La justice militaire. Revue historique des armées

La justice militaire. Revue historique des armées

par Bruno Modica – Revue Conflits – publié le 13 mars 2024

https://www.revueconflits.com/la-justice-militaire-revue-historique-des-armees/


La première de couverture de ce numéro à toutes les raisons d’être séduisante, puisqu’elle représente une sorte de jeu de loi mettant en scène « l’affaire Dreyfus et de la vérité », un sujet qui a divisé la France, et mis en évidence les particularités de la justice militaire. L’éditorial fait d’ailleurs directement référence, tout comme le premier article à cette formule cinglante de Georges Clémenceau : « la justice militaire est à la justice ce que la musique militaire est à la musique ».

Revue historique des armées – numéro 311 – année 2023.

Plusieurs colloques ont eu lieu sur la justice militaire comme objet d’histoire, avec son évolution dans le temps, comme dans l’espace, notamment par la transformation de la maréchaussée en gendarmerie nationale, cette arme disposant de prérogatives prévôtales jusqu’en février 1791. La fondation d’une armée professionnelle avec une compagnie d’ordonnance organisée par le roi Charles VII entre 1439 et 1450, a rendu nécessaire l’existence d’un corps spécialisé permettant d’exercer des prérogatives à la fois judiciaires, mais également disciplinaires.

La marine est également concernée par l’ordonnance du 15 avril 1689, avec un code spécifique de justice maritime dont l’exécution est confiée aux officiers de marine. La justice militaire et son bras armé la maréchaussée traquent les routeurs comme les déserteurs, en prenant en compte évidemment le paramètre que peut représenter la population.

La Révolution Française a permis la création d’un corps spécialisé, un tribunal criminel militaire à partir de 1793 et en 1797 la création du conseil de guerre. Les effectifs croissants de l’armée ont rendu nécessaire cette rationalisation qui concerne également la marine. Le premier code pénal militaire date de la Convention, avec des codes pénaux spécifiques, celui des vaisseaux et celui des arsenaux.

Etat de siège

La justice militaire ne peut être dissociée de l’état de siège. Car il ne s’agit pas seulement de faire respecter la discipline au sein des armées, mais d’élargir les prérogatives des tribunaux militaires pendant les périodes de crises. Les deux articles rédigés par Yna Khamassi et Clémence Faugère qui traitent respectivement des émeutes de juin 1832, et de la liberté d’expression au cours de la guerre franco-prussienne, font écho à des situations plus contemporaines, et notamment le débat récurrent en France sur l’état d’urgence, qui s’inscrit dans une démarche civile bien entendu.

Il aurait été pertinent de faire un rapprochement avec la situation pendant la guerre d’Algérie, qui aurait pu être abordée également sous l’angle de la liberté de la presse. On pourra lire toutefois avec profit l’article de Quentin Lenormand consacré à la prosopographie d’une dissidence militaire à la fin de la guerre d’Algérie, entre 1961 et 1964. La justice militaire intervient alors comme un moyen de juger les activistes de la mouvance OAS, dans laquelle les militaires sont présents. C’est en 1963 que se constitue la cour de sûreté de l’État dont il convient de rappeler qu’elle a été supprimée le 29 juillet 1981, sur proposition du garde des Sceaux, Robert Badinter, récemment disparu. La guerre d’Algérie a été particulièrement « riche » en juridictions spéciales, comme la cour militaire de justice et auparavant le Haut tribunal militaire. Pour ce qui concerne cette période, Quentin Lenormand rappelle d’ailleurs que les condamnations des 710 individus qui ont été jugés entre 1961 et 1967, n’ont pas été fondamentalement différentes de celle qui auraient été infligée par des tribunaux de droit commun. Les remises de peine interviennent d’ailleurs dès le mois de décembre 1963 la première vague d’amnistie a lieu en décembre 1964.

Rôle de l’infanterie

La justice militaire s’est développée au tournant du XVIe siècle, dès lors que l’infanterie a joué un rôle essentiel dans l’armée royale. Le fantassin, contrairement au cavalier, est essentiellement un roturier, et s’il dispose d’une sorte de privilège de justice, en contrepartie du service du roi, il n’est absolument pas comparable à celui dont peut bénéficier un noble. Les prérogatives de la justice prévôtale et de la justice ordinaire se chevauchent parfois, il faut attendre la fin des années 1530 pour que le « soldat » désigne explicitement le fantassin légitime du roi de France. De ce point de vue, même si cela n’est pas toujours systématique, le statut militaire permet de relever d’une justice spécifique. Cela ne s’applique pas aux déserteurs vagabonds, qui dès lors qu’ils ont « pris les champs » relèvent de la justice commune.

Cela permet de faire le lien avec l’article de Mathieu Raynal qui aborde le cas du Rouergue entre 1720 et 1791, sous l’angle de la lutte menée par la maréchaussée contre les déserteurs. Les recherches comme les captures sont d’ailleurs entreprises à l’initiative des lieutenances, sans réquisition d’une autorité ou intervention de la population. Bien souvent, c’est à l’occasion d’une arrestation que la situation de déserteurs des personnes appréhendées apparaît, ce qui évidemment permet de les livrer à l’autorité militaire.

L’exemple américain

Paradoxalement, en raison des séries télévisées spécifiques, comme « juge avocat général – Jag », le grand public connaît mieux la justice militaire américaine que la justice militaire française. L’article de David Gilles montre comment George Washington, commandant-en-chef de l’armée continentale et premier président des États-Unis a mis en place, avec une forte inspiration des articles de guerre britannique de 1765, ce que l’on connaît sous le nom de code uniforme de justice militaire.

Les Américains sont visiblement très fidèles, à l’exemple de leur constitution, aux textes anciens, puisque le premier code de justice militaire adoptée par le congrès en 1775 est resté quasiment inchangé jusqu’en 1951. La construction de la justice militaire américaine doit beaucoup aux « articles of war » britanniques, qui se sont progressivement construits après la période médiévale. C’est seulement en 1688, dans le contexte de la Glorieuse Révolution, que se mettent en place les différents cadres juridiques que George Washington reprend pour organiser, à partir des troupes de Virginie, les normes militaires américaines, dans le cadre de l’armée coloniale dans un premier temps, avant que cela ne s’applique à l’armée continentale.

Ce numéro se révèle particulièrement riche pour celui qui s’intéresse au traitement des sources documentaires des services historiques de la défense, mais il serait souhaitable que ce qui relève littéralement « de l’atelier de l’historien » puisse être rendu plus accessible au grand public que des communications destinées à des spécialistes. L’éditorial du professeur Walter Bruyère-Ostells présente en effet les enjeux mémoriels de la justice militaire, mais également comment elle peut constituer un prisme privilégié pour l’histoire politique. Peut-être aurait-il fallu que les différentes communications mettent l’accent, au-delà de leur strict objet documentaire, sur les éléments de contextualisation, ce qui en aurait sans doute renforcé l’intérêt.


Bruno Modica est professeur agrégé d’Histoire. Il est chargé du cours d’histoire des relations internationales Prépa École militaire interarmes (EMIA). Entre 2001 et 2006, il a été chargé du cours de relations internationales à la section préparatoire de l’ENA. Depuis 2019, il est officier d’instruction préparation des concours – 11e BP. Il a été président des Clionautes de 2013 à 2019.

