase de développement devrait voler d’ici 2026, et la production initiale à faible cadence devrait débuter en 2028. « L’Armée continuera à examiner et à affiner le calendrier au besoin en fonction de l’attribution du contrat et des dernières activités du programme », a indiqué l’Armée.

**Le rôle du digital dans l’ingénierie**

Il est à noter que le programme FLRAA a été un pionnier dans l’utilisation de l’ingénierie numérique dès son début. Cette approche a favorisé une accélération du développement technologique et une précision du design. « L’utilisation de l’ingénierie numérique comme élément clé de notre approche « avancer lentement pour aller vite » a contribué à accélérer le programme en investissant dans le développement des exigences dès le départ » a expliqué le Colonel Jeffrey Poquette, chef de projet FLRAA.

Cette progression démontre l’engagement de l’Armée à préparer l’avenir de ses opérations aériennes, en l’équipant de capacités d’assaut à longue portée de pointe, indispensables sur les champs de bataille mondiaux en constante évolution.


Paolo Garoscio

Journaliste chez EconomieMatin. Ex-Chef de Projet chez TEMA (Groupe ATC), Ex-Clubic. Diplômé de Philosophie logique et de sciences du langage (Master LoPhiSC de l’Université Paris IV Sorbonne) et de LLCE Italien.

Podcast Diploweb. Proche-Orient : la paix a-t-elle encore un avenir ?

Podcast Diploweb. Proche-Orient : la paix a-t-elle encore un avenir ? E. Danon

Popartic/Shutterstock

Par Eric Danon, Hugo Leclerc, Marie-Caroline Reynier, Pierre Verluise,- Diploweb – publié le 1er août 2024 

https://www.diploweb.com/Podcast-Diploweb-Proche-Orient-la-paix-a-t-elle-encore-un-avenir-E-Danon.html


Intervenant : Éric Danon, Ambassadeur de France en Israël d’août 2019 à juillet 2023 et actuellement consultant international. Il s’exprime à titre personnel.
Synthèse de la conférence par Marie-Caroline Reynier, diplômée d’un M2 de Sciences Po. Co-organisation de la conférence Pierre Verluise, fondateur du Diploweb, avec l’ADEA MRIAE de l’Université Paris I et le Centre géopolitique. Son : Hugo Leclerc, co-gérant de l’agence Klimax. Montage : Hugo Leclerc et Pierre Verluise.

Quelle est la situation fin avril 2024 dans la guerre opposant Israël et le Hamas ? Pourquoi les pays arabes, et tout particulièrement ceux de la Méditerranée, n’ont-ils rien fait pour favoriser l’émergence d’un Etat palestinien ? Pourquoi l’Arabie Saoudite peut-elle jouer le rôle de médiateur dans le conflit israélo-palestinien ? Que faut-il faire concrètement ? Eric Danon s’exprime à titre personnel. Ambassadeur de France en Israël d’août 2019 à juillet 2023, il apporte des éléments de réponse lors d’une conférence publique en Sorbonne.

Voici le podcast de la conférence organisée par Diploweb.com, le 25 avril 2024, en partenariat avec l’ADEA MRIAE de l’Université Paris I.

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Synthèse de la conférence par Marie-Caroline Reynier, validée par E. Danon

Quelle est la situation au 25 avril 2024 dans la guerre opposant Israël et le Hamas ?

SE M. Éric Danon explique que cette guerre va durer. De fait, les deux protagonistes souhaitent qu’elle continue car ils n’ont pas atteint leurs objectifs respectifs.

En effet, Israël poursuit trois objectifs officiels : détruire le Hamas le plus possible, récupérer les otages et faire de Gaza une zone ne représentant pas de menace. Ceux-ci ont été atteints à moitié. À cela, s’ajoutent trois objectifs officieux. Premièrement, Israël souhaite rebâtir une dissuasion afin qu’aucun groupe n’ambitionne de faire pareil que le Hamas. Deuxièmement, Israël veut pouvoir surmonter le très fort traumatisme du 7 octobre 2023. Enfin, au vu de ses relations tendues avec le président J. Biden, B. Netanyahou cherche à faire durer la guerre au moins jusqu’au 5 novembre 2024, date de l’élection présidentielle américaine, car il ne souhaite pas faire le cadeau de la paix au président actuel.

De son côté, le Hamas a trois objectifs officiels : rentrer en Israël et tuer le maximum de personnes, capturer le plus d’otages possibles pour les échanger avec des prisonniers et préempter l’objet « résistance palestinienne » en montrant qu’il est le plus crédible pour porter ce combat. Enfin, il a également comme objectif officieux d’être présent à la table des négociations du jour d’après.

Podcast Diploweb. Proche-Orient : la paix a-t-elle encore un avenir ? E. Danon
Eric Danon
Centre Panthéon de l’Université Paris 1 Sorbonne, 25 avril 2024. Crédit photographique : Pierre Verluise pour Diploweb.com
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Dans l’atmosphère actuelle, SE M. Éric Danon sent deux peuples en souffrance. Du côté israélien, cette souffrance est liée aux actes des terroristes du Hamas. À cet égard, il souligne un paradoxe : les Israéliens considèrent que le gouvernement actuel porte une responsabilité dans l’attaque menée par le Hamas mais, dans le même temps, ils ne veulent pas lâcher ce gouvernement.

