M. Lecornu dénonce les manœuvres autour de l’appel d’offres sur le futur supercalculateur dédié à l’IA de défense

M. Lecornu dénonce les manœuvres autour de l’appel d’offres sur le futur supercalculateur dédié à l’IA de défense

https://www.opex360.com/2024/10/15/m-lecornu-denonce-les-manoeuvres-autour-de-lappel-doffres-sur-le-futur-supercalculateur-dedie-a-lia-de-defense/


Le ministère des Armées s’est très vite intéressé au potentiel de l’intelligence artificielle [IA] pour la conduite de ses opérations. D’où les programmes Artemis IA [ARchitecture de Traitement et d’Exploitation Massive de l’Information multi-Sources] et TORNADE [Traitement Optique et Radar par Neurones Artificiels via Détecteur] ou encore les études MMT [Man-Machine-Teaming] et HYPERION [pour le combat terrestre]. En outre, il a défini un cadre éthique pour l’usage de cette technologie

Mais il s’agit désormais d’aller plus loin, la Loi de programmation militaire [LPM] 2024-30 précisant que les armées devront être en mesure de « traiter de façon autonome le flux de données apporté par les capteurs dont elles disposent  » et de consolider leur « capacité d’appréciation des situations stratégiques et tactiques ». D’autres applications sont envisagées, en particulier dans le domaine de la robotique et dans celui du Maintien en condition opérationnelle [MCO].

À cette fin, en mars dernier, le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, a annoncé la création de l’Agence ministérielle de l’intelligence artificielle de défense [AMIAD], censée être le pendant de la Direction des application militaires [DAM] du Commissariat à l’énergie atomique et des énergies renouvelables [CEA], laquelle est dédiée à la dissuasion nucléaire.

La mission de l’AMIAD sera de « conceptualiser, voire fabriquer, l’intelligence artificielle dans les grands programmes militaires, actuels comme futurs ». Et, pour cela, à l’instar de la DAM/CEA, elle disposera de son propre supercalculateur « classifié » qui permettra de tester l’IA embarquée dans les systèmes d’armes. En outre, il pourra être utilisé par les industriels de la défense, sans « crainte d’espionnage ». En clair, il ne sera évidemment pas question de la « brancher » à un réseau.

Devant être le plus puissant d’Europe en matière d’IA de défense, ce supercalculateur doit être mis en service en 2025. Aussi, sans attendre, il a fait l’objet d’un appel d’offres, dont le montant est compris entre 200 et 300 millions d’euros. Deux industriels se sont manifestés : Hewlett Packard [associé à Orange] et Atos.

À noter que, pour une très grande part, ce contrat profitera à l’industriel qui fournira les processeurs de type NPU [Neural Processing Unit]. Et comme l’américain Nvidia occupe une position dominante sur le marché [88 %], il y a tout lieu de penser qu’il en sera le grand bénéficiaire.

Quoi qu’il en soit, ces derniers jours, plusieurs sources ont indiqué que l’offre du tandem Hewlett Packard / Orange avait les faveurs de la Direction interarmées des réseaux d’infrastructure et des systèmes d’information, chargée d’instruire ce dossier. Et cela alors que, bien que très affaibli, Atos semblait avoir les meilleures cartes en main pour s’imposer.

Mais les jeux sont loin d’être faits. C’est ce qu’a en effet expliqué M. Lecornu, lors d’une audition à l’Assemblée nationale, le 14 octobre. « Le marché est toujours en cours. Et comme tous les marchés publics toujours en cours, il faut faire preuve de prudence », a-t-il dit, avant de dénoncer certaines manœuvres autour de cette procédure.

« Pour être direct, j’invite les parlementaires à la plus grande des prudences, notamment sur toutes les approches de lobbies divers et variés puisque j’ai été frappé de voir une agitation parisienne importante sur ce sujet. Et en général, cette agitation n’est pas gratuite », a lancé le ministre.

« Les entreprises font bien ce qu’elles veulent avec leur argent pour toucher en influence les différents décideurs mais lorsqu’on parle de la mise en concurrence sur des sommes importantes, sur des marchés publics en cours, je pense que, collectivement, il nous faut faire attention. Pour être transparent, il y a des approches du ministère qui, pour moi, interrogent », a poursuivi M. Lecornu

Quoi qu’il en soit, si le marché de ce supercalculateur n’a pas été attribué, c’est que les deux offres reçues interrogent. Selon le ministre, l’une est « anormalement faible » [l’impératif de « souveraineté » n’est pas une excuse, a-t-il suggéré]. Quant à la seconde, elle « pose la question » de savoir si elle « n’est pas anormalement forte » par rapport à la première.

Et « quand je dis que les deux réponses sont très différentes, elles le sont sur les délais, le prix, la performance et le ‘staff’ qui est mis. Quiconque ayant fait une CAO [commission d’appel d’offres, ndlr] dans une mairie, un département voit bien ce que cela peut vouloir dire », a dit le ministre.

Aussi, pour tirer les choses au clair, M. Lecornu a dit avoir saisi le Contrôle général des armées [CGA] pour qu’il « reprenne l’ensemble de la procédure du marché », tant sur la forme que sur le fond. Il doit rendre ses conclusions dans dix ou quinze jours.

Photo : Naval Group

L’OTAN et l’Europe dans la stratégie américaine

L’OTAN et l’Europe dans la stratégie américaine

Giuseppe GAGLIANO* – TRIBUNE LIBRE N°160 / octobre 2024 – CF2R

https://cf2r.org/tribune/lotan-et-leurope-dans-la-strategie-americaine/

*Président du Centro Studi Strategici Carlo De Cristoforis (Côme, Italie). Membre du comité des conseillers scientifiques internationaux du CF2R.


Au cours des dernières décennies, l’OTAN s’est révélée être un instrument fondamental dans la stratégie géopolitique des États-Unis pour maintenir le contrôle sur le Rimland européen et sur les industries militaires du continent. La théorie géopolitique, développée par des figures telles que Halford Mackinder et Nicholas Spykman, identifie dans le contrôle des régions côtières européennes et asiatiques une clé pour empêcher l’émergence de rivaux potentiels capables de défier l’hégémonie mondiale des États-Unis. Selon cette vision, l’Europe, avec son potentiel économique et industriel, représente une zone d’intérêt stratégique qui doit rester sous contrôle afin d’éviter qu’elle ne devienne une puissance indépendante ou pire, qu’elle collabore étroitement avec la Russie, créant un axe qui affaiblirait la domination américaine.

L’OTAN, née dans le contexte de la Guerre froide, avait pour mission principale de contenir l’expansion soviétique et de protéger l’Europe occidentale des menaces du bloc communiste. Cependant, avec la fin de la Guerre froide et la dissolution de l’Union soviétique, l’alliance a maintenu sa centralité en tant qu’instrument de contrôle géopolitique, en particulier vis-à-vis de la Russie et de ses aspirations à redevenir un acteur majeur sur la scène internationale. Plus qu’une simple alliance défensive entre égaux, l’OTAN a fini par représenter une forme d’influence directe des États-Unis sur les politiques de sécurité et de défense européennes.

Entretenir la dépendance militaire et énergétique de l’Europe

L’un des aspects centraux de ce contrôle est le monopole que les États-Unis exercent sur l’industrie militaire européenne. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, avec le Plan Marshall, les États-Unis ont fourni une aide militaire et économique massive à l’Europe, s’assurant ainsi une position privilégiée dans la fourniture d’armes et de technologies aux pays européens. Cela s’est traduit par une dépendance qui, avec le temps, est devenue systématique : les armées européennes, au lieu de développer leur propre industrie de défense autonome et compétitive, ont souvent choisi d’acheter des armes américaines.

Un exemple emblématique de ce processus est le « Pacte du Siècle » de 1975, lorsque plusieurs pays européens, dont la Belgique, les Pays-Bas, le Danemark et la Norvège, ont été poussés à acheter le chasseur américain F-16, bien que des alternatives européennes telles que le Mirage F-1 français ou le Saab Viggen suédois, tous deux mieux adaptés aux besoins des forces aériennes européennes, étaient disponibles. Ce scénario s’est répété à de nombreuses reprises, comme dans le cas de l’achat des F-35 par la Belgique en 2018, où le gouvernement de Bruxelles a choisi le chasseur américain malgré sa réputation peu fiable et difficile à moderniser, rejetant des options européennes comme le Rafale français ou le Typhoon d’Eurofighter.

Ce phénomène ne se limite pas seulement à l’achat de systèmes d’armes, mais s’étend au contrôle des principales industries militaires européennes. Grâce à des acquisitions et des fusions, des groupes financiers américains ont absorbé bon nombre des entreprises européennes opérant dans le secteur de la défense. L’un des cas les plus significatifs est l’acquisition de la division aéronautique Fiat Avio par des investisseurs américains, une opération qui a permis aux États-Unis de mettre la main sur des technologies stratégiques utilisées dans des projets tels que l’Eurofighter et l’Airbus A400M, ainsi que dans le programme spatial européen Ariane.

La pénétration américaine dans l’industrie militaire européenne ne s’est pas arrêtée là. Des entreprises allemandes comme MTU Aero Engines, qui produit des composants pour l’Eurofighter, ont été acquises par des groupes américains, tout comme la suédoise Bofors et l’espagnole Santa Bárbara Blindados, productrice des chars Leopard 2-E. Cette stratégie a conduit à une dépendance accrue de l’Europe vis-à-vis de la technologie militaire américaine, rendant difficile pour les pays européens de développer une industrie de défense compétitive et autonome.

L’objectif principal de cette stratégie est évident : empêcher l’Europe de développer une capacité de défense indépendante et empêcher toute collaboration étroite entre l’Europe et la Russie, une éventualité que Washington considère comme une menace pour son hégémonie mondiale. La rupture des relations entre l’Europe et la Russie a toujours été une priorité stratégique pour les États-Unis et le conflit en Ukraine n’est que le dernier exemple de cette politique. Le sabotage des gazoducs en mer Baltique, qui a interrompu les approvisionnements énergétiques russes vers l’Europe, et l’isolement de régions stratégiques telles que le Donbass et la mer Noire, démontrent clairement l’intention de Washington d’empêcher une coopération économique et stratégique entre l’Allemagne et la Russie.

Sur le plan énergétique, l’Europe se trouve aujourd’hui dans une position vulnérable, avec ses approvisionnements en gaz fortement compromis. Le conflit israélo-palestinien a encore compliqué la situation, empêchant l’exploitation de gisements de gaz en Méditerranée orientale, ce qui pourrait avoir des répercussions durables sur la sécurité énergétique européenne. Cet isolement énergétique, combiné au contrôle américain des industries militaires, laisse l’Europe dans une position de dépendance qu’elle aura du mal à surmonter sans un changement radical de stratégie politique et industrielle.

En définitive, le contrôle que les États-Unis exercent sur l’Europe à travers l’OTAN n’est pas seulement une question de sécurité, mais représente un obstacle structurel au développement d’une Europe autonome et compétitive. La survie de l’OTAN et son influence croissante, notamment après la fin de la Guerre froide, montrent que l’Europe est considérée par Washington non pas comme un allié égal, mais comme une région à contrôler et à gérer pour éviter qu’elle ne devienne un rival mondial. La dépendance militaire, énergétique et industrielle de l’Europe vis-à-vis des États-Unis est le résultat de décennies de politiques visant à maintenir le continent fragmenté et faible, incapable de développer sa propre vision stratégique autonome.

