Des chars Leclerc rénovés sont arrivés au 12e régiment de cuirassiers d’Olivet (Loiret) et au 1er régiment de chasseurs d’Afrique de Canjuers (Var), annonçait ce matin le ministère des Armées.
« La semaine dernière, le centre d’entraînement Provence [géré par le 1er RCA] et le 12e régiment de cuirassiers ont réceptionné deux chars Leclerc », a indiqué le ministère des Armées lors de son point presse hebdomadaire. Cette perception permettra au 1er RCA d’entamer un nouveau chapitre dans sa mission de formation des pilotes et tireurs des régiments de cavalerie.
L’ampleur de cette rénovation à mi-vie est connue de longue date : protection renforcée contre les engins explosifs improvisés, mines et roquettes ; refonte de la conduite de tir ; intégration dans la bulle SCORPION par l’installation de la radio CONTACT et du système d’information du combat SCORPION ; traitement des obsolescences lourdes.
Certains kits arriveront plus tard, à l’instar d’un tourelleau téléopéré T2B conçu par l’armurier belge FN Herstal et intégré à compter de fin 2025. D’autres efforts relatifs à la fonction agression devraient se concrétiser l’an prochain. De nouveaux viseurs pour le chef de char et le tireur seront par ailleurs installés à partir de 2028 via un autre marché, rappelait le ministère.
« La rénovation du char Leclerc lui permettra de rester en service jusqu’à l’arrivée dans les forces du futur système [principal] de combat terrestre, le MGCS », a complété le ministère des Armées.
La loi de programmation militaire prévoit la rénovation de 160 chars Leclerc d’ici fin 2030, un étalement qui conduira à atteindre la cible initiale des 200 exemplaires rénovés en 2035. Selon le ministère des Armées, 15 des 21 chars attendus en 2024 ont été livrés aux régiments et formations concernés à ce jour. Ils s’ajoutent aux 13 chars perçus en 2022 et 2023.
Deux tranches de 50 chars rénovés ont jusqu’à présent été actées auprès de l’industriel en charge, KNDS France. Un troisième lot englobant les 100 derniers exemplaires devrait en théorie être notifié cette année.
L’effort envers les armées françaises est nécessaire et sera poursuivi, a défendu hier le nouveau Premier ministre Michel Barnier lors de sa déclaration de politique générale devant l’Assemblée nationale.
« Face à ces conflits, face à l’instabilité persistante et grave tout autour de nous, face à toutes les menaces hybrides, l’effort de défense est évidemment nécessaire et doit être poursuivi », déclarait Michel Barnier dans une sortie concise mais à première vue encourageante sur la trajectoire budgétaire des armées.
« Poursuivre cet effort de défense et de solidarité, c’est aussi exprimer la reconnaissance de la nation aux militaires en pensant aux 26 000 hommes et femmes déployés sur tous les théâtres d’opérations (…) C’est le sens de la loi de programmation militaire pour les années 2024-2030 que nous mettrons en œuvre », poursuivait-il sans davantage de détails. Adoptée l’an dernier, cette LPM dite « de transformation » établit à 400 Md€ le besoin en ressources budgétaires sur sept ans, un socle financier d’emblée considéré comme un minimum.
Finalement publiés le 19 septembre, les plafonds de dépenses proposés par le gouvernement précédent fixent à 50,5 Md€ les crédits alloués à la mission Défense pour l’an prochain. Soit une hausse de 3,3 Md€ conforme à la trajectoire inscrite dans la LPM. De quoi garantir la poursuite d’un réarmement et d’un développement de l’investissement militaire qui « s’inscrivent dans la situation internationale et les différentes menaces auxquelles le pays doit faire face ».
« À la suite de la loi de programmation militaire 2024-2030, le plafond prévisionnel des dépenses du ministère des Armées augmenterait en 2025. Cet investissement supplémentaire assurerait les dépenses d’investissement et les commandes de matériel nécessaires à la modernisation de nos armées», complète un texte désormais caduc.
Si les signaux positifs se succèdent, le couperet de la dette reste omniprésent. Le nouveau gouvernement s’y est engagé, il compte ramener le déficit à 5% en 2025 et sous la barre des 3% en 2029. Estimée à plus de 40 Md€, l’économie exigée proviendrait pour deux-tiers d’une réduction des dépenses. Le reste sera généré par de nouveaux impôts. « Ce sera très difficile », concède Michel Barnier. Le PLF devrait être adopté le 10 octobre en Conseil des ministres en vue d’une discussion engagée le 21 octobre pour la première partie du texte, le 5 novembre pour la seconde.
Nommé ministre des Armées le 20 mai 2022, Sébastien Lecornu est donc maintenu à son poste dans le (premier?) gouvernement Barnier. Ce qui n’est pas sans déplaire à de nombreux militaires qui reconnaissent la détermination de leur ministre.
Que ce « discret » (selon l’AFP), proche d’Emmanuel Macron, est né en 1986… Qu’il a occupé à partir de 2020 le poste de ministre des Outre-mer dans le gouvernement Jean Castex, puis celui de ministre des Armées d’abord dans le gouvernement Élisabeth Borne puis dans le gouvernement Gabriel Attal.
Qu’il a été le principal artisan de l’élaboration et du vote de la loi de programmation militaire (LPM) d’avril 2023, qui doit s’appliquer de 2024 à 2030. Cette LPM prévoit 413 milliards d’euros de dépenses militaires sur les sept années d’exercice. Le budget annuel passera ainsi de 32 milliards en 2017 à 69 milliards en 2030, soit un doublement du financement des armées.
Qu’est-ce qui l’attend?
Du roulis politique! Ce gouvernement naît dans la douleur et la mauvaise humeur. Et sa durée de vie est évidemment jugée éphémère.
Des pressions et menaces sur la LPM et le budget des Armées, puisqu’il va falloir réduire le train de vie de l’Etat. Toutefois, les plafonds de dépenses prévisionnels pour le PLF 2025, considérés comme une « base technique » pour préparer le prochain budget, montrent que pour l’instant, les Armés s’en sortent bien (+ 7 % par rapport à la loi de finances initiale de 2024, à 50,5 milliards d’euros).
Des remises en question dans le dossier « Ukraine », sur la nature et le montant des aides françaises à Kiev face à Moscou. C’est possible; on se souviendra qu’en mars dernier, lors du débat sur l’Ukraine au Parlement, LFI avait exprimé son rejet de la stratégie française d’aide à Kiev.
Avec la livraison des 5 frégates FDI de 2025 à 2032, la LPM 2024-2030 permettra de respecter le format de 15 frégates de 1ᵉʳ rang exigé, pour la Marine nationale, par la Revue Stratégique 2022. Toutefois, les 5 frégates légères furtives de la classe Lafayette, elles, n’ont toujours pas de remplaçantes désignées, alors que les navires doivent quitter le service, autour de 2030.
Pire encore, le remplacement même de ces 5 frégates, au statut fluctuant selon les besoins, et pour autant très utiles à la planification de la Marine française, n’est pas même abordé par cette LPM, laissant un vide capacitaire de 25 % dans la flotte française d’escorteurs de haute mer, à partir de la prochaine décennie.
Toute la question, aujourd’hui, est de comprendre l’origine de ce format de 15 escorteurs établi par la RS 2022, pour déterminer si, oui ou non, la Marine nationale a besoin de remplacer des cinq navires, ou si ces frégates de second rang, sont dorénavant inutiles, entre les performances accrues des frégates modernes, et les évolutions des menaces au-dessus, et en dessous de la surface.
Sommaire
Le format de 15 frégates de 1ᵉʳ Rang de la Marine nationale, un héritage des années 80
Contrairement à la flotte des avions de chasse ou de chars français, divisées par 3 après la guerre froide et l’arrivée des bénéfices de la paix, les escorteurs de la Marine nationale, eux, n’ont pas évolué, en nombre, depuis les années 80.
Ainsi, en 1989, la Marine nationale alignait déjà 15 escorteurs dits de premier rang, avec deux destroyers antiaériens classe Suffren, deux frégates antiaériennes classe Cassard, trois frégates anti-sous-marines T-67 classe Tourville, sept frégates anti-sous-marines T-70 classe Georges Leygues, et une corvette anti-sous-marins C-69, classe Aconit.
À ces 15 escorteurs, s’ajoutaient 17 avisos escorteurs A-69 classe d’Estienne d’Orves, des navires équipés pour la lutte anti-navire et la lutte-anti-sous-marine côtière, ainsi que pour les missions de moindre intensité.
Typiquement, un porte-avions français était escorté d’un escorteur anti-aérien, de deux frégates de lutte anti-sous-marine, et de deux avisos, et était accompagné par un pétrolier ravitailleur, un SNA classe Rubis, et un ou deux avions Breguet Atlantique de patrouille maritime. Les TCD et la Jeanne d’arc, en revanche, n’étaient escortés au combat que par un escorteur anti-aérien, un escorteur ASM et un aviso, le dispositif sous-marin et Patmar étant variable selon les missions.
Ce faisant, la Marine nationale avait la possibilité de protéger simultanément un groupe aérien et un groupe amphibie, tout en conservant quatre frégates anti-sous-marine et une frégate anti-aérienne par façade maritime, dont une à la mer, une en alerte, deux à l’entrainement, et une en maintenance. Ces navires, ainsi que les A69 restant, pouvaient servir à renforcer les besoins d’escorte, ou à constituer un ou deux groupes d’action navale à part entière.
De fait, bien que sensiblement inférieure, en nombre de navires, à la Royal Navy, la Marine nationale disposait, alors, d’une flotte d’escorteurs parfaitement en cohérence avec ses besoins.
Les FLF classe Lafayette remplacent une partie des avisos A-69 à partir de 1996
À partir de 1996, la Marine nationale commença à réceptionner les nouvelles frégates légères furtives de la classe Lafayette. Initialement, la classe devait être formée par 7 navires polyvalents, avec 12 missiles Aster 15 en cellules de lancement vertical, 8 missiles antinavires MM40 Exocet, ainsi que d’un sonar de coque pour la lutte anti-sous-marine, d’un canon de DCN 100 et d’un hélicoptère Panther.
L’arrivée de ces navires devait permettre de retirer du service la corvette C-69 Aconit, ainsi que 8 avisos escorteurs A-69, tout en portant la flotte d’escorteurs à 21 navires. On retrouvera ce même format, dix ans plus tard, lorsque la Marine prévoyait d’acquérir 4 frégates Horizon, et 17 frégates FREMM. Toutefois, la classe Lafayette est arrivée alors que la menace soviétique avait disparu, que les budgets des armées étaient revus à la baisse, et que la conscription était suspendue.
Dès lors, non seulement le nombre de navires fut ramené à cinq navires, mais l’armement et l’équipement des frégates fut revu à la baisse. Le système Aster fut ainsi remplacé par le même système Naval Crotale que les Tourville et Georges Leygues, bien moins performant, mais aussi moins onéreux, alors que le sonar des navires ne fut jamais installé.
Ne pouvant plus qualifier les Lafayette d’escorteur, car n’ayant ni les capacités anti-aériennes, ni anti-sous-marines pour cela, la Marine nationale inventa le concept de frégates de second rang, des navires mieux armés que les avisos et patrouilleurs, mais inadaptés pour évoluer, seul, en zone de tension.
Trois des cinq Lafayette ont été modernisées à partir de 2019, en recevant, pour l’occasion, un sonar de coque BlueWatcher de Thales, et le système Sadral à 6 missiles Mistral, prélevé sur 3 T-70 retirées du service de 2015 à 1018, en lieu et place du Naval Crotale.
Cette modernisation doit permettre à la Marine nationale de conserver un format proche des 15 frégates de premier rang, exigé depuis le LBDSN 2013 et par les deux revues stratégiques depuis, après que la décision de remplacer des cinq dernières FREMM ASM, par les cinq FDI de la classe Amiral Ronarc’h, ait entrainé un étalement des livraisons des nouvelles frégates.
Pour autant, les trois Lafayette ainsi équipées, remplissent à peine les critères de frégate d’escorte de 1ᵉʳ rang, n’ayant ni sonar tracté à profondeur variable, pour la lutte ASM océanique, ni les missiles Aster 30 de défense aérienne.