Quant à eux, les Palestiniens vivent le désastre de ce qui produit à Gaza mais prennent aussi conscience que les pays arabes, notamment méditerranéens, ne sont pas intéressés par la fin du conflit. La jeunesse palestinienne réalise ainsi qu’ils ont toujours été empêchés, depuis 1949, d’avoir un État par leurs dirigeants ou par ces pays arabes.

Pourquoi les pays arabes, et tout particulièrement ceux de la Méditerranée, n’ont-ils rien fait pour favoriser l’émergence d’un Etat palestinien ?

Premièrement, SE. M. Danon note que la cause palestinienne constitue un puissant levier de politique intérieure pour les pays arabes. En effet, elle permet d’entraîner la population en faveur des gouvernements au pouvoir.

Deuxièmement, si les populations des pays arabes s’entendent très bien, leurs gouvernements ne s’apprécient pas, comme le souligne la rivalité entre le Maroc et l’Algérie ou celle entre la Tunisie et l’Égypte. De fait, le rejet d’Israël contribue à rassembler ces pays lorsqu’ils se réunissent, par exemple lors des sommets de la Ligue arabe. Pour que cette entente dure, ils ont donc tout intérêt à ce que le conflit perdure.

Troisièmement, si le conflit israélo-palestinien prend fin, Israël pourrait devenir encore plus puissant. Israël est déjà une puissance déterminante du Proche-Orient dont le PIB (525 milliards de dollars) est supérieur à l’addition du PIB de tous les pays qui l’entourent. Ce conflit, et notamment la dégradation d’image engendrée ainsi que les pertes économiques représentées par les appels au boycott, demeure un frein qui empêche Israël de devenir une superpuissance.

Quatrièmement, SE. M. Danon évoque une raison psychologique, liée au concept de dhimmitude (le « dhimmi » étant celui qui a un statut dégradé dans le monde musulman). Il apparaît pénible pour les pays arabes que des non-musulmans puissent faire mieux qu’eux en termes de gouvernance, d’économie et de sécurité.

Enfin, le statut de Jérusalem demeure une des réticences essentielles à la création d’un État palestinien. Le fait que la Palestine récupère ce lieu saint (la mosquée Al-Aqsa) pourrait ne pas convenir à l’Arabie Saoudite ou à l’Iran.

 
Eric Danon
Centre Panthéon de l’Université Paris 1 Sorbonne, 25 avril 2024. Crédit photographique : Pierre Verluise pour Diploweb.com
Verluise/Diploweb.com

Quel est l’état du rapport de force concernant la paix au Proche-Orient ? Quels diagnostics peut-on formuler ?

Parmi les forces opposées à la paix, SE. M. Danon insiste sur le manque d’enthousiasme des pays arabes de la Méditerranée. Il souligne également que des individus sont profondément contre l’idée de la paix aussi bien du côté palestinien qu’israélien.

Ainsi, du côté palestinien, l’attaque du Hamas du 7 octobre 2023 a d’abord été revendiquée comme une non-acceptation d’Israël, au sens d’un refus du partage de l’ancienne Palestine mandataire (1923-1948). En ce sens, la difficulté originelle, renforcée par l’échec des nombreuses négociations, tient à la non-acceptation de ce partage.

Du côté israélien, le sionisme messianique, qui a pris une importance grandissante pour des raisons démographiques et politiques, refuse l’existence d’un État palestinien. Ainsi, le massacre du caveau des Patriarches commis par un colon juif fanatique en 1994 puis l’assassinat du Premier ministre israélien Yitzhak Rabin par un juif religieux d’extrême-droite en 1995 ont eu pour but de tuer le processus d’Oslo (1993). La part de ces Israéliens qui n’acceptent pas d’abandonner leurs idéaux pour la paix a augmenté, passant de 25% en 1993 à plus de 40% en 2024. Enfin, dans les territoires occupés de Cisjordanie, les gens s’installant ne le font plus exclusivement pour des raisons religieuses (comme les Juifs messianiques) mais également pour des motifs économiques. Ce faisant, quasiment 700 000 personnes vivent dans ces territoires occupés, ce qui rend compliquée toute évolution de la situation.

Pour autant, la majorité des Palestiniens et des Israéliens de la société civile veulent la paix. Mais, les extrémistes des deux camps parviennent à bloquer les processus de paix.

Dès lors, étant donné les fortes incertitudes, SE. M. Danon propose trois diagnostics pour avancer.

Premièrement, il récuse l’utilisation du terme « solution »(l’expression « solution à deux États » étant très présente dans le débat public) pour parler du conflit israélo-palestinien, et lui préfère l’expression de « tectonique des puissances ». Selon lui, il ne faut pas penser les dynamiques politiques en termes de « solution » mais plutôt d’évolution.

Deuxièmement, il soutient que la paix est aussi une question de personnes capables de la faire advenir. Or, sortir de ce conflit requiert des gens à la hauteur, ce qui n’est pas le cas au premier trimestre 2024.

Troisièmement, au vu du rapport de forces déséquilibré entre Israël et la Palestine, il n’est pas possible de les laisser négocier face-à-face. Il faut donc une médiation. Or, celle-ci ne peut pas s’articuler exclusivement autour des Etats-Unis, médiateur traditionnel, car sa proximité vis-à-vis des Israéliens tend à les disqualifier. SE. M. Danon défend donc une double médiation menée par l’Arabie Saoudite avec les Etats-Unis.

