La maintenance dans une opération d’envergure, enjeu majeur de l’économie de guerre (II de III)

La maintenance dans une opération d’envergure, enjeu majeur de l’économie de guerre (II de III)



Par le Chef d’escadron Thomas Arnal, officier de l’arme du Matériel et Ecole de guerre – Terre –  Partie II :  de la prise de conscience au changement de paradigme

Pour participer au développement de l’économie de guerre, le MCO-T a déjà identifié des blocages structurels et bénéficie de premières actions prometteuses grâce à un volontarisme législatif et à l’innovation technologique.

 

Un changement de paradigme qui s’impose

La volonté politique d’entrer en économie de guerre est freinée par les difficultés structurelles de la BITD : frilosité des investisseurs et défaut d’attractivité du secteur. En mai 2023, une commission sénatoriale a publié un rapport d’information sur ce sujet1. Les entreprises du secteur défense y déplorent un accès au financement bancaire compliqué, mais difficilement quantifiable. Techniquement, les banques n’ont pas d’obligation à motiver un refus. Si une justification est apportée, celle-ci repose souvent sur des arguments financiers (structure bilancielle de l’entreprise, viabilité ou rentabilité du projet, etc.). Pour autant, il faut concéder que les cycles industriels sont aujourd’hui difficilement compatibles avec l’horizon financier du capital-investissement. Certains groupes bancaires (HSBC par exemple) rejettent purement et simplement le domaine de la défense de leur politique d’investissement. Dans le secteur public, la banque européenne d’investissement (BEI) ne finance plus les munitions, matériels et infrastructures militaires. Une décision qui ne découle ni du droit primaire, ni du droit dérivé, ni même des statuts de la BEI.

Ces difficultés touchent principalement les petites et moyennes entreprises (PME), ainsi que les opérations d’export. Cette frilosité s’étend par ricochet à d’autres secteurs, tels les assureurs refusant de couvrir certaines entreprises, les développeurs d’assurer la maintenance de sites internet, ou encore les bailleurs immobiliers de louer des bureaux. Ces situations marginales semblent révéler une tendance de fond, qui assimile industrie de défense et activités controversées par deux aspects : la conformité et la réputation. La multiplication de règles et normes dans le domaine de la défense – sans compter les exigences environnementales et sociales – poussent les financeurs à la « sur-conformité » et au refus. Le risque lié à la réputation pousse par ailleurs les investisseurs à imposer une politique restrictive vis-à-vis des entreprises de défense. Le déclin d’attractivité engendré a fragilisé le consensus de l’utilité sociale d’une BITD robuste et souveraine, tout en repoussant les jeunes talents français vers d’autres secteurs ou vers l’étranger.

Les rapporteurs de l’information parlementaire proposent quatre axes pour réduire ces difficultés structurelles :

  • établir un diagnostic (bilans annuels à organiser) ;
  • encourager les banques à s’engager au côté de la BITD, notamment en imposant la justification des refus de financement, en développant la communication interne sur l’importance du secteur défense pour l’économie nationale, ou encore en allégeant les procédures de vérification ;
  • développer le volontarisme au niveau européen par la révision de la « doctrine » de la BEI, la vigilance interministérielle sur les projets de textes potentiellement contraignants pour la BITD, etc.
  • renforcer l’accompagnement public des entreprises de la BITD avec le référencement des surtranspositions de textes européens contraignantes2, l’accompagnement financier pour certains marchés, la constitution de fonds d’investissement privés dans le secteur de la défense, voire la création de référents défense régionaux dans le secteur bancaire.

 

Le dépoussiérage en cours du concept de réquisition

La réquisition militaire est liée au concept d’économie de guerre. Le code de la défense précise « qu’en cas de mobilisation de l’armée de terre, le ministre de la défense détermine la date à laquelle commence, l’obligation de fournir les prestations nécessaires pour suppléer à l’insuffisance des moyens ordinaires de l’armée de terre »3. Ces réquisitions sont limitées par le cadre militaire et ne peuvent être ordonnées qu’à défaut de tout autre moyen adéquat disponible.

En juillet 2022, la direction des affaires juridiques (DAJ) du secrétariat général pour l’administration (SGA) avait proposé la rénovation du régime de réquisitions, qui date de 1959, d’où le décret sur le sujet adopté en mars dernier. En effet, les conditions de mise en œuvre peuvent gagner en simplification (réécriture synthétique), en proportionnalité (subsidiarité entre réquisition et commande publique), en clarification (cas d’usage : menace pour la sécurité nationale ou pour ses intérêts) et en portée (biens, services ou personnes concernés, neutralisation des droits de grève et de retrait, principe de rétribution après une réquisition)4.

Pour le MCO-T, la réquisition peut concerner du personnel, des matériels, des infrastructures, de l’outillage ou des moyens de stockage pour combler les manques patrimoniaux (pour équiper la division HEM, renforcer le territoire national et compléter les moyens de la BITD). Un dispositif d’intelligence économique renforcé permettrait la cartographie des réquisitions potentielles en cas de crise. Actuellement, il s’agit d’une surveillance conjointe SIMMT/DGA de la BITD et de leurs principaux fournisseurs. Pour la DGA, cette tâche est dévolue au service des affaires industrielles et de l’intelligence économique (S2IE). A la lumière du manque de profondeur logistique constaté, l’actualisation du concept de réquisition va donc dans le sens de l’économie de guerre.

 

Les travaux de la SIMMT avec la BITD

Le MCO constitue une source importante de financement et d’activités sur le long terme pour la BITD. La stratégie de soutien d’un programme d’armement définit un effort dans la durée pour l’industriel. Ainsi, la constitution de stocks de rechanges par la commande publique participe au renforcement des entreprises, permet l’entretien de compétences industrielles et contribue à la résilience industrielle française. L’absence de commandes régulières d’un rechange peut à l’inverse conduire à son obsolescence par perte de savoir-faire, de stock ou de matières premières.

La crise du COVID a permis de prendre conscience des faiblesses industrielles de la France. Cet épisode a révélé les fragilités de nos entreprises : tensions et perte de compétences faute de commandes, concurrence extra-européenne agressive avec la question de l’extraterritorialité du droit américain par exemple (la norme ITAR – International Traffic in Arms Regulation – autorisant Washington à s’opposer à l’exportation d’un système d’armes contenant au moins un composant américain), cyber-menaces, besoins d’une cartographie détaillée des fournisseurs et importance des stocks5. Cependant, la BITD terrestre a pu être partiellement renforcée par des commandes massives de pièces de rechange par la SIMMT, qui a ensuite imposé un droit de regard sur le dimensionnement des chaînes d’approvisionnement des entreprises6.

Au-delà de ces travaux d’intelligence économique, d’autres actions ont été initiées. La SIMMT se tourne vers l’innovation technologique pour optimiser les activités de maintenance et limiter la dépendance à des stocks indisponibles immédiatement. Parmi les pistes prometteuses, la maintenance prédictive, c’est-à-dire l’analyse par une intelligence artificielle des données collectées, permet de suivre l’évolution de l’état du matériel et de détecter pannes et casses avant qu’elles ne surviennent. Mais aussi, l’impression 3D : la SIMMT a ainsi développé avec la DGA la fabrication additive de rechanges en polymère. L’impression métallique, déjà opérationnelle dans d’autres forces armées alliées, permet un changement d’échelle, tout en constituant un atout pour limiter les empreintes logistique et écologique d’une force déployée. La rémunération de la propriété intellectuelle des entreprises est prise en compte, notamment par un système de block chain.

