Un second porte-avions nucléaire NG français : Pourquoi faire ? Et pour combien ?

Un second porte-avions nucléaire NG français : Pourquoi faire ? Et pour combien ?


PANG1 Meta-Defense.fr

 

C’est par un tweet enthousiaste que le député Renaissance de la deuxième circonscription du Finistère, Jean-Charles Larsonneur, a annoncé hier en soirée l’adoption par une majorité transpartisane d’un amendement à la Loi de Programmation Militaire 2024-2030, pour qu’une étude approfondie soit menée durant la LPM, au sujet de la construction et mise en œuvre d’un second porte-avions nucléaire de nouvelle génération, ou PANG, alors que la première unité qui doit remplacer le PAN Charles de Gaulle en 2038.

Au delà du fait que le Parlement a joué, dans la conception de cette LPM, un rôle bien plus visible et bienvenu que lors des précédentes, l’annonce d’une étude formelle pour donner une vision claire de ce que pourrait faire, mais également de ce que couterait la construction et la mise en oeuvre d’un second porte-avions pour la France, est incontestablement une avancée notable sur un sujet qui, depuis jacques Chirac, n’a cessé d’être reporté par les président successif à la « prochaine mandature ».

Combien couterait un second porte-avions nucléaire de nouvelle génération ?

Il est vrai qu’un porte-avions, qui plus est nucléaire, coute cher. Ainsi, l’enveloppe pour la conception et la construction du successeur du PAN Charles de Gaulle est officiellement fixée autour de 5 à 6 Md€, certains échos faisant même état de 8 Md€. En outre, au delà de la construction et de l’équipement du navire lui-même, il convient de lui conférer un équipage expérimenté, qui plus est intégrant une tranche nucléaire, ainsi qu’une escorte efficace et un groupe aérien dimensionné pour en exploiter le potentiel.

Ainsi, pour mettre en œuvre le Charles de Gaulle, la Marine Nationale met en œuvre un équipage de presque 2000 marins, officiers mariniers et officiers sur le navire, auxquels s’ajoutent quelques 500 militaires à bord de son escorte composée d’un sous-marin nucléaire d’attaque, une frégate anti-aérienne, deux frégates anti-sous-marines ainsi qu’un Bâtiment Ravitailleur de la Flotte (ou BRF) dans un déploiement classique.

Le groupe aérien, lui, se compose de 2 des 3 avions de guet aérien E2C Hawkeye, de 16 à 20 Rafale M sur les 40 en service au sein des 3 flottilles de l’aéronautique Navale, de quelques hélicoptères ainsi que du soutien d’un avion de patrouille maritime Atlantique 2, sur la vingtaine en service aujourd’hui. Au total, donc, le Groupe aéronaval se compose de 6 navires, 25 aéronefs et 3500 militaires, soit l’équivalent de 3 régiments de l’Armée de Terre.

porte avions charles de gaulle FREMM Meta-Defense.fr
Le PAN Charles de Gaulle est en général accompagné d’une frégate anti-aérienne, de deux frégates anti-sous-marines, d’un bâtiment logistique ainsi que d’un Sous-marin nucléaire d’attaque et d’un avion de patrouille maritime

De fait, l’annonce de l’étude qui sera menée au cours de la prochaine LPM, a laissé perplexe de nombreux observateurs : la France aura-t-elle les moyens de financer la construction du navire et de son escorte ? la Marine Nationale pourra-t-elle doter les nouveaux navires et flottilles des personnels requis ? N’y aurait-il pas mieux à faire avec ce montant que de se doter d’un second Groupe Aéronaval ?

Quels atouts un second porte-avions nucléaire apporterait-il ?

Comme souvent, les questions, tout comme les réponses avancées, dépendent du point de vue pris par celui qui les pose, alors que les options sont nombreuses, tant du point de vue budgétaire que RH, pour y répondre dans les années à venir, selon les ambitions affichées.

En premier lieu, il est indispensable de clarifier l’intérêt, pour la France, de se doter d’un second porte-avions. Nous ne reviendrons pas sur la dispute d’experts récurrente depuis plusieurs années, et même décennies, au sujet de la supposée nouvelle vulnérabilité des porte-avions aux missiles désormais hypersoniques.

Comme nous l’avons déjà montré, cette vulnérabilité n’est ni nouvelle, ni même supérieure à ce qu’elle fut dans les décennies passées, alors même que les porte-avions ont joué un rôle décisif dans le contrôle des océans et des conflits depuis la seconde guerre mondiale.