 
Eric Danon
Centre Panthéon de l’Université Paris 1 Sorbonne, 25 avril 2024. Crédit photographique : Pierre Verluise pour Diploweb.com
Verluise/Diploweb.com

Pourquoi l’Arabie Saoudite peut-elle jouer le rôle de médiateur dans le conflit israélo-palestinien ?

SE. M. Danon considère que le seul État arabe véritablement intéressé par l’arrêt du conflit est l’Arabie Saoudite. En effet, le prince héritier Mohammed ben Salmane (MBS) souhaite normaliser les relations de son pays avec Israël car il a besoin de stabilité au Proche-Orient.

Sur le plan de la normalisation politique, l’Arabie Saoudite a observé la mise en œuvre des Accords d’Abraham (2020), entre Israël et les Émirats Arabes Unis (EAU) ainsi qu’entre Israël et Bahreïn, avant de chercher possiblement à les rejoindre. Or, ces accords sont un vrai succès. Ainsi, en 5 ans, le commerce bilatéral entre les EAU et Israël a dépassé celui entre la France et Israël. Le volet politique fonctionne donc, et ces accords n’ont pas été remis en cause par les EAU ou par le Bahreïn depuis le 7 octobre 2023.

En outre, MBS souhaite prolonger cette normalisation politique classique par une « normalisation religieuse » entre La Mecque et Jérusalem. En effet, MBS, qui contrôle déjà les lieux saints de Médine et La Mecque, cherche à devenir le chef spirituel total du monde sunnite. En ce sens, il pourrait souhaiter à terme récupérer la gestion de la Mosquée al-Aqsa, actuellement sous l’administration du Waqf, c’est-à-dire un bien public durablement confié aux Jordaniens.

MBS souhaite également être celui qui va régler la question israélo-palestinienne pour rentrer dans l’histoire. Pour ce faire, il s’appuie, en termes de méthode, sur ce qu’il s’est passé dans les pays du Golfe. En effet, ceux-ci ont envoyé les étudiants des EAU, de Bahreïn etc. dans les meilleures universités mondiales pour apprendre à construire et à gérer leur pays. MBS veut reproduire ce schéma pour assurer à terme le développement d’un Etat palestinien. Et ils semblent prêt à mettre les moyens pour que cela se concrétise.

Enfin, les négociations entre l’Arabie Saoudite et Israël n’ont jamais cessé, d’autant plus que les Etats-Unis sont à la manœuvre. En effet, les Etats-Unis ont tendance à apprécier les alliances de bloc à bloc. Dans la situation présente, l’Ouest fait face à la Russie, la Chine, la Corée du Nord et l’Iran. Cependant, de nombreux pays, et notamment les pays arabes du Golfe, ne veulent pas rentrer dans cette logique.

De son côté, MBS a initialement posé deux conditions pour normaliser politiquement avec Israël : une liste de matériel militaire pour se protéger de l’Iran et une stabilisation du conflit israélo-palestinien. Ne les ayant pas obtenus, l’Arabie Saoudite a annoncé qu’elle allait baisser le niveau de conflictualité avec son ennemi potentiel, l’Iran. Ainsi, le 10 mars 2023, cassant la logique bloc à bloc des États-Unis, l’Arabie Saoudite et l’Iran ont annoncé avoir signé un accord pour reprendre leurs relations diplomatiques. Finalement, les États-Unis ont cédé sur les deux conditions posées par MBS, auxquelles a été ajoutée ensuite la livraison d’une centrale nucléaire civile.

Quelle est l’incidence de l’Iran sur le conflit israélo-palestinien ?

En raison de ses proxys (le Hezbollah au Liban, le Hamas dans la bande de Gaza et les Houthis au Yémen), l’Iran est un facteur clé dans le conflit israélo-palestinien. L’Iran a désigné Israël comme un ennemi absolu qu’il souhaite détruire. En ce sens, l’Iran représente une « menace existentielle » pour Israël, même si le risque de mise à exécution de cette menace est très faible . Pour autant, l’Iran cherche à développer un axe chiite dans la zone et se focalise sur la destruction d’Israël.

De plus, l’Iran a inscrit le nucléaire dans son récit national. Il met en place des installations capables d’enrichir l’uranium à des degrés militaires, et se rapproche donc d’un pays du seuil. L’accord de Vienne sur le nucléaire iranien (Joint Comprehensive Plan of Action, JCPoA), signé en 2015 après 16 ans de négociation, prévoyait de limiter l’enrichissement iranien. Mais, en 2018, D. Trump, poussé par B. Netanyahou, a cassé cet accord, ce que SE. M. Danon considère comme la plus grosse erreur stratégique des Etats-Unis depuis l’invasion de l’Irak en 2003. Dès lors, les pays occidentaux n’ayant pas de plan B, il est probable que ce soit la Russie qui s’occupe de cette question, avec l’appui de la Chine. Dans cette perspective, l’Iran va devenir un pays du seuil, ce qui va renforcer l’Iran dans sa posture. Surtout, ce ratage occidental va avoir des conséquences pour Israël, qui va se trouver sous la menace d’un pays du seuil.