La volonté de l’OTAN de renforcer ses capacités confrontée à de multiples difficultés

L’analyse stratégico-militaire et économique des plans de renforcement de l’OTAN, tels qu’ils ont été récemment révélés, permet de mettre en lumière une série de complexités et de contradictions qui reflètent les difficultés structurelles des alliances militaires dans le contexte d’une crise internationale en constante évolution. La proposition d’augmenter le nombre de brigades de l’OTAN de 82 à 131 d’ici 2030, comme mentionné dans le document confidentiel cité par Die Welt[1], est clairement une réponse à l’escalade des tensions entre l’Occident et la Russie, notamment après l’invasion de l’Ukraine. Un tel renforcement se justifie aux yeux de l’alliance par la perception d’un risque croissant d’affrontement direct avec Moscou, alimenté par l’implication croissante de l’OTAN dans le soutien logistique et militaire à Kiev. Cependant, ce plan se heurte à un certain nombre de difficultés économiques, sociales et politiques, qui pourraient rendre sa mise en œuvre difficile.

D’un point de vue géopolitique, l’idée d’un renforcement des capacités militaires de l’OTAN découle de la nécessité de répondre à la menace d’une éventuelle attaque russe contre l’Europe, bien que le Kremlin continue de nier avoir une telle intention, la qualifiant de propagande occidentale visant à justifier des dépenses militaires supplémentaires. Cette politique de l’Alliance reflète la polarisation croissante entre la Russie et l’Occident, alimentée par la guerre en Ukraine et la rhétorique agressive qui domine le discours international. La décision de l’OTAN d’augmenter le nombre de brigades et de commandements militaires, ainsi que de renforcer la défense aérienne et le nombre d’hélicoptères[2], s’inscrit dans une logique de préparation à un conflit de longue durée, qui pourrait toutefois ne pas être perçu comme imminent par les opinions publiques des États membres. En effet, bien que les gouvernements occidentaux soient engagés à renforcer leurs capacités défensives, le soutien populaire à ces mesures reste incertain, notamment dans un contexte de difficultés économiques, de récession et de crise énergétique.

L’aspect économique est en effet crucial. L’Europe traverse une période de désindustrialisation et d’augmentation des coûts énergétiques, ce qui rend difficile le financement d’un vaste programme de réarmement. Le plan de renforcement de l’OTAN nécessiterait des investissements bien au-delà des 2% du PIB, un seuil que beaucoup de pays peinent déjà à atteindre. Seuls 23 des 32 membres de l’OTAN respectent actuellement cette exigence et parmi les principaux contrevenants figurent des nations comme l’Italie, l’Espagne et la Belgique. Cela met en évidence une disparité claire entre les pays les plus riches et ceux plus petits ou économiquement fragiles, qui pourraient ne pas être en mesure de supporter le poids financier requis. En outre, le plan implique que les grandes nations, telles que l’Italie, la France, l’Allemagne et la Grande-Bretagne, devraient constituer au moins trois ou quatre nouvelles brigades chacune, ce qui nécessite des ressources supplémentaires et pourrait ne pas être bien accueilli par les opinions publiques nationales, de plus en plus sceptiques quant aux dépenses militaires.

Le plan de l’OTAN pourrait par ailleurs s’avérer irréalisable en raison de facteurs internes aux armées occidentales. L’un des défis les plus importants concerne la pénurie de personnel militaire, un problème qui affecte presque toutes les forces armées de l’Occident. Ces dernières années, il y a eu un déclin des vocations militaires dans tous les principaux pays de l’OTAN, avec un exode de personnel qualifié et une diminution des recrutements. Cette tendance est particulièrement grave dans des pays comme le Royaume-Uni, où le nombre de soldats en service est à son plus bas niveau historique, et aux États-Unis, qui n’atteignent plus leurs objectifs de recrutement depuis des années. Les marines occidentales connaissent également de graves difficultés, avec de nombreux navires laissés à quai par manque d’équipages. Dans ce contexte, augmenter le nombre de brigades et renforcer les capacités militaires semble être un objectif difficile à atteindre, voire utopique. L’OTAN pourrait ainsi se trouver confrontée à un dilemme : comment concilier l’ambition de renforcer ses défenses avec la réalité d’une pénurie de ressources humaines et financières ?

Un autre aspect à prendre en compte est la capacité des nations de l’OTAN à soutenir un long programme de réarmement dans un contexte d’incertitude économique et politique. Le soutien militaire à l’Ukraine, de plus en plus critiqué par les opinions publiques européennes, combiné aux difficultés économiques internes, pourrait réduire le consensus politique en faveur de telles mesures. Dans de nombreux pays européens, les citoyens demandent « du beurre » plutôt que « des canons », c’est-à-dire une plus grande attention aux politiques économiques et sociales plutôt qu’à des programmes de défense coûteux. Cette dynamique pourrait affaiblir la détermination des gouvernements à s’engager dans le renforcement des forces armées, en particulier si le risque d’une invasion russe est perçu comme lointain ou exagéré.

En conclusion, bien que le plan de renforcement de l’OTAN soit une réponse logique aux tensions croissantes avec la Russie, il risque de rester davantage un vœu pieux qu’une réalité concrète. La combinaison de difficultés économiques, de pénurie de personnel militaire et d’un consensus politique incertain rend ce projet difficile à réaliser, voire impossible. L’OTAN devra donc faire face à des défis importants dans les années à venir, en cherchant à équilibrer les besoins en matière de sécurité avec les ressources limitées dont disposent ses membres.


[1] https://www.agenzianova.com/fr/news/Le-monde-de-l%27OTAN-est-prêt-à-demander-aux-États-membres-une-augmentation-des-troupes-et-des-armes-pour-se-protéger-de-Moscou/

[2] https://www.nato.int/cps/fr/natohq/news_227685.htm

Tir d’essai du futur missile antiaérien de l’armée française qui devrait entrer en service en 2026

AASSDN* – publié le 13/10/2024

https://aassdn.org/amicale/tir-dessai-du-futur-missile-antiaerien-de-larmee-francaise-qui-devrait-entrer-en-service-en-2026/

*L’AASSDN rassemblela communauté du renseignement et renforce ses liens avec l’ensemble des citoyens


Le missile jaillit de son tube et bondit vers le ciel. Une dizaine de secondes plus tard, la cible volante est désintégrée: l’armée française a testé mardi avec succès la future version de son missile anti-aérien, qui doit pouvoir intercepter certains missiles balistiques ou hypersoniques.

Baptisé « opération Mercure », l’essai mené au centre d’essais de la Direction générale de l’armement (DGA) à Biscarosse (Landes, sud-ouest) est le “premier tir de développement de ce que sera le futur missile Aster”, explique la directrice du centre, l’ingénieure de l’armement Corinne Lopez.

Le missile Aster 30 B1NT (nouvelle technologie), qui doit entrer en service en 2026, aura la capacité d’atteindre une cible volant à 25 000 mètres d’altitude à 150 kilomètres à la ronde, selon son concepteur, le fabricant de missiles européen MBDA.

Outre les avions, il aura la capacité d’intercepter des missiles balistiques de moyenne portée, du type de ceux tirés la semaine passée par l’Iran contre Israël, ainsi que les missiles dits hypersoniques, volant à plus de Mach 5 (6 000 km/h).

Pour l’heure, l’exercice se joue avec deux cibles orange volant à près de 900 km/h au-dessus de l’océan Atlantique à 6 000 mètres d’altitude, à une vingtaine de kilomètres de la côte.

Il en faudra plusieurs autres avant que le missile et son système de défense sol-air de moyenne portée (SAMP/T NG, sol-air moyenne portée terrestre de nouvelle génération) entrent en service.

“5, 4, 3, 2, 1… Tir autorisé”, énonce l’officier de conduite d’essai dans la salle d’opérations bardée d’écrans d’où sont surveillées et recueillies les données radar, optique ou de télémesures.

En bord de mer, une batterie de défense sol-air, tubes de lancement pointés à la verticale, déclenche le tir. “A tous, la cible a été touchée”, annonce peu après l’officier sous les applaudissements du ministre des Armées Sébastien Lecornu et de plusieurs parlementaires.

« C’était la première épreuve d’un programme qui est absolument clé (…) un beau succès sur la discrimination de cibles », salue M. Lecornu. Doté d’un nouvel autodirecteur, sorte de petit radar situé dans sa tête, le missile a en effet su faire la différence entre ce qui lui était présenté comme l’aéronef ami et l’autre ennemi.

Espoirs commerciaux

La France est engagée dans un renforcement de sa défense sol-air, domaine délaissé depuis la fin de la Guerre froide. Elle prévoit d’y consacrer 5 milliards d’euros d’ici 2030 et a déjà commandé 8 systèmes SAMP/T de nouvelle génération, qui avec les nouveaux Aster comprendra un nouveau radar et un nouveau système de conduite de tir. Elle doit en commander quatre autres dans les années à venir.

L’Italie, avec qui le programme a été lancé en 2021, doit de son côté se doter de 10 de ces systèmes. Les missiles Aster 30 B1NT équiperont également les frégates françaises et italiennes, ainsi que les pays qui achètent ces navires auprès des deux pays, tout comme certains bâtiments britanniques.

« Les frappes iraniennes sur Israël montrent bien à quel point les menaces balistiques à longue portée sont malheureusement devant nous. La France doit être prête », juge le ministre.

Alors que le système SAMP/T n’a jamais trouvé preneur à l’export, hormis une batterie donnée à l’Ukraine pour l’aider à défendre son ciel face aux bombardements russes, le ministre espère de futurs succès commerciaux, alors que de nombreux pays européens ont opté pour le Patriot américain.

Il s’agit pour Paris et Rome d’offrir une alternative au projet de « bouclier du ciel européen » (ESSI) lancé par l’Allemagne et auquel se sont joints une vingtaine de pays. Celui-ci entend s’appuyer sur les systèmes anti-aériens Iris-T allemand pour la défense sol-air courte portée, Patriot américain pour la moyenne portée et américano-israélien Arrow-3 pour la longue portée.

Avec le futur missile Aster, espère Sébastien Lecornu, « on est en train d’avoir un saut technologique suffisamment fort pour permettre à une partie de l’Europe d’acheter franco-italien et d’avoir une solution complètement souveraine », à 100% européenne.

Dépêche AFP  – 08/10/2024 à 14:18


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Guerre en Ukraine : Gazprom, aide française… Le point sur la nuit

Guerre en Ukraine : Gazprom, aide française… Le point sur la nuit

Le gouvernement hongrois a annoncé négocier avec Gazprom pour des livraisons de gaz russe en 2025. L’aide française à l’Ukraine devrait dépasser les deux milliards d’euros en 2024. Retour sur les événements qui ont marqué la nuit du lundi 14 au mardi 15 octobre 2024.

Le gouvernement hongrois et le géant énergétique public russe Gazprom sont en négociations pour conclure un contrat prévoyant des livraisons supplémentaires de gaz à la Hongrie en 2025.
Le gouvernement hongrois et le géant énergétique public russe Gazprom sont en négociations pour conclure un contrat prévoyant des livraisons supplémentaires de gaz à la Hongrie en 2025. | FILIP SINGER / EPA-EFE

Selon le ministre français des Armées Sébastien Lecornu, l’aide militaire française à l’Ukraine dépassera deux milliards d’euros en 2024, mais n’ira pas jusqu’aux trois milliards évoqués en début d’année.

Des centaines d’organisations ont reçu des alertes à la bombe lundi, forçant certains bâtiments publics à évacuer. Ces menaces interviennent vraisemblablement à la suite d’une enquête journalistique du média Radio Free Europe sur l’emploi de jeunes Ukrainiens par les services de renseignement russes pour incendier les voitures de membres de l’armée.

La Hongrie discute avec Gazprom pour des livraisons de gaz en 2025

Le gouvernement hongrois et le géant énergétique public russe Gazprom sont en négociations pour conclure un contrat prévoyant des livraisons supplémentaires de gaz à la Hongrie en 2025, a déclaré le ministre hongrois des Affaires étrangères Peter Szijjarto, cité mardi par l’agence de presse russe RIA.

Gazprom a annoncé la semaine dernière avoir signé un mémorandum d’entente avec Budapest en vue d’une possible augmentation des ventes de gaz russe. Le groupe n’a pas donné de détails.

