UN CHOIX PAS TOUT A FAIT NEUTRE

UN CHOIX PAS TOUT A FAIT NEUTRE

 

– 11 juillet 2024

https://blablachars.blogspot.com/2024/07/un-choix-pas-tout-fait-neutre.html


On a appris cette semaine quelques détails intéressants sur le choix norvégien en faveur du Leopard 2A8, annoncé en février 2023. Alors que les militaires norvégiens avaient choisi le K2 sud-coréen après plusieurs mois d’évaluation, les militaires norvégiens avaient choisi le K2 sud-coréen, c’est finalement son concurrent allemand qui a été sélectionné par les responsables politiques du pays. Derrière cette distorsion, se cacherait un certain nombre d’arguments allemands visant à favoriser le blindé allemand.

On ne connait pas les détails exacts de ces tractations au cours desquels plusieurs sujets sensibles auraient été abordés comme le pétrole et le gaz ou le coût des programmes associés et la présence de la marine allemande au large des côtes norvégiennes.

Le résultat de ce qui ressemble à une vaste tambouille dans laquelle l’avis des militaires n’a pas été pris en compte, a débouché sur la sélection du Leopard 2, qui serait trop lourd pour être déployé dans les zones les plus septentrionales du pays, où se trouvent les frontières finlandaises et russes, objets des mesures de surveillance des états de la région et de l’OTAN. En dépit de leur caractère très surprenant, ces informations si elles étaient confirmées, démontrent que le choix d’un char de combat est un acte éminemment politique, caractéristique qui peut paraître choquante pour les utilisateurs. Cet aspect politique demeure néanmoins essentiel pour une opération liant deux pays pour plusieurs décennies comme on a pu déjà avec la décision allemande du 24 janvier 2023.

Les forces spéciales Terre évaluent le HUTP, le véhicule 4×4 à haute mobilité du français Haulotte

Les forces spéciales Terre évaluent le HUTP, le véhicule 4×4 à haute mobilité du français Haulotte


Ce 14 juillet, l’Agence de l’innovation de défense [AID] présente une soixantaine de projets innovants portés par les armées et les centres de recherche relevant de la Direction générale de l’armement [DGA] dans la cour des Invalides.

S’il sera beaucoup question de robots, de drones et d’intelligence artificielle, un certain nombre d’entre eux sont déjà connus, comme le canon électromagnétique de l’Institut franco-allemand de recherches de Saint-Louis [ISL], le « patrouilleur-guetteur » spatial YODA ou encore l’avion hypersonique « Espadon » sur lequel travaille l’Office national d’études et de recherches aérospatiales [ONERA].

Cela étant, certains de ces projets paraissent bien mystérieux, faute d’explications apportées par l’AID. Ainsi, le Commandemment des actions spéciales Terre [CAST] présentera un « véhicule de ravitaillement dans la profondeur » et un « vélo électrique pliable et largable dans une gaine individuelle de chuteur opérationnel » dont on ne sait que très peu de choses…

En revanche, outre le système de porte-mortier Alakran destiné au petit véhicule tout-terrain Polaris MRZR dont il a été récemment question, l’AID a révélé que les Forces spéciales Terre étaient en train d’évaluer le HUTP [Haulotte Ultralightweight Tactical Platform], un « véhicule 4×4 innovant du segment ‘haute mobilité’ ».

Là encore, les informations à son sujet sont parcellaires… Pour autant, le HUTP n’est pas un inconnu. En effet, celui-ci avait été présenté par l’entreprise française Haulotte, jusqu’alors spécialisée dans la conception et la production de nacelles élévatrices, en 2019.

Le HUTP a effectivement des atouts de taille à faire valoir. Doté d’un moteur diesel de 160 ch et d’une boîte automatique de cinq rapports, il est capable de transporter une charge utile de 1,2 tonne et rouler à la vitesse maximale de 150 km/h, pour un autonomie d’au moins 1000 km. Mais c’est surtout sa mobilité qui est intéressante puisqu’il peut franchir des pentes de 60 % et des devers de 40 %.

Aérotransportable et aérolargable, le HUTP dispose d’une électronique embarquée réduite au maximum. Celle-ci se limite à un calculateur GMP et à quatre prises USB pour son équipage. L’idée est de faciliter ainsi les opérations de maintenance.

Au moment de la présentation de son véhicule, Haulotte avait expliqué que le soutien logistique avait été intégré dès sa conception, avec un accès aux « organes principaux » facilité et un « système d’acquisition et de gestion » des pièces de rechange basé sur « des solutions rapides ». Un autre atout est que le HUTP peut se décliner en plusieurs versions : reconnaissance, logistique et « X-tra logistique ».

Si le CAST va exposer le HUTP au public, c’est sans doute parce que son évaluation a donné de bons résultats… Reste à voir s’il sera effectivement adopté par le 1er Régiment de Parachutistes d’Infanterie de Marine et le 13e Régiment de Dragons Parachutistes… ou par d’autres unités de l’armée de Terre. Lors de la dernière commémoration du combat de Camerone, à Aubagne, Haulotte l’avait présenté au chef d’état-major de l’armée de Terre, le général Pierre Schill, ainsi qu’au « Père Légion », le général Cyrille Youchtchenko.

Photo : Haulotte

La Chine défie l’Alliance Atlantique en Biélorussie

La Chine défie l’Alliance Atlantique en Biélorussie

par Franck Alexandre –  RFI Lignes de défense – Publié le


Lundi dernier, la Chine et la Biélorussie ont débuté des exercices militaires conjoints. Ces manœuvres se déroulent à quelques kilomètres de la frontière avec l’Europe. Des exercices militaires atypiques et que l’Otan interprète comme une menace. Jeudi, dans son communiqué final, l’Alliance réunie à Washington s’est inquiétée du soutien apporté par Pékin à Minsk et son allié russe en guerre contre l’Ukraine.

Maréchal Dong Jun, ministre chinois de la Défense nationale à Singapour le 31 mai 2024.
Maréchal Dong Jun, ministre chinois de la Défense nationale à Singapour le 31 mai 2024. © Wikimedia Commons.org

C’est le cadeau de la Chine pour les 75 ans de l’Alliance Atlantique. « Un déploiement militaire aux marches de l’Europe, pour répondre aux nouveaux défis mondiaux », indique le ministère chinois de la Défense. Officiellement, il ne s’agit que d’un exercice antiterroriste. Mais l’Otan, réuni à Washington, a immédiatement envoyé un avertissement à Pékin. Et la réaction chinoise ne s’est pas fait attendre, pointe le correspond de RFI à Pékin, Stéphane Lagarde : « Oui, officiellement, ces manœuvres antiterroristes sont des exercices de routine qui n’ont rien à voir avec le sommet de Washington ». Le porte-parole de la diplomatie chinoise a été interrogé sur ce sujet. Voici ce qu’il a répondu aux journalistes : « ces échanges entrent dans le cadre de la coopération militaire normale entre la Chine et la Biélorussie. Il ne vise aucun pays en particulier ».

« Mais tout le monde note évidemment la concordance de calendrier. Et on note aussi que ces opérations, baptisées ‘l’assaut du faucon’, durent quand même 11 jours. Donc c’est long. Elles ont été accompagnées, côté biélorusse, d’une large propagande avec photo du débarquement des troupes chinoises au sol, accueillies chaleureusement selon Pékin. On parle de plus d’une centaine d’hommes côté chinois, c’est essentiellement symbolique. Mais Pékin n’a pas donné de détails en revanche concernant les matériels et les unités de l’armée populaire de libération impliquées dans ces exercices, alors qu’habituellement, les journaux nationalistes ici aiment quand la Chine bombent le torse et n’hésitent pas à le raconter.  Reste que ces exercices se déroulent près de la ville de Brest, en Biélorussie, nous sommes là, à 40 km de la frontière polonaise. Cette formation conjointe vise à renforcer les capacités de coordination des troupes participantes, a aussi indiqué le ministère chinois de la Défense dans un communiqué ».

Pékin évoque une ingérence de l’Otan

Sauf que ces manœuvres inédites, et c’est ce qui irrite l’Otan, ont tout d’un entrainement à la guerre de haute intensité : avec des opérations de nuit, des franchissements de cours d’eau et des simulations de combat en zone urbaine. Pékin démontre ainsi, sa capacité à projeter des forces sur des théâtres extérieurs et à proximité de l’Ukraine. L’Otan accuse Pékin de jouer un rôle déterminant dans ce conflit au travers d’un soutien sans limite apporté à l’industrie de guerre russe. C’est une ingérence occidentale, rétorque la diplomatie chinoise, nous dit Stéphane Lagarde : « Oui, la diplomatie chinoise a aussitôt ressorti une rhétorique maintes fois utilisée dans ce bras de fer avec l’OTAN. Elle parle de mentalité digne de la guerre froide, d’ennemis imaginaires, de tensions provoquées par l’OTAN qui risque de mener à la confrontation. Des mots, là aussi accompagnés d’exercices conjoints. Pékin et Moscou ont annoncé vendredi le début de manœuvres navales et aériennes dans le sud de la Chine. Ça va durer un mois. Pékin tire également à boulets rouges, via ces médias et l’armée des internautes, sur ce qui est qualifié ici d’ingérence de l’OTAN de l’Asie avec le rapprochement Japon / Corée du Sud / Washington qui ne plaît pas du tout, mais alors pas du tout à la Chine ».

Et la Chine, multiplie les signalements stratégiques et défie les alliances, y compris à l’Ouest, comme pour démontrer que du Pacifique à l’Atlantique, ses intérêts et ses frontières n’ont aujourd’hui plus de limites

L’Otan monte au créneau, à défaut de monter au front

L’Otan monte au créneau, à défaut de monter au front

                                                                                    Photo Nato

Des avions F-16, des batteries de défense antiaérienne, une « trajectoire irréversible » vers l’adhésion: les pays de l’Otan ont multiplié mercredi les gages d’un soutien renforcé à l’Ukraine, lors d’un 75e sommet historique marqué par les incertitudes politiques, notamment aux Etats-Unis.

Pour voir l’intégralité de la Déclaration du Sommet de Washington publiée par les chefs d’État et de gouvernement des pays membres de l’OTAN à l’issue de la réunion du Conseil de l’Atlantique Nord qui s’est tenue tenue à Washington le 10 juillet 2024, cliquer ici.