Cependant, SE. M. Danon estime que cette situation ne va pas entraîner une guerre entre l’Iran et Israël. En effet, l’Iran est affaibli sur le plan intérieur car la population n’apprécie pas le gouvernement des mollahs et le pays est durement touché par les sanctions économiques. Pour autant, ce n’est pas le moment opportun pour attaquer l’Iran car cela pourrait susciter un fort sursaut nationaliste iranien. En outre, Israël ne peut pas tenir longtemps seule une guerre contre l’Iran. Si l’on s’en réfère à Clausewitz, il apparaît compliqué de faire rivaliser 9 millions d’habitants (Israël) contre 88 millions (Iran). Dès lors, afin d’anticiper au mieux une potentielle frappe en retour de l’Iran, Israël cherche à monter à l’avance une coalition suffisamment dissuasive. Récemment, une pré-coalition s’est formée entre les États-Unis, le Royaume-Uni, la France, la Jordanie et l’Arabie Saoudite.
Au vu des liens entre le Hamas qui a préempté la résistance palestinienne et l’Iran, se profile donc une bataille géopolitique des chiites, emmené par l’Iran, face au monde sunnite, mené par l’Arabie Saoudite avec l’appui des Occidentaux.

Que faut-il faire concrètement ?

Outre le fait de changer les responsables à la manœuvre dans les deux camps, SE. M. Danon préconise une médiation équilibrée qui tient compte de la réalité des Palestiniens. Celle-ci doit prendre son temps car envisager un Etat palestinien à court terme serait prématuré. En effet, il est nécessaire de construire une gouvernance solide pour que les Israéliens puissent accepter un État palestinien.

Si le conflit israélo-palestinien est de nature géopolitique, il comporte une autre composante déterminante, la dimension religieuse. En effet, les Messianiques juifs refusent de lâcher les territoires pour des raisons religieuses. Une difficulté structurelle à gérer le Mont du Temple persiste. Enfin, les politiques et diplomates souhaitant le compromis se heurtent à la radicalité religieuse. L’attentat du 7 octobre 2023 en est le symbole. Par conséquent, cette montée du religieux déplace les frontières du conflit israélo-palestinien. En effet, le Palestinien est devenu un symbole du refus de l’histoire et des valeurs de l’Occident.

Enfin, au-delà de l’action politique, SE. M. Danon incite ceux qui choisissent leur camp à garder au fond d’eux de la compassion et de l’empathie pour ce qu’il se passe de l’autre côté.

Copyright pour la synthèse 7 mai 2024-Danon-Reynier/Diploweb.com

Copyright pour l’audio et la vidéo Avril 2024-Danon/Diploweb.com


Bonus, la vidéo de la conférence Proche-Orient : la paix a-t-elle encore un avenir ? E. Danon

Cinéma et propagande : la guerre froide

Cinéma et propagande : la guerre froide

Mandatory Credit: Photo by James Veysey/REX (10218306y)

par Alain Bogé – Revue Conflits – publié le 2 août 2024

https://www.revueconflits.com/cinema-et-propagande-la-guerre-froide/


Entre l’URSS et les États-Unis, la guerre culturelle s’est aussi conduite via le cinéma. Figures des méchants et des héros, thèmes abordés, le cinéma de la Guerre froide révèle les tendances de cette époque.

La Conférence de Yalta se tient du 4 au 11 février 1945, dans les environs de Yalta en Crimée, au palais de Livadia, et réunit les vainqueurs de la 2e guerre mondiale à savoir l’Union soviétique (Joseph Staline), le Royaume-Uni (Winston Churchill) et les États-Unis d’Amérique (Franklin D.Roosevelt). Le général de Gaulle n’a pas été convié. L’objet de cette réunion est, en fait, de se partager l’Europe entre les 3 puissances. Le 5 mars 1946, Winston Churchill prononce un discours à Fulton (Missouri) en présence du Président américain Harry Truman en appelant la nécessité d’une alliance entre Britanniques et Américains pour prévenir la poursuite de l’expansionnisme soviétique en Europe et parle à ce sujet de rideau de fer ou Iron curtain. On va alors parler alors de guerre froide ou cold war qui va s’installer progressivement de 1947 jusqu’à la chute des régimes communistes en 1989, suite à la chute du mur de Berlin le 9 novembre 1989.

Cette guerre froide, qui n’aura pas vraiment d’épisodes guerriers stricto sensu, va aussi devenir une guerre d’influence et une « guerre d’images » dans laquelle le cinéma va prendre toute sa place et au cours de laquelle les réalisateurs vont créer des films à forte propagande, c’est-à-dire que lesdits films vont être des vecteurs de démonstration de culture et d’idéologie : pour les Américains, l’« american way of life » et pour les Russes, le « réalisme socialiste ». Les 2 protagonistes vont également magnifier leurs valeurs militaires, leur culte des héros et leur fidélité à la nation en danger.