Le chef de la diplomatie hongroise a par ailleurs fait savoir que Budapest mettrait son veto à toute sanction de l’Union européenne contre Moscou si les exemptions permettant à la Hongrie de se procurer du gaz russe sont révoquées. « Habituellement les sanctions sont examinées tous les six mois. Et tant que les sanctions (visant la Russie) sont en place, ces exemptions doivent rester applicables, parce qu’autrement nous mettrons notre veto aux sanctions », a-t-il dit.

Plus de 2 milliards d’euros d’aide française à l’Ukraine en 2024

L’aide militaire française à l’Ukraine dépassera deux milliards d’euros en 2024, notamment grâce à l’utilisation d’intérêts d’avoirs russes gelés, mais n’atteindra pas le maximum de trois milliards envisagé dans un accord de sécurité conclu avec Kiev, a affirmé lundi le ministre des Armées Sébastien Lecornu.

« Il était arrêté politiquement au début de l’année 2024 que cette aide pouvait aller jusqu’à trois milliards d’euros. Dans les faits, nous serons au-dessus de deux milliards d’euros, mais pas à trois milliards d’euros », a annoncé le ministre devant les députés de la commission de la Défense.

La France avait garanti son soutien à l’Ukraine dans un accord bilatéral de sécurité conclu le 16 février entre Paris et Kiev. L’aide militaire française a atteint 1,7 milliard d’euros en 2022 et 2,1 milliards en 2023, selon Paris.

Des organisations ukrainiennes menacées après une enquête journalistique

Des centaines d’écoles, d’entreprises, d’ambassades ou encore de médias ukrainiens ont reçu des alertes à la bombe par mail lundi, entraînant l’évacuation de bâtiments publics. Ces menaces semblent liées à une enquête menée par le média Radio Free Europe, montrant comment les services de renseignement russes ont recruté des jeunes Ukrainiens, dont des mineurs, pour incendier les véhicules de membres de l’armée et de dirigeants de centres de conscription.

« J’ai placé plusieurs engins explosifs dans votre bâtiment, et il va bientôt exploser », disait le message reçu par le média ukrainien The Kyiv Independent, également visé par ces menaces.

Radio Free Europe rapporte que des officiers de la police nationale ukrainienne ont inspecté leurs locaux, sans trouver trace d’engin explosif. Les messages de menaces comportaient les noms des trois journalistes auteurs de l’enquête, Iryna Sysak, Valeria Yegoshyna et Yulia Khymerik. « Nous ne nous laisserons pas intimider et nous soutiendrons nos journalistes qui continueront à informer le public ukrainien sans crainte ni faveur », a réagi Stephen Capus, président de Radio Free Europe.

Missiles balistiques à la Russie : des sanctions « injustifiées » selon l’Iran

L’Union européenne a annoncé lundi avoir décidé de prendre des sanctions contre l’Iran, accusé de livrer des missiles balistiques à la Russie dans sa guerre contre l’Ukraine. Le Royaume-Uni a annoncé de son côté des sanctions contre plusieurs dirigeants de l’armée iranienne après l’attaque de missiles lancée par l’Iran contre Israël le 1er octobre.

Le porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères, Esmail Baghaei, a rejeté mardi ces sanctions, les qualifiant d’« injustifiées et contraires au droit international ».

« Il a également souligné le droit inaliénable de l’Iran à la défense et à la coopération militaire avec d’autres pays, y compris la Russie », a rapporté l’agence de presse officielle iranienne Irna.

Le ministre des Armées confirme la commande du porte-avions de nouvelle génération en 2025

Le ministre des Armées confirme la commande du porte-avions de nouvelle génération en 2025


Dévoilé le 11 octobre, le projet de loi de finances pour l’exercice 2025 prévoit de porter le montant des crédits de la mission « Défense » à 50,54 milliards d’euros [soit + 3,3 milliards], conformément à la trajectoire financière définie par la Loi de programmation militaire [LPM] 2024-30. Et cela dans un contexte marqué par une dégradation significative des finances publiques, doublée par une situation politique incertaine, ce qui aura des incidences sur le débat budgétaire à l’Assemblée nationale.

Quoi qu’il en soit, le ministère des Armées est l’un des rares à échapper à la cure d’austérité qui s’annonce. Ce qui peut engendrer de l’incompréhension parmi une partie de l’opinion publique… Le ministre, Sébastien Lecornu, en est d’ailleurs conscient, en affirmant qu’il avait un « devoir vis-à-vis des contribuables, citoyens et électeurs » en faisant en sorte que cet argent « soit bien employé ».

Mais, ce 14 octobre, lors d’une audition à l’Assemblée nationale, M. Lecornu a soutenu que le ministère des Armées avait déjà payé son écot au redressement des finances publiques.

« On a [eu] des dividendes de la paix qui ont été emmenés un peu loin dans les années 2000 et dont on voit bien que les effets ont été durables sur nos capacités militaires. […] On avait, globalement, pendant vingt ans, une richesse nationale qui avait augmenté de plus de 50 % et des dépenses militaires mondiales qui avaient augmenté de 18 % pendant que nos dépenses militaires nationales diminuaient de 17 % », ce qui s’est traduit par la suppression de 54 000 postes, d’un régiment de l’armée de Terre sur deux et de 11 bases aériennes. Et le ministre de relever également que la Marine nationale avait « 311 000 tonnes d’acier à la mer dans les années 1980 » contre 287’000 tonnes en 2019.

Pour le moment, le ministère des Armées n’a pas publié le détail des livraisons et des commandes prévues en 2025. Mais devant les députés de la commission de la Défense, M. Lecornu en a donné les grandes lignes.

Ainsi, sans entrer dans les détails, un effort plus important que prévu sera fait sur les munitions dites complexes, avec une enveloppe de 1,9 milliard d’euros [+ 27 %, soit 400 millions d’euros de plus par rapport à l’exercice 2024] et il est question de renforcer les capacités permettant d’éviter un « contournement par le bas de la dissuasion ». L’espace bénéficiera d’un investissement de 870 millions d’euros [soit + 15 %] tandis que le renseignement et le cyber verront encore leurs crédits progresser [environ 13 % de plus]. Enfin, il s’agira d’accélérer le développement d’armes à énergie dirigée ainsi que les moyens relatifs aux grands fonds marins.

Mais le « gros » morceau reste encore le porte-avions de nouvelle génération [PA NG] puisque, a annoncé M. Lecornu, le ministère des Armées notifiera sa commande aux industriels l’an prochain.

« L’année 2025 sera celle de la passation de commande du porte-avions de nouvelle génération », a simplement lâché M. Lecornu.

Jusqu’à présent, cette échéance était incertaine. Et probablement qu’elle suscitera quelques commentaires négatifs [le ministre en a eu un avant goût en commission…], d’autant plus que l’investissement prévu devrait s’élever à « une dizaine de milliards d’euros », selon le dernier numéro de Cols Bleus, le magazine de la Marine nationale.

En réalité, le programme de PA NG a en quelque sorte déjà commencé étant donné que, en avril, la commande des « prestations à longs délais d’approvisionnement » ont été notifiées à MO-Porte-avions [la coentreprise de Naval Group et des Chantiers de l’Atlantique] ainsi qu’à TechnicAtome.

« Les prestations concernent la propulsion nucléaire du navire, à savoir : les chaufferies, les enceintes de confinement et la conversion énergie vapeur », avait alors expliqué la Direction générale de l’armement [DGA].

Pour le moment, le programme PA NG est dans sa phase d’avant-projet détaillé, celle-ci devant s’achever avant la fin de l’année 2025. Ce n’est qu’une fois que le dossier de lancement et de réalisation sera prêt que les contrats de développement et de production pourront être notifiés.

Selon Cols Bleus, le PA NG sera « le plus grand navire militaire jamais construit en Europe ». Et pour cause : il affichera finalement un déplacement de 80 000 tonnes [soit 5 000 de plus par rapport à ce qui avait initialement été envisagé] pour une longueur de 310 mètres. De telles dimensions supposent de lancer un chantier colossal à la base navale de Toulon, l’objectif étant de gagner 10 à 15 hectares sur la rade pour y construire des quais et un bassin dédié à ce futur navire.

L’Otan menacée par Poutine : la mise en garde des services secrets allemands

L’Otan menacée par Poutine : la mise en garde des services secrets allemands


Les trois services de renseignement allemands, qui étaient auditionnés, ont tous mis en garde contre le danger croissant de la menace russe qui se déplace «d’est en ouest».

La Russie sera «probablement» en mesure d’attaquer l’Alliance nord-atlantique à partir de la fin de l’actuelle décennie, ont averti ce lundi les services secrets allemands en mettant en garde contre le «niveau inédit» des actes d’ingérence actuels de Moscou. «En termes humains et matériels, les forces armées russes seront probablement en mesure de mener une attaque contre l’Otan dès la fin de cette décennie», a estimé le patron des services d’espionnage et contre-espionnage allemands (BND), Bruno Kahl, lors d’une audition publique à la chambre des députés. Selon lui, «un conflit militaire direct avec l’Otan devient une option pour la Russie».

Les trois services de renseignement allemands, qui étaient auditionnés, ont tous mis en garde contre le danger croissant, selon eux, représenté par les activités des services secrets russes dans le pays. La présidente du service de contre-espionnage militaire, Martina Rosenberg, a fait état d’une «augmentation significative des actes d’espionnage et de sabotage» visant l’armée allemande. «L’espionnage et le sabotage russes augmentent en Allemagne, tant quantitativement que qualitativement», a abondé le chef du Renseignement intérieur, Thomas Haldenwang.

«un véritable ouragan»

Le chef du Renseignement intérieur a accusé Moscou d’être derrière le cas d’un colis qui a pris feu dans un centre du transporteur DHL à Leipzig (est) en juillet. Si le colis «avait explosé à bord pendant le vol, il y aurait eu un crash», a-t-il dit, mentionnant aussi des campagnes de désinformation et des cas d’utilisation de drones espions. De «tempête», la menace russe est «devenue un véritable ouragan» qui se déplace «d’est en ouest», a-t-il ajouté dans une métaphore avec les Etats baltiques et la Pologne, où les actions russes «sont beaucoup plus brutales qu’elles ne le sont actuellement ici».

«Moscou se prépare à une escalade de plus en matière d’actions hybrides et secrètes», a estimé Bruno Kahl. Avec des actes d’ingérences qui ont atteint un «niveau inédit», le Kremlin veut «tester les lignes rouges de l’Occident », a estimé le directeur des services secrets. Le gouvernement allemand a annoncé mercredi en parallèle des mesures visant à renforcer les contrôles de sécurité, notamment sur les réseaux sociaux, face aux risques accrus d’espionnage dans les ministères et de sabotage d’infrastructures critiques.