On notera l’établissement du « programme OTAN de formation et d’assistance à la sécurité en faveur de l’Ukraine (NSATU) afin de coordonner les livraisons d’équipements militaires ainsi que les activités de formation militaire organisées par les Alliés et leurs partenaires. Ce programme vise à inscrire dans la durée l’assistance à la sécurité fournie à l’Ukraine, garantissant ainsi un soutien renforcé, prévisible et cohérent. Le NSATU, qui opérera dans les pays de l’Alliance, aidera l’Ukraine à assurer sa défense dans le respect de la Charte des Nations Unies. Le NSATU ne fera pas de l’OTAN une partie au conflit au sens du droit international. Il soutiendra la transformation des forces de défense et de sécurité ukrainiennes, facilitant la poursuite de l’intégration du pays dans l’OTAN ». On notera que mercredi soir, le DoD a annoncé la nomination du général (deux étoiles) Steven G. Behmer au poste d’adjoint au commandant du Security Assistance Group – Ukraine, installé à Wiesbaden, en Allemagne.

On notera aussi:
– « la création du Centre OTAN-Ukraine d’analyse, d’entraînement et de formation (JATEC), qui servira à déterminer et à exploiter les enseignements à tirer de la guerre menée par la Russie contre l’Ukraine et permettra à l’Ukraine de gagner en interopérabilité avec l’OTAN »,
– et la décision du secrétaire général de nommer un(e) haut(e) représentant(e) de l’OTAN en Ukraine.

Les points 25, 26 et 27 de la Déclaration porte sur le rôle de la Chine. La Chine « joue désormais un rôle déterminant dans la guerre menée par la Russie contre l’Ukraine », précise le texte otanien qui appelle Pékin, « en sa qualité de membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU (..) à cesser de soutenir matériellement et politiquement l’effort de guerre russe ».
« La RPC continue de faire peser des défis systémiques sur la sécurité euro-atlantique. Nous constatons que la RPC est à l’origine d’incessantes activités cyber et hybrides malveillantes, y compris d’activités de désinformation », poursuit la Déclaration.
La Chine a exprimé dès ce jeudi son « vif mécontentement » et dénoncé un communiqué de l’Otan « empreint d’une mentalité digne de la Guerre froide et d’une rhétorique belliqueuse », selon un communiqué du porte-parole de la mission chinoise auprès de l’Union européenne (UE). « L’Otan devrait cesser de faire du tapage sur une soi-disant menace chinoise, cesser d’inciter à la confrontation et à la rivalité, et contribuer davantage à la paix et à la stabilité dans le monde », a-t-il souligné, dénonçant des propos « remplis » de « calomnies ».

Extension de la lutte

L’Otan a par ailleurs annoncé une réunion « avec les dirigeants de l’Australie, du Japon, de la Nouvelle-Zélande et de la République de Corée et ceux de l’Union européenne pour parler des défis de sécurité communs et des domaines de coopération ». Au travers de ces partenariats, l’Otan entend « favoriser la sécurité et la stabilité au Moyen-Orient et en Afrique, et contribuer ainsi à la paix et à la prospérité ».

Un engagement à aider durablement l’Ukraine

Cette Déclaration comporte aussi un « Engagement à aider durablement l’Ukraine à assurer sa sécurité » dont voici le texte intégral (c’est moi qui souligne):
« Aujourd’hui, nous affirmons notre indéfectible attachement à l’Ukraine, qui, pour rester un État souverain, démocratique et indépendant, a besoin de notre aide sur le long terme. Depuis le début de la guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine, les Alliés apportent à cette dernière un soutien politique et une aide économique, militaire, financière et humanitaire d’une ampleur inédite, l’assistance militaire se chiffrant à quelque 40 milliards d’euros par an. Les Alliés mettent en outre à disposition leur capacité industrielle de défense pour répondre aux besoins de l’Ukraine. Tous ces efforts portent leurs fruits en permettant aux Ukrainiens de se défendre efficacement et de faire payer chèrement à la Russie ses agissements.
Nous sommes déterminés à aider l’Ukraine à mettre en place des forces capables de vaincre l’agresseur russe aujourd’hui et de le dissuader de commettre une nouvelle agression demain. À cet effet, nous comptons dégager une enveloppe de base d’au moins 40 milliards d’euros pour l’année à venir, et maintenir ensuite l’assistance à la sécurité à un niveau soutenable, pour que l’Ukraine l’emporte ; il sera tenu compte de ses besoins, de nos procédures budgétaires respectives et des accords de sécurité bilatéraux que des Alliés ont conclus avec le pays. Les chefs d’État et de gouvernement réexamineront les contributions des Alliés lors des prochains sommets de l’OTAN, à commencer par celui qui se tiendra en 2025 à La Haye.
Notre engagement porte sur la fourniture d’une assistance et d’équipements militaires à l’Ukraine et sur la formation des militaires ukrainiens, et couvre donc notamment :
– l’achat d’équipements militaires pour l’Ukraine ;
– les dons en nature au profit du pays ;
– le coût du transport des équipements militaires destinés à l’Ukraine, de leur maintenance et de la logistique ;
– le coût de la formation des militaires ukrainiens ;
– les coûts opérationnels relatifs à la fourniture d’une assistance militaire à l’Ukraine ;
– les investissements dans les infrastructures de défense et l’industrie de défense du pays ainsi que le soutien dont elles ont besoin ;
– toutes les contributions aux fonds d’affectation spéciale OTAN pour l’Ukraine, notamment sous la forme de moyens non létaux.
Toutes les aides apportées par les Alliés à l’Ukraine relevant des catégories précitées seront comptabilisées, qu’elles soient fournies par l’intermédiaire de l’OTAN, à titre bilatéral, à titre multilatéral ou de toute autre manière. Soucieux d’assurer un partage équitable des charges, les Alliés s’attacheront à contribuer chacun de manière proportionnelle à la concrétisation du présent engagement, en tenant compte notamment de leur part dans le PIB global de l’Alliance.
Deux fois par an, les Alliés informeront l’OTAN de l’assistance qu’ils auront fournie à l’Ukraine en vertu du présent engagement. Leur premier compte rendu inclura les contributions mises à disposition à compter du 1er janvier 2024. Le secrétaire général se fondera sur ces informations pour établir un récapitulatif de toutes les contributions déclarées par les Alliés.
En plus de fournir l’assistance militaire couverte par le présent engagement, les Alliés entendent continuer d’apporter à l’Ukraine un soutien politique et une aide économique, financière et humanitaire. »

Comment comprendre le conflit israélo-palestinien de ses origines au 7 octobre 2023 ?

Comment comprendre le conflit israélo-palestinien de ses origines au 7 octobre 2023 ?

Par Marie Durrieu – Diploweb – publié le 10 juillet 2024   

https://www.diploweb.com/Comment-comprendre-le-conflit-israelo-palestinien-de-ses-origines-au-7-octobre-2023.html


Marie Durrieu est doctorante contractuelle associée à l’Institut de Recherche Stratégique de l’École Militaire (IRSEM) et rattachée au Centre Michel de l’Hospital (CMH). Elle est enseignante en Relations Internationales et Science politique à Sciences Po Paris. Ses recherches portent sur le rôle et l’usage de l’humiliation en relations internationales. Elle est spécialiste du conflit israélo-palestinien et s’est rendue plusieurs fois sur le terrain. Elle est l’auteur du livre : « Du conflit israélo-palestinien au nucléaire iranien : l’humiliation, la variable oubliée des négociations » aux éditions l’Harmattan.

Le conflit israélo-palestinien est souvent mal compris et mal interprété. Alors que la guerre fait rage à Gaza, il est indispensable d’analyser la situation en prenant en compte la réalité historique et celle du terrain.
Cet article présente les fondements de ce conflit, de ses origines à la tragédie du 7 octobre 2023. Quelles sont les dates et les chiffres clés de ce conflit ? Quelle est l’essence du conflit ? Pourquoi le 7 octobre 2023 nous a-t-il surpris ? En réalité, le conflit israélo-palestinien est avant tout un conflit territorial entre deux peuples.
Avec un texte très maitrisé, cinq photos, deux cartes et un lexique, Marie Durrieu fait ici oeuvre de pédagogie géopolitique.

DEPUIS le 7 octobre 2023, les discours politiques et médiatiques parlent de « guerre Israël-Hamas ». Or, c’est avant tout, une phase du « conflit israélo-palestinien ». Nous ne pouvons pas comprendre ce qui se passe à Gaza sans l’inscrire dans le temps long du conflit qui oppose les Israéliens et les Palestiniens depuis 1948… Comment en sommes-nous arrivés là ? Quelle est l’essence de ce conflit ? Pourquoi le 7 octobre 2023 nous a-t-il surpris ? Cet article a l’ambition de contextualiser la tragédie actuelle.

Partie 1. Le conflit israélo-palestinien : dates et chiffres clés

25 dates clés

1917 : Arthur Balfour, secrétaire d’État britannique aux Affaires Étrangères, adresse une lettre ouverte au Lord Lionel Walter Rothschild, figure du mouvement sioniste, et déclare être en faveur de l’établissement d’un « foyer national pour le peuple juif » en Palestine qui jusqu’ici faisait partie de l’Empire Ottoman.

1920 : Lors la chute de l’Empire Ottoman, la Société Des Nations (SDN) attribue au Royaume-Uni un mandat sur la Palestine. Les Britanniques administrent le territoire.

1917-1948 : À la suite de la déclaration de Balfour, de nombreux juifs font leur « alya » (acte d’immigration en « terre promise »). Ils passent d’environ 70 000 personnes en 1917 à environ 650 000 début 1948. Le mouvement est accéléré par le génocide contre la population juive en Europe (5 à 6 millions de victimes, représentant 50 % de la population juive d’Europe).

1946 : Le Royaume-Uni est dépassé par les tensions qui surgissent entre les Arabes et les Juifs en Palestine mandataire. Ils abandonnent le dossier qu’ils transmettent à l’ONU.

29 novembre 1947 : Le plan de partage de la Palestine est adopté (résolution 181), malgré l’opposition de tous les États arabes. Ce plan prévoit la division de la Palestine en trois secteurs : le secteur arabe (45%), le secteur juif (55%) et Jérusalem sous tutelle de l’ONU.

14 mai 1948 : David Ben Gourion proclame l’indépendance de l’État d’Israël.

1948-1949 : La première guerre israélo-arabe oppose Israël au Liban, la Syrie, l’Égypte, la Jordanie et les Palestiniens. Envers et contre tous, l’État juif récupère 78% du territoire. Les 22% restant sont annexés par la Jordanie (la Cisjordanie) et l’Égypte (bande de Gaza). Pour les Palestiniens, c’est la « Nakba » – la catastrophe – plus de 800 000 personnes fuient la Palestine.