Les États-Unis

Après la Seconde Guerre mondiale, les Américains intensifient leur propagande à travers le cinéma. L’efficacité incontestable de ce type de propagande va encourager les autorités américaines à poursuivre dans cette voie. La propagande se retrouve dans beaucoup de genres cinématographiques comme l’espionnage, la science-fiction, le fantastique et, bien sûr, les films de guerre. La lutte anticommuniste s’amplifie, surtout sous le maccarthysme (encadré 1), et la propagande se met au service de cette lutte par le cinéma. Le cinéma hollywoodien s’engage dans la Guerre froide. Les historiens du cinéma dénombrent une trentaine de films qu’on peut qualifier d’anticommunistes pour toute la période, alors que la moyenne annuelle est proche de 360 longs-métrages. Les sociétés de production sont toutes mises à contribution. La Metro Goldwyn Mayer produit Guet-apens de Victor Saville ( 1949 ), la Warner, I was a communist for the FBI de Gordon Douglas ( 1951 ), la Paramount, My son John de Leo Mac Carey ( 1952 ).Outre les réalisateurs cités, ainsi que quelques cinéastes chevronnés qui s’engagent dans la lutte anticommuniste : William Wellman, Sam Fuller, Henry Hattaway. Nous sommes dans un monde bipolaire et le cinéma américain a un grand impact sur l’ensemble de la population, quels que soient les classes sociales et les âges. Il y a forcément un genre de film qui correspond aux goûts de chacun. Prenons 2 exemples : les films d’espionnage et les films de science-fiction.

Les films d’espionnage traitent des sujets concrets qui se sont déroulés pendant la période où ils ont été tournés et utilisent des institutions nouvelles comme la Central Intelligence Agency mise en place en 1947, reconnue pour ses actions d’espionnage des communistes pendant la guerre froide.

La propagande de ces films est importante, car l’adversaire, en l’occurrence l’URSS, est toujours décrite de manière négative avec, à l’origine, un plan machiavélique qui vise les États-Unis, mais aussi le reste du monde. Les scénarios sont toujours très manichéens avec la supériorité américaine vs la défaillance russe. Un parfait exemple de ce genre est le film américain réalisé par Alfred Hitchcock en 1966 Torn curtain (Le rideau déchiré) dont l’action se passe en République Démocratique Allemande (RDA) et dont le titre est une allusion au rideau de fer (Iron curtain) érigé en 1961 par les Soviétiques et, entre autres, à Berlin.

Dans ces mêmes années 1950, les films de science-fiction connaissent un essor remarquable. C’est le règne de la métaphore. De nombreux films évoquent la lutte entre la Terre (c’est-à-dire les  États-Unis et le camp occidental ) et des mondes menaçants , comme la planète rouge Mars (tout un symbole !). Il va s’agir d’expéditions dans ces endroits inconnus comme Red Planet Mars de Harry Horner (1952), ou bien de la défense contre des envahisseurs venus d’ailleurs comme Invaders from Mars de William Menzies (1953), The war of the worlds de Byron Haskin (1953), facilitant le transfert d’image desdits envahisseurs aux ennemis soviétiques.

Quand l’URSS lance avant les États-Unis ses premiers satellites à partir de 1957, l’image des soucoupes volantes semble à beaucoup d’Américains l’anticipation d’une réalité à venir.

Tout au long de la Guerre froide, les États-Unis et l’URSS ont fait vivre le monde dans l’inquiétude d’une destruction nucléaire totale et irréversible. Ils l’ont fait à travers des déclarations et des pourparlers médiatisés par la presse, la radio et la télévision, mais aussi par une importante production cinématographique. Cette instabilité rendait la tension encore plus perceptible et exacerbait les peurs dès le moindre incident. On peut citer 2 exemples : la destruction d’un U2 américain en 1960, qui voit cet avion-espion américain, abattu par les Russes pour violation du Point limite (Fail Safe) en survolant le territoire soviétique, ou la Crise des missiles de Cuba en 1962, qui fut un moment de tension extrême y compris chez les acteurs eux-mêmes et dont les films Dr. Strangelove et Fail Safe sont directement et simultanément inspirés. (25). Et il faut, bien sûr, mentionner les films de James Bond surtout ceux de 1964 à 1980 où la «paranoïa atomique» va dominer ces premiers films de Dr. No à Opération Tonnerre en passant par Goldfinger (voir encadré 2).

L’URSS

Le cinéma de propagande soviétique s’est déjà développé dès le début du XXe siècle sous le pouvoir tsariste. En 1919, le cinéma se nationalise et le cinéma devient « le premier vecteur de communication, d’éducation et de propagande». Joseph Staline est le Pendant cette période, le cinéma soviétique se fonde essentiellement sur le culte du Secrétaire général du Parti communiste Joseph Staline jusqu’à sa mort en 1953. (34).

L’été 1946 marque, en Union soviétique, le déclenchement d’une vigoureuse campagne dont l’objectif est de renforcer le contrôle du parti communiste sur l’ensemble de la production intellectuelle. Cette campagne atteint le théâtre le 26 août, puis le cinéma le 4 septembre. La direction idéologique de cette opération fut assurée par Andreï Jdanov, d’où le nom de « Jdanovschina » qui lui a été donné et qui se poursuivra jusqu’en 1953.

Alors que les films américains sont dans l’action et la célébration de l’ « american way of life », même en temps de guerre froide, les films soviétiques se rapprochent plus des films d’auteur avec ce réalisme soviétique qui est la marque de fabrique du cinéma stalinien et également la doctrine officielle de l’art, d’une manière générale, en présentant la réaliste selon une perspective historique. Les hommes et les femmes sont sur un pied d’égalité, les valeurs du travail et de la communauté sont mises en scène, communisme et bonheur vont ensemble. Un film comme La moisson (1953) Vlesodov Poudovovkine, est un exemple de ces valeurs et est complètement dédié à la gloire du système communiste.