Justice et reconnaissance : acquittement d’un Gendarme du GIGN, symbole du courage des forces de l’ordre

Justice et reconnaissance : acquittement d’un Gendarme du GIGN, symbole du courage des forces de l’ordre

Dans une décision marquée par la sagesse et la reconnaissance de la complexité des missions des forces de l’ordre, la Cour criminelle de Saint-Omer (62) a rendu un verdict de clémence à l’encontre d’un membre dévoué du GIGN. 

Le 22 février, après un examen minutieux et quatre jours d’audience chargés d’émotion, le Gendarme impliqué dans l’intervention tragique à Fouquières-lès-Lens (62) en 2018, qui a conduit à la mort d’Henri Lenfant, âgé de 22 ans, a été acquitté.

Face à une situation d’extrême tension et dans le cadre de ses fonctions pour garantir la sécurité publique, l’agent a dû prendre une décision rapide lors d’une tentative d’interpellation qui a malheureusement tourné au drame.

L’engagement sans faille des Gendarmes du GIGN, reconnus pour leur professionnalisme et leur courage, a été une fois de plus mis en lumière lors de cette opération délicate visant à interpeller des individus sur un parking près de l’aire d’accueil des gens du voyage.

La réactivité de l’agent, appelé en renfort, face à un suspect refusant d’obtempérer et mettant potentiellement en danger la vie d’autrui, souligne la complexité des décisions que les membres des forces de l’ordre doivent prendre dans l’instant, sous la pression et dans des circonstances souvent imprévisibles.

Bien que le parquet ait requis deux ans de réclusion, estimant qu’il n’y avait pas légitime défense, la Cour a jugé autrement, reconnaissant implicitement les défis auxquels sont confrontés les Gendarmes dans l’exercice de leurs fonctions. 

L’acquittement du Gendarme souligne la nécessité de soutenir nos forces de l’ordre qui sont régulièrement confrontées à des situations périlleuses pour assurer notre sécurité.

La réaction vive des proches d’Henri Lenfant à l’annonce du verdict, bien que compréhensible dans le contexte douloureux de la perte d’un être cher, ne doit pas occulter l’engagement des forces de l’ordre à servir et protéger avec honneur et détermination. 

La sécurité renforcée autour du tribunal pour ce procès témoigne de l’importance accordée à la protection de nos institutions judiciaires et de ceux qui y œuvrent.Ce verdict n’est pas seulement l’acquittement d’un Gendarme; il représente une reconnaissance des risques et des sacrifices endurés par les membres des forces de l’ordre dans l’accomplissement de leur devoir. Il rappelle à la société la nécessité de soutenir ceux qui nous protègent, tout en continuant à œuvrer pour la justice et la compréhension mutuelle dans des situations extrêmement complexes.

Photo par Florence Piot

Guerre du droit entre Etats-Unis et Europe

Guerre du droit entre Etats-Unis et Europe

par Achille Christodoulou (*) – Esprit Surcouf – publié le 16 février 2024
Etudiant


L’EXTRA-TERRITORIALITÉ DU DROIT, ENJEU DE PUISSANCE ET GUERRE SECRÈTE ENTRE LES ÉTATS-UNIS ET L’EUROPE

Les États-Unis n’ont jamais accepté que l’Europe existe réellement en témoignant d’une distanciation stratégique face à leur puissance économique. Aussi, le droit apparaît-il comme un vecteur central dans un rapport de force dont les conclusions sont toujours incertaines.

Dans un climat de complexification constante des relations internationales où de nombreux enjeux s’avèrent désormais globaux au sein d’une arène où les acteurs se sont démultipliés, il est nécessaire d’apporter une analyse rigoureuse et précises des différents mécanismes d’influences. Ainsi il s’agit de mieux comprendre comment fonctionne ce jeu international qui s’avère d’une complexité accrue.
L’extraterritorialité du droit est alors devenue une arme redoutable. Ici nous allons parler de la façon dont les États-Unis, grands adeptes de cette pratique, ont étendu leur puissance au détriment de l’Union Européenne qui tend doucement à s’adapter à cette pratique.

Depuis la seconde moitié du XXème siècle, et l’apparition du droit international ayant comme ambition de régir un ordre mondial, est apparu parallèlement l’utilisation de plus en plus courante de l’extraterritorialité du droit. Il s’agit de l’une des réponses ayant pour objectif de faire régner une justice globale négociée à condition qu’elle soit en concordance avec le droit international, qui est basé sur la charte des nations unies. Il s’agit du principe selon lequel un état applique sa justice et son droit sur un territoire étranger lorsqu’il estime qu’il en a la légitimité. Selon, monsieur Cohen-Tanugi, avocat et essayiste français, l’extraterritorialité du droit entre l’Europe et les États-Unis conduit à une harmonisation du droit international. Les trois domaines principaux de l’extraterritorialité à savoir le droit de la concurrence, l’anti-corruption et les sanctions, convergent entre ces états. Cependant il faut noter qu’il existe un danger lorsqu’elle est pratiquée avec des pays qui ne sont pas des états de droit. Ce danger est important du fait du caractère arbitraire de la réplique qui peut être engendrée, par exemple la détention de deux ressortissants canadiens lors de l’affaire Huawei entre les US et la Chine, nous n’allons cependant pas traiter ce sujet dans cette analyse.

Enjeux d’influences, les Etats-Unis experts en la matière.

La riposte européenne, une nécessité pour conserver sa souveraineté?

C’est en ce sens que l’Union Européenne a commencé à s’atteler à contrer les attaques de l’oncle Sam. Elle a ainsi mis en place une stratégie adaptée à de tels enjeux qui se fonde sur des mécanismes d’intelligences économiques. Ces derniers consistent à collecter, analyser et valoriser l’information économique et stratégique afin de protéger les intérêts des entreprises concernées et ainsi l’Europe. Cela se matérialise par la mise en place d’outils législatifs de protection et d’attaque. Dans cette mesure a été

 mis en place l’INSTEX, qui est un mécanisme financier mis en place par l’Europe en 2019 pour faciliter le commerce avec l’Iran malgré les sanctions américaines rétablies à la suite du retrait des États-Unis de l’accord nucléaire de 2015. En matière d’intelligence économique, ce mécanisme joue un rôle crucial dans la défense des intérêts européens face à l’extraterritorialité du droit américain. Il vient ainsi pallier ce problème en établissant un système de paiement sécurisé, qui contourne le système financier américain pour les transactions commerciales entre l’Europe et l’Iran. En agissant ainsi, l’Europe protège ses entreprises des sanctions américaines, garantissant ainsi leur compétitivité et leur accès au marché iranien, tout en préservant la souveraineté de son système juridique. Dans ce sens, a aussi été mis en place en France le Service de l’Information Stratégique et de la Sécurité Économique (SISSE) qui a pour but de protéger les actifs stratégiques de l’économie française face aux menaces étrangères en détectant, caractérisant et en traitant les menaces étrangères.