Le remplacement des 5 frégates légères furtives classe Lafayette n’est pas planifiée dans la LPM 2024-2030
En dépit de cet artifice grossier, plus administratif et politique, qu’opérationnel, la Marine nationale devrait bel et bien retrouver le format de frégates de 1ᵉʳ rang, imposé par la Revue Stratégique 2022, aujourd’hui faisant foi, avec la livraison de la dernière FDI à la Marine nationale, la frégate Amiral Cabanier, prévue pour 2032.
Cette flotte d’escorteurs sera alors composée par deux frégates de défense aérienne classe Horizon, deux frégates antiaériennes classe Alsace, six frégates multirôles classe Aquitaine, et cinq FDI classe Amiral Ronarc’h.
En outre, les 9 A-69, requalifiés depuis Patrouilleurs océaniques après le retrait de leurs missiles Exocet, seront remplacés, d’ici à la même échéance, par 7 nouveaux patrouilleurs Hauturiers, des navires qui reprendront certaines des capacités et missions des avisos, notamment en matière de lutte anti-sous-marine sur le plateau continental.
En revanche, rien n’indique, à ce jour, ni dans la Revue Stratégique 2022, ni dans la LPM 2024-2030, que la Marine nationale prévoirait de remplacer les 5 FLF classe Lafayette, une fois retirées du service.
À ce titre, il convient de mettre fin à cette croyance, largement répandue, et relayée jusque sur Wikipedia, selon laquelle les FDI de la classe Amiral Ronarc’h remplaceront les 5 FLF, puisqu’au contraire, les FDI ne feront que remplacer les 5 FREMM annulées en 2015, elles-mêmes devant remplacer les 5 dernières frégates T-70 en service, dans le respect du format de 15 frégates de 1er rang.
Pourquoi le remplacement des 5 FLF de la Marine nationale est indispensable à la cohérence de la flotte d’escorteurs français ?
Fondamentalement, le format d’escorte de la Marine nationale sera, alors, identique à celui qui était le sien à la fin des années 80, avec une frégate antiaérienne et deux frégates ASM pour escorter le porte-avions nucléaire Charles de Gaulle, puis son successeur, le PANG ; une frégate antiaérienne et une frégate ASM pour l’escorte du Groupe Amphibie ; ainsi qu’une frégate antiaérienne et quatre frégates ASM, par façade maritime.
Toutefois, les évolutions technologiques en cours, comme dans le domaine des missiles de croisière et balistiques antinavires, des drones d’attaque ainsi que des drones de surface et sous-marins, tendent à rapidement saturer les capacités de défense des frégates françaises.
En effet, en dehors des deux frégates horizons, avec 48 missiles Aster 15 et 30, et les deux frégates Alsace, avec 32 missiles Aster, les onze escorteurs ASM français, ne mettent, ou ne mettront en œuvre, que 16 de ces missiles anti-aériens.
Ainsi, la capacité d’escorte du Groupe amphibie, ne reposera que sur 48 à 64 missiles antiaériens, et pourra largement être saturée par les moyens modernes, ce d’autant que, contrairement au porte-avions, les LHD de classe Mistral, n’emportent pas de systèmes PAAMS, mais uniquement des systèmes Simbad armés de deux missiles Mistral d’autodéfense.
Surtout, la multiplication des points chauds, dans le périmètre d’intervention de la Marine nationale, qu’il s’agisse de la Méditerranée orientale comme occidentale, de l’Atlantique Nord, de la mer du Nord, de la mer Rouge, du golfe Persique et du bassin indo-Pacifique, nécessite dorénavant que le nombre de frégates déployables soit revu à la hausse.
À ce sujet, le remplacement des 5 FLF, permettrait d’ajouter une frégate ASM au dispositif d’escorte du groupe amphibie, et deux frégates par façade maritime. Ainsi, avec sept frégates par façade, la Marine nationale disposerait, outre l’escorte des Capital-Ships, de la possibilité de maintenir à la mer deux frégates par façade, avec une frégate supplémentaire en alerte, deux frégates à l’entraînement, et une frégate en maintenance.
Dès lors, même un déploiement exceptionnel en mer Rouge ou dans le Pacifique d’une frégate, ne viendrait pas compromettre la capacité de réponse rapide de la Marine nationale, en cas de crise.
Quel navire pour succéder aux FLF de la Marine Nationale
Pour remplacer les cinq FLF, plusieurs navires peuvent être envisagés, en fonction des besoins, des moyens disponibles, ainsi que de l’évolution du marché internationale et de la demande mondiale, sachant que, comme toujours, l’exportation représente le balancier vital de la soutenabilité des investissements industriels de défense français.
La corvette Gowind 2500 de lutte anti-sous-marine, la plus économique
Ainsi, la corvette Gowind 2500 de Naval group, dispose de sérieuses capacités de lutte anti-sous-marine, avec un sonar de coque, un sonar tracté à profondeur variable, deux tubes lance-torpilles triples, et un hélicoptère de lutte ASM. C’est aussi le cas en matière de lutte anti-navire, avec 8 missiles MM40 Exocet, et de son potentiel d’autodéfense antiaérien, avec 16 missiles VL MICA en cellules de lancement vertical.
Déjà en service dans 3 marines internationales (Égypte, Malaisie et EAU), la Gowind 2500 est, par ailleurs, peu onéreuse, moins de 400 m€ par navire. En outre, une commande française de cinq navires, pourrait entrainer une commande similaire de la part de la Marine Hellénique, avec qui Naval Group est en négociation, sur un modèle de coopération proche de celui mis en œuvre pour les 3 FDI grecques.
La frégate multirôle FREMM, classe Aquitaine ou classe Alsace, la plus polyvalente
À l’autre bout de l’échiquier, se trouve la frégate FREMM, qu’il s’agisse de la classe Aquitaine, optimisée pour la lutte anti-navire et la frappe vers la terre, avec ses 16 missiles de croisière MdCN, ou de la classe Alsace, de défense antiaérienne avec 32 missiles Aster contre 16 pour l’Aquitaine, mais disposant des mêmes performances de lutte ASM que celle-ci.
En revanche, la frégate est onéreuse, deux fois plus que la Gowind 2500. En outre, commander cinq FREMM, aujourd’hui, après les avoir annulées en 2015, entrainant une révision du processus industriel et des prix de l’époque, ne manquerait pas d’être vivement critiqué çà et là. Enfin, le potentiel export des FREMM françaises est aujourd’hui limité, car concurrencé directement par les FREMM italiennes et, surtout, par l’arrivée prochaine de sa version américaine, la classe Constellation.
La FDI classe Amiral Ronarc’h, la plus performante
La logique capacitaire et industrielle font de la nouvelle FDI classe Amiral Ronarc’h, le modèle existant le mieux à même de remplacer efficacement les FLF aujourd’hui. En effet, le navire est à la fois très performant, moderne et très bien armé, avec deux VLS Sylver 50 emportant 16 missiles Aster, pouvant être portés à 4 Sylver et 32 Aster comme sur la version grecque.
La FDI emporte, par ailleurs, 8 missiles antinavires MM-40 Block 3C Exocet d’une portée de 160 km, un canon de 76 mm, deux canons de 20 mm, deux tubes lance-torpilles triples, ainsi qu’un hélicoptère de lutte ASM NH90.
Outre son armement conséquent, la frégate emporte le nouveau radar AESA à faces planes SeaFire 500 Thales, un sonar de coque et un sonar tracté, en faisant un escorteur antiaérien et anti-sous-marin au moins aussi performant que les frégates FREMM de la classe Alsace.
Le navire est, par ailleurs, doté de capacités de guerre électronique et cyber, tout en s’avérant plus économique que la FREMM, avec un prix unitaire de l’ordre de 650 m€. La production étant en cours, une augmentation du volume des commandes, suffisamment en amont, pourrait même permettre d’en réduire les couts de construction. Enfin, la FDI est commercialement active, Naval Group l’ayant récemment proposé à l’Indonésie et à la Norvège, alors qu’une nouvelle commande permettrait d’en renforcer l’attractivité.
La conception d’une Frégate Légère Furtive de Nouvelle Génération
La dernière possibilité, pour remplacer les FLF, reposerait sur la conception d’une nouvelle classe de frégate légère furtive, un navire de 3.500 tonnes reprenant les missions initiales de son ainée, avant d’être transformée en frégate de second rang.
Le navire pourrait ainsi disposer de 16 missiles Aster 15 EC ou Mica VL NG, pour une enveloppe de défense plus étendue, des 8 MM40 et des 2 tubes lance-torpilles, ainsi que d’une version allégée du SeaFire 500, et les sonars Kingklip et CAPTAS 4 de la FDI. Elle ne disposerait, en revanche, que d’un hangar pour un hélicoptère moyen H160M Guépard, et des capacités plus réduites en matière de guerre cyber.
La conception de cette frégate induirait des couts supplémentaires, venant très certainement neutraliser les économies attendues sur le prix unitaire, que l’on peut estimer de 500 à 550 m€, par rapport à la FDI. En revanche, elle permettrait à Naval Group d’enrichir son catalogue, et de proposer, comme pour les sous-marins conventionnels, d’une solution dédiée par tranche de 1000 tonnes.
Cette frégate correspondrait, à ce titre, assez finement aux besoins de renouvellement en matière de frégates ou corvettes lourdes, exprimés par plusieurs marines ces derniers mois, notamment celles n’ayant pas les ressources pour acquérir des navires plus onéreux, comme les FDI, les Arrowhead 140, les PPA ou les Meko 200A.
Enfin, avec un tel armement, pour un tel prix, sur un navire de ce tonnage, Naval Group pourrait même venir s’inviter sur les platebandes russes comme chinoises, également visées par la Corée du Sud et la Turquie, avec l’antériorité, la fiabilité et la garantie de qualité que le groupe français peut aujourd’hui proposer.
Conclusion
On le voit, le besoin, dans les années à venir, pour la Marine nationale de remplacer ses cinq frégates légères furtives, est difficile à ignorer, considérant le contexte sécuritaire mondial et sa dynamique aujourd’hui.
Plusieurs options se présentent, pour cela, allant de la corvette Gowind 2500 à la frégate FREMM. Toutefois, c’est sans conteste la frégate FDI qui présenterait, ici, le meilleur rapport performances investissements. Toutefois, la conception d’une FLF NG n’est pas, elle non plus, dépourvue d’attraits, en particulier concernant le volet des exportations, en enrichissant le catalogue de Naval Group, d’un navire en forte demande, aujourd’hui.
Reste que les 2,5 à 4 Md€ d’investissements nécessaires à ce remplacement, n’apparaissent, pas même partiellement, dans la LPM en cours. Il est donc probable que la Marine nationale s’apprête à faire face à la période la plus complexe et tendue de son histoire depuis les années 80, avec une flotte de 15 escorteurs océaniques seulement, à peine suffisante pour protéger ses Capital Ships à minima, et pour conserver un navire à la mer, et un en alerte, par façade maritime.
Article du 9 aout en version intégrale jusqu’au 29 septembre 2024
Depuis la fin de la guerre froide, la flotte de chasse de l’Armée de l’air et de l’Espace, a été divisé par trois, passant de plus de 600 Mirage F1, Mirage 2000 et Jaguar, à moins de 200 Rafale et Mirage 2000D et -5F. La flotte de l’Aéronautique navale a, elle aussi, subi une sévère cure d’amaigrissement, passant de 80 Super-Étendard, F-8 Crusader et Étendard IVP, a seulement 40 Rafale M.
Cette réduction de format a souvent été critiquée, par les spécialistes du sujet, ainsi que par certains parlementaires, et même, plus récemment et de manière plus feutrée, par les états-majors eux-mêmes. Ainsi, l’Armée de l’Air et de l’Espace estime, publiquement, qu’il lui faudrait « au moins », 225 avions de combat, pour répondre à son contrat opérationnel.
Toutefois, le format optimal de la chasse française semble, aujourd’hui, davantage une question de négociations politiques et budgétaires, que le résultat d’un raisonnement objectif, face aux besoins auxquels l’Armée de l’Air et l’Aéronavale doivent être en mesure de répondre.
Dans cet article, nous tenterons de mener ce raisonnement, et de déterminer quel serait ce format, nécessaire et suffisant, pour permettre à la chasse française, de remplir pleinement et efficacement ses missions présentes et à venir. Comme nous le verrons, le format actuel apparait très sous-estimé.