Dans le domaine des ressources humaines, la création de la réserve industrielle de défense (RID) en octobre 2023 va également dans le sens de l’économie de guerre. Ce système permet de renforcer l’industrie d’armement en cas de crise majeure. L’objectif fixé pour 2030 est d’atteindre trois mille RID. Ces réservistes ont vocation à être déployés au sein des entreprises de la BITD, du service industriel de l’aéronautique (SIAé), du service de la maintenance industrielle terrestre (SMITer), du service logistique de la marine (SLM) ou du service interarmées des munitions (SIMu).


Notes de bas de page : 

 1 Voir : Renseignement et prospective : garder un temps d’avance, conserver une industrie de défense solide et innovante >>> https://www.senat.fr/rap/r22-637/r22-637-syn.pdf.
NDLR : « [On] parle (…) de « surtransposition » pour désigner [un] différentiel proprement national à la règle européenne, différentiel susceptible de créer une distorsion concurrentielle qui porte préjudice aux opérateurs économiques français » >>> Voir sur ce sujet le rapport d’information n° 614 (2017-2018) du Sénat déposé le 28 juin 2018 et intitulé « La surtransposition du droit européen en droit français : un frein pour la compétitivité des entreprises » (https://www.senat.fr/rap/r17-614/r17-6141.html)
3 Article L2221-2 du Code de la défense.
4 Partie normative de la LPM : réquisitions ; BITD (note n°0001D22013106 ARM/SGA/DAJ du 21/07/2022).
5
Article OPEX360.com du 18/11/2020 : https://www.opex360.com/2020/11/18/le-terme-de-stock-est-aujourdhui-presque-un-gros-mot-deplore-le-chef-detat-major-de-larmee-de-terre/
6 Rapport d’information de la commission de la défense nationale et des forces armées de l’Assemblée Nationale sur la préparation à la haute intensité du 17/02/2022 : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion_def/l15b5054_rapport-information#

 

Photo : innovation technologique du MCO-Terre Lab avec l’introduction de la réalité augmentée depuis 2020 dans les 6e et 8e Régiments du matériel avec le système Dedal et les lunettes Holo-Dedal © armée de Terre, photo diffusée en ligne le 24 mai 2022 (https://www.defense.gouv.fr/terre/linnovation-a-lheure-numerisation/au-service-maintenance)

La maintenance dans une opération d’envergure, enjeu majeur de l’économie de guerre (I de III)

La maintenance dans une opération d’envergure, enjeu majeur de l’économie de guerre (I de III)

Par le Chef d’escadron Thomas Arnal – OPS – publié le 15 avril 2024

https://operationnels.com/2024/04/15/la-maintenance-dans-une-operation-denvergure-enjeu-majeur-de-leconomie-de-guerre-i-de-iii/

Par le Chef d’escadron Thomas Arnal, officier de l’arme du Matériel et Ecole de guerre – Terre –  Partie I :

 

Le constat d’un manque de profondeur logistique

Le commandant Thomas Arnal est saint-cyrien (promotion CES Francoville) et officier de l’arme du Matériel. Il a servi successivement au 3e régiment du Matériel, au 2e régiment de parachutistes d’Infanterie de marine, au 8e puis au 6e régiment du Matériel. Il a été projeté au Tchad, au Mali et au Liban. Affecté en 2020 au centre opérationnel de la Structure Intégrée du Maintien en condition opérationnelle des Matériels Terrestres (SIMMT), il a développé les échanges et la coordination avec les industriels de défense pour le soutien MCO-T des opérations et de l’hypothèse d’un engagement majeur.

Dans cet article rédigé dans le cadre de la formation qu’il effectue actuellement au sein de l’Ecole de guerre-Terre et que nous diffusons en trois parties, il décrit la fragilisation du niveau de soutien nécessaire à la conduite d’une opération d’envergure contre un ennemi à parité et le « manque d’épaisseur logistique de l’armée de Terre ». Ainsi, « la maintenance des matériels militaires en constitue un des aspects essentiels pour hausser la disponibilité des équipements majeurs et régénérer pour pallier l’attrition. Composante essentielle d’une économie de guerre, la constitution de stocks de pièces et l’anticipation des montées en cadence doivent être initiées dès maintenant et soutenues dans la durée par un effort financier à la hauteur de l’enjeu. »

Une stratégie que le gouvernement français a commencé à mettre en œuvre sous l’appellation générale d’« économie de guerre » depuis près de deux ans – avec en particulier le décret récemment adopté « relatif à la sécurité des approvisionnements des forces armées et des formations rattachées »1 – et dont les initiatives commencent à porter leurs fruits, si l’on en juge par exemple par le triplement des cadences de production chez Nexter (pour le canon Caesar) ou Dassault Aviation (pour le Rafale).

De nombreux événements récents ont mis en exergue le manque de profondeur logistique de l’armée de Terre, qu’il s’agisse de la crise du COVID, de l’exercice de montée en puissance de l’armée de Terre (MEPAT) organisé en mai 2022, de notre projection de force en Roumanie, de l’exercice ORION 2023, ou encore des désengagements successifs du continent africain. Le domaine du maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres (MCO-T) – que l’on peut définir comme étant une sous-fonction logistique ayant pour but la conservation ou le rétablissement du fonctionnement nominal d’un matériel et incluant l’entretien et la réparation des matériels, l’approvisionnement, la livraison et la distribution des rechanges, la récupération et l’évacuation des chutes tactiques et techniques amies, ainsi que l’élimination de certains matériels – est de fait particulièrement concerné.

Dans le cadre d’une opération d’envergure, il s’agit de relever l’ambition opérationnelle fixée pour 2027 : la constitution, la projection et l’entretien dans la durée d’une division (avec ses appuis et soutiens) en trente jours. Pour rappel, l’opération d’envergure, encore récemment décrite comme hypothèse d’engagement majeur (HEM), définit un engagement terrestre volumineux (niveau division, voire au-delà) en coalition internationale face à un ennemi à parité. Un tel scénario est caractérisé par une forte attrition (matérielle et humaine) lors des phases de combat de haute intensité.

Après des décennies de réductions budgétaires et de politique logistique de flux plutôt que de stock, il semble difficile sur le court terme de satisfaire cette ambition. Pour autant, les crises multiples auxquelles le pays est confronté ont fait réémerger le concept d’économie de guerre. En juin 2022, le Président Macron expliquait que la France et l’Union européenne étaient entrées dans « une économie de guerre dans laquelle (…) nous allons durablement devoir nous organiser »2. Cette déclaration appelait au renforcement de l’industrie de défense tant française qu’européenne au regard des besoins militaires accrus mis en lumière par la guerre russo-ukrainienne. Cette prise de conscience politique fait écho au constat logistique fait par l’armée de Terre.

L’économie de guerre désigne une situation dans laquelle l’appareil productif national est dédié en priorité aux besoins de la guerre, possiblement par prélèvement autoritaire (réquisitions, livraisons obligatoires, etc.). Dans ce contexte, le MCO-T est déterminant, car il permet d’agir sur l’endurance industrielle, indispensable au soutien d’une opération d’envergure sur la durée.

 

I – Le constat d’un manque de profondeur logistique

Le MCO-T fait face à trois défis : générer la force, la soutenir et la régénérer :

• La génération de force implique de nombreuses actions : identifier les matériels à projeter, les affecter aux unités concernées, remonter la disponibilité des parcs, constituer les stocks de pièces de rechange et éventuellement une réserve de maintenance, regrouper les ressources, contrôler/réparer les matériels avant leur projection, désigner et équiper les maintenanciers projetés sur le théâtre (outillage technique notamment).

• Le soutien de l’engagement consiste à réparer les matériels indisponibles (pannes techniques et destructions par l’ennemi) dans les différentes zones d’opération. Cela concerne également le remplacement des matériels endommagés par des matériels en bon état en provenance de la zone arrière (réserve de maintenance de théâtre).

