Avec sa nouvelle génération de treillis, l’armée française muscle son camouflage, “efficace en ville, en forêt, dans le désert ou la neige”

Avec sa nouvelle génération de treillis, l’armée française muscle son camouflage, “efficace en ville, en forêt, dans le désert ou la neige

Plus ergonomiques, mieux pensés, et surtout bien plus efficaces : les nouveaux treillis de l’armée de terre font évoluer le bariolage et les couleurs pour la première fois depuis les années 1990. Distribué depuis le mois de mars, le BME (bariolage multi-environnement) marque un tournant décisif dans l’équipement des militaires français.

Voilà 35 ans que le motif et les couleurs des treillis de l’armée de terre n’avaient pas évolué. C’est désormais chose faite, avec l’arrivée en fin d’année 2024 du treillis BME (bariolage multi-environnement). Fini le bariolage polychrome du Centre-Europe introduit dans les années 90. Place à six couleurs dont le blanc, la principale évolution. 

“Le noir de l’ancien treillis était visible à l’infrarouge. Le nouveau est adapté à tous les environnements. Il est efficace en ville, en forêt, dans le désert ou dans la neige”, décrit le lieutenant Vincent du 152e régiment des Diables Rouges à Colmar (Haut-Rhin), appartenant à la 7e brigade blindée (BB), dont l’état-major est à Besançon (Doubs). 

Le treillis BME est composé de six couleurs, soit une augmentation par rapport à la version précédente. © Armée de terre

Des évolutions non négligeables étant donné que les militaires avaient auparavant deux treillis distincts : un pour le désert et un pour la forêt. La texture est également nouvelle avec des motifs striés et des formes cassées qui remplacent les formes simples et régulières. “Elles se fondent mieux dans les paysages et le regard met plus de temps à capter une silhouette”, explique le lieutenant Vincent. 

Tromper la vue de l’ennemi

De quoi faire des économies tout en assurant une meilleure efficacité. “Sur le terrain, trois secondes de plus pour être détecté, ça peut faire un avantage tactique énorme”, souligne le Colmariens. Selon le ministère des Armées, ces treillis augmentent de 25% le délai de détection des militaires.

Sur le terrain, trois secondes de plus pour être détecté, ça peut faire un avantage tactique énorme.

Lieutenant Vincent

152e régiment des Diables Rouges à Colmar

À partir du mois de mars, les 7 500 militaires de la BB ont été les premiers à en être équipés. La prochaine est la deuxième brigade blindée, jusqu’à équiper progressivement toute la France d’ici le mois de décembre. Ça fait l’unanimité chez tous les militaires. On aime bien le changement pour aller dans l’efficacité”, indique le lieutenant Vincent. 

Outre les couleurs, la coupe et le confort ont aussi été repensés : pantalon équipé d’un zip, veste cintrée, poches sur les côtés pour ne pas gêner le port des gilets tactiques… “C’est ergonomique pour la vie de tous les jours et pour le terrain, se réjouit le lieutenant Vincent. Il s’adapte à la morphologie de tout le monde.”

Le délai de détection lors du camouflage est augmenté de 25%, selon l’Armée de terre.© Armée de terre

Un coût de 200 milliards d’euros

Des treillis “inspirés du MultiCam américain” nés au sein de la Section technique de l’armée de Terre (STAT), avec le Service du commissariat des armées et la Direction générale de l’armement, dont les premiers travaux de conception ont débuté en 2016. Trois versions évaluées plus tard, toute l’armée de terre doit en être équipée. Un investissement du ministère des armées d’environ 200 milliards d’euros, dans le cadre de la loi de programmation militaire. 

Chaque militaire dispose de trois treillis, avec possibilité de renouvellement annuel – les stocks étant prévus pour anticiper l’usure, particulièrement sur les opérations sur le terrain, comme l’explique le lieutenant Vincent : “Ils peuvent vite s’user, mais s’il y a une cérémonie, il faut quand même que l’on présente bien !”

« L’artillerie à l’aune du nouveau contexte stratégique » : examen du rapport d’information (Assemblée nationale, 30 avril 2025)

« L’artillerie à l’aune du nouveau contexte stratégique » : examen du rapport d’information (Assemblée nationale, 30 avril 2025)

Par ailleurs, l’artillerie est confrontée au défi de l’allongement du champ de bataille aéroterrestre. La guerre en Ukraine nous rappelle la nécessité de tirer toujours plus loin de la ligne de contact, dans le but de désorganiser l’ennemi dans sa profondeur tactique, voire opérative. Les commissaires déjà présents lors de la précédente législature se souviennent très certainement des débats animés qui ont été les nôtres lors de l’examen de la loi de programmation militaire (LPM) quant au successeur du lance-roquettes unitaire (LRU). Je rappelle qu’un amendement d’origine parlementaire a été inscrit dans le rapport annexé de cette LPM, afin de privilégier une solution souveraine pour remplacer le LRU dans les meilleurs délais.

Alors que nous avons tous en tête l’échéance de 2027, date prévisionnelle de l’obsolescence de ce LRU, votre rapport arrive à point nommé pour nourrir le débat en cours. Il fournira certainement un grand nombre de solutions et de recommandations.

M. Matthieu Bloch, rapporteur de la mission d’information. Quel rôle pour l’artillerie à l’aune du nouveau contexte stratégique ? La question est ambitieuse et la guerre qui sévit depuis le 24 février 2022 aux portes de l’Europe nous fournit de nombreux éléments de réponse. Il ne s’agit pas d’un sujet modeste : pour beaucoup, l’artillerie constitue la « reine des batailles ». Sa remontée en puissance est nécessaire, mais complexe, les frontières de l’artillerie étant en profonde mutation sous l’effet des nombreuses innovations du champ de bataille aéroterrestre.

Le 24 février 2022, l’invasion à grande échelle de l’Ukraine par la Russie a remis l’artillerie au centre de l’ordre de bataille militaire européen. Si 75 % des pertes des deux guerres mondiales furent causées par l’artillerie, cette « vieille » arme est également à l’origine de près de 70 % des destructions dans la première phase de la guerre en Ukraine. Cette vieille arme est en réalité résolument moderne et en constante évolution. Arme d’appui visant la conquête de la supériorité des feux, l’artillerie façonne l’ennemi en le harcelant et le désorganisant. Arme réseaux-centrée, l’artillerie est trop souvent réduite aux seuls obus et canons qui n’en constituent que le « bras » émergé.

Cette arme que d’aucuns qualifient de « savante » ne pourrait en effet fonctionner sans les systèmes de détection, d’acquisition et de commandement qui l’inscrivent au cœur d’une boucle de « renseignement-feux » dont le raccourcissement constitue un défi de tous les instants. Au sein de l’artillerie, il est possible de distinguer l’artillerie sol-sol de l’artillerie sol-air, qui est une composante essentielle de la défense sol-air. Au cours de nos travaux, nous avons choisi de nous concentrer principalement sur l’artillerie sol-sol, la remontée en puissance de l’artillerie sol-air ayant déjà fait l’objet d’un précédent rapport très exhaustif dont mon co-rapporteur Jean-Louis Thiériot était le co-rapporteur aux côtés de notre collègue Natalia Pouzyreff.

Les objectifs de l’artillerie sont pluriels : permettre la manœuvre aéroterrestre en facilitant la protection et la liberté d’action des forces de mêlée (infanterie et cavalerie), détruire des cibles à haute valeur ajoutée grâce à des frappes à longue portée, créer une « zone interdite » via des tirs massifs de barrage, neutraliser et supprimer les dispositifs ennemis ou encore réaliser des tirs de contre-batterie consistant à frapper des positions d’artillerie repérées à la suite de tirs ennemis.

On parle souvent de feux indirects pour désigner l’artillerie, dès lors que la trajectoire est située au-delà de l’horizon visuel du servant. Les feux indirects représentent la capacité de frappes dans la profondeur jusqu’à 300 kilomètres au sens de l’Otan. Concernant la notion de profondeur terrestre, il est d’usage d’estimer à environ 60 kilomètres la profondeur d’une brigade ; entre 60 et 150 kilomètres celle d’une division et entre 150 et 300 kilomètres celle d’un corps d’armée. Outre la notion d’agression, le renseignement et l’acquisition d’objectifs représentent également deux missions essentielles de l’artillerie.

Par ailleurs, les effets psychologiques de l’artillerie sur l’adversaire sont redoutables. La notion d’effet reste en effet le cœur de toute réflexion sur l’emploi de l’artillerie. La discrimination entre les différentes capacités de feux (mortiers, canons, roquettes) doit s’effectuer en fonction de leur portée et de leurs effets. Or il importe de ne pas restreindre artificiellement l’artillerie aux seuls canons. En effet, l’artillerie renvoie à une trame complète constituée à la fois de capteurs, d’un système de commandement et de contrôle (C2), de vecteurs et enfin d’effecteurs qui sont eux-mêmes pluriels, à l’instar des obus, des roquettes et des drones.

La coordination en temps réel entre capteurs, PC et effecteurs repose nécessairement sur un système C2 efficace. Dans les armées françaises, le système ATLAS représente la clé de voûte de l’efficacité de l’artillerie. Déployé depuis le début des années 2000 et en évolution continue, il permet le commandement des unités de l’artillerie sol-sol (manœuvre, feux, renseignement, logistique, coordination 3D).

Nous avons choisi de produire un rapport sur l’artillerie sol-sol, dans la mesure où ce segment a particulièrement souffert des dividendes de la paix et de la révision générale des politiques publiques (RGPP). Si l’artillerie française a conservé une capacité de frappe canon moderne grâce notamment à l’arrivée du canon Caesar dès 2008, le nombre de régiments d’artillerie sol-sol a fortement diminué, tandis qu’une forte réorganisation a été imposée en interne. Dans le détail, un régiment de lance-roquettes multiples (LRM) et deux régiments d’artillerie canon ont été dissous entre 2009 et 2015. En outre, la brigade artillerie (BART) a été dissoute en 2010. Le nombre de batteries de tir par régiment a également été dissous, si bien que nous sommes passés de facto à un seuil haut de 256 pièces d’artillerie canons à une cible théorique à 109 canons en 2030 et de 48 LRM à une cible théorique de 26 successeurs LRU en 2035.

La diminution très nette du nombre de canons d’artillerie a entraîné une forte dégradation de l’équilibre entre armes d’appui et armes de mêlée au sein des brigades interarmes (BIA). Depuis la fin des années 1990, ce ratio serait passé d’un canon d’artillerie pour cinq chars à un canon d’artillerie pour dix chars. En outre, face à des ennemis asymétriques, les armées occidentales ont privilégié les appuis-feux aériens aux appuis-feux terrestres.

Après l’apparent succès de l’intervention de l’Otan au Kosovo en 1999, la perspective d’un conflit remporté essentiellement par l’arme aérienne a semblé se muer en réalité. La frappe dans la profondeur a été utilisée comme prélude à des opérations terrestres de grande ampleur. Les deux invasions américaines de l’Irak et de l’Afghanistan ont été précédées par une phase d’acquisition de la suprématie aérienne grâce à la destruction des défenses anti-aériennes adverses. En novembre 2001, pour la première fois dans l’histoire récente, les troupes de combat occidentales ont été déployées en Afghanistan en l’absence totale d’artillerie de campagne et comptaient entièrement sur l’arme aérienne pour assurer leur appui.

Cependant, l’artillerie a démontré qu’elle restait pertinente lors des opérations menées contre l’État islamique en Syrie et, surtout, en Irak. Entre 2016 et 2019, le détachement français Wagram, doté de quatre Caesar, camions équipés d’un système d’artillerie de 155 millimètres, a assuré environ 2 500 missions de tirs – soit 18 000 obus tirés –, notamment au cours de la bataille de Mossoul.

Face au manque de persistance et d’autonomie en vol du seul appui aérien rapproché, les troupes de mêlée peuvent rapidement se trouver en difficulté. Le retour d’une manœuvre interarmes capable d’offrir la puissance de feu et la persistance de la frappe de saturation est nécessaire dès lors que l’on se situe dans le haut du spectre de la conflictualité. Or, la capacité à maintenir dans la durée un volume de feu suffisant représente sans aucun doute l’avantage universellement reconnu à l’artillerie, l’appui aérien disposant du volume sans la persistance.

M. Jean-Louis Thiériot rapporteur de la mission d’information. Le retour de la haute intensité dans un contexte d’absence de supériorité aérienne réaffirme le rôle central de l’artillerie en haute intensité. Dans une allocution récente, le chef d’état-major de l’armée de Terre écrivait : « Plus que jamais, “l’artillerie conquiert, l’infanterie occupe”. Cela qui conduit au paradoxe suivant : dans l’environnement très technologique de la guerre en Ukraine, c’est possiblement le volume d’obus disponibles qui fera pencher le cours de la guerre ».

Vieille arme, l’artillerie est redevenue centrale sur le théâtre ukrainien qui se caractérise par un usage massif de l’artillerie dans une optique d’usure et dans un double contexte de stabilisation de la ligne de contact et d’absence de supériorité aérienne. Les auditions que nous avons menées concernant le retour d’expérience (RETEX) artillerie en Ukraine mettent en évidence différents constats.

Premièrement, au-delà des drones, les forces armées ukrainiennes (FAU) cherchent à diversifier les types de systèmes d’acquisition (acoustique, radar, optique, passifs et actifs), dans l’objectif de contrer toute tentative d’intrusion ennemie dans leur dispositif.

Deuxièmement, l’omniprésence des drones dans le conflit ukrainien démultiplie les capacités de destruction et d’observation de l’artillerie. Si les drones jouent un rôle déterminant dans l’acquisition de cibles et le renseignement, ils exercent également un rôle croissant dans la frappe dans la profondeur tactique. Au sein de la chaîne artillerie, les drones et munitions téléopérées (MTO) peuvent être envisagés comme des moyens d’appui feux indirects ou d’acquisition et trouvent donc à présent pleinement leur place dans cette arme. Par ailleurs, l’emploi combiné de MTO avec des drones d’acquisition est devenu une réalité dans le conflit russo-ukrainien. Enfin, nous assistons sur le front ukrainien à une dronisation de la frappe dans la profondeur, les salves russes et ukrainiennes s’étant peu à peu enrichies de munitions programmées de type « One-Way Attacks » (OWA) à l’instar du Shahed-136 iranien de plus de 2 000 kilomètres de portée dans le cas russe. Volant à moins de 200 kilomètres/heure et portant une charge explosive limitée, ces drones sont lancés en masse et permettent de saturer la défense anti-aérienne adverse, augmentant ainsi les chances pour des missiles plus sophistiqués d’atteindre leur cible.

Troisièmement, il faut relever une réduction significative de la boucle « acquisition-feux » et une augmentation significative de la cadence de tirs. Le delta entre la détection et la frappe aurait été divisé par trois depuis le début de la guerre en Ukraine, avec une durée moyenne de quelques minutes.

Quatrièmement, la rapidité de la contre-batterie ennemie nécessite une mise en batterie, des tirs d’efficacité et des sorties de batterie les plus rapides possibles, ce qui suppose une efficacité renforcée de l’artillerie. Une pièce d’artillerie en Ukraine étant aujourd’hui touchée en quelques dizaines de minutes par un tir de contre-batterie, leur grande mobilité constitue un gage de survie.

Cinquièmement, afin d’augmenter la survie des artilleurs, l’art du camouflage, de la déception et du leurrage opèrent leur grand retour tandis que la protection des véhicules est renforcée. Les unités se dispersent, s’enterrent et ne transportent qu’un nombre restreint de munitions à l’instant t, liées aux missions immédiates et ne bougent que pour les missions de feux, à travers des positions de sauvegarde et des positions de tir.

Sixièmement, bien que disposant de matériel occidental de qualité, les FAU subissent un feu nourri de la part des troupes russes qui les oblige à disposer d’une masse d’artillerie conséquente.

Septièmement, afin de tenir dans la durée, disposer d’une profondeur stratégique est essentiel pour la reconstitution des stocks de munitions et d’effecteurs, l’augmentation rapide des capacités de production, d’acheminement et transport. En outre, le contexte de brouillage électromagnétique omniprésent en Ukraine nécessite le recours à des obus et roquettes guidés résilients « GNSS denied », qui peuvent fonctionner sans l’utilisation du GPS ou des réseaux satellitaires. Enfin, le Retex artillerie ukrainien met en évidence la centralité des frappes dans la profondeur terrestre pour atteindre l’ennemi.