Nous ne reviendrons pas davantage sur le potentiel militaire unique du porte-avions dans le contexte opérationnel moderne, le navire étant le seul à pouvoir tout à la fois imposer une zone d’exclusion aérienne et navale sur un rayon de 1000 km voire au-delà, tout en menant des frappes soutenues dans la durée contre un adversaire ou en soutien de forces alliées. C’est la raison pour laquelle toutes les grandes marines mondiales, y compris la Chine et la Russie qui pourtant se réclament à la pointe des armes hypersoniques, se dotent ou entendent se doter de cette capacité unique.

De fait, la France dispose déjà de cette capacité, et même d’une capacité partagée uniquement par l’US Navy, à savoir la mise en oeuvre d’un porte-avions doté de catapultes et de brins d’arrêt, permettant aux aéronefs mis en oeuvre de décoller à lourde charge en consommant peu de carburant, et donc de disposer d’une autonomie et d’une puissance de feu supérieures.

En outre, cette configuration autorise un plus grand nombre de manoeuvres aériennes chaque jour, ce qui multiplie de fait le potentiel opérationnel du bâtiment.

IMG 0277 Meta-Defense.fr
Le porte-avions chinois Type 003 de plus de 80.000 Fujian a été lancé le 17 juin 2022. C’est le premier porte-avions chinois à être doté de catapultes électromagnétiques, ici protégées par des infrastructures sur le pont)

Pour autant, avec un unique navire, la Marine Nationale ne peut garantir la présence à la mer du groupe aéronaval que 40% du temps, et une prise d’alerte de l’ordre de 60% du temps, le reste étant nécessaire à la maintenance du navire, et au repos et à l’entrainement de son équipage. On notera que la flotte de chasse embarquée française, avec 40 Rafale Marine et 3 E-2C Hawkeye, est également dimensionnée pour respecter ce contrat opérationnel, sans pouvoir aller au delà.

L’arrivée d’un second porte-avions nucléaire permettrait donc à la France de maintenir à la Mer un de ses deux navires autour de 60% du temps, et d’assurer une prise d’alerte de 100% du temps, tout en réduisant de 30% la pression opérationnelle sur les équipages et les deux navires vis-à-vis du Charles de Gaulle, permettant d’en améliorer l’entrainement, la maintenance et même la qualité de vie.

Surtout, en passant d’une prise d’alerte de 60% à 100%, le Groupe Aéronaval ouvrirait de toutes nouvelles perspectives opérationnelles à l’Etat-major français, y compris dans le domaine de la dissuasion, puisqu’il aurait, à tout moment, la garantie de pouvoir compter sur un Porte-avions et son escorte en cas de crise ou de conflit, et même de 2 porte-avions au besoin environs 30% du temps.

Doctrine et couts sont liés

C’est précisément le contrat opérationnel qui sera donné à ce Groupe Aéronaval qui déterminera grandement les couts de mise en œuvre d’un second porte-avions. Certes, les couts de la construction du navire, eux, seront fixes, même si le navire devait rester à quai faute d’équipage et d’avions.

Ils représentent, aujourd’hui, entre 4 et 5 Md€, dont 1 Md€ pour les seules systèmes de catapultes et brins d’arrêt électromagnétiques acquis auprès des États-Unis. Tout le reste, c’est à dire l’escorte, le groupe aérien embarqué, et même l’équipage, dépendra des choix opérationnels et politiques qui encadreront la mise en oeuvre de ce navire.

Un E2 C Hawkeye pret a etre catapulter sur le pont du Porte avions nucleaire francais Charles de Gaulle Meta-Defense.fr
Le Groupe aérien du Charles de Gaulle se compose d’une vingtaine de Rafale M, de deux E-2C Hawkeye et de plusieurs hélicoptères dont les fameux « Pedro » en charge de repêcher les pilotes en cas d’accident

Ainsi, si la France veut se doter pleinement et de manière autonome d’un second groupe aéronaval, il conviendra non seulement de constituer un second équipage nucléaire de 2000 hommes et femmes pour armer le navire, mais également d’acquérir et d’armer 1 SNA, 3 frégates dont une anti-aérienne et d’un BRF supplémentaires, soit un surcout de construction d’environ 4 Md€, et un millier de marins supplémentaires pour armer les bâtiments, souvent en double équipage.

Il serait également indispensable de constituer deux flottilles de chasse embarquée supplémentaires, et donc d’acquérir environs 30 appareils, ainsi que 2 avions de guet aériens E-2D en plus des 3 delà commandés pour remplacer les Hawkeye du Charles de Gaulle.