La fin des années 1950 voit un dégel politique et culturel dans les relations des deux super puissances, et bien que la censure dans le cinéma soviétique soit moins visible qu’à l’époque de Staline, elle sera plus subtile sous Khrouchtchev. Le cinéma soviétique continue de mettre en avant et de diffuser largement l’idéologie socialiste en exagérant les principes et les valeurs, mais il n’y a pas vraiment de méchants Américains, mais plutôt la présence de bons Soviétiques.

L’arrivée de Khrouchtchev va favoriser un changement de ton dans le cinéma soviétique où les réalisateurs vont revenir sur le courage et l’abnégation des soldats soviétiques lors de la Grande Guerre patriotique contre les nazis, représentative de l’ennemi dans le roman national russe, comme on le voit encore aujourd’hui. Les autorités vont favoriser les fresques monumentales, en partie pour rivaliser avec Hollywood.

On peut citer comme exemples Les soldats (1956) d’Alexandre Ivanov, Raphsodie ukrainienne (1961) de Serguei Paradjanov ou La bataille de Stalingrad (1949) de Vladimir Petrov. La plupart de ces films font la part belle au culte de la personnalité alors à son apogée (Le chevalier à l’étoile d’or (1950) de Youli Raizman en est un exemple) mais restent relativement discrets sur le combat idéologique, ceci pouvant s’expliquer par la stratégie des dirigeants soviétiques basée sur coexistence pacifique, qui veut présenter le camp occidental comme l’agresseur. C’est l’époque ou le Conseil Mondial pour la Paix (World Peace Coucil) et ses membres ont adopté la ligne établie par le Kominform selon laquelle le monde est divisé entre l’Union soviétique éprise de paix et les États-Unis bellicistes.

D’autre part, dans la production soviétique, les allusions à la Guerre froide et à l’espionnage sont peu fréquentes pour autant que l’on puisse connaître les films de cette période. Déjà, leur nombre total est faible (19 en 1946, 61 en 1956). Néanmoins, il existe l’équivalent de James Bond dans le cinéma soviétique : il s’agit de Max Otto von Sterlitz, qui est le principal personnage d’une série de livres écrits dans les années 1960 par Julian Semenov et qui sera repris dans une série télévisée Dix-sept moments de printemps 1973) de Zinovi Genzer avec, dans le rôle de Stierlitz, le célèbre acteur Viatcheslav Tikhonov.

Et maintenant ?

Dans la Revue internationale et stratégique citée en rubrique, Charlotte Lepri peut avancer que « le recours à la propagande pendant la Guerre froide n’est plus à prouver. Qui dit Guerre froide pense course aux armements, rideau de fer, dissuasion nucléaire. Mais la lutte que se menèrent les deux blocs fut surtout idéologique et psychologique : la Guerre froide était aussi et peut-être avant tout une guerre d’images, d’idées, de propagande, de désinformation et de pression diplomatique ». Aujourd’hui encore, la culture, en particulier le cinéma, est un vecteur d’influence et de propagande et reste un outil privilégié du soft power d’un pays. Les films de propagande ont continué à être proposés après la guerre froide et, plus particulièrement aux États-Unis. On peut citer comme exemple The hunt for Red October  (1990) de John Mc Tiernan et Bridge of spies (2015) de Steven Spielberg.

Mais, aujourd’hui, nous sommes passés d’un monde bipolaire au moment de la guerre froide à un monde multipolaire. Aux industries cinématographiques américaines, russes et de leurs alliés viennent s’ajouter aujourd’hui principalement les films chinois et indiens. En Chine, l’autorité cinématographique chinoise a ordonné à toutes les salles de projeter, au moins deux fois par semaine, des créations vantant «la patrie, son peuple, ses héros» ainsi que le Parti communiste à l’occasion du centenaire du PCC.

L’Inde, qui n’a pas participé directement à la guerre froide, se sert de l’énergie et de féérie visuelle de ses films (Bollywoodisation) pour se forger une image et une identité, relayée par les politiques, surtout avec le principe de nationalisme hindou développé par le gouvernement. La puissance émotionnelle du cinéma peut ainsi faire passer de la notion de soft power au principe de nation building.

Encadré 1 : Le Maccarthysme (1946-1954).

Au lendemain de la 2e guerre mondiale et après les accords de Yalta et Potsdam, l’URSS gagne du terrain en Europe « vassalisant » les pays qui vont faire partie du « bloc soviétique » et menacent le modèle démocratique occidental. De facto, une paranoïa anticommuniste se développe aux États-Unis et, en 1947, s’ouvre à Hollywood une période de chasse aux sorcières initiée par le sénateur républicain du Wisconsin Joseph McCarthy (1908-1957). Toute critique contre l’American way of life est vite assimilée à une attitude communiste. C’est la période des affaires d’espionnage soviétique : Klaus Fuchs (1950) et les époux Rosenberg (1953) et des films films relatent des affaires d’espionnage « atomique » sur le territoire américain, dans lesquelles les agents du FBI ont le beau rôle : Le rideau de fer de William Wellmann (1948), I was a communist for the FBI de Gordon Douglas (1951). À Hollywood, est établie une liste noire d’environ 300 artistes à qui les studios hollywoodiens refusent tout emploi, parce qu’ils sont soupçonnés de sympathie avec le parti communiste américain. : Charlie Chaplin, Jules Dassin, Sterling Hayden, Joseph Losey et certains choisiront l’exil. Le processus est bien expliqué dans le film The way we were (1973) de Sydney Pollack. Le cinéma est une entreprise privée aux États-Unis, mais le gouvernement exerce toujours une influence, voire un droit de véto, sur les productions cinématographiques. McCarthy se verra désavoué par le Président Eisenhower à la suite d’un vote de censure.