Tous ces constats plaident en faveur d’une remontée en puissance majeure sur l’ensemble de la chaîne artillerie sol-sol. Si le retour d’expérience ukrainien éclaire les lois de consommation de matériels et de munitions d’artillerie, et aide à leur mise à jour, il ne peut être appliqué directement pour nos forces, car les tactiques et les conditions éventuelles d’engagement seraient différentes. Toutefois, le concept de « laboratoire » de la guerre de demain a retenu toute notre attention. Il y a en Ukraine, quelque chose de semblable à la guerre d’Espagne. J’ajouterai par ailleurs que notre compétiteur stratégique russe n’a jamais cessé de concevoir l’artillerie comme le « Dieu de la Guerre », selon l’expression de Joseph Staline. L’armée russe est restée artillo-centrée et les unités d’artillerie sont réparties du niveau opératif jusqu’à l’échelon tactique, y compris dans les forces aéroportées et l’infanterie navale. L’artillerie continue aujourd’hui d’attirer en Russie les plus hauts potentiels.

Notre rapport comporte de nombreuses propositions visant à renforcer l’épaisseur logistique de la chaîne artillerie, que nous allons vous présenter de manière synthétique. Sur le plan organisationnel, la montée en puissance de la 19e brigade d’artillerie doit être achevée d’ici à 2030. Dans le cadre de sa transformation en une « armée de terre de combat », l’armée de terre a recréé en 2024 la 19e brigade d’artillerie, qui constitue l’une des trois brigades du Commandement des appuis dans la profondeur et du renseignement (CAPR). Elle se compose des 1er, 54e et 61e régiments d’artillerie. Les retours d’expérience ukrainiens et arméniens/azéris sont centraux dans cette création.

Redonnant à l’armée de Terre une capacité de commandement de ses moyens d’artillerie, cette nouvelle création doit permettre d’apporter une cohérence d’ensemble à la manœuvre des feux au profit d’un corps d’armée ou d’une division. Je rappelle que dans les plans Otan, la France doit être capable d’être nation-cadre au niveau corps d’armée. Cette unité a vocation à mettre en œuvre les différents appuis du niveau du corps d’armée et de la division. Cette montée en puissance est en cours, mais pour le moment la brigade ne dispose ni de compagnies de commandement et de transmissions ni de PC de niveau brigade.

Sur le plan capacitaire, l’ensemble de la trame artillerie doit gagner en épaisseur et en profondeur. Cette remontée en puissance doit d’abord concerner les vecteurs (mortiers, canons, roquettes). Le parc canons de l’armée de Terre est composé d’environ 95 pièces. Il se partage entre 63 Caesar et 32 canons AUF1. Si les Caesar sont largement plébiscités depuis le début de la guerre en Ukraine, les canons AUF1 sont quant à eux des matériels éprouvés. Au total, et conformément à la cible prévue en loi de programmation militaire 2024-2030, l’artillerie française devrait posséder 109 Caesar nouvelle génération d’ici 2030.

Surtout, les exigences de la haute intensité imposent à la France de disposer d’un outil de production industriel capable d’accélérer encore ses cadences de production afin de régénérer rapidement la trame canon en cas d’engagement majeur. En avril 2024, le ministre des armées a annoncé un objectif de production à terme de douze canons Caesar par mois. Nous appelons au respect prochain de cette cible. En outre, nos auditions ont par ailleurs permis de mettre en lumière la très faible disponibilité des champs de tir grande distance nécessaires aux tests des canons Caesar avant leur mise en service. La levée de cette contrainte est indispensable.

Enfin, la densification actuelle de la trame canon doit s’accompagner dès aujourd’hui d’une nécessaire réflexion sur le futur système d’artillerie qui remplacera le système Caesar à horizon 2040. D’après les informations qui nous ont été communiquées, une étude technico‑opérationnelle sera initiée à cet égard en 2025.

M. Matthieu Bloch, rapporteur. J’en viens maintenant au cœur de nos propositions et priorités : redonner au niveau division une capacité de frappe dans la profondeur tactico‑opérative grâce au successeur du LRU. Au cours des années 1990, la France disposait de deux régiments de lance-roquettes multiples. Ces régiments étaient équipés de LRM M270 achetés sur étagère auprès de l’entreprise américaine Lockheed Martin. Afin de se conformer à la convention internationale d’Oslo sur les armes à sous-munitions, treize de ces cinquante-sept LRM M270 furent transformés en LRU. Ils sont entrés en service au sein du 1er régiment d’artillerie en 2014. À la suite de la cession aux forces armées ukrainiennes de quatre LRU, la France ne dispose plus officiellement que de neuf LRU. Sur ce reliquat, trois LRU sont stationnés en Roumanie, dans le cadre de la mission opérationnelle Aigle. Or, les châssis des derniers LRU en service dans les armées françaises seront frappés d’obsolescence en 2027. Un certain nombre de pièces de rechange ainsi que les roquettes utilisées par ces systèmes ne sont plus fabriquées en Europe tandis que la livraison du reliquat de pièces encore disponibles subit fréquemment des retards de plusieurs mois.

Faute d’anticipation de la rupture temporaire de capacité sur ce segment, les armées françaises ne disposent plus aujourd’hui de moyens terrestres de frappes indirectes dans la longue portée au-delà du niveau brigade. En conséquence, les appuis indirects de niveau division et de niveau corps d’armée doivent être renforcés de toute urgence. Disposer de ces capacités permettrait également de soutenir l’ambition française de commander un corps d’armée dont la zone de profondeur s’étend jusqu’à 300 kilomètres au-delà de la ligne de front.

Deux options s’offrent donc aux décideurs politiques afin de redonner au niveau division une capacité de frappes dans la profondeur tactico-opérative durable : l’achat sur étagère d’un successeur étranger au LRU ou le développement d’une solution souveraine devant être rapide et fiable. L’adoption d’un amendement d’origine parlementaire au projet de LPM 2024-2030 a confirmé la préférence de la représentation nationale pour l’option souveraine, le rapport annexé rappelant que « S’agissant des capacités de frappe à longue portée, la recherche d’une solution souveraine sera privilégiée pour remplacer le lance-roquettes unitaire dans les meilleurs délais. » Les mérites du choix d’une solution souveraine sont en effet nombreux et incontestables : liberté d’emploi pour les forces, liberté de décision en ce qui concerne l’exportation du matériel et maîtrise de l’évolution du système grâce à l’autorité de conception.

Le rapport annexé à la LPM 2024-2030 prévoit ainsi un parc d’au moins treize systèmes à la fin de l’année 2030 et de vingt-six systèmes à l’horizon 2035, sans être davantage disert sur la nature et les caractéristiques de la solution retenue. La cible de vingt‑six systèmes en 2035 permettrait d’appuyer une division seulement, alors que l’ambition française de commander un corps d’armée nécessiterait par ailleurs de disposer de deux régiments de LRU.

Le remplacement des LRU se déroule dans le cadre du programme à effet majeur « Frappe longue portée terrestre » (PEM FLP-T) aujourd’hui divisé en deux incréments. Le premier se concentre sur la frappe tactique, c’est-à-dire inférieure à 150 kilomètres. La phase de préparation du programme FLP-T a été lancée en juillet 2023. Elle a pour objectif d’étudier différentes options pour un choix de solution initialement prévu en 2025. Dans ce cadre, des études préliminaires ont été notifiées en novembre 2024 aux deux groupements momentanés d’entreprises concurrents Safran/MBDA et Thales/ArianeGroup dans le cadre d’un « partenariat d’innovation ». Ce dernier porte sur le développement d’une solution souveraine complète (lanceur, solution d’entraînement, paniers, munitions et partie guidage/navigation). Selon les industriels en compétition, la mise en service opérationnelle souhaitée par la direction générale de l’armement (DGA) est fixée à 2030 tandis que les forces armées espèrent une entrée en service à compter de 2029. En audition, la DGA a confirmé à vos rapporteurs que le système développé devrait offrir une portée de tir allant jusqu’à 150 kilomètres, ce qui correspond à la zone de profondeur d’une division.

Par ailleurs – et c’est sans doute la première fois que vous entendrez cette information qui n’est pas encore publique, mais que nous sommes ce matin autorisés à vous communiquer –, nous avons découvert, lors de nos auditions, l’existence d’un troisième projet de solution souveraine, développé par l’entreprise française Turgis & Gaillard hors du cadre du partenariat d’innovation. La solution développée, dénommée « Foudre », inclut le châssis, le panier de roquettes et la conduite de tir. Turgis & Gaillard la présente comme complémentaire et non concurrente du partenariat d’innovation puisque le système développé serait en mesure de tirer les munitions souveraines développées par les deux consortiums nationaux, mais également des munitions étrangères y compris les Guided Pinaka indiennes de 75 kilomètres de portée. L’entreprise espère pouvoir prochainement être autorisée à réaliser un premier tir de démonstration avec des munitions déjà existantes. En cas de succès, la solution souveraine développée par Turgis & Gaillard pourrait vraisemblablement être disponible rapidement et permettrait, selon l’entreprise, d’éviter la rupture temporaire de capacités des LRU en 2027.

Nous appelons à étudier avec le plus grand sérieux les mérites respectifs de ces trois solutions nationales. Le développement d’une solution souveraine constituerait un optimum. Toutefois, nous appelons aussi à considérer d’autres options allant jusqu’à l’achat d’une solution de repli étrangère, dans le cas où le choix d’une solution souveraine ferait courir aux armées françaises le risque d’une trop longue rupture temporaire de capacités ou s’avérerait trop coûteuse. L’achat sur étagère d’un système préexistant pourrait en théorie concerner le M142 Himars américain, le K239 sud-coréen, l’Europuls germano-israélien ou encore le Pinaka indien, solution ayant bénéficié récemment d’un certain écho médiatique. Aujourd’hui, la majorité des alliés européens de la France ont déjà passé commande de solutions étrangères de frappes indirectes dans la profondeur tactico-opérative, ce qui pose notamment la question du time-to-market d’une solution souveraine, dont les perspectives d’export seraient réduites.

Nous estimons que faire le choix de la solution américaine reviendrait probablement à assumer les inconvénients précités d’un achat de matériel étranger sans bénéficier pour autant du principal atout d’un achat sur étagère, c’est-à-dire la disponibilité rapide. En effet, le carnet de commandes de Lockheed Martin concernant les systèmes Himars serait plein jusqu’en 2029-2030. En outre, à l’heure de renforcer l’autonomie stratégique de la base industrielle et technologique de défense européenne (BITDE) face à l’inconstance de plus en plus manifeste du partenaire américain, le choix du Himars qui n’est pas ITAR-free serait géopolitiquement risqué et politiquement incompréhensible.

Nous rappelons par ailleurs qu’il faut distinguer au sein du futur LRU les technologies critiques qui devront être souveraines (la conduite de tir et la munition) et les technologies non critiques qui pourront être étrangères (le châssis et le panier de roquettes). Si pour les raisons précédemment évoquées, un achat sur étagère était favorisé, il importerait alors de conserver une pleine souveraineté d’usage sur l’utilisation de cet armement. Une production de la solution étrangère sous licence sur le sol français devrait à tout prix être privilégiée, à l’instar du choix effectué par la Pologne à la suite de l’achat de lance-roquettes sud-coréens. Les roquettes utilisées seraient souveraines et issues du partenariat d’innovation mentionné plus tôt. La conduite de tir utilisée impliquerait nécessairement ATLAS et résulterait également des trois solutions souveraines précédemment mentionnées.

Dans le dilemme existant entre achat sur étagère et développement d’une solution souveraine, le facteur budgétaire demeure un élément discriminant, alors que la France est engagée dans un indispensable, mais coûteux effort de réarmement qui imposera aux finances publiques du pays des renoncements difficiles. Nous regrettons de n’avoir pas réussi à obtenir une estimation précise du coût des systèmes développés par les deux consortiums ainsi que celui des principales solutions étrangères au cours de leurs travaux. Nous appelons donc à n’exclure aucune option en gardant à l’esprit les besoins opérationnels urgents de nos forces et la maîtrise de nos finances publiques.

M. Jean-Louis Thiériot, rapporteur. Nous appelons également à densifier la capacité MTO au sein des armées françaises, différentes initiatives étant en cours en ce sens. Nous rappelons que les RETEX Ukraine ou Moyen-Orient rappellent chaque jour le caractère « consommable » des MTO ou encore des drones OWA. Il convient donc de rechercher un ratio coût/technologie admissible au vu de la masse nécessaire de MTO. En outre, ces MTO se caractérisent par l’obsolescence rapide des technologies utilisées. Autant que le stock, la capacité industrielle à concevoir de nouveaux systèmes et à alimenter le flux sera essentielle pour répondre aux besoins opérationnels des forces.

La plupart des drones aujourd’hui utilisés sur le champ de bataille ukrainien n’existaient pas encore en 2022. À tout le moins, les applications logicielles ont été modifiées. Nous n’appelons donc pas à stocker un nombre considérable de drones qui, dans six mois, dans un an, dans deux ans, seront obsolescents. En revanche, il faut que les usines puissent produire, quitte à utiliser des usines civiles dont on aurait anticipé la conversion, pour pouvoir produire en masse.

Nous en venons à présent à un autre point essentiel de ce rapport : la remontée en puissance des stocks de munitions d’artillerie. Après l’atteinte d’un point bas en raison des cessions aux forces armées ukrainiennes, nos stocks sont remontés très significativement en puissance. Cette remontée doit être prioritaire, car la carence en munitions ne permet plus d’exploiter au mieux ni d’approfondir la maîtrise des savoir-faire des artilleurs. Aujourd’hui, le nombre de munitions distribuées annuellement aux unités, en incluant les munitions des actions de formation de l’école d’artillerie, est significativement inférieur au besoin minimal. En ce qui concerne les LRU, l’armée de Terre ne disposant plus de roquettes d’entraînement à portée réduite, les artilleurs du 1er régiment d’artillerie effectuent une campagne de tir par an en France sur l’île du Levant avec des munitions de guerre, plus coûteuses que les munitions d’entraînement.

De plus, à la différence des MTO dotés de stocks importants, ou à la différence des munitions complexes marquées par une date de péremption assez limitée, les munitions d’artillerie classique peuvent être conservées très longtemps.

M. Matthieu Bloch, rapporteur. Assurer la production et la disponibilité des munitions d’artillerie représente un enjeu de premier ordre, qui nécessite une capacité de production de masse, que les besoins souverains seuls ne peuvent entretenir. En haute intensité, la consommation connaît des pics et nécessite donc des stocks accrus d’obus, tout en étant en mesure de compter sur une industrie capable de les recompléter en quelques mois. Aujourd’hui, la durée moyenne de recomplètement des stocks d’obus en Europe reste proche de deux ans.

Il est primordial que les industriels français augmentent de manière rapide et significative leurs capacités de production des obus, des charges propulsives modulaires ainsi que des fusées au-delà des augmentations de cadences déjà consenties. L’objectif de KNDS est de passer à 60 000 obus par an en 2025, puis à 100 000 obus par an d’ici 2027. Nous rappelons qu’une production de 60 000 obus annuels représente actuellement la quantité d’obus consommés par les FAU en quelques jours sur le front. Nous rappelons également que l’industriel allemand Rheinmetall s’est engagé à produire sur l’ensemble de ses sites européens jusqu’à 700 000 obus d’artillerie par an en 2025, contre environ 500 000 en 2024 et 70 000 avant le déclenchement du conflit ukrainien. Les besoins de consommation annuelle de l’armée française en temps de paix ne couvriront qu’une petite part d’une capacité de production annuelle de KNDS à 100 000 obus par an. Nous appelons donc KNDS à prendre son risque et renforcer sa stratégie export ainsi que la compétitivité-prix de ses obus, afin d’élargir la taille de son marché.

Les forces armées ukrainiennes expriment des besoins très significatifs à son égard et souhaiteront probablement constituer des stocks stratégiques très importants, dans l’hypothèse de survenue d’un cessez-le-feu à moyenne échéance. En juin 2024, une première lettre d’intention a été signée entre KNDS et KZVV, l’entreprise ukrainienne fabriquant les canons Bohdana ainsi que des munitions d’artillerie de 155, concernant la co-production en Ukraine d’obus de 155 millimètres. D’après les informations relevées en Ukraine, et malgré la volonté exprimée au niveau politique par chacune des parties, la mise en œuvre à date de ce mémorandum n’a pas débuté. Les discussions entre industriels achoppent en effet sur le prix des licences exigé par KNDS pour l’établissement d’une joint-venture en Ukraine. Nous le déplorons.

Par ailleurs, concernant la nature des munitions d’artillerie françaises stockées pour les besoins opérationnels des armées françaises, nous appelons à la recherche d’une répartition optimale dans la nature des munitions d’artillerie détenues par les armées françaises. Une part significativement prépondérante d’obus classiques de saturation devrait ainsi être complétée par une part non négligeable de munitions à atténuation de dispersion, ainsi qu’une petite part de munitions de précision métrique et de munitions anti-char, le reliquat pouvant se répartir entre effets d’éclairement, d’aveuglement et de semonce. Ces éléments corroborent par ailleurs les besoins aujourd’hui exprimés sur le terrain par les FAU. Indispensable au bon fonctionnement de la chaîne artillerie dans son ensemble, le segment des systèmes de détection et d’acquisition doit également gagner en épaisseur.