Au total donc, une telle hypothèse devrait revenir à 13 ou 14 Md€ en acquisition, et à 400 m€ par an en couts de personnels. Et de rappeler qu’un tel montant permettrait à l’Armée de l’Air de constituer 3 escadrons de chasse supplémentaires et leurs appareils de soutien, ou à l’Armée de terre de se doter de 400 chars lourds et autant de véhicules de combat d’infanterie chenillés.

Il ne revient pas à cette analyse de déterminer quels investissements seraient les plus performants pour renforcer la défense et le rôle de la France sur la scène internationale. En revanche, il est indispensable de prendre en considération que cette approche ne représente qu’une hypothèse parmi d’autres quant à l’utilisation et donc au dimensionnement du second PANG.

porte avions charles de gaulle Meta-Defense.fr
Un second porte-avions permettrait de faire baisser la pression opérationnelle sur les équipage, tout en augmentant la disponibilité de la capacité aéronavale tant à la mer qu’à l’alerte.

Ainsi, il serait également possible de considérer que le second navire n’aurait pour seule fonction que de suppléer le premier lors de ses indisponibilités, ou d’en partager la charge. Présenté ainsi, les besoins en matière d’escorte supplémentaire seraient fortement réduits, voire inexistants, alors que les besoins concernant le dimensionnement du groupe aérien embarqué serait plus ou moins divisés par deux, ce qui en ramènerait les couts d’acquisition autour de 6,5 à 7 Md€, et les surcouts de fonctionnement à seulement 250 m€ par an.

Il serait même possible de réduire encore davantage ces couts, tout en augmentant la présence à la mer du second groupe aéronaval, en bâtissant une alliance opérationnelle pour sa mise en oeuvre avec d’autres pays européens susceptibles d’en fournir tout ou partie de l’escorte, une partie du groupe aérien embarqué, voire une partie de l’équipage. Des pays comme l’Italie, l’Espagne ou la Belgique pourraient y voir un intérêt évident, et se laisser séduire par une telle approche.

Conclusion

On le comprend, dès lors, la construction d’un second porte-avions de nouvelle génération, ne doit en aucun cas être exclusivement considérée comme la reproduction à l’identique de la capacité et donc des couts engagés autours du remplaçant du Charles de Gaulle, mais plutôt comme un champs riche de possibilités et d’options, qui permettrait à la France et à l’Europe de se doter d’une capacité qui ne sera détenue, au delà de 2040, que par les Etats-Unis et la Chine, à savoir de disposer en permanence d’un groupe aéronaval avec en son centre un porte-avions nucléaire lourd doté de catapultes.

L’étude qui sera menée dans les années à venir, et qui ne manquera probablement d’explorer toutes ces options, permettra précisément d’y voir clair dans ce domaine, et donc donnera aux dirigeants comme aux parlementaires, les outils pour prendre une décision plus rationnelle que dogmatique.

Le nucléaire est la seule énergie susceptible de donner à la France une indépendance énergétique

Le nucléaire est la seule énergie susceptible de donner à la France une indépendance énergétique

OPINION. Depuis les trente glorieuses, la part industrielle du PIB de la France a été réduite de moitié passant d’un peu plus de 30% en 1960 à 16% en 2021*. Ce chiffre est bien inférieur à la moyenne mondiale (27,6%) mais aussi à celle de l’UE (proche de 23%). Si l’heure est à la réindustrialisation, celle-ci ne pourra intervenir seule, une industrie souveraine reposant en priorité sur une vraie sécurité énergétique. Par Philippe Charlez, Expert en questions énergétique, Institut Sapiens.

                                                                        (Crédits : DR)

Le projet de « loi pour l’industrie verte » présenté le mercredi 16 mai 2023 en Conseil des Ministres est le principal volet du plan de réindustrialisation souhaité par le Président de la République. Si le projet est louable, l’amalgame réindustrialisation/décarbonation est très critiquable. Même si 80% des jeunes associent industrie et pollution, leur vendre l’industrie comme levier de décarbonation tient au mieux de la naïveté au pire de l’imposture.

La dépendance minière des énergies vertes

Verdir l’industrie impose le remplacement des énergies fossiles, encore très présentes dans l’industrie lourde par des vecteurs électriques : hydrogène en sidérurgie, four à arc électrique en cimenterie et en verrerie. Face à des pays émergents, dont le verdissement de l’économie n’est qu’une lointaine priorité, ce bouleversement renchérira les coûts de production. De plus, d’inévitables normes se superposeront à un outil juridico-administratif déjà très contraignant et dégraderont un peu plus la rentabilité d’entreprises déjà plombées par un excès de charges. Dans ce contexte, la France éprouvera les pires difficultés à massivement ramener au pays des activités délocalisées faute de rentabilité. L’amalgame réindustrialisation/décarbonation est d’autant plus regrettable que l’Hexagone possède déjà l’un des mix énergétiques les plus vertueux du monde.

