Deux satellites français de guerre seront lancés dans l’espace en 2025
Alors que la compétition spatiale mondiale est plus relevée que jamais, la France ne souhaite pas rester en retrait. Deux satellites de guerre français seront lancés dans quelques mois.
Pour ne pas prendre de retard sur d’autres puissances comme la Chine ou les États-Unis en matière de guerre spatiale, la France a lancé un nouveau projet. En effet, l’armée manœuvre en orbite basse afin de préserver ses intérêts, surveiller les adversaires et ainsi développer des capacités défensives supérieures. Comme le rapporte armée.com, par l’intermédiaire du Commandement de l’Espace (CDE) et de l’Agence pour l’Innovation de Défense (AID), la France a mis en place des initiatives permettant de sécuriser ses infrastructures spatiales stratégiques.
Devenir un leader sur la scène internationale
Ainsi, le projet Toutatis a pour objectif de fournir à l’armée française des capacités avancées de réaction et de surveillance. Ce système est composé d’un satellite pour l’observation appelé Lisa-1, et d’un autre pour l’intervention appelé Splinter. Il doit alors permettre à la France d’être vigilante face aux comportements suspects et de pouvoir intervenir en orbite basse. Splinter sera en capacité d’aveugler les capteurs ennemis sans toutefois les détruire. Néanmoins, ce satellite bénéficie d’un pouvoir de dissuasion important et son laser a la possibilité d’endommager des systèmes ennemis.
Avec le lancement de Toutatis prévu en 2025 ou 2026, la France entend bien devenir un leader sur la scène internationale, en devenant le pays capable de traiter une vingtaine de scénarios potentiels et s’entraîner à les gérer. Ce système sera également utile aux forces armées au sol, qui devraient obtenir de précieuses informations de renseignement.
La modernisation des systèmes de défense sol-air français SAMP/T est sur les rails, jalon majeur d’un effort lancé en 2021 par la France et l’Italie. Annoncé hier par le ministre des Armées Sébastien Lecornu, le contrat français prévoit la livraison d’une première section rénovée à l’armée de l’Air et de l’Espace en 2026.
Organisée lundi et mardi à Rome, la seconde édition de la Conférence sur la défense aérienne de l’Europe aura été l’occasion pour le ministre des Armées d’officialiser « la commande par la France de 8 systèmes SAMP/T NG dont les premiers entreront dans les forces armées dès 2026 ». Quelque 600 M€ avaient été inscrits au budget 2024 pour – entre autres – lancer cette opération de rénovation.
La commande actée hier porte en réalité sur sept sections complètes. Deux exemplaires de pré-série ont en effet été acquis en juillet 2023 par la France et début 2024 par l’Italie à des fins de développement, explique le maître d’œuvre industriel, Eurosam. Le rétrofit de cet exemplaire vers la configuration de série n’a pas encore fait l’objet d’une commande, nous précise Eurosam. Chaque section française comprendra un radar Ground Fire 300, un module d’engagement et quatre lanceurs de nouvelle génération, poursuit l’entreprise formée par Thales et MBDA.
Cette annonce précède de peu le lancement d’une campagne de tirs programmée pour le mois prochain, autre « jalon important vers le déploiement de ce système » selon le ministère des Armées. Le programme binational comprend également l’opération Aster 30 Block 1 NT, un traitement des obsolescences combiné à l’amélioration des performances du missile face à l’évolution des menaces.
Une fois rénové, ce système « pleinement européen » sera « capable de traiter des menaces plus significatives, notamment les missiles balistiques de courte et moyenne portée, y compris hypersoniques», relève-t-on côté français.
Pour les différents sites industriels mobilisés, l’heure est donc au lancement de la production en série. Les modules d’engagement français seront conçus par les équipes Thales de Fleury-les-Aubrais, également en charge des activités de regroupement conduites sur chaque lanceur avant leur livraison au client. C’est aussi dans le Loiret qu’a été achevée, avant l’été, l’intégration du prototype de SAMP/T NG destiné aux essais de qualification.
En attendant cette refonte, le SAMP/T fourni conjointement par la France et l’Italie« a déjà démontré son efficacité au combat en Ukraine », rappelait Sébastien Lecornu. Si Paris reste discret sur une éventuelle aide supplémentaire, Rome se positionne à demi-mot par l’entremise de son ministre de la Défense. « Le système SAMP/T que nous avons livré, et celui que j’espère nous livrerons aussi vite que possible, a permis aux Ukrainiens de se défendre face aux attaques de missiles russes », annonçait en effet Guido Crosetto, le 6 septembre à l’issue d’une nouvelle réunion au format Ramstein. Un renforcement du bouclier ukrainien à nouveau évoqué quelques jours plus tard par les ministres des Affaires étrangères des deux pays.
Le général d’armée aérienne Jérôme Bellanger est devenu le nouveau chef d’état-major de l’armée de l’Air et de l’Espace (CEMAAE) le 16 septembre. Les honneurs lui ont été rendus sur la base aérienne 107 de Villacoublay.
Né en mars 1969 à Montreuil-sous-Bois, le général Jérôme Bellanger fait partie de la promotion 1989 « Clément Ader » de l’École de l’Air. Breveté pilote de chasse en 1993, il a réalisé 59 missions de guerre – notamment en Bosnie entre 1995 et 1997 et en Irak entre 1996 et 1999 – et a cumulé 2 400 heures de vol.
Plusieurs fois décoré et notamment Commandeur de la Légion d’Honneur et de l’Ordre National du Mérite, il a été commandant de la base aérienne 113 de Saint-Dizier et de la base de défense de Saint-Dizier /Chaumont en 2013 puis de la base aérienne 701 de Salon de Provence et directeur général de l’École de l’Air en 2018-2019, avant de devenir Chef de cabinet du Chef d’Etat-Major des Armées en 2020.
Il était depuis 2021 général commandant les Forces aériennes stratégiques.
Depuis la fin de la guerre froide, la flotte de chasse de l’Armée de l’air et de l’Espace, a été divisé par trois, passant de plus de 600 Mirage F1, Mirage 2000 et Jaguar, à moins de 200 Rafale et Mirage 2000D et -5F. La flotte de l’Aéronautique navale a, elle aussi, subi une sévère cure d’amaigrissement, passant de 80 Super-Étendard, F-8 Crusader et Étendard IVP, a seulement 40 Rafale M.
Cette réduction de format a souvent été critiquée, par les spécialistes du sujet, ainsi que par certains parlementaires, et même, plus récemment et de manière plus feutrée, par les états-majors eux-mêmes. Ainsi, l’Armée de l’Air et de l’Espace estime, publiquement, qu’il lui faudrait « au moins », 225 avions de combat, pour répondre à son contrat opérationnel.
Toutefois, le format optimal de la chasse française semble, aujourd’hui, davantage une question de négociations politiques et budgétaires, que le résultat d’un raisonnement objectif, face aux besoins auxquels l’Armée de l’Air et l’Aéronavale doivent être en mesure de répondre.