Par ailleurs, nous alertons dans le rapport sur la nécessaire épaisseur logistique de la chaîne d’artillerie. Une artillerie « bonne de guerre » devra compter sur une flotte accrue de camions logistiques afin de réapprovisionner rapidement les unités en pièces d’artillerie soumises à une usure accélérée en haute intensité. Il convient donc de réacquérir rapidement les métriques correspondantes.

M. Jean-Louis Thiériot, rapporteur. Enfin, une artillerie « bonne de guerre » pourrait éventuellement s’enrichir d’armes à sous-munitions à l’issue d’une étude approfondie sur la dangerosité de ces nouvelles générations d’armes. Ces armes qui étaient notamment tirées par les lance-roquettes multiples MLRS acquis par la France ont été interdites à la suite de la signature de la convention d’Oslo interdisant les armes à sous-munitions. S’ouvrant en l’air, elles dispersaient de multiples sous-munitions ou bombes sur une large zone sans distinguer entre les cibles. Aujourd’hui, elles sont très largement utilisées en Ukraine, puisque ni l’Ukraine ni la Russie n’étaient signataires de ladite convention, au même titre que certains pays fournisseurs, notamment les États-Unis.

Ces armes sont utilisées dans un objectif d’interdiction et de saturation de zone par les FAU : d’après les éléments qui me sont parvenus en Ukraine, il suffirait de tirer huit à dix armes à sous-munitions pour sécuriser un secteur d’un demi-hectare. Ces armes sont ainsi très efficaces pour neutraliser l’infanterie adverse et détruire les véhicules ennemis, y compris les véhicules avec blindage léger. Les interlocuteurs ukrainiens nous ont confié que « la ligne de front aurait peut-être eu une autre configuration si nous avions eu plus tôt des armes à sous-munitions. » Interrogés au sujet de la part des sous-munitions tirées qui n’explosaient pas immédiatement après le tir, les interlocuteurs ukrainiens ont répondu qu’environ 2 % des sous-munitions étaient concernées, un chiffre concordant avec le taux d’échec moyen évoqué par le Pentagone au moment de la cession des armes à sous-munitions à l’Ukraine.

Directement confrontés à la menace russe, la Pologne et les trois Pays baltes ont récemment choisi de se retirer de la Convention d’Oslo afin de pouvoir disposer d’un arsenal conventionnel le plus large possible en cas d’incursion russe sur leur territoire.

À l’aune de ces éléments, nous estimons qu’il ne faut pas s’interdire d’ouvrir une réflexion sur la réutilisation possible par les armées françaises d’armes à sous-munitions. Nous demandons donc la réalisation d’une étude technique documentant l’efficacité militaire et la dangerosité pour les populations civiles des nouvelles générations d’armes à sous‑munitions, avec notamment une étude approfondie du taux de sous-munitions qui n’explosent pas et qui constituent la principale dangerosité. À l’issue de cette étude et selon ses résultats, une réflexion éthique pourra être ouverte sur l’opportunité d’un éventuel retrait de la France de la convention d’Oslo. Pour éviter toute ambiguïté, je précise que j’évoque ici la convention d’Oslo et non la convention d’Ottawa, laquelle concerne les mines antipersonnel.

Enfin, le nouveau contexte stratégique plaide en faveur de l’acquisition de capacités de frappes terrestres conventionnelles dans la grande profondeur, dont la France ne dispose pas aujourd’hui. Nous recommandons que les armées se dotent de cette capacité dans les meilleurs délais. Elle serait distincte de la capacité de frappe tactique dans la longue portée terrestre, premier incrément du FLP-T. La capacité de frappe conventionnelle sol-sol dans la grande profondeur opérative compléterait utilement les capacités air-sol et mer-sol existantes.

Une diversification des vecteurs de frappe, aujourd’hui aériens et navals, et limités à des missiles de croisière, augmenterait les options à disposition du décideur politique. Elle lui donnerait un vecteur offensif supplémentaire dans la gestion d’une éventuelle escalade. Par ailleurs, un éventuel engagement de l’ensemble des moyens interarmées de frappe dans la grande profondeur permettrait de combiner les trajectoires et de saturer ponctuellement dans l’espace et dans le temps les défenses de l’adversaire, en lui imposant des dilemmes. Dans un contexte où les futurs conflits reposeront sur l’usure et des capacités d’interdiction de zone efficaces, les armées disposeraient alors d’outils leur permettant tout à la fois de saturer les défenses ennemies et de fracturer les points névralgiques.

Enfin, les vecteurs de frappe dans la grande profondeur aujourd’hui déployés par la Marine nationale et l’armée de l’Air et de l’espace sont en partie contraints par les moyens de défense et de déni d’accès. Un système terrestre pourrait offrir une souplesse d’emploi plus grande afin de ne pas limiter l’usage de cette capacité aux procédures de ciblages opératives, voire stratégiques, mais de l’ouvrir de manière réactive à des ciblages d’opportunité. Nos alliés (États-Unis, Royaume-Uni, Corée du Sud) comme nos compétiteurs stratégiques se dotent ou se sont déjà dotés de ce type de capacités.

L’absence d’une telle capacité dans l’arsenal militaire français fait naître un risque de contournement par le bas de la dissuasion nucléaire. Entre le bas du seuil de la dissuasion qui concerne nos intérêts vitaux et la capacité maximum d’épaulement par les forces conventionnelles, il existe en effet un « vide dissuasif » que ce type de capacités sol-sol à longue portée permettrait de combler.

L’initiative « European Long Strike Approach » (ELSA) lancée par la France répond pleinement à cette faille capacitaire européenne. Une lettre d’intention relative à ELSA a été signée le 11 juillet 2024 par la France, l’Allemagne, la Pologne et l’Italie lors du sommet de Washington. L’initiative offre un cadre de coopération intergouvernementale innovant visant à aider la BITDE à concevoir, développer et produire ses propres capacités de frappe dans la profondeur, dans l’ensemble des milieux. L’intérêt de ce projet réside dans la coalition de volontaires et d’États souverains, sans s’égarer dans certains méandres que l’on peut rencontrer dans des coopérations d’une nature plus bureaucratique.

Les technologies balistiques et de croisière présentent toutes deux des avantages comparatifs certains, qui nous conduisent à souhaiter idéalement un développement des deux technologies pour la future frappe sol-sol de précision dans la profondeur. Les objectifs de tir sont donc différents selon la technologie utilisée : le tir balistique vise prioritairement un tir de masse sur une cible fixe tandis que le tir d’un missile de croisière obéit davantage à une recherche de précision voire de tir « chirurgical » sur des cibles fixes ou mobiles.

Les auditions ainsi que le déplacement effectué en Ukraine suggèrent toutefois que le taux d’interception par les défenses anti-aériennes des missiles balistiques terrestres reste significativement inférieur à celui des missiles de croisière. En conséquence, si une seule technologie devait être retenue en raison du contexte budgétaire contraint, nous estimons que l’opportunité de développer la technologie balistique terrestre est supérieure à celle de développer la technologie de croisière terrestre. J’ajoute que grâce à la dissuasion nucléaire et grâce à ce qui a été développé en matière de frappes balistiques, des opérateurs – notamment ArianeGroup – peuvent aujourd’hui rapidement maîtriser ces capacités. Ce choix devrait par ailleurs être contrebalancé par une augmentation du nombre de missiles de croisière détenus par l’armée de l’Air et de l’espace et la Marine, dans un objectif de complémentarité des effets militaires recherchés.

Voici résumées l’ensemble de nos principales propositions et constats. Tout tient en quelques mots : renforcer l’effort déjà engagé, ne pas s’interdire de réfléchir à une augmentation du format de notre artillerie ni de disposer de nouvelles capacités. Je pense ici aux missiles balistiques sol-sol dans la profondeur.

Avant de vous céder la parole, nous aimerions adresser un certain nombre de remerciements. Je pense d’abord à Fabien Lainé, suppléant de Geneviève Darrieussecq. Je tiens également à rendre un hommage très particulier à notre administratrice de l’Assemblée nationale, Claire Durand, pour sa capacité de travail, son talent et son intelligence. Je souligne également qu’elle a fait le choix courageux de m’accompagner en Ukraine, dans une zone de guerre.

Je veux également remercier l’ensemble des personnes que nous avons auditionnées à l’Assemblée nationale, mais aussi les unités qui nous ont accueillis : la 19e brigade d’artillerie, le 68e régiment d’artillerie, le CAPR à Suippes pour l’exercice Diodore et bien sûr le 1er régiment d’artillerie de Bourogne en Territoire de Belfort, unique régiment d’artillerie à accueillir des LRU et des radars Cobra.

Je souhaite également remercier les personnels de l’ambassade de France en Pologne pour l’accueil de notre délégation et l’organisation d’échanges de grande qualité avec les militaires et industriels polonais. Enfin, j’adresse un mot plus particulier pour les personnels de l’ambassade de France en Ukraine, où nous avons eu la chance de nous rendre il y a quelques semaines. À travers eux, je tiens à rendre hommage à nos attachés de défense, nos attachés d’armement, nos officiers adjoints ou sous-officiers détachés, qui sont exceptionnels dans ces deux pays.

En conclusion, je crois que cette mission prouve l’utilité des missions flash capacitaires. Notre bureau a décidé de lancer une mission relative à l’arme du génie ainsi qu’une mission relative à la guerre électronique. Je me réjouis que de futurs rapporteurs nous relaient sur d’autres sujets capacitaires. En ce jour anniversaire de Camerone et de travail sur l’artillerie, nous pouvons tous dire à la fois « Vive la légion ! » et « Par la Sainte-Barbe, vive la bombarde ! »

M. le président Jean-Michel Jacques. Je cède à présent la parole aux orateurs de groupe.

Mme Caroline Colombier (RN). Je tiens tout d’abord à saluer la grande qualité de votre rapport. Le Rassemblement National avait demandé qu’une mission soit conduite sur le sujet de la frappe dans la profondeur, au regard de son importance pour notre défense. En effet, les RETEX des différentes phases de l’exercice Orion ont montré que le segment artillerie était en souffrance.

La guerre en Ukraine a démontré combien l’arme savante reste au cœur de la guerre du XXIe siècle pour contourner les situations figées. Aussi, il est temps d’agir et parmi les nombreuses préconisations de votre rapport humain, figure celle de la profondeur terrestre. Dans ce domaine, des projets souverains pour développer des capacités de frappe allant jusqu’à 500 kilomètres sont prévus par la LPM pour remplacer les LRU, mais ils sont encore en phase de développement et leur concrétisation prendra du temps. En attendant, notre armée de terre reste dépourvue de capacités de frappes dans la profondeur, ce qui pourrait compromettre notre capacité à mener des opérations de haute intensité.

Quelles sont vos recommandations pour combler ce déficit capacitaire en attendant la mise en service de nouveaux systèmes ? Par ailleurs, comment s’assurer que les projets en cours respecteront les délais et les budgets prévus afin d’éviter tout retard préjudiciable à notre capacité opérationnelle ?

M. Jean-Louis Thiériot, rapporteur. À l’occasion du vote de la LPM, nous avons été plusieurs à insister en faveur d’une solution « préférentiellement souveraine ». En effet, avant même de faire fonctionner notre industrie, notre première mission consiste d’abord à protéger nos soldats et ceux qui sont engagés. Lors de la RGPP, une erreur historique a été commise, laquelle a consisté à considérer que la frappe dans la profondeur n’était pas capitale. Nous en souffrons aujourd’hui.

À l’heure actuelle, nous sommes contraints de nous fier à la bonne parole des différents consortiums engagés dans le partenariat d’innovation, s’agissant des délais. C’est la raison pour laquelle nous avons examiné toutes les solutions alternatives, y compris l’achat sur étagère. Nous opérons ainsi une distinction entre la souveraineté en matière d’acquisition, la souveraineté d’usage et la souveraineté en matière de « réutilisables ». Dans un LRU, le châssis et les paniers ne constituent pas des technologies critiques. En revanche, les roquettes doivent être produites sur le territoire national et nous devons pouvoir les utiliser totalement librement s’il nous faut nous réapprovisionner. Dans ces conditions, le sujet reste ouvert. J’ajoute que nous avons éprouvé de grandes difficultés à obtenir des informations précises sur le coût de ces matériels. La conduite de tir est également critique et en l’espèce, elle sera nécessairement connectée à ATLAS ; elle sera donc française. Je préfère disposer à terme de 36 LRU et de deux régiments avec 800 ou 900 roquettes qu’accuser trois ans de retard et 200 roquettes qui coûteront bien plus cher. Par ailleurs, je soulève un point d’attention : une solution dite « intérimaire » peut facilement devenir définitive, au détriment à la fois de la qualité et de la souveraineté.

M. Matthieu Bloch, rapporteur. À l’aune de ce RETEX du conflit ukrainien, nous voyons bien à quel point l’artillerie est aujourd’hui absolument essentielle en l’absence de supériorité aérienne. Sur le théâtre ukrainien, 70 % des destructions sont ainsi dues à des faits d’artillerie.

Nous partageons totalement vos craintes sur le risque de rupture capacitaire à l’horizon 2027, concernant les vecteurs de frappe dans la profondeur de nos armées. Je tiens cependant à rendre hommage à l’ingéniosité de nos régiments et de nos armées, dont l’inventivité permet de combler des trous capacitaires. Je pense notamment au 1er régiment d’artillerie, qui trouve des solutions lui permettant de s’entraîner autrement, dans d’autres conditions, avec le plus de fiabilité possible.

Ensuite, il nous faut bien faire confiance aux engagements des consortiums de la BITD. La solution Turgis & Gaillard, découverte lors de nos auditions, constituerait une bonne surprise si elle parvenait effectivement à produire un démonstrateur dès cette année, ce qui n’empêcherait pas de travailler avec les deux autres consortiums qui fourniraient les projectiles.

Mme Natalia Pouzyreff (EPR). Au nom du groupe EPR, je salue votre travail approfondi, qui s’inscrit pleinement dans les ambitions de la France de devenir une nation-cadre au niveau de corps d’armée.

À travers ce rapport, vous mettez en lumière les défis auxquels fait face aujourd’hui notre artillerie, une arme que l’on croyait en retrait, mais que la guerre en Ukraine a replacée au cœur du champ de bataille. À cet égard, nous pouvons être fiers de la précision et la survivabilité de nos canons Caesar, qui ont été salués par les forces ukrainiennes.

La guerre en Ukraine a démontré la complémentarité de l’artillerie et des drones sur le champ de bataille. Mais aujourd’hui, nous observons un basculement, où côté russe, 70 % des destructions proviendraient de l’emploi croissant des drones par les forces ukrainiennes. Ma première question concerne donc la dronisation du champ de bataille, y compris les MTO. Selon vous, notre outil industriel est-il à même de concevoir rapidement de nouveaux systèmes et d’alimenter le flux, compte tenu de l’évolution rapide des technologies utilisées ?

Ensuite, s’agissant du LRU, quelle coopération entre industriels français et étrangers pourrait-on imaginer tout en préservant la souveraineté sur la roquette ? Je pense en particulier à la Pologne.

En outre, votre rapport met en exergue le problème du manque d’interchangeabilité des munitions et des canons de fabrication différents. Nous pouvons ainsi regretter qu’un obus de 155 millimètres ne soit pas calibré de la même manière selon le pays. Aussi, je souscris à votre recommandation de réaliser l’objectif de standardisation effective des charges modulaires.

Enfin, je regrette comme vous que l’accord de joint-venture entre KNDS et ses partenaires ukrainiens n’ait pas abouti, car les Ukrainiens disposent de la capacité industrielle et témoignent de grands besoins.

M. Matthieu Bloch, rapporteur. Le canon Caesar est effectivement plébiscité sur le théâtre ukrainien. Ensuite, le Retex ukrainien démontre également l’importance des drones aujourd’hui sur le champ de bataille, et notamment des très petits drones de moins de 1 000 euros, qui peuvent être envoyés en essaims. Nous pouvons faire confiance à nos entreprises françaises et à leur capacité d’innovation pour fabriquer ces petits drones. Je souhaite également que la simplification que nous souhaitons apporter à notre système administratif permette à terme d’acheter ces petits matériels sans passer par le process DGA.

M. Jean-Louis Thiériot, rapporteur. S’agissant de la dronisation du champ de bataille, la situation actuelle est celle d’un blocage tactique en Ukraine, avec une guerre de position autour de lignes de front. Dans ce cadre, le drone sans mobilité peut jouer un rôle encore plus important que dans une guerre de mouvement.