Sommaire
Le format de la flotte de chasse française aujourd’hui, son origine et son contrat opérationnel
Ce format, justement, quel est-il, et d’où vient-il ? Aujourd’hui, le LPM 2024-2030 vise à amener la flotte de chasse française à 225 avions de combat, avec 185 chasseurs pour l’Armée de l’Air et de l’Espace, et 40 pour l’Aéronautique navale.
Ce format a été fixé par la Revue Stratégique 2022, elle-même reprenant ce format de la Revue Stratégique 2018, qui servit de support à la création de la LPM 2029-2025 précédente. Là encore, ce n’est pas la Revue Stratégique 2018 qui fixa ce format, puisqu’elle avait pour consigne de reprendre l’ensemble des formats des forces, définis par le Livre Blanc de 2013.
C’est, en effet, ce Livre Blanc qui établit, pour la première fois, ce format à 225 avions de combat, avec la répartition 185/40 entre l’AAE et la Marine nationale. Pour arriver à ce résultat, les concepteurs de ce Livre Blanc, qui avaient pour ligne directrice de réduire autant que possible le format des forces armées françaises, fixèrent un contrat opérationnel relativement simple aux deux forces aériennes.
Cette réduction des formats permettait, par ailleurs, de réduire sensiblement les besoins de formation et d’entrainement des équipages, ainsi que les stocks de munitions, d’autant que la principale menace conventionnelle alors envisagée, concernait des conflits dissymétriques, en Afrique ou au Moyen-Orient, avec une menace très réduite sur les appareils eux-mêmes, et une pression opérationnelle relativement réduite pour les forces déployées.
La pression opérationnelle sur la chasse française depuis 2014, sensiblement supérieure à celle estimée par le Livre Blanc 2013
Bien évidemment, cette pression opérationnelle, depuis 2013, n’a absolument pas respecté la planification du Livre Blanc. L’Armée de l’Air et de l’Espace a ainsi dû, à plusieurs reprises, déployer vingt à trente appareils de combat en missions extérieures, y compris en Europe. Le porte-avions, quant à lui, a souvent largement dépassé les quatre mois de mer par an prévus, avec un record de 8 mois à la mer pour l’année 2019, avant son IPER.
Si les armées françaises ont largement allégé leur dispositif en Afrique ces dernières années, le dispositif au Levant, lui, reste inchangé, alors que l’évolution des tensions, et des guerres, en Europe et dans le Pacifique, ont amené à de nouveaux déploiements particulièrement gourmands en potentiel de vol des appareils comme des équipages.
À ce sujet, justement, il est apparu que les appareils déployés, tendaient à consommer beaucoup plus rapidement leur potentiel de vol, par rapport aux appareils employés en France pour les missions d’entraînement et de Police du Ciel, d’un facteur allant de 2 à 3.
Comme tous les avions, civils ou militaires, les avions de chasse doivent respecter une procédure de maintenance très stricte, ponctuée de grandes visites, au bout d’un certain nombre d’heures de vol, durant lesquelles les appareils sont presque entièrement démontés et rassemblés, pour en garantir le bon fonctionnement à venir.
De fait, ces grandes visites rendent indisponibles chaque appareil pour plusieurs mois, et sont d’autant plus rapprochées, que les appareils volent beaucoup, en particulier en déploiement extérieur, et lors des missions opérationnelles.
40 avions de chasse promis par la France à l’OTAN, en cas de tensions ou de conflit
Si la pression opérationnelle a considérablement évolué ces dernières années, la guerre en Ukraine, et les fortes tensions entre l’OTAN et la Russie, ont amené à réviser le paramètre clé, au cœur de la construction même du format nécessaire et suffisante, de la flotte de chasse française.
En effet, la France s’est engagée, depuis son retour dans le Commandement intégré de l’OTAN, à fournir à l’Alliance, en cas de conflit, 40 avions de chasse prêts au combat. Cet engagement n’est pas nouveau, mais les évolutions géopolitiques récentes, en ont fait évoluer le statut.
Celui-ci est passé d’un engagement important, mais très peu probable, à un engagement tout aussi important, mais dont la probabilité nécessite, désormais, de l’intégrer dans la planification opérationnelle française, comme valeur de référence au cœur de ce format, en lieu et place de la projection de 15 appareils du Livre Blanc 2013, et des Revues stratégiques de 2018 et 2022.
En d’autres termes, là où l’Armée de l’Air devait garantir la disponibilité de deux escadrons stratégiques, soit vingt avions de combat, et de 15 avions de combat en projection, avec un potentiel de vol, c’est-à-dire le nombre d’heures de vol restant jusqu’à la prochaine grande visite, suffisant pour soutenir l’activité, elle doit dorénavant faire de même pour deux escadrons stratégiques, et 40 avions de combat tactiques, passant donc de 35 à 60 avions de chasse prêts au combat à tout instant.
Il manque 95 avions de chasse à l’Armée de l’Air et de l’Espace
De fait, la disponibilité d’une flotte de 60 chasseurs, disposants de plus de 50 % de leur potentiel de vol, à tout instant, cela entraine une flotte de deux fois plus d’appareils, soit 120 chasseurs, ayant un potentiel de vol de 50 % ou moins, sachant que les appareils déployés et/ou en situation opérationnelle, consomment leur potentiel de vol, deux fois plus vite, qu’en France, pour les missions d’entrainement et de Police du Ciel.
En outre, pour garantir la disponibilité permanente de 60 avions de combat à potentiel de vol suffisant, il est aussi nécessaire d’avoir, en permanence, 60 appareils en maintenance, notamment en grande visite, pour assurer le flux et la rotation des appareils.
Au total, donc, il est nécessaire que la flotte de chasse de l’Armée de l’Air et de l’Espace, atteignent les 240 appareils. Remarquez qu’en appliquant ce même raisonnement aux 35 appareils du Livre Blanc, on arrive à 180 avions de combat, très proche des 185 visés aujourd’hui.
Toutefois, deux facteurs doivent désormais être pris en compte, pour garantir l’efficacité et la disponibilité optimale de la flotte de chasse française. Le premier est le prélèvement sur la flotte de chasse lié à la modernisation des appareils. En moyenne, un avion de combat passe par une phase de modernisation majeure tous les huit ans, alors que chaque modernisation l’immobilise pendant six mois.
Il est donc nécessaire d’ajouter, aux 240 avions de combat précédent, une flotte équivalente à un seizième de son format, pour absorber ce prélèvement, soit 15 avions, pour un total de 255 chasseurs.
Enfin, le risque de guerre ne pouvant être ignoré, il convient de donner, aux forces aériennes, une capacité d’absorption minimale de l’attrition, par accident ou au combat, d’autant que les appareils sont susceptibles de voler dans des conditions plus difficiles, les exposant notamment au risque aviaire de manière bien plus significative.
Dans la mesure où il s’agit, là, de la seule valeur « subjective » de cette démonstration, nous prendrons un coefficient de réserve le plus réduit possible, eu égard au risque, ainsi qu’aux délais de remplacement des appareils, soit 10 %, amenant le format nécessaire et suffisant de la flotte de chasse de l’Armée de l’Air et de l’Espace à 280,5 appareils, que nous arrondirons à 280.
Dès lors, il manque bien, de manière objective, 280-185 = 95 avions de combat à la flotte de chasse de l’Armée de l’Air, pour satisfaire à ses engagements vis-à-vis de l’OTAN, tout en assurant le reste de son contrat opérationnel.
Notons au passage que dans cette hypothèse, le déploiement des avions de combat en Afrique et au Moyen-Orient, n’est pas intégré, de manière simultanée, ce qui suppose qu’en cas de déploiement pour l’OTAN, l’AAE devra retirer l’ensemble de ses moyens de tous ces théâtres.
Par extension, il manque aussi 12 Rafale M à l’aéronautique navale française
Il serait tentant d’employer le même raisonnement pour conclure que le format de la flotte de chasse embarquée française devrait être amenée à 89 avions de chasse.Toutefois, avec un unique porte-avions, la Marine nationale ne peut pas garantir la permanence du dispositif aéronaval français, ce qui suppose de reprendre le raisonnement.
Ainsi, en admettant que la Marine nationale doive garantir le déploiement de 18 Rafale M à bord du Charles de Gaulle, pour des missions de deux mois, avec une période de régénération de deux mois, la surconsommation du potentiel de vol en mission opérationnelle, est compensée, dans le format, par le retrait de la zone de mission de deux mois du porte-avions.
Dès lors, là où un appareil déployé à potentiel supérieur à 50 % pour l’AAE, entrainait la présence de deux appareils au potentiel inférieur à 50 % en métropole, il n’y aura qu’un appareil inférieur à 50 % par appareil supérieur à 50 % déployé, dans le cas de la Marine nationale. À cela, s’ajoute aussi, un demi-appareil en maintenance, puisque l’autre moitié du temps, le porte-avions ne sera pas déployé.
De fait, pour garantir le déploiement de 18 chasseurs Rafale M à bord du Charles de Gaulle par rotation du porte-avions en zone opérationnelle de 2 mois, il faut 2×18 + 9 = 45 avions Rafale M dans l’inventaire de la Marine nationale. En ajoutant le prélèvement pour modernisation, soit 1/16ᵉ, puis la gestion de l’attrition de 10 %, cette flotte atteint 52 appareils, soit 12 chasseurs supplémentaires, vis-à-vis de la flotte de 40 appareils actuellement en parc.
Notons que lorsque le PANG entrera en service, ce nombre montera à 70 appareils, pour garantir la présence de 24 appareils de combat, de la même manière, à bord du porte-avions.
En revanche, si la flotte de porte-avions devait passer à deux, pour garantir en permanence une flotte embarquée de 24 chasseurs, une flotte de 112 chasseurs serait nécessaire et suffisante, en appliquant, cette fois, strictement le même raisonnement que pour l’AAE.
15 ans et 20 Md€ pour redonner à la Chasse française, son format optimal
Sur la base de ce raisonnement, il manquerait donc 95 avions de combat pour l’Armée de l’Air, soit trois escadrons de 20 appareils, le reste étant en maintenance et réserve, ainsi que 12 chasseurs et une flottille de neuf appareils, pour l’Aéronautique navale. Or, une telle progression, même étalée sur 15 ans, représenterait un investissement et une transformation des armées considérables, sur cette période.
Cela suppose la commande 112 chasseurs supplémentaires, soit 1 Md€ par an pendant quinze ans, pour 7,5 appareils supplémentaires par an, y compris les équipements et munitions nécessaires à leur mise en œuvre. Cela nécessiterait, également, très probablement une nouvelle augmentation des cadences de production de Rafale de Dassault Aviation, pour passer de trois à quatre appareils produits chaque mois, afin de répondre à ce besoin supplémentaire.
Surtout, cela suppose de recruter et de former les effectifs nécessaires pour former ces escadrons et flottille, pour les équipages comme pour assurer la maintenance des appareils, et pour soutenir l’activité de l’ensemble de ces effectifs supplémentaires, le tout représentant de 5 à 6000 militaires supplémentaires.
Il faudra, enfin, positionner ces effectifs et ces appareils, ce qui pourrait nécessiter l’activation d’une nouvelle base aérienne de chasse, et peut-être d’une base aéronavale, ou, tout du moins, de relocaliser une ou deux flottilles, sur une autre base que Landivisiau.
On peut estimer l’investissement initial nécessaire à la mise en place de ces nouvelles infrastructures, l’adaptation des infrastructures existantes, et le recrutement et la formation initiale du personnel supplémentaire nécessaire, autour de 5 Md€, et le surinvestissement annuel nécessaire, entre 1 et 2 Md€.
Conclusion
On le voit, le format actuel de la flotte de chasse française, qu’il s’agisse de l’Armée de l’Air et de l’Espace, comme de l’Aéronautique navale, est très inférieur au format nécessaire pour répondre aux engagements de la France, vis-à-vis de l’OTAN, ou, tout simplement, pour assurer la sécurité aérienne du pays et de ses intérêts, considérant qu’une flotte de 40 avions de chasse opérationnels, et 18 chasseurs à bord du Charles de Gaulle, sont les stricts minimums pour être en mesure de le faire.