La décarbonation (au sens large – transports, habitat) reposant en grande partie sur le remplacement d’équipements thermiques par des équipements électriques (pompes à chaleur, éoliennes, panneaux solaires, batteries, voitures électriques, piles à combustible), l’exécutif mise surtout sur le déplacement des activités industrielles traditionnelles vers cette industrie verte dont une partie écrasante (>60%) est aujourd’hui produite dans le sud-est asiatique. La ramener en Europe n’est pas seulement un problème industriel. Il s’agit aussi d’un problème de dépendance minière.

Depuis les années 1950, le fonctionnement de notre société de croissance est intimement lié aux importations de pétrole et de gaz et donc fortement dépendante des pays producteurs. Si la nature a offert gratuitement le soleil et le vent à tous les terriens, il n’en n’est pas de même des métaux critiques indispensables pour construire les équipements verts. Ainsi, la complexité croissante des réseaux électriques liée à la multiplication des ENR a fortement tendu les marchés du cuivre dont plus de la moitié de la production mondiale provient du Chili, du Pérou, de la Chine et de RDC. L’explosion de la demande de batteries a aussi fortement boosté les marchés du Cobalt (64% provient de RDC), du lithium (53% est produit en Australie et 21% au Chili) et du graphite (60% provient de Chine). Quant aux terres rares et autres métaux précieux présents dans les éoliennes, dans les panneaux solaires et les électrolyseurs, 60% de leur production est concentrée en Chine. La croissance verte qui nous donne l’illusion d’une indépendance énergétique retrouvée ne fera que déplacer notre dépendance pétrolière vers une dépendance minière encore plus marquée. L’Europe en général, la France en particulier, sont-elles prêtes à faire face aux foudres écologistes et à rouvrir massivement des mines ? Rien de très concret en ce sens ne figure dans le plan de réindustrialisation pour des projets qui, sans doute, se heurteraient à une puissante contestation.

Recyclage du combustible nucléaire : vraie clé de l’indépendance énergétique

Bien que la France ne produise plus d’Uranium [les principaux producteurs sont le Kazakhstan (36%), le Canada (17%), l’Australie (11%) et le Niger (8%)], la génération électrique nucléaire possède un important avantage concurrentiel par rapport au gaz :  dans le prix du MWh nucléaire, l’uranium compte pour moins de 5% (le coût des installations compte pour 95%) alors que pour le MWh gazier le combustible compte pour 90%. Contrairement au gaz, le MWh nucléaire est donc peu sensible aux aléas économiques et géopolitiques des matières premières et confère à un pays une sécurité énergétique beaucoup plus robuste. D’autant que la France, à travers Orano, dispose d’un contrôle complet sur l’ensemble de la chaîne du combustible. Une expérience recherchée, vectrice d’influence à l’export.

Mais, une donnée physique supplémentaire tranche définitivement de débat : le recyclage du combustible usé. Contrairement à l’enrichissement initial consistant à concentrer la part d’Uranium fissible contenue dans le minerai naturel, le recyclage purifie le combustible usé contenant encore une part très significative de matières valorisables (les réacteurs actuels n’utilisent que 1% du potentiel du combustible). Selon la SFEN, les réserves de combustible nucléaire usé stockés en France auraient la capacité de produire de l’électricité propre pendant près d’un millénaire. Orano fabrique ainsi à partir de combustible usé du Mox (mélange d’oxydes d’Uranium et de Plutonium) qui est utilisé dans les centrales françaises et européennes. Toutefois, depuis la catastrophe de Fukushima et compte tenu des prix faibles de l’Uranium, les électriciens ont souvent préféré s’approvisionner dans les mines plutôt que de recycler du combustible usé. Toutefois, les cours croissants de l’Uranium (il a dépassé les 50 dollars/livre au cours des dernières semaines), la guerre russo-ukrainienne et les limites de stockage devraient faire évoluer les mentalités.

L’autre difficulté du recyclage concerne la technologie. Une partie significative du combustible usé contenant du Plutonium est davantage adaptée à la surgénération de quatrième génération (type Superphénix et Astrid) qu’à la technologie à eau pressurisée (seconde et troisième génération type EPR). Superphénix et Astrid ayant été définitivement abandonnés (sauf nouveau revirement !) par l’exécutif, il y a donc peu d’espoir que ce potentiel gigantesque puisse être valorisé à moyen terme.

Dommage que la politique l’ait une fois encore emporté sur la science et la raison. Le recyclage du combustible usagé dans une