28 mai 1964 : L’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) est créée afin de représenter le peuple palestinien et organiser la résistance contre Israël et la récupération de leur terre. Yasser Arafat prend la tête de l’organisation.

5 juin 1967 : Israël lance une offensive contre l’Égypte. La guerre dure six jours. Israël, qui s’oppose à l’Égypte, la Syrie, la Jordanie, l’Irak et le Liban, remporte une victoire écrasante. Les Israéliens ont tout conquis : la Cisjordanie, la bande de Gaza, le Golan, la péninsule du Sinaï et Jérusalem-Est. Les voisins arabes finissent par récupérer leurs territoires, mais les Palestiniens, n’ont plus jamais repris le contrôle de leurs terres. Le Conseil de Sécurité de l’ONU adopte la résolution 242 qui condamne l’acquisition des territoires par la guerre.

6 octobre 1973 : L’Égypte et la Syrie lancent une attaque surprise et inédite contre Israël, au moment de Yom Kippour, fête juive. Israël parvient finalement à repousser l’offensive. À la suite de cette guerre du Kippour, l’Égypte et Israël signent un accord de normalisation des relations à camp David, et Israël se retire du Sinaï (1978). L’Égypte est suspendue de la Ligue arabe. Le Conseil de Sécurité de l’ONU adopte la résolution 338 qui demande l’application de la résolution 242 et décide qu’un processus de négociation doit commencer.

1987 : Début de la première intifada – « la guerre des pierres ». Le peuple palestinien se soulève contre l’occupation israélienne. Les violentes émeutes, brutalement réprimées par l’armée israélienne, durent jusqu’en 1993. C’est au début de la première intifada que naît le Hamas ; à l’origine, un mouvement de jeunes inspirés par les Frères musulmans et qui estimaient que l’OLP ne combattait pas suffisamment Israël et qu’il fallait organiser la résistance armée.

15 novembre 1988 : Yasser Arafat, qui jusqu’ici refusait le plan de partage de l’ONU et prônait la résistance armée, annonce la création d’un État palestinien sur le principe des résolutions 181, 242 et 338 ; et de ce fait, reconnait implicitement Israël.

1991 : Première tentative de négociation à Madrid entre Israël et les pays arabes sous l’égide des États-Unis et de l’URSS. Les Palestiniens sont intégrés dans une délégation jordano-palestinienne.

13 septembre 1993  : Les accords d’Oslo sont scellés par une poignée de main historique entre Yasser Arafat et Yitzhak Rabin. Le processus d’Oslo s’est déroulé dans le secret, en parallèle des négociations à Madrid qui n’aboutissaient pas. L’accord est une déclaration de principes qui donne naissance à l’Autorité Palestinienne et qui prévoit une période de transition de 5 ans afin d’aboutir à la création d’un État palestinien. Cette période de transition n’a jamais été dépassée et les accords n’ont finalement jamais été appliqués.

4 novembre 1995 : Pendant son discours sur la paix, Yitzhak Rabin, Premier Ministre israélien, est assassiné par un juif extrémiste opposé aux accords d’Oslo.

Juillet 2000 : Des négociations reprennent à Camp David, sous l’égide des États-Unis. Les questions territoriales, le statut de Jérusalem et la question des réfugiés palestiniens paralysent le processus qui finit par échouer. Yasser Arafat est accusé d’avoir fait échouer les pourparlers.

28 septembre 2000 : Après l’échec de Camp David, Ariel Sharon, chef de l’opposition nationaliste de droite en Israël, fait une visite controversée sur l’esplanade des Mosquées/Mont du temple à Jérusalem (Voir Lexique en pied de page). La deuxième intifada, encore plus meurtrière que la première, éclate.

2002  : Ariel Sharon, qui a été élu Premier Ministre d’Israël, prend la décision de construire « un mur de sécurité » (Voir Lexique en pied de page) entre Israël et les Territoires palestiniens.

2003 : L’initiative de Genève, qui prévoit un plan de paix très détaillé, est signé par Yossi Beilin, Ministre israélien et Yasser Abd Rabbo, Ministre palestinien. L’accord est reconnu par l’Autorité Palestinienne mais rejeté par Ariel Sharon et le Hamas. Le plan de paix n’a jamais été appliqué.

2005  : Mahmoud Abbas succède à Yasser Arafat, mort en 2004, à la tête de l’OLP. Israël se retire de la bande de Gaza après 38 ans d’occupation, conformément au plan de désengagement unilatéral d’Ariel Sharon.

2006  : Des élections législatives sont organisées en Palestine et remportées par le Hamas. Les élections ont été surveillées par des observateurs internationaux qui en ont validé le bon déroulement démocratique. Pourtant, lorsque le Hamas a remporté ces élections, la communauté internationale a choisi de ne pas reconnaître le résultat et de faire pression sur l’Autorité Palestinienne pour qu’ils ne donnent pas le pouvoir au Hamas, vainqueur des urnes.

2007  : Le Hamas prend le contrôle de la bande de Gaza, tandis que l’Autorité Palestinienne garde le contrôle sur la Cisjordanie. Depuis, la Palestine est divisée politiquement et plus aucune élection n’a pu être organisée.

2009 : Benyamin Netanyahu est élu Premier Ministre d’Israël, il encourage nettement la colonisation en Cisjordanie et durcit la politique sécuritaire.

2020  : Donald Trump, en présence de Netanyahu, présente « le plan de paix américain pour le conflit israélo-palestinien » qui a été négocié sans les Palestiniens. Ces derniers refusent ce plan favorable à Israël. Les accords d’Abraham sont pourtant signés et normalisent les relations d’Israël avec les Émirats Arabes Unis et le Bahreïn, puis, avec le Soudan et le Maroc.

7 octobre 2023 : Depuis la bande de Gaza, le Hamas conduit une série d’attaques et d’atrocités contre des militaires et civils israéliens. 1 200 Israéliens sont tués et 240 otages sont amenés dans la bande de Gaza. En représailles, une opération militaire israélienne, visant à éliminer le Hamas, est lancée contre Gaza. Début février 2024, le ministère de la Santé de Gaza compte plus de 27 000 morts Palestiniens.

10 chiffres clés

(Source : https://www.un.org/unispal/fr/faits-et-chiffres/)

5,6 millions de réfugiés palestiniens ont été contraints de quitter le territoire sur lequel ils habitaient.

61% de la superficie de la Cisjordanie est interdite aux Palestiniens.

3 572 Palestiniens, 198 Israéliens tués entre 2011-2021.

593 checkpoints israéliens en Cisjordanie visant à contrôler la circulation des Palestiniens.

Plus de 630 000 colons (Voir Lexique en pied de page) installés en Cisjordanie dans 150 colonies établies officiellement et 128 colonies érigées sans l’autorisation d’Israël.

85% des ressources palestiniennes d’eau sont contrôlées par Israël.

2 millions de Palestiniens sont en situation d’insécurité alimentaire.

Partie 2. Essence et particularités du conflit israélo-palestinien

Un conflit territorial entre deux peuples

Le rappel des faits historiques et des chiffres est essentiel. Cependant, il faut aussi comprendre l’essence du conflit. Il y a beaucoup de confusions sur la nature de la confrontation israélo-palestinienne. Est-ce une guerre de religion entre juifs et musulmans ? Une guerre entre des groupes terroristes et un État ? En réalité, le conflit israélo-palestinien est avant tout un conflit territorial entre deux peuples.

Les enjeux principaux sont le contrôle du territoire et la souveraineté. Un peuple, les Palestiniens, vivait sur cette terre, administrée par les Ottomans puis par les Anglais. Un autre peuple, les Juifs, persécutés ailleurs, a commencé à émigrer sur cette même terre avec laquelle ils ont un lien religieux et historique. Depuis, l’équation est claire : deux peuples veulent habiter sur la même terre et en revendiquent le contrôle.

Toutes les grandes étapes du conflit sont profondément liées à des enjeux territoriaux. 1948 a marqué le début du conflit : Ben Gourion a proclamé l’État d’Israël et c’était le début de la « Nakba », l’expulsion de 800 000 Palestiniens. Le conflit israélo-palestinien est donc né de la création d’un nouvel État revendiquant sa souveraineté sur une terre et de l’expulsion du peuple qui habitait cette terre. La guerre de 1967, qui a été un moment charnière, n’était autre qu’une affaire de conquête de territoires. Israël a, par la force, pris le contrôle de tout le territoire et a même occupé une partie de l’Égypte, de la Syrie et du Liban. À l’inverse, en 2005, le retrait des Israéliens de la bande de Gaza a également été un grand tournant.

De la même manière, toutes les négociations portent avant tout sur des considérations territoriales. En 1978, lors des accords de camp David, l’Égypte a accepté de reconnaître l’existence de l’État d’Israël, en échange de pouvoir récupérer le contrôle de la péninsule du Sinaï. En 1995, à la suite des accords d’Oslo, un découpage territorial de la Cisjordanie a été négocié : les zones A sont placées sous contrôle palestinien, les zones B sous contrôle civil palestinien mais contrôle militaire israélien et les zones C sous contrôle israélien. En 2000, l’attribution du contrôle de Jérusalem est un des sujets qui a paralysé les négociations à Camp David.

Un combat mètre carré par mètre carré

Dans cette guerre pour le territoire, le combat se mène mètre carré par mètre carré. En ce sens, Israël utilise de nombreux outils. La colonisation est une des armes principales. Des terres qui ont été attribuées par l’ONU aux Palestiniens sont réquisitionnées, parfois des habitations palestiniennes sont démolies, pour construire des colonies (Voir Lexique en pied de page) où des colons Israéliens viennent s’installer et occuper le territoire.

Comment comprendre le conflit israélo-palestinien de ses origines au 7 octobre 2023 ?
Photographie d’une colonie israélienne construite aux abords de Bethlehem, en Cisjordanie. Septembre 2023
Crédit Marie Durrieu
Durrieu/Diploweb.com

La construction du « mûr de sécurité » (Voir Lexique en pied de page) est aussi un outil territorial. Officiellement, le mur devait être construit sur la « ligne verte » (frontière établie par le plan de partage de l’ONU de 1947) et devait avoir pour fonction de faire un barrage sécuritaire. Cependant, le mur est ostensiblement construit plus à l’Est que la frontière prévue par l’ONU, ce qui permet aux Israéliens de gagner, de facto, du terrain. De plus, alors que la ligne verte ne mesure que 315 km, le mur fait plus de 700 km parce qu’il fait des tours et des contours qui permettent de grignoter des bouts de territoires palestiniens.