• La régénération de la force est un défi industriel national qui se joue principalement sur le territoire national. Il englobe les actions de production, de réparation lourde et d’acheminements (boucles arrière et avant). Elle concerne des acteurs tant étatiques que privés et relève directement de la Base industrielle technologique de défense (BITD) et de l’économie de guerre.

Ces trois défis se fondent sur plusieurs constats : le retour d’expérience (RETEX) des exercices récents MEPAT 2022 et ORION 2023, ainsi que sur l’écart entre la facture logistique d’une « division engagement majeur » et l’état réel des stocks détenus.

 

MEPAT : le retour d’une véritable planification de la montée en puissance

L’Etat-major de l’armée de Terre (EMAT) a organisé en mai 2022 une simulation de la manœuvre de montée en puissance de l’armée de Terre (MEPAT) pour répondre au défi d’un engagement majeur. Le scénario faisait de la France la nation cadre d’une coalition. Le RETEX démontre un défaut de profondeur logistique, accentué par des fragilités capacitaires. Cela se traduit par une armée de Terre à la fois limitée par un format strictement adapté à la gestion de crise, par des stratégies d’externalisation notamment en matière d’acheminement stratégique, (c’est-à-dire l’ensemble des actions de transport entre le territoire national et le théâtre d’opération) et la concurrence économique internationale en situation de crise (rareté des ressources et prédations).

L’enjeu principal de la MEPAT est la réactivité. L’armée de Terre doit disposer au bon moment des bonnes ressources en quantité suffisante, ce qui implique anticipation et souplesse. Pour le MCO-T, les stratégies de soutien actuelles semblent trop rigides pour remplir cet objectif (format, délais, volume financier alloué). Les procédures dérogatoires et les contrats de soutien doivent donc gagner en souplesse. Les mécanismes actuels de mobilisation et de réquisition ne sont en outre pas assez performants. Pourtant, le recours impératif à des moyens extérieurs est l’un des premiers enseignements du wargame.

Enfin, la MEPAT est subordonnée à la remontée de la disponibilité technique des matériels. Cela implique une remontée en puissance préalable de la base industrielle et technologique de défense (BITD). Mais elle ne vit pas au même rythme que l’armée de Terre. La réactivité est donc un des enjeux de l’économie de guerre. Il s’agit de constituer des stocks préalables et de réaliser des réquisitions planifiées. Cette anticipation ne doit pas attendre le « top départ » d’une montée en puissance à six mois au déclenchement d’une crise.

C’est pourquoi le nouveau référentiel opérationnel (NRO) fixé par la loi de programmation militaire (LPM) 2024-2030 établit un délai de trente jours pour déployer une division à horizon 2027. L’armée de Terre doit donc disposer de leviers successifs pour chaque étape de ce scénario. Chaque levier serait caractérisé par des budgets dédiés, des commandes industrielles, des réquisitions de moyens privés et par l’abaissement de blocages juridiques ou administratifs propres au « temps de paix ». Le travail du secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) sur les stades de défense (STADEF) va dans ce sens.

 

ORION 2023 : un rééquilibrage entre soutien et besoins opérationnels à revisiter

Concrétisation d’un entraînement d’envergure, l’exercice ORION fut l’un des évènements majeurs de 2023 pour l’armée de Terre. Il visait plusieurs objectifs : entraînement des forces terrestres, intégration de nations alliées, démonstration capacitaire dissuasive et établissement d’une « photographie instantanée » de nos capacités opérationnelles. S’il a confirmé la pertinence du modèle complet de l’armée de Terre, ORION en a aussi illustré certaines insuffisances capacitaires. Ces fragilités entraînent une autonomie limitée et une dépendance envers les nations alliées. Elles sont à même de fragiliser l’ambition nationale d’assumer le rôle de cadre dans un engagement en coalition.

ORION a également démontré les limites de la politique des parcs et des stratégies actuelles de soutien des matériels terrestres. La logique de densification des parcs régimentaires initiée en 2020 va dans le sens de l’ambition haute intensité. Le choix français d’une armée de Terre « échantillonnaire » permet en théorie de disposer d’une base de départ polyvalente avant une phase de massification par montée en puissance (sous réserve de délais, de financement et d’atouts industriels préalables).

Pour autant, les matériels majeurs du segment de décision (VBCI et char LECLERC) sont contraints par des impératifs liés aux marchés de soutien en service (MSS), ce qui implique le maintien d’un parc d’entraînement (PE) conséquent. Le principe du PE est de fournir aux unités en préparation opérationnelle dans les camps de manœuvre des matériels majeurs dédiés afin de conserver le potentiel de leurs propres matériels régimentaires. Ces marchés s’avèrent rigides dans l’anticipation de la consommation annuelle.

Pour l’armée de Terre, il s’agit donc de revoir ces stratégies et de définir l’équilibre entre socle de soutien industriel, niveaux des stocks et évolution du besoin en potentiels. Illustration de la limitation actuelle des ressources, la phase 4 d’ORION a non seulement vu le déploiement de vingt-trois XL et quarante-cinq VBCI, soit quatre fois moins que l’effectif théorique d’une division blindée, mais il faut garder à l’esprit que ledit déploiement des XL pendant deux semaines a à lui-seul représenté 40% des heures de potentiel annuel prévues en métropole par la Loi de programmation militaire (trois mille deux-cent-vingt-cinq heures sur huit mille).

Enfin, ORION a souligné l’impératif de consolider les données logistiques en haute intensité. Les limites de l’exercice n’ont pas permis l’emploi massif des ressources « consommables » d’une division (notamment les pièces de rechange pour le MCO-T). Pour autant, cet exercice a confirmé la nécessité de réévaluer les lois de consommation, ainsi que de constituer une base de données unique, partagée et accessible. Celle-ci est primordiale pour la constitution de stocks logistiques adaptés à une opération d’envergure.

 

L’état des stocks face à la « facture logistique » d’une division HEM

En avril 2023, la structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres (SIMMT) a mené un exercice de planification avec les acteurs étatiques et privés (notamment les entreprises ARQUUS, NEXTER, THALES et NSE) du MCO-T. Il s’agissait d’une réflexion commune sur la montée en puissance industrielle nécessaire à un conflit de haute intensité, sur le scénario de la MEPAT.

Ces travaux mettent en lumière des stocks limités à la gestion de crise et difficiles à reconstituer. Sans entrer dans le détail de données classifiées, les taux de réalisation des stocks nécessaires à une division à une opération d’envergure, donc calculés à partir du contrat opérationnel fixé à l’armée de Terre, demeurent faibles. La reconstitution de stocks pour le MCO-T représente un effort élevé sur les plans budgétaires et logistiques. Cet investissement permettrait pourtant d’augmenter la capacité de production de la BITD et de gagner des délais sur la MEPAT en cas d’opération d’envergure. Ces besoins demeurent semble-t-il sous financés à ce stade par la LPM 2024-2030.

Au-delà du coût, les délais de production semblent également incompatibles avec l’ambition opérationnelle fixée pour 2027. Dans l’éventualité d’un déblocage en urgence de budgets dédiés, les délais de constitution des stocks s’avèreraient à ce jour inadaptés à l’objectif de projection en trente jours. Les délais de constitution de lots de rechanges de projection (LRP) par les industriels se comptent en effet en mois, un minimum de deux années étant généralement de mise et ce, sans compter avec les aléas dûs aux obsolescences de rechanges ou aux éventuels problèmes d’approvisionnement côté fournisseurs.

La BITD terrestre, actuellement structurée pour répondre aux justes besoins de la situation opérationnelle de référence (SOR), ne semble pas en mesure de soutenir une opération d’envergure, et encore moins dans la durée. Ce constat posé, il est intéressant d’étudier les premières mesures concrètes permettant potentiellement de dépasser ce blocage et de façonner une industrie de défense « prête à la guerre ».