En termes d’effecteurs, les drones jouent un rôle capital dans la transparence du champ de bataille. Le petit drone permet essentiellement la frappe sur du fantassin isolé, un petit groupe de combat ou du blindé léger. Il ne permet pas en revanche une interdiction de zone ou de traiter des cibles forcément plus importantes. Il faut donc coupler l’usage de l’artillerie et celui des drones.

Concernant notre capacité industrielle à produire, nous nous plaçons au début d’un cheminement, qu’il s’agisse des programmes Colibri et Larinae de l’Agence de l’innovation de défense (AID) ou des produits de l’entreprise Delair. L’enjeu concerne aujourd’hui le passage à l’échelle et la planification de la montée en puissance, à travers le basculement d’une partie de l’industrie civile vers la production de masse.

Enfin, le projet de joint-venture témoigne d’une probable reconfiguration du marché européen de l’armement, en particulier du marché de l’armement terrestre. L’Ukraine y jouera un rôle important et il faut souligner que Rheinmetall a choisi d’aller massivement en Ukraine, y compris en y envoyant du personnel.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Nous ne pouvons évidemment pas donner notre approbation à ce rapport, compte tenu de ses préconisations concernant la convention d’Oslo. Ce serait une faute que d’accréditer l’idée d’une logique d’escalade, simplement parce que certains travaillent à saper l’édifice du droit international.

Je voudrais vous interroger sur la production d’obus. En France, la production des corps d’obus ne s’effectue que sur un seul site à Tarbes, qui a été repris par l’entreprise Europlasma, laquelle n’a pas procédé depuis trois ans aux investissements qu’elle avait promis. La même entreprise a repris Valdunes en prétendant orienter la production vers l’armement et prétend aujourd’hui le faire aux Fonderies de Bretagne. Compte tenu de l’absence d’investissements depuis trois ans, quelles sont les garanties concernant l’augmentation de production ? Avez-vous pu vous entretenir avec Europlasma sur ces sujets ?

Comment pouvons-nous imaginer dans les prochaines années que nous serons compétitifs et capables de produire en quantité suffisante, soit pour le marché intérieur, soit pour le marché global, quand dans le même temps les Allemands produisent déjà 300 000 pièces par an et en prévoient 700 000 annuellement, à l’horizon 2027 ? Il me semble exister là un décalage, sans parler du modèle économique d’Europlasma et d’Alpha Blue Ocean, extrêmement suspect.

M. Matthieu Bloch, rapporteur. Il ne s’agit pas pour nous de préconiser le retrait de la convention d’Oslo, mais d’ouvrir la voie à une étude relative à dangerosité des nouvelles générations d’armes à sous-munitions, pour vérifier si technologiquement, elles entraînent les mêmes conséquences sur les populations civiles que par le passé.

Nous n’avons pas auditionné Europlasma. KNDS assure pouvoir augmenter sa production d’obus jusqu’à 100 000 obus par an. La situation est telle aujourd’hui que nous pouvons faire confiance à nos industriels dans leur capacité à produire davantage. Dans ma circonscription, une entreprise fabriquant des corps d’obus pour Thales est en mesure de passer d’une production de 30 000 pièces à 100 000 pièces par an, s’il le faut. En conséquence, la commande publique sera importante et nos industriels attendent des signaux politiques pour pouvoir augmenter la cadence.

M. Jean-Louis Thiériot, rapporteur. Je vous invite à lire notre rapport dans le détail : nous n’avons pas demandé à sortir de la convention d’Oslo, mais simplement qu’il soit évalué si les conditions techniques qui avaient justifié notre position sont toujours d’actualité. Compte tenu de l’efficacité militaire des armes à sous-munitions dans les conflits à haute intensité, cette question mérite d’être examinée.

J’établis une véritable distinction de bonne foi entre les effets éventuels sur les civils et les effets sur les militaires, sur le champ de bataille. Sur le champ de bataille, qu’un militaire soit tué par un obus de 155 millimètres, par une grenade ou par une arme à sous-munitions, la tragédie est hélas la même. Mais quel est l’effet postérieur sur les civils ? Telle est la vraie question. Aujourd’hui, il semblerait que les taux de non-explosion soient extrêmement faibles. On peut se poser la question car ces armes contribuent de manière essentielle au façonnage du champ de bataille surtout dans le cadre d’un conflit de haute intensité où la masse serait vitale. Par ailleurs, en l’absence de masse ou de poitrines suffisantes, le renforcement des feux peut compenser en partie ces lacunes.

Ensuite, l’augmentation des cadences de production d’artillerie est évidente : nous sommes passés d’une production annuelle de 30 000 obus à une production de 100 000 obus, et à une production de 500 000 charges propulsives. Naturellement, il faut faire plus, il faut faire mieux ; mais cette question pose en premier lieu la question de notre stratégie industrielle. Rheinmetall a une ambition fondamentalement industrielle, dont je ne sais pas si elle est géopolitique. Il faut réfléchir à cette ambition et aux enjeux en matière de masse et de technologies. Parfois, il est plus intéressant de produire un obus moyen à 3 000 euros par unité qu’un obus de haute technologie à 8 000 ou 9 000 euros, alors que le premier réalise 80 % des effets du second. Il ne faut pas s’interdire de disposer de toute la gamme, y compris dans le mix de production. Mais il s’agit là d’un débat de stratégie industrielle, sur les gammes de munitions que nous produisons.

Mme Isabelle Santiago (SOC). Je vous remercie pour la qualité et la clarté de votre rapport, qui confirme un constat que j’avais déjà largement porté lors de la présentation de mon rapport sur le budget de l’armée de Terre.

Le modèle d’artillerie est aujourd’hui insuffisant face aux défis de la haute intensité et votre rapport met en lumière la perte prochaine des LRU sans solution de remplacement immédiate, le besoin vital de frapper dans la profondeur, l’intégration trop lente des drones et des MTO. Pour autant, nous restons vigilants quant à la proposition d’une étude concernant les armes à sous-munitions dans le cadre de la convention.

Ma question porte sur la reconstitution rapide d’une capacité européenne des feux terrestres. Percevez-vous des avancées dans ce domaine et celui des MTO, dans le cadre de l’Europe de la défense ?

M. Jean-Louis Thiériot, rapporteur. Ayant déjà répondu concernant les drones, je me concentrerai sur la frappe balistique dans la profondeur. L’intérêt du projet ELSA réside dans la coalition de volontaires et d’États souverains. Treize segments ont ainsi été définis, sur la logique du best athlete et, dans la balistique, la France jouera ainsi un rôle majeur. Aujourd’hui, les planètes s’alignent, dans une volonté d’efficacité partagée. Je pense que cette démarche peut fonctionner, à la fois dans l’intérêt français et dans l’intérêt européen.

M. Matthieu Bloch, rapporteur. Je rappelle que notre pays a la chance de posséder une BITD exceptionnelle, qui nous permet d’émarger parmi les principales forces exportatrices d’armes dans le monde. Ce tissu industriel nous permettra de monter en puissance, à condition que la commande publique permettre d’impulser le mouvement, pour monter en volume assez rapidement.

Mme Catherine Hervieu (EcoS). Nous comprenons bien les enjeux majeurs en matière de reconstitution progressive des stocks, notamment pour les obus et les munitions. Si l’objectif consiste à se préparer à l’éventualité d’un conflit armé, une montée en puissance est nécessaire pour le déploiement d’une brigade « bonne de guerre » et le développement de capacités résilientes de nos armées dans la durée. De plus, nous souhaitons évidemment continuer notre soutien à l’Ukraine. La question de la létalité se pose évidemment, notamment pour les frappes en profondeur.

Comment pouvons-nous répondre aux besoins de nos armées et développer une réponse industrielle adaptée dans la durée, compte tenu des nouvelles reconfigurations d’organisation européennes et françaises ? D’autre part, étant donné l’usage accru de l’artillerie dans les zones urbaines et à proximité de populations civiles, les forces armées doivent trouver un équilibre entre puissance de feu et minimisation des pertes civiles. Cela inclut l’utilisation de munitions plus ciblées et la coordination avec des drones ou d’autres technologies pour assurer des frappes plus sûres.

En outre, les armes à sous-munitions constituent un autre sujet sensible. Les civils ont constitué la majorité des victimes des armes à sous-munitions en 2023. Les attaques ont également touché des infrastructures civiles telles que les écoles et les hôpitaux. La dangerosité de ces nouvelles générations d’armes est connue, mais que souhaiteriez-vous apporter avec la nouvelle étude que vous avez évoquée ? Ce sujet mérite un vrai débat parlementaire, que nous avons entamé aujourd’hui.

M. Jean-Louis Thiériot, rapporteur. Je précise que la plupart des victimes civiles en Ukraine ne l’ont pas été du feu d’armes à sous-munitions, mais de missiles de croisière ou de drones qui n’emportaient qu’une seule munition de type explosif. Par ailleurs, l’arme à sous-munitions n’a pas vocation à être un outil de combat en zone urbaine, mais un outil d’interdiction de zone en mobilité.

Ensuite, nous partageons tous votre remarque : plus l’on se rapproche de zones civiles, plus la précision du ciblage est essentielle, afin d’éviter les victimes civiles. À ce titre, nous pouvons être très fiers des obus à précision métrique Caesar qui réduisent normalement le risque de dommages collatéraux, au même titre que les nouvelles armes. Repensons à la deuxième guerre mondiale où, pour détruire un aiguillage ou une usine, des quartiers entiers pouvaient parfois être rasés. Certaines de nos villes en France s’en souviennent.

Il est important de questionner les aspects techniques, puis éventuellement de poursuivre la réflexion, laquelle impliquera alors d’évoquer les incontournables questions éthiques. Encore une fois, il s’agit surtout de ne pas s’interdire une réflexion.

Mme Geneviève Darrieussecq (Dem). Je vous remercie pour votre rapport, particulièrement instructif. Je souhaite également évoquer la stratégie politique. Vous avez rappelé que les inflexions de la RGPP au cours des années 2007-2012 ont détruit des capacités d’artillerie et nous placent aujourd’hui dans la difficulté.

La LPM votée en 2023 est-elle suffisante ou doit-elle être revue, pour tenir compte des besoins en matière d’artillerie évoqués dans votre rapport ? Si une telle révision doit être effectuée, peut-elle intervenir dans le cadre d’une stabilité budgétaire ou implique-t-elle une augmentation ?

M. Matthieu Bloch, rapporteur. Vous avez raison de mentionner les problèmes induits par la RGPP. Heureusement, nous avions malgré tout conservé dans nos armées des capacités, même à l’état échantillonnaire, notamment en matière d’artillerie, qui dispose dans notre pays d’une longue tradition prestigieuse. Grâce à ce savoir-faire et notre BITD, la France conserve sa capacité à reconstruire cette artillerie.

Ensuite, nous ne pouvons que souhaiter une révision de la LPM à l’aune des nouveaux enjeux stratégiques. L’artillerie doit occuper une part plus importante dans nos futures LPM ; il sera nécessaire de fournir l’effort budgétaire nécessaire pour permettre à nos armées de gagner en volume.

M. Jean-Louis Thiériot, rapporteur. Les dépenses de défense sont semblables à celles d’assurance : elles nous paraissent toujours coûter trop cher tant que des sinistres ne sont pas à déplorer. Aujourd’hui, les ambitions de la LPM sont tout à fait respectables et je me rappelle avoir précisé à l’époque de son vote qu’il s’agissait là du minimum minimorum. Aujourd’hui, la situation a changé : nous sommes confrontés non seulement au néo-impérialisme russe, mais aussi à des incertitudes quant à notre allié américain, qui pratique une forme de techno-césarisme et poursuit sa bascule vers l’Asie, inscrite dans le long terme.

Il convient donc de faire plus, en nous accordant sur une priorité absolue : renforcer la cohérence, car il ne sert à rien de disposer de canons sans les camions permettant de les approvisionner ou de disposer de chars sans les engins de dépannage ou les moyens de franchissement. Ensuite, il sera évidemment nécessaire de s’interroger sur le format, qui devra obligatoirement augmenter.

Récemment, le ministre Lecornu a ainsi indiqué que notre armée pourrait atteindre un « poids de forme » convenable autour de 90 milliards d’euros par an – contre 50 milliards d’euros aujourd’hui –, soit le montant que j’avais estimé en 2022 lors de ma mission sur la haute intensité, avant le conflit ukrainien.

Cela implique de faire preuve de courage politique, mais aussi de remettre en cause certains modes de fonctionnement du pays. Je crois que le temps est venu du « quoi qu’il en coûte » de la défense. En 1935, Paul Reynaud disait « Entre le chaos et nous, il n’y a que la force de nos volontés. » À l’époque, l’Assemblée nationale n’a pas choisi la volonté et nous avons subi le chaos. En conséquence, soyons capables de prendre toutes les décisions qui s’imposent. Il nous manque au moins un régiment d’artillerie dans la profondeur, au moins un ou deux régiments d’artillerie sol-sol ainsi qu’un régiment d’artillerie sol-air. Il faudra le faire, et le plus vite sera mieux.

M. le président Jean-Michel Jacques. Il convient également de mentionner le cyber et l’espace, que nous aurons l’occasion d’évoquer lors de prochains débats. Quoi qu’il en soit, nous sentons bien que les différents groupes politiques présents à la commission de la défense sont favorables à une augmentation du budget de la défense.

Nous passons maintenant à une séquence de trois questions complémentaires.

Mme Stéphanie Galzy (RN). Depuis le retour de la guerre de haute intensité sur le sol européen, l’artillerie a retrouvé une place centrale dans les doctrines militaires. Les drones et les munitions téléopérés bouleversent en profondeur les modes d’action. Ces technologies permettent aujourd’hui de frapper plus vite, plus précisément, plus loin, en appui direct ou dans la profondeur. Dans le même temps, notre artillerie reste marquée par des années de sous-investissement. Les enseignements du conflit ukrainien sont sans appel : sans drones, il n’existe plus de coordination efficace entre le renseignement et les feux, et donc plus de supériorité sur le terrain. Vous soulignez dans votre rapport les avancées en cours, mais aussi les retards à combler.

Les retours d’expérience rappellent l’importance des drones consommables pour rendre l’artillerie efficace face à un ennemi paritaire. Comptez-vous encourager une intégration rapide et massive de ces drones dans l’achat de l’artillerie, tout en tenant compte des enjeux de coup de masse et d’obsolescence rapide ?

M. Pascal Jenft (RN). En premier lieu, permettez-moi de vous féliciter pour la qualité de vos travaux. Le secteur de la défense est devenu l’une des priorités de l’État. La maîtrise pleine et entière de nos capacités industrielles, dont l’artillerie, est un enjeu pour notre souveraineté nationale. Certaines entreprises comme Eurenco ont annoncé une relocalisation de leur chaîne de production, mais cela n’est pas encore le cas pour toutes.

Dans votre rapport, vous exprimez vos inquiétudes sur les capacités des industriels européens à relocaliser les chaînes de production, notamment chimiques. Vous êtes même favorables à une relocalisation maximale en approvisionnements. En effet, les délocalisations posent la question d’une éventuelle perte de savoir-faire national et d’une exposition aux risques d’espionnage industriel. Cela est d’autant plus vrai pour les sites de production situés en dehors de l’Union européenne. Une aide de l’État doit-elle être envisagée pour encourager et accélérer les processus de relocalisation de l’ensemble des chaînes de production et d’approvisionnement des industriels de défense ? De plus, ces relocalisations contribueraient à la réindustrialisation de la France.

M. Romain Tonussi (RN). Votre rapport évoque la nécessité de se doter d’une capacité de frappe dans la grande profondeur. Vous soulignez que cette capacité viendrait opportunément compléter des failles dans la frappe mer-sol et air-sol, notamment le trou capacitaire engendré par la cession de dizaines de missiles Scalp à l’Ukraine. Vous corroborez ainsi les propos régulièrement tenus par notre groupe et sa présidente quant aux conséquences de ces cessions. Votre rapport confirme, hélas, nos craintes.

Concernant la capacité de frappe dans la grande profondeur, vous soulignez qu’un système terrestre offrirait souplesse et, selon la masse disponible, permettrait de produire des frappes sur des intérêts vitaux ou sur un champ de bataille. Alors que d’autres pays se dotent de cette capacité, la France est en retard, alors que sa dissuasion nucléaire pourrait être remise en cause par le bas avec cette capacité, ce sujet ne doit-il pas, selon vous, être central dans une hypothétique nouvelle LPM ? Où va votre préférence entre masse et moyens réduits concernant cette capacité ?