Photographie du mur de séparation entre Jérusalem et Bethléhem avec une tour de contrôle. Septembre 2023
Crédit Marie Durrieu
Durrieu/Diploweb.com

À ceci s’ajoute la construction de routes interdites aux Palestiniens, la démolition d’habitations et l’interdiction de construire pour les Palestiniens, l’isolation de certains commerces palestiniens pour les contraindre à partir, l’omniprésence des militaires israéliens et les checkpoints partout en Cisjordanie… En somme, les Israéliens remportent le combat territorial.

Les territoires palestiniens rétrécissent à vue d’œil pendant que les colonies israéliennes se multiplient…

De l’autre côté, les Palestiniens ne se déclarent pas vaincus et essayent désespérément de garder des bouts de terre. Certains Palestiniens expulsés choisissent de rejoindre des camps de réfugiés en Cisjordanie (858 000 réfugiés) ou à Gaza (1,4 millions de réfugiés) plutôt que de partir dans les pays voisins ; parce qu’ils estiment que rester est une manière de résister. Lors d’un échange avec une jeune fille dans un camp de réfugiés en Cisjordanie, elle m’a confié : « ils [les israéliens] nous rendent la vie impossible, parce qu’ils veulent que nous partions, mais en restant ici je résiste ! Je résisterai jusqu’à ma mort… ». Reste que les territoires palestiniens rétrécissent à vue d’œil pendant que les colonies israéliennes se multiplient…

Cartes simplifiées qui montrent l’évolution du conflit territorial. Les territoires palestiniens rétrécissent, et en parallèle les territoires sous contrôle israélien s’élargissent

Carte qui décrit la réalité du terrain en Cisjordanie
Carte qui décrit la réalité du terrain en Cisjordanie. Le mur est ostensiblement construit à l’Est de la ligne verte fixée par l’ONU et fait des détours pour gagner du terrain. Le territoire est presque entièrement contrôlé par les Israéliens et seuls certains ilots restent sous control partiel des Palestiniens. Des colonies israéliennes s’implantent progressivement dans les territoires palestiniens.
Source : carte dressée par l’organisation B’Tselem et adaptées par le Monde diplomatique. https://www.monde-diplomatique.fr/cartes/occupationcisjordanie2006

Amalgames sur l’essence du conflit

Ainsi, le conflit israélo-palestinien est avant tout un conflit territorial. Il ne faut pas se tromper sur la nature du conflit, sinon les analyses que nous en feront sont vouées à être erronées.

Le conflit israélo-palestinien n’est pas un conflit de religions. Certes la religion est en toile de fond puisque la terre disputée est la « terre sainte », berceau des trois religions monothéistes. L’attachement à cette terre est renforcé par la présence des lieux saints. Par exemple, la Mosquée Al-Aqsa (troisième lieu Saint de l’Islam) et le mur des lamentations (endroit le plus saint pour les juifs) au cœur de la vielle ville de Jérusalem, expliquent en partie le refus catégorique des Israéliens et des Palestiniens de céder sur le statut de Jérusalem. Cependant, ce n’est pas un conflit qui oppose la religion juive à la religion musulmane. C’est un conflit entre deux peuples, les juifs et les arabes palestiniens (dont une partie sont chrétiens) pour obtenir le contrôle d’une terre.

L’esplanade des Mosquées/Mont du Temple à Jérusalem. Voir Lexique en pied de page
L’esplanade des Mosquées/Mont du Temple à Jérusalem (Voir Lexique en pied de page). Troisième lieu saint de l’Islam, sur laquelle se trouve la Mosquée Al-Aqsa et le Dôme du rocher. Selon la tradition musulmane c’est l’emplacement où Mahomet se serait élevé au ciel. Selon la tradition juive c’est l’emplacement où se situaient le Temple de Salomon, puis le Temple d’Hérode, dont il ne resterait plus que le mur des lamentations. Septembre 2023. Crédit Marie Durrieu.
Durrieu/Diploweb.com
Le mur des lamentations au cœur de la vieille ville de Jérusalem
Le mur des lamentations au cœur de la vieille ville de Jérusalem. Lieu le plus saint pour la religion juive et qui serait le seul vestige du Temple d’Hérode. Surplombé par l’esplanade des Mosquées/Mont du temple (Voir Lexique en pied de page). Janvier 2020. Crédit Marie Durrieu.
Durrieu/Diploweb.com

Ceci-dit, comme l’a écrit Alain Dieckhoff [1], le facteur religieux est parfois instrumentalisé de part et d’autre. Par exemple, le Hamas s’est appuyé sur l’islam pour se légitimer en opposition à l’Autorité Palestinienne laïque. À l’inverse, dans le nouveau gouvernement Netanyahu certains ministres sont issus de partis juifs ultraorthodoxes comme le Foyer juifs ou le Judaïsme unifié de la Torah. Le facteur religieux est aussi souvent utilisé par l’État hébreu pour justifier la colonisation. Néanmoins, si certains acteurs choisissent de « jouer la carte de la religion » (Alain Dieckhoff), cela ne veut dire pour autant que nous sommes face à un conflit de religions.

Par ailleurs, dépeindre le conflit comme une guerre asymétrique entre des groupes terroristes et un État, est une grille de lecture extrêmement limitée. C’est incontestablement un conflit asymétrique puisque les forces en présence sont complétement déséquilibrées en faveur d’Israël. Cependant, parler de conflit entre des groupes terroristes et un État est en réalité une manière de délégitimer l’une des parties, les Palestiniens, tout en légitimant la partie adverse, Israël. Certains acteurs, de part et d’autre, dont le Hamas, doivent être qualifiés de terroristes. Cependant, pour saisir le fond du conflit, il faut comprendre que c’est avant tout deux peuples qui luttent pour une même terre par différents moyens.

L’aspect territorial : obstacle principal à la résolution de conflit

Par ailleurs, c’est précisément l’aspect territorial du conflit qui rend sa résolution complexe. Comment deux ennemis peuvent-ils être chez eux au même endroit ? C’est un jeu à somme nulle : les gains de l’un, égaleront les pertes de l’autre. Les générations se multiplient mais personne, ni d’un côté ni de l’autre, ne renonce à ce qu’ils estiment être leur terre. Une jeune fille palestinienne née dans un camp de réfugiés, me parle d’Hébron, ville de laquelle sa famille a été délogée par une colonie israélienne il y a pourtant deux générations, comme « chez elle ».

À ce conflit territorial, la seule solution véritablement envisagée et envisageable reste la « solution à deux États ». Autrement dit, il faut diviser la terre de manière équitable entre un État Palestinien et un État Israélien qui seront souverains sur leur portion et pourront vivre en sécurité, et en tout liberté.

Néanmoins, les colonies sont incontestablement une difficulté pour la mise en place d’une solution à deux États. L’extension des colonies en Cisjordanie a démembré le territoire palestinien qui ressemble à archipel (voir cartes ci-dessus). Afin d’obtenir une continuité territoriale nécessaire à un État palestinien viable, il faudrait vider les colonies israéliennes. Une solution que les plus de 600 000 colons et le gouvernement Netanyahu, qui au contraire encourage la colonisation, ne sont pas prêt à accepter…

Les Israéliens et les Palestiniens sont irrémédiablement voisins

Enfin, un des aspects qui caractérise et qui complexifie la résolution de ce conflit est l’imbrication sur le terrain. La surface est extrêmement limitée et tout est imbriqué. Les Israéliens et les Palestiniens sont irrémédiablement voisins. Malgré la haine, les murs, les barrières culturelles et linguistiques – ils vivent côte à côte et les séparations sont artificielles. La vieille ville de Jérusalem incarne cette imbrication qui complexifie la situation : d’une rue à l’autre on passe du souk arabe au quartier juif. Il est possible d’entrer sur l’esplanade des Mosquées par le mur des lamentations juif.

Checkpoint-tourniquet israélien dans la ville d’Hébron qui permet de contrôler et bloquer le passage des Palestiniens d’une rue à l’autre
Crédit Marie Durrieu
Durrieu/Diploweb.com

Hébron incarne aussi cette imbrication. Là les colonies se sont carrément implantées dans certaines rues de la ville. Il faut passer des tourniquets et des contrôles d’une rue à l’autre. Tandis que le tombeau des patriarches a été divisé en deux, d’un côté une mosquée et de l’autre une synagogue. Or, cette imbrication ne peut pas être négligée. Nous ne pouvons pas traiter ce conflit comme un conflit où une fois réglé chacun repartira chez soi : en Israël et en Palestine les deux peuples devront vivre ensemble.

Partie 3. L’horreur du 7 octobre 2023 a brisé l’invisibilation du problème palestinien

Stratégie d’invisibilisation du problème palestinien

Le 7 octobre 2023 a surpris le monde entier. Nous avons été choqués, à juste titre, par la cruauté et la barbarie des attaques perpétrées sur des civils. Mais l’opinion publique mondiale a aussi été surprise de la violente réactivation d’un conflit qui était majoritairement oublié…

En réalité, c’est en grande partie le résultat d’une stratégie politique d’invisibilisation finement orchestrée par Netanyahu. En effet, le Premier Ministre israélien a, depuis des années, mis en place une stratégie politique qui consiste à minimiser et à faire oublier le problème palestinien. Auprès de la population israélienne et aux yeux de la communauté internationale, le gouvernement israélien entretenait l’idée qu’il n’y avait plus vraiment de conflit israélo-palestinien, ou qu’il était au point mort, et que la question palestinienne était sous contrôle ou sommeillait.

Pour nourrir ce discours, Netanyahu a mobilisé plusieurs outils. Par exemple, afin que personne n’envisage de nouvelles négociations, Netanyahu a nourri l’idée que du côté palestinien il n’y avait pas d’interlocuteur politique légitime. Depuis 2006, il n’y a pas eu d’élections et la Palestine est divisée politiquement entre l’Autorité Palestinienne et le Hamas, reconnu comme terroriste par un certain nombre d’États alliés d’Israël. Une situation dont Netanyahu s’est servi, et a entretenu, pour progressivement faire oublier le besoin de négocier… Par ailleurs, la menace iranienne a aussi été un outil instrumentalisé par le Premier Ministre israélien. Ces dernières années, il a largement agité la menace iranienne pour démontrer que le problème qui mérite attention est l’Iran et non pas les Palestiniens. Une stratégie qui s’est avérée très efficace à la fois vis-à-vis de la population israélienne et vis-à-vis de la communauté internationale.