Encadré 2

Lorsque Klaus Dodds étudie les cinq premiers films des aventures de James Bond sortis entre 1962 et 1967, il souligne  que ce choix de lieux où se pesse l’action propose une représentation des espaces de la Guerre froide, avec le Bloc de l’Est comme principale origine des complots menaçant l’ordre mondial, selon la logique d’un affrontement manichéen entre le Bien et le Mal soulignant combien le succès des James Bond repose sur le choix de lieux exotiques, ainsi que les « James Bond girls » et les scènes mouvementées d’action, l’objectif étant de toucher un large public.  L’adversaire, dans ces premiers films, est un service russe, le SMERSH, qui est un acronyme de l’expression «smiert spionam» («mort aux espions»). Le héros est anglais, même so british, mais son « complice », au moins au début, est Félix Leiter de la CIA. Dans ses films, James Bond est le représentant des « bloc de l’Ouest » et des valeurs occidentales, le tout sous forme de divertissement qui fait d’autant mieux passer les messages de l’«occidental way of life ».


Pour aller plus loin :

Lepri, C. (2010). De l’usage des médias à des fins de propagande pendant la guerre froide. Revue internationale et stratégique, 78, 111-118. https://doi.org/10.3917/ris.078.0111

Nardone R. (2021). Hollywood, Atome et Guerre froide. Entre détente et terreur.

Funnell L.  Dodds.K (2017) Geographies, Genders and Geopolitics of James Bond. Ed.Palgrave Macmillan.

Site Cinema et Guerre froide https://cinema-guerre-froide.weebly.com

Filmographie (non limitative).

USA

The third man (1949), de Carol Reed.

On the Beach (1959) de Stanley Kramer.

The Day after (1983) de Nicholas Meyer.

From Russia with Love (1963) de Terence Young.

Dr. Strangelove (1964) de Stanley Kubrick.

Fail Safe (1964) de Sidney Lumet.

The spy who came in from the cold (1965), de Martin Ritt.

Torn curtain (1966) d’Alfred Hitchcock.

You Only Live Twice (1967) de Lewis Gilbert.

Telefon (1977) de Don Siegel.

The Spy Who Loved Me (1977) de Lewis Gilbert.

Firefox (1982) de Clint Eastwood.

Rocky IV (1985) de Sylvester Stallone.

URSS

La Chute de Berlin (1949) de Mikhail Tchiaoureli.

Quand Passent les Cigogne (1957) de Mikhail Kalatozov.

La Balade du Soldat (1959) de Grigori Tchoukhraï.

Le Bastion d’Ilitch (1961) de Marlen Khoutsiev.

Le Nôtre parmi les autres (1974) de Nikita Mikhalkov.


Alain Bogé

Enseignant en Géopolitique et Relations Internationales. HEIP Hautes Etudes Internationales et Politiques – Lyon. Czech University of Life Sciences-Dpt Economy – Prag (Czech Republic). Burgundy School of Business-BSB – Dijon-Lyon. European Business School-EBS – Paris

Des Rafale de l’armée de l’Air et de l’Espace ont effectué une escale inédite aux Philippines

Des Rafale de l’armée de l’Air et de l’Espace ont effectué une escale inédite aux Philippines


Pour rejoindre l’Australie et participer aux manœuvres aériennes Pitch Black dans le cadre de l’édition 2024 de la mission PEGASE [Projection d’un dispositif aérien d’EnverGure en Asie du Sud-Est], deux formations de l’armée de l’Air & de l’Espace [AAE] ont pris des directions opposées.

Ainsi, le 27 juin, quatre Rafale, trois avions ravitailleurs A330 MRTT Phénix et trois A400M ont décollé en direction de l’Alaska [États-Unis] pour prendre part à l’exercice Arctic Defender, aux côtés des forces aériennes allemandes [Eurofighter et Tornado] et espagnoles [Eurofighter]. Appelé « Pacific Skies 24 », ce déploiement tripartite a ainsi réuni les pays du programme SCAF [Système de combat aérien du futur]. Les appareils impliqués ont ensuite rejoint l’Australie, après une escale « valorisée » au Japon.

Quant aux second déploiement, appelé « Griffin Strike », il a mis l’accent sur la coopération franco-britannique. Partis de France le 6 juillet, trois Rafale, deux A330 MRTT et deux A400M ont été rejoints en cours de route par des Typhoon de la Royal Air Force. Après une escale aux Émirats arabes unis et une autre à Singapour, cette formation est arrivée en Australie le 10 juillet. Avant de prendre part à Pitch Black 2024, elle a effectué un exercice au combat « dans un cadre multi-milieux et multi-champs [M2MC].