De façon plus pragmatique l’Union Européenne a mis en place d’autres outils législatifs plus offensifs qui vont au-delà des questions de territoire. Ainsi Le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) joue un rôle crucial dans la défense des intérêts de l’Europe. Adopté en mai 2018, le RGPD établit un cadre réglementaire solide pour la protection des données personnelles des citoyens européens. Cette réglementation renforce la confiance des consommateurs européens dans les services numériques et les entreprises qui traitent leurs données. C’est ainsi que le RGPD renforce donc la souveraineté européenne en matière de protection des données et offre une protection contre l’ingérence étrangère dans les affaires européennes. En imposant des normes strictes de protection des données, l’Europe se positionne comme un acteur mondial influant en matière d’intelligence économique, car elle protège ses citoyens, ses entreprises et ses informations stratégiques des tentatives d’accès non autorisées de la part d’acteurs étrangers. Ce règlement permet de contrer l’activité extraterritoriale des États-Unis permis par le Cloud Act qui leur donne le droit d’accéder à des données détenues par des entreprises américaines, et ce peu importe où elles sont stockées dans le monde. 

Dans la continuité de cette stratégie d’autres outils législatifs ont été mis en place à l’instar de la directive concernant une finance plus durable dans le cadre de la Corporate Social Responsability Directive (CSRD), qui s’appliquera à partir de 2024 aux premières entreprises atteignant un certain seuil pour leurs rapports 2025. Dés lors, leurs sera imposées des obligations de déclaration de performance extra-financière fondée sur l’impact environnemental, social et sur les droits de l’Homme des sociétés concernées, et ainsi permettra d’étendre les valeurs européennes à l’internationale.

Il s’agit ainsi pour l’Union européenne d’établir une approche stratégique d’intelligence du droit qui passe par une extraterritorialité en accord avec les droits des autres puissances. Dès lors il sera possible de répondre tout en dépassant la notion de territoire et assurer sa souveraineté. Pour cela il est nécessaire de devoir assurer une bonne entente entre les institutions européennes afin d’accéder à une effectivité sans tomber dans le piège d’une lourdeur administrative. En effet cette dernière est à l’origine de nombreux des maux de l’Union et empêche l’aboutissement de ses projets législatifs ambitieux. C’est dans cette mesure que l’Europe pourra garantir sa souveraineté sur son territoire et pour ses habitants qui résident à l’étranger.


Achille Christodoulou, fort d’un Master en Relations Internationales de l’ILERI, a préalablement obtenu une licence en Sciences Sociales Économiques et Politiques à l’Institut Catholique de Paris. Son parcours académique, de la diplomatie aux sciences sociales, reflète sa polyvalence et sa capacité à appréhender des enjeux diversifiés.

Des officiers et un sous-traitant de l’armée française jugés en septembre pour favoritisme dans la logistique

Des officiers et un sous-traitant de l’armée française jugés en septembre pour favoritisme dans la logistique


Un avion-cargo A400M de l’armée françaiseAFP PHOTO / État-major des Armées

Des officiers et un sous-traitant de l’armée française seront jugés en septembre 2024 à Paris pour des soupçons de corruption et favoritisme.

Plusieurs haut gradés de l’armée française et un de ses principaux sous-traitants pour la logistique des opérations extérieures (Opex) seront jugés en septembre 2024 à Paris pour des soupçons de corruption et favoritisme, a indiqué mardi une source judiciaire, sollicitée par l’AFP.

Au terme d’une enquête du Parquet national financier (PNF) démarrée début 2017 après un signalement de la Cour des comptes, un procès se tiendra à Paris du 9 au 25 septembre pour diverses infractions dont favoritisme, prise illégale d’intérêts, corruption, violation du secret professionnel et abus de biens sociaux. Il concernera plusieurs marchés relatifs à l’affrètement d’avions-cargo ou de navires dédiés au transport militaire.

« Il ne nous appartient pas de commenter une procédure en cours », a répondu le ministère des Armées, sollicité par l’AFP.

Parmi les prévenus figurent huit militaires, dont l’ancien chef d’état-major du Centre du soutien des opérations et des acheminements (CSOA), le colonel Philippe Rives, qui sera jugé pour favoritisme, corruption passive, violation du secret professionnel et prise illégale d’intérêts. Son avocat Matthieu Hy n’a pas souhaité commenter.

Coût élevé des opérations de fret militaire

Un ancien commandant du CSOA, le général Philippe Boussard, mais aussi un lieutenant-colonel du Commandement des opérations spéciales (COS), Christophe Marie, seront également jugés pour favoritisme.

Tous sont soupçonnés, à des degrés divers, d’avoir participé dans les années 2010 à une opération ayant permis de favoriser la société privée International Chartering Systems (ICS) dans l’attribution de marchés de logistique, notamment concernant le transport aérien, pour les opérations extérieures de l’armée française. Sur le banc des prévenus figureront également la société ICS, en tant que personne morale, son président Philippe de Jonquières et sa directrice administrative.

Les magistrats de la rue Cambon s’étaient étonnés, dans un rapport publié fin 2016, du coût élevé des opérations de fret militaire via des avions-cargos attribués à ICS, faute de solution militaire française.

L’enquête a révélé, selon la cellule investigation de Radio France en 2018, des échanges soutenus entre plusieurs hauts gradés et les responsables d’ICS aux moments clés de passation de marchés. Les investigations de la section de recherches de la gendarmerie de Paris ont également mis au jour plusieurs manipulations potentielles qui auraient permis que la société soit mieux notée dans les processus d’attribution.

La législation ITAR américaine s’invite à bord de l’Eurofighter Typhoon

La législation ITAR américaine s’invite à bord de l’Eurofighter Typhoon

Eurofighter italy e1654864479374 Modernisation Retrofit équipements de défense | Allemagne | Aviation de chasse

La législation ITAR américaine s’invite à bord de l’Eurofighter Typhoon


Certains des composants du Glass Cockpit qui équipera les futurs Eurofighter Typhoon Tranche 3, seront soumis à licence d’exportation ITAR américaine. Pourtant, cela ne semble nullement émouvoir industriels et observateurs des quatre pays membres du consortium Eurofighter.

À l’instar de très nombreux pays, les Etats-Unis supervisent finement les exportations de technologies de défense en provenance de leur outil industriel. C’est ainsi que toutes les exportations d’équipements majeurs doivent obtenir l’aval de l’exécutif, mais aussi celui d’une sous-commission dédiée appartenant à la commission des forces armées du Sénat américain.

Cette supervision s’étend également à des composants à vocation duale, c’est-à-dire pouvant être employés aussi bien pour la conception de systèmes d’armes, que pour celui d’équipements civils. Ces composants sont répertoriés dans une liste spécifique, obligeant les industriels d’obtenir une autorisation d’exportation spécifique comparable avant de pouvoir le faire.

Ainsi, en 2006, Boeing s’est vue infliger une amende de 15 m$, pour avoir vendu à l’exportation une centaine d’avions civils qui étaient équipés d’un capteur gyroscopique, par ailleurs employé par le missile AGM-65 Maverick américain, sans avoir préalablement obtenu l’autorisation de le faire.

AGM-65 Maverick missile
Le missile AGM-65 Maverick était équipé d’une puce gyroscopique inscrite sur la liste ITAR des composants à usage dual soumis à autorisation d’exportation.

La réglementation ITAR américaine

Cette liste est souvent désignée abusivement par l’acronyme ITAR. En effet, l’International Traffic in Arms Regulations, ou ITAR, englobe l’ensemble des règles législatives américaines encadrant l’exportation et l’importation d’armes ou de systèmes et composants assimilés.