L’organisation d’une rave-party à 6 km de Gaza témoigne de la profondeur du déni dans lequel une partie de la population israélienne était plongée…

Une stratégie efficace

La population israélienne ne se préoccupait plus du problème palestinien. Sur le terrain, l’évolution était notable. Avant le 7 octobre 2023, les Israéliens avaient deux préoccupations majeures : l’Iran et la réforme de la justice de Netanyahu. Les faire parler des Palestiniens était devenu difficile. Ils n’avaient rien à dire à ce propos, comme si le problème était réglé, voire n’existait pas… La population, et notamment les jeunes cosmopolites dans les grandes villes, était dans une sorte de déni très étonnant lorsqu’on connait ce qui se passe de l’autre côté du mur. Un déni symbolisé par la rave-party qui s’est tenue proche de Gaza et qui a été épouvantablement attaquée par le Hamas. L’organisation d’une rave-party à 6 km de Gaza, que l’ancien Premier Ministre Dominique de Villepin [2] a décrit comme « l’enfer sur terre », démontre la profondeur du déni dans lequel la population israélienne était plongée…

Par ailleurs, la stratégie d’invisibilisation était également très efficace vis-à-vis de la communauté internationale. Alors que résoudre le conflit israélo-palestinien a été le rêve de plusieurs grands présidents, depuis les années 2000 plus personne n’avait l’ambition d’organiser des négociations. La cause palestinienne n’était plus à l’agenda diplomatique. Les dirigeants et les organisations internationales avaient d’autres priorités : le terrorismedjihadiste, le climat, la covid-19, la guerre russe en Ukraine, les migrations, la cybersécurité… Il en allait de même pour l’opinion publique mondiale ; le problème du Proche-Orient ne préoccupait plus vraiment.

Les accords d’Abraham, conclus en 2020, ont cristallisé cette invisibilisation du problème palestinien. Alors qu’historiquement, la cause palestinienne unissait le monde arabe et que les pays arabes soutenaient inconditionnellement le peuple palestinien, en 2020, les Émirats Arabes Unis, le Bahreïn, le Soudan et le Maroc ont choisi de normaliser leur relation avec l’État d’Israël sans exiger aucune concession pour les Palestiniens en retour.

Le monde avait les yeux fermés sur une réalité qui n’a pourtant jamais cessé d’exister. Ce déni était une souffrance supplémentaire pour le peuple palestinien qui vivait le désespoir au quotidien. En 2020, Sahar Qawasmi, député d’Hébron, m’avait demandé : « Pourquoi sommes-nous l’exception des droits humains ? ». Pour le peuple palestinien, taire leur souffrance et oublier leur situation était une injustice incompréhensible qui permettait, en parallèle, à Israël de poursuivre sa politique de colonisation en toute impunité. En ce sens, les accords d’Abraham, ont été accueillis par l’Autorité Palestinienne comme une trahison terrible.

Le 7 octobre 2023 a brisé violement l’invisibilisation dans laquelle le problème palestinien était plongé

7 octobre 2023 : une rupture

Dans ce contexte d’invisibilisation, les attaques du Hamas sont arrivées comme une surprise et ont stupéfait le monde entier. Pourtant, sur le terrain, l’escalade était prévisible. Plus personne ne parlait de « paix » ou de « solution à deux États ». La jeunesse palestinienne n’avait plus aucun espoir ni politique, ni de négociations, ni de perspectives meilleures. Les jeunes parlaient de plus en plus de « résistance par tous les moyens ». Les dirigeants de l’Autorité Palestinienne qui continuaient de défendre la voix pacifique avertissaient qu’ils craignaient ne plus pouvoir contenir la colère de leur population. Plusieurs d’entre eux m’ont confié que si la situation ne changeait pas et que la communauté internationale n’arrêtait pas l’occupation d’Israël, l’escalade de violence serait inévitable. Paradoxalement, mis à part les Palestiniens, personne, ni les Israéliens, ni la communauté internationale, ne semblait craindre un tel soulèvement et une telle violence.

En réalité, la tragédie du 7 octobre 2023 a brisé violement l’invisibilisation dans laquelle le problème palestinien était plongé. Le sujet n’est pas nouveau, nous en avons simplement repris conscience.

Le conflit israélo-palestinien est redevenu une préoccupation pour l’opinion publique mondiale. Les évènements à Gaza font la Une des médias depuis l’attaque du Hamas ; en relayant presque la guerre en Ukraine au deuxième plan. Les réseaux sociaux sont inondés de publications, favorables aux uns ou aux autres, sur la situation au Proche-Orient. C’est un sujet qui revient au cœur des débats avec beaucoup d’émotions : ce sont des questions qui fracturent fortement nos opinions publiques.

La cause palestinienne est redevenue un sujet de mobilisation. À travers le monde, de nombreuses manifestations propalestiniennes ont été organisées. Plusieurs personnalités médiatiques ont exprimé leur soutien aux Palestiniens ; certaines comme l’actrice Susan Sarandon – qui a été limogée par son agence artistique (UTA) – en ont payé le prix fort… Les réseaux sociaux sont activement utilisés comme plateforme pour le soutien de la cause palestinienne. Au sein du monde arabe la cause palestinienne est redevenue un sujet de préoccupation et d’identification. Même dans les États du golfe où les gouvernements se rapprochaient de plus en plus de l’État hébreu, les populations expriment maintenant clairement leur soutien aux Palestiniens.

Par ailleurs, la situation au Proche-Orient est redevenue un sujet de préoccupation pour les organisations et les acteurs politiques. Le conflit israélo-palestinien est à nouveau à l’agenda diplomatique. En témoigne les déplacements des dirigeants sur le terrain ; comme la visite d’Emmanuel Macron en Israël et en Cisjordanie. L’ONU s’est ressaisi du problème. Plusieurs sessions du Conseil de Sécurité ont été dédiées à la situation à Gaza, même si l’adoption de résolutions est complexifiée par l’usage du véto, notamment américain. Antonio Guterres, Secrétaire Général de l’ONU, a formulé à plusieurs reprises son soutien à la solution à deux États et le besoin d’un cessez le feu.

En somme, que nous le voulions ou non, le conflit israélo-palestinien reste central et l’écarter n’est pas une option viable à long terme. La situation humanitaire catastrophique ne peut pas être ignorée. De plus c’est un conflit qui divise à plusieurs niveaux.

C’est un conflit qui divise nos sociétés. Depuis le 7 octobre 2023, il y a une fracture notable dans nos sociétés européennes entre ceux qui défendent le droit d’Israël à se défendre et ceux qui soutiennent les droits du peuple palestinien. Il y a eu une résurgence des actes antisémites et racistes. Les partis politiques se sont positionnés et se sont servis des évènements selon leurs intérêts. Par exemple, en France, le caractère islamique du Hamas a servi les discours anti-immigration portés par l’extrême droite ; tandis que la cause palestinienne est portée par des partis de gauche.

C’est aussi un sujet qui divise le monde entre les pays du sud qui soutiennent majoritairement la Palestine, et les pays du nord qui soutiennent majoritairement Israël. Alors que la fracture entre d’un côté les démocraties occidentales, et de l’autre côté, les États du sud, les émergents et les régimes autoritaires se creusait déjà, le conflit israélo-palestinien vient l’accentuer. Le soutien inconditionnel des États-Unis et l’appui des Européens à Israël participent à nourrir l’idée que « l’Occident oppresse les peuples du sud et qu’il ne respecte le droit international que selon ses intérêts ». Un discours qui sert des États comme la Russie, l’Iran ou la Chine qui veulent justement faire tomber l’ordre mondial établi et cherchent des soutiens auprès des États qui se sentent oppressés par l’Occident.

Ainsi, le conflit israélo-palestinien et ses conséquences ne peuvent pas être ignorés. L’asymétrie entre les parties au conflit est telle que la solution ne pourra venir que de l’extérieur. La communauté internationale doit s’engager pour trouver une solution qui permettra de garantir les droits des uns et des autres. La solution à deux États reste la seule solution acceptable. Pour la mettre en œuvre et qu’elle fonctionne, il faudra prendre en compte la réalité du terrain.

Lexique du conflit israélo-palestinien, par Marie Durrieu
Cliquer sur la vignette pour télécharger le lexique. Le conflit israélo-palestinien se prolonge dans le langage. L’usage des termes n’est jamais neutre et il y a une véritable guerre des mots. Sur le terrain, le choix des mots est un casse-tête mais est crucial parce qu’il nous positionne d’un côté ou de l’autre. Dans la colonne de gauche, le vocabulaire palestinien. Dans la colonne de droite le vocabulaire israélien. Copyright Février 2024-Durrieu/Diploweb.com
Durrieu/Diploweb.com

Copyright Février 2024-Durrieu/Diploweb.com

Mise en ligne initiale sur le Diploweb.com le 18 février 2024.


Bonus. Vidéo et synthèse rédigée. Proche-Orient : la paix a-t-elle encore un avenir ? Ambassadeur E. Danon

Cette vidéo peut être diffusée en amphi pour nourrir un cours et un débat. Voir sur youtube/Diploweb

Voir la synthèse rédigée de la conférence, par M-C Reynier, validée par E. Danon.


L’urgence de financer les industries de la défense. Entretien avec SouvTech Invest 

L’urgence de financer les industries de la défense. Entretien avec SouvTech Invest 

Demonstrations de l Armee de Terre, forces d elites francaises, dans le cadre de mises en situations reelles a l Eurosatory. Les soldats francais mettent en place un CAESAR canon automoteur de 155 mm de calibre 52 lors du salon leader mondial de Defense et de Securite terrestres et aeroterrestres le 12 juin 2022 et qui se tient du 13 au 17 juin 2022 au Parc des expositions de Paris-Nord Villepinte. Villepinte, FRANCE – 13/06/2022 Demonstrations of the French Army, the French elite forces, in real-life situations. French army soldiers set up a CAESAR self-propelled 155 mm52-calibre gun-howitzer at the Eurosatory international land and airland defense and security trade fair on June 12, 2022, held from June 13 to 17, 2022, at the Paris-Nord Villepinte Exhibition Center. Villepinte, FRANCE – 13/06/2022//04HARSIN_EUROSATORYDEMONSTRATIONS083/2206131957/Credit:ISA HARSIN/SIPA/2206132018

 

par Revue Conflits – publié le 10 juillet 2024

https://www.revueconflits.com/lurgence-de-financer-les-industries-de-la-defense-entretien-avec-souvtech-invest/


L’industrie de défense nécessite des capitaux importants pour pouvoir se développer et ainsi mettre au point ses nouveaux projets. La plateforme SouvTech Invest a l’ambition de devenir l’un des outils de ces financements. Entretien avec Pierre-Elie Frossard.

Entretien avec Pierre-Elie Frossard, co-fondateur de Souvtech Invest. Propos recueillis par Alban de Soos.