Notes de bas de page :

1 Décret n° 2024-278 du 28 mars 2024 >>> https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000049339435

2 Voir par exemple : article du Monde du 13/06/2022 : « Economie de guerre » : Emmanuel Macron demande une réévaluation de la loi de programmation militaire.

Photo © formation des rames pendant Orion 2023, armée de Terre, 16 février 2023 (https://www.defense.gouv.fr/operations/actualites/orion-2023-montee-puissance-unites.

Un potentiel militaire amoindri

Un potentiel militaire amoindri


Olivier Passet
(*) – Esprit Surcouf – publié le 19 avril 2024

Directeur de la recherche, Xerfi

https://espritsurcouf.fr/defense_un-potentiel-militaire-amoindri_par_polivier-passet/


Même si les dirigeants européens semblent vouloir rattraper le temps perdu, il n’en demeure pas moins, selon l’auteur, que la situation globale de l’industrie de Défense, en France comme chez nos partenaires majeurs, relève de retards et de lacunes accumulées au gré des décennies passées.

Le réveil est tardif, révélant au grand jour les failles militaires européennes. En dépit des effets d’annonce, la défense n’est pas qu’affaire de flux de dépenses. Ce sont d’abord des capacités humaines et technologiques qui comportent une forte inertie. Il ne suffit pas d’augmenter les dépenses d’un pourcentage à plus de deux chiffres comme depuis 2022 pour redresser une situation. Des décennies de sous-investissement, en matériel, en R&D, en homme, cela ne se corrige pas en l’espace de quelques trimestres car c’est tout un système qui doit changer d’échelle.

Un passé de désengagement

La déficience européenne est palpable à tous les niveaux de la chaîne militaire :

  1. Du côté des capacités de production de matériel, fragmentées, sous-dimensionnées en cas de conflit de haute intensité, chacun jouant sa partition nationale. L’incapacité de l’Europe à fournir 1 million d’obus à l’Ukraine d’ici le printemps a révélé la difficulté de la zone à produire un effort de guerre. Elle n’a tenu à ce jour que 30% de l’objectif fixé il y a un an et s’en approchera au mieux de 50%.
    2. Du côté des forces matérielles et humaines mobilisables adaptées à chaque type de conflit.
    3. Du côté de la coordination. L’Europe est toujours très loin d’un objectif de mutualisation, aussi bien au plan de la production, du commandement, des standards matériels et des formations.
    4. Du côté enfin de la compétition technologique que se livrent les puissances et qui appellent à de nouvelles solutions offensives et défensives à haute intensité de R&D.

En vérité, l’Europe a baissé la garde depuis la fin de la guerre froide, persuadée qu’elle était définitivement à l’abri des conflits de haute intensité sur son territoire. Les dépenses publiques dédiées à sa défense sont édifiantes. Elles n’ont cessé de décroître tout au long des années post-guerre froide, pour ne plus représenter que 1,3% du PIB au milieu des années 2010. Et les quatre principales puissances de l’UE, France, Allemagne, Italie et Espagne, ont été motrices dans ce reflux, puisque leur part dans le total européen n’a cessé de refluer en représentant moins des deux tiers aujourd’hui.

L’Allemagne démissionnaire

Et parmi ces quatre pays, l’Allemagne est de loin le pays le plus démissionnaire, tirant la moyenne européenne vers le bas, donnant la priorité aux objectifs de rationalisation budgétaire et concevant son industrie d’armement comme un levier d’exportation et de concurrence intra-européenne. La France pour sa part peut revendiquer un effort plus soutenu, proche du seuil des 2%. Mais en vérité, ayant le monopole de la dissuasion nucléaire au sein de l’UE, et ayant développé des moyens de projection à l’étranger son budget est structurellement augmenté par ces deux éléments. Une décomposition plus fine de ses dépenses publiques permet de mettre le doigt sur la grande faille de l’armée française. Ayant abandonné la conscription en 1997 et revendiqué la bascule sur une armée de métier, le pays pivot de la défense européenne aurait dû mettre à profit cette séquence pour équiper son armée. Or les économies opérées en matière de rémunération ou d’autres frais de fonctionnement n’ont pas été converties en équipement.

Le sous-investissement, une faiblesse structurante

Et c’est précisément là où la défaillance européenne est la plus palpable. Son retard n’est pas humain. En effectifs, l’UE tient la comparaison avec les grandes puissances. En revanche, elle a accumulé des années de sous-investissement au nom de la raison financière. Le fossé est flagrant avec les États-Unis. Et ce sous-investissement a eu des conséquences en chaîne sur l’appareil productif européen, doublement pénalisé par le fractionnement et la faiblesse de la commandite publique.

Face à ce déficit de demande domestique, les grands groupes de l’armement européen se sont de plus en plus tournés vers l’exportation. À l’instar de la France, dont la part de production exportée est passée de 8% dans les années 1960, à 15% dans les années 1970, puis à près de 30% en 2021… une dépendance croissante aux exportations du modèle industriel sous-jacent à la défense européenne, problématique en termes de sécurité et des nœuds de contrat qui freinent aujourd’hui l’approvisionnement ukrainien.

Fractionnement, sous-dimensionnement, concurrence, externalisation et extraversion sur les marchés étrangers, c’est le résultat d’une commandite publique dépourvue de stratégie. Une déficience qui se double d’un sous-investissement dans la R&D militaire, avec un rapport de 1 à 4 entre l’Europe et les États-Unis en proportion du PIB. En dépit d’une hausse de 23% de ses dépenses militaires en l’espace de 2 ans, l’UE est encore loin de la cible des 2% du PIB liée à ses engagements auprès de l’Otan, et au-delà, c’est son complexe militaro-industriel qui reste à bâtir.

Article paru sur Xerfi Canal, le 6 mars 2024.


(*) Olivier Passet, titulaire d’un D.E.A « Monnaie, Finance, Banques », est diplômé de l’Institut d’Etudes Politiques de Paris (option Service Public). Chargé de mission puis chef du service économique et financier international du Commissariat général du Plan (2000-2006), il est ensuite chef du service Économie-Finances du Centre d’analyse stratégique auprès du Premier Ministre (2006-2011) et conseiller au Conseil d’analyse économique. En septembre 2012, il rejoint le Groupe Xerfi comme directeur des synthèses économiques

Armement : la fabrication de poudre relancée en France

Armement : la fabrication de poudre relancée en France

À la traîne sur la production de poudre, la France a décidé d’ouvrir une nouvelle poudrerie à Bergerac, en Gironde. Une usine destinée, notamment, à fournir le front ukrainien et à renflouer les stocks de l’armée française.

© Scott Peterson – La poudre permet aux soldats ukrainiens de projeter leurs obus en direction des positions russes.

https://www.capital.fr/economie-politique/armement-la-fabrication-de-poudre-relancee-en-france-1495275


Alors que l’Iran a attaqué Israël à l’aide de 200 drones et missiles, dans la nuit de samedi à dimanche, et que la Russie poursuit son offensive en Ukraine, la communauté internationale craint une nouvelle escalade. C’est dans ce contexte que la France relance son intérêt pour la poudre. En effet, une nouvelle poudrerie est en construction à Bergerac, dans le département de la Dordogne, rapporte Franceinfo. Du matériel militaire indispensable pour pouvoir alimenter les canons en obus.

Pour pouvoir honorer, notamment, l’aide promise à l’Ukraine pour défendre ses positions face au Kremlin, l’armée française doit pouvoir produire plus et les objectifs de production ne sont pas encore atteints. «On a tous fait le constat que si on voulait aller plus vite, sécuriser, il fallait qu’on maîtrise la totalité du processus», a affirmé Emmanuel Macron à la chaîne, alors qu’il posait la première pierre de l’usine sur le site Eurenco, jeudi 11 avril. Depuis quelques années, la poudre était pourtant beaucoup moins plébiscitée et la dernière poudrerie girondine a fermé ses portes en 2007. La production avait alors été délocalisée en Suède.