Celle-ci fut promulguée en 1976, afin de protéger les industries et technologies américaines, et par ailleurs pour servir les intérêts des Etats-Unis sur la scène internationale.

Par l’ampleur et la position dominante des industries technologiques américaines sur la scène internationale, cette législation est devenue, au fil des années, un puissant outil aux mains de l’exécutif américain, pour davantage protéger ses intérêts économiques et politiques, qu’éviter que des technologies critiques ne fuitent à l’étranger.

En outre, la liste des composants concernés par cette réglementation est particulièrement dynamique, de sorte qu’un composant spécifique peut y être ajouté au seul jugement de l’exécutif, pour appuyer ses ambitions internationales.

C’est ainsi qu’en 2018, le président Trump a fait ajouter à cette liste, un composant de géolocalisation employé à bord des missiles de croisière Storm Shadow et Scalp, dans le seul but de faire dérailler les négociations en cours entre Paris et le Caire en vue de l’acquisition d’avions de combat Rafale supplémentaires.

ITAR Glass Cockpit Collins Aerospace Typhoon
Le futur Glass Cockpit de Collins Aerospace qui équipera l’Eurofighter Typhoon ne sera pas ITAR-Free

De fait, l’étiquette « ITAR-Free », c’est-à-dire dépourvu de composants soumis ou pouvant être soumis à la législation ITAR, est désormais devenue un argument de vente efficace pour l’exportation d’équipement de défense, notamment auprès de certains clients ayant une posture politique pouvant parfois diverger des attentes de Washington.

Avec son nouveau Glass Cockpit, l’Eurofighter Typhoon ne sera plus ITAR-Free

En dépit de la proximité politique et technologique des Etats-Unis avec les quatre pays membres du consortium Eurofighter (Allemagne, Espagne, Italie et Royaume-Uni) le chasseur Typhoon était jusqu’à présent ITAR-Free. Mais cela ne devrait plus être le cas des nouveaux chasseurs de la Tranche 3, et de la Tranche 4 à venir.

En effet, le britannique BAe vient d’annoncer que l’appareil européen serait dorénavant équipé d’un nouveau glass cockpit, à l’instar du F-35, avec un unique écran interactif couvrant l’ensemble de la planche de bord.

L’écran retenu par l’avionneur britannique est fourni par l’américain Collins Aerospace, et s’appuie en particulier sur un composant employé pour la sauvegarde des données, appartenant à la liste ITAR.

De fait, les prochains Eurofighter Typhoon équipés de ce cockpit avancé et modernisé, devront obtenir une licence d’exportation américaine avant de pouvoir être livrés, y compris, d’ailleurs, aux membres du consortium Eurofighter.

Rafale SCALP
Donald Trump fit ajouter à la liste ITAR un composant employé à bord du missile SCALP pour faire dérailler l’acquisition de Rafale supplémentaires par l’Égypte. Cela obligea MBDA à revoir l’électronique de navigation de son missile, et retarda la commande de plusieurs années.

Une contrainte assumée par les européens

Toutefois, le sujet ne semble pas particulièrement inquiété ni les industriels, ni même la presse spécialisée, que ce soit en Grande-Bretagne, en Italie ou en Allemagne. Seul le site espagnol Infodefensa a traité le sujet, tout en multipliant les superlatifs au sujet de la nouvelle avionique à venir.

On notera, à titre d’illustration, que le refus allemand d’autoriser la vente de 48 Typhoon supplémentaires à l’Arabie Saoudite, n’aura créé que des remous superficiels et de courte durée, dans les trois autres pays, en dépit des conséquences économiques et politiques que cette décision entrainait.

Dans les faits, à l’exception de l’industrie de défense française qui fait figure d’exception en Europe, aucun pays européen n’a développé d’offre industrielle orientée vers l’autonomie stratégique, et donc vers la conception de systèmes ITAR-Free.

Dès lors, les conséquences des arbitrages US, par ailleurs souvent impliqués directement dans les programmes majeurs de défense de ces pays, sont considérés comme normales, et ne donnent lieu à aucune tension particulière.

On comprend, dans ces conditions, les divergences de perception qui ont amené ces mêmes pays à privilégier un turbopropulseur de conception américaine plutôt que française, pour équiper le futur Eurodrone RPAS.

 

Extraterritorialité du droit : quand le « lawfare » sert la guerre économique

Extraterritorialité du droit : quand le « lawfare » sert la guerre économique

En juillet, une économiste américaine a renoncé, face au scandale, à rejoindre un poste clé à la direction de la concurrence de la Commission européenne. Mais dans ce domaine, c’est aussi l’application planétaire du droit américain qui inquiète entreprises, spécialistes et législateurs.

Extraterritorialité du droit : quand le « lawfare » sert la guerre économique

Le 17 juillet, Fiona Scott Morton a renoncé à son poste d’économiste en chef de la puissante Direction générale de la concurrence de la Commission européenne. Le parcours de cette Américaine auprès de géants technologiques comme Microsoft, Apple ou Amazon, ainsi que dans les services antitrust de l’administration Obama, avait suscité une bronca sur le continent : comment pouvait-elle désormais préconiser des sanctions contre ces mêmes groupes, souvent visés par des enquêtes européennes ?

En creux, cette polémique a mis en lumière la rude concurrence que se livrent les entreprises à l’échelle mondiale, et son intrication avec le droit commercial édicté par les États (ou l’UE, en l’occurrence). Des quatre cercles du périmètre de la défense nationale, le deuxième, celui de la défense nationale, englobe les mesures à prendre pour se protéger des menaces visant notamment l’économie d’un pays. Et parmi celles-ci, l’extraterritorialité du droit prend une ampleur croissante depuis la fin des années 1990.

Les États-Unis sont historiquement la nation la plus proactive en la matière. Dès le début du XIXe siècle, le président Thomas Jefferson promulguait des embargos contre l’ancienne puissance coloniale britannique ou la France de Napoléon. Ses successeurs en ont ensuite régulièrement adopté. À la fin du XXe siècle, des embargos contre le commerce avec Cuba ou l’Iran touchent ainsi de nombreuses entreprises américaines ou étrangères.

LES ÉTATS-UNIS SANCTIONNENT DES ENTREPRISES ÉTRANGÈRES PARTOUT DANS LE MONDE

Mais les textes votés à Washington visent aussi la corruption. « À une époque, les entreprises françaises pouvaient déduire de leurs impôts les pots-de-vin versés pour gagner des marchés », rappelle le consultant Augustin de Colnet, auteur de l’ouvrage « Compétition mondiale et intelligence économique »[1]. « Les États-Unis partaient du constat que les entreprises européennes et autres pratiquaient la corruption, et que donc leurs entreprises perdaient des parts de marché. »

Aujourd’hui, les lois extraterritoriales américaines permettent de sanctionner toute entreprise étrangère pour des délits effectués n’importe où dans le monde, dès lors qu’une seule parmi plusieurs conditions est avérée : des transactions en dollars ; des échanges d’e-mails ou l’hébergement de données sur des serveurs basés aux États-Unis ; la présence d’une filiale dans ce pays ; y être coté sur un marché financier… Le champ est donc très large.