Dans cet article, nous tenterons de mener ce raisonnement, et de déterminer quel serait ce format, nécessaire et suffisant, pour permettre à la chasse française, de remplir pleinement et efficacement ses missions présentes et à venir. Comme nous le verrons, le format actuel apparait très sous-estimé.
Sommaire
Le format de la flotte de chasse française aujourd’hui, son origine et son contrat opérationnel
Ce format, justement, quel est-il, et d’où vient-il ? Aujourd’hui, le LPM 2024-2030 vise à amener la flotte de chasse française à 225 avions de combat, avec 185 chasseurs pour l’Armée de l’Air et de l’Espace, et 40 pour l’Aéronautique navale.
Ce format a été fixé par la Revue Stratégique 2022, elle-même reprenant ce format de la Revue Stratégique 2018, qui servit de support à la création de la LPM 2029-2025 précédente. Là encore, ce n’est pas la Revue Stratégique 2018 qui fixa ce format, puisqu’elle avait pour consigne de reprendre l’ensemble des formats des forces, définis par le Livre Blanc de 2013.
C’est, en effet, ce Livre Blanc qui établit, pour la première fois, ce format à 225 avions de combat, avec la répartition 185/40 entre l’AAE et la Marine nationale. Pour arriver à ce résultat, les concepteurs de ce Livre Blanc, qui avaient pour ligne directrice de réduire autant que possible le format des forces armées françaises, fixèrent un contrat opérationnel relativement simple aux deux forces aériennes.
Cette réduction des formats permettait, par ailleurs, de réduire sensiblement les besoins de formation et d’entrainement des équipages, ainsi que les stocks de munitions, d’autant que la principale menace conventionnelle alors envisagée, concernait des conflits dissymétriques, en Afrique ou au Moyen-Orient, avec une menace très réduite sur les appareils eux-mêmes, et une pression opérationnelle relativement réduite pour les forces déployées.
La pression opérationnelle sur la chasse française depuis 2014, sensiblement supérieure à celle estimée par le Livre Blanc 2013
Bien évidemment, cette pression opérationnelle, depuis 2013, n’a absolument pas respecté la planification du Livre Blanc. L’Armée de l’Air et de l’Espace a ainsi dû, à plusieurs reprises, déployer vingt à trente appareils de combat en missions extérieures, y compris en Europe. Le porte-avions, quant à lui, a souvent largement dépassé les quatre mois de mer par an prévus, avec un record de 8 mois à la mer pour l’année 2019, avant son IPER.
Si les armées françaises ont largement allégé leur dispositif en Afrique ces dernières années, le dispositif au Levant, lui, reste inchangé, alors que l’évolution des tensions, et des guerres, en Europe et dans le Pacifique, ont amené à de nouveaux déploiements particulièrement gourmands en potentiel de vol des appareils comme des équipages.
À ce sujet, justement, il est apparu que les appareils déployés, tendaient à consommer beaucoup plus rapidement leur potentiel de vol, par rapport aux appareils employés en France pour les missions d’entraînement et de Police du Ciel, d’un facteur allant de 2 à 3.
Comme tous les avions, civils ou militaires, les avions de chasse doivent respecter une procédure de maintenance très stricte, ponctuée de grandes visites, au bout d’un certain nombre d’heures de vol, durant lesquelles les appareils sont presque entièrement démontés et rassemblés, pour en garantir le bon fonctionnement à venir.
De fait, ces grandes visites rendent indisponibles chaque appareil pour plusieurs mois, et sont d’autant plus rapprochées, que les appareils volent beaucoup, en particulier en déploiement extérieur, et lors des missions opérationnelles.
40 avions de chasse promis par la France à l’OTAN, en cas de tensions ou de conflit
Si la pression opérationnelle a considérablement évolué ces dernières années, la guerre en Ukraine, et les fortes tensions entre l’OTAN et la Russie, ont amené à réviser le paramètre clé, au cœur de la construction même du format nécessaire et suffisante, de la flotte de chasse française.
En effet, la France s’est engagée, depuis son retour dans le Commandement intégré de l’OTAN, à fournir à l’Alliance, en cas de conflit, 40 avions de chasse prêts au combat. Cet engagement n’est pas nouveau, mais les évolutions géopolitiques récentes, en ont fait évoluer le statut.
Celui-ci est passé d’un engagement important, mais très peu probable, à un engagement tout aussi important, mais dont la probabilité nécessite, désormais, de l’intégrer dans la planification opérationnelle française, comme valeur de référence au cœur de ce format, en lieu et place de la projection de 15 appareils du Livre Blanc 2013, et des Revues stratégiques de 2018 et 2022.
En d’autres termes, là où l’Armée de l’Air devait garantir la disponibilité de deux escadrons stratégiques, soit vingt avions de combat, et de 15 avions de combat en projection, avec un potentiel de vol, c’est-à-dire le nombre d’heures de vol restant jusqu’à la prochaine grande visite, suffisant pour soutenir l’activité, elle doit dorénavant faire de même pour deux escadrons stratégiques, et 40 avions de combat tactiques, passant donc de 35 à 60 avions de chasse prêts au combat à tout instant.
Il manque 95 avions de chasse à l’Armée de l’Air et de l’Espace
De fait, la disponibilité d’une flotte de 60 chasseurs, disposants de plus de 50 % de leur potentiel de vol, à tout instant, cela entraine une flotte de deux fois plus d’appareils, soit 120 chasseurs, ayant un potentiel de vol de 50 % ou moins, sachant que les appareils déployés et/ou en situation opérationnelle, consomment leur potentiel de vol, deux fois plus vite, qu’en France, pour les missions d’entrainement et de Police du Ciel.
En outre, pour garantir la disponibilité permanente de 60 avions de combat à potentiel de vol suffisant, il est aussi nécessaire d’avoir, en permanence, 60 appareils en maintenance, notamment en grande visite, pour assurer le flux et la rotation des appareils.
Au total, donc, il est nécessaire que la flotte de chasse de l’Armée de l’Air et de l’Espace, atteignent les 240 appareils. Remarquez qu’en appliquant ce même raisonnement aux 35 appareils du Livre Blanc, on arrive à 180 avions de combat, très proche des 185 visés aujourd’hui.
Toutefois, deux facteurs doivent désormais être pris en compte, pour garantir l’efficacité et la disponibilité optimale de la flotte de chasse française. Le premier est le prélèvement sur la flotte de chasse lié à la modernisation des appareils. En moyenne, un avion de combat passe par une phase de modernisation majeure tous les huit ans, alors que chaque modernisation l’immobilise pendant six mois.
Il est donc nécessaire d’ajouter, aux 240 avions de combat précédent, une flotte équivalente à un seizième de son format, pour absorber ce prélèvement, soit 15 avions, pour un total de 255 chasseurs.