M. Matthieu Bloch, rapporteur. À titre personnel, je pense effectivement que l’État doit venir aider les entreprises pour relocaliser et reconstituer nos chaînes de production d’armement. Ceci est absolument essentiel si nous voulons remonter en cadence.

S’agissant des achats, notamment de drones, les procédures administratives demeurent encore trop complexes dans notre pays et nous devons permettre à nos armées de passer le plus rapidement et le plus facilement possible des commandes sur étagère pour des petits drones. Simultanément, il convient de prendre en compte l’évolution technologique permanente dans ce domaine et ne pas acheter de stocks trop importants de drones qui seront obsolètes dans deux ans.

De fait, la course à la technologie est permanente. À titre d’exemple, des radars moins coûteux sont aujourd’hui capables de détecter des objets volant à très basse altitude, y compris des drones, ce qui perturbe les opérations aériennes qui permettaient hier de frapper dans la profondeur. Cette course nécessite donc de simplifier nos procédures administratives, de faire confiance à nos PME/TPE et nos chercheurs, qui sont considérablement innovants en la matière, de même qu’à nos forces armées.

M. Jean-Louis Thiériot, rapporteur. Nous sommes naturellement convaincus que la défense est globale et qu’elle intègre évidemment l’économie et l’industrie. Tout ce que nous pourrons entreprendre pour réindustrialiser sera utile à la défense nationale, ne serait-ce que parce qu’une usine peut être très souvent duale. Le multiplicateur keynésien de la dépense de défense est très élevé et nous avons la chance de disposer de deux organismes clefs pour la réflexion dans ce domaine : le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) et la DGA. Au-delà de la réflexion et de la planification, le développement industriel passe par des commandes, de l’investissement et le financement de la BITD.

Pour le reste, je précise que nous ne proposons pas des capacités de frappe dans la profondeur à longue distance pour compenser les cessions de Scalp à l’Ukraine. Le Scalp est un missile de croisière qui parcourt quelques centaines de kilomètres, mais nous parlons dans notre rapport de frappes de niveau opératif, sur une distance de 1 500 à 2 000 kilomètres.

Cependant, la grammaire stratégique comporte à la fois les intérêts vitaux, notre doctrine de la dissuasion (arme de non-emploi ou ultime avertissement) et le conventionnel. Dans le domaine conventionnel, nous devons être en mesure de montrer notre détermination, à travers la frappe au niveau du théâtre. Nous nous situons dans l’épaulement de l’un à l’autre.

M. le président Jean-Michel Jacques. Je vous remercie.

Saumur : le campus de l’armée de Terre

Saumur : le campus de l’armée de Terre

par Revue Conflits – publié le 25 mai 2025


Si Saumur est connu pour son Cadre Noir et son école de cavalerie, la ville regroupe aujourd’hui quatre écoles essentielles de l’armée de Terre, en faisant un campus majeur pour la formation des officiers et des sous-officiers.

De son château qui se dégage à l’horizon, Saumur affiche son histoire militaire. La cavalerie y règne en maître, avec son célèbre Cadre Noir, qui n’a aujourd’hui plus de lien avec l’armée, son musée des blindés et ses bâtiments qui marquent dans l’emprise du territoire le lien de la ville avec les régiments.

Dans ce cadre historique sont aujourd’hui regroupées les écoles militaires de Saumur (EMS), quatre écoles qui jouent un rôle majeur dans la formation des officiers et des sous-officiers.

Organisation des EMS

La plus emblématique est l’école de cavalerie. Fondée en 1825 dans les bâtiments construits en 1763 pour les carabiniers de « Monsieur », elle était chargée de former les troupes à cheval des armées françaises. C’est aujourd’hui l’organisme de formation des cadres de la cavalerie blindée de l’armée de Terre. Les capitaines, lieutenants et sous-officiers de l’arme sont ainsi formés à l’emploi des chars et engins blindés à travers des cours magistraux, l’entrainement sur simulateurs technico-tactiques et de commandement poursuivi avec les moyens de substitutions en dotation à l’école. L’outil pédagogique le plus immersif est le simulateur d’entrainement du char LECLERC qui posé sur des vérins permet de reproduire les conditions quasi réelles de terrain, météorologiques et de stress soumettant les stagiaires aux contraintes du combat embarqué dans les ambiances nocturnes comme diurnes. La formation est ensuite appliquée sur le terrain avec les engins de combat et l’armement de la cavalerie sanctionnée par la réussite aux tirs réels avec toutes les armes de bord. Le but de l’école est de former des cadres aptes d’emblée à la mise en condition opérationnelle et maîtrisant les matériels les plus modernes.

Installée à Saumur en 2012, initialement située à Compiègne, l’école d’état-major (EEM) est chargée de la formation des officiers aux méthodes de conduite d’opérations au sein des états-majors. Elle délivre de nombreux brevets permettant aux officiers et sous-officiers stagiaires de valider leur progression.

Là aussi, l’usage de simulateurs de combats assure une formation au plus près des réalités de terrain. Grâce à des outils informatiques qui peuvent produire des cartes et des plans, les officiers peuvent se placer en conditions réelles d’opération au sein d’un état-major de brigade. Dans une pièce de contrôle des opérations, les instructeurs dirigent l’opération de niveau division (avec trois brigades) tout en générant des imprévus et des brouillards tactiques auxquels les officiers doivent s’adapter.

Que ce soit pour l’école de cavalerie ou l’école d’état-major, les outils techniques modernes sont mis au service d’une conduite de la guerre et des opérations militaires, dont la nature a changé depuis le 24 février 2022.

Deux autres écoles sont présentes à Saumur : l’École du renseignement de l’armée de Terre (ERAT) et le Centre interarmées de défense nucléaire, radiologique, biologique et chimique (CIANRBC).

Exercice de décontamination


Comme pour les précédentes, ces deux écoles ont pour finalité la formation du personnel de l’armée de Terre, que celui-ci serve dans ou hors du périmètre de cette armée.

Créée en 2001, l’ERAT assure la formation au renseignement du niveau tactique, celui qui est nécessaire pour éclairer la situation du champ de bataille, laquelle est de plus en plus complexe. Elle forme aux méthodes et aux techniques élémentaires de recueil de l’information, ainsi qu’à l’exploitation et à l’analyse du renseignement. La pédagogie de l’ERAT se distingue par ses mises en situation hyperréalistes, destinées à caractériser les modes d’action des principaux compétiteurs de la France.

Le CIA NRBC est quant à lui un organisme interarmées implanté à Saumur en 2009.

Il conduit des travaux doctrinaux et contribue à la formation et à la préparation opérationnelle en matière de défense nucléaire, radiologique, biologique et chimique.

Entrainement à Djibouti


Généralement associés aux armes de destruction massive, les dangers NRBC sont indissociables des opérations militaires et nécessitent une prise en compte permanente afin d’en réduire les effets sur les forces.

Un vaste centre de formation

Chaque année, les EMS accueillent près de 4 000 stagiaires, encadrés par un personnel de 600 personnes. Chaque école est dirigée par un colonel et l’ensemble des EMS est sous la direction d’un général. Elles participent à la modernisation et à la mise à jour de l’outil militaires, dans sa composante humaine, au retour d’expérience des champs d’opération, à l’intégration des nouvelles techniques. Elles sont un outil indispensable pour maintenir une capacité de projection et de déploiement et pour assurer la mise au niveau constante des personnels de l’armée de Terre.

Un Panhard VBL à Djibouti


Pour le grand public, Saumur c’est aussi le musée des blindés, qui dispose de pièces uniques au monde et d’une rétrospective historique sur l’emploi des blindés depuis plus d’un siècle, ainsi que le musée de la cavalerie. Chaque année se tient en juillet le Carrousel, série de démonstrations et de spectacles qui réunit le territoire de Saumur autour des traditions militaires.

La compétition pour l’EGC lancée d’ici fin 2025

La compétition pour l’EGC lancée d’ici fin 2025

Forces opérations Blog – publié le

La compétition pour le développement et la production de l’engin du génie de combat (EGC) sera lancée en fin d’année selon l’OCCAr, mandatée en décembre dernier pour piloter le programme au nom de la France et de la Belgique. 

Entre les candidats potentiels et les représentants de l’OCCAr et des deux nations clientes, ils étaient 45 à se réunir mi-mai à Bonn pour une pré-consultation du marché annonciatrice du lancement effectif du programme EGC. Une journée pour dessiner les contours d’un engin destiné, côté français, à succéder à des EBG, EGRAP et autres EGAME* qui, selon l’OCCAR, ne répondent plus entièrement au quadruple besoin de protection, de capacité de terrassement et de mobilité tactique et stratégique. 

L’essentiel était déjà connu. Le duo franco-belge prévoit d’investir entre 800 M€ et 1,2 Md€ pour le développement et la livraison d’au maximum 200 véhicules. Intégrés dans la bulle SCORPION, ils seront chargés d’appuyer la mobilité des unités blindées au contact et d’enrayer celle de l’adversaire par la construction d’obstacles et de positions défensives. Les premiers EGC sont attendus en 2031, rendant caduc l’objectif fixé dans la loi de programmation militaire de cinq EGC en service à l’horizon 2030. 

D’ici là, les candidats potentiels devront franchir deux rounds de sélection. Le premier doit démarrer d’ici décembre prochain avec la publication d’un questionnaire de pré-qualification, un jalon dont le franchissement reste conditionné par l’octroi du feu vert gouvernemental côté belge. Le second devrait commencer à la mi-2026 avec un appel d’offres ouvert aux six entreprises pré-sélectionnées. Des offres dont la réception est fixée au troisième trimestre 2026 pour atteindre, dans les premiers mois de 2027, la notification d’un contrat pour le développement, la production et le soutien en service initial (ISS).

Les cibles nationales sont pour la première fois détaillées. La France envisage l’acquisition de 82 EGC, la Belgique de 24 EGC. Deux flotte qui pourront croître pour parvenir à 170 EGC côté français et 49 côté belge, la partie française dépassant au passage le seul objectif connu jusqu’alors de 125 EGC livrés à horizon 2035. Au moins deux prototypes seront attendus pour conduire les essais de qualification. 

D’un pays à l’autre, la stratégie diffère en matière de soutien. La Belgique, par exemple, penche pour un soutien de niveau 3 (ML3) pour une durée de six ans voire au-delà, quand la France l’envisage sous forme de tranches successives de deux ans. Au moins un point de soutien sera également installé en territoire belge pour les opérations de niveaux 1 et 2. 

L’EGC sera opéré par un trio formé par un chef d’engin, d’un radio-tireur en charge de la protection rapprochée et d’un pilote. Le bras articulé unique pourra être opéré tant par ce dernier que par son chef. Derrière son godet, l’EGC sera également susceptible d’opérer d’autres outils comme une tarière, un brise roche ou encore une pince à grume. Il bénéficiera aussi d’une protection balistique supplémentaire, d’une protection anti-RPG7, de kits de protection en zone urbaine et en environnement NRBC et sera en mesure de tracter une remorque. Mais si le développement de ces kits est prévu en tranche ferme, leur acquisition dépendra de l’étendue des budgets nationaux.

L’attente est triple côté belge. Derrière la modernisation de sa future Force Terrestre, il s’agira aussi de pouvoir intégrer certains systèmes nationaux comme le tourelleau téléopéré proposé par FN Herstal et d’embarquer des acteurs belges dès le lancement du programme. L’OCCAr insiste : la participation d’entreprises belges est « attendue ». Un événement promotionnel sera organisé dans ce sens par AGORIA, qui réunit l’essentiel de la filière belge au sein du groupement Belgian Security & Defense Industry (BSDI). 

*engin blindé du génie, engin du génie rapide de protection et engin du génie d’aménagement

Crédits image : CSI

Point de situation des opérations du jeudi 15 mai au jeudi 22 mai 2025

Point de situation des opérations du jeudi 15 mai au jeudi 22 mai 2025

Ministère des Armées – publié le 23 mai 2025

https://www.defense.gouv.fr/operations/point-situation-operations/point-situation-operations-du-jeudi-15-mai-au-jeudi-22-mai-2025


Opérations

Point de situation des opérations du jeudi 15 mai au jeudi 22 mai 2025

Europe

 

 

 

  • Flanc oriental de l’Alliance : posture opérationnelle

Sur le flanc oriental de l’Alliance, les armées françaises contribuent activement à la défense collective et sont aptes à s’engager dans tous les milieux pour faire face à tout type de menace.

En Estonie, l’exercice HEDGEHOG 25, conduit pendant 3 semaines par les Forces de défense estoniennes (EDF) en coordination avec le bataillon multinational de l’OTAN se termine demain. Cet exercice multinational mobilise plus de 16 000 soldats, dont 3 500 militaires alliés provenant de 13 nations différentes. Les armées françaises ont engagé dans ce cadre près de 1 000 militaires issus du Bataillon multinational de l’OTAN et de la Compagnie d’infanterie légère (CIL) déployée en Estonie.

L’exercice simule une agression aux frontières entrainant des combats de haute intensité dans le nord-est et le sud-est de l’Estonie. Soldats britanniques et français combattent sur des matériels modernes et du haut du spectre tels que le char de bataille Challenger ou encore les Jaguar et Griffon. Cet exercice qui engage près de 1 000 soldats français renforce l’interopérabilité des forces alliées dans les pays baltes sous court préavis.

 

 

 

En Lituanie, les armées françaises prennent toujours part à l’exercice DEFENDER EUROPE / SWIFT RESPONSE qui vise à entraîner la capacité aéroportée des Alliés. Une force interalliée de plus de 1 600 troupes aéroportées composée d’éléments américains, français, allemands, italiens et néerlandais a ainsi été larguée le 16 mai en Lituanie depuis l’Allemagne, démontrant ainsi la capacité des Alliés à réagir immédiatement. Pour rappel, les forces françaises y contribuent avec près de 200 troupes aéroportées ainsi qu’un A400M et un C-130J de l’Armée de l’Air et de l’Espace. Le sous-groupement tactique interarmes (SGTIA) a été engagé sur toutes les phases de l’exercice, notamment insérés auprès de la 173rd Airborne Brigade américaine et s’appuyant sur des vecteurs allemands NH90 et CH-53.

DEFENDER EUROPE illustre la capacité des Alliés à faire face à tous types de menaces en mobilisant des forces dotées d’un haut niveau de préparation opérationnelle.

 

 

 

En Roumanie, le bataillon multinational de l’OTAN sous commandement français poursuit l’exercice DACIAN SPRING 25 sur les camps de Cincu et Cartisoara. Cette semaine, les soldats français ont réalisé aux côtés de leurs homologues roumains et bulgares différentes séquences de combat offensives et défensives, en travaillant particulièrement l’appui drone au profit des unités d’infanterie et de cavalerie blindée.

 

 

 

  • Atlantique Nord : activités opérationnelles

En Atlantique Nord, les bâtiments de la Marine nationale déployés dans la zone contribuent à la surveillance des approches maritimes de l’OTAN.

Au large des Hébrides en Écosse, une frégate française intégrée au Task Group maritime permanent de l’OTAN (SNMG1) est engagée depuis le 4 mai dans l’exercice interallié FORMIDABLE SHIELD 25.

Le 15 mai, la participation de la frégate a culminé sur un tir de missile anti-aérien ASTER 30 sur une cible supersonique en vol rasant. Cette démonstration atteste de la précision de l’arme et de son domaine d’emploi étendu ainsi que du haut savoir faire des armées françaises pour faire face aux menaces les plus complexes.

 

 

 

En mer Baltique, l’OTAN poursuit l’opération de surveillance maritime BALTIC SENTRY, pour dissuader toute menace sur les infrastructures sous-marines et stratégiques. Dans ce cadre, la France y engage une frégate, le chasseur de mines tripartite (CMT) Andromède ainsi qu’un avion de patrouille maritime Atlantique 2 (ATL2).

 

 

 

  • Méditerranée centrale : activités opérationnelles

En Méditerranée, le patrouilleur de haute mer (PHM) Commandant Blaison contribue à l’opération EUNAVFORMED IRINI.

Le 14 mai, après une escale à La Sude en Grèce, le Commandant Blaison a repris ses patrouilles dans la zone d’opération IRINI.

Lancée le 31 mars 2020 par l’Union Européenne, l’opération IRINI vise à faire respecter l’embargo des Nations Unies sur les armes à destination de la Libye avec des moyens aériens, spatiaux et maritimes.

 

 

 

Proche et Moyen-Orient

 

 

 

  • Liban/FINUL : activités opérationnelles

Au Liban, les militaires français de la Force Commander Reserve (FCR) de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (FINUL) continuent leurs opérations.