Vous venez de lancer votre plateforme de financement participatif dans le secteur de la défense et de la sécurité SouvTech Invest. Comment vous est venue cette idée d’établir un lien entre banque et défense ?

SouvTech Invest est un projet que nous avons porté avec l’équipe de Vauban Finance, cabinet de conseil spécialisé dans le secteur de l’industrie de défense que j’ai cofondé. Ce projet est le fruit de nos expériences professionnelles partagées : le monde de la finance comprend mal l’industrie de la défense et de la sécurité et les entreprises de la base industrielle de technologie et de défense (BITD) rencontrent des difficultés d’accès au financement bancaire. Avec notre équipe, composée d’anciens de grands groupes comme MBDA et Nexter, ainsi que d’un ancien banquier, nous avons décidé de prendre à bras le corps cet enjeu. Le financement participatif est une des solutions pour y parvenir, mais il existe d’autres initiatives comme Defense Angels, qui fédère les business angels de la défense, et Colibri, une place de marché d’échanges de titres portés par le cluster EDEN. Nous réfléchissons aujourd’hui avec à une alliance de financeurs privés pour la sécurité et la défense.

Par ailleurs, il y a un changement de paradigme français depuis février 2022 et l’invasion de l’Ukraine, avec un discours du Président de la République insistant sur la nécessité d’avoir une économie de guerre. Cela implique donc des investissements supplémentaires dans la BITD, et la situation a également permis de sensibiliser les Français à cette nécessité.

Le lancement de SouvTech Invest s’inscrit dans ces deux nouvelles réalités : c’est une nouvelle brique dans le continuum de financement de la défense, et un moyen pour les Français d’y investir directement.

Concrètement, comment fonctionne votre plateforme de crowdfunding ? J’imagine qu’elle s’oriente en priorité vers les PME ?

Notre plateforme cible principalement deux types d’entreprises : les startups et le soutien de l’innovation, et les PME/ETI et le soutien de la réindustrialisation.

Les investisseurs peuvent soutenir ces entreprises en suivant deux formes d’engagement. En fonds propres (equity) : ils peuvent acheter des parts de l’entreprise sous forme d’actions, avec la possibilité de les revendre dans un, deux, trois ou quatre ans, et potentiellement réaliser une plus-value si l’entreprise prospère. Cette option est surtout destinée à l’innovation. Et en produits de dette : Ils prêtent de l’argent aux entreprises contre le versement d’intérêts, ce qui est principalement utilisé pour la réindustrialisation.

Il s’agit d’investissements qui visent à compléter les financements bancaires existants, en remplaçant par exemple les fonds propres que les entreprises doivent normalement avancer.

L’idée de Souvtech est de permettre aux investisseurs de participer au financement du secteur de la défense. Dans le contexte actuel, cet investissement est non seulement patriotique, mais aussi rentable. Cela signifie qu’il s’agit d’une opportunité d’investissement à la fois stratégique pour la souveraineté nationale et financièrement avantageuse pour celui qui y investit.

La France est connue pour ses performances dans les BITD. On parle souvent du canon César par exemple. Quels sont les atouts de la défense française ?

Il faut comprendre que le modèle de défense français est complet puisqu’il couvre tous les besoins des forces armées : aéronautique, terrestre, naval et spatial. Les produits français sont au plus haut niveau technologique et offrent une grande capacité d’usage, avec peu de restrictions sur leur utilisation. Cela les rend très attractifs à l’exportation. C’est vraiment la qualité de la BITD française.

Avec ces avantages, comment la France se positionne-t-elle face aux autres puissances mondiales ?

La France cherche à maintenir sa souveraineté en encourageant les pays européens à acheter du matériel français. Cependant, de nombreux partenaires européens continuent à préférer le matériel américain en raison de leur engagement au sein de l’OTAN. Par exemple, l’Allemagne, l’Italie et la Belgique ont opté pour les F-35 américains, bien que le Rafale soit tout aussi performant et probablement mieux adapté à leurs besoins.

Dans ce contexte, la France doit poursuivre deux objectifs principaux : renforcer ses alliances avec d’autres partenaires européens pour construire une industrie de défense européenne solide, et convaincre que cette industrie est crédible et s’intègre parfaitement dans le dispositif de sécurité européen, afin de promouvoir l’achat de matériel européen par les pays européens.

En ce qui concerne les autres puissances, les principaux concurrents de l’industrie française sont aujourd’hui la Corée du Sud, la Turquie et la Chine. Ces pays produisent des équipements de plus en plus qualitatifs, rapidement livrés et très compétitifs sur le papier. Sachant que leurs pratiques commerciales et leur éthique diffèrent largement de celles en vigueur en Europe, la concurrence en devient d’autant plus forte.

L’un des principaux avantages pour la France est l’utilisation éprouvée de ses équipements au combat.

En effet, l’engagement de l’armée française offre des retours d’expérience précieux, permettant de maintenir et d’améliorer constamment la qualité de l’équipement. Cet engagement, soutenu depuis des années, se reflète directement dans la performance et la fiabilité du matériel français.

Par ailleurs, il est important de noter que lorsque l’on parle de ce secteur, on fait souvent référence aux grands groupes de défense comme Airbus, Dassault, Safran, MBDA et Thales. Cependant, on omet souvent de mentionner la BITD, qui est un cœur de cible pour SouvTech Invest et comprend principalement des PME et ETI sous-traitantes de ces grands groupes. Certaines de ces entreprises souhaitent vendre directement leurs produits, mais elles rencontrent de nombreuses difficultés.

Le point intéressant est que la France, à travers divers organismes, essaie de promouvoir l’exportation directe des PME et ETI. En d’autres termes, certaines PME et ETI produisent des équipements aptes à l’exportation. Un axe important de la nouvelle stratégie consiste donc à soutenir et encourager ces entreprises à se lancer sur les marchés internationaux.

Aujourd’hui, quel domaine fait le plus défaut à l’industrie française et mériterait des financements, notamment au travers de la plateforme SouvTech Invest ?

Si nous nous focalisons sur de très grandes capacités, il y a des enjeux majeurs. Par exemple, lorsqu’on évoque les drones MALE en France, on se heurte à un problème : nous n’avons pas de drones MALE opérationnels, et l’Eurodrone est en panne. Concernant les capacités de transport stratégique, il est souvent rapporté que nous en manquons cruellement.

Mais ces questions relèvent typiquement du niveau de l’État français, notamment dans le cadre de la FPM (Feuille de route pour les projets militaires) et de la loi de programmation militaire, ainsi que des grands programmes de défense. Quand on parle de défense, on aborde des programmes et des enjeux régaliens que la France doit gérer, notamment avec le concours des grands groupes industriels.

Chez SouvTech, notre vocation est de travailler principalement avec la chaîne de sous-traitance, surtout au stade initial : l’innovation.

Il est crucial de réfléchir aux technologies déterminantes pour demain, telles que l’intelligence artificielle, le quantique, le cyber, les nouveaux matériaux, et le New Space, qui prend de plus en plus d’ampleur. Nous nous concentrons donc principalement sur l’aspect technologique et les start-ups.

L’innovation ne peut pas être strictement dirigée. Bien qu’elle existe, on ne peut pas simplement demander à la DGA (Direction générale de l’armement) ou à l’AID (Agence de l’innovation de défense) de s’en occuper. La DGA a ses propres thématiques et problématiques, et elle suit une partie de l’innovation, mais celle-ci doit également émerger de divers horizons, y compris du secteur civil. L’idée est de financer cet écosystème innovant, qui sera ensuite repris par la DGA et l’AID. Mais au début, il faut que ce soit foisonnant pour bien fonctionner.

Notre objectif est donc de contribuer à la réindustrialisation, en donnant de la visibilité aux grands groupes sur l’augmentation des budgets. Selon la LPM (Loi de programmation militaire), 413 milliards d’euros sont prévus jusqu’en 2030, ce qui montre une volonté accrue d’augmenter les moyens de production. Nous finançons ces entreprises de la chaîne de sous-traitance en complément des acteurs existants.

Nous proposons ainsi le financement participatif, permettant aux Français d’investir directement dans des projets qui les intéressent. Actuellement, ils investissent principalement dans l’immobilier (80%) et dans les énergies renouvelables (20%). Le financement participatif, qui représente 2 milliards d’euros par an, est en forte croissance, car les citoyens souhaitent de plus en plus prendre des décisions directes et placer leur épargne au cœur d’enjeux pertinents pour eux et qui ont du sens à leurs yeux.

L’objectif de SouvTech Invest est de proposer une alternative complémentaire au système de financement actuel, en offrant la possibilité d’investir dans des thématiques liées à la souveraineté nationale, à la protection de la nation, et aux enjeux industriels et technologiques essentiels pour notre sécurité dans un monde incertain.

C’est une thématique parallèle, permettant aux Français de s’investir directement dans la protection de leur pays à travers un investissement direct, clair et engagé.

L’armée belge a rejoint le projet français de Véhicule de génie de combat

L’armée belge a rejoint le projet français de Véhicule de génie de combat


Après l’infanterie avec le Griffon], l’arme blindée cavalerie avec le Jaguar et l’artillerie avec le Camion équipé d’un système d’artillerie [CAESAr] ainsi que le Griffon MEPAC [Mortier Embarqué Pour l’Appui au Contact], le partenariat stratégique CaMo [Capacité Motorisée], scellé par la France et la Belgique, s’est récemment élargie à l’arme du Génie. C’est en effet ce que vient d’annoncer la composante terrestre de la Défense belge, via les réseaux sociaux.

« Poursuite de l’expansion du projet CaMo et excellente nouvelle pour le Génie ! Le 19 juin, à EuroSatory, le commandant de la composante Terre [le général Jean-Pol Baugnée] et le chef d’état-major de l’armée de Terre française [le général Pierre Schill] ont signé l’objectif d’état-major [OEM] pour l’acquisition en commun de l’Engin du Génie de Combat [EGC] », a-t-elle indiqué, le 9 juillet.

L’EGC est en réalité le « Moyen d’appui au combat » MAC du programme SCORPION [Synergie du contact renforcée par la polyvalence et l’infovalorisation] qui, à terme, doit remplacer non seulement l’Engin blindé du Génie [EBG, monté sur un châssis d’AMX-30] mais aussi l’EGRAP [Engin du génie rapide de protection] et l’EGAME [Engin du génie d’aménagement – EGAME], encore en service au sein de l’armée de Terre. Selon la Loi de programmation militaire [LPM] 2024-30, il est question de commander 125 exemplaires.