1 200 tonnes de poudre produites chaque année

La France n’est d’ailleurs pas le seul pays à subir cette tension d’approvisionnement. Les autres pays européens affichent également des besoins supérieurs. L’une des matières indispensables à la confection de la poudre, la cellulose de coton, fabriquée en Chine et en Inde, voit d’ailleurs ses prix flamber à cause de la forte demande. Eurenco affirme posséder suffisamment de réserves pour tenir un an et souhaite accélérer la production et la livraison de sa poudre en multipliant par dix les capacités du groupe.

Cette nouvelle poudrerie va également dynamiser le secteur avec l’embauche de 400 salariés et 500 millions d’euros d’investissement. Une bonne nouvelle pour le chef de l’Etat, «content» de voir de nouveaux emplois se créer à Bergerac. Près de 1 200 tonnes de poudre devraient être produites dans l’usine, suffisamment pour tirer 80 000 obus et permettre aux soldats ukrainiens de se battre pendant une quinzaine de jours sur le front.

Le Canon de la discorde ?

Le Canon de la discorde ?

 

https://blablachars.blogspot.com/2024/04/le-canon-de-la-discorde.html#more


Au cours d’un entretien téléphonique avec des analystes financiers, le PDG de Rheinmetall a annoncé que sa société avait franchi une étape importante dans le développement de son canon de 130mm avec la signature de contrats relatifs à l’arme et à ses munitions. Dans cet entretien, A. Papperger confirme le prochain montage du canon de 130mm sur le KF-51, opération qui devrait donner naissance à un « produit fantastique«  selon les propres termes du CEO de Rheinmetall. Toujours selon A Papperger, cette combinaison devrait constituer la base d’une future solution blindée qui pourrait voir le jour d’ici la mise en service du MGCS dans les années 2040. Ce futur engin, Leopard 2+ ou Leopard 3 pourrait utiliser un certain nombre de technologies déjà utilisées sur le KF-51. 

Au moment de sa présentation à Eurosatory en 2016 sous la forme d’un prototype, la société allemande indiquait que le passage au calibre de 130mm représentait une augmentation de 50% de l’énergie cinétique, par rapport au canon de 120mm utilisé sur le Leopard 2. Ce canon de 130mm d’un poids total de 3,5 tonnes contre 3 tonnes pour celui de 120mm utilise des munitions d’un poids moyen de 30 kg et d’une longueur de 1.30m, rendant impératif l’utilisation d’un système de chargement automatique. Rheinmetall avait indiqué en 2016 que la mise au point complète de cette nouvelle arme et de ses munitions devait encore nécessiter entre 8 et 10 ans. Selon A. Papperger, le développement du canon de 130mm et des munitions associées (programmables, explosives et d’entrainement) désormais quasiment achevé pourrait ouvrir la voie à une prochaine mise en production de l’arme et des différents composants. 

 

Le canon Rh-130

 

Le chargement automatique du futur KF-51 130 devrait contenir 20 obus, capacité identique à celle du système qui équipait le char armé du canon de 120mm présenté en 2022 à Eurosatory. On ne sait pas si ce système conservera la modularité du précédent avec la répartition des munitions dans deux caissons pouvant être remplacés par des munitions téléopérées. Cette capacité de 20 obus devrait être augmentée par l’emport de 10 obus supplémentaires dans le châssis de l’engin. 

 

Munitions téléopérées sur le KF-51

 

Selon le PDG de la firme de Düsseldorf, le futur de cette arme pourrait se décliner autour de deux grandes directions, à savoir son intégration dans les chars Leopard 2 existants, pour permettre une remise à niveau des engins encore au standard 2A4. La seconde pourrait être son utilisation éventuelle dans le MGCS à côté d’un certain nombre de composants embarqués sur le KF-51 Panther. Concernant l’armement principal, l’éventualité évoquée par A. Papperger se heurte à la volonté française d’équiper le futur MGCS du canon Ascalon dont le prototype était discrètement exposé sur le stand de KNDS en 2022. 

 

L’ASCALON à Eurosatory 2022

 

Une fois encore, la parole d’A. Papperger est précieuse pour décrypter les intentions allemandes en matière  de blindés et plus particulièrement pour la succession du Leopard. A rebours des coups de trompette médiatiques, célébrant une nouvelle étape du programme franco-allemand, A. Papperger rappelle des évidences insuffisamment prises en compte du côté français.

La première est que Rheinmetall qui s’est invité dans le projet, n’a pas renoncé à son intention de « fourguer » son canon de 130mm pour le projet MGCS. Cet équipement qui est le coeur du système, et aussi générateur des plus values les plus importantes sur un char reste donc au coeur des ambitions de la firme de Düsseldorf.

La seconde est la réaffirmation de l’arrivée prochaine de l’ultime déclinaison du best-seller allemand appuyée par la proposition de rénovation des Leopard 2 en service, la cible de cette opération étant dans un premier temps, les version 2A4 avant que les suivantes ne soient également envisagées.

Ces deux évidences doivent finir de nous convaincre que le programme MGCS qui est vu en France comme un programme politique est considéré en Allemagne comme un programme commercial. A ce titre,  son arrivée n’est envisagée du côté allemand qu’à partir du moment où le filon Leopard aura été complètement épuisé, avec la modernisation des chars existants et le développement de l’Ultima Leopard ! Cet entretien accordé à des analystes financiers, dont l’opinion reste est encore plus déterminante pour les actionnaires de Rheinmetall depuis l’intégration au Dax de la firme de Düsseldorf en mars 2023, confirme les ambitions de la direction mais aussi l’arrivée prochaine d’une solution blindée intermédiaire, destinée à assurer une transition douce entre les matériels actuels et le futur MGCS. Ce futur engin permettrait également de s’assurer dès aujourd’hui de la fidélité d’une clientèle déjà conquise, à consolider un marché export  déjà bien établi, facteur clé de la rentabilité du futur projet franco-allemand.

Le différent existant au sujet de l’armement principal du futur engin franco-allemand au coeur des négociations entre les différents acteurs du projet MGCS, traduit à lui seul le caractère mercantiliste de la vision allemande du projet, incluant les aspects commerciaux et industriels face à une vision française essentiellement politique qui essaye  de sauver le projet en imposant à son « partenaire » des décisions contraires à ses intérêts et à son calendrier.

Le Paseo XLR, ce QuickWin de la Marine française contre les drones Houthis

Le Paseo XLR, ce QuickWin de la Marine française contre les drones Houthis

Le 9 décembre 2023, la frégate française Languedoc (D643), en mission au large du Yémen, employait pour la première fois ses armes pour intercepter des drones aériens lancés par les rebelles Houthis. Il s’agissait de la première utilisation opérationnelle du missile antiaérien Aster, qui s’est conclue par un succès remarquable.

Rapidement, toutefois, une polémique enfla sur les réseaux sociaux. En effet, le missile Aster 15 coute sensiblement plus cher que les drones employés par les Houthis. En outre, avec seulement 16 missiles en position de tir, la Languedoc pouvait rapidement se trouver sans munition, en cas d’attaque de saturation lancée contre elle, ou les navires escortés.

La Marine nationale avait, alors, justifié l’emploi du missile, expliquant qu’il fallait comparer non pas le prix du missile, mais celui de la cible protégée, avec le prix du drone. Pour autant, les constats faits à ce moment-là, restaient valides, d’autant qu’il est impossible de placer de nouveaux missiles en silo lorsque le navire est à la mer. 

La Marine française n’est pas restée inactive, à ce sujet. En effet, la frégate Alsace, une FREMM, elle aussi, mais spécialisée dans la défense aérienne, qui a relevé la Languedoc en mer Rouge il y a quelques jours, est arrivée sur zone avec un nouvel équipement taillé pour faire face à cette menace émergente, le système de détection électrooptique Paseo XLR du français Safran.