Enfin, le risque de guerre ne pouvant être ignoré, il convient de donner, aux forces aériennes, une capacité d’absorption minimale de l’attrition, par accident ou au combat, d’autant que les appareils sont susceptibles de voler dans des conditions plus difficiles, les exposant notamment au risque aviaire de manière bien plus significative.
Dans la mesure où il s’agit, là, de la seule valeur « subjective » de cette démonstration, nous prendrons un coefficient de réserve le plus réduit possible, eu égard au risque, ainsi qu’aux délais de remplacement des appareils, soit 10 %, amenant le format nécessaire et suffisant de la flotte de chasse de l’Armée de l’Air et de l’Espace à 280,5 appareils, que nous arrondirons à 280.
Dès lors, il manque bien, de manière objective, 280-185 = 95 avions de combat à la flotte de chasse de l’Armée de l’Air, pour satisfaire à ses engagements vis-à-vis de l’OTAN, tout en assurant le reste de son contrat opérationnel.
Notons au passage que dans cette hypothèse, le déploiement des avions de combat en Afrique et au Moyen-Orient, n’est pas intégré, de manière simultanée, ce qui suppose qu’en cas de déploiement pour l’OTAN, l’AAE devra retirer l’ensemble de ses moyens de tous ces théâtres.
Par extension, il manque aussi 12 Rafale M à l’aéronautique navale française
Il serait tentant d’employer le même raisonnement pour conclure que le format de la flotte de chasse embarquée française devrait être amenée à 89 avions de chasse.Toutefois, avec un unique porte-avions, la Marine nationale ne peut pas garantir la permanence du dispositif aéronaval français, ce qui suppose de reprendre le raisonnement.
Ainsi, en admettant que la Marine nationale doive garantir le déploiement de 18 Rafale M à bord du Charles de Gaulle, pour des missions de deux mois, avec une période de régénération de deux mois, la surconsommation du potentiel de vol en mission opérationnelle, est compensée, dans le format, par le retrait de la zone de mission de deux mois du porte-avions.
Dès lors, là où un appareil déployé à potentiel supérieur à 50 % pour l’AAE, entrainait la présence de deux appareils au potentiel inférieur à 50 % en métropole, il n’y aura qu’un appareil inférieur à 50 % par appareil supérieur à 50 % déployé, dans le cas de la Marine nationale. À cela, s’ajoute aussi, un demi-appareil en maintenance, puisque l’autre moitié du temps, le porte-avions ne sera pas déployé.
De fait, pour garantir le déploiement de 18 chasseurs Rafale M à bord du Charles de Gaulle par rotation du porte-avions en zone opérationnelle de 2 mois, il faut 2×18 + 9 = 45 avions Rafale M dans l’inventaire de la Marine nationale. En ajoutant le prélèvement pour modernisation, soit 1/16ᵉ, puis la gestion de l’attrition de 10 %, cette flotte atteint 52 appareils, soit 12 chasseurs supplémentaires, vis-à-vis de la flotte de 40 appareils actuellement en parc.
Notons que lorsque le PANG entrera en service, ce nombre montera à 70 appareils, pour garantir la présence de 24 appareils de combat, de la même manière, à bord du porte-avions.
En revanche, si la flotte de porte-avions devait passer à deux, pour garantir en permanence une flotte embarquée de 24 chasseurs, une flotte de 112 chasseurs serait nécessaire et suffisante, en appliquant, cette fois, strictement le même raisonnement que pour l’AAE.
15 ans et 20 Md€ pour redonner à la Chasse française, son format optimal
Sur la base de ce raisonnement, il manquerait donc 95 avions de combat pour l’Armée de l’Air, soit trois escadrons de 20 appareils, le reste étant en maintenance et réserve, ainsi que 12 chasseurs et une flottille de neuf appareils, pour l’Aéronautique navale. Or, une telle progression, même étalée sur 15 ans, représenterait un investissement et une transformation des armées considérables, sur cette période.
Cela suppose la commande 112 chasseurs supplémentaires, soit 1 Md€ par an pendant quinze ans, pour 7,5 appareils supplémentaires par an, y compris les équipements et munitions nécessaires à leur mise en œuvre. Cela nécessiterait, également, très probablement une nouvelle augmentation des cadences de production de Rafale de Dassault Aviation, pour passer de trois à quatre appareils produits chaque mois, afin de répondre à ce besoin supplémentaire.
Surtout, cela suppose de recruter et de former les effectifs nécessaires pour former ces escadrons et flottille, pour les équipages comme pour assurer la maintenance des appareils, et pour soutenir l’activité de l’ensemble de ces effectifs supplémentaires, le tout représentant de 5 à 6000 militaires supplémentaires.
Il faudra, enfin, positionner ces effectifs et ces appareils, ce qui pourrait nécessiter l’activation d’une nouvelle base aérienne de chasse, et peut-être d’une base aéronavale, ou, tout du moins, de relocaliser une ou deux flottilles, sur une autre base que Landivisiau.
On peut estimer l’investissement initial nécessaire à la mise en place de ces nouvelles infrastructures, l’adaptation des infrastructures existantes, et le recrutement et la formation initiale du personnel supplémentaire nécessaire, autour de 5 Md€, et le surinvestissement annuel nécessaire, entre 1 et 2 Md€.
Conclusion
On le voit, le format actuel de la flotte de chasse française, qu’il s’agisse de l’Armée de l’Air et de l’Espace, comme de l’Aéronautique navale, est très inférieur au format nécessaire pour répondre aux engagements de la France, vis-à-vis de l’OTAN, ou, tout simplement, pour assurer la sécurité aérienne du pays et de ses intérêts, considérant qu’une flotte de 40 avions de chasse opérationnels, et 18 chasseurs à bord du Charles de Gaulle, sont les stricts minimums pour être en mesure de le faire.
Le format actuel, visé par la LPM 2024-2030, a été défini en 2013, lors de la rédaction du Livre Blanc sur la Défense et la Sécurité Nationale, avant même la capture de l’Ukraine et l’attaque du Donbass par la Russie, avant le déclenchement de l’opération Serval au Mali, avant la seconde guerre du haut Karabagh, avant les menaces appuyées de Pékin sur Taïwan, et avant la guerre en Ukraine, et l’ensemble de ses conséquences directes et induites, en Europe, au Moyen-Orient et dans le Pacifique.
En dépit de ces nombreux événements qui se sont déroulés ces dix dernières années, jamais ce format n’a été re-évalué, comme c’est aussi le cas du format de la flotte de char de l’Armée de terre, ou de celui des frégates et des sous-marins d’attaque de la Marine nationale.
Certes, amener la flotte de chasse française, au format requis de 332 appareils, nécessiterait des crédits importants, qui seront difficiles à mobiliser (tout en moins en appliquant le modèle actuel), et des effectifs au moins aussi ardus à recruter. Toutefois, il semble évident, dorénavant, que le format hérité de 2013, n’est plus en accord ni avec la menace, ni avec le contrat opérationnel des forces aériennes françaises.