Pour ce programme, CNIM Systèmes industriels s’est associé à Texelis et, plus récemment à KNDS France, pour proposer l’Auroch, un véhicule d’aménagement du terrain de type 8×8 [et non de chenilles, contrairement à tous les engins similaires en service aux États-Unis, en Allemagne et au Royaume-Uni], capable de fournir un « appui à la manœuvre des unités de mêlée ».

Alliant « vitesse et grande capacité de travaux de protection ou de dégagement d’obstacle », l’Auroch sera équipé de capteurs électro-optiques pour surveiller son environnement ainsi que d’un tourelleau téléopéré Hornet [fourni par Arquus] armé d’une mitrailleuse de 7,62 mm. Grâce à moteur diesel d’environ 600 chevaux, cet engin de 28 tonnes serait en mesure d’atteindre une vitesse de pointe de 80 km/h sur route.

« L’EGC est un véhicule qui visera à renouveler la capacité d’appui délivré par le Génie dans les zones de contacts en intégrant les technologies les plus récentes. Il remplacera partiellement le Char Pionnier et permettra donc grâce à un excellent compromis entre mobilité, protection et performance de façonner le terrain ou de le dégager des obstacles majeurs pour les unités au contact. Les premières livraisons […] sont prévues pour 2030 », a précisé la composante Terre de la Défense belge.

Pour rappel, la France et la Belgique ont également noué un partenariat selon le même modèle pour le Véhicule blindé d’aide à l’engagement [VBAE], pour lequel un contrat de pré-conception a été notifié par l’Organisation conjointe de coopération en matière d’armement [OCCAr] à un groupement momentané d’entreprise formé par Arquus [racheté par le belge John Cockerill] et KNDS France.

À noter par ailleurs que, dans le cadre de CaMo, deux bataillons de génie belge ont signé une charte de jumelage avec le 1er Régiment Étranger de Génie [REG] et le 6e Régiment du Génie [RG]. Même chose pour la « Field Accommodation Unit » [FAU], chargée de « fournir des infrastructures temporaires aux détachements en opération », avec le 31e Régiment du Génie de Castelnaudary.

« Le jumelage ‘CaMo’ a pour but de recueillir les expériences et façons de faire d’une unité similaire afin d’alimenter le processus d’amélioration. Il s’agit principalement de relations basées sur des exercices et des moments d’interopérabilité ou d’échange de sous-unités et par ce lien d’approfondir les connaissances réciproques », a expliqué la Défense belge au blog spécialisé « À l’avant-garde ».

Photo : CNIM SI

Intérêt commercial, nécessité stratégique… Pourquoi l’Europe a besoin d’Ariane 6

Intérêt commercial, nécessité stratégique… Pourquoi l’Europe a besoin d’Ariane 6

                                                                        Fusée spatiale EADS Ariane, Le Bourget – France
                                                                            Credits: Alexandra Lande/Shutterstock

par Paul Wohrer, cité par Manon Minaca – IFRI- dans 20 Minutes

https://www.ifri.org/fr/espace-media/lifri-medias/interet-commercial-necessite-strategique-leurope-besoin-dariane-6


L’Europe sur orbite : le nouveau lanceur européen, qui doit décoller pour la première fois ce mardi soir, doit permettre à l’Europe de retrouver un accès indépendant à l’espace, une capacité aux enjeux multiples.

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«Nous sommes en train de marquer une page importante de l’histoire de l’accès à l’espace. » C’est par ces mots que Carine Leveau, directrice du transport spatial au Cnes, résumait, en conférence de presse le 25 juin, les semaines précédant le lancement d’Ariane 6, prévu ce mardi. Un vol historique très attendu après dix ans de travail, mais aussi et surtout au regard des enjeux commerciaux et stratégiques de cette nouvelle fusée pour l’Agence spatiale européenne (ESA).

Sur le plan commercial, Ariane 6 prend la relève de sa sœur Ariane 5, qui a volé pour la dernière fois il y a un an, en juillet 2023. En service depuis son premier vol opérationnel en 1997, la dernière fusée européenne « était arrivée au bout de ses capacités », « avec une chaîne de production qui vieillissait beaucoup », explique Pier Domenico Resta, responsable de l’ingénierie du système de lancement d’Ariane 6 à l’ESA. Le lanceur, avec ses « contraintes », « n’aurait pas [non plus] satisfait les besoins de constellations [de satellites] qui se développent aujourd’hui ».

[…]

Retrouver un accès indépendant à l’espace

Mais, surtout, Ariane 6 permet à l’Europe de disposer d’un accès indépendant à l’espace, car celle-ci « restait sans lanceur de la classe d’Ariane 5 » depuis son dernier vol. Mais aussi et surtout depuis la fin brutale du partenariat avec la Russie, qui assurait certains lancements européens depuis la Guyane française avec sa fusée Soyouz, après l’invasion de l’Ukraine en février 2022.
 

Une situation de dépendance qui a laissé l’Europe, « pendant une petite année, sans capacité de lancer des satellites, notamment certains satellites militaires ou institutionnels », et qui a « vraiment freiné le programme spatial européen », appuie Paul Wohrer, chercheur à l’Institut français des relations internationales spécialiste de la géopolitique et des stratégies des puissances spatiales.

Et, « quand on n’a plus de porte d’entrée dans l’espace », poursuit le chercheur, les risques sont grands : « On risque de se soumettre soit aux conditions [d’utilisation des satellites] d’une autre puissance, soit éventuellement à ses prix. » Être capable de fabriquer des fusées, de les lancer et de décider du calendrier « en toute souveraineté » est donc « fondamental pour l’Europe aujourd’hui ».

 

L’espace toujours plus stratégique
 

D’autant que les capacités spatiales sont stratégiques, car « absolument essentielles pour garantir le bon fonctionnement de la société et de la vie civile », complète Paul Wohrer. C’est notamment le cas de la constellation de satellites Galileo, le « GPS européen », en cours de déploiement : « On peut utiliser le GPS américain, mais c’est une infrastructure militaire par nature, gérée par les militaires américains, et dont l’Europe n’a jamais eu envie de dépendre », précise le chercheur.

 

« Comment définir ça autrement qu’un intérêt stratégique ? » confirme Pier Domenico Resta. Il en va de même pour le programme d’observation de la Terre de la Commission européenne, Copernicus, utilisé entre autres dans l’agriculture, la gestion des forêts ou des catastrophes naturelles ou l’urbanisme, ainsi que pour la météorologie, « indispensable à de très nombreuses activités », expose Paul Wohrer.

Entretenir le prestige

Plus stratégique encore, disposer d’un accès indépendant à l’espace est primordial pour ce qu’on pourrait appeler le « service public de la sécurité et de la défense », développe le chercheur, « puisque les activités militaires et de sécurité utilisent énormément les informations fournies par les satellites ». Sans oublier que tout ce qui peut être utilisé pour des fonctions civiles peut généralement l’être pour des fonctions militaires : « On peut observer la Terre pour suivre le climat, mais on peut aussi observer ses adversaires. On peut guider sa voiture pour éviter les embouteillages, mais on peut aussi guider des missiles, des bombes intelligentes vers leur cible. En ce qui concerne la communication par satellites, c’est typiquement la télévision, même si c’est un modèle économique en déclin, mais ça marche aussi pour faire ce qu’on appelle du “commande et contrôle” des troupes au sol. »

Enfin, dans une logique de coopération, une fusée comme Ariane 6 et les capacités de lancement qui lui sont associées « favorisent les rapprochements avec les alliés, évoque Paul Wohrer. Ça nous permet, notamment dans le cadre du programme [de retour sur la Lune] Artemis, de fournir des capacités qui sont importantes, et donc d’avoir une coopération continue avec les Américains de très haut niveau ».

Écartant toute idée de concurrence avec les États-Unis, notamment avec SpaceX, Pier Domenico Resta confirme : « Rivaliser avec des acteurs non-européens est très utile pour l’ESA, pour pouvoir proposer des projets de coopération avec d’autres agences comme la Jaxa [l’agence spatiale japonaise]. »

De quoi favoriser, selon Paul Wohrer, « le prestige » de l’Europe, et « montrer que son modèle fonctionne ». Rien que ça… Ariane 6 a le poids du Vieux Continent sur les boosters.

> Voir l’article sur le site de 20 Minutes

Guerre au Nord Kivu : rapport de l’ONU sur un conflit oublié

Guerre au Nord Kivu : rapport de l’ONU sur un conflit oublié

par Revue Conflits – publié le 10 juillet 2024

https://www.revueconflits.com/guerre-au-nord-kivu-lonu-eclaire-un-conflit-tres-meurtrier/


Le rapport final du Groupe d’experts sur la République démocratique du Congo révèle une aggravation continue de la situation sécuritaire et humanitaire dans l’est du pays. Ce document des Nations unies met en lumière l’intensification des violences et équilibre les responsabilités des différents acteurs.

Guerre oubliée alors qu’elle engendre des millions de déplacements et des milliers de morts, la guerre qui sévit au Nord Kivu est de nouveau sous les feux des projecteurs avec un rapport de l’ONU publié le 8 juillet. Entretien avec Fleury Venance Agou sur les enseignements de ce rapport.

Fleury Venance Agou est doctorant en intelligence économique (Université de Bangui, Centrafrique). Propos recueillis par la rédaction

Comment évolue la situation au Nord Kivu ?

La situation au Nord-Kivu est chaotique. Le rapport souligne que les Forces démocratiques alliées (ADF), groupe armé opérant à la fois en RDC et en Ouganda, ont intensifié leurs attaques, dont les civils constituent les principales victimes.

Les affrontements entre le Mouvement du 23 mars (M23) et les Forces de défense rwandaises (RDF) contre les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) et leurs alliés locaux, se sont également aggravés, entraînant la conquête de nouvelles zones stratégiques par le M23. Selon le rapport, cette situation a provoqué le déplacement de près de 1,7 million de personnes au Nord-Kivu et environ 500 000 personnes supplémentaires vers le Sud-Kivu. Ces millions de personnes vivent dans le dénuement le plus total.

Quelles responsabilités le rapport attribue-t-il à chacun des acteurs  ?

En 2023, les ADF ont été responsables de “plus de 1 000 décès, principalement des civils”. Les ADF est “le groupe armé commettant le plus grand nombre de meurtres en RDC” cette année-là. Leur stratégie consiste à éviter les forces de sécurité et à cibler les civils, en représailles aux opérations militaires menées contre eux. Ils ont également établi des réseaux de collaborateurs, en utilisant des détenus pour recruter et organiser des soutiens.