Le format actuel, visé par la LPM 2024-2030, a été défini en 2013, lors de la rédaction du Livre Blanc sur la Défense et la Sécurité Nationale, avant même la capture de l’Ukraine et l’attaque du Donbass par la Russie, avant le déclenchement de l’opération Serval au Mali, avant la seconde guerre du haut Karabagh, avant les menaces appuyées de Pékin sur Taïwan, et avant la guerre en Ukraine, et l’ensemble de ses conséquences directes et induites, en Europe, au Moyen-Orient et dans le Pacifique.
En dépit de ces nombreux événements qui se sont déroulés ces dix dernières années, jamais ce format n’a été re-évalué, comme c’est aussi le cas du format de la flotte de char de l’Armée de terre, ou de celui des frégates et des sous-marins d’attaque de la Marine nationale.
Certes, amener la flotte de chasse française, au format requis de 332 appareils, nécessiterait des crédits importants, qui seront difficiles à mobiliser (tout en moins en appliquant le modèle actuel), et des effectifs au moins aussi ardus à recruter. Toutefois, il semble évident, dorénavant, que le format hérité de 2013, n’est plus en accord ni avec la menace, ni avec le contrat opérationnel des forces aériennes françaises.
Il est certainement nécessaire, dès lors, de mener une réflexion objective sur l’ensemble des formats des armées françaises, hérités de ce livre blanc sans plus aucun rapport avec la réalité des menaces, pour construire la programmation militaire nationale, et non plus construire la programmation militaire sur des contraintes budgétaires, pour en déduire les menaces pouvant être contenues. Question de méthode, probablement…
Article du 7 aout en version intégrale jusqu’au 21 septembre 2024
Pourquoi le budget défense 2025 devra respecter la loi de programmation militaire
OPINION – Nouveau gouvernement, nouvelles priorités, nouvelles orientations économiques ? Alors que le budget du ministère des Armées doit augmenter de 3,3 milliards d’euros en 2025, le groupe de réflexions Mars* rappelle que l’investissement de défense est rentable sur le plan économique, social, fiscal ainsi que pour le commerce extérieur et l’innovation (Recherche & Développement).
L’un des enjeux de la nomination d’un nouveau gouvernement réside dans sa capacité à décider de mesures nouvelles conformes à des orientations politiques rencontrant le soutien d’une majorité de parlementaires des deux chambres. Au terme d’une cinquantaine de jours d’impasse, on semble s’orienter vers un gouvernement de droite avec le soutien sans participation de la droite de la droite. Ce qui s’appelle une victoire du « front républicain »… belle manœuvre Mon général !
Le monde de la défense garde un souvenir amer de l’expérience passée, pour ne pas dire du passif, du dernier gouvernement de droite (Fillon). Avec la perte de 20% des effectifs, la trop fameuse RGPP a eu l’effet d’une guerre d’attrition sur les moyens consacrés à nos armées, sans les avantages de l’aguerrissement. C’est essentiellement ce qui explique pourquoi la France est montrée du doigt pour son manque de solidarité à l’égard de l’Ukraine. Mais la vérité est qu’elle manque cruellement de moyens militaires depuis les coupes subies jusqu’en 2012, voire 2015. La vigilance est donc de mise.
Un rééquipement urgent
En matière de défense, chacun sait en effet que la reconduction à l’identique du budget 2024 aurait pour effet de renoncer à « franchir la marche » à 3,3 milliards d’euros prévue à l’article 4 de la loi de programmation militaire (LPM) pour les années 2024-2030 adoptée il y a un an. Fâcheux pour une deuxième année d’exécution. Certes, notre pays n’est pas en première ligne dans les conflits majeurs en cours dans le monde, mais si l’on admet que l’époque a changé et que ce changement est durable, il convient d’en tirer les conséquences en termes militaires. Notre pays a besoin d’équiper son armée à un rythme accéléré. Tel est l’enjeu du budget de la défense à adopter cet automne.
La bonne nouvelle dans ce contexte sombre, c’est que l’investissement de défense est rentable. Cela est admis dorénavant depuis quelques années par la littérature économique (1) même si les analyses divergent sur le délai du retour sur investissement (interrogé sur le sujet, un logiciel d’IA générative donne la fourchette de 0,6 à 1,2 de retour sur un an).
Sur le plan de l’économie politique, il paraît en effet possible de dégager un certain consensus qui pourrait se résumer en une quinzaine de constats objectifs.
Il n’existe pas d’effort de défense (exprimé en % PIB) optimal absolu, mais des optima relatifs en fonction de la réalité de la menace et de la taille du pays ; à ce titre, l’objectif otanien de 2% est très inférieur aux normes de la guerre froide, quand l’OTAN exigeait au moins 3%. Cela n’a donc aucun sens de comparer le taux d’effort actuel avec ce qu’il était à une autre période, ni de comparer le taux d’effort entre pays de tailles très différentes. Ce n’est pas un indicateur pertinent, ni en termes économiques, ni même en termes d’efficacité.
La politique industrielle de l’armement (lorsqu’il en existe une) intéresse exclusivement le moyen et le long terme économique parce qu’elle est sous-tendue par une volonté politique de souveraineté et d’autonomie stratégique. Sa définition échappe largement au domaine d’interprétation du calcul traditionnel de rentabilité économique, en raison notamment de la longueur des immobilisations qu’elle utilise, très supérieure à l’horizon de la majorité des investissements commerciaux privés. Le choix du développement des industriels d’armement se présente donc aujourd’hui comme un choix pour l’avenir dont la responsabilité globale revient aux autorités publiques, même si sa réalisation fait intervenir pour moitié des centres de décision privés. Cela rend inadaptés les raisonnements en termes de coûts d’opportunité par rapport aux autres investissements industriels.
L’achat d’équipement sur étagère à l’étranger a pour premier effet macroéconomique d’augmenter les importations. Cet effet négatif peut être partiellement équilibré par des compensations industrielles locales, mais ces « offsets » ont surtout pour conséquence de renchérir le coût des équipements importés et donc de dégrader la balance commerciale. On rappellera que, par fierté d’une autonomie retrouvée, la France refuse depuis au moins 40 ans de demander des compensations industrielles contrairement à sa pratique sous la IVe République, pratique toujours en cours, malgré les codes européens de bonne conduite, de la part de la plupart de nos partenaires européens avec, pour certains, la volonté d’avoir surtout des compensations bien plus que des équipements.
L’achat d’équipements militaires auprès des industriels nationaux (BITD) permet de maîtriser la balance commerciale et d’être souverain à condition que la chaîne de valeur reste très majoritairement nationale de bout en bout. Si ce n’est pas le cas, toute « fuite » hors du circuit économique national diminue l’effet multiplicateur potentiel et fragilise l’objectif de demeurer souverain sur le long terme. Or des études microéconomiques récentes ont montré à quel point cette chaîne de valeur était intégrée au niveau européen, ce que des instruments tels que le fonds européen de défense encourage. Cela va des composants les plus modestes jusqu’à des sous-ensembles majeurs tels que les moteurs diesel et les boîtes de vitesse.
A ce titre, le modèle de l’arsenal (2) apparaît le plus efficace en termes macroéconomiques, à condition que les coûts de production soient maîtrisés, ce qui suppose, en l’absence de compétition, une régulation publique forte au niveau microéconomique sur la formation des prix. A cet égard, le modèle américain d’arsenal national privé mérite d’être rappelé.Pour les États-Unis, le libre échange ne s’applique qu’aux autres. Ils ont parfaitement raison : il n’existe pas de marché de l’équipement de défense, pas de libre concurrence, pas de libre formation des prix, un client unique, une interdiction d’exportation de principe (pour un contrôle politique des exceptions), des barrières considérables à l’entrée de nouveaux fournisseurs, etc. Il n’y a dans le monde que la Commission européenne pour croire à l’existence d’un marché intérieur de défense.
L’impact économique de l’effort de défense n’est pas le même selon que la priorité est donnée à la formation de capital fixe ou de… capital humain : l’effet multiplicateur des rémunérations n’est pas établi au niveau national, même si son rôle pour les économies locales est évident. Il en va différemment de l’effort d’armement. L’investissement de défense comprend en effet plusieurs composantes : la formation de capital fixe sous la forme de capacités industrielles, la formation du capital humain nécessaire à la conception et à l’entretien des équipements, la recherche technologique.
Dépenses de défense : quel impact économique ?
En revanche, considérer l’équipement de combat lui-même comme un investissement est contestable en termes économiques car difficile à amortir et à assurer dans la mesure où sa durée de vie est impossible à déterminer à l’avance. Qui sait si tel Rafale durera 50 ans dans les inventaires sous différentes configurations ou disparaîtra dans l’année par accident ou par fait de guerre ? Par conséquent l’impact économique de l’investissement de défense est d’autant plus fort qu’il touche les trois composantes précédemment citées ; s’il ne concerne que la production d’équipements déjà développés (et à plus forte raison de consommables tels que les munitions), l’impact est nul, voire négatif. Et effectivement, acheter des chars sur étagère à l’étranger (comme le fait la Pologne) n’est pas un investissement au sens économique : c’est une consommation intermédiaire qui capte une dépense publique qui serait sans doute plus utile ailleurs.
Investir dans l’armement ne vise pas à produire un effet économique direct (contrairement à la plupart des investissements civils), mais à délivrer durablement (investir dans l’armement et dans l’industrie nationale d’armement, c’est s’assurer une capacité autonome et sur le long terme d’accéder aux systèmes nécessaires pour notre défense) un bien collectif – la défense – sans lequel le reste des activités économiques et humaines ne peut pas avoir lieu sereinement. L’utilité en matière de défense est cependant une notion ambiguë, car il est très difficile de chiffrer le gain économique dû à une défense efficace, c’est-à-dire assurant la sauvegarde de la nation, la sécurité de ses habitants et la protection de ses intérêts vitaux. La guerre en Ukraine, avec un coût de la reconstruction évalué entre 500 et 600 milliards d’euros (soit quatre années du PIB ukrainien d’avant-guerre) permet d’estimer le gain économique d’une dissuasion efficace. En extrapolant ces chiffres à la France, la comparaison est vertigineuse : une dépense annuelle de défense de 50 milliards d’euros permet ainsi « d’économiser » plus de 10.000 milliards d’euros, soit un retour sur investissement de deux cents contre un : imbattable !
Il ne serait pas tout à fait exact d’affirmer que l’achat de « produits de défense » matures (pour employer la terminologie de l’UE) à l’industrie nationale n’ait aucun intérêt économique : cela permet au moins d’éponger les coûts fixes et donc d’améliorer potentiellement la capacité d’autofinancement afin de faciliter à l’industriel l’investissement sur fonds propres dans le développement de nouveaux produits et de nouvelles capacités.
Les exportations permettent aussi de préserver une base industrielle au service des armées sans que cela ne requière un effort budgétaire national équivalent. Elles contribuent ainsi de manière significative à la finalité première de cette base : participer à la politique d’autonomie stratégique. L’exportation de « produits de défense » (qui sont aussi de plus en plus des services) contribue également autant aux économies d’échelle qu’à l’équilibre de la balance commerciale, dont on sait aujourd’hui à quel point elle est en déficit en dépit d’un excédent croissant des transferts de matériel de guerre (3). Difficile de nier cet impact macroéconomique dans le cas de la France. On aimerait que l’industrie française de la transition énergétique soit aussi performante.
L’innovation technique est en effet inhérente à l’investissement de défense, car les armées recherchent toujours l’efficacité opérationnelle, c’est-à-dire la supériorité sur tous les champs de confrontation potentiels. Or, comme le montre la guerre en Ukraine, cette supériorité ne vient de la « masse » que parce que le rapport de force technologique est équilibré : une rupture technologique pourrait déséquilibrer le rapport de force d’un côté ou de l’autre. C’est pourquoi l’investissement de défense comporte une forte intensité en innovations, le plus souvent plus forte que la plupart des investissements civils. C’est aussi pourquoi certains risques en matière de recherche ne peuvent être assumés que par la puissance publique, du fait de leur faible probabilité de rentabilité à court terme. C’est ainsi que la plupart des ruptures technologiques développées dans la Silicon Valley ont pour origine le financement de programmes de défense par le Pentagone. Une exception toutefois qui n’en est pas une, tant le domaine spatial est d’intérêt dual : le programme (civil) Apollo a été, dans les années soixante, la matrice de la révolution industrielle informatique, mais il s’agissait en réalité moins de poser le pied sur la Lune que de combler le « missile gap » apparu depuis le lancement de Spoutnik en 1957.