Il est certainement nécessaire, dès lors, de mener une réflexion objective sur l’ensemble des formats des armées françaises, hérités de ce livre blanc sans plus aucun rapport avec la réalité des menaces, pour construire la programmation militaire nationale, et non plus construire la programmation militaire sur des contraintes budgétaires, pour en déduire les menaces pouvant être contenues. Question de méthode, probablement…
Article du 7 aout en version intégrale jusqu’au 21 septembre 2024
L’Armée de l’Air et de l’Espace est allée encore plus loin et longtemps, avec l’édition 2024 de l’opération de projection Pégase. Retours d’expérience de son commandant tactique, le général de division Guillaume Thomas.
Un peu moins d’avions mais un programme encore plus ambitieux
Un peu moins d’avions -17 contre 19 en 2023, mais un programme encore plus ambitieux, comportant deux projections vers l’Indo-Pacifique et une nouvelle série de premières : l’Armée de l’Air et de l’Espace a voulu encore passer un cran dans Pégase 2024, étendu sur plus de sept semaines (six en 2023). La masse était la signature de l’édition 2023, avec 10 Rafale, 5 Phénix et 4 Atlas : un an plus tard, l’Armée de l’Air et de l’Espace a dû adapter la voilure pour prendre en compte aussi les besoins liés à la protection des JO en France, alors que la masse était, elle, apportée par les partenaires européens.
Une marque européenne affirmée
Sept Rafale (trois de moins) ont finalement participé, avec cinq Phénix (inchangé) et cinq Atlas (un de plus). Ces derniers ont poursuivi dans leur versatilité et leur polyvalence, assurant des capacités de recherche et de sauvetage, notamment durant le transit le plus complexe entre l’Alaska et le Japon (sur la route vers l’Australie, étape suivante), mais aussi des aéro-largages, du ravitaillement en vol et des opérations depuis des terrains sommaires.
Terrain de jeu inhabituel en Alaska
Pégase 2024 avait une marque européenne affirmée, en emmenant aussi les deux autres pays du SCAF -Allemagne et Espagne- dans des cieux jusqu’alors non balayés par eux. Sur leur première étape, les appareils des trois pays ont pu bénéficier d’un terrain de jeu inhabituel en Alaska, permettant un meilleur niveau de réalisme. Même si seuls les Espagnols sont allés jusqu’à tirer des armes réelles. En douze jours, les Rafale ont généré 67 sorties avec deux raids où ils tenaient la position de chef de mission. Les Atlas ont assuré 11 sorties, et les Phénix, 10, alimentant 100 receveurs, dont des F-22 américains.
Les Britanniques ont pu de leur côté se projeter directement en Australie avec les Français, une façon d’illustrer le partenariat bilatéral de la common joint expeditionnary force (CJEF) pour lequel une capacité de commandement et de contrôle binationale avait été implantée au sein du centre air de planification et de contrôle des opérations (CAPCO) de Lyon. La formation comptait trois Rafale, 6 Typhoon, trois MRTT et quatre Atlas (deux types d’appareils en service dans les deux pays, et même en Australie pour le MRTT).
Raids de 80 aéronefs en Australie
L’Australie a offert aussi des étendues appréciables représentant les ¾ de la France pour dérouler des raids comportant jusqu’à 80 aéronefs. Les Européens ont aussi participé à l’exercice indien Tarang Shakti, amenant un niveau de participation internationale qui n’avait pas été généré depuis 1961.
L’emploi d’appareils communs a été une fois de plus porteur pour assurer des maintenances croisées, sur les A400M français, allemands et espagnols, mais aussi les ravitailleurs MRTT français et australiens. Un Rafale français en panne en Inde a aussi pu recevoir une pièce indienne, a signalé le général Thomas. Un des rares exemples de panne, et « aucune mission n’a été annulée pour raison technique » a assuré le commandant tactique de Pégase 2024. Un Phénix a aussi pour la première fois ravitaillé en vol un de ses cousins australiens.
Rafale, A400M et A330MRTT aux Philippines
Les Pégase comportent aussi une part évidente de diplomatie aérienne mêlée de soutien export (soutex). Pour la première fois, des Rafale avec un Phénix et un MRTT ont posé aux Philippines, un pays frontalement confronté aux ambitions chinoises, et qui cherche à s’équiper, à l’instar de ses voisins malais et indonésiens qui ont déjà opté pour des produits aériens et navals français. Plusieurs compétitions sont en cours dans la région et avec Pégase, l’armée de l’air et de l’espace aura aussi contribué à alimenter la manœuvre globale de l’équipe France.
Comme lors des précédents déploiements, l’outremer française n’a pas été oubliée, avec des escales à Saint-Pierre et Miquelon, en Nouvelle-Calédonie et à La Réunion.
Dans les airs aussi, la sécurisation des Jeux olympiques et paralympiques se sera déroulée sans écueil majeur. Coordonnée par l’armée de l’Air et de l’Espace, cette mission aura notamment conduit à l’interpellation de 85 télépilotes de drones.
Les JOP finis, l’heure est au bilan pour les militaires engagés dans la sécurisation du ciel français, un volet qui s’est appuyé sur un socle de posture permanente de sureté aérienne (PPS-A) renforcé et complété par des dispositifs particuliers de sûreté arienne (DPSA) établis à Paris et Marseille. Principaux résultats : 90 interceptions réalisées au cours de 350 missions et 85 télépilotes interpellés, dont deux grâce au drone Reaper.
Ce dispositif multicouches « hors normes de par l’ampleur, la durée et l’empreinte territoriale » aura nécessité d’employer l’essentiel des moyens antiaériens et de lutte anti-drones (LAD) dont disposent les armées, avec quelques « premières capacitaires » à la clef. Ainsi, les systèmes VL MICA fraîchement perçus sont venus compléter le système MAMBA, les Crotale NG et les trois sous-groupements tactiques d’artillerie sol-air MISTRAL de l’armée de Terre.
La seule LAD aura mobilisé en simultané « une quinzaine de systèmes lourds et plusieurs dizaines d’équipes légères». Derrière les MILAD, PARADE et autres fusils brouilleurs NEROD RF, deux radars Giraffe 1X ont été utilisés à Paris et Marseille pour compléter les systèmes lourds. Des radars 3D multimissions, compacts, produits par le groupe suédois Saab et qui, à première vue, viennent d’entrer dans l’arsenal français.
L’effort était également interalliés. Les Espagnols ont contribué à la protection du ciel marseillais avec un systèmes NASAMS. La Royal Air Force a fait de même au-dessus d’un site paralympique parisien avec l’outil LAD ORCUS, déjà déployé en 2012 lors des JO de Londres. Des fusils brouilleurs HP 47 prêtés par l’Allemagne et conçus par la société allemande HP sont par ailleurs venus renforcer les moyens de brouillage déployés sur l’ensemble de la France.