En se basant sur des rapports parlementaires (comme le rapport Gauvain rendu au Premier ministre en 2019), des articles de presse ou d’autres publications, Augustin de Colnet a réalisé une « cartographie des principales sanctions extraterritoriales américaines de plus de 100 millions de dollars » prononcées entre 2008 et fin 2022. La cadence s’est en effet accélérée depuis la présidence de Barack Obama, visant souvent des secteurs stratégiques. Des groupes basés aux États-Unis mais aussi en France, en Allemagne, au Japon, au Royaume-Uni ou au Brésil remplissent le graphique de Colnet. « Mais tous les États ne sont pas concernés au même titre », commente-t-il. « Tout le monde n’a pas des multinationales comme la France. Et la somme des amendes infligées à toutes les entreprises américaines est inférieure au seul montant payé par BNP Paribas. »

8,9 MDS $ D’AMENDE POUR BNP PARIBAS, 3,6 MDS € POUR AIRBUS…

En 2015, la banque française a versé une amende record de 8,9 milliards de dollars pour avoir contourné des sanctions américaines imposées à l’encontre de Cuba, de l’Iran et du Soudan, entre 2004 et 2012. Réagissant à l’affaire Scott Morton dans une interview au Figaro, Frédéric Pierucci estimait, lui, que « les entreprises européennes ont payé depuis 2010 pas moins de 50 milliards de dollars d’amende (dont environ 15 pour les sociétés françaises) au Trésor américain pour clore des enquêtes du DOJ », le ministère de la Justice américain.

Ancien cadre dirigeant d’Alstom, Pierucci a été arrêté en 2013 sur le sol américain et y a passé 25 mois en prison au total. Selon lui, c’est cette procédure enclenchée contre le groupe pour corruption d’agents publics (en Arabie saoudite, en Indonésie, en Égypte, à Taïwan et aux Bahamas) qui a poussé Alstom à vendre en 2015 sa branche énergie à son plus gros concurrent, le groupe américain General Electric (GE). En plus de payer 772 millions de dollars d’amende. PDG de l’énergéticien français à l’époque, Patrick Kron « n’avait plus le choix : s’il souhaitait échapper à la prison pour les vingt prochaines années, il devait vendre Alstom à General Electric ».

C’est ce que déclare Frédéric Pierucci dans un récent documentaire d’Arte intitulé « La bataille d’Airbus », qui explore les effets de l’extraterritorialité juridique américaine. En 2013, l’avionneur européen est lui aussi accusé de corruption par Washington. Cette affaire et d’autres poussent le gouvernement français à réagir. Promulguée en 2016, la loi Sapin II permet à la France de mener des procédures anticorruption conformes aux normes américaines, afin de protéger les entreprises hexagonales de sanctions prononcées outre-Atlantique. L’affaire Airbus s’est soldée par une transaction entre le groupe et les justices française, britannique et américaine. Sur un total d’environ 3,6 milliards d’euros d’amende, la France a reçu un peu plus de 2 milliards, le Royaume-Uni, 984 millions, et les États-Unis, 525 millions.

« COMME POUR UN BUT DE GUERRE, IL Y A UN TRIBUT À PAYER »

« La loi Sapin II transpose à peu de chose près la loi américaine », relève l’avocat Olivier de Maison Rouge, docteur en droit et spécialiste du droit de l’intelligence économique. « Avec ses effets d’extraterritorialité, elle est très clairement une réplique aux textes américains. Mais le nôtre ne frappe que les entreprises françaises, pas les américaines, indiennes ou autres… »

Dans l’affaire BNP Paribas, l’avocat observe que ce sont des embargos décrétés par les États-Unis qui s’appliquent, pas des sanctions de l’ONU : « Indépendamment du droit international, ils s’arrogent le droit d’être le gendarme du monde qui applique le droit, avec deux types de sanction : pour les entreprises américaines, et pour les entreprises étrangères. Dans ce cas, BNP Paribas ne pouvait se priver des transactions en dollar, qui représentent aujourd’hui 44% des transactions mondiales. » Quitte à payer cette amende faramineuse.

Le juriste file une métaphore martiale : « Comme pour un but de guerre, il y a un tribut à payer à la fin, et on affaiblit une cible. » Mais il se refuse à voir une stratégie délibérée dans les poursuites contre Alstom puis la vente d’une branche stratégique du groupe à son principal concurrent : « Oui, le DOJ a été à la manœuvre et a mis l’entreprise sous enquête ; mais l’acquisition répond à un schéma plutôt classique, et nulle part il n’a été démontré que les accusations de corruption ont été mises en place dans le but de cette acquisition. »

« POUR L’INSTANT, NOUS N’AVONS PAS D’ARSENAL AU MÊME NIVEAU »

Augustin de Colnet n’est pas du même avis : « Il y a pour moi une collusion évidente entre GE et le ministère de la Justice américain. Alstom est d’ailleurs la cinquième entreprise rachetée par GE après des sanctions du DOJ. » Pour lui, la « guerre juridique » (lawfare en anglais) est « juste une arme économique comme une autre » dans les rivalités mondiales. Il estime d’ailleurs que l’Union européenne et la France ne s’arment pas suffisamment : « Nous sommes à peine sur la défensive. Parler d’offensive, rien dans l’actualité ne le présage. Mais dans l’UE, nous n’avons pas tous les mêmes intérêts économiques. Tout montre qu’on n’a juste pas envie de froisser notre allié américain, notamment en raison de son poids militaire et commercial. »

En attendant, forts de leurs lois, les États-Unis ne se gênent pas. Citée dans le documentaire d’Arte, une note de la DGSI rédigée au moment de l’affaire Airbus parle d’une « stratégie de conquête » des Américains dans les secteurs « de l’aéronautique, de la santé et de la recherche », les entreprises françaises faisant l’objet d’« attaques ciblées » par le biais de « contentieux juridiques ».  L’ancien député Raphaël Gauvain l’affirme dans le même film : « C’est très clair que les entreprises européennes sont la cible privilégiée des pouvoirs publics américains, et que les plus lourdes condamnations se sont faites à l’encontre des entreprises européennes. »

Pour Olivier de Maison Rouge, tout cela « renvoie à la question de la domination paraéconomique » : « Les Américains eux-mêmes n’ont-ils pas d’autres moyens pour créer des distorsions de concurrence ? Leur soft power, leurs outils d’influence comme les fondations, les programmes de type « Young Leaders »… En Europe, les cerveaux sont formés à l’esprit anglo-saxon, un alignement cognitif s’opère, et il n’est pas nécessaire de rémunérer d’une manière ou d’une autre. Même s’ils ont aussi des paradis fiscaux dont l’opacité permet de dissimuler des règlements financiers, comme l’État du Delaware dont est issu Joe Biden. »

L’avocat en appelle donc, lui aussi, à bâtir une « réciprocité. Pour l’instant, nous n’avons pas d’arsenal au même niveau ».

[1] VA Editions, 2021.

Pourquoi l’armée française est-elle surnommée la « Grande Muette » ?

Pourquoi l’armée française est-elle surnommée la « Grande Muette » ?