La R&D militaire tire l’innovation
Pendant longtemps on a supposé que la R&D militaire induisait un effet d’éviction à l’égard de la R&D civile, tant publique que privée ; mais, comme le remarque Renaud Bellais (4), la chute des budgets militaires n’a pas induit d’augmentation de l’effort civil de recherche. Il apparaît en fait que la R&D militaire représente plus un complément qu’un concurrent de son équivalent civil. Le plus souvent les projets civils ont beaucoup de mal à trouver des appuis. Le budget civil de R&D trouve bien peu de défenseurs face à ceux qui cherchent par tous les moyens à réduire la pression fiscale ; et les projets civils doivent prouver leur « retour sur investissement » (à l’instar des investissements privés). Un tel contexte ne laisse qu’une faible marge de manœuvre et tend à exclure tout financement pour des projets à haut risque ou trop éloignés d’une commercialisation rapide.
L’exemple des hélicoptères montre que les relations dynamiques entre l’aéronautique militaire et civile résultent moins de retombées technologiques du militaire au civil que du nombre élevé des utilisations conjointes de mêmes techniques, voire des possibilités offertes de construire quasi simultanément des versions militaires et civiles des mêmes modèles (ex. Super PUMA). Cette facilité offerte à l’industrie aérospatiale a pour conséquence économique pour les entreprises de réaliser une certaine péréquation entre les résultats des branches civiles et militaires.
L’investissement de défense permet en outre de maintenir et développer un tissu industriel performant alimentant des emplois de qualité dans des territoires ruraux ou en reconversion : il concourt de fait à l’aménagement du territoire, ce qui économise de la dépense sociale.
Au-delà de la R&D, il nous faut veiller plus que jamais à la protection et à la transmission de nos savoir-faire, même ceux qui sont considérés comme les plus traditionnels et les plus rustiques. A défaut, le risque de perte de compétences et de savoir-faire n’épargnera aucune filière.
L’investissement de défense, dès lors qu’il s’inscrit dans une perspective politique de maintien d’une autonomie stratégique, obéit à une programmation de moyen terme, voire dans l’idéal à une planification de long terme, qui s’accommode très mal des à-coups d’une politique budgétaire de court terme, qu’il s’agisse de relancer la demande en anticipant les commandes ou au contraire de freiner le rythme des acquisitions, incompatible avec une saine gestion des capacités industrielles.
Enfin, sauf à exonérer de taxes et de cotisations les fournisseurs de la défense, le retour fiscal et social de la dépense de défense à chaque étape de la chaîne de valeur permet au bout « d’un certain temps » (fonction des caractéristiques du circuit économique en cause) à la puissance publique de rentrer dans ses frais. Un euro dépensé rapporte à terme un euro en rentrées fiscales et sociales, voire davantage. Cela signifie que, loin d’être un pur centre de coût, l’investissement de défense est surtout un centre de profit qui non seulement tire l’innovation technologique, mais permet aussi de financer d’autres priorités politiques économiquement moins rentables : la transition énergétique par exemple, dont le contenu technologique est beaucoup moins intense et la contribution à la balance commerciale beaucoup moins favorable.
C’est pourquoi une politique économique avisée de la part du prochain gouvernement français, alors que les pays européens vivent sous la menace de la Russie, devrait commencer par investir massivement dans des capacités industrielles de défense souveraines. L’effet multiplicateur et le retour fiscal garantiraient rapidement un retour sur investissement permettant d’investir dans d’autres priorités, notamment la formation, la santé et la transition énergétique, toujours dans une perspective souveraine. Il ne faut pas inverser l’ordre des priorités.
1 : Les travaux de l’observatoire économique de la défense (OED) ont sans doute été précurseurs à partir d’avril 2017 avec la publication d’une première étude dans le n°91 de la publication EcoDef (Oudot, 2017), suivie et confirmée par une analyse de la chaire économique de l’IHEDN en mai 2020 (Belin & Malizard, 2020) ; le groupe MARS n’a pas été pour rien dans la diffusion de ces travaux à partir du printemps 2020 : cf. https://www.latribune.fr/opinions/tribunes/l-investissement-dans-la-defense-rapporte-plus-que-ce-qu-il-coute-846190.html
* Le groupe Mars, constitué d’une trentaine de personnalités françaises issues d’horizons différents, des secteurs public et privé et du monde universitaire, se mobilise pour produire des analyses relatives aux enjeux concernant les intérêts stratégiques relatifs à l’industrie de défense et de sécurité et les choix technologiques et industriels qui sont à la base de la souveraineté de la France.
Pas de statu quo pour le budget des armées mais une hausse conforme à la trajectoire inscrite dans la nouvelle loi de programmation militaire. Du moins, pour l’instant, car la situation financière de la France, jugée « catastrophique » par plusieurs sénateurs, pourrait forcer le prochain gouvernement à revoir la copie.
Le budget 2025 des Armées s’en sort jusqu’à présent plutôt bien, confirment des documents perçus ce lundi par la commission des Finances du Sénat. Entre la loi de finances pour 2024 et le plafond de dépenses pour 2025 envoyé fin août par le Premier ministre, les dépenses militaires augmentent de 3,3 Md€ l’an prochain pour plafonner à 50,5 Md€ hors pensions. Soit une hausse fidèle à l’objectif fixé dans la LPM 2024-2030.
D’autres pâtissent néanmoins de la volonté de gel budgétaire prônée par le gouvernement démissionnaire. L’enveloppe consacrée au travail et à l’emploi recule ainsi de 2,3 Md€. Celles de l’aide publique au développement et du plan de relance baissent de 1,3 Md€ et 1,2 Md€. Plusieurs lignes budgétaires sont figées, dont celle allouée à la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ».
Si l’équilibre présenté s’avère bénéfique aux armées, celui-ci demeure aussi provisoire qu’instable. « Une nouvelle fois, les nouvelles ne sont pas bonnes », martelait hier le président de la commission des Finances, le sénateur Claude Raynal (PS) lors d’une conférence de presse. Les dépenses « dérivent dangereusement » quand les recettes se réduisent, l’équation se soldant par « une dégradation historique des comptes de la nation», pointait à son tour Jean-François Husson, sénateur LR et rapporteur général de la commission des Finances.
Selon une note de la Direction générale du Trésor datée de juillet, le déficit public atteindrait désormais les 5,6% du PIB en 2024, contre 5,1% auparavant. Il atteindrait 6,2% en 2025, soit 60 Md€ ou une augmentation de 50% de la dérive par rapport à début 2024. Ces chiffres « établissent la poursuite en 2024 et pour les années à venir, évidemment sous réserve qu’il n’y ait pas de mesures correctrices, de la dégradation des finances publiques que nous constatons déjà depuis 2023 », constate Claude Raynal.
« On ne peut pas sans arrêt bidouiller », poursuit Claude Raynal tout en invitant « un gouvernement sérieux » à se mettre au travail « pour redresser la situation dont il va hériter ». Entre une réduction des dépenses ou une hausse des recettes, les sénateurs privilégient la prudence sur la marche à suivre mais seront forces de proposition lorsque le temps des discussions parlementaires sera venu. La partie ne fait donc que commencer et, malgré un contexte sécuritaire dégradé et la nécessité de continuer à renforcer l’outil de défense, le prochain round pourrait s’avérer autrement plus corsé.
Depuis la fin de la guerre froide, la flotte de chasse de l’Armée de l’air et de l’Espace, a été divisé par trois, passant de plus de 600 Mirage F1, Mirage 2000 et Jaguar, à moins de 200 Rafale et Mirage 2000D et -5F. La flotte de l’Aéronautique navale a, elle aussi, subi une sévère cure d’amaigrissement, passant de 80 Super-Étendard, F-8 Crusader et Étendard IVP, a seulement 40 Rafale M.
Cette réduction de format a souvent été critiquée, par les spécialistes du sujet, ainsi que par certains parlementaires, et même, plus récemment et de manière plus feutrée, par les états-majors eux-mêmes. Ainsi, l’Armée de l’Air et de l’Espace estime, publiquement, qu’il lui faudrait « au moins », 225 avions de combat, pour répondre à son contrat opérationnel.
Toutefois, le format optimal de la chasse française semble, aujourd’hui, davantage une question de négociations politiques et budgétaires, que le résultat d’un raisonnement objectif, face aux besoins auxquels l’Armée de l’Air et l’Aéronavale doivent être en mesure de répondre.
Dans cet article, nous tenterons de mener ce raisonnement, et de déterminer quel serait ce format, nécessaire et suffisant, pour permettre à la chasse française, de remplir pleinement et efficacement ses missions présentes et à venir. Comme nous le verrons, le format actuel apparait très sous-estimé.
Sommaire
Le format de la flotte de chasse française aujourd’hui, son origine et son contrat opérationnel
Ce format, justement, quel est-il, et d’où vient-il ? Aujourd’hui, le LPM 2024-2030 vise à amener la flotte de chasse française à 225 avions de combat, avec 185 chasseurs pour l’Armée de l’Air et de l’Espace, et 40 pour l’Aéronautique navale.
Ce format a été fixé par la Revue Stratégique 2022, elle-même reprenant ce format de la Revue Stratégique 2018, qui servit de support à la création de la LPM 2029-2025 précédente. Là encore, ce n’est pas la Revue Stratégique 2018 qui fixa ce format, puisqu’elle avait pour consigne de reprendre l’ensemble des formats des forces, définis par le Livre Blanc de 2013.
C’est, en effet, ce Livre Blanc qui établit, pour la première fois, ce format à 225 avions de combat, avec la répartition 185/40 entre l’AAE et la Marine nationale. Pour arriver à ce résultat, les concepteurs de ce Livre Blanc, qui avaient pour ligne directrice de réduire autant que possible le format des forces armées françaises, fixèrent un contrat opérationnel relativement simple aux deux forces aériennes.
Pour l’AAE, il fallait être en mesure de garantir la projection de 15 avions de combat, y compris sur des bases distantes, comme ce fut le cas au Niger et en Jordanie, pour soutenir les forces françaises et alliées, déployées dans le Sahel ou en Irak et en Syrie. En outre, l’AEE devait assurer la disponibilité de la composante aérienne de la dissuasion française, avec deux escadrons équipés de Rafale. La Marine nationale, elle, devait permettre d’armer de 18 chasseurs le porte-avions Charles de Gaulle, pour deux déploiements de deux mois par an.
Cette réduction des formats permettait, par ailleurs, de réduire sensiblement les besoins de formation et d’entrainement des équipages, ainsi que les stocks de munitions, d’autant que la principale menace conventionnelle alors envisagée, concernait des conflits dissymétriques, en Afrique ou au Moyen-Orient, avec une menace très réduite sur les appareils eux-mêmes, et une pression opérationnelle relativement réduite pour les forces déployées.
La pression opérationnelle sur la chasse française depuis 2014, sensiblement supérieure à celle estimée par le Livre Blanc 2013
Bien évidemment, cette pression opérationnelle, depuis 2013, n’a absolument pas respecté la planification du Livre Blanc. L’Armée de l’Air et de l’Espace a ainsi dû, à plusieurs reprises, déployer vingt à trente appareils de combat en missions extérieures, y compris en Europe. Le porte-avions, quant à lui, a souvent largement dépassé les quatre mois de mer par an prévus, avec un record de 8 mois à la mer pour l’année 2019, avant son IPER.
Si les armées françaises ont largement allégé leur dispositif en Afrique ces dernières années, le dispositif au Levant, lui, reste inchangé, alors que l’évolution des tensions, et des guerres, en Europe et dans le Pacifique, ont amené à de nouveaux déploiements particulièrement gourmands en potentiel de vol des appareils comme des équipages.
À ce sujet, justement, il est apparu que les appareils déployés, tendaient à consommer beaucoup plus rapidement leur potentiel de vol, par rapport aux appareils employés en France pour les missions d’entraînement et de Police du Ciel, d’un facteur allant de 2 à 3.
Comme tous les avions, civils ou militaires, les avions de chasse doivent respecter une procédure de maintenance très stricte, ponctuée de grandes visites, au bout d’un certain nombre d’heures de vol, durant lesquelles les appareils sont presque entièrement démontés et rassemblés, pour en garantir le bon fonctionnement à venir.