La séquence australienne étant désormais terminée, les formations « Pacific Skies » [dont les A400M se sont rendus en Nouvelle-Zélande] et « Griffin Strike » ont pris le chemin du retour… mais séparément.

La première a pris la direction de la Malaisie, avant d’enchaîner avec l’exercice Tarang Shakti [entre le 6 et le 13 août]. À noter que deux Rafale seront mobilisés pour une « interaction » avec les collectivités d’outre-mer et se rendront à La Réunion. La seconde a plusieurs « escales valorisées » à son programme, dont une inédite.

En effet, ce 1er août, l’État-major des armées [EMA] a fait savoir que deux Rafale, un A400M et un A330 MRTT venaient de passer quatre jours sur la base aérienne de Clark, aux Philippines. Ce qui ne s’était jamais produit jusqu’alors.

« Pour la première fois, les aviateurs français font escale aux Philippines. À cette occasion, un vol conjoint composé de deux FA-50 philippins, deux Rafale, et un A330 MRTT Phénix a été réalisé avec succès. Plusieurs vols en place arrière à bord de Rafale avec des pilotes de chasse philippins ont également été effectués, tout comme les embarquements en A400M et A330 MRTT au profit de nos partenaires philippins », a ainsi relaté l’EMA.

Et d’ajouter : « Cette interaction permet également d’approfondir la coopération militaire entre les deux armées, toutes deux engagées pour la sécurité et la stabilité de l’espace indopacifique. »

De son côté, l’ambassade de France aux Philippines a rappelé que cette escale « intervient après la signature » par Paris et Manille d’une « lettre d’intention définissant une feuille de route pour le renforcement de [leur] coopération » en matière de défense.

Quoi qu’il en soit, ce déploiement de Rafale aux Philippines a été organisé alors que Manille envisage d’acquérir une douzaine d’avions de combat supplémentaires, à l’heure où les tensions avec Pékin sont désormais récurrentes. Pour le moment, l’état-major philippin envisage deux types d’appareils : le Gripen suédois et le F-16 Viper américain.

Dans l’est de l’Ukraine, une poussée russe mais pas de percée

Dans l’est de l’Ukraine, une poussée russe mais pas de percée

Photo RUSSIAN DEFENCE MINISTRY PRESS SERVICE HANDOUT

Au 890e jour de guerre, les avancées russes dans l’est de l’Ukraine sont d’un kilomètre par jour. Elles ne préfigurent pas un effondrement ukrainien mais témoignent malgré tout de progrès constants. Des détails et des chiffres.

Sur un front long de 980 km, mais en particulier dans l’est de l’Ukraine, les combats se poursuivent depuis une année, sans que l’un ou l’autre des deux camps n’ait encore réussi à réaliser et exploiter une manœuvre décisive. Les Russes y disposent toutefois d’un double avantage : d’abord une indiscutable supériorité aérienne (sauf dans le domaine des drones), ensuite un réservoir humain bien supérieur à celui des Ukrainiens qui peinent toujours à recruter. Ces deux facteurs expliquent la situation périlleuse de certaines unités de l’armée ukrainienne forcées de reculer, pied à pied, dans certains secteurs.

Les récentes brèches russes dans le dispositif défensif ukrainien constituent-elles des « percées », comme l’estimait, il y a trois jours, le compte spécialisé sur X (ex-Twitter) Macette Escortet ? Les chiffres ont effectivement de quoi inquiéter.

Selon des données de l’Institut américain pour l’étude de la guerre (ISW), entre le 1er et le 30 juillet, 198 km2 ont été conquis par Moscou, parmi lesquels 155 km2 l’ont été dans la seule région de Donetsk (contre 129 km2 en juin).

Dans ce secteur, les forces russes poussent en direction des localités de Pokrovsk, Toretsk et Tchassiv Yar pour ensuite pouvoir attaquer les cités de Kramatorsk et Sloviansk, où les Ukrainiens ont leurs bases arrière et par lesquelles ils font transiter leurs renforts. Et les Russes visent également Kostiantynivka et la route qui relie cette agglomération à celle de Pokrovsk.

Poussée violente

Si les Russes sont encore à 18 km de cette dernière localité, ils sont à moins de 3 km des premières rues de Toresk, dont les rares habitants survivent au milieu des ruines, et ils sont entrés dans les quartiers de l’est de Tchassiv Yar (ouest de Bakhmout) où les combats sont intenses.

Au total, depuis le début de l’année 2024, la Russie a conquis 1 246 km², largement plus que sur l’ensemble de 2023 (584 km2). Cette progression reste cependant réduite, puisqu’elle n’a donné lieu à aucune percée décisive malgré de lourdes pertes et ne correspond qu’à 0,2 % du territoire ukrainien d’avant 2014 (c’est-à-dire avant la perte d’une partie du Donbass et de la Crimée).

Les observateurs et experts militaires les plus optimistes parlent de « poussée » russe et non de « percée ». Certains décrivent même un front globalement figé. Il n’en est rien: le champ de bataille du Donbass est extrêmement dynamique avec de violents combats terrestres qui mettent à mal les troupes engagées, vident les stocks de munitions et se soldent par des pertes élevées de part et d’autre.