Si les téléopilotes fautifs étaient « principalement des touristes ignorant la réglementation en vigueur », deux autres sont le résultat d’une interception d’opportunité sans lien avec les JOP. Le 4 septembre, « le système mis en place pour assurer en particulier la protection de l’aéroport Roissy-Charles de Gaulle a détecté un drone de modèle inconnu, aux abords d’une prison », indique l’armée de l’Air et de l’Espace.
Relayée aux forces de sécurité intérieure, l’information aura permis d’arrêter deux télépilotes en train de livrer des matériels illégaux dans un établissement pénitentiaire. « La coordination interministérielle au sein de la chaîne de lutte anti-drones a fait, une nouvelle fois, la preuve de son efficacité », se félicite l’armée de l’Air et de l’Espace.
En 2018, la disponibilité de certaines flottes d’aéronefs étant encore très insuffisante au regard des contraintes et de l’activité opérationnelle, le ministère des Armées prit le taureau par les cornes en lançant une vaste réforme du Maintien en condition opérationnelle Aéronautique [MCO Aéro], sur la base des recommandations faites par l’ingénieur général hors classe de l’armement Christian Chabbert.
L’une des mesures prises consista à remplacer la Structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques du ministère de la Défense [SIMMAD] par la Direction de la Maintenance aéronautiques [DMAé]. Placé sous l’autorité directe du chef d’état-major des armées [CEMA], cet organisme est désormais chargé d’élaborer et de mettre en œuvre des stratégies en matière de MCO Aéro, afin d’accroître la disponibilité des aéronefs à un coût maîtrisé.
Pour cela, la DMAé a entrepris de simplifier le MCO en confiant tous les marchés relatifs à la maintenance d’un flotte d’aéronefs à un prestataire unique tout en lui assignant des objectifs de disponibilité, dans le cadre de contrats dits « verticalisés ».
Cette réforme a-t-elle produit les effets escomptés ? Les chiffres relatifs à la disponibilité technique des aéronefs étant désormais confidentiels, comme, d’ailleurs, les indicateurs sur l’activité des forces que l’on pouvait trouver dans les « bleus budgétaires » [c’est-à-dire les projets annuels de performance], il est compliqué de se faire une idée.
À moins de se contenter de quelques ordres de grandeur concernant certaines flottes. Ainsi, l’an passé, le général Stéphane Mille, alors chef d’état-major de l’armée de l’Air & de l’Espace [CEMAAE] avait confié, lors d’une audition parlementaire, que la disponibilité de l’aviation de chasse [Rafale et Mirage 2000] avait « globalement » augmenté de 3 % en 2023 tandis que celle des autres flottes [avions de transport, hélicoptères et drones] accusait une « légère baisse ».
Dans un référé publié ce 10 septembre, et bien que n’étant pas autorisée à rendre publics les taux de disponibilité des aéronefs, la Cour des comptes a donné un aperçu des résultats obtenus par le ministère des Armées en matière de MCO Aéro entre 2018 et 2023.
Ainsi, si elle dit avoir « observé à l’occasion de son contrôle une amélioration de la performance du MCO aéronautique, qui se traduit par une meilleure disponibilité de plusieurs flottes stratégiques d’aéronefs depuis 2018 », la Cour des comptes estime cependant que ces progrès, « réalisés au prix d’un accroissement significatif des moyens budgétaires » [4,7 milliards d’euros en 2022, ndlr], sont « insuffisants au regard des besoins opérationnels » étant donné que les volumes d’heures de vol et les indicateurs de performances des documents budgétaires » demeurent encore, « chaque année, en deçà des objectifs fixés par les armées ».
L’enquête menée par la Cour des comptes ne remet pas en cause les contrats verticalisés. En revanche, elle souligne qu’il existe des « marges de progrès importantes en matière de productivité et de compétitivité » au sein du Service industriel de l’aéronautique [SIAé].
Rattaché à l’armée de l’Air & de l’Espace, le SIAé est le « garant de l’autonomie de la France sur le MCO Aéronautique », en apportant une « logique de performance industrielle grâce à des méthodes innovantes », explique le ministère des Armées.
Certes, les Cour des comptes reconnaît que le SIAé a engagé des actions afin d’améliorer sa performance… Pour autant, poursuit-elle, « ses ateliers restent souvent engorgés par les flottes d’aéronefs les plus problématiques ». Et d’ajouter : « La production stagne depuis 2018 malgré l’augmentation des effectifs » tandis qu’il « n’existe pas d’indicateur fiable permettant de mesurer [sa] productivité. En outre, « peu de synergies ont été développées entre ses cinq ateliers [*], dont les pratiques restent hétérogènes ».
Selon le ministère des Armées, le SIAé emploie 5000 personnes [dont 83 % de personnels civils] et recrute plus de 400 opérateurs, techniciens et ingénieures tous les ans.
Parmi les mesures qu’elle préconise, la Cour des comptes soutient que la « transformation » du SIAé doit se poursuivre en prenant modèle sur « la réorganisation et les évolutions managériales menées à bien dans les centres d’essais de la DGA », lesquels « sont notamment parvenus à mutualiser leurs fonctions support et augmenter leurs heures productives ».
Par ailleurs, la Cour des comptes a également évoqué les difficultés du projet BRASIDAS. Confié en 2018 par la Direction générale de l’armement [DGA] à Sopra Steria, il doit permettre de réunir toutes les informations sur les activités de maintenance sur les différentes flottes d’aéronefs au sein d’un seul système d’informations [il en existait alors plus de 80]. Un audit de ce projet est d’ailleurs actuellement mené par le Contrôle général des armées.
« La Cour a constaté que la réalisation de la première étape de BRASIDAS accusait déjà un retard de deux ans par rapport au calendrier initial et se heurtait à des difficultés importantes, notamment liées à la reprise des données de certaines flottes et à la maturité du principal composant technique de la solution », lit-on dans le référé. Aussi recommande-t-elle de tirer toutes les conséquences sur la conduite de ce projet une fois que l’audit dont il fait l’objet sera terminé.
Un nouveau commandant pour la base militaire d’Avord. Le colonel Xavier Rival vient de prendre ses fonctions pour une période de deux ans environ. La base aérienne d’Avord est le premier employeur du Cher avec 2.400 personnes.
Un nouveau commandant pour la base militaire d’Avord vient de prendre ses fonctions. L’occasion d’évoquer avec le colonel Xavier Rival le rôle stratégique de la base du Cher. En plus de former des pilotes pour l’aviation de transport, la base aérienne 702 d’Avord abrite l’arme nucléaire. Quatre avions radar Awacs y sont stationnés également. Sans oublier un escadron de défense sol-air mobilisé notamment dans le cadre du conflit en Ukraine.