De fait, ces grandes visites rendent indisponibles chaque appareil pour plusieurs mois, et sont d’autant plus rapprochées, que les appareils volent beaucoup, en particulier en déploiement extérieur, et lors des missions opérationnelles.
40 avions de chasse promis par la France à l’OTAN, en cas de tensions ou de conflit
Si la pression opérationnelle a considérablement évolué ces dernières années, la guerre en Ukraine, et les fortes tensions entre l’OTAN et la Russie, ont amené à réviser le paramètre clé, au cœur de la construction même du format nécessaire et suffisante, de la flotte de chasse française.
En effet, la France s’est engagée, depuis son retour dans le Commandement intégré de l’OTAN, à fournir à l’Alliance, en cas de conflit, 40 avions de chasse prêts au combat. Cet engagement n’est pas nouveau, mais les évolutions géopolitiques récentes, en ont fait évoluer le statut.
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Incontestablement, le Leclerc Evolution, présenté par KNDS, aura été l’un des blindés phares du salon Eurosatory 2024, qui ferme ses portes ce vendredi. Ce char réalise, en effet, la synthèse entre le Leclerc EAU (Émirats arabes unis) et la tourelle EMBT, présentée en 2022 lors de la précédente édition de ce salon.
Ainsi, le Leclerc Evolution peut prétendre s’inviter, sans pâlir, dans la nouvelle génération intermédiaire de chars de combat en cours de conception, aux côtés du Leopard 2AX/3, développé par KNDS Allemagne, du KF51 Panther de Rheinmetall, du M1E3 Abrams américain, et du T-14 russe, ce d’autant qu’il est présenté, par ses concepteurs, comme « prêt à produire », sur un marché international en forte demande.
Toutefois, comme la commande des 18 Leopard 2A8 par la Bundeswehr, avait lancé la carrière internationale de ce blindé, commandé, ou bientôt commandé, par quatre autres pays européens en seulement un an, le super-char de KNDS France doit, avant tout, obtenir une commande de l’Armée de terre française, pour se positionner de manière crédible sur la scène internationale.
Malheureusement pour le Leclerc Evolution, et la stratégie de KNDS, l’Armée de terre, comme le ministère des Armées n’ont, pour l’heure, nullement l’intention, ni les moyens, d’acquérir le nouveau char français.
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Le char n’est pas la priorité de l’Armée de terre aujourd’hui
Et pour cause. De l’aveu même de l’Armée de terre française, les chars ne sont pas, pour elle, la priorité aujourd’hui. En effet, celle-ci doit, dans le cadre de la LPM 2024-2030, mener à bien de nombreux programmes, qui seront difficiles à financer dans leur intégralité, avec, notamment, le déploiement des Griffon, Serval et Jaguar du programme SCORPION, la conception et la commande des VBAE pour remplacer les VBL, l’acquisition des 109 Caesar MkII qui doivent former la colonne vertébrale de l’artillerie française, ou encore la modernisation des hélicoptères d’attaque Tigre et l’entrée en service du H-160M Guépard, pour l’ALAT.
Cette modernisation à marche forcée, conséquence de 25 ans de sous-investissements dans le remplacement des équipements, et d’une utilisation intensive des moyens en Afghanistan, au Levant et dans la bande sahélienne, ne laisse presque aucune marge de manœuvre à l’état-major de l’Armée de Terre, pour, éventuellement, se saisir d’opportunités apparues lors de cette LPM.
Au-delà de ces contraintes parfaitement claires sur les six années à venir, l’Armée de terre souffre, également, d’un état-major dans lequel les forces légères, Légion, troupes de marine et parachutistes, sont sur-représentées par rapport aux unités de ligne, en particulier les chars de combat.
Ainsi, ces 10 dernières années, l’Armée de terre a été commandée par un parachutiste (Gal Bosser), un légionnaire (Gal Burkhard) et un TdM (Gal Schill), alors que le poste de Major Général a été assumé par deux parachutistes (Gal de La Chesnais et Gomart), un génie (Gal Quevilly), et deux cavaliers (Gal Barrera et Béchon), mais ayant fait leurs armes, pour l’essentiel, dans la cavalerie légère.
Par ce tropisme pour les forces légères et de manœuvre, les impératifs de modernisation touchant l’ensemble des équipements, dont l’omniprésente gamme de blindés médians, l’historique opérationnel récent et les contraintes budgétaires, il n’est guère surprenant que les capacités de ligne françaises, chars de combat, artillerie lourde et infanterie mécanisée, n’ont guère été au centre des préoccupations de l’état-major de l’Armée de terre.
Ainsi, alors que ces moyens sont au cœur du conflit en Ukraine contre la Russie, ils sont les parents pauvres des efforts consentis par l’Armée de terre dans la LPM 2024-2030, avec une modernisation limitée de 160 Leclerc seulement, la commande de 109 Caesar MkII appelés à former la totalité de l’artillerie de 155 mm de l’AT et l’absence de modernisation des VBCI.
La stratégie de KNDS loin des attentes françaises qui lui ont donné naissance
À ces considérations purement militaires et budgétaires, s’ajoutent une probable déception politique, concernant la stratégie, pourtant pertinente, établie par KNDS, autour des Leopard 2A-RC 3.0 et Leclerc Evolution, en préparation du MGCS.
En effet, initialement, la fusion entre Nexter et Krauss-Maffei Wegmann, voulue par Jean-Luc Le Drian et Ursula van der Leyen, avait pour objectif de rapprocher les programmes de R&D et de production dans le domaine des armements terrestres, en particulier pour les armées des deux pays. Le programme MGCS devait servir de pivot entre les deux entreprises, et les deux armées, pour donner naissance à cette dynamique.
Rapidement, cependant, il devint évident que les attentes des deux armées, comme les marchés des deux entreprises nationales, n’avaient qu’une surface de recoupement très faible.
Ces divergences tinrent le rôle de frein concernant le programme MGCS, presque à l’arrêt pendant cinq ans, sur fonds de divergences des attentes des armées des deux pays, et de tensions portant sur le partage industriel, plus précisément entre Nexter et Rheinmetall, après que ce dernier fut imposé au programme par le Bundestag, en 2019.
La réponse de KNDS, à ce constat, aura été pertinente, bien qu’inattendue. En effet, plutôt que de rester chacun chez soi, des deux cotés du Rhin, KMW et Nexter entreprirent de developper une offre globale, complémentaire et structurée, pour couvrir le plus de besoins possibles avec la plus grande valeur ajoutée.
À ce sujet, la présentation du Leclerc Evolution a représenté, en quelque sorte, le coming-out de Nexter, concernant cette stratégie industrielle et commerciale, presque à l’opposée des objectifs politiques initiaux, en revendiquant des développements différenciés, et non commun, au profit d’une offre élargie, et non standardisée.
Une LPM sous contrainte et le flou politique interdisent tout opportunisme industriel
Si les biais de l’état-major de l’Armée de terre, et la possible irritation politique liée à la stratégie révélée de KNDS, jouent certainement un rôle important, dans le refus avancé de se tourner vers le Leclerc Evolution, c’est, sans le moindre doute, les contraintes budgétaires, liées à l’exécution de la LPM 2024-2030, qui constituent le frein le plus important, et le plus efficace, à son encontre.
En effet, bien qu’avec 413 Md€ planifiés pour les armées sur cette période, l’effort de renouvellement et de modernisation est évident et palpable, la LPM est, cependant, à ce point optimisée, que libérer des crédits pour développer et acquérir, ne serait-ce qu’une centaine de nouveaux chars, apparait hors de portée de l’Armée de Terre, comme du ministère des Armées.
Et s’il existe des clauses de revoyures, en particulier en 2026, pour adapter la LPM aux évolutions des besoins des armées, il convient de garder à l’esprit que l’enveloppe globale, elle, est peu susceptible d’évoluer, tout au moins de manières significatives. Pour y parvenir, il serait nécessaire que l’exécutif opère un changement d’objectifs pour la suite de la LPM, et augmente les investissements prévus, dans le cadre de cette LPM.
Or, le flou politique qui s’est abattu sur la France ces dernières semaines, et qui pourrait bien perdurer au-delà des élections législatives anticipées, rend difficile, pour ne pas dire improbable, qu’un changement de trajectoire puisse être opéré, à ce sujet, dans les mois à venir.
L’Armée de terre et KNDS ne doivent pas rater l’opportunité du Leclerc Evolution
Pourtant, le nouveau Leclerc représente une opportunité unique, afin de permettre à KNDS France, de devenir, à nouveau, un acteur majeur, à l’échelle mondiale, dans le domaine des blindés chenillés lourds, et des chars de combat en particulier, et pour l’Armée de terre, de recoller aux capacités d’engagement de ligne en matière de haute intensité.
En effet, comme évoqué précédemment, le char dispose d’atouts significatifs, pour séduire sur la scène internationale, ce d’autant qu’il serait présenté là où le Leopard 3 n’ira pas, et vice-versa. En d’autres termes, le char bénéficierait d’un positionnement concurrentiel particulièrement attractif, face au K-2 Black Panther sud-coréen, au T-90MS russe, au VT-4 chinois, et même face au M1E3 américain.
Plus performant que les modèles russes, chinois et sud-coréens, il sera, en revanche, sensiblement moins cher que le nouvel Abrams américain, tout en arrivant, sur le marché, avec plusieurs années d’avance, pour peu que la France réagisse suffisamment vite.
Qui plus est, cela permettrait à KNDS de recoller au tempo de la demande, après avoir subi les affres de la contre-programmation avec le Leclerc, arrivé sur un marché atone avec la fin du bloc soviétique, et qui, par ailleurs, s’interrogeait sur l’intérêt du char, après la guerre du Golfe et surtout la première guerre de Tchétchénie.
Cela mettrait, par ailleurs, KNDS France sur un pied d’égalité avec KNDS Deutschland dans le cadre du programme MGCS, en jouant un rôle similaire sur le marché mondial du char de combat, et en maturant effectivement certaines technologies clés, comme l’équipage à quatre membres et le canon Ascalon.
Quant à l’Armée de terre, elle disposerait d’un char de combat, même en petite quantité, particulièrement adapté au combat moderne de haute intensité, susceptible d’évoluer dans les environnements difficiles, comme le long d’une ligne d’engagement figée ou en zone urbaine.
Par ailleurs, l’arrivée de 100 ou 120 Leclerc Evolution, un nombre suffisant pour lancer la production, donc la carrière internationale du blindé, permettrait de décaler autant de Leclerc MLU, par exemple, pour armer des régiments de réservistes, et ainsi, disposer d’une réelle capacité de rotation.
Le Leclerc Evolution permettrait, enfin, à l’Armée de terre comme à la BITD française, d’obtenir de nombreux retours d’expérience, pouvant influencer de manière pertinente le programme MGCS, tant pour le dérisquer que pour le doter de nouvelles capacités optimisées.
Dans le cas contraire, l’armée de terre devra aller jusqu’en 2045 avec ses Leclerc actuels, qui n’auront plus de potentiel opérationnel significatif d’ici à quelques années, et l’arrivée des premiers chars de génération intermédiaire. Elle sera, ainsi, tout autant privée de moyens opérationnels que de la possibilité de faire évoluer son expertise et sa doctrine, dans un monde dans lequel les tempos technologiques et tactiques évoluent très rapidement.
Quant à KNDS France, l’industriel aura perdu, en grande partie, son expertise et sa crédibilité dans le domaine des blindés lourds, pour n’avoir plus vendu de chars, ou de blindés chenillés, depuis les Leclerc émiratis. Dans le même temps, KNDS Deutschland fera, sans le moindre doute, de son Leopard 3 un succès, avec le risque de déclasser la BITD terrestre française, y compris face à Rheinmetall, si le KF51 trouvait preneur.
Changer les paradigmes du programme Leclerc Evolution pour pouvoir lui donner naissance
Que faire, lorsque s’impose la nécessité de développer et de mettre en œuvre le Leclerc Evolution en France, alors que les contraintes budgétaires et politiques l’interdisent ? En effet, il apparait de ce qui précède, que le char de KNDS France, se trouve dans une impasse, en dépit d’un potentiel industriel et opérationnel indéniable.