L’affaire Nord Stream (1/2) : la piste douteuse de l’Andromeda, et les indices d’une opération états-uno-norvégienne

L’affaire Nord Stream (1/2) : la piste douteuse de l’Andromeda, et les indices d’une opération états-uno-norvégienne

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Sabotage des gazoducs Nord Stream

L’affaire Nord Stream (1/2) : la piste douteuse de l’Andromeda, et les indices d’une opération états-uno-norvégienne

Par Maxime Chaix – le Diplomate Média – publié le 1er octobre 2024

https://lediplomate.media/2024/10/affaire-nord-stream-1-2/maxime-chaix/monde/russie-et-ukraine/


Le 14 août dernier, nous avons appris que l’Allemagne avait émis un mandat d’arrêt européen contre un ressortissant ukrainien accusé d’avoir fait partie d’un commando qui aurait exécuté, en septembre 2022, le sabotage de trois des quatre gazoducs Nord Stream. Le même jour, le Wall Street Journal publiait un article affirmant qu’il s’agissait d’une « opération ukrainienne [ayant] coûté environ 300 000 dollars, selon des personnes qui y ont participé. Elle impliquait [l’Andromeda,] un petit yacht loué par un équipage de six membres, dont des plongeurs civils formés [au sabotage sous-marin]. L’un d’eux était une femme, dont la présence a contribué à créer l’illusion qu’ils étaient un groupe d’amis en croisière de plaisance. “J’éclate de rire à chaque fois que je lis des spéculations dans les médias sur une énorme opération impliquant des services secrets, des sous-marins, des drones et des satellites”, a déclaré un officier qui a participé à ce plan. “Toute cette affaire est née d’une nuit bien arrosée et de la détermination inébranlable de quelques personnes qui avaient le courage de risquer leur vie pour leur pays.” »

Toujours d’après le Wall Street Journal, « Volodymyr Zelensky avait initialement approuvé ce plan, selon un officier impliqué dans cette mission et trois personnes proches du dossier. Mais plus tard, lorsque la CIA en a pris connaissance et a demandé au Président ukrainien de stopper l’opération, il a ordonné d’y mettre fin, d’après ces sources. Cependant, le commandant en chef de Zelensky, Valeriy Zaloujny, qui dirigeait cet effort, a malgré tout décidé de le concrétiser. » Outre le fait improbable de confier une telle opération à une équipe partiellement composée de plongeurs civils, qui auraient navigué en mer Baltique avec le drapeau ukrainien accroché sur le mât de l’Andromeda, qui étaient mal équipés et qui n’auraient pas nettoyé ce bateau après y avoir transporté des explosifs, il est à noter que cet article disculpe opportunément la CIA autant que le Président Zelensky. En d’autres termes, son ex-chef d’état-major des armées Valeriy Zaloujny est présenté comme le seul responsable de ce sabotage, ce qui permet subtilement ne pas faire porter la responsabilité de cet acte de guerre sur les autorités présidentielles ukrainiennes, ni sur l’administration Biden.

Or, de solides indices jamais relayés par les médias grand public occidentaux viennent renforcer le retentissant article de Seymour Hersh publié en février 2023, et accusant le gouvernement des États-Unis d’avoir clandestinement détruit trois des quatre gazoducs Nord Stream. Ces indices suggèrent également que ce sabotage fût potentiellement planifié avec l’aide de l’OTAN et des services spéciaux norvégiens, mais exécuté uniquement par des spécialistes états-uniens, et non grâce à un Poseidon P8-A de la Marine norvégienne, tel que Seymour Hersh l’avait affirmé. Après avoir exposé ce faisceau d’indices, nous expliquerons pourquoi cet acte de sabotage industriel sans précédent favorisera de manière durable et décisive 1) les exportations de gaz naturel de la Norvège vers l’Europe via le Baltic Pipe, un gazoduc construit par le Danemark et la Pologne, et inauguré le lendemain des attaques contre Nord Stream, et 2) les importations de gaz naturel liquéfié des États-Unis par les pays d’Europe centrale et orientale via l’architecture de l’Initiative des Trois Mers, un projet soutenu par Washington et élaboré par l’Atlantic Council à partir de 2014, lancé par la Pologne et la Croatie l’année suivante, et grâce auquel le Baltic Pipe livre du gaz norvégien via le territoire polonais depuis début octobre 2022.

Le conspirationnisme antirusse et la « zone d’exclusion intellectuelle » qu’est l’affaire Nord Stream

Avant d’expliquer et de documenter ces arguments clés, il convient de rappeler que, immédiatement après les attaques contre Nord Stream, une cohorte d’experts, de politiciens et de journalistes occidentaux ont accusé sans preuve Vladimir Poutine d’être l’instigateur de ce sabotage. Fondées sur de simples raisonnements sophistiques, ces allégations auraient dû être rejetées comme des théories du complot par des autorités et des médias occidentaux pourtant obsédés par la vérification des faits et la lutte contre les fausses informations. Cependant, et sans surprise, la presse dominante en Occident a largement diffusé ces analyses biaisées sans aucune conséquence en termes de réputation pour les auteurs de ces accusations, même après qu’elles furent discréditées au profit de l’hypothèse tout aussi douteuse du voilier Andromeda loué par une équipe de plongeurs ukrainiens. Comme l’a observé FAIR.org en octobre 2022, après les attaques contre l’infrastructure Nord Stream, « une grande partie de la presse a docilement répété la ligne officielle occidentale. Le Washington Post a rapidement publié un article titré “Les dirigeants européens accusent la Russie de sabotage après les explosions de Nord Stream”, ne citant que des responsables de l’UE qui affirmaient que, bien qu’ils n’avaient aucune preuve de l’implication russe, “seule le Kremlin avait la motivation, les équipements sous-marins et la capacité” [de planifier et d’exécuter cette attaque – une évaluation totalement inexacte, tel que nous le démontrerons]. Une grande partie des médias ont dirigé leurs soupçons vers la Russie, y compris Bloomberg, Vox, l’Associated Presset la plupart des chaînes d’information. À de rares exceptions près, toute spéculation sur l’implication [éventuelle] des États-Unis fut manifestement considérée comme une “zone d’exclusion intellectuelle”. »

Comme l’on pouvait s’y attendre, les médias occidentaux ont été appuyés dans cette offensive de désinformation par plusieurs think tanks militaristes et antirusses. Par exemple, seulement deux jours après cet événement, le chercheur Daniel Kochis écrivait sur le site de la Heritage Foundation – un cercle de réflexion notoirement belliciste –, que « l’arsenal de guerre de la Russie [semblait alors] inclure le sabotage de pipelines sous-marins (…) [, ce qui] devrait être clairement interprété comme un autre exemple frappant de la manière dont la Russie continu[ait] à utiliser tous les outils à sa disposition pour faire pression sur l’Occident et le déstabiliser. Poutine considère sa guerre en Ukraine et ses attaques plus larges contre le monde occidental comme un conflit à long terme qui ne sera pas résolu de sitôt, et c’est pourquoi il est prêt à littéralement couper les liens avec l’Europe en sabotant les mêmes gazoducs Nord Stream dans lesquels il a investi tant d’argent (y compris en achetant de l’influence) et de capital politique et diplomatique il n’y a pas si longtemps. » Alors que l’hypothèse d’une responsabilité russe dans ce sabotage est désormais écartée en privé comme en public par la plupart des autorités occidentales, cet article n’a pas été modifié ni retiré jusqu’à présent.

Au lendemain de cette attaque, Elisabeth Braw, une chercheuse du tout aussi belliciste think tank American Enterprise Institute, écrivait que « le coupable semble être le gouvernement russe. Avec les pays européens réduisant leurs importations de gaz en provenance de Russie, les pipelines n’étaient de toute façon pas pleinement utilisés, d’autant plus que l’Allemagne a refusé d’homologuer Nord Stream 2 [deux jours avant l’invasion russe du 24 février 2022 en Ukraine]. Par ailleurs, Moscou tente désespérément de faire peur à l’Occident. À plusieurs reprises (…), des responsables russes – y compris Vladimir Poutine –, ont brandi la menace nucléaire dans le but d’effrayer les gouvernements occidentaux pour qu’ils stoppent leur soutien militaire à l’Ukraine. Mais cela n’a pas fonctionné. Désormais, la Russie semble tester une nouvelle stratégie : causer discrètement des dommages à la mer Baltique, un petit océan déjà extrêmement pollué. » Cependant, nous allons constater que des indices disponibles en source ouverte suggèrent non pas un complot russe – un scénario désormais écarté par des responsables de la diplomatie et des services de renseignement occidentaux –, mais une potentielle opération clandestine des États-Unis et de la Norvège, tel que nous le résumerons à travers cette analyse.

Les révélations sous-médiatisées et malhonnêtement discréditées de Seymour Hersh

Le 8 février 2023, le célèbre journaliste d’investigation Seymour Hersh rapporta que la CIA, avec l’aide de l’OTAN, de la Marine états-unienne et des services spéciaux norvégiens, aurait planifié et exécuté une opération clandestine pour détruire les gazoducs Nord Stream. Sans surprise, l’article de Hersh a été soit largement ignoré aux États-Unis, soit rejeté avec des arguments discutables et des tentatives malhonnêtes de discréditer son auteur. Comme il l’a affirmé dans son article, « des plongeurs de la marine [états-unienne], opérant sous la couverture d’un exercice estival de l’OTAN largement médiatisé, et connu sous le nom de BALTOPS 22, ont mis en place les charges explosives déclenchées à distance qui, trois mois plus tard, ont détruit trois des quatre gazoducs Nord Stream, selon une source ayant une connaissance directe de cette planification opérationnelle. (…) La Norvège était l’endroit idéal pour baser la mission. Ces dernières années, au cœur de la crise Est-Ouest, l’armée états-unienne a considérablement renforcé sa présence sur le territoire norvégien, dont la frontière occidentale s’étend sur 2 250 kilomètres le long de l’océan Atlantique Nord et fusionne au-dessus du cercle polaire avec la Russie. Le Pentagone a créé des emplois bien rémunérés et signé divers contrats, malgré quelques controverses locales, en investissant des centaines de millions de dollars pour étendre et moderniser les installations navales et aériennes états-uniennes en Norvège. »

Dans cet article, Hersh écrivit que les services spéciaux norvégiens auraient participé à la planification de ce sabotage, et qu’ils « avaient trouvé une solution à la question cruciale de savoir quand [cette] opération devait avoir lieu. Chaque mois de juin, depuis 21 ans, la Sixième Flotte états-unienne, dont le navire amiral est basé dans la ville italienne de Gaeta, au sud de Rome, parraine un exercice majeur de l’OTAN en mer Baltique impliquant des dizaines de navires alliés de toute la région. Organisé en juin, il serait nommé Baltic Operations 22, ou BALTOPS 22. Les Norvégiens ont suggéré que cet exercice constituerait la couverture idéale pour poser les mines. (…) Leurs partenaires états-uniens ont fourni un élément crucial : ils ont convaincu les planificateurs de la Sixième Flotte d’ajouter au programme un exercice de recherche et de développement. L’exercice, tel que rendu public par l’U.S. Navy, impliquait la Sixième Flotte en collaboration avec les “centres de recherche et de guerre” de la Marine. L’événement en mer se tiendrait au large de l’île de Bornholm [– dans la même zone où les pipelines Nord Stream ont été détruits –,] et impliquerait des équipes de plongeurs de l’OTAN déployant des mines, avec des unités concurrentes utilisant les dernières technologies sous-marines pour les localiser et les détruire », tel qu’annoncé par l’U.S. Navy elle-même.

Toujours selon Hersh, alors que les explosifs devaient initialement se déclencher 48 heures après BALTOPS 22, l’administration Biden aurait décidé de reporter le sabotage en déclenchant ces bombes à distance via « une bouée sonar larguée par un avion à la dernière minute », affirmant que ce système aurait été activé trois mois plus tard, « le 26 septembre 2022, [après] qu’un avion de surveillance [Boeing P-8A Poseidon] de la marine norvégienne [et de fabrication états-unienne] ait effectué un vol de routine et largué une bouée sonar. Le signal s’est propagé sous l’eau, d’abord vers Nord Stream 2, puis vers Nord Stream 1. Quelques heures plus tard, les explosifs C4 à forte puissance ont été déclenchés et trois des quatre gazoducs ont été mis hors service. » Produite par le chercheur suédois Ola Tunander, une importante enquête en deux volets confirme la plausibilité des principaux arguments de Hersh, bien que ce spécialiste ait une autre hypothèse sur les auteurs du déclenchement des explosifs ayant détruit ces gazoducs.