Image d’illustration. Un soldat apposant son doigt sur ses lèvres, en signe de silence. © Libre de droits

 

À l’occasion de l’anniversaire du droit de vote des militaires, le 17 août 1945, retour sur le surnom de « La Grande Muette » désignant l’armée et ses membres durant IIIe République française, qui lui est historiquement lié, ainsi que son évolution jusqu’à aujourd’hui.

 


Un peu plus d’un an après les femmes le 21 avril 1944, les militaires de carrière sont les derniers représentants français — à l’exception faite de plus d’un million femmes musulmanes en Algérie (1958) et des personnes sans domicile fixe (1998) — à obtenir le droit de vote.

L’ordonnance du 17 août 1945 dispose en effet : « Les militaires des trois armées (de terre, de mer, de l’air et de l’espace) sont électeurs dans les mêmes conditions que les autres citoyens », rompant avec une loi de 1872 les excluant du suffrage universel, héritée de l’époque où l’armée était regardée avec suspicion et tenue hors de la vie politique du pays. Explications.

Un rare serpent à deux têtes fait son retour dans un zoo au Texas

Un droit de vote « en pointillé » pour les militaires

À la suite de la Révolution française de 1848, de l’abdication du roi Louis-Philippe et ainsi, de la chute de la monarchie de Juillet (1830-1848), la IIe République française est instituée cette même année.

Elle met fin au suffrage censitaire, où seuls les citoyens dont le total des impôts directs dépasse le seuil (le cens) peuvent voter. L’élection d’un président de la République se fait désormais au suffrage universel masculin, pour tous les hommes âgés d’au moins 21 ans jouissant de leurs droits civils et politiques (décret du 5 mars 1848). Le droit d’être élu est accordé aux plus de 25 ans. Le vote est secret. Femmes, membres du clergé, détenus et militaires de carrière en sont toutefois exclus.

Pour cause, dans cette période de vives tensions entre la France et la Confédération germanique, il paraît inconcevable que les troupes soient dispersées au moment des élections à travers le territoire national, dans chaque commune ou canton. Elles seront donc des abstentionnistes forcées du premier scrutin d’avril 1848, où le corps électoral — passé de 250 000 à 9 395 000 inscrits avec le nouveau mode de suffrage — est convoqué dans les bureaux pour élire 880 députés.

C’est finalement la loi du 15 mars 1849 qui, si elle réduit d’une part le corps électoral par de nouvelles conditions, accorde le droit de vote aux soldats : « Les militaires en activité de service et les hommes retenus pour le service des ports ou de la flotte, en vertu de leur immatriculation sur les rôles de l’inscription maritime, seront portés sur les listes des communes où ils étaient domiciliés avant leur départ ». Les sections de vote sont alors organisées dans les établissements militaires.

Le 2 décembre 1851, le président Louis-Napoléon Bonaparte, premier chef d’État français élu au suffrage universel, renverse la République à travers un coup d’État, aidé par l’armée.

Il maintient le droit de vote des militaires pour les plébiscites (consultations populaires pour approuver ou refuser les grandes orientations, sortes de référendums) qui approuvent son accession au pouvoir entre décembre 1951 et novembre 1852 — ainsi que lors des élections (plus ou moins galvaudées) organisées sous le Second Empire, établi un an pile après le renversement du précédent régime.

Face à la méfiance des Républicains, « la Grande Muette »

Ce droit demeure ouvert aux soldats jusqu’à la défaite de Sedan le 2 septembre 1870, la chute de Napoléon III et l’instauration de la IIIe République. Le 27 juillet 1872, la loi Cissey instaure le service militaire obligatoire par tirage au sort… et prononce, à travers l’article 5, l’interdiction du vote pour les militaires de tous grades en activité : « Les hommes présents au corps ne prennent part à aucun vote ».

À une période où la République est encore fragile, les partisans de celle-ci y voient là, entre autres arguments, une volonté de rompre avec un régime antérieur (auquel l’armée était impliquée) et une manière d’instaurer une neutralité et un loyalisme de l’institution envers la Nation.

Pour exemple, Léon Gambetta, alors l’une des personnalités politiques les plus importantes des premières années de la III République, préconisait ainsi cette suspension du droit de vote pour « empêcher, au foyer de la famille militaire, les dissentiments politiques » (discours du 4 juin 1874 – Dominique Colas, L’État de droit, Presses universitaires de France, 1987).

Les soldats se voient donc dotés de ce statut particulier et, privés de droits civiques, ne peuvent contester ; ils sont « muets ». L’armée, à la fois grande et silencieuse dans les urnes, se voit attribuer le surnom de « Grande Muette ». Il faut attendre la fin de la Seconde Guerre Mondiale, dans une considération des actes accomplis et un rétablissement égalitaire, que ce droit de vote est rétabli.

Le Code de la Défense, droits et libertés actuelles

Mais qu’en est-il aujourd’hui ? Si le statut général militaire est prévu en vertu de l’article 34 de la Constitution française, il est codifié au sein du Code de la Défense, regroupant l’ensemble des dispositifs législatifs et réglementaires relatifs à la défense française et à son exercice, adopté en 2004.

Son article L4121-1 réaffirme que « les militaires jouissent de tous les droits et libertés reconnus aux citoyens ». Il précise aussi les droits accordés aux fonctionnaires civils et aux militaires dépendant du Ministère des Armées, avec la possibilité de restreindre l’exercice de certains d’entre eux.

Il leur est ainsi interdit d’adhérer à des groupements ou des associations à caractères politiques. La syndicalisation, par exemple, est à ce titre prohibée. En déniant ce droit, la juridiction du Conseil de l’Europe jugeait en 2014 que les autorités françaises violaient l’article 11 de la Convention européenne des droits de l’Homme, garantissant la liberté de réunion et d’association.

Si un membre des forces armées en exercice choisit de se porter candidat à une élection, l’interdiction précédemment évoquée est suspendue le temps de la campagne, et le temps du mandat en cas de victoire. Il est alors placé en position de détachement durant l’exercice. Il n’est pas rémunéré, mais continue de bénéficier des droits à l’avancement et à la pension de retraite.

Sur le fond (et si elles sont libres), « les opinions ou croyances, notamment philosophiques, religieuses ou politiques […] ne peuvent être exprimées qu’en dehors du service et avec la réserve exigée par l’état militaire », rappelle également le texte. Ce dernier prévoit en outre que cet « état militaire » exige, entre autres, un esprit de « neutralité », de « loyalisme », de discipline ».

Des législateurs ont toutefois favorisé l’expression des militaires en dehors du service, en facilitant à travers la réforme du nouveau statut général militaire de 2005, notamment, leur adhésion et à des groupements, qu’elle qu’en soit la forme — à l’exception de ceux à vocation professionnelle ou politique.

Un statut des militaires français voué à évoluer ?

Dans la forme, un soldat est également soumis, comme l’ensemble des fonctionnaires, au secret professionnel, à la discrétion, mais également à un devoir de réserve : pendant ou en dehors de son service, il est tenu de peser ses propos et de conserver une certaine mesure dans l’expression de ses opinions personnelles, pour ne pas laisser apparaître une irrévérence envers l’État.

Cette distinction est complexe. Elle se veut purement théorique, car en pratique, seuls les abus de droit sont (officiellement) susceptibles de faire l’objet de sanctions disciplinaires. Ce n’est pas pour autant, en revanche, que la « Grande Muette » a acquis le nouveau surnom de « Grande Pipelette ». Si toutes formes de critiques ne sont pas proscrites, elles se sont avérées plutôt rares.