La solution la plus évidente serait une décision politique en faveur d’une hausse des crédits de défense à relativement courts termes, pour financer la conception du char et sa commande pour les armées françaises. Cependant, celle-ci est peu probable, puisqu’aucun des programmes des trois formations politiques, en tête des sondages pour les législatives anticipées, envisage une telle hypothèse.
Une coproduction, sous la forme d’un marché conjoint signé entre plusieurs pays européens, pourrait, en revanche, en faciliter l’émergence. Ainsi, à l’image de l’accord signé entre Paris, Zagreb et Tallinn, au sujet des Caesar ; entre la France, la Belgique, Chypre, l’Estonie et la Hongrie, pour les missiles Mistral 3 ; ou avec la Grèce, pour les frégates FDI, Paris peut tenter de trouver des partenaires susceptibles d’étendre l’assiette du programme, et de porter une part des couts de développements.
En Europe, la Grèce, qui doit remplacer un grand nombre de ses blindés, y compris ses chars, et qui dispose d’une industrie de défense terrestre, et la Belgique, partenaire de la France dans le cadre du programme CaMo, pourraient rejoindre un tel programme.
Rappelons que si le retour budgétaire, sur les dépenses d’état, dans le domaine de l’industrie de l’armement, s’établit autour de 50 % pour un char comme le Leclerc Evolution, qui repose sur certains composants importés (Moteur MTU, APS Trophy), celui-ci atteint 85 à 90 % lorsque les montants exportés sont équivalents à ceux investis.
En d’autres termes, si Paris commandait 200 Leclerc Evolution, et parvenait, par l’intermédiaire des nouveaux modèles de coopération industriel de défense, à exporter 200 exemplaires, le cout final, sur le budget de l’État, ne dépasserait pas les 15 % des montants investis par la France, dans ce programme, soit moins de 500 m€, pour entièrement renouveler la composante chars lourds de l’Armée de terre, tout en libérant les moyens matériels pour trois régiments de chars de réserve.
Conclusion
On le voit, il ne fait guère de doutes que le char Leclerc Evolution, présenté par KNDS lors du salon Eurosatory 2024, représente une réelle opportunité, tant pour l’industriel et l’ensemble de la BITD terre française, que pour l’Armée de terre, fut-elle quelque peu rétive à franchir le pas.
Toutefois, pour se saisir de ces opportunités, il serait, très certainement, indispensable de faire évoluer plusieurs des paradigmes clés concernant l’acquisition des équipements de défense, et surtout, l’anticipation de la soutenabilité budgétaire de la démarche.
En effet, pour peu qu’il soit possible de sécuriser un volume de commandes à l’export, équivalent au montant des investissements français dans ce programme, il s’avère que le mur qui semble se dresser entre l’Armée de terre, le Leclerc Evolution et sa carrière internationale, pourrait être en grande partie contourné, au point d’être soutenable, y compris pour les caisses de l’État sous tension.
Reste que pour faire de ce programme un véritable succès, un dernier paramètre, celui du temps, doit être pris en considération. En effet, lancer la production du nouveau Leclerc, pour l’Armée de terre, comme pour le marché export, n’a d’intérêt que si elle intervient dans les quelques années à venir, concomitamment au Leopard 2AX/3 allemand, et avant le M1E3 américain.
Faute de quoi, le marché se sera rapidement restructuré autour des nouveaux chars allemands et américains, ainsi que des modèles sud-coréens, turcs, russes ou chinois, ne laissant, comme ce fut le cas pour le Leclerc, qu’un marché saturé en perspective.
La question est donc de savoir si le ministère des Armées, comme le ministère du Budget et de l’économie, sauront faire preuve de la souplesse comme de la vélocité suffisante, pour effectivement permettre à l’industrie de défense française, KNDS France en particulier, de réinvestir le marché des chars de combat et des blindés lourds chenillés, dans un marché plus porteur que jamais ?
Article du 21 juin en version intégrale jusqu’au 3 aout 2024.
De nombreuses voix s’élèvent pour dénoncer les insuffisances de l’effort de defense français face à la montée en puissance des menaces internationales, alors que l’encre de la Loi de Programmation Militaire 2024-2030, votée en juillet dernier, est à peine sèche.
Entre le spectre d’une Chine surpuissante, la renaissance de la puissance militaro-industrielle russe, les perspectives pessimistes concernant la guerre en Ukraine, les tensions au Moyen-Orient et le possible retour de Donald Trump à la Maison-Blanche, plus que jamais depuis la fin de la crise des Euromissiles, le rôle des armées françaises, pour garantir la sécurité du pays, mais aussi de ses alliés, est aujourd’hui crucial.
La LPM 2024-2030, en reprenant le format des armées conçu en 2013 par un Livre Blanc structuré autour d’une menace dissymétrique, et en ne visant que le plancher d’investissement fixé par l’OTAN de 2 % du PIB, ne répond ni en volume, ni dans son calendrier, aux défis qui s’accumulent face aux armées françaises.
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Pour autant, les arguments avancés pour expliquer ce manque d’ambition et de moyens, apparaissent raisonnables, avec un déficit public chronique ne parvenant pas à passer sous la barre des 3 %, une dette souveraine s’approchant des 120 % de PIB, et une économie encore chancelante avec une croissance limitée et un chômage vivace, le tout venant caper les capacités d’investissements de l’État.
Alors, est-il illusoire de vouloir amener l’effort de défense français au niveau requis pour effectivement répondre aux enjeux sécuritaires ? Comme nous le verrons dans cet article, tout dépend de la manière dont le problème est posé.
Une LPM 2024-2030 à 2 % PIB est objectivement insuffisante pour répondre aux enjeux sécuritaires à venir
Si la LPM 2024-2030 s’enorgueillit d’une hausse inégalée des dépenses de défense sur sa durée, avec un budget des armées qui passera de 43,9 Md€ en 2023 à 67 Md€ en 2030, l’effort de défense, c’est-à-dire le rapport entre ces dépenses et le produit intérieur brut du pays, demeurera relativement stable, autour de 2 %.
De fait, en de nombreux aspects, cette hausse annoncée des crédits sera en trompe-l’œil, d’autant qu’elle sera en partie érodée par les effets de l’inflation, comme ce fut d’ailleurs le cas lors de la précédente LPM.
Dans un précédent article, nous avions montré qu’il serait nécessaire, pour la France, de produire un effort de défense supérieur ou égal à 2,65 % PIB pour répondre aux enjeux du moment. Depuis sa rédaction, plusieurs facteurs sont venus aggraver les menaces, donc le calendrier des besoins pour les armées, et avec eux, les besoins d’investissements.
Répondre au besoin de recapitalisation des armées françaises
D’abord, avec un effort à 2,65 % tel qu’il a été préconisé, la recapitalisation des armées françaises, après 20 années de sous investissements critiques, se voulait relativement progressive. En effet, le pic de menaces alors évalué se situait entre 2035 et 2040, ce qui laissait une quinzaine d’années à l’effort de défense pour combler les lacunes constatées, et remplacer les matériels les plus obsolètes comme les hélicoptères Gazelle, les Patrouilleurs Hauturier, et bien d’autres.
Or, le tempo s’est considérablement accru ces derniers mois, sous l’effet conjugué d’une Chine de plus en plus sûre d’elle dans le Pacifique, d’une Russie, en pleine confiance, qui a renoué avec une puissance militaro-industrielle de premier ordre, d’un axe de fait qui s’est formé entre ces deux pays, l’Iran et la Corée du Nord, et la menace désormais très perceptible du retour de Donald Trump à la Maison-Blanche à l’occasion des élections présidentielles américaines de 2024.
En d’autres termes, là où l’on pouvait considérer raisonnable, un délai de 15 ans pour recapitaliser les armées françaises il y a quelques mois, il est aujourd’hui nécessaire de faire le même effort de modernisation et de transformation, sur un délai sensiblement plus court, le pic de menace pouvant débuter dès 2028, voire avant cela, selon les prévisions les plus pessimistes.
Assurer la transformation conventionnelle vers le théâtre européen
Sur ce même intervalle de temps, les armées françaises doivent aussi assurer une profonde transformation d’une partie significative de leurs forces, pour répondre aux besoins spécifiques du théâtre centre-Europe face à la Russie.
En effet, à ce jour, une part majoritaire des armées françaises, et plus spécifiquement de l’Armée de Terre, est conçue et organisée pour répondre aux besoins de projection de puissance sur des théâtres dissymétrique, en Afrique notamment. Légères et très mobiles, ces unités ont démontré une grande efficacité en Irak ou dans la zone Sud-saharienne.
Toutefois, force est de constater que les VBCI, VAB et même les VBMR et EBRC plus récents, manquent de puissance de feu et de protection pour évoluer face à un adversaire symétrique comme peut l’être la Russie, alors que, dans le ciel, les forces aériennes souffrent de ne disposer d’aucune capacité avancée de guerre électronique ou de suppression des défenses aériennes adverses, pour s’opposer à une défense antiaérienne performante, dense et structurée, comme c’est le cas dans les armées russes.
Étendre les armées et leur résilience
Non seulement les armées françaises apparaissent « trop légères » pour un affrontement en Europe centrale, mais elles souffrent, dans le même temps, d’un format trop réduit pour envisager de s’engager dans un affrontement conventionnel symétrique.
Ainsi, avec seulement 200 chars de combat, moins de 120 tubes d’artillerie, et au mieux, deux brigades lourdes, et deux brigades moyennes, pouvant répondre à ce type d’engagement, les armées françaises ont tout juste la possibilité d’engager une division mécanisée complète sur un éventuel front oriental.
Pire encore, une fois les deux brigades disponibles engagées, l’Armée de terre ne dispose que de peu de réserves matérielles pour assurer la rotation des forces, même si un effort a été fait lors de la LPM 2024-2030, pour tenter d’accroitre les forces de réserves, afin de renforcer la résilience humaine des armées.
La situation n’est guère meilleure dans les autres armées, avec une flotte de chasse limitée à 185 appareils pour l’Armée de l’air, un unique groupe aéronaval pour la Marine, et une flotte d’escorteurs de premier rang trop réduite pour effectivement assurer la sécurité des grandes unités majeures que sont le porte-avions et les 3 PHA, encore moins d’assurer la sécurité des espaces maritimes dont elle a la charge.
Renforcer l’industrie de défense nationale
Si la guerre en Ukraine a montré, de manière évidente, les insuffisances de format des armées françaises, elle a aussi mis en évidence le sous-dimensionnement et la vulnérabilité de l’industrie de défense nationale, qui peine à produire ne serait-ce qu’une partie des munitions nécessaires à l’Ukraine pour tenir face à la puissance retrouvée du complexe industriel militaire russe. Rappelons , à ce titre, que la France a un PIB presque 60 % plus important que celui de la Russie.
Sur ce même intervalle de temps réduit, allant jusqu’en 2028, 2030 au mieux, il serait donc aussi indispensable de reformater l’ensemble de l’outil industriel de défense français, afin de répondre aux besoins de reconstruction et d’extension des armées, mais aussi pour soutenir, dans la durée, les opérations militaires des armées françaises engagées dans un conflit conventionnel symétrique, le cas échéant.
Il convient aussi de conscidérer que l’industrie française, par sa position géographique, et par le statut spécifique du pays disposant d’une dissuasion, pourrait avoir un rôle tout particulier à jouer pour soutenir les armées européennes dans un tel engagement, et pas uniquement les armées françaises, en charge d’une portion seulement de la ligne de défense.
Renforcer la dissuasion française face à la menace sino-russe
Enfin, il s’avèrerait probablement nécessaire de revoir le format et les moyens à disposition de la dissuasion française, aujourd’hui construite sur le principe de stricte suffisance, mais en temps de paix.
En effet, la Russie a explicitement fait savoir qu’elle n’était plus engagée par les accords internationaux post-guerre froide, alors que la Chine est engagée dans un effort sans précédant pour renforcer sa triade nucléaire, et la mettre au niveau des Etats-Unis et de la Chine.
Ne pouvant écarter un possible retour de l’isolationnisme américain, et devant anticiper un engagement total des forces US dans le Pacifique face à la Chine, il revient donc à la France, et à la Grande-Bretagne, d’assurer le parapluie dissuasif des pays européens.