 

 

 

Du 12 au 14 mai, la FCR a conduit l’opération CEILLAC 3, en collaboration avec les Forces armées libanaises (FAL). Cette opération a mobilisé plus de 220 militaires et une cinquantaine de véhicules, déployés au plus proche de la Blue Line. L’objectif était de dépolluer une zone marquée par la présence de munitions non explosées et de caches d’armes, tout en permettant à la FCR de manœuvrer et de contribuer à la stabilisation de la région. Lors de leurs patrouilles, les casques bleus ont découvert des dizaines de munitions et d’explosifs, incluant des obus de mortier, des mines et des roquettes.

Les FAL ont ensuite récupéré l’intégralité du matériel saisi, illustrant ainsi la capacité de la FINUL à assister les FAL dans leur redéploiement.

 

 

 

  • Forces françaises aux Emirats Arabes Unis (FFEAU) –  Mer Rouge : sûreté maritime

En mer Rouge, une frégate française est actuellement déployée sous le sceau de l’opération européenne ASPIDES.

Ces déploiements permettent d’assurer la liberté de navigation des navires de commerce de Suez à Ormuz et de lutter contre les trafics illicites dans la région.

 

 

 

  • Irak : coopération opérationnelle

Dans les airs, les Rafale de la Base aérienne projetée au Levant ont continué d’assurer la permanence aérienne de la Coalition au-dessus de la zone afin de lutter contre Daech.

 

 

 

Tandis qu’à terre, les militaires français de la Task Force LAMASSU ont repris le 21 mai la formation du 5e bataillon du désert irakien. Cette coopération opérationnelle bilatérale entre les Forces armées irakiennes et les Forces françaises aux Emirats Arabes Unis (FFEAU) s’incarne par des actions de formation conjointes au combat en milieu désertique. Elle illustre l’engagement des armées françaises dans la lutte contre la résurgence de Daech.

 

 

 

  • Forces françaises stationnées à Djibouti (FFDj) : coopération opérationnelle

Dans la corne de l’Afrique, la France s’engage aux côtés de Djibouti dans le cadre du traité de défense bilatéral qui lie les deux pays. Ainsi, du 11 au 18 mai, les Mirage 2000-5 des FFDj ont effectué une trentaine de sorties aériennes. Ces vols s’inscrivent dans le cadre de la préparation opérationnelle des pilotes dans le domaine de la défense de l’espace aérien djiboutien.

Afrique

 

 

 

Au Gabon, dans le cadre du partenariat militaire opérationnel entre les Forces armées gabonaises (FAG) et le Détachement de liaison interarmées – Gabon (DLIA-G), l’Académie de protection de l’environnement et des ressources naturelles (APERN) délivre du 19 au 30 mai une formation de brevet parachutiste aux militaires gabonais et à la garde républicaine.

 

 

 

L’objectif principal de cette séquence est de fournir une instruction au sol suivie de six sauts qualifiants. En parallèle, les stagiaires reçoivent une instruction du niveau chef de groupe au niveau chef de section.

 

 

 

La formation vise à renforcer les capacités des forces armées gabonaises dans la projection et le combat en milieu forestier, tout en consolidant le partage d’expérience entre les deux armées. La formation répond aux besoins exprimés par le partenaire dans les domaines spécifiques de la lutte contre l’orpaillage illégal, le braconnage et le pillage des ressources.

 

 

 

Cette séquence illustre la nouvelle dynamique partenariale entre les Forces armées gabonaises (FAG) et le détachement de liaison interarmées centré sur la formation, la protection des ressources naturelles et la lutte contre les activités illégales.

  • Détachement de liaison interarmées de Côte d’Ivoire (DLIA-I) : coopération opérationnelle

En République de Côte d’Ivoire, du 28 avril au 14 mai, les Forces armées ivoiriennes et le Détachement de liaison interarmées en Côte d’Ivoire (DLIA-I) se sont entrainés conjointement aux opérations aériennes et aéroterrestres. Fruit d’une coopération ambitieuse, l’exercice interallié « 3D » a permis de renforcer l’interopérabilité entre les deux armées dans les domaines stratégiques de la projection et de la défense du territoire.

 

 

 

La première phase de cet exercice conjoint a consisté en un saut d’entrainement conjoint avec près de de 300 parachutistes ivoiriens du 1e Bataillon de commandos et de parachutistes (1er BCP), et les militaires français du détachement de liaison. Clôturé par une cérémonie de remise des brevets, cet échange a participé au renforcement de l’interopérabilité franco-ivoirienne dans le domaine des troupes aéroportés (TAP).

 

 

 

Dans le cadre de la montée en puissance de la composante aéroterrestre ivoirienne, l’exercice s’est articulé autour d’actions de formation des équipages du CASA CN295 ivoirien. Grâce à la qualité des interactions, l’armée de l’Air ivoirienne a réalisé, pour la première fois, un largage de chuteurs en complète autonomie.

 

 

 

Au cours de l’exercice, le déploiement de deux Mirage 2000D a permis la formation d’une dizaine de guideurs aériens tactiques avancés (GATA) ivoiriens grâce à l’appui aérien ou Close Air Support. La mise en place temporaire de ce plot chasse sur la base aérienne de Bouaké en amont de l’exercice a également contribué de manière significative à la montée en puissance du site, destiné à accueillir la future aviation de combat de la République de Côte d’Ivoire.

 

 

 

Cet exercice incarne la nouvelle approche partenariale entre la République de Côte d’Ivoire et la France : un dispositif flexible, adaptable en temps réel, et en mesure de répondre aux besoins exprimés par la République de Côte d’Ivoire permettant un échange de savoir-faire entre les armées françaises et ivoiriennes.

Indopacifique

 

 

 

  • Forces armées dans la Zone Sud de l’Océan Indien (FAZSOI) : activités opérationnelles

A Mayotte, le bataillon reconstruction (BATREC) a poursuivi ses chantiers dans le Sud de l’île pour y effectuer des retraits d’embâcles.

 

 

 

  • Forces armées en Nouvelle-Calédonie (FANC) : coopération opérationnelle

Aux îles Fidji, le bâtiment de soutien et d’assistance outre-mer (BSAOM) Bougainville poursuit son déploiement dans le cadre de la mission de police des pêches AQUARIUS 25.  Après des escales aux Tuvalu et Fidji, le BSAOM a appareillé le 15 mai de Suva (Fidji) avec à son bord deux inspecteurs de pêches fidjiens pour participer à une opération internationale de contrôle des pêches de la FFA (Agence des pêches du Forum des îles du Pacifique), au profit des pays océaniens.

Ces actions de coopérations entretiennent les partenariats des armées françaises avec les pays insulaires de la région.

 

 

 

  • Forces Armées en Polynésie Française (FAPF) : missions de police des pêches

En Polynésie Française, un patrouilleur outre-mer ainsi qu’une frégate de surveillance (FS) sont toujours engagées dans la surveillance des Zones Economiques Exclusives (ZEE) françaises dans le cadre de la mission de police des pêches PACIFIC AITO 25.

 

 

 

Amériques

 

 

 

  • Forces armées aux Antilles (FAA) : activités opérationnelles

En Martinique, le 33ème régiment d’infanterie de Marine des FAA a accueilli un détachement de 52 élèves-officiers des forces terrestres, aériennes et maritimes de la République dominicaine dans le cadre d’un stage de deux semaines au Centre nautique et d’entraînement en forêt (CNEF).

Les FAA mènent régulièrement des formations au profit des pays partenaires de la zone Caraïbes et Amérique du Sud et développent la coopération militaire avec leurs alliés au cours de d’exercices ou d’opérations communes.

 

 

 

  • Mission JEANNE D’ARC : coopération opérationnelle

Aux Sept Îles au Québec, le 17 mai, le groupe amphibie JEANNE D’ARC constitué d’un porte-hélicoptères amphibie (PHA) et d’une frégate de type LA FAYETTE a pris part à l’exercice d’évacuation de ressortissant LION MISTRAL aux côtés des Forces armées canadiennes.

 

 

 

Le groupement tactique embarqué (GTE) de l’armée de terre à bord du PHA ainsi que les forces canadiennes ont réalisé le débarquement conjoint de 300 militaires et d’une trentaine de véhicules militaires.

 

 

 

Après les manœuvre d’extraction des ressortissants par les unités déployées à terre, le PHA a ensuite servi de Centre de regroupement et d’évacuation des ressortissants (CRER), entité capitale dans le processus de sortie des ressortissants hors d’une zone de crise.

 

 

 

Cette activité amphibie d’envergure exigeant un haut niveau de préparation illustre la cohésion et la capacité des forces canadiennes et françaises à être engagés rapidement ensemble.

L’innovation du ciel à la terre à l’École des troupes aéroportées

L’innovation du ciel à la terre à l’École des troupes aéroportées

– Forces opérations Blog – publié le

L’innovation est à nouveau à l’honneur à Pau, épicentre béarnais des troupes aéroportées et siège d’une école spécialisée au sein de laquelle quelques-uns réfléchissent aux scénarios et aux équipements des opérations aéroportées (OAP) d’aujourd’hui et de demain. Tour d’horizon des problématiques et de quelques solutions adoptées ou à l’étude en amont d’une Journée innovation des troupes aéroportées (JITAP) propice à élargir le champ des réflexions. 

Une école au cœur du domaine TAP

Ils ne sont que 200 et pourtant, ces cadres issus de tous les régiments et de toutes les armées, d’unités conventionnelles ou spéciales, constituent la crème de la crème du combat aéroporté. Ensemble, ils arment l’École des troupes aéroportées (ETAP), seule détentrice des savoir et savoir-faire nécessaires pour former la totalité des parachutistes et chuteurs opérationnels des armées, du ministère de l’Intérieur et de quelques alliés triés sur le volet. Si elle oeuvre principalement au profit de la 11e brigade parachutiste, elle accueille ainsi les marins d’ALFUSCO, les aviateurs de la brigade des forces spéciales air et les gendarmes du GIGN. Mais aussi les écoles, à commencer par Saint-Cyr et l’Académie militaire de la gendarmerie nationale.

Située « au coeur de l’inter-domaine TAP », l’école de Pau propose un catalogue de 35 formations, du brevet de base à l’instructeur en chute libre, le Graal du domaine. Mais pas seulement. L’ETAP est également une référence en matières de réglementation et d’innovation. Et celle-ci innove à plus d’un titre. En matière d’instruction notamment. Depuis peu, elle forme en interne ses propres sous-officiers au bénéfice de la 11e BP. Une première cohorte de 28 stagiaires lançait le processus en octobre dernier. Les former directement dans leur futur environnement de travail permettra de renforcer la cohésion et de donner aux régiments un sous-officier parachutiste « complet », « tactiquement formé » et donc directement opérationnel, relève le lieutenant-colonel Philippe, à la tête du bureau études et prospectives (BEP) de l’ETAP. Mais c’est sur l’adaptation des tactiques et des équipements face au durcissement des menaces que porte l’effort principal. 

Après plusieurs décennies de calme relatif, le Sahel aura permis de renouer avec les OAP d’envergure. Ces sauts réalisés durant l’opération Barkhane, les plus ambitieux en quatre décennies, n’affrontaient cependant qu’un ennemi dispersé, peu armé et, surtout, dépourvu de moyens de défense sol-air. Dix ans plus tard, et alors que l’aventure sahélienne s’achève, le danger majeur est non seulement ailleurs mais aussi d’un tout autre acabit. L’adversaire principal, tant pour les TAP que pour le reste des forces françaises, c’est à nouveau une armée conventionnelle, cet ennemi à parité cette fois équipé d’une défense sol-air épaisse, multi-couche et évolutive. Avec un déni d’accès redevenant la norme, l’heure est à l’introspection tous azimuts pour ceux qui doivent avant tout passer au travers. 

Passer au travers d’un maillage plus dense

« Nous réfléchissons à ce que sera une OAP face à un ennemi à parité. Il convient de réfléchir au moyen de percer la bulle A2AD et de réaliser une OAP », pointe le lieutenant-colonel Philippe. Comme l’a démontré la phase initiale de l’attaque russe sur l’aéroport de Kyiv en février 2022, « aucune bulle n’est totalement étanche, cela n’existe pas ». Deux ans plus tard, le bouclier israélien, sans doute l’un des plus denses au monde, était à son tour percé par des roquettes et des ULM envoyés par le Hamas. Même la Russie a ses failles, comme le démontre l’envoi régulier de missiles et de drones ukrainiens dans son espace aérien. Bien que « hyper fiable », la défense sol-air a donc ses limites. « Certes, les radars voient, mais l’humain reste en deuxième couche et conserve des faiblesses, notamment dans l’interprétation ». Le coût ensuite. Faut-il nécessairement tirer ce missile complexe, coûteux et dont les stocks sont limités ? La couche la plus dense reste la couche moyenne portée, mais « chaque strate a ses faiblesses » et toute défense sol-air « reste parcellaire et concentrée sur certains points précis ».

Ces limites, l’ETAP les étudie de près pour déterminer les meilleures stratégies de pénétration, d’évitement et de contournement. L’un des officiers du BEP sortait ainsi de six mois d’étude approfondie des matériels russes, américains et chinois. Reste que la menace est désormais bien plus élevée que lors des opérations précédentes. « Tout l’enjeu sera de savoir pourquoi et sur quoi on mène une OAP. C’est toute l’étude que mène la 11e BP aujourd’hui via l’imposition de dilemmes tactiques ». Complexe, la manœuvre « n’est pas sans risque » et ne pourra se conduire qu’en interarmées et interalliés, chacun amenant les moyens disponibles dans tous les champs concernés, cyber y compris, pour aboutir à la combinaison garantissant le plus haut taux de succès. Un alignement des planètes nécessaire de tout temps, mais maintenant beaucoup plus contraint.

Si le premier défi sera de franchir la barrière, le second sera de durer au-delà. Une fois au sol, les troupes aéroportées deviennent autant d’ilots isolés au sein d’un maillage adverse autrement plus dense qu’avant. À l’armée de l’Air et de l’Espace de répondre au premier enjeu, à l’ETAP d’envisager le second pour tenir a minima 96 heures en totale autonomie. Un délai de ravitaillement étendu par rapport à la norme actuelle, plutôt centrée sur deux à trois jours. Gagner de 24 à 48h amène de nombreux défis de poids et de volume, de par l’emport supplémentaire exigé en munitions, nourriture, eau, batteries et autres équipements indispensables. Diminuer la charge du combattant, assurer son ravitaillement, l’évacuation des blessés et la récupération de la force, c’est justement « tout l’objet de nos études pour le moment ».

La MLD, un objet rustique pour emporter jusqu’à 225 kg, emporter 25 % du matériel disponible sur la zone de mise à terre et réduire de 15 à 30% le temps de réarticulation selon le niveau d’entraînement (Crédits image : armée de Terre).

Un enjeu de poids

Pour l’ETAP, située au coeur d’un écosystème composé de régiments expérimentateurs et du groupement aéroporté de la Section technique de l’armée de Terre (STAT), les réflexions portent sur trois segments, que sont la très grande hauteur, la très basse hauteur et la logistique aéroportée. « Comment j’amène mes troupes sur la zone d’action ? Comment porter plus ? », s’interroge le lieutenant-colonel Philippe. Deux problématiques qui en appellent bien d’autres, comme celles portant sur la limite de la fatigue ou l’allègement de l’équipement. L’une des particularité du parachutiste, c’est en effet sa propension à emporter la quasi totalité du barda individuel et les quelques équipements collectifs sur son dos. Soit près de 50 kg à récupérer et transporter durant au moins quatre jours. 

Cette caractéristique engage un réflexion à première vue paradoxale : alléger le sac à dos non pas pour réduire la charge, mais pour permettre d’emporter plus de munitions, plus de rations. C’est tout l’objet de travaux conjoints entre industriels et unités. Avec MOS, par exemple, ce spécialiste de la nutrition « spéciale » engagé pour plancher sur une « ration 96h ». Le résultat ? Un ensemble de pains lyophilisés pour un poids total de 750 g, trois fois moins que la ration actuelle pour cette solution évaluée avec le concours des groupements commandos parachutistes. C’est aussi un travail sur les effets vestimentaires et autres équipements du quotidien, cette fois poursuivi en collaboration avec le 2e régiment étranger de parachutistes. « Nous allons gagner 10 grammes par 10 grammes sur une gamelle, une gourde, un kit de survie », pour in fine finir par réduire la masse de quelques kilogrammes. Le poids ne changera pas, c’est donc sur les moyens d’allègement que planche l’ETAP pour permettre au combattant de tenir dans le temps. « Nous allons lancer une étude sur les sac à dos. Nous sommes en train de voir avec la STAT », indiquent ceux qui lorgnent en parallèle sur de nouvelles clefs de portage pour réduire la fatigue musculaire. 