L’avènement d’une société où l’information circule librement et instantanément, ainsi que le recrutement d’une jeune génération de militaires, pourrait changer la donne. Certains apportent désormais leur avis sur des questions touchant à la Défense, à travers des livres, blogs ou leurs réseaux sociaux, outrepassant la nécessité de discrétion imposée par le Ministère et s’exposant ainsi à des sanctions.

Avec l’augmentation du budget alloué à la défense et la volonté de renforcer massivement les rangs de la réserve opérationnelle, et face à ces enjeux, le statut des militaires pourrait être voué à évoluer.

 

Interpellation de casseurs par des militaires à Lorient : l’analyse du général Bertrand Cavallier

Interpellation de casseurs par des militaires à Lorient : l’analyse du général Bertrand Cavallier


Des interpellations de casseurs à Lorient dans la nuit du 30 juin au 1er juillet par des militaires en civil agissant à titre personnel ont suscité de nombreuses et diverses réactions. D’un côté la population lorientaise qui a majoritairement applaudi cette initiative selon le Télégramme, et de l’autre, trois députés Bretons de la France insoumise qui ont effectué un signalement au parquet dans le cadre de l’article 40 du code de procédure pénale. (*) Les parlementaires émettent un doute sur l’intervention des militaires dans le cadre de l’article 73 du code de procédure pénale qui dispose que “dans les cas de crime flagrant ou de délit flagrant puni d’une peine d’emprisonnement, toute personne a qualité pour en appréhender l’auteur et le conduire devant l’officier de police judiciaire le plus proche”.

La Voix du Gendarme a sollicité l’analyse de l’un de ses conseillers, le général de division (2S) Bertrand Cavallier, expert en maintien de l’ordre, mais aussi ancien chef militaire ayant exercé de multiples commandements dans la Gendarmerie départementale et dans la gendarmerie mobile et ancien instructeur à l’École spéciale militaire de Saint-Cyr et instructeur commando.

La Voix du Gendarme : à votre sens, des militaires qui, à titre personnel, ont arrêté des émeutiers, auraient-ils agi sans aucune espèce de loi, ou de règlement, qui le permet, comme le prétend le ministre de l’Intérieur ?

Bertrand Cavallier : dans la nuit du 30 juin au 1er juillet, à Lorient, le centre de la ville, mais aussi certains quartiers ont été la proie de plusieurs  dizaines d’émeutiers qui se sont livrés aux casses de commerces, à des multiples dégradations notamment par l’effet d’incendies. Comme dans nombre d’autres communes, les forces de l’ordre ont été confrontées à des troubles d’une ampleur et d’une intensité inédite, rendant ainsi plus complexe leur capacité à rétablir l’ordre. 

Le général (2S) Bertrand Cavallier, spécialiste du maintien de l’ordre (Photo DR)

Dans ce contexte dégradé, qui a sidéré la population, quelques personnes ont procédé à l’interpellation des fauteurs de troubles, et les ont remis aux fonctionnaires de la police nationale.

Que ces jeunes gens soient des militaires ou non, la question centrale n’est pas là. Dès lors que ces personnes ont interpellé des auteurs de délits flagrants punis d’emprisonnement (incendies volontaires…), et qu’ils les ont mis à disposition, en l’occurence de fonctionnaires de police, ils ont possiblement agi dans le cadre de l’article 73 du code de procédure pénale (*), ce qui est principalement l’objet de l’enquête judiciaire ouverte.

LVDGpour bon nombre de nos compatriotes , il s’agit d’actes de civisme exemplaire, mais il semblerait que cela ne soit pas un avis partagé. Qu’en pensez-vous ? 

BC : selon les informations qui sont ouvertes, il semblerait que ce soit bien des individus appartenant à des unités militaires de la Marine nationale implantées localement, lesquelles en tant qu’entités sont étrangères à ce qui s’est passé. L’action de ces militaires, hors service – il faut le rappeler-, aurait relevé d’une initiative personnelle qui est celle de citoyens prêtant main forte aux forces de l’ordre. Ce serait là plutôt, de mon point de vue, un acte de bon citoyen. Il tranche évidemment avec la passivité générale que l’on constate aujourd’hui dans la population, mais qui est compréhensible eu égard aux risques physiques mais aussi juridiques pris – l’actualité le révèle souvent – pour ceux qui prennent de telles initiatives.

LVDG : en tant que chef militaire, que ce soit lors de votre passage comme instructeur à Saint-Cyr, où lors de vos commandements en gendarmerie mobile et en gendarmerie départementale, comment auriez-vous réagi ?

BC Je n’ai point besoin de rappeler tout d’abord qu’un chef soutient ses subordonnés. J’ajoute cependant que je suis attaché à la loi, mais également que j’ai acquis une certaine expérience s’agissant du courage d’une grande partie des politiques, mais aussi de la haute fonction publique.

Dans des circonstances analogues, je les aurais donc félicités pour leur audace, en cohérence avec l’essence même de leur engagement professionnel : servir leur patrie, protéger la nation. En cohérence, également, avec l’élan inhérent à la jeunesse, du moins ce qu’elle devrait être plus largement, dans cette société rabougrie et conservatrice.

Je les aurais aussi mis en garde. Car dans l’état actuel de notre société, et de ses faiseurs d’opinions, ils se seraient ainsi exposés physiquement, juridiquement, mais également socialement.

LVDGquels enseignements tirez-vous de cet évènement ?

BC : tout d’abord, je prends acte du soutien massif qu’apporte la population à ces marins d’élite, héritiers de Léon Gauthier dont on vient d’honorer la mémoire au niveau national, qui ont ainsi agi. J’ajoute que les retours des policiers et Gendarmes engagés à Lorient, cette nuit là,  n’ont pas été négatifs, loin s’en faut.

D’autre part, je fais confiance aux magistrats. Leur sagesse et leur indépendance seront précieuses pour apprécier les faits considérés avec justesse.

Mais au-delà, ces actions doivent nous inciter à nous poser les vraies questions. Des questions évidemment dérangeantes.

Ces émeutes constituent un nouvel épisode de la dégradation de la situation notre pays, de son affaiblissement, de la généralisation de la violence, de l’expansion continue de zones dites de non droit, y compris au coeur de territoires jusqu’ici préservés…Ces violences sont révélatrices d’une nouvelle oppression, qui contraint dans le quotidien les populations, qui réduit leurs libertés fondamentales. Qui peut nier cela aujourd’hui ? Qui peut nier l’émergence d’un phénomène hybride, qui combine le goût de l’argent facile, le désir de conquête, un suprémacisme contestant nos valeurs culturelles ?

Un pays où, depuis des décennies  – le mal est profond -, l’on recommande aux militaires de ne plus se circuler en tenue, du fait du risque élevé de se faire agresser, notamment dans certaines zones.

Cette lâcheté rationalisée – nous nous sommes soumis – donne un goût amer à ces cérémonies marquant le sacrifice de ceux s’étant battus pour une France souveraine, pour un peuple libre, le sacrifice de ceux ayant osé résister. Que n’entends-je point des dites élites, des dits intellectuels, sur ce qui serait incompréhensible, inimaginable, dans la majorité des nations que j’ai l’honneur de visiter fréquemment. Je pense au Maroc, à la Suisse, à l’Allemagne, à l’Italie…?