Or, pour ce faire, les deux pays souffrent d’un déficit de moyens pour contrer la menace russe qui peut s’appuyer sur une triade nucléaire forte de 12 SNLE (contre 8 franco-britanniques), de 110 bombardiers stratégiques (contre une vingtaine de Rafale/ASMPA français), et de plusieurs centaines de missiles ICBM et SRBM terrestres (contre 0 dans les deux pays).
Un effort de défense à 3 % PIB comme point d’équilibre entre besoins immédiats et à venir
Relever le défi préalablement esquissé, d’ici à 2030, nécessiterait une étude approfondie et un effort national dépassant de beaucoup le seul périmètre du ministère des Armées, et surtout de cet article.
En revanche, sur la base d’un point d’équilibre moyen établit autour de 2,65 % de PIB, comme analysé dans de précédents articles, on peut estimer qu’un effort de défense transitoire à 3 % du PIB s’avèrerait nécessaire, dans les années à venir, pour financer l’ensemble des mesures requises, sur le calendrier imposé par la détérioration de la situation internationale.
Or, dans la situation budgétaire actuelle du pays, qui peine déjà à financer les 47 Md€ des armées valant moins de 2 % du PIB 2023, comment peut-on espérer amener cet effort de défense à 70 Md€ (2023), soit 3 % du PIB ?
Combien coute à l’État le budget des armées 2023 à 45 Md€ ?
Pour répondre à cette question, il convient dans un premier temps d’estimer la soutenabilité de l’effort de défense à 2 % du PIB en 2023, valant 47 Md€. Il est nécessaire d’introduire la notion de retour budgétaire, c’est-à-dire les recettes et économies budgétaires réalisées par sur le Budget de l’État, en application des investissements consentis sur le budget des armées.
La notion de retour budgétaire
Pour calculer ce retour budgétaire, il convient dans un premier temps d’effectuer une découpe synthétique du budget des armées, comme suit :
20 Md€ pour les frais de personnels militaires et civils
19 Md€ pour les acquisitions, R&D et entretient des équipements des armées
et enfin 8 Md€ pour la dissuasion, dont 4 Md€ pour les couts de personnels, et 4 Md€ pour les investissements industriels et technologiques.
De fait, on peut décomposer le budget des armées en deux catégories, 24 Md€ pour les couts de personnels, et 23 Md€ pour les investissements industriels. Or, chacune de ces catégories produit un retour budgétaire propre.
Ainsi, les recettes d’état concernant les dépenses de personnels peuvent s’évaluer au travers du taux de prélèvement moyen sur PIB français calculé par l’OCDE, qui s’élève à 47 % en 2022. Ainsi, les 25 Md€ qu’auraient dû investir les armées pour les couts de personnel en 2023 si l’effort de defense avait atteint 2%, auraient généré 11,3 Md€ de recettes fiscales et sociales dans le pays.
Les plus attentifs auront certainement remarqué que ce calcul prend en compte des recettes sociales qui, logiquement, ne s’imputent pas au budget de l’État. Toutefois, dans la mesure où les comptes sociaux sont structurellement déficitaires en France, et compensés chaque année par le budget de l’État, il est possible, par simplification, de considérer que toutes les recettes s’appliquant aux comptes sociaux, diminuent d’autant la compensation de l’État chaque année, et donc s’imputent à son budget.
Calcul du retour budgétaire sur le budget théorique des armées 2023 à 2 % PIB
Le taux est sensiblement différent pour ce qui concerne les investissements industriels, et ce, pour plusieurs raisons. En premier lieu, le taux de TVA appliqué à toutes ces prestations est fixe à 20 %, là où le taux moyen de recette de TVA par rapport au PIB n’est que de 12 %. En d’autres termes, la simple application systématique d’un taux de TVA à 20 % fait croitre le taux de prélèvement moyen sectoriel appliqué à l’industrie de défense de 8 %, pour atteindre 55 %.
En second lieu, l’industrie de défense est, par nature, beaucoup moins exposée que le marché national aux importations, de sorte que l’immense majorité de son réseau de sous-traitance est, lui aussi, national.
S’applique donc un coefficient multiplicateur de recettes supplémentaires pour l’état, que l’on peut aisément ramener par défaut à 65 % des investissements consentis, en lien avec le coefficient multiplicateur keynésien ramené à ce seul secteur industriel. Sur cette base, les 23 Md€ d’investissements industriels et technologiques des armées, génèrent donc 15 Md€ de recettes et économies sur le budget de l’État.
Ainsi, sur les 47 Md€ investis initialement par l’état à 2% du PIN, nous venons de montrer que le cout résiduel ne serait que de 47 – (11,3 + 15) = 20,7 Md€. Ce cout doit encore diminuer. En effet, les industries de defense françaises exportent, en moyenne chaque année, l’équivalent de 50 % des investissements nationaux réalisés.
Ainsi, si 23 Md€ sont investis par l’État, cette règle empirique, mais aisément confirmée sur les 20 dernières années, voudrait qu’en moyenne, les industries de defense françaises exportent chaque année pour 11,5 Md€ d’équipements de defense. Déduction faite de la TVA puisque exportés, et des productions locales, ces exportations rapportent 40 % des sommes investis en taxes et cotisations sociales au budget national, soit 4,6 Md€.
Au total, donc, sur les 47 Md€ investis, l’état récupère ou économise en moyenne 30,9 Md€, et ne doit abonder ce budget par d’autres sources de financement qu’à hauteur de 16,1 Md€.
Combien couterait à l’état un budget des armées (2023) à 3 % PIB (70 Md€)
Sur les mêmes hypothèses, il est possible de calculer quel serait le surcout réel engendré par une hausse de l’effort de defense de 2 à 3 % du PIB, soit un budget des armées à 70 Md€ sur la même hypothèse de travail 2023.
L’approche la plus triviale serait de s’appuyer sur une croissance homothétique des couts, c’est-à-dire des couts de personnels passant de 22 à 32,7 Md€, des couts industriels de 19 à 28,3 Md€, et une dissuasion passant de 8 à 11,9 Md€, dont 6 Md€ de couts de personnels. Ainsi posé, le reste à charge de l’État passerait de 20,7 à 37,7 Md€, soit une hausse de 17 Md€, sans tenir compte des exportations.
Cette hypothèse est pourtant aussi peu efficace que peu crédible. En effet, passer les dépenses de personnels totales de 23 Md€ à 32,7 Md€ n’aurait aucun sens, les armées ne parvenant déjà pas à remplir leurs objectifs de recrutement aujourd’hui. En outre, les besoins identifiés en début d’article, porte davantage sur de nouveaux équipements, et de nouvelles capacités industrielles et opérationnelles, que sur des forces simplement augmentées de 50%.
Hypothèse d’une croissance budgétaire optimisée
Prenons donc une hypothèse différente, à savoir des couts de personnels amenés à 28 Md€, une dissuasion amenée à 11 Md€ dont 5 Md€ pour les personnels, et les investissements industriels et technologiques passant de 19 à 31 Md€. Ce découpage génère un investissement total RH de 33 Md€, pour un investissement industriel total de 37 Md€.
En appliquant les mêmes données que lors du calcul précédent, nous obtenons donc un retour budgétaire RH de 15,5 Md€, et un retour budgétaire industriel de 24 Md€, soit un total initial de 39,6 Md€. En reprenant l’hypothèse de croissance homothétique des exportations à 50 % des investissements industriels, nous atteignons 7,4 Md€ de recettes supplémentaires.
Au total, donc, les 70 Md€ (2023) initialement investis, engendreraient un retour budgétaire de 47 Md€, soit un cout marginal de 23 Md€. En comparaison des 16,1 Md€ aujourd’hui, le surcout du reste à charge de l’État n’augmenterait que de 6,9 Md€.
Un surcout budgétaire de 7 Md€ surévalué
Ce solde est toutefois très supérieur à ce que le budget de l’État devrait effectivement supporter en termes de charges supplémentaires. En effet, en passant de 23 à 37 Md€ d’investissements, les industries de défense seraient amenées à créer de 100.000 à 130.000 emplois directs, et autant d’emplois indirects et induits, soit un total de plus de 200.000 emplois créés en hypothèse basse, auxquels il convient d’ajouter 100.000 emplois supplémentaires liés à la hausse des exportations.
Ces 300.000 créations d’emplois viendraient, évidemment, alléger les dépenses sociales de l’état et des collectivités locales, en soutien aux chercheurs d’emplois, si pas directement, tout au moins par transitivité, à termes.
Avec un cout moyen par chercheur d’emplois estimé aujourd’hui autour de 15 000 € par an pour les différents services de l’État, ces 300 000 nouveaux emplois représenteraient 4,5 Md€ d’économies sur le budget de l’État.
Ainsi, le reste à charge net de l’état, pour avoir amener le budget des armées de 47 Md€ et 2 % du PIB, à 70 Md€ et 3 % du PIB, n’atteindrait que 2,4 Md€ par an, soit à peine plus de 0,09 % du PIB français.
Applications et contraintes du modèle présentée
Bien évidemment, l’approche proposée ici, n’est pas exempte de faiblesses. La plus évidente d’entre elles, est le fait de considérer qu’un constat empirique puisse être transposé comme une règle.
Ainsi, si effectivement, sur les décennies passées, les exportations de l’industrie de défense française ont respecté, en moyenne, le principe des 50 % des investissements nationaux, rien ne garantit qu’une hausse des investissements dans ce domaine puisse être, automatiquement, suivie par une hausse similaire des exportations.
Pour sécuriser cet aspect, il serait, en effet, nécessaire que les armées adoptent une stratégie d’équipement plus favorable aux exportations, et ainsi garantir que la hausse des crédits disponibles s’accompagne d’une hausse des marchés adressables par l’industrie de défense française.
On notera également que pour répondre aux enjeux sécuritaires, il serait nécessaire d’augmenter les effectifs des armées, probablement par l’intermédiaire d’une extension rapide de la Garde Nationale. Cela suppose non seulement que la Garde nationale vienne renforcer les unités existantes de l’armée de terre comme aujourd’hui, mais qu’elle puisse donner naissance à des unités autonomes et intégralement équipées, à l’instar de la Garde Nationale US.
En outre, il serait indispensable, dans cette hypothèse, aux armées technologiques, Marine nationale et Armée de l’Air, de mener une réflexion pour intégrer efficacement le potentiel RH de la Garde Nationale et de la Réserve, pour étendre leurs capacités opérationnelles, et pas simplement pour les suppléer.
Conclusion
On le voit, amener l’effort de défense de la France à 3 % du PIB, ce qui paraissait hors de portée des finances publiques à l’entame de cet article, semble bien plus accessible à la fin de celui-ci.
Pour y parvenir, il faut cependant accepter de profondément faire évoluer le paradigme fort encadrant l’effort de défense national, à savoir ne considérer celui-ci, au seul prisme des dépenses, sans jamais considérer, dans sa conception et son équilibrage, les recettes qui seront, ou sont, générées par ces investissements.
Ce dogme, hérité d’un gaullisme qui n’avait connu qu’une croissance forte et des budgets excédentaires, ne peut plus, aujourd’hui, répondre aux enjeux spécifiques qui encadrent le financement des armées françaises.
Toutefois, contrairement à de nombreux pays, la France dispose d’un atout pour augmenter ses dépenses et investissements dans ce domaine, une industrie de défense globale capable de produire la presque totalité des équipements de defense des armées. Cette industrie est, par ailleurs, largement exportatrice, et faiblement exposée aux importations, en faisant un outil exceptionnel en matière d’efficacité de l’investissement public.
Évidemment, 2,4 Md€ de surcouts, ce n’est pas rien, ce d’autant qu’il faudra très certainement une période de croissance et d’adaptation pour que les équilibrés évoqués se stabilisent. Pour autant, l’effort à consentir, pour effectivement transformer les armées françaises en une force de protection répondant aux enjeux du moment, apparait parfaitement à la portée des finances publiques d’un pays comme la France, qui plus est en les mettant en perspective des risques associés à l’inaction, ou à une action trop timorée.
Reste que si l’innovation technologique est plébiscitée au sein du ministère des Armées, et plus globalement, de la fonction publique, les modèles disruptifs venant bousculer des décennies de planification, certes inefficaces, mais confortables, sont beaucoup plus difficiles à imposer, ou simplement à faire valoir.
Article du 19 février 2024 en version intégrale jusqu’au 24 juillet 2024