Les indices d’une opération états-unienne « pas si secrète », et la douteuse piste de l’Andromeda

Tel que documenté par Ola Tunander, chaque nuit entre le 22 et le 25 septembre 2022, un « P-8A [Poseidon] immatriculé aux États-Unis, mais avec une “identité masquée”, (…) a quitté la base navale de Cuxhaven/Nordholz, dans le nord de l’Allemagne » et a survolé deux fois la zone du sabotage, tandis qu’un hélicoptère militaire états-unien, un « Sikorsky MH-60R Seahawk (…) survolait pendant des heures le sud-est de la mer Baltique. Il aurait été en mesure de capter tout signal émis par une bouée sonar larguée par un P-8A Poseidon. » Cette même mission a été répétée durant la nuit des 23/24 septembre et celle des 24/25 septembre. Comme il l’a expliqué dans un autre article, « nous savons qu’un avion Poseidon états-unien a quitté la base aérienne navale de Keflavik pour la mer Baltique [environ] deux heures avant que la première explosion n’ait lieu à 02h03 CEST (heure d’été d’Europe centrale) le 26 septembre 2022, et que cet avion devait couvrir la zone à l’est de Bornholm pendant plusieurs heures dans la nuit et la matinée du 26 septembre, avant la première explosion. Nous le savons car un avion ravitailleur états-unien a été envoyé d’Allemagne pour ravitailler le Poseidon au-dessus de la Pologne exactement à la même minute que la première explosion sur le Nord Stream 2, ce qui supposait que le Poseidon devait être utilisé pour une période prolongée. » Comme l’a observé en février 2024 le spécialiste des questions militaires Laurent Lagneau, « le fait qu’un avion de patrouille maritime P-8A Poseidon [états-unien] volait au-dessus de la Baltique peu avant les explosions pouvait (…) susciter des interrogations… d’autant plus qu’il avait coupé son transpondeur », un fait également détecté par Tunander.

Confirmant l’argument de Hersh selon lequel ce sabotage a été préparé et exécuté par des acteurs étatiques – une évaluation partagée par les enquêteurs officiels suédois et danois –, Ola Tunander a conclu à l’issue de ses recherches approfondies que «toute cette opération a été planifiée à l’avance [par les services spéciaux états-uniens]. Cela n’indique pas seulement [leur] connaissance préalable de l’explosion, mais (…) du moment exact de la première détonation. On n’envoie pas sans raison un Poseidon depuis l’Islande vers la mer Baltique en pleine nuit [, appuyé par] un avion ravitailleur [qui décolle à la même minute que l’explosion initiale] afin d’assurer une opération de longue durée. » Tunander a pu ainsi cumuler de nombreux indices trahissant ce qu’il perçoit comme une « vaste et (…) arrogante opération états-unienne impliquant l’usage [d’équipements de] haute technologie, [mais] pas si secrète. » En effet, les missions nocturnes suspectes de l’U.S. Navy qu’il a détectées entre le 22/23 et le 24/25 septembre au-dessus de la mer Baltique – et qui impliquaient chacune deux survols de la zone de Bornholm –, étaient traçables sur FlightRadar24.com. Elles n’étaient donc pas véritablement furtives. Un tel manque de discrétion fut observable dans le périple maritime, en mer Baltique, de l’équipe d’Ukrainiens aujourd’hui accusée par l’Allemagne et les médias grand public occidentaux d’avoir saboté les gazoducs Nord Stream. Dans l’un de ses articles, Tunander estima que les « plongeurs ukrainiens à bord de l’Andromeda [, qui auraient été commandés par le chef d’état-major des armées Valeriy Zaloujny,] ont peut-être joué un rôle dans cette affaire, mais plutôt en tant que couverture pour la véritable opération. »

Cet argument est corroboré par de multiples sources officielles occidentales indiquant que la piste du voilier Andromeda n’est pas crédible, du moins pour expliquer qui étaient les planificateurs et les auteurs de cette attaque. Tel que rapporté par le New York Times en avril 2013, « après que des saboteurs ont gravement endommagé les gazoducs Nord Stream en septembre dernier, les autorités allemandes se sont concentrées sur un voilier loué [dont l’équipage] semblait avoir participé à la pose d’engins explosifs en profondeur sous la mer Baltique. Or, après des mois d’enquête, ces autorités judiciaires soupçonnent désormais que le yacht de 15 mètres, l’Andromeda, n’était probablement pas le seul navire utilisé dans cette attaque audacieuse. Ils estiment également que ce bateau pourrait avoir été un leurre, mis en mer pour détourner l’attention des véritables auteurs, qui sont toujours en fuite, selon des responsables informés d’une investigation dirigée par le Procureur général d’Allemagne. Ils se sont exprimés anonymement pour partager des détails sur l’enquête en cours, y compris des doutes sur le rôle de l’Andromeda qui n’avaient pas encore été rapportés [par d’autres médias]. (…) Des responsables états-uniens et européens ont déclaré qu’ils ne savaient toujours pas avec certitude qui était à l’origine de l’attaque sous-marine [contre l’infrastructure Nord Stream]. Mais plusieurs d’entre eux ont affirmé qu’ils partageaient le scepticisme allemand quant à l’idée qu’un équipage de six personnes à bord d’un seul voilier ait posé les centaines de kilos d’explosifs qui ont désactivé Nord Stream 1 et une partie de Nord Stream 2, un ensemble de gazoducs plus récent qui n’avait pas encore commencé à livrer du gaz aux clients. »

Comme l’a ajouté le New York Times dans cet important article, «des experts ont noté que, bien que poser manuellement des explosifs sur les gazoducs soit théoriquement possible, même des plongeurs expérimentés auraient du mal à s’immerger à plus de 60 mètres de profondeur et à remonter lentement à la surface pour laisser le temps à leur corps de se décompresser. Une telle opération aurait nécessité plusieurs plongées, exposant l’Andromeda à une détection par des navires à proximité. La mission aurait été plus facile à dissimuler et à réaliser en utilisant des véhicules submersibles télépilotés ou de petits sous-marins, ont déclaré des experts en plongée et en récupération ayant travaillé dans la zone de l’explosion, caractérisée par des mers agitées et un trafic maritime dense. » Discréditant d’avance l’article douteux du Wall Street Journal paru l’année suivante, ces expertises tendent à conforter les révélations sous-médiatisées de Seymour Hersh, tandis que le récit du « groupe pro-ukrainien » de l’Andromeda a été largement diffusé dans les médias occidentaux un mois plus tard, malgré son manque flagrant de crédibilité. Pointant la Norvège comme un allié des États-Unis qui serait impliqué dans les préparatifs de ce sabotage, Hersh affirma que les planificateurs norvégiens auraient proposé le « vaste exercice de l’OTAN en mer Baltique (…) [nommé] BALTOPS 22 (…) [comme] la couverture idéale pour poser les mines. » Bien sûr, ces allégations doivent être prouvées par d’autres sources que Seymour Hersh, et si possible par une institution judicaire. Cependant, le comportement suspect du Premier Ministre norvégien après sa visite aux États-Unis avec son Ministre de la Défense – et ce quelques jours seulement avant ce sabotage –, ne peut que renforcer les soupçons légitimes d’une opération possiblement planifiée par les États-Unis et la Norvège contre les gazoducs Nord Stream, comme nous allons l’expliquer.

Le Premier Ministre norvégien était-il au courant de la destruction imminente de Nord Stream ?

Deux jours après le sabotage de l’infrastructure Nord Stream, James Crisp spécula dans The Telegraph, avec un argumentaire qui aurait certainement été qualifié de théorie du complot si ces accusations avaient visé Washington, que Poutine cherchait « à briser le moral [des Européens] pour que [leurs] gouvernements (…) subissent la pression des électeurs en colère, craignant une chute brutale des températures cet hiver. Le timing était parfait. Un nouveau gazoduc entre la Norvège et la Pologne [nommé le Baltic Pipe] a été inauguré le [27 septembre], tout près du gazoduc Nord Stream 2, alors que la nouvelle du sabotage présumé était annoncée. » Dans ce contexte, comme Ola Tunander l’a souligné dans sa première enquête complétant l’article de Hersh à propos de cette attaque, il est extrêmement important d’analyser le comportement de Jonas Gahr Støre, le Premier Ministre norvégien, quelques jours avant que le sabotage ne soit commis.

En effet, ce dernier était inexplicablement absent de l’inauguration du Baltic Pipe le 27 septembre 2022, soit le lendemain de l’attaque contre Nord Stream, bien qu’il s’agissait d’une cérémonie de la plus haute importance, décrite par Tunander comme « un évènement norvégo-polono-danois des plus médiatisés, probablement l’inauguration la plus capitale pour la Norvège ces dernières années. Jonas Gahr Støre aurait dû y être présent, mais il ne l’était pas. » Ayant initialement annoncé sa participation à cette cérémonie le 20 septembre, l’annulation soudaine et inexpliquée de Støre le 22 septembre, juste avant son départ des États-Unis, soulève de sérieuses questions jusqu’à présent irrésolues. L’agenda officiel de Støre avant cet événement détaillait ses rencontres aux États-Unis – avec son Ministre de la Défense –, jusqu’au 23 septembre, suivies d’activités non spécifiées en Norvège jusqu’au lendemain du sabotage de Nord Stream. Par conséquent, l’annulation discrète de sa participation prévue à l’inauguration du Baltic Pipe à la fin de son voyage aux États-Unis est indéniablement suspecte.

Comme l’a observé Tunander, « le 20 septembre, le Bureau du Premier Ministre norvégien avait annoncé que le Premier Ministre Støre se rendrait en Pologne, à Szczecin, le 27 septembre pour l’inauguration du Baltic Pipe, le gazoduc [norvégo-polono-danois]. (…) Cependant, le Bureau du Premier Ministre a modifié cette annonce le 22 septembre, en déclarant que le Ministre du Pétrole et de l’Énergie, [Terje] Aasland, remplacerait le Premier Ministre Støre. Cet avis n’a pas été publié dans le calendrier gouvernemental habituel. L’annonce initiale du voyage de Støre à Szczecin a été retirée de son agenda. Où se trouvait le Premier Ministre Støre durant cette période ? Le dimanche 18 septembre, Støre et son Ministre de la Défense, Bjørn Arild Gram, se sont rendus aux États-Unis. Le lendemain, ils ont visité le porte-avions états-unien USS Gerald R. Ford et le Commandement des Forces Conjointes de l’OTAN à Norfolk, près de Washington DC. Ils ont été guidés par Carlos Del Toro, le Secrétaire de la Marine états-unienne, [c’est-à-dire de l’U.S. Navy accusée par Hersh et Tunander d’être impliquée dans le sabotage de Nord Stream]. Ils ont visité le quartier général de la Deuxième Flotte des États-Unis et du Commandement de l’OTAN, où ils ont également rencontré des officiers norvégiens. Le soir, le Premier Ministre Støre a rendu visite à Nancy Pelosi et à Mitch McConnell au Congrès. Le 20 septembre, Støre a assisté à l’ouverture de l’Assemblée générale des Nations Unies à New York et il a eu une réunion avec le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres. Støre a prononcé le discours de la Norvège devant l’Assemblée générale le 22 septembre, ainsi qu’au Conseil de Sécurité le même jour. Le soir, il a participé à une réunion transatlantique des Ministres des Affaires étrangères dirigée par [le Secrétaire d’État] Antony Blinken, avant de rentrer en Norvège. » Décidée à la fin de sa visite aux États-Unis, après sa rencontre avec le Secrétaire de l’U.S. Navy Del Toro, puis avec le principal architecte de la guerre par procuration de l’OTAN en Ukraine Antony Blinken, son absence inexpliquée à l’inauguration du Baltic Pipe ne prouve pas, mais suggère fortement – à la lumière des éléments précités –, sa possible pré-connaissance d’un sabotage imminent de l’infrastructure Nord Stream.