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La frégate de défense aérienne Alsace a détruit les drones Houthis à l’aide de son canon de 76 mm

Le rôle, comme l’efficacité du Paseo XLR, n’ont pas tardé à être mis en avant. En effet, au matin du 9 mars, la frégate française Alsace est intervenue face à trois drones d’attaque Houthis. Elle n’a pas fait usage, pour cela, de ses couteux missiles Aster, mais de son canon de 76 mm, éminemment moins onéreux, pour abattre les drones, préservant ainsi ses 32 missiles Aster 15 et 30, pour faire face à des menaces plus difficiles, ou plus distantes.

canon de 76 mm FREMM
Les drones Houthis ont été abattu par la frégate française Alsace à l’aide de son canon de 76 mm OTO-Melara

Ces succès concomitants ont été rendus possibles grâce aux informations de détection et de ciblages fournies par le Paseo XLR, positionné de part et d’autre des sabords du navire, couvrant la presque totalité du périmètre, et transmises, via le système de combat, au canon et à sa conduite de tir STIR.

Ils montrent aussi, au-delà de l’efficacité du système, la confiance de la Marine nationale dans ce système. En effet, là où un Aster 15 peut intercepter une cible jusqu’à 50 km, garantissant une distance de sécurité importante pour réagir en cas d’échec de l’interception, le canon de 76 mm ne porte, lui, qu’à 8 km.

Pour intercepter les drones Houthis, le commandant de la frégate française, a donc dû attendre que les cibles soient à portée, réduisant d’autant ses options en cas d’échec, même si les drones sont réputés peu véloces. Il avait donc toute confiance dans son système de détection, d’engagement et d’interception, pour procéder ainsi, afin de préserver ses précieux missiles surface-air, et ce, par trois fois semble-t-il.

Le Paseo XLR, un système de détection électro-optique conçu initialement pour le combat terrestre

Ce succès a été rendu possible grâce au nouveau système électro-optique Paseo XLR pour Extra Long Range. Il s’agit d’un système de détection conçu pour surveiller, détecter, identifier, suivre et engager plusieurs cibles aériennes et navales simultanément, grâce à des canaux infrarouges et vidéos d’une grande précision.

EBRC jaguar Paseo
Le jaguar EBRC est équipé du système electrooptique Paseo, notamment pour le ciblage de son canon de 40 mm CTA.

Le Paseo a été initialement conçu par la société Optrolead, une coentreprise entre Safran et Thales, pour équiper les véhicules de combat terrestre. Il constitue, ainsi, l’un des principaux senseurs et systèmes de visée du nouvel Engin Blindé de Reconnaissance et de Combat EBRC Jaguar, qui remplace le char léger AMX-10RC dans les unités de cavalerie française.

À bord d’unités navales, il apporte plusieurs capacités complémentaires aux senseurs classiques, comme les radar et sonar. D’une part, il permet de détecter des cibles à faible détectabilité, comme les drones aériens et navals, souvent trop lents ou trop petits, pour être traités efficacement par les systèmes classiques. Ceci explique que, parfois, les interceptions de drones Houthis s’effectuent à très courte portée. 

D’autre part, il s’agit un système entièrement passif, pour qu’il ne révèle pas la présence ni la position d’un navire sur le spectre électromagnétique, comme c’est le cas, par exemple, des radars ou des systèmes de communication. Enfin, son ADN destiné à la guerre aéroterrestre, en font un système à la fois très réactif et très discriminant, le rendant encore davantage performant contre les menaces drones, qu’ils soient aériens ou navals. 

Porte-avions, BRF, FDI : le Paseo XLR sélectionné de longue date par la Marine française

Si l’ajout du Paseo XLR à la frégate Alsace, constitue un Quickwin indéniable pour le navire français évoluant en mer Rouge, en répondant rapidement à une évolution notable des conditions d’engagement, il ne représente, en rien, une nouveauté pour la Marine nationale.

Paseo XLR PAN Charles de Gaulle
Le PAN Charles de Gaulle met en oeuvre, ddans sa mature (à droite sur la passerelle radar), un système PASEO XLR.

En effet, le système équipe déjà le porte-avions nucléaire Charles de Gaulle depuis plusieurs années, précisément pour compléter la gamme de senseurs du navire amiral français. Il équipe également le nouveau Bâtiment Ravitailleur de la Flotte Jacque Chevallier, entré en service en 2023, pour assurer la surveillance et la protection du navire, et en particulier, pour alimenter le système de protection rapproché CIWS Rapid Fire.

Enfin, le Paseo XLR est intégré nativement aux cinq nouvelles frégates FDI de la classe Amiral Ronarc’h, qui entreront en service au sein de la Marine nationale de 2024 à 2030. Bien que cela n’ait pas encore été officiellement évoqué, tout porte à croire que le Paseo XLR armera par ailleurs les nouveaux Grands navires de Guerre des Mines, construits conjointement avec la Belgique et les Pays-Bas, pour remplacer les chasseurs de mines Tripartite des trois pays.

Les frégates FREMM et FDA françaises équipées en urgence du Paseo XLR, pour un cout minime

L’installation du Paseo XLR sur la frégate Alsace, en amont de son déploiement en mer Rouge, n’est pas une expérimentation. En effet, selon le site Naval news, tout indique que le système est désormais installé également sur la seconde FREMM DA français, la Lorraine.

En outre, les deux frégates de défense aériennes FDA Forbin et Chevalier Paul, de la classe Horizon, et les six frégates FREMM de la classe Aquitaine, seront, elles aussi, équipées de ces systèmes, sur un calendrier particulièrement réduit, six mois étant évoqués pour l’ensemble des installations, et pour des couts tout aussi réduits. 

FREMM Lorraine PASEO XLR Flotte de surface | Actualités Défense | Articles gratuits
Repéré par navalsnews.com, le Paseo XLR a été monté sur le sistership de la frégate Alsace, la frégate de défense aérienne Lorraine.

L’intégration des Paseo XLR sur le PAN Charles de Gaulle, et sur les FDI, ont notamment permis de parfaitement intégrer la communication entre le système électro-optique et le système de combat SETIS, qui équipe aussi les autres frégates françaises, rendant leur déploiement, sur ces navires, particulièrement aisé. 

Ce tour de force va, incontestablement, venir considérablement renforcer les moyens dont disposeront les navires de surface de la Marine nationale, pour s’engager dans une zone exposée à la menace drones, qu’ils soient aériens ou de surface. Rapide, peu onéreux et répondant très efficacement à une menace identifiée, il s’agit, sans le moindre doute, d’un Quickwin remarquable.

Article du 13 mars en version intégrale jusqu’au 20 Avril 2024

Aux Pays-Bas, l’offre de Naval Group était 1,5 Md€ moins chère que celle de Saab-Damen

Aux Pays-Bas, l’offre de Naval Group était 1,5 Md€ moins chère que celle de Saab-Damen

Il y a tout juste un mois, La Haye annonçait que la proposition du Français Naval Group, sur la base du sous-marin Blacksword Barracuda, avait été préférée à celle du suédois Saab associé au néerlandais Damen, pour le remplacement des quatre sous-marins de la classe Walrus de la Marine Royale Néerlandaise.

À peine la décision fut-elle rendue publique, que Saab et Damen remirent en cause son bien-fondée, arguant d’une offre plus performante tant du point opérationnel que du point de vue industriel, et promettant de ne pas en rester là.

Les entreprises avaient un mois pour faire appel devant la justice néerlandaise, de la décision ministérielle néerlandaise. Ce délai arrive désormais à son terme, et ni Damen, ni Saab, n’ont posé de réclamation.