Entre la mise à terre et les premiers pas sur le plancher des vaches, se pose l’épineuse question de la réarticulation. Généralement dégagées, les zones de saut participent à la vulnérabilité de parachutistes dispersés, focalisés sur la récupération de leur matériel, le regroupement, voire à la prise en compte des premiers blessés. Les TAP ne manquent pas d’idées simples pour accélérer et sortir au plus vite de cette phase délicate. Fruit de l’imagination d’un sous-officier, la mule largable démontable (MLD) est une première piste. « Au départ, c’est une branche taillée pour faire un axe, deux roues de brouette et une sangle », rappelle le lieutenant-colonel Philippe. Affinée dans un garage puis inscrite dans le projet de réarticulation rénovée et modernisée, la MLD permettra de gagner de 20 à 30 précieuses minutes lors de cette phase critique. Elle s’accompagne de son pendant électrique, une mule W-Go robotisée propulsée par des roues électriques et dotée d’une capacité d’emport de 700 kg. L’objectif à court terme sera d’en valider le largage. 

Autre piste, le sac de récupération de matériel (SRM) vise cette fois à faciliter l’emport des parachutes dorsal et ventral, en les réinstallant devant pour laisser place à la musette et faciliter l’usage de l’arme. « Si on est pris à partie, une simple poignée permet de larguer le tout pour faciliter le combat. C’est tout bête, mais il fallait y penser ». Tant la MLD que le SRM sont passés à l’échelle. Les premières perceptions datent de septembre 2024 pour la 11e BP, avec une vingtaine de MLD équipant depuis lors l’échelon national d’urgence rénové (ENU-R). Un succès qui devrait ensuite bénéficier aux forces spéciales. 

Double usage, trottinette et débrouillardise

Rien ne se perd au sein des TAP, tout se conserve. « Il est hors de question de sauter avec du matériel que l’on utilisera pas », explique le chef du BEP. Non seulement le matériel doit servir mais il aura aussi plusieurs usages. La MLD, par exemple, n’est pas limitée à la réarticulation. L’ajout d’une planche ouvre la voie au transport de munitions ou d’un blessé, l’ajout d’une caisse rigide au transport de « tous les petits matériels optroniques, drones et autres équipements fragiles qui ne peuvent pas être largués dans une gaine ». Grâce à la MLD, les TAP pourront emmener plus de munitions antichars et d’appui-feu. Là aussi, l’heure est au recadrage pour conserver ces capacités d’appui tout en musclant la quantité. Parmi les voies explorées sur demande de la brigade, celles d’un lance-roquettes au panel d’effets élargi, plus léger et moins cher que l’Akeron MP, ou encore d’un mortier de 60 mm permettant d’emporter plus de coups, quitte à sacrifier un peu de portée. 

L’ETAP pousse également le curseur un cran plus loin en matière de mobilité. Si le Fardier aérolargable amène un début de réponse mais demeure limité en nombre, l’EZRaider pourrait agir en complément. Plus légère, cette trottinette électrique tout terrain d’origine israélienne serait en service dans les forces spéciales israéliennes. Son intérêt hormis ses performances et sa discrétion ? La possibilité d’un largage par une portière latérale une fois repliée en position verticale. Une configuration « comme un colis MILAN » qui la libérerait des contraintes de la livraison par air, apanage du 1er régiment du train parachutiste. La STAT en a acquis deux exemplaires à des fins d’expérimentation. L’un d’entre eux pourrait atterrir à l’ETAP pour confirmer – ou non – la piste de l’aérolargage. En cas de succès, l’EZRaider prendrait ensuite la voie des régiments, voire des forces spéciales, pour en confirmer l’intérêt tactique.

Motorisées à minima, les TAP n’hésiteront pas à aller se servir dans les équipements capturés à l’ennemi ou abandonnés par les populations civiles. Exploiter la débrouillardise du combattant français, voilà l’idée sous-jacente à la création de cette petite trousse à outils qui, accompagnée de quelques matériaux, permettra de faire démarrer un véhicule d’opportunité pour emmener le groupe de combat. « Comment cacher un PC dans des véhicules civils ? Nous sommes largués sans véhicules, comment motoriser la force ? Il y a là un vrai chantier », lance le lieutenant-colonel Philippe. Un chantier dépassant le seul cadre du BEP pour s’étendre à l’ensemble de la 11e BP et un effort parmi d’autres dans un panorama à 360° appelé à évoluer au vu du contexte sécuritaire, des nouvelles technologies et de l’imagination visiblement sans limite des troupes aéroportées. Début de réponse avec une seconde édition de la JITAP propice aux surprises. 

Crédits image : ETAP

Un soldat français mobilisé contre l’orpaillage illégal décédé en Guyane

Un soldat français mobilisé contre l’orpaillage illégal décédé en Guyane


Le sergent Maxence Roger est “décédé accidentellement dans le cadre de l’opération Harpie contre l’orpaillage illégal en Guyane“, a annoncé lundi 19 mai le ministère des Armées.

Une enquête pour faire la lumière sur les circonstances de son décès a été ouverte.

Un soldat français tué en Guyane. Le sergent Maxence Roger est “décédé accidentellement dans le cadre de l’opération Harpie contre l’orpaillage illégal”, annonce dans un communiqué le ministère des Armées. Portée disparue dans la nuit du 18 au 19 mai dans les environs du poste fluvial de Saut-Maman-Valentin, la victime a été retrouvée, sans vie, après des “recherches menées en eaux vives”. Le militaire était âgé de 27 ans. 

Déployé pour une “mission de courte durée” au sein du 9e Régiment d’infanterie de Marine stationné à Cayenne, le sergent Maxence Roger est présenté comme un “marsouin parachutiste motivé”, “sérieux et autonome”, “toujours enthousiaste, même dans les situations les plus difficiles”. Le ministère des Armées évoque également un leader “exemplaire”, doté d’un “très bon sens tactique” et d’une bonne dose de “sang-froid et maturité”. Auteur d’un parcours remarquable depuis son engagement en 2018, il s’est vu remettre plusieurs distinctions, à l’instar de la “médaille de la défense nationale bronze”

“J’adresse mes plus sincères condoléances à sa famille, à ses proches ainsi qu’à ses frères d’armes au nom des armées françaises. Nous n’oublierons pas le courage et l’engagement absolus dont il a fait preuve dans l’accomplissement de sa mission”, écrit le chef d’état-major des armées sur X, faisant part de sa “profonde tristesse”.

Une enquête judiciaire a été ouverte et doit désormais permettre de déterminer les circonstances de son décès. Lancée en 2008, l’opération Harpie est menée conjointement par les forces de gendarmerie et les forces armées pour lutter contre l’orpaillage illégal dans le département, autrement dit l’exploitation clandestine de gisements d’or.

L’armée française prépare la guerre de demain

L’armée française prépare la guerre de demain

par Gabriel de Solages – Revue Conflits – publié le 19 mai 2025

https://www.revueconflits.com/larmee-francaise-prepare-la-guerre-de-demain/


Le mardi 14 mai 2025 s’est déroulé à l’École Militaire le Cercle de l’Innovation et du Combat Futur (CICF) organisé par le Pôle rayonnement de l’armée de terre (PRAT). L’objectif ? Faire le point sur les ambitions de l’armée de terre, sur ses capacités opérationnelles et sur ses besoins en vue d’anticiper les combats de demain.

« Le monde est en train d’évoluer et il faut s’y adapter », a introduit le général Bruno Baratz, commandant du Commandement du combat futur, traçant ainsi le sillon à suivre pour les discussions à venir. L’événement a permis la réunion du trilogue entre la Direction générale de l’armement (DGA), les forces armées et les industries de défense, dans une optique de préparation de conflits de haute intensité, auxquels la France pourrait prendre part dans les années à venir.

À l’heure où se prépare la table des négociations à Istanbul et où l’avenir de l’Ukraine semble plus que jamais incertain, les menaces affluent de divers horizons. Dégradation de la situation au Liban, en Syrie, entre l’Iran et Israël, entre l’Inde et le Pakistan, une pression croissante sur Taïwan, une situation en France crispée par le maintien d’une menace terroriste, l’armée de terre française veut s’adapter pour « faire face ».

Les conflits actuels témoignent d’une dynamique générale de robotisation et d’autonomisation des systèmes d’armement, à laquelle il faut être à la hauteur. « Notre mission n’est-elle pas de gagner la guerre avant la guerre » ? interroge le chef de l’armée de terre, le général Pierre Schill.  D’où l’urgence d’anticiper, et de prévoir la guerre du futur.

Une nécessité d’innovation et de réarmement

Dans l’amphithéâtre Foch de l’École militaire et devant des centaines d’officiers, industriels, journalistes et civils de la Défense, les officiers supérieurs se succèdent dans la prise de parole. Leur position est unanime : la France a pris du retard dans sa souveraineté stratégique, mais les moyens sont mis en œuvre afin de la résoudre. Et c’est urgent.

Alors que l’Ukraine vise à produire 4,5 millions de drones par an dans les années à venir, les derniers chiffres font état d’à peine 4000 drones à usage militaire en France. Devant l’omniprésence de ces drones dans les conflits, devenus déterminants, ces chiffres sont le reflet d’un retard stratégique accumulé ces dernières années, n’attendant qu’à être comblé. Et le ministère des armées, notamment à travers la DGA, s’y emploie résolument. Ses derniers résultats en témoignent.

Premièrement, la loi de programmation militaire 2024-2030 rehausse le budget alloué aux armées à 413 milliards d’euros, sur l’ensemble de ces années. Ensuite, la production d’armement s’accélère : la production des canons Caesar a été multipliée par deux, voire trois. Celle de ses munitions est passée de 30 000 à 60 000 par an. Dassault a hissé sa production de rafales d’un à trois par mois. En parallèle, le ministre des Armées Sébastien Lecornu a inauguré en mars dernier une ligne de production de poudre gros calibre pour les systèmes d’artillerie de l’usine Eurenco, à Bergerac. Et enfin, les programmes de modernisation s’accentuent. Scorpion, le système de combat aérien du futur (SCAF), le Main Ground Combat System (MGCS), le porte avion nouvelle génération (PA-NG), le pacte drones aériens de défense, visent tous multiplier et moderniser les systèmes de défense. Le Pacte drone, justement, réunit une centaine d’entreprises civiles et militaires autour d’un projet commun : l’émergence d’une filière dynamisant le développement et la production de drones de contact.

Tout cela est bien le signe d’une volonté d’acquérir et de développer une autonomie stratégique en matière de conception et de production d’armements. Un objectif : être à la hauteur des conflits de demain.

Co-Ho-Ma : coopération homme-machine

Si la tendance est davantage à la robotisation des combats et à la transparence du champ de bataille, l’homme continuera à prendre toute sa part dans les combats futurs. C’est l’avis du Commandement du combat futur, qui considère que le soldat aura à connaître des situations de stress extrême, et que préparer la guerre de 2040, c’est également préparer l’homme à absorber des charges cognitives immenses. C’est le tandem homme-machine, que le ministère s’efforce d’accroître. Le général Baratz précise justement « qu’il ne faut pas opposer la technologie et la masse, puisque nous avons besoin des deux », voyant en eux une forme de complémentarité.

Le triptyque forces – DGA – industrie : un levier essentiel

Le CICF représente une « occasion unique de dialogue entre les forces armées, la DGA et les industriels ». C’est ainsi que l’ancien numéro deux de l’armée de terre, le général Bernard Barrera a ouvert la table ronde réunissant le chef d’état-major de l’armée de Terre, Pierre Schill, Emmanuel Chiva, de la DGA, et le président du GICAT, Nicolas Chamussy, représentant la base industrielle et technologique de défense (BITF).

Les acteurs de la table ronde ont ainsi abordé la question du besoin fondamental de disposer de capacités importantes tout en maîtrisant les coûts. Cela ne se fera que par l’affermissement de la collaboration entre le monde de la défense et celui civil. La complexité de l’ère d’extrême modernisation entamée depuis peu obligera au renforcement de ces liens.

Ainsi, rassembler les représentants des forces armées terrestres, de la DGA et des industries de défense, c’est témoigner de l’existence d’une réflexion commune autour de ces enjeux. C’est montrer que les moyens mis en œuvre sont à la hauteur des ambitions affichées par les armées. Si cela prendra du temps, le CEMAT rassure : « Je ne vois aucune raison pour laquelle la France ne serait pas capable de répondre aux enjeux de demain ». Au délégué général pour l’armement, Emmanuel Chiva, de conclure : « Nous sommes capables de le faire ».

Anticiper et prévoir : une leçon de l’histoire

L’amiral Philippe de Gaulle, fils du général, se confiait à Sébastien Lecornu avant de s’éteindre en mars 2024 : « Il y a une question que je me pose encore, M. le ministre. Je vais bientôt mourir et il y a quelque chose que je ne m’explique toujours pas. Mais pourquoi a-t-on perdu en 40 ? ».

Une interrogation, plus de 80 ans après les faits, qui révèle sans doute un traumatisme demeuré ancré dans la mémoire des anciens. Les réponses à la défaite, elles, sont nombreuses. Un commandement qui peine à penser la guerre à mener. Un état-major incapable de s’adapter aux nouvelles formes de la guerre, loin des guerres de tranchées de la Grande Guerre. Un ennemi mieux préparé, qui a prévu et préparé le conflit.

Les responsables politiques et militaires français cherchent à tirer tous les enseignements de cette blessure française, en vue de forger les armées de demain.

Violences, menaces, bizutages : des militaires racontent l’enfer vécu au 8e RPIMa

Violences, menaces, bizutages : des militaires racontent l’enfer vécu au 8e RPIMa

Quatre anciens soldats du 8e RPIMa ont porté plainte, notamment pour violences volontaires et harcèlement moral, contre des cadres de ce régiment.

Par Clément Machecourt – Le point –

https://www.lepoint.fr/societe/violences-menaces-bizutages-des-militaires-racontent-l-enfer-vecu-au-8e-rpima-16-05-2025-2589736_23.php


Quatre anciens militaires du 8e RPIMa basé à Castres ont porté plainte contre 16 supérieurs, notamment pour violences et harcèlements. 
Quatre anciens militaires du 8e RPIMa basé à Castres ont porté plainte contre 16 supérieurs, notamment pour violences et harcèlements.  © FREDERIC SCHEIBER/SIPA / SIPA / FREDERIC SCHEIBER/SIPA

 

Des pratiques que le ministère des Armées condamne « fermement » et des comportements « totalement contraires à la mission et aux valeurs de l’Armée de terre ». France 2 et Le Parisien ont dévoilé jeudi 15 mai la plainte de quatre anciens militaires du 8e régiment parachutiste d’infanterie de marine (RPIMa) basé à Castres, déposée auprès du tribunal de Paris, qui comprend plusieurs faits graves : violences volontaires, harcèlement moral, menaces, mise en danger de la vie d’autrui et provocation au suicide. Engagées en 2021, les quatre jeunes recrues sont fières d’intégrer le 8e RPIMa, une unité prestigieuse de la 11e brigade parachutiste, régulièrement envoyée en opérations extérieures.

Mais rapidement, selon eux, les premières brimades arrivent. Âgé alors de 22 ans, l’un d’eux poste une photo de lui en uniforme sur les réseaux sociaux. Un comportement qui est interdit dans l’armée, mais qui va être sanctionné de la plus brutale des manières. « Mon chef nous a donné l’ordre de nous mettre en rang et, d’un coup, il est venu derrière, il m’a mis une balayette comme on dit. Il s’est mis sur moi, il a sorti un couteau et me l’a mis sous la gorge. À cause de tes photos, on peut retrouver ta p… de mère, ta p… de sœur », témoigne-t-il au micro de France 2.

Déployé en Roumanie en 2022 dans le cadre de la mission Aigle, il fait alors une tentative de suicide en ingurgitant des médicaments. L’un de ses camarades le trouve et prévient la hiérarchie. « L’adjudant est venu en courant. […] Il m’a mis une très grosse claque de toutes ses forces, je n’entendais plus rien », se remémore-t-il.

Seize supérieurs visés

Un soldat, qui assiste à la convocation d’un de ses camarades par trois de ses supérieurs, enregistre à leur insu la conversation : « Je vais t’éclater, tu te sentiras comme une merde et, ensuite, on va te dégager. Mais bien sûr qu’on en a après toi. Tu vas devenir la p… de la compagnie, et jusqu’à ce que j’en ai marre. » Il enchaîne en lui disant qu’il n’a qu’une option : déserter. Des échanges violents et dégradants, corroborés par d’autres témoignages anonymes. Sur les quatre militaires qui ont porté plainte, trois auraient effectivement déserté, le quatrième serait en arrêt maladie longue durée.