Tel qu’analysé par Tunander, « le problème de Støre était qu’une attaque contre (…) [ces] gazoducs le 26 septembre rendrait impossible sa participation à la cérémonie d’inauguration [du Baltic Pipe] en Pologne [le lendemain]. Sa participation à l’évènement de Szczecin risquait d’être perçue comme une célébration norvégienne de la destruction de Nord Stream, (…) comme si la Norvège fêtait l’élimination de la Russie en tant que principal concurrent gazier de la Norvège, et comme si l’Europe entrait désormais dans une nouvelle ère avec le gaz russe remplacé par du gaz occidental [, y compris grâce au Baltic Pipe]. Nous savons que les dirigeants polonais étaient plus qu’heureux de célébrer la destruction de Nord Stream. Le député européen polonais et président de sa délégation auprès des États-Unis, l’ancien Ministre de la Défense et des Affaires étrangères Radosław Sikorski, a écrit sur Twitter le 27 septembre, juste après l’attaque contre les gazoducs : “Merci, les USA”. Peu de temps après, le Premier Ministre polonais Mateusz Morawiecki l’a critiqué pour ce tweet, le qualifiant d’irresponsable, mais si un ministre ou un politicien norvégien avait exprimé un tel sentiment, cela aurait provoqué un tollé majeur. (…) La présence de Støre à Szczecin aurait été tout aussi scandaleuse, attirant l’attention sur les bénéfices accrus de la Norvège après la destruction des gazoducs germano-russes. »

Sur le long terme, la Norvège et les États-Unis bénéficieront de la destruction de Nord Stream

À la suite de l’invasion illégale de l’Ukraine par la Russie en février 2022, « la Norvège a continuellement renforcé sa position en tant que principal fournisseur [gazier du continent] européen. Le pays a augmenté ses exportations vers l’Allemagne à des niveaux sans précédent, représentant 48 % des importations de gaz au cours des neuf premiers mois de 2023, contre moins de 20 % il y a moins de deux ans », selon HighNorthNews.com. Comme l’a observé le New York Times en avril 2023, « alors que la Russie réduisait ses exportations de gaz naturel l’année dernière, la Norvège les augmentait, devenant désormais le principal fournisseur de ce combustible en Europe. La Norvège fournit également de plus grandes quantités de pétrole à ses voisins, remplaçant le carburant russe sous embargo. “La guerre et la situation énergétique actuelle ont montré que l’énergie norvégienne est extrêmement importante pour l’Europe”, a déclaré Kristin Fejerskov Kragseth, directrice générale de Petoro, une entreprise publique qui gère les actifs pétroliers norvégiens. “Nous avons toujours été importants”, a-t-elle ajouté, “mais peut-être que nous ne le réalisions pas”. »

Il faut souligner que la hausse de la demande européenne en gaz norvégien ne résulte pas du sabotage des gazoducs, sachant que le gouvernement allemand avait refusé d’homologuer Nord Stream 2 juste avant l’invasion russe de l’Ukraine. De plus, en septembre 2022, « la Russie avait réduit ses approvisionnements en gaz via Nord Stream 1 pendant plusieurs mois. En juin [de la même année], elle avait diminué les livraisons par ce gazoduc de 75 % – passant de 170 millions de mètres cubes de gaz par jour à environ 40 millions. En juillet [2022], la Russie l’a fermé pendant 10 jours, invoquant la nécessité de travaux de maintenance. Lors de sa réouverture, le flux avait été réduit de moitié à 20 millions de mètres cubes par jour. Fin août [2022], elle a complètement arrêté Nord Stream 1, prétextant des problèmes d’équipement. Le gazoduc n’avait pas été rouvert depuis », si bien que le gaz qu’il contenait ne circulait plus vers l’Allemagne et l’Europe lorsqu’il a été détruit. Cependant, cette attaque sans précédent contre l’infrastructure énergétique européenne a probablement éliminé toute possibilité d’exportations massives de gaz russe vers l’UE à l’avenir, tout en privant le Kremlin d’un levier d’influence majeur sur l’Europe. Ce fait diminue davantage la plausibilité d’une implication russe dans cette attaque. En effet, ce sabotage a consolidé de manière décisive la position de la Norvège en tant que principal fournisseur de gaz à l’Europe sur le long terme, tandis que le GNL exporté par les États-Unis est devenu une nouvelle source majeure de substitution au gaz russe. Il est également à noter que la Commission européenne prévoit d’arrêter toutes les importations de gaz russe à l’horizon 2027.

Dans un tel contexte, il est difficile d’expliquer l’annulation soudaine – et non justifiée par une urgence publiquement connue –, de la participation du Premier Ministre norvégien à l’inauguration du Baltic Pipe autrement que par sa possible pré-connaissance de l’opération contre les gazoducs Nord Stream. Bien entendu, ce soupçon n’aurait pas nécessairement de pertinence si Seymour Hersh n’avait pas suggéré la complicité potentielle de la Norvège dans la préparation de ces attaques. Cependant, les services spéciaux norvégiens ont-ils participé à leur mise en œuvre ? Sur cette question cruciale, Hersh a affirmé qu’un P8-A Poseidon de la Marine norvégienne aurait été l’avion qui a largué la bouée sonar pour déclencher les explosifs. Tunander a une évaluation différente, basée sur son enquête approfondie qui révèle les sorties nocturnes hautement suspectes de plusieurs P8-A de la Marine états-unienne au-dessus de la mer Baltique entre le 8 et le 26 septembre 2022 – en particulier les nuits du 22/23 et du 24/25 septembre, tel que documenté précédemment.

Selon lui, « le fait que les pipelines aient été mis hors service la veille de l’inauguration du gazoduc [norvégo-polono-danois] (…) peut s’expliquer d’une manière ou d’une autre, et il est certain que l’on n’aurait pas pu, du point de vue norvégien, choisir un jour pire que celui-ci. (…) Peut-être que quelqu’un, (…) y compris le Premier Ministre Støre lui-même, a fait marche arrière, en estimant que la Norvège “n’était pas prête à s’en charger”, parce que les États-Unis avaient livré leurs P-8A Poseidon trop tard. Le 22 septembre, cinq jours avant la cérémonie d’inauguration du Baltic Pipe norvégo-polono-danois à Szczecin, (…) et après une journée complète de visites avec le Secrétaire de la Marine des États-Unis (…) à la base navale de Norfolk, près de Washington, puis [peu] après sa rencontre avec le Secrétaire d’État Antony Blinken, Støre a inexplicablement annulé sa participation à cet évènement. » Dès lors, il est possible que l’utilisation d’un P8-A norvégien alléguée par Hersh ait été refusée par Støre après avoir été initialement prévue pour couvrir les probables architectes états-uniens de cette opération – du moins si l’on considère avec le sérieux qu’il mérite le « Merci, les USA » tweeté par l’influent député polonais et figure néoconservatrice Radosław Sikorski à la suite du sabotage de Nord Stream.

Dans la seconde partie de cette analyse, nous replacerons cette attaque et la mise en service, dès le lendemain, du Baltic Pipe dans le plus large contexte géostratégique de la méconnue Initiative des Trois Mers (ITM), dont la Pologne est un acteur central, et qui permet à la Norvège d’amplifier ses exportations de gaz naturel vers l’Europe centrale et méridionale depuis début octobre 2022. Nous reviendrons alors sur la vieille obsession stratégique de Washington, qui est d’empêcher tout rapprochement durable entre l’Allemagne et la Russie. En substance, cet objectif clé est en train d’être parachevé grâce à la guerre en Ukraine provoquée par les néoconservateurs états-uniens – en particulier depuis le coup d’État du Maïdan de février 2014 –, au redéploiement irresponsable de l’OTAN en Europe de l’Est et dans les pays baltes à partir de 2015, et au sabotage de Nord Stream qui est opportunément attribué au général Valeriy Zaloujny par les médias occidentaux.


Sabotage des gazoducs Nord Stream
Maxime Chaix

Journaliste indépendant, essayiste et traducteur, Maxime Chaix est spécialisé dans l’étude approfondie des opérations clandestines occidentales, de la politique étrangère des États-Unis et de l’instrumentalisation étatique du terrorisme islamiste. Entre 2009 et 2015, il a traduit trois ouvrages de l’universitaire, essayiste et ancien diplomate canadien Peter Dale Scott. En 2019, il a publié son premier essai, intitulé La guerre de l’ombre en Syrie, aux Éditions Erick Bonnier. Déplorant le soutien irréfléchi de la majorité des médias français pour le militarisme de Washington et de ses principaux alliés, dont l’État français, Maxime Chaix pratique un journalisme à l’anglo-saxonne, résolument critique envers les excès militaires occidentaux et le conformisme universitaire, politique et médiatique qui les légitime.

L’affaire Nord Stream (2/2) : un sabotage qui a replacé l’Initiative des Trois Mers au centre du jeu

L’affaire Nord Stream (2/2) : un sabotage qui a replacé l’Initiative des Trois Mers au centre du jeu

Initiative des Trois Mers
EXCLUSIF : Photographie jamais publiée de plongeurs d’une force spéciale européenne (Sabotage, rens..).
Ils sont équipés avec le système recycleur à circuit fermé (CC), on peut voir ici au premier plan le système de dos.
Photo Jean-Paul Louis Ney.

L’affaire Nord Stream (2/2) : un sabotage qui a replacé l’Initiative des Trois Mers au centre du jeu

Par Maxime Chaix – Le Diplomate – publié le 8 octobre 2024

https://lediplomate.media/2024/10/laffaire-nord-stream-2-2/maxime-chaix/monde/russie-et-ukraine/


L’Initiative des Trois Mers : un substitut à Nord Stream impulsé par Washington

Dans la première partie de cette analyse, nous avons exposé un faisceau d’indices solides qui tendent à indiquer non pas une responsabilité russe ou ukrainienne dans la destruction de trois des quatre gazoducs Nord Stream, mais une possible opération clandestine états-uno-norvégienne. À travers cette seconde et dernière partie, nous expliquerons pourquoi cet acte de sabotage industriel sans précédent favorisera de manière durable et décisive 1) les exportations de gaz naturel de la Norvège vers l’Europe via le Baltic Pipe, un gazoduc construit par le Danemark et la Pologne, et inauguré le lendemain des attaques contre Nord Stream, et 2) les importations de gaz naturel liquéfié des États-Unis par les pays d’Europe centrale et orientale via l’architecture de l’Initiative des Trois Mers (ITM), un projet soutenu par Washington et élaboré par l’Atlantic Council à partir de 2014, lancé par la Pologne et la Croatie l’année suivante, et grâce auquel le Baltic Pipe livre du gaz norvégien via le territoire polonais depuis début octobre 2022. Alors que l’influent député polonais Radosław Sikorski avait tweeté « Merci, les USA » au lendemain du sabotage de Nord Stream – c’est-à-dire le jour de l’inauguration du Baltic Pipe –, il est crucial de s’intéresser de plus près à la Pologne, et plus largement à l’Europe centrale et orientale dont elle est un acteur majeur, en particulier dans le cadre de l’ITM et de la redirection des flux gaziers que ce projet transnational concrétise au détriment du gaz russe et de la relation russo-allemande.

Ayant depuis longtemps la réputation d’être un néoconservateur, Sikorski n’a pas été sanctionné pour avoir sous-entendu sur Twitter que l’administration Biden était à l’origine de l’attaque contre Nord Stream. En effet, il est redevenu Ministre des Affaires étrangères de la Pologne en décembre 2023. Ce puissant politicien, dont les liens intimes avec Washington sont bien connus, n’était pas le seul décideur occidental à exprimer sa grande satisfaction après le sabotage de Nord Stream. Quatre jours après cet événement, le notoirement belliciste Secrétaire d’État Antony Blinken qualifia publiquement cette destruction de « formidable opportunité de supprimer une fois pour toutes la dépendance [européenne] à l’énergie russe et d’ainsi ôter à Vladimir Poutine l’arme de l’énergie utilisée pour faire avancer ses desseins impérialistes. Cela est très important et cela offre une formidable opportunité stratégique pour les années à venir. » Admise ouvertement et à plusieurs reprises, cette ambition états-unienne se concrétise grâce à l’Initiative des Trois Mers, un projet transnational lancé et soutenu par les États-Unis, dont l’objectif principal est de mettre fin à la dépendance de l’Union européenne au gaz russe en réorientant les flux énergétiques du nord de l’Europe – spécifiquement le gaz norvégien via le Baltic Pipe – vers le centre et le sud du continent, et même au-delà.