Et pour cause ! Même s’ils promettent de porter dorénavant le combat au Parlement néerlandais, il s’avère que l’offre de Naval Group, dont le montant total n’est toujours pas détaillé, était 1,5 Md€ moins onéreuse que celle proposée par Saab et Damen.

Sommaire

Saab-Damen met en cause un prix « inaccessible à une entreprise privée » face au sous-marin Blacksword Barracuda de Naval Group

Pour expliquer un tel écart de prix, que l’on peut estimer entre 25 et 33 % du prix total, le groupe naval néerlandais, et son partenaire suédois, mettent en avant des qualités opérationnelles supérieures de leur modèle, sans pour autant apporter d’éléments de détails pour soutenir ces affirmations.

A26 Blekinge
L’offre de Saab-Damen reposait sur une evolution du A26 Blekingue suédois, un sous-marin conçu spécialement pour opérérer en mer Baltique.

On peut d’ailleurs douter de celles-ci, dans la mesure où, de manière objective, les sous-marins de Naval Group ont été choisis par cinq forces navales et 16 exemplaires, ces vingt dernières années, et non des moindres (Brésil, Chili, Inde, Indonésie, Malaisie), alors que Saab et Kockums n’ont plus exporté de sous-marins depuis les deux navires de la classe Archer à Singapour, au début des années 2010, des navires d’occasion de la classe Västergötland entrés en service en 1986 et 1987.

« Le score final est influencé de manière disproportionnée par un prix trés bas [de Naval Group], qui est très inférieur au prix réaliste pour les entreprises de défense privées« , peut-on lire dans le communiqué à ce sujet, laissant sous-entendre, que la différence de tarif, serait liée au statut d’entreprise publique de Naval Group, l’État français détenant 62,25 % du groupe, Thales 35 %, et le solde, 1,75 %, par les salariés de l’entreprise.

Notons que Damen n’apporte aucun élément permettant de justifier d’un rôle particulier de l’État français dans ce domaine, et que ce n’est pas la première fois que le groupe néerlandais dénonce l’actionnariat public de Naval group, comme pour l’espagnol Navantia ou l’Italien Fincantieri, qui fausserait la compétition, selon son analyse.

Reste qu’avec un tel écart de prix, on comprend que les décideurs néerlandais ont eu beaucoup de mal à faire jouer la préférence nationale, d’autant que Damen a lui-même profité d’une offre plus attractive pour s’arroger la construction des frégates F126 pour la Bundesmarine allemande, au grand dam des industriels outre-Rhin.

Saab et Damen promettent davantage d’investissements dans l’industrie néerlandaise que Naval Group

Pour autant, si Saab et Damen ont renoncé à une action en justice, sachant pertinemment qu’avec un tel écart dans les prix, s’eut été peine perdue, ceux-ci n’ont pas renoncé à faire dérailler le programme franco-néerlandais.

Naval Group Blacksword Barracuda
Le Blacksword Barracuda promet d’être un sous-marin à très hautes performances. On se demande de quelles performances supérieures l’offre de Saab et Damen peut bien se réclamer ?

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Ces autres « faits marquants » enregistrés par Safran et Thales en 2023

Ces autres « faits marquants » enregistrés par Safran et Thales en 2023

– Forces opérations Blog – publié le

De l’optronique à CONTACT et de SCORPION à CERBERE, plusieurs « faits marquants » ont émaillé l’exercice 2023 des groupes français Thales et Safran. Focus sur ces autres victoires moins médiatisées enregistrées dans le domaine terrestre. 

Ces autres succès moins visibles

Pour qui prend le temps de s’y plonger, les documents d’enregistrement universel publiés dernièrement par Thales et Safran se révèlent être une petite mine d’or. Ces pavés de 200 à 300 pages conçus pour dresser un portrait précis de l’exercice écoulé recèlent un éventail de contrats, avenants et autres franchissements de jalons éclipsés par les quelques grandes annonces médiatiques. Tour d’horizon de ces succès moins visibles et de quelques perspectives pour 2024.

Côté Safran, les 4 Md€ de chiffre d’affaires générés en 2023 par l’activité défense s’expliquent notamment par la bonne santé du segment des optroniques portables et embarquées. En janvier 2023, l’Agence de soutien et d’acquisition de l’OTAN (NSPA) notifiait le groupe français pour la fourniture d’ « une quantité importante d’équipements optroniques portables pour les forces spéciales françaises ». Un nouveau succès après celui engrangé en 2022 auprès de sept pays de l’OTAN. 

En juillet dernier, l’entreprise indienne Bharat Electronics Defense (BEL) achetait 50 jumelles multifonctions JIM LR. Une quatrième commande pour BEL depuis 2019 et qui bénéficiera cette fois à la Marine indienne. Safran recevait en fin d’année une nouvelle commande de jumelles JIM Compact, cette fois au profit de l’Arménie. Un contrat qui s’inscrit « dans le soutien apporté par le ministère des Armées à son homologue arménien » et dont la livraison est intervenue en février dernier à l’occasion d’une visite du ministre des Armées, Sébastien Lecornu, sur le sol arménien. 

Après quelques années de remous, le drone Patroller de Safran a enfin décollé. En France, tout d’abord, où la certification a été obtenue en février 2023 et où « la documentation pour l’aptitude au vol du premier appareil de série est en cours de finalisation pour autoriser les vols de réception industrielle », indique l’industriel. Opéré à terme par le 61e régiment d’artillerie, le successeur du drone Sperwer a pris son envol le 6 février pour une longue série de vols de formation. Fin mars, un diable noir du 61e RA a pour la première fois intégré un équipage, prélude au lancement, ce mois-ci, d’une phase d’évaluations techno-opérationnelles. « Intenses et variées, ces évaluations testeront le système dans toutes ses dimensions opérationnelles, ouvrant la voie à des perspectives d’emploi opérationnel prometteuses », indiquait la Section technique de l’armée de Terre (STAT). 

L’éclaircie constatée en France s’accompagne d’une première victoire à l’export. Annoncée à l’occasion du salon du Bourget, celle-ci comprend la livraison de quatre vecteurs aux forces terrestres grecques dans le cadre du renouvellement de leur capacité de renseignement, en partie basée sur le Sperwer. Conduites par la NSPA, les négociations contractuelles devraient déboucher sur la réception des premiers exemplaires courant 2025.

Attendu de longue date par l’armée de Terre, le drone Patroller a entamé une phase d’évaluation avec la Section technique de l’armée de Terre (STAT)
(Crédits image : 61e RA)

Tant Safran que Thales continuent de bénéficier du déploiement du programme SCORPION, effort de renouvellement du segment médian de l’armée de Terre engagé il y a près d’une décennie, de son « environnement » et de sa première déclinaison à l’export avec la Belgique. En 2023, Safran a signé un marché pour plus de 230 caméras multifonctions moyenne portée MINEO, capteur retenu pour équiper les tourelleaux téléopérés T1 et T2 conçus par Arquus et montés sur Griffon et Serval. 

Derrière les 500e Griffon et 50e Jaguar livrés par le GME formé avec KNDS France et Arquus, Thales aura bénéficié de la notification d’un 14e avenant soutenant le développement d’une nouvelle génération de la vétronique commune Scorpion (VCS-NG). Fin 2023, le groupe s’est également vu notifié un contrat de plus de 100 M€ dans le cadre du programme français Syracuse IV, un marché portant sur la fourniture des stations SATCOM « On-The-Move » (SOTM) qui seront intégrées sur les plateformes Griffon et Serval.

À l’export, les deux entreprises basculent dans la phase industrielle d’un partenariat franco-belge « Capacité Motorisée » notamment matérialisé par la commande de 382 Griffon et 60 Jaguar au profit de la Composante Terre belge. Safran a ainsi reçu une commande de KDNS France concernant la livraison de 60 kits de quatre optroniques pour l’équipement des futurs Jaguar belges.