Des dizaines de personnels de la base participent ainsi constamment à des missions internationales. Créée en 1912, la base d’Avord héberge un grand nombre de composantes de l’armée de l’air. « On participe à la mission de dissuasion nucléaire, à la protection de l’espace aérien national« , rappelle le nouveau commandant de la base, le colonel Xavier Rival. La base d’Avord est capable de mettre en œuvre des systèmes de défense sol-air pour protéger des évènements en France mais aussi à l’étranger, en opération extérieure. « On est capable d’accueillir des avions de combat sous très faible préavis. On peut aussi acheminer des munitions par voie aérienne.«
Plus de 110 millions d’euros ont été investis pour agrandir la piste et moderniser les installations. Se pose maintenant la question du remplacement des avions radars Awacs vieillissants et des avions Xingu utilisés pour la formation des pilotes de transport.
Depuis deux ans en effet, la base aérienne d’Avord envoie en Roumanie des systèmes Mamba, des missiles sol-air déployés dans le cadre des forces de l’Otan. Le lieutenant Mohdé a déjà effectué 11 mois en mission là-bas comme responsable de la maintenance de ces stations de défense : « Là-bas, on est tout le temps en alerte. C’est une veille opérationnelle. Ici, on s’entraîne, là-bas on est dans le concret. L’armée, c’est une vocation pour moi car je recherchais un métier d’action. Partir à l’étranger, servir sa nation plutôt que de la voir nous servir, forcément c’est un objectif en tant que personnel militaire. Cela donne du sens à mon engagement. »
Après des débuts très difficiles, le programme SCAF est parvenu, en 2023, à sortir de l’ornière dans laquelle il se trouvait, grâce à un accord politique imposé fermement par les trois ministres de la Défense français, allemands et espagnols.
Depuis, le programme semble sur une trajectoire plus sécurisée, même si les engagements actuels ne portent que jusqu’à la phase 1b d’étude du démonstrateur, et qu’il sera nécessaire, à nouveau, de renégocier le partage industriel au-delà, ce qui ne manquera pas de créer de nouvelles frictions.
Au-delà des tensions entourant les questions de partage industriel, voire de cahier des charges, divergent selon les forces aériennes, un nouveau sujet de discorde pourrait émerger prochainement, tout au moins en France.
En effet, loin de représenter la solution budgétaire optimisée avancée par l’exécutif français, pour justifier de cette coopération européenne, il apparait que le programme SCAF va couter plus cher, et même beaucoup plus cher, aux finances publiques françaises, comme à ses industriels, que si le programme était développé à l’identique, par la seule base industrielle et technologique aéronautique Défense nationale, avec un écart de cout, pour les contribuables français, pouvant atteindre les 20 Md€.
Sommaire
La Coopération européenne, seule alternative pour financer le développement du programme SCAF, selon l’exécutif français
Depuis le lancement du programme SCAF, le discours de l’exécutif français, pour en justifier le développement conjoint avec l’Allemagne, puis avec l’Espagne, n’a pas dévié d’un millimètre : les couts de développement d’un avion de combat et de son système de systèmes de 6ᵉ génération, sont à ce point élevés, qu’ils ne peuvent plus être supportés par un unique pays européen, fut-il la France.
Le sujet a, à de nombreuses reprises, été abordé sur la scène publique, notamment par les députés et sénateurs français, interrogeant le gouvernement pour savoir si la France était en mesure de développer, seule, un tel programme, en particulier lorsque le programme était au bord de la rupture.
La réponse donnée alors, par l’exécutif comme par la DGA, avançait que si la France devait faire seule un tel programme, celui-ci serait nécessairement moins performant et moins polyvalent, que ne prévoit de l’être SCAF aujourd’hui, pour des raisons essentiellement budgétaires. En d’autres termes, pour le gouvernement français, il n’y avait point de salut, en dehors de cette coopération franco-allemande, puis européenne.
Le programme SCAF en coopération coutera 14 Md€ de moins à la France, que si elle devait le faire seule.
L’étude des chiffres disponibles, aujourd’hui, tendrait, en effet, à accréditer la position gouvernementale. Ainsi, le budget total de R&D de l’ensemble du programme SCAF qui atteindrait les 40 Md€, permettant à chaque participant de ne participer qu’à hauteur de 13,3 Md€, soit, plus ou moins, un milliard d’euros par pays et par an, jusqu’en 2036 et le début de la production des avions eux-mêmes.
Cet écart se creuse encore davantage en intégrant les couts d’acquisition des appareils eux-mêmes. Pour étayer cette affirmation, il est nécessaire de poser certaines valeurs de départ. Ainsi, le prix unitaire de l’avion, s’il était produit uniquement en France, sera considéré à 140 m€ TTC, avec une enveloppe complémentaire de services et équipement de 40 m€ TTC par appareil. Nous considérerons, également, que les couts de R&D, pour la France, serait de 30 Md€, et que la France fera l’acquisition de 200 appareils.
Du côté du programme SCAF européen, nous considérerons un surcout par appareil et par services et équipements de 10 %, lié à la coopération (ce qui est très faible), soit respectivement 144 et 54 m€, alors que nous diviserons par deux le coefficient multiplicateur empirique de coopération internationale passant de 1,73 (racine carrée de 3) à 1,37, en admettant une coopération exemplaire entre les trois pays et leurs industriels, et très peu de dérives comme celles observées autour des programmes A400M ou NH90, pour un cout de R&D de 36 Md€.
Enfin, nous considérerons que l’Allemagne commandera 175 appareils, et l’Espagne 125, pour un total de 300 appareils pour ces deux pays, soit le remplacement incrémental de leurs flottes d’Eurofighter Typhoon en 2040. L’ensemble de ces valeurs sont, pour l’essentiel, des valeurs conservatoires, tendant à réduire l’efficacité de la démonstration qui suit.
Sur ces bases, les 200 appareils destinés aux forces aériennes et aéronavales françaises, couteront 36 Md€ aux finances publiques, pour un programme total à 66 Md€, développement inclus, dans le cas d’un programme exclusivement national, contre 40 Md€ pour les appareils, et 52 Md€ pour le programme, dans son format actuel.
En d’autres termes, dans le cas du programme SCAF, la coopération européenne doit permettre aux finances publiques françaises, d’économiser 14 Md€, soit presque 27 % du prix du programme, par rapport à un programme exclusivement national. Alors, l’exécutif a-t-il raison de clamer le bienfondé de ce modèle ? C’est loin d’être évident, pour deux raisons : le retour budgétaire et les exportations.
Le retour budgétaire neutralise les bénéfices de la coopération sur le budget de l’État concernant le programme SCAF
Le retour budgétaire représente les recettes et économies appliquées au budget de l’État, par l’exécution du programme et de ses investissements. Il fait la somme des impôts et taxes générés directement et indirectement par les investissements, sur l’ensemble de la chaine industrielle, ainsi que des économies sociales pouvant s’appliquer au budget de l’État, du fait de la compensation des déficits sociaux.