Les forces de l’ordre ont été massivement engagées, mais elles ont été, en maints endroits, objectivement dépassées. 

L’ordre républicain, le pacte social républicain, ont été sérieusement ébranlés. Dans certaines communes, des maires, désemparés, ont désormais évoqué leur objectif de mieux armer leur police municipale, de la doter de drones, de doubler les effectifs… Mesure compréhensible compte tenu de leur désarroi et de celui de leurs administrés, notamment de humbles commerçants, mais dénaturant cependant le principe d’une police municipale, et qui ne saurait régler le problème de fond.

L’ordre républicain, plus globalement, le pacte républicain, doivent être impérativement restaurés. Partout et en tout temps. Comme je l’ai maintes fois dit, cela va nécessiter des mesures éminemment politiques, énergiques, radicales et globales, telles qu’un Georges Clémenceau pourrait les prendre. Mesures qui ne sauraient d’ailleurs, même si ce n’est qu’un aspect du problème, exempter les forces de sécurité d’une vraie réflexion sur leur productivité et la réalité de leur proximité avec la population.

Une prochaine crise, qui serait pire, doit être impérativement écartée.  À défaut, avec l’effondrement du dit monopole de la violence légitime de l’État, le peuple pourrait être tenté de l’assumer. 

Cette éventualité nous renvoie à des questionnements essentiels sur la conception de notre société, qui ont marqué notre histoire, et qui ont notamment opposé Robespierre et Condorcet en 1793. Le premier affirmant que “quand la garantie sociale manque à un citoyen, il entre dans le droit naturel de se défendre lui-même”, le second rappelant que “ dans tout gouvernement libre, le mode de résistance à l’oppression doit être réglé par la constitution”

Philosophiquement, sans évoquer mon état d’ancien Gendarme, je serais davantage dans le principe rappelé par Condorcet. Mais qui tient à l’existence d’un gouvernement vraiment libre, c’est à dire dégagé des inhibitions, apte à réellement agir pour protéger les bons citoyens de l’arbitraire, dans le quotidien comme en situation de crise. Cette majorité immense de gens paisibles, d’anonymes qui travaillent, mais dont le silence cache une grande colère.

(*) Article 40 du CPP Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit est tenu d’en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs.

Les drones MQ-9 Reaper block 5 de l’armée de l’Air et de l’Espace ne sont toujours pas autorisés à voler en France

Les drones MQ-9 Reaper block 5 de l’armée de l’Air et de l’Espace ne sont toujours pas autorisés à voler en France

https://www.opex360.com/2023/07/16/les-drones-mq-9-reaper-block-5-de-larmee-de-lair-et-de-lespace-ne-sont-toujours-pas-autorises-a-voler-en-france/


 

Depuis, il a été décidé de porter ces MQ-9 Reaper au standard dit « Block 5 ». Ainsi modernisés, ces appareils disposent d’un nouveau système électrique, de capacités accrues, dont la possibilité d’emporter des missiles air-sol Hellfire et des bombes GBU-48 à guidage laser et GPS en plus des GBU-12 de 250 kg ainsi que d’une suite logicielle et des capteurs plus performants. En clair, il s’agit presque d’un nouveau drone… Et pour le faire voler en France, il faut à nouveau obtenir un certificat de navigabilité. Et, visiblement, cela pose un problème qui n’a toujours pas été réglé à ce jour.

Ainsi, lors d’une audition parlementaire, en juin 2021, Joël Barre, alors Délégué général pour l’armement, avait que expliqué la difficulté avec les MQ-9 Reaper Block 5 venait de ses équipements américains. « L’affaire montre notre degré de dépendance dans ce genre de processus, face à une configuration de logiciel entièrement nouvelle et à un niveau de qualité dont nous ne savons pas s’il est suffisant, alors que nous sommes responsables du niveau de sécurité associée à la mise en œuvre des matériels », avait-il développé.

« Il a fallu instruire la façon dont nous pourrions permettre l’emploi des Reaper Block 5 en opération au Mali, malgré l’incertitude liée au logiciel. Nous avons donc donné un avis technique permettant à l’autorité d’emploi [c’est à dire l’AAE, ndlr] d’utiliser ce drone, uniquement en opération », avait-il ensuite ajouté. Cependant, avait-il ensuite insisté, « il est hors de question qu’il survole le territoire national, parce que nous ne pouvons pas garantir la sécurité du vol d’un tel matériel ».

Deux ans plus tard, on en est toujours au même point. Actuellement, l’AAE – plus précisément la 33e Escadre de reconnaissance et de surveillance – dispose encore de trois MQ-9 Reaper Block 1, lesquels ont d’ailleurs récemment été engagés dans une campagne de tir de GBU-12 à Captieux. Trois autres ont été envoyés aux États-Unis pour être portés au standard Block 5. Quant aux six derniers, déjà « rétrofités », trois sont déployés au Niger et trois se trouvent sur la base aérienne 709 de Cognac… sans pouvoir être utilisés, faute de certificat de navigabilité valable pour l’espace aérien français.

« En France, nous avons trois Block 5 mais nous n’avons pas encore l’autorisation de les faire voler : nous sommes en attente de l’accréditation du certificat de navigabilité pour opérer dans l’espace aérien en métropole. Une nouvelle version logicielle doit être intégrée sur ces appareils, puis être testée et validée par la DGA [Direction générale de l’armement] », a expliqué le commandant de l’escadron de drones 2/33 Savoie au magazine spécialité Raids Aviation.

« Dès que nous aurons la ‘clearance’ pour voler avec les Block 5 en France, nous enverrons nos trois derniers Block 1 en rétrofit », a ajouté l’officier.

Le souci est que du retard est pris pour l’intégration des missiles Hellfire et des bombes GBU-49 sur le Reaper Block 5.

« Nous sommes tributaires de l’accréditation du certificat de navigabilité pour l’intégration de ces nouveaux armements », a en effet affirmé le commandant du 2/33 Savoie. « Le missile Hellfire sera intégré en premier, il sera suivi par la GBU-49 », a-t-il précisé.

Cela étant, un rapport du Sénat, publié en juin 2021, avait dénoncé des « règles de navigabilité et d’insertion dans le trafic aérien » trop « contraignantes » pour les drones militaires.

Ceux-ci sont « soumis à des règles spécifiques, inspirées de celles de l’aviation civile, en ce qui concerne tant leur navigabilité – que leur circulation dans l’espace aérien. Ces règles sont parfois souvent ressenties comme très contraignantes dans la mesure où elles conduisent à freiner la mise en service et l’utilisation de ces systèmes », avaient relevé ses auteurs, avant de recommander un « assouplissement ».

La « phase de certification, nécessaire à la sécurité des zones survolées, est parfois perçue comme excessivement longue , alors que les forces armées ont souvent un besoin urgent des équipements concernés » et les « restrictions constituent un frein à l’utilisation des drones sur le territoire national pour la formation, l’entraînement mais aussi pour les missions de surveillance [postures particulières de sûreté aérienne et de sauvegarde maritime, missions intérieures comme Harpie…] », avaient encore soutenu les sénateurs.