En tout, seize supérieurs (sous-officiers et/ou officiers) sont visés par les plaintes pour des faits compris entre 2021 et 2023. L’un d’eux, enregistré à son insu par France 2, nie toute forme de violence et explique : « C’est un problème de personnes. Il y a des gens qui ne sont pas faits pour être militaires, et d’autres qui sont faits pour l’être. C’est aussi simple que ça. ll faut comprendre quelque chose de simple : quand on se trompe dans notre métier, il y a des gens qui meurent, voire des copains, et du coup, on n’aime pas trop l’erreur. »

« Tolérance zéro »

De son côté, le ministère des Armées « prend très au sérieux ces accusations et rappelle sa politique de tolérance zéro vis-à-vis de ces pratiques qu’il condamne fermement ». « Dès connaissance des accusations, une enquête de commandement a été initiée pour établir les responsabilités. Si ces dernières sont avérées, des sanctions disciplinaires seront prononcées contre les responsables. »

À Découvrir Le Kangourou du jour Répondre Interrogée par Le Point, l’institution souligne que cette affaire ne concerne que quelques cadres dans une section, dont le comportement et l’attitude ne sont pas systématiques. Sur les 46 soldats engagés en 2021 dans cette section, seuls 16 sont encore présents. « Au-delà des faits, on peut aussi l’expliquer par des mutations, des fins de contrat ou des blessures, explique-t-on encore à Balard. Le taux de désertion au sein de la 11e brigade parachutiste n’est pas plus haut qu’ailleurs, c’est même plutôt la fourchette basse. »

« L’armée, ce n’est pas ça. Notre position est claire et constante : tolérance zéro », a réagi également le ministre des Armées, Sébastien Lecornu. Après un tardif #MeToo des Armées avec les témoignages de femmes victimes de violences sexistes et sexuelles, ces plaintes libéreront-elles la parole sur les bizutages dégradants et les violences gratuites qui font encore partie des « traditions » qui forgent « l’esprit de corps » des soldats ?

POLARIS : les forces en présence

POLARIS : les forces en présence

Par Vincent Groizeleau – Mer et Marien publié le 13/05/2025

La troisième édition de l’exercice majeur de préparation opérationnelle de la Marine nationale a débuté le lundi 12 mai. D’ici le 15 juin, POLARIS 25 va mobiliser, en Atlantique et en Manche, quelques 3000 militaires français et alliés, une grosse vingtaine de bâtiments de surface, des moyens sous-marins et 40 aéronefs. Avec cette année une forte dimension amphibie.

Entrainer les forces aux combats de haute intensité dans tous les milieux et face à tous les types de menaces, au travers de scénarios complexes inspirés de conflits récents, tout en mobilisant d’importants moyens et des innovations pour un réalisme maximal : c’est l’objectif de POLARIS, une nouvelle génération d’entrainement de grande ampleur imaginée par la flotte française pour préparer ses unités aux engagements armés d’aujourd’hui. Le nom de cet exercice est issu de l’acronyme « Préparation Opérationnelle en Lutte Aéromaritime Résilience, Innovation et Supériorité ». 

Initié en 2021 et organisé tous les deux ans, cet exercice, après deux éditions en Méditerranée, se déroule pour la première fois cette année autour de la façade atlantique. En plus de la France, neuf autres nations alliées participent à ces manœuvres : l’Allemagne, le Brésil, l’Espagne, les États-Unis, l’Italie, les Pays-Bas, le Portugal, le Royaume-Uni et la Suède. S’y ajoute l’une des forces navales permanentes de l’OTAN en Europe du Nord, le Standing Nato Maritime Group One (SNMG1). « L’exercice poursuit une logique de combat depuis les bases navales jusqu’à la haute mer, dans les conditions du réel. Le scénario permettra de se préparer aux spécificités du combat moderne, multimilieux et multichamps (c’est-à-dire alliant les aspects terrestre, maritime, aérien, cyber, les fonds marins, le cyberespace, l’espace, la guerre électronique ou encore le champ informationnel). Cette première édition en Atlantique se distinguera par sa durée et sa complexité. Objectifs : stimuler l’inventivité et la combativité des militaires et accroître leur résilience en durcissant leur préparation face aux défis d’aujourd’hui », explique le ministère français des Armées. Alors que deux flottes s’affronteront au large de la Bretagne, une grande liberté d’action sera laissée aux unités et il n’y aura pas de seconde chance. Comme dans la réalité, si un bateau est coulé, le jeu sera terminé pour lui. 

Le scenario portera sur une tentative de prise de contrôle d’un territoire allié par plusieurs pays hostiles. Dans la première phase de Polaris, du 12 au 26 mai, les « rouges » lanceront des actions hybrides offensives, notamment depuis la mer, contre des emprises militaires, avec un enjeu, pour le pays allié, de défendre ses bases navales et leurs approches, en l’occurrence celles de Brest et Cherbourg.   

 

 

La deuxième phase, du 27 mai au 15 juin, sera axée sur le combat aéromaritime, des forces navales rouges de premier rang (bâtiments de surface et sous-marin) se positionnant au large des côtes bretonnes, depuis le golfe de Gascogne et la Manche. Suivant le scénario, la France prend la tête d’une force internationale, avec pour objectif de débarquer des unités terrestres et aéromobiles au sud de la Bretagne afin d’appuyer le pays allié et contrer son invasion. Constitué en Atlantique, le groupe naval bleu sera articulé autour de cinq grands bâtiments de projection (dont deux porte-hélicoptères amphibies et deux transports de chalands de débarquement). Avant de projeter chars et soldats sur les plages bretonnes, probablement sur les côtes morbihannaises (une démonstration d’opération amphibie étant prévue préalablement au sud-ouest de l’Angleterre), la force bleue devra combattre les unités navales rouges pour gagner la maîtrise de l’espace aéromaritime, indispensable pour conduire une opération de débarquement. 

Les moyens engagés par la Marine nationale

Concernant les unités engagées dans POLARIS, pour la première fois, le porte-avions Charles de Gaulle, rentré récemment à Toulon après son déploiement dans la région Indopacifique, ne sera pas de la partie. Ce sera en revanche le cas du groupe aérien embarqué, avec des avions de combat Rafale Marine et un ou plusieurs avions radars Hawkeye, l’aéronautique navale française participant également avec des avions de patrouille maritime Atlantique 2, ainsi que des hélicoptères Caïman Marine et Dauphin embarqués sur différents bâtiments. 

 

223519 rafale landivisiau

© Mer Et Marine
Rafale Marine. 

 

160834 e-2c hawkeye

© Marine Nationale
Hawkeye. 

 

© Marine Nationale – Jean-Philippe Pons
Atlantique 2. 

 

© Marine Nationale
Caïman Marine survolant deux FREMM. 

 

© Marine Nationale – Charles Wassilieff
Hélicoptère Dauphin à bord d’un PHA. 

 

Les deux principaux bâtiments de la Marine nationale mobilisés pour cet exercice sont les porte-hélicoptères amphibies (PHA) Tonnerre et Dixmude avec leur batellerie, le premier ayant d’ailleurs participé en mars à un premier exercice d’opération amphibie « augmentée » grâce à l’emploi de différents types de drones. Un sous-marin nucléaire d’attaque (SNA), ainsi que trois frégates multi-missions (FREMM), dont une au sein du SNMG1, participent également, de même que la frégate légère furtive (FLF) Aconit, un patrouilleur de haute mer (PHM), le bâtiment d’expérimentation de guerre des mines (BEGM) Thétis, un bâtiment de soutien et d’assistance métropolitain (BSAM) et un bâtiment de soutien et d’assistance affrété (BSAA). S’y ajoutent des moyens de la Force des fusiliers marins et commandos (FORFUSCO) pour la première phase de l’exercice (actions hybrides) et deux sections de fusiliers-marins qui seront embarquées pour la seconde phase. La chaîne sémaphorique, les bases navales de Brest et Cherbourg ainsi que différents services et quatre états-majors (CECLANT, COMNORD, FRSTRIKEFOR et FORFUSCO) sont enfin impliqués. 

 

© Jean-Claude Bellonne
Le PHA Tonnerre quittant Toulon début mai pour rejoindre l’Atlantique. 

 

© Jean-Claude Bellonne
Le PHA Tonnerre quittant Toulon début mai pour rejoindre l’Atlantique. 

 

© Marine Nationale – Marie Bailly
Le PHA Dixmude. 

 

© Mer Et Marine – Vincent Groizeleau
Débarquement de troupes depuis un PHA via un engin de débarquement amphibie rapide (EDAR) lors d’un précédent exercice. 

 

© Tangui Saunier
La FREMM Nomandie. 

 

© Jean-Claude Bellonne
La FLF Aconit. 

 

© Giorgio Arra
Un PHM, ici le Commandant Blaison. 

 

69899 thétis

© Michel Floch
Le BRGM Thétis. 

 

© Marine Nationale – Marie Delannoy
UN BSAM et un SNA du type Suffren. 

 

© Marine Nationale – Jonathan Bellenand
Commandos marine. 

 

L’armée de Terre et l’armée de l’Air

Toujours côté français, l’armée de Terre engage un groupement tactique embarqué (GTE) avec soldats et véhicules, un sous-groupement d’aérocombat (S-GAM) comprenant des hélicoptères de manœuvre et d’attaque, un groupement de commandos amphibie (GCA), une unité de commandement et de soutien (UCS), ainsi qu’une unité de défense sol-air (DSA), l’état-major de ces forces terrestres étant fourni par la 9ème brigade d’infanterie de marine (BIMa). De son côté, l’armée de l’Air et de l’Espace aligne des avions de combat Rafale et Mirage 2000, des Alphajet, ainsi que des avions radar et de ravitaillement en vol AWACS et MRTT. 

 

© Armee De L’air Et De L’espace
Un AWACS de l’armée de l’Air. 

 

Les Britanniques

Les Britanniques viennent à POLARIS avec le transport de chalands de débarquement auxiliaire RFA Lyme Bay, le bâtiment de projection RFA Argus, une flottille de quatre patrouilleurs du type P2000, un avion de patrouille maritime P-8A Poseidon, ainsi que cinq hélicoptères (trois Merlin et deux Wildcat). S’y ajoute un commando de Royal Marines. 

 

190372 catamaran 2018 lyme bay

© Mer Et Marine- Vincent Groizeleau
Le RFA Lyme Bay, opérationnel depuis 2007, est l’un des trois bâtiments de ce type en service dans la Royal Fleet Auxiliary. Longs de 176 mètres pour un déplacement de plus de 16.000 tonnes en charge, ces TCD auxiliaire ont une importante capacité d’emport de matériel et de véhicules (150), ainsi que des logements pour 350 soldats en plus de leur équipage. Ils ne disposent cependant que d’un petit radier permettant de loger un seul chaland de débarquement. Une plateforme peut néanmoins être déployée sur tribord afin de réaliser des transfert de véhicules avec d’autres engins de débarquement. Ils peuvent accueillir un hélicoptère Chinook mais ne disposent pas de hangar. 

81483 royal navy argus

© Michel Floch
Le RFA Argus. Cet ancien porte-conteneurs lancé en 1981 a été acquis en 1984 par la marine britannique afin d’être converti en porte-aéronefs auxiliaire, suivant le retour d’expérience de la guerre des Malouines. Long de 175 mètres pour un déplacement de plus de 28.000 tpc, il pouvait recevoir des avions à décollage et appontage verticaux Harrier. Le RFA Argus peut embarquer jusqu’à 6 hélicoptères dans son hangar, ou bien des véhicules. 

 

© Royal Navy
Patrouilleur du type P2000. Une quinzaine d’unités de ce type sont en service dans la Royal Navy. Ces petits patrouilleurs de 21 mètres sont conçus pour les missions de surveillance et de formation. 

 

85279 royal navy merlin

© Royal Navy
Hélicoptère britanique Merlin. 

 

182809 wildcat

© Otan
Hélicoptère britannique Wildcat. 

 

Les Espagnols

Côté espagnol, l’Armada est présente avec le transport de chalands de débarquement Galicia, la frégate Cristobal Colon et un bataillon d’infanterie de marine. 

 

© Armada Espanola
Des fusiliers marins espagnols évoluant devant le TCD Castilla, jumeau du Galicia qui est engagé dans POLARIS. Mis en service en 1998, le Galicia mesure 160 mètres de long et affiche un déplacement de 13.800 tonnes à pleine charge. Il peut embarquer en plus de son équipage plus de 540 soldats, ainsi que 6 hélicoptères et près de 2500 tonnes de matériel, dont plusieurs dizaines de véhicules, y compris une trentaine de chars lourds. Les moyens terrestres sont débarqués au moyen de quatre chalands logées dans le radier. 

 

240209 espagne cristobal colon f100

© Jean-Claude Bellonne
Le Cristobal Colon, opérationnel depuis 2012, est la plus récente des cinq frégates espagnoles du type F100. Des bâtiments de 147 mètres et 6000 tpc disposant de lanceurs verticaux VLS Mk41 pour missiles surface-air SM-2 et ESSM (48 cellules), une tourelle de 127 mm, deux canons de 25 mm, quatre tubes pour torpilles Mk32. Ils peuvent en outre embarquer un hélicoptère. 

 

Les Italiens

L’Italie participe avec le Pattugliatore Polivalente d’Altura (PPA) Giovanni Delle Bande Nere et une unité d’infanterie de marine. 

 

© Giorgio Arra
Le PPA italien Giovanni Delle Bande Nere. Ce bâtiment de 143 mètres et 6200 tpc, du gabarit d’une frégate de premier rang, est la quatrième de sept unités de ce type commandées par la marine italienne. Mis en service fin 2024, il peut embarquer deux hélicoptères. Son armement comprend 16 missiles surface-air Aster 15 et Aster 30 (y compris la version Block 1), deux lanceurs triples pour torpilles MU90, une tourelle de 127 mm, un canon de 76 mm, deux affûts téléopérés de 25 mm et des mitrailleuses manuelles. Le Giovanni delle Bande Nere pourra également mettre en oeuvre 8 missiles antinavires Teseo Mk2/E. 

 

Les Néerlandais

Les Pays-Bas participent avec la frégate Van Amstel. 

 

265038 pays bas neerlandais van speijk 2012

© Mer Et Marine – Vincent Groizeleau
La frégate néerlandaise Van Speijk, sistership du Van Amstel allant participer à POLARIS. Ces deux dernières frégates du type M encore en service dans la Koninklijke Marine mesurent 122 mètres de long et affichent un déplacement de 3300 tpc. Leur armement comprend notamment un système surface-air Sea Sparrow (16 missiles en cellules de lancement vertical), une tourelle de 76 mm, un système multitubes Goalkeeper, de l’artillerie légère et quatre tubes pour torpilles Mk32. Elles peuvent embarquer un hélicoptère. 

 

Les Américains

Les États-Unis sont présents avec une compagnie d’appui feu aérien de l’US Marine Corps, ainsi qu’un avion de patrouille maritime P-8A Poseidon. 

 

30709 p-8 poseidon

© Boeing
P-8A Poseidon de l’US Navy. 

 

Les Brésiliens

Le Brésil vient avec une section de fusiliers-marins. 

Le groupe naval de l’OTAN

Enfin, côté OTAN, le SNMG1 comprend, en plus d’une FREMM française, la frégate néerlandaise De Ruyter, la frégate portugaise Bartolomeu Dias et le ravitailleur allemand Rhön. 

 

© Fabien Montreuil
La frégate de Ruyter. Troisième des quatre unités néerlandaises du type De Zeven Provincien, cette unité de 144 mètres et 6000 tpc, en service depuis 2004, est plus particulièrement dédiée à la lutte antiaérienne. Elle dispose de lanceurs verticaux VLS Mk41 permettant de loger 32 missiles surface-air SM-2 et 32 ESSM. Alors que les 8 anciens missiles antinavire Harpoon vont être remplacés par des NSM, la frégate dispose d’une tourelle de 127 mm, un système multitubes Goalkeeper et quatre tubes pour torpilles Mk32. Elle peut également embarquer un hélicoptère. 

 

© Jean-Claude Bellonne
La frégate portugaise Bartolomeu Dias, mise en service en 1994, est l’une des deux anciennes frégates du type M acquises en 2006 par le Portugal. Long de 122 mètres pour un déplacement de 3300 tpc, ce bâtiment peut mettre en oeuvre 8 missiles antinavire Harpoon, un système surface-air Sea Sparrow (16 missiles en cellules de lancement vertical), une tourelle de 76 mm, un système multitubes Goalkeeper, de l’artillerie légère, quatre tubes pour torpilles Mk32 et un hélicoptère.   

 

175450 brillant mariner 2017 allemagne rhon

© Mer Et Marine – Jean-Louis Venne
Le ravitailleur allemand Rhön. En service depuis 1974, ce bâtiment de 130 mètres et 14.200 tpc peut regarnir les soutes à combustible de deux unités de combat simultanément.