Dans cette démonstration, pour plus d’efficacité, nous considérerons deux valeurs bornant le coefficient de retour budgétaire. La première, une valeur planché, est fixée à 50 %, dont 20 % de TVA, et 30 % d’impôts, de taxes et de cotisations sociales. Cette valeur correspond au cout des prélèvements français de l’OCDE, de 42 %, avec une TVA moyenne à 12 %, ramené à une TVA fixe à 20 % appliquée aux équipements des armées.
La seconde valeur applique un coefficient multiplicateur Keynésien aux recettes, lié à la Supply Chain de l’industrie de défense française, presque exclusivement française, entrainant une déperdition export particulièrement faible pour cette activité. En 2010, ce coefficient, en France, était de 1,39 pour l’investissement public. Nous ne prendrons, ici, que 1,3 pour un coefficient de retour budgétaire de 65 %, ce qui représente une valeur plafond largement par défaut, considérant la dimension industrielle et la dimension Defense de l’activité.
En appliquant ces coefficients aux valeurs précédentes, nous obtenons respectivement un retour budgétaire de 33 Md€ (50 %) et de 42,9 Md€ (65 %), pour un programme exclusivement français, et de 22,5 Md€ (50 %) et 29,3 Md€ (65 %), pour les finances publiques françaises, dans le cas du programme européen.
Remarquez que dans ce dernier cas, nous avons appliqué un partage équipotentiel industriel entre les trois pays sur le volume total des appareils commandés, soit l’équivalent de 166,6 (=500/3) appareils produits en France.
Le solde budgétaire, la différence entre les dépenses et les recettes, s’établissent alors comme ceci :
Solde avec un retour budgétaire de 50 % (hypothèse basse) : – 33 Md€ pour le programme Fr, – 29,1 Md€ pour le programme EU
Solde avec un retour budgétaire de 65 % (hypothèse classique) : – 23,1 Md€ pour le programme Fr, – 22,4 Md€ pour le programme EU.
On le voit, une fois le retour budgétaire appliqué, la différence de cout entre les deux programmes, selon qu’ils sont exclusivement français ou en coopération européenne, à périmètre d’investissement constant, tend à considérablement se réduire, allant de 3,9 (33-29,1 Md€ en hypothèse basse) jusqu’à 0,7 Md€ (23,1-22,4 Md€ en hypothèse classique), selon les hypothèses.
Les industriels français pourraient perdre jusqu’au 55 Md€ de chiffre d’affaires sur le marché export en raison du partage industriel
Le volet des exportations a toujours représenté un sujet d’inquiétudes, en France, autour du programme SCAF. Industriels et analystes craignaient, en effet, de voir Berlin imposer son véto sur certains contrats exports clés, comme c’est le cas aujourd’hui avec la Turquie, concernant le Typhoon. Si les inquiétudes portaient bien sur le bon sujet, il est probable qu’elles ne portaient pas sur le bon volet.
En effet, le principal inconvénient, concernant le programme SCAF, au sujet des exportations, n’est pas lié au périmètre ni au possible droit de véto de Berlin, mais à la ventilation de l’activité industrielle, en exécution de ces commandes internationales.
Ainsi, dans le cas d’un programme national, l’activité générée sera intégralement exécutée en France, par la BITD française, alors qu’elle sera équitablement répartie entre les trois partenaires, dans le cas du programme européen.
Ici, nous considérerons que le cout unitaire d’un appareil vendu à l’exportation équivaut à son prix unitaire hors taxe, auquel s’ajoutent deux lots d’équipements et services, contre un seul pour les armées Fr/De/Es employé précédemment.
Dans le cas d’un programme national, le chiffre d’affaires France hors taxes, réalisé pour 100 appareils exportés égale 18,3 Md€, 200 appareils pour 36,7 Md€, 300 appareils pour 55 Md€ et 400 appareils pour 73,3 Md€. Ce même CA HT pour la France, dans le cas du programme européen, égale 6,7 Md€ pour 100 appareils, 13,4 Md€ pour 200 appareils, 20,2 Md€ pour 300 et 26,9 Md€ pour 400 avions exportés.
De fait, la différence de Chiffre d’Affaires entre le programme France et européen, pour la BITD française, va de 11,6 Md€ à 46,4 Md€, en faveur du programme français, soit l’équivalent de 140 000 à 557 000 emplois annuels pleins. Sur une période de 40 ans de production (hypothèse haute), la différence représente de 5 600 à 22 300 emplois à plein temps.
L’État Français va perdre jusqu’à 24 Md€ sur le programme SCAF, en raison de la coopération européenne
Cependant, l’intérêt des exportations, pour la France, n’est pas uniquement que de créer de l’activité industrielle et des emplois. Celles-ci génèrent, en effet, des recettes supplémentaires au budget de l’État, de la même manière que précédemment, au travers d’un coefficient de retour budgétaire.
N’étant pas soumis à TVA, ce coefficient est toutefois réduit de 20 %, et les deux valeurs balises précédemment employées, se transforment donc en 50%-20%=30%, valeur planché, et 65%-20%=45 %, valeur plafond.
Une fois appliquées aux chiffres d’affaires France générés selon l’hypothèse d’exportation, nous obtenons donc :
Retour export (30 %)
Programme Fr
Programme Eu
Différence (m€)
100 app. exportés
5 500
2 017
3 483
200 app. exportés
11 000
4 033
6 967
300 app. exportés
16 500
6 050
10 450
400 app. exportés
22 000
8 067
13 933
Retour budgétaire appareils exportés, hypothèse à 30 %, en million d’euros.
Retour export (45 %)
Programme Fr
Programme Eu
Différence (m€)
100 app. exportés
8 250
3 025
5 225
200 app. exportés
16 500
6 050
10 450
300 app. exportés
24 750
9 075
15 675
400 app. exportés
33 000
12 100
20 900
Retour budgétaire, appareils exportés, hypothèse à 45 %, en million d’euros.
En intégrant le solde budgétaire étudié dans la précédente section, pour les acquisitions nationales, nous obtenons donc le tableau suivant :
Solde budgétaire 30 %
Programme Fr (en m€)
Programme UE (en m€)
Différence (en m€)
100
-27 500
-27 119
– 381
200
-22 000
-25 102
3 102
300
-16 500
-23 086
6 586
400
-11 000
-21 069
10 069
Solde budgétaire 45 %
100
-14 850
-19 350
4 500
200
-6 600
-16 325
9 725
300
1 650
-13 300
14 950
400
9 900
-10 275
20 175
Solde budgétaire France total du programme SCAF, en million d’euros – en gras les seuils autoporteurs
On le voit, le seul cas dans lequel le programme SCAF Européen, s’avérerait plus performant, budgétairement parlant, qu’un programme SCAF français identique, s’observe avec un retour budgétaire en hypothèse basse de 50 % / 30 %, et avec un total export de 100 appareils, ou moins.