Le Rwanda est lui directement impliqué par le soutien qu’il apporte au M23. Les Forces de défense rwandaises (RDF) ont non seulement appuyé le M23 dans ses opérations militaires, mais ont aussi été accusées de participer directement aux combats et de contribuer à l’instabilité régionale. Selon le rapport, “le M23 et le RDF ont continué de punir les civils perçus comme ayant collaboré avec des groupes armés ennemis, en particulier parmi la population hutu perçue comme associée aux FDLR ou Nyatura, sous forme d’exécutions, de tortures, de destructions de villages, de pillages ou de détentions arbitraires”.

En République démocratique du Congo, les Forces armées de la RDC (FARDC) sont impliquées dans des affrontements violents avec le M23 et les RDF. Malgré leur rôle dans la défense du territoire, les FARDC ont été critiquées pour leurs abus et erreurs, notamment dans l’utilisation excessive de l’artillerie lourde, qui a causé des victimes civiles. Les FARDC ont aussi souvent utilisé des groupes armés locaux sous la bannière “Wazalendo” comme proxies, compliquant davantage la situation sécuritaire. Ces groupes ont mené des opérations conjointes, mais les Wazalendo, souvent hors de contrôle, se sont livrés à des pillages en toute impunité dans des villes comme Goma. Constitués de milices locales, ces derniers se sont multipliés en réponse à l’insécurité. Ils commettent de graves violations des droits de l’homme, y compris des enlèvements, des “extorsions, des pillages, des détentions illégales, des tortures, des viols et des meurtres”. Les Wazalendo ont prospéré dans une économie de guerre violente, imposant des taxes illégales pour financer leurs activités.

Enfin, divers groupes armés locaux, prétendant protéger la population, ont commis des abus tels que des meurtres, des enlèvements et des taxations illégales. Ces groupes manipulent les dynamiques locales pour légitimer leurs actions, galvanisant ainsi les tensions et violences régionales.

Carte des grands lacs.
Conflits

Le rapport raconte que Félix Tshisekedi a une position litigieuse sur la mobilisation des enfants soldats ?

Le rapport souligne en effet les responsabilités de plusieurs acteurs dans l’utilisation d’enfants soldats, y compris la position litigieuse du Président Félix Tshisekedi.

Il a été rapporté que Tshisekedi a justifié l’utilisation d’enfants soldats en utilisant des arguments de “force majeure”, bien que cela contrevienne aux engagements légaux de la RDC de libérer tous les enfants de moins de 18 ans des groupes armés.

Le recrutement d’enfants soldats est un phénomène courant dans de nombreux pays africains, motivé par l’insécurité chronique et le manque de ressources. Les enfants sont souvent enrôlés en raison de la vulnérabilité de leurs familles face à l’insécurité et à la rareté des ressources. En RDC, l’intensification du conflit a vu une augmentation significative du recrutement d’enfants par des groupes armés comme le M23 et les Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR).

Le rapport fait des recommandations à chacun des acteurs impliqués. Quelles sont-elles ?

Pour le gouvernement de la RDC, il est recommandé d’enquêter sur l’utilisation d’armes explosives, y compris les explosifs transportés par drones, et de s’abstenir de les utiliser dans les zones peuplées. Il est également conseillé de cesser toute collaboration avec les groupes armés, en particulier les Forces démocratiques de libération du Rwanda-Forces combattantes abacunguzi (FDLR-FOCA), et de démanteler les réseaux des ADF dans les prisons.

Concernant l’utilisation d’enfants soldats, le rapport recommande au gouvernement de la RDC de mettre en œuvre la législation nationale de 2009 (Loi n° 09/001) en enquêtant et en poursuivant tous les individus responsables du recrutement, de la formation et de l’utilisation d’enfants soldats, et de prendre des mesures immédiates pour assurer leur libération.

Le gouvernement rwandais se voit recommander de retirer ses forces armées et son armement de la RDC, et de veiller à ce que la Raffinerie d’Or de Gasabo (GGR) se conforme aux directives de diligence raisonnable, notamment en vérifiant l’origine de l’or.

Enfin, le Rwanda, le Burundi et l’Ouganda doivent cesser toute collaboration avec les groupes armés actifs en RDC et enquêter et poursuivre les individus et les réseaux impliqués dans la contrebande d’or.

Que peut-on attendre de la communauté internationale ?

Reste à voir comment la communauté internationale réagira. Jusque-là, la responsabilité du Rwanda était surtout médiatisée – responsabilité qui n’est pas niée par ce rapport au demeurant. Désormais, chaque acteur fait l’objet de recommandations claires et précises. Cependant, la situation est très incertaine, dans un contexte où les prises de parole des autorités nationales sont de plus en plus virulentes. En définitive, il n’est pas certain que les grands acteurs internationaux, dont les regards sont braqués sur l’Ukraine et le Moyen Orient, n’aient ni les moyens ni la volonté de s’immiscer dans ce bourbier.

Avec une LPM 2024-30 en suspens, le ministère des Armées va au devant de gros problèmes budgétaires

Avec une LPM 2024-30 en suspens, le ministère des Armées va au devant de gros problèmes budgétaires

https://www.opex360.com/2024/07/08/avec-une-lpm-2024-30-en-suspens-le-ministere-des-armees-va-au-devant-de-gros-problemes-budgetaires/


Les urnes ont livré leur verdict et la « clarification » souhaitée par le président Macron au moment de l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale, le 9 juin dernier, n’a pas eu lieu dans la mesure où aucune formation politique n’a obtenu la majorité absolue, fixée à 289 sièges.

Ainsi, avec 178 élus, le Nouveau front populaire [LFI, PS, PCF, écologistes, NPA, etc.] en est très loin, même si son résultat est supérieur à celui qu’avait précédemment obtenu la Nouvelle union populaire écologique et sociale [Nupes] dont il est la continuité. Sa progression est surtout due au PS, qui double pratiquement le nombre de ses députés, alors que LFI en a perdu une poignée [71 contre 75].

L’ancienne majorité présidentielle, composée notamment de Renaissance, de Horizon et du Modem, a sans doute « sauvé les meubles ». Mais ses 156 députés ne seront évidemment pas suffisants pour former un gouvernement. Même chose pour le Rassemblement national et ses alliés issus des Républicains qui, malgré un écart conséquent en termes de suffrages exprimés par rapport au Nouveau front populaire [3’134’022 voix], n’a obtenu que 143 sièges. Enfin, avec une soixantaine de députés, Les Républicains sont parvenus à maintenir peu ou prou leur position par rapport à la dernière assemblée.

Dans de telles conditions, il sera très difficile, de former un gouvernement… et donc de maintenir un cap politique en esquivant les motions de censure que ne manqueront pas de déposer ses opposants. À moins de trouver d’improbables majorités de circonstances ou quelques élus dont l’échine est plus souple que celle de leurs collègues, ce qui, en l’état actuel des choses, est une tâche impossible.

En attendant, l’heure de vérité arrivera très vite, avec la Loi de finances initiale pour 2025, qui doit être soumise au Parlement à la fin du mois septembre [du moins, en théorie]. Et cela alors que l’état des finances publiques s’est encore aggravé au cours de ces derniers mois.

Ainsi, selon les derniers chiffres de l’INSEE, à la fin du premier trimestre 2024, la dette publique avait encore augmenté de 58,3 milliards pour s’établir à 3159,7 milliards d’euros [soit 110,7 % du PIB]. Quand au déficit public, aucune amélioration n’est en vue : il devrait s’élever à 5,1 % du PIB en 2024… Ce qui a d’ailleurs motivé la Commission européenne à placer la France en « procédure de déficit excessif », quinze jours après que l’agence de notation Standard & Poor’s a dégradé la note de la dette française de AA à AA-.

« La France […] soumettra son plan national budgétaire et structurel à moyen terme [pour une durée de cinq ans] le 20 septembre 2024. La Commission procédera ensuite à son évaluation. Ce n’est qu’en novembre 2024 que la Commission formulera ses recommandations. La France aura six mois pour s’y conformer. Et, si, en juin 2025, la France n’a pris aucune mesure correctrice, alors la Commission pourrait envisager des sanctions », explique le site officiel Vie Publique.

Le risque est donc de voir les taux d’intérêts augmenter, ce qui augmentera mécaniquement la charge de la dette, sur laquelle il n’y a aucune marge de manœuvre. Aussi, pour le projet de loi de finances 2025, on peut s’attendre à des débats houleux sur les mesures à prendre : faudra-t-il augmenter les recettes [et donc les impôts], réduire les dépenses, ou faire les deux à la fois ?

Quoi qu’il en soit, au vu des positions affichées [et défendues] par les uns et les autres, trouver une majorité pour faire passer ce texte [qui, par ailleurs, ne manquera pas d’être modifié par le Sénat] avant le 31 décembre prochain sera une gageure. D’où l’hypothèse très probable d’un retour à une pratique qui était en vogue lors des IIIe et IVe Républiques, avec leurs majorités instables : la méthode dite du douzième provisoire.

Concrètement, en cas de blocage, le Parlement vote une loi d’urgence budgétaire dont les dépenses et les recettes, identiques à celles de la précédente loi de finances, sont divisées par douze. Ainsi, on appliquerait ces douzièmes pour chaque mois de l’année 2025, tant qu’un nouveau budget n’aura pas été adopté.

Sauf que, selon la Loi de programmation militaire [LPM] 2024-30, qui n’est pas contraignante stricto sensu, il est question d’augmenter le budget du ministère des Armées de 3,3 milliards d’euros en 2025, pour le porter à 50,5 milliards. Un effort quasi identique est prévu pour les annuités 2026 et 2027.

Si la méthode du douzième provisoire s’applique, alors le ministère des Armées devra faire une croix sur la trajectoire financière de la LPM, alors que plusieurs programmes d’envergure ont d’ores et déjà été engagés et que la modernisation de la dissuasion est un impératif. En outre, il faudra aussi prendre en compte les effets de l’inflation, ce qui compliquera davantage une équation déjà difficile à résoudre, d’autant plus que les marges de manœuvres sont déjà étroites…

Avec la guerre aux confins de l’Europe, l’apparition de nouveaux champs de conflictualité et des menaces qui s’empilent, une telle situation n’est évidemment guère confortable. Se posera également la question de l’engagement de la France auprès de ses Alliés.

Une solution serait de faire en sorte que les crédits du ministère des Armées soient votés en dehors d’un projet de loi de finances initiale. Là, il n’y aurait aucun difficulté à trouver une majorité confortable, le bloc central comme le RN et LR ayant pris l’engagement de respecter la LPM 2024-30 durant la campagne électorale. Seulement, il n’est pas certain qu’un tel expédient puisse être possible d’un point de vue juridique.