La Direction générale de l’armement (DGA) aura ensuite avalisé le franchissement des jalons de fin de qualification pour le standard 1+ et le standard 2 de CERBERE, système de simulation instrumentée créé par Thales. Brique parmi d’autres du système de préparation opérationnelle (SPO) SCORPION, CERBERE doit permettre d’entraîner et de contrôler simultanément jusqu’à trois sous-groupements tactiques interarmes sur les camps de Mailly (CENTAC-1er BCP) et de Sissonne (CENZUB-94e RI) d’ici à 2026. Déjà engagés depuis plusieurs années au CENZUB, les travaux de déploiement devraient démarrer cette année au CENTAC. À terme, CERBERE se traduira par l’instrumentation de 200 bâtiments, ou plus de 4000 pièces rien qu’au CENZUB. 

Lié à SCORPION tout en restant un effort interarmées, le programme de radio logicielle CONTACT « a connu des avancées significatives en 2023 », estime Thales. Dans les rangs terrestres, des essais réalisés tout au long de l’année ont permis de qualifier « une version système prête au déploiement au sein de l’armée de Terre ». Confié en 2012 à Thales, CONTACT s’est poursuivi avec la signature, fin 2023, d’un 10ème avenant au contrat supérieur à 100 M€ et annonciatrices d’évolutions futures. Il permettra, côté terrestre, de travailler sur la version système SJO25 (Small Joint Operation) attendue pour l’an prochain en vue de conduire de futurs déploiements en coalition. Cet avenant s’étend au domaine aéronautique. Il introduit, pour les équipements radios, une « logique de développement multi-porteurs sur toutes les nouvelles plateformes », de l’hélicoptère interarmées léger (HIL) au drone MALE, ainsi que « des évolutions significatives du système de gestion au bénéfice de la connectivité aéronautique ». 

Le programme CONTACT, ce sont aussi des commandes françaises et à l’export. Au seconde trimestre, Thales décrochait un avenant supérieur à 100 M€ pour la fourniture et le soutien des radios tactiques CONTACT de l’armée française. Selon la documentation budgétaire, 1250 postes portatifs, 1350 postes véhicules, 50 postes portables et 95 postes aéronautiques auront été acquis en 2023. Après la Belgique, Thales aura par ailleurs décroché « un contrat d’envergure » en Allemagne pour plusieurs centaines de radios Fastnet HD véhiculaires et radios portatives SYNAPS-H, dénomination export de la version portative de CONTACT. 

Fort de cette dynamique, le chiffre d’affaires du secteur défense et sécurité de Thales bondissait de 7% pour atteindre 9,7 Md€. Et les perspectives pour 2024 sont encourageantes. « Les hausses annoncées des budgets militaires des grands clients du Groupe se traduisent par la poursuite d’une demande dynamique dans le secteur de la défense. Acteur de premier plan sur ses différentes activités, bénéficiant d’un positionnement géographique en phase avec les marchés les plus dynamiques, le secteur Défense & Sécurité bénéficie d’un carnet de commandes sans précédent dans l’histoire du Groupe. Ce secteur continuera à croître en 2024 tout en maintenant une marge d’EBIT parmi les plus élevées du secteur (autour de 13 %) », commente le géant français. 

Crédits image : Safran E&D

Le décret relatif à la sécurité des approvisionnements des forces armées publié au JO

Le décret relatif à la sécurité des approvisionnements des forces armées publié au JO

 

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par Philippe Chapleau – Lignes de défense – publié le 30 mars 2024

https://lignesdedefense.blogs.ouest-france.fr/archive/2024/03/29/le-decret-relatif-a-la-securite-des-approvisionnements-des-f-24524.html


Le décret n° 2024-278 du 28 mars 2024 relatif à la sécurité des approvisionnements des forces armées et des formations rattachées a été publié vendredi au Journal officiel.

Il fait suite aux déclaration du ministre des Armées, mardi. Voir mon post. Sa parution rapide témoigne de la détermination du ministre pour pouvoir mettre en oeuvre les mesure de réquisition annoncées.

Ce décret détermine les conditions dans lesquelles l’autorité administrative peut ordonner:
– d’une part, la constitution d’un stock minimal de matières, de composants, de pièces de rechange ou de produits semi-finis stratégiques par des entreprises titulaires d’une autorisation de fabrication et de commerce de matériels de guerre, d’armes, de munitions et de leurs éléments des catégories A et B
– et, d’autre part, la réalisation de certaines prestations ou obligations par priorité sur tout autre engagement contractuel par des entreprises ayant conclu avec elle un marché de défense et de sécurité, par celles ayant passé un contrat avec une organisation internationale ou avec un Etat tiers ou par leurs sous-contractants de tous niveaux.

L’article 1 de ce décret s’articule autour de deux  sections:
section 1: Constitution de stocks minimaux de matières, de composants, de pièces de rechange ou de produits semi-finis stratégiques
Section 2:  Priorisation de prestations ou d’obligations sur tout autre engagement contractuel

Les réquisitions, permises par la Loi de programmation militaire (LPM) adoptée à l’automne, peuvent aller de « personnels, de stocks ou d’outils de production » pour les consacrer à la production de matériels militaires, a rappelé le ministre, estimant que c’était « l’outil le plus dur de notre arsenal juridique ».

« Ce n’est pas l’outil prioritaire au moment où je vous parle, mais je vous dis que ça existe« , a-t-il précisé. Sébastien Lecornu envisage, en revanche, « dans les toutes prochaines semaines » d’imposer à certains industriels des niveaux minimaux de stocks, de manière à produire plus rapidement, ou d’exiger qu’ils accordent la priorité à la commande militaire face aux besoins civils.

Économie de guerre: le coup de pression de Sébastien Lecornu qui n’exclut pas des réquisitions ou la priorisation

Économie de guerre: le coup de pression de Sébastien Lecornu qui n’exclut pas des réquisitions ou la priorisation

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par Philippe Chapleau – Lignes de défense – publié le 26 mars 2024

https://lignesdedefense.blogs.ouest-france.fr/archive/2024/03/26/economie-de-guerre-le-coup-de-pression-de-sebastien-lecornu%C2%A0-24513.html


Si sur le front ukrainien, la situation est délicate, elle s’est améliorée sur celui de la production d’armement en France. Ainsi, selon des déclarations du ministre français des Armées, « nous allons pouvoir en 2024 nous offrir l’objectif de 100 000 obus de 155 mm dont 80 000 pour l’Ukraine et 20 000 pour les besoins de nos propres armées » (photo MBDA).

Toutefois, Sébastien Lecornu attend mieux des équipementiers tricolores. Il envisage même de recourir à des réquisitions de personnels, de stocks ou d’outils de production ou de forcer les industriels à accorder la priorité aux besoins militaires par rapport aux besoins civils, pour accélérer le réarmement des armées françaises et ukrainiennes.

« Pour la première fois, je n’exclus pas d’utiliser ce que la loi permet au ministre et au délégué général pour l’armement (DGA) de faire, c’est-à-dire si le compte n’y était pas en matière de cadence et de délais de production, de faire des réquisitions le cas échéant ou de faire jouer le droit de priorisation« , a affirmé, mardi, le ministre lors d’une conférence de presse.

Les réquisitions, permises par la Loi de programmation militaire adoptée à l’automne, peuvent concerner des « personnels, des stocks ou des outils de production » pour les dédier à la production de matériels militaires, a-t-il rappelé, estimant que c’était « l’outil le plus dur de notre arsenal juridique ». Dans la ligne de mire du ministre figurent notamment les délais de livraisons du missile antiaérien de longue portée Aster produit entre la France et l’Italie par MBDA, qui sont trop longs au regard du ministre.