À l’inverse, dans le cas d’un retour budgétaire à 65 % / 45 %, par ailleurs loin d’être une hypothèse peu probable concernant l’industrie de défense, le programme SCAF serait non seulement jusqu’à 20 Md€ plus performant en version nationale, mais à partir de 300 appareils exportés, il atteindrait même un solde budgétaire positif, pour les finances publiques, signifiant qu’il rapporterait davantage de recettes et économies budgétaires, qu’il n’aura couté à l’état.
On le voit, programme SCAF, dans son organisation européenne actuelle, est loin d’être justifiable par des arguments budgétaires, et encore moins par d’éventuels arbitrages technologiques défavorables, s’il devait être réalisés seul. Au contraire, en dehors de la phase de R&D initiale, toutes les autres phases industrielles, se montrent beaucoup plus efficaces, budgétairement, socialement, comme en termes d’emplois créés, dans l’hypothèse d’un modèle exclusivement national.
Notons, enfin, que si la coopération facilite, aujourd’hui, le financement du programme dans sa phase initiale de R&D, nombreux sont ceux qui, autour de ce programme, s’inquiètent de la marche budgétaire considérable qu’il devra franchir, à partir de 2031, lorsque la phase industrielle débutera, et que le partage des couts perdra de son efficacité.
De fait, une fois mis en perspectives l’ensemble des aspects budgétaires, mais également les difficultés industrielles rencontrées lors des négociations, le volet social, et les risques directement liés aux programmes en coopération, il apparait que rien, aujourd’hui, ne plaide en faveur de la poursuite de SCAF dans son modèle actuel, si ce n’est un dogme politique plébiscitant la coopération européenne, et l’éventuelle volonté de masquer des dépenses à venir, qu’il sera difficile de financer, par des dépenses plus aisément soutenables aujourd’hui, sur la phase de développement.
D’ailleurs, la situation est strictement la même, mais en faveur de l’Allemagne cette fois, concernant le programme MGCS, Berlin disposant effectivement de l’ensemble des compétences, et du marché international captif avec le Leopard 2, pour developper seul son nouveau char, et le rentabiliser, budgétairement, par l’exportation, ce qui sera beaucoup plus difficile à faire, pour Paris. Cependant, Berlin sait pouvoir financer seul le développement du MGCS, le cas échéant, ce qui n’est pas le cas de la France, aujourd’hui, concernant le programme SCAF, tout au moins dans le contexte politique et budgétaire du moment.
Reste qu’entre un programme à 12 ou 15 Md€, pour 300 chars de nouvelle génération, et un programme à 70 Md€, pour 200 avions de combat, il est impossible de compenser l’un par l’autre, et les pertes d’exploitation et de recettes budgétaires liées au partage au sein du programme SCAF, par celles qui seront générées par le programme MGCS, font de cet accord global franco-allemand SCAF + MGCS, un puissant tremplin pour l’industrie allemande, sans réelles contreparties pour la partie française, bien au contraire.
Article du 5 aout en version intégrale jusqu’au 14 septembre 2024
Dassault Aviation vient d’atteindre une étape déterminante dans son histoire en dépassant le seuil des 500 commandes pour son avion de chasse Rafale, un exploit symbolique qui témoigne de la montée en puissance de l’industrie aéronautique militaire française. Cette prouesse, renforcée par une nouvelle commande en Serbie, illustre non seulement le succès du Rafale à l’international mais aussi l’importance stratégique de la France sur la scène mondiale de la défense.
Un succès mondial confirmé : plus de 500 Rafale commandés
Le Rafale, développé par Dassault Aviation, est aujourd’hui reconnu comme l’un des avions de chasse les plus performants et polyvalents au monde. Depuis son introduction en service en 2002, l’appareil a su séduire de nombreuses armées à travers le globe, rivalisant directement avec le F-35 américain, considéré comme son principal concurrent.
Avec la commande récente de 12 appareils par la Serbie, le nombre total de Rafale commandés s’élève désormais à 507 unités. Parmi ces commandes, 234 sont destinées à l’armée française, tandis que les 273 restantes sont réservées à l’exportation, ce qui démontre la capacité de l’industrie française à répondre aux besoins internationaux.
Les principaux clients de cet avion de chasse incluent des pays stratégiques tels que l’Égypte, qui en a acquis 55 exemplaires, le Qatar (36), l’Inde (36), les Émirats arabes unis (80) et l’Indonésie (42), auxquels s’ajoute désormais la Serbie avec 12 Rafale. Ce portefeuille de commandes garantit à Dassault Aviation une activité soutenue pour les dix prochaines années, assurant ainsi la pérennité de ses sites de production et des emplois associés.
Un contrat stratégique en Serbie : modernisation et renforcement des capacités militaires
La Serbie, dernier acquéreur en date, a signé un contrat avec Dassault Aviation pour l’achat de 12 Rafale, un accord officialisé lors de la visite d’Emmanuel Macron à Belgrade. Ce contrat, d’une valeur de 1,2 milliard d’euros, comprend la livraison de trois biplaces et neuf monoplaces d’ici 2028. Pour la Serbie, cette acquisition s’inscrit dans une stratégie de modernisation de ses forces armées, visant à remplacer des équipements vieillissants datant de l’ère soviétique, notamment les MiG-29 et Soko J-22 Orao.
Le choix du Rafale par la Serbie n’est pas anodin. Il reflète non seulement la qualité technique de l’appareil mais aussi l’influence diplomatique croissante de la France dans les Balkans. La commande serbe s’accompagne d’autres acquisitions militaires, telles que des batteries antimissiles Mistral et des radars Thales, portant la valeur totale des contrats à environ 3 milliards d’euros.
Montée en cadence de la production
Avec l’afflux de commandes, Dassault Aviation doit désormais relever le défi de la montée en cadence de sa production. L’entreprise a déjà annoncé son intention d’augmenter la fabrication des Rafale à trois appareils par mois dès 2025, sur son site de Mérignac en Gironde, avec un objectif encore plus ambitieux de quatre appareils par mois à l’avenir.
Cette augmentation de la production nécessitera une coordination étroite avec les sous-traitants de l’industrie aéronautique, dont bon nombre sont des petites et moyennes entreprises françaises. Ces dernières, soutenues par Dassault, joueront un rôle clé pour atteindre ces nouvelles capacités de production.
Le succès du Rafale dépasse largement le cadre commercial. Il s’agit d’un outil stratégique pour la France, renforçant son influence militaire et diplomatique à travers le monde. Avec plus de 500 unités commandées, l’avionneur français se positionne comme un leader incontournable sur le marché des avions de chasse, capable de rivaliser avec les géants américains et européens. Le Rafale, devenu l’un des symboles du savoir-faire technologique français, contribue à renforcer la position de la France dans le secteur de la défense, tout en offrant une alternative crédible aux appareils américains. Cette réussite est d’autant plus significative dans un contexte où la compétition internationale pour les contrats militaires est particulièrement intense.