Élaboré et promu par l’Atlantic Council depuis 2014, lancé par la Pologne et la Croatie en 2015, et impliquant actuellement treize pays d’Europe centrale, orientale et méridionale, le projet ITM a récemment ajouté la Grèce et la mer Égée comme quatrième zone maritime dans cette architecture transnationale en développement. En 2017, cette politique a été décrite par son principal concepteur et ancien haut gradé du Pentagone comme « “un projet visant à unifier la région d’Europe entre la Baltique, l’Adriatique, (…) la mer Noire [, et désormais la mer Égée] grâce à des infrastructures énergétiques (…) [qui] devraient être une priorité stratégique pour l’administration [Trump]”, selon le général des Marines à la retraite James L. Jones, président du Brent Scowcroft Center on International Security de l’Atlantic Council, lors du sommet de l’organisation à Istanbul le 28 avril [2017]. “C’est un projet véritablement transatlantique qui a d’énormes ramifications géopolitiques, géostratégiques et géoéconomiques”, a affirmé Jones, qui a été Conseiller à la Sécurité nationale sous l’administration Obama. Par conséquent, il a soutenu que “nous devons cultiver l’intérêt de la nouvelle administration états-unienne [pour ces enjeux]. En renforçant la région des Trois Mers, et par extension le reste de l’Europe, cette initiative renforcera l’ensemble de la communauté transatlantique”, a-t-il ajouté. »

Comme l’a souligné le général Jones lors de ce sommet, « l’Initiative des Trois Mers vise à unir les douze [, et désormais treize] pays de l’Union européenne en Europe orientale et centrale en créant une infrastructure Nord-Sud dans les secteurs des télécommunications, de l’énergie et des transports. Bien que cette initiative ne soit pas directement punitive envers la Russie, selon Jones, elle est conçue pour atténuer l’influence du Kremlin dans le secteur énergétique européen, que Moscou a exercée au détriment des États membres de l’UE. » L’objectif de capter l’attention de l’administration Trump sur ce projet a été atteint, puisque le Président lui-même a assisté au sommet de Varsovie dédié à l’Initiative des Trois Mers en juillet 2017. À cette occasion, Trump a vertement critiqué l’Allemagne pour le développement de Nord Stream 2, ce qui a conduit à un intérêt croissant de Berlin pour le projet ITM. En conséquence, au cours du mois de juillet 2021, l’Allemagne a exprimé sa volonté de l’intégrer dans les « politiques et instruments d’investissement de l’Union européenne ».

L’année précédente, le Secrétaire d’État de Trump, Mike Pompeo, avait annoncé que le gouvernement des États-Unis « envisage[ait] de fournir jusqu’à 1 milliard de dollars de financement aux pays d’Europe centrale et orientale participant à l’Initiative des Trois Mers. Notre objectif [était] assez simple : (…) dynamiser les investissements du secteur privé dans le domaine de l’énergie pour protéger la liberté et la démocratie à travers le monde. » Lancée en février 2020, cette promesse d’aide financière états-unienne ne s’est jamais concrétisée, sachant que Trump a perdu les élections au début du mois de novembre de cette même année. Cependant, d’importants investissements ne sont plus nécessaires pour les exportations de gaz naturel liquéfié (GNL) états-unien vers le continent européen car, comme l’ont expliqué en mars dernier les chercheurs Paweł Czyżak et Nolan Theisen, « la capacité mondiale d’infrastructure pour le GNL semble croître bien plus que la demande de gaz réelle, en particulier sur le continent européen – le plus grand marché pour les exportations états-uniennes de GNL. Les données d’Europe centrale et orientale montrent que, dès 2025, la capacité d’importation de GNL dans les pays de l’Initiative des Trois Mers dépassera les importations historiques de gaz russe par gazoduc. Cela signifie que la consommation de GNL dans la région devra non seulement remplacer le gaz russe, mais également croître au-delà de ce niveau. » En résumé, la politique des Trois Mers lancée sous l’administration Obama et soutenue par le cabinet Trump a gagné une plus grande pertinence stratégique pour les décideurs de Washington après l’invasion russe de l’Ukraine, mais sans nécessiter d’importants investissements de la part des États-Unis.

Le 20 juin 2022, trois jours après la fin de l’exercice BALTOPS 22 commandé par l’OTAN – et qui pourrait avoir servi de couverture pour piéger les gazoducs Nord Stream –, le Secrétaire d’État Antony Blinken déclara que « la guerre d’agression du gouvernement russe contre l’Ukraine a rendu le développement de l’Initiative des Trois Mers encore plus urgent – pour tous ses membres et partenaires, et pour chacun des domaines d’intervention de ce plan : l’énergie, le transport et les communications numériques. Même avant [l’invasion russe de l’Ukraine lancée le] 24 février [2022], la concrétisation d’une plus grande sécurité énergétique nécessitait la diversification des sources, des routes d’approvisionnement et des types d’énergie. L’embargo de l’Union européenne sur le pétrole russe et son plan visant à réduire considérablement les importations de gaz naturel russe ont rendu ce travail indispensable. Une plus grande indépendance énergétique rendra les États membres moins vulnérables à la coercition du Kremlin. Et cela privera le gouvernement russe de ressources massives qu’il a utilisées pour financer son attaque contre l’indépendance de l’Ukraine et d’autres pays ces dernières années. » Le mois précédent, il avait été annoncé que le « gazoduc Pologne-Lituanie, c’est-à-dire l’interconnexion transfrontalière reliant les systèmes polonais et lituanien de transmission de gaz, venait d’être mis en service. Il [permettra] également de transporter du gaz vers la Lettonie et l’Estonie. Cette infrastructure gazière stratégique et essentielle est une étape importante pour l’Initiative des Trois Mers et pour l’Union européenne », un projet décrit par les autorités polonaises comme « la réaction la plus forte et la plus adaptée face aux actions de la Russie. »

Tel que détaillé sur le site officiel de l’Initiative des Trois Mers en mai 2024, la Pologne cherche également à parachever la « diversification des sources d’approvisionnement en gaz et l’intégration des infrastructures gazières dans la région des Trois Mers avec la mise en œuvre du projet Baltic Pipe et des interconnexions transfrontalières [entre la] République de Pologne [et la] République slovaque (…) [, ainsi qu’entre la Pologne et] l’Ukraine ». En d’autres termes, le Baltic Pipe inauguré le lendemain du sabotage de Nord Stream joue désormais un rôle clé dans cette stratégie visant à réduire la dépendance européenne au gaz russe, « surtout compte tenu de l’opposition farouche de la Pologne aux gazoducs [Nord Stream] », comme l’ont observé FAIR.org. Dans le même temps, la Croatie, la Hongrie, la Lituanie et la Slovénie étendent également leurs infrastructures gazières, tandis que la Croatie, la Lituanie et la Lettonie développent des terminaux de GNL qui favoriseraient les exportations de gaz naturel liquéfié états-unien de plus en plus massives vers le continent européen.

Grâce au sabotage de Nord Stream, l’Initiative des Trois Mers affaiblira l’Allemagne au profit de la Pologne

Jusqu’à récemment, le développement de l’Initiative des Trois Mers a rencontré plusieurs obstacles. Parmi eux, il est important de noter que Berlin s’y est longtemps opposée, principalement en raison de ses craintes que ce projet 1) ait un impact négatif sur l’économie allemande, 2) augmente de manière disproportionnée l’influence des États-Unis et leurs exportations de gaz en Europe centrale et orientale, et 3) affaiblisse la pertinence de l’architecture Nord Stream. Comme l’a expliqué le chercheur Martin Dahl en décembre 2019, « la mise en œuvre de projets d’infrastructures sur l’axe Nord-Sud à l’est de la frontière allemande, qui renforcerait la capacité des ports baltes non allemands et déplacerait une partie du transport routier vers l’Europe centrale et orientale, augmenterait la concurrence et pourrait réduire les bénéfices des entreprises allemandes. Également dans le domaine de l’énergie, les plans de l’Initiative des Trois Mers entrent en conflit avec les intérêts allemands dans les gazoducs Nord Stream. » Depuis que la majeure partie de cette infrastructure est devenue « un tas de métal au fond de la [mer Baltique] », pour reprendre les termes provocateurs de la Sous-secrétaire d’État Victoria Nuland en janvier 2022, l’obstacle Nord Stream a été éliminé. À l’avenir, il serait certainement préjudiciable pour l’Allemagne de ne pas accroître son implication dans l’Initiative des Trois Mers – ne serait-ce que pour gagner de l’influence dans son développement, notamment dans les domaines du transport, des infrastructures portuaires et, depuis la destruction de trois des quatre gazoducs de Nord Stream, de la sécurité énergétique.

Le sabotage de Nord Stream a rempli un objectif stratégique majeur de Washington : empêcher tout rapprochement germano-russe

Le 30 avril 2024, le Secrétaire d’État Antony Blinken a déclaré lors du Forum économique mondial à Riyad que « l’Europe s’est éloignée de sa dépendance à l’énergie russe de manière extraordinaire, et ce en l’espace de seulement deux ans », sans mentionner le fait pourtant crucial que le sabotage des gazoducs Nord Stream, l’Initiative des Trois Mers et le Baltic Pipe ont été des facteurs clés dans la réalisation de ce vieil objectif stratégique de Washington. Dix ans plus tôt, c’est-à-dire en 2014, l’ancienne Secrétaire d’État Condoleezza Rice avait en effet affirmé que « les Européens devront remplacer leur dépendance au gaz russe par du gaz états-unien, notamment du GNL, ce qui supposerait l’élimination des gazoducs Nord Stream. Pour Condoleezza Rice, le plus important était de mettre fin à la collaboration russo-européenne et d’éliminer leur “union gazière et industrielle” – en d’autres termes, de couper la Russie de l’Europe. » Confirmant cette ambition majeure de Washington, George Friedman – le fondateur de la « CIA privée » Stratfor –, expliqua l’année suivante que, « pour les Américains, la peur la plus centrale est (…) la combinaison de la technologie et du capital allemands avec les ressources naturelles et la main-d’œuvre russes – la seule combinaison qui, depuis des siècles, terrifie les États-Unis. Alors quelles sont les conséquences de tout cela ? Eh bien, les États-Unis ont déjà montré leurs cartes : c’est la ligne des pays allant de la Baltique à la mer Noire », comme le confirme le développement continu de l’Initiative des Trois Mers dans cette région et le redéploiement provocateur de l’OTAN dans cette même zone, une stratégie résumée en 2015 par Friedman comme l’imposition d’un « cordon sanitaire » antirusse.

Comme l’a observé en mars 2023 le journaliste polonais Agaton Koziński, « la politique d’endiguement des pulsions agressives du Kremlin porte ses fruits. Depuis que les pays de l’Europe centrale et orientale ont assumé la charge principale de ces mesures [de soutien massif à l’Ukraine contre la Russie], l’équilibre des pouvoirs en Europe a commencé à changer. Ce n’est pas seulement le Chancelier Scholz qui l’a remarqué. “La visite du Président Biden en Pologne au mois de février 2023 est perçue comme une correction face à la domination écrasante des États membres occidentaux dans la politique de l’UE”, a écrit le professeur John Keiger, historien à l’Université de Cambridge, dans l’hebdomadaire The Spectator. “L’époque où un Président français comme Jacques Chirac pouvait dire aux États d’Europe de l’Est qu’ils feraient bien de se taire est révolue”, a-t-il ajouté. On entend la même rengaine ailleurs. “Une chose est claire : un important pivot vers le flanc est de l’OTAN est en cours”, a écrit Roger Boyes, rédacteur international du quotidien britannique The Times. “On a vraiment l’impression que, sur le continent européen, le centre de gravité s’est déplacé vers l’Est”, a commenté le général Ben Hodges, ancien commandant de l’armée états-unienne en Europe. »

Dans le discours susmentionné, George Friedman souligna le fait qu’au début de l’année 2015, ce même « général Ben Hodges, alors commandant de l’U.S. Army en Europe, a visité l’Ukraine. Il a annoncé que des instructeurs états-uniens allaient officiellement arriver, et non plus officieusement. Il a même accroché des médailles à des combattants ukrainiens ce qui, selon le protocole militaire, ne peut normalement pas être fait à des étrangers, mais [le général Hodges] l’a fait, montrant que [les forces militaires ukrainiennes] étaient “son” armée. Il est ensuite parti et, dans les pays baltes, il a annoncé que les États-Unis allaient pré-positionner des blindés, de l’artillerie et d’autres équipements dans les pays baltes, en Pologne, en Roumanie et en Bulgarie, ce qui est un point très intéressant. Donc (…) hier, les États-Unis ont annoncé qu’ils enverraient des armes, bien sûr, ce soir ils le nieront, mais les armes seront envoyées. Dans tout cela, les États-Unis ont agi en dehors du cadre de l’OTAN parce que l’OTAN doit obtenir un vote unanime à cent pour cent. »

Il ajouta un point crucial, soulignant que de nombreux stratèges occidentaux et lui-même étaient parfaitement conscients que la politique agressive des États-Unis en Ukraine et au sein de l’Europe centrale et orientale – c’est-à-dire de la mer Baltique à la mer Noire –, était perçue par la Russie comme une menace existentielle. En effet, il résuma son propos en expliquant que « la question qui se pos[ait] pour les Russes [en 2015] était la suivante : garderont-ils une zone tampon qui soit au moins neutre, ou l’Occident pénétrera-t-il tellement loin en Ukraine qu’il se trouvera à 100 kilomètres de Stalingrad et à 500 kilomètres de Moscou ? Pour la Russie, le statut de l’Ukraine est une menace existentielle, et les Russes ne peuvent pas lâcher sur ce point. Pour les États-Unis, si la Russie garde l’Ukraine, où s’arrêtera-t-elle ? Il n’est donc pas surprenant que le général Hodges, qui a été désigné pour essuyer les critiques engendrées par [cette stratégie], parle de pré-positionner des troupes en Roumanie, en Bulgarie, en Pologne et dans les pays baltes. C’est l’Intermarium, de la mer Noire à la mer Baltique, dont rêvait [l’ancien Premier Ministre polonais Józef] Piłsudski. C’est la solution pour les États-Unis », dont la mise en œuvre sur le plan énergétique a été grandement facilitée par l’Initiative des Trois Mers – un projet qui, selon les propos du général Hodges en avril 2020, « accentuerait l’indépendance énergétique de l’Europe centrale et orientale (…) [dans un contexte de] concurrence entre grandes puissances dans le domaine économique ». Comme nous l’avons documenté dans la première partie de cette analyse, le sabotage de l’infrastructure Nord Stream fut un facteur clé dans l’implémentation de cette stratégie disruptive ouvertement soutenue par les États-Unis. Cependant, la « zone d’exclusion intellectuelle » qui entoure cette attaque a garanti jusqu’à présent le fait que cet événement reste irrésolu, malgré de solides indices suggérant une possible responsabilité centrale de Washington dans cet acte de guerre non seulement contre la Russie, mais également contre l’Allemagne et les autres pays européens qui ont co-développé cette infrastructure.


 

Initiative des Trois Mers
Maxime Chaix

Journaliste indépendant, essayiste et traducteur, Maxime Chaix est spécialisé dans l’étude approfondie des opérations clandestines occidentales, de la politique étrangère des États-Unis et de l’instrumentalisation étatique du terrorisme islamiste. Entre 2009 et 2015, il a traduit trois ouvrages de l’universitaire, essayiste et ancien diplomate canadien Peter Dale Scott. En 2019, il a publié son premier essai, intitulé La guerre de l’ombre en Syrie, aux Éditions Erick Bonnier. Déplorant le soutien irréfléchi de la majorité des médias français pour le militarisme de Washington et de ses principaux alliés, dont l’État français, Maxime Chaix pratique un journalisme à l’anglo-saxonne, résolument critique envers les excès militaires occidentaux et le conformisme universitaire, politique et médiatique qui les légitime.

 

PLF 2025 : le budget des armées parmi les rescapés

PLF 2025 : le budget des armées parmi les rescapés

– Forces opérations Blog – publié le

Chose promise, chose due : le gouvernement Barnier n’a pas touché à la trajectoire budgétaire des armées dans le projet de loi de finances pour 2025 dévoilé aujourd’hui. Sauf écueil parlementaire, les crédits alloués à la défense bondiront de 3,3 Md€ l’an prochain conformément à la loi de programmation militaire 2024-2030. 

Les dépenses militaires ont survécu à la vague d’austérité actée dans le PLF 2025. Quand d’autres devront se serrer la ceinture pour participer au redressement des comptes publics, les armées verront leurs crédits grimper à 50,54 Md€. De quoi fournir aux armées « les moyens de se moderniser et de préparer l’avenir pour répondre à leurs missions dans un contexte international dégradé et incertain », pointe un document publié ce soir par Bercy. 

De ce budget record, 10,6 Md€ viendront alimenter les grands programmes d’armement. Soit une hausse de 16% ou (1,5 Md€) par rapport à la loi de finances initiale 2024. Les ressources allouées au maintien en condition opérationnelle augmentent à nouveau sensiblement pour atteindre 5,9 Md€, contre 5,7 Md€ cette année.  

« Enfin, une partie de ces crédits permettra au ministère des armées de faire face à ses nombreux engagements internationaux, dans un monde marqué par un regain de violence (guerre en Ukraine, situation au Proche et Moyen Orient…) ». Un dixième de la manne sera consacrée au fonctionnement et aux activités opérationnelles, quand 1% est fléché vers les OPEX et MISSINT. Il faudra attendre la semaine prochaine et le lancement d’un cycle d’auditions pour mieux chiffrer les efforts proposés pour chaque programme.

Le document prévoit par ailleurs de renforcer les effectifs à hauteur de 700 nouveaux postes « afin de répondre aux enjeux de transformation des armées », dont 70 au profit de la Direction des applications militaire du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA-DAM). Ici aussi, la cible inscrite dans la LPM est respectée à la lettre.

L’horizon est pour l’instant dégagé, mais d’âpres discussions parlementaires sont attendues au cours des prochaines semaines. De même, l’étendue des coupes budgétaires n’est pas totalement arrêtée, car le gouvernement compte bien proposer « au cours des débats, par amendements, des économies budgétaires supplémentaires à hauteur de 5 Md€ sur les budgets ministériels, permettant d’atteindre une cible de déficit public de -5,0 % sur laquelle il s’est engagé pour 2025, et une baisse de la dépense publique primaire en volume ».

Face à la menace russe, l’armée de terre française muscle sa logistique

Face à la menace russe, l’armée de terre française muscle sa logistique

L’armée de terre va participer à plusieurs exercices d’envergure sur le flanc est de l’Europe. La France veut montrer à ses alliés ses capacités de projection.

Par Clément Machecourt – Le Point –

https://www.lepoint.fr/monde/face-a-la-menace-russe-l-armee-de-terre-francaise-muscle-sa-logistique-10-10-2024-2572354_24.php


 

Rentrée studieuse pour l’armée de terre française. Son chef d’état-major (Cemat), le général Pierre Schill, a dressé, vendredi 4 octobre à Lille, les grandes lignes du programme qui attend les quelque 130 000 soldats français dans les mois et les années à venir. Le lieu n’a pas été choisi au hasard. C’est dans la ville du Nord que se trouve le Commandement Terre Europe (CTE) et le Commandement de la Force et des opérations terrestres (CFOT). Deux états-majors qui regardent désormais en grande partie vers l’est de l’Europe.

Un engagement important de nos forces est devenu une hypothèse crédible, a prévenu le général Schill, avec une « menace russe présente pour les années à venir à l’est de notre continent ». L’armée française doit être prête à la fois à intervenir « ce soir » tout en préparant les engagements du futur. La LPM de 2024-2030 et ses 413 milliards d’euros pour les armées, permet d’envoyer un premier message de volonté aux alliés et pays compétiteurs de la France.

Une brigade déployée en dix jours

Expérience du combat, force morale présente, polyvalence… Le Cemat a listé les différents points forts de l’armée de terre, qui doit maintenant gagner en réactivité et passer à une autre échelle d’engagement et de projection de force. Dans le cadre de l’exercice Dacian Spring, c’est une brigade interarmes (7 000 à 8 000 soldats) « bonne de guerre », c’est-à-dire tout de suite apte au combat et capable de tenir dans la durée, qui sera déployée en 10 jours sur le sol roumain en avril 2025.

Cela représente un effort logistique conséquent, avec 1 500 conteneurs qui, mis bout à bout, forme un convoi ferroviaire long de neuf kilomètres. « Un jour de combat, c’est une consommation de 80 conteneurs, dont 20 rien que pour les munitions », détaille le Général Guillot, adjoint au CTE.

En 2022, sept jours seulement après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, la France avait déployé le Sparhead Battalion de la force de réaction rapide de l’Otan en Roumanie, composée de 500 Français et 300 Belges. Une vingtaine de rotations d’Antonov 124, plus gros avion du monde, trois de KC130 et trois d’A330 MRTT avaient été nécessaires. Depuis, 2 500 militaires de la mission Aigle sont relevés tous les quatre mois, et 500 véhicules par an. Une année de logistique représente 36 vols pour transporter le personnel, 10 vols, 35 trains et 25 convois routiers pour le fret.

L’importance du fret ferroviaire

Un transport multimodal qui, malgré la menace russe, connaît encore quelques ratés. À l’image de contrôles douaniers tatillons de la part d’un pays voisin de la France, obligeant, pour une histoire de tampon mal placée, à faire descendre un char Leclerc de son wagon porte-char. L’Union européenne a investi 1,7 milliard d’euros dans la création d’un « Schengen militaire », pour permettre le déplacement rapide de troupes d’ouest en est sans les tracasseries administratives de chaque pays traversé.

En Roumanie, c’était un pont trop fragile qui imposait il y a peu encore les convois blindés français à faire un détour de plusieurs heures avant d’atteindre leur base. Signe de l’importance d’un bon réseau ferroviaire, la Finlande, arrivée dans l’Otan en 2023, songe à remplacer l’écartement russe de 1 520 mm d’une de ses voies de chemin de fer pour passer à un écartement standard de 1 453 mm.

Pikne, Diodore, Hedgehog, le cahier d’exercices chargé de l’armée française

Au-delà de l’échéance de Dacian Spring, d’autres exercices vont ponctuer le calendrier déjà chargé de l’armée française, afin de travailler l’interopérabilité avec ses alliés. Le nord de la mer Baltique sera, en décembre 2024, le théâtre de l’exercice Pikne mené au côté des forces britanniques et estoniennes. Des tirs interarmes, commandés depuis des PC en France, seront effectués sur terre, mais également depuis des frégates et des avions en appui air-sol.

Mars 2025, l’exercice Diodore devra démonter les capacités du Commandement des actions dans la profondeur et du renseignement (Capr). Créé en 2024, il vise à mener des actions dans la profondeur de l’ennemi au niveau corps d’armée ou division entre 30 et 500 km. En avril, l’exercice Hedgehog en Estonie enverra un autre bataillon français dans le cadre de la mission lynx. Enfin, en juin, Warfighter, entraînera la 1ʳᵉ division française au côté d’un corps d’armée américain. Mis bout à bout, ces exercices envoient des signaux stratégiques à la Russie, visant à la dissuader d’aller plus en avant contre l’est de l’Europe. Pour « gagner la guerre avant la guerre », l’armée française espère pouvoir déployer une division (environ 25 000 soldats) en 30 jours en Europe de l’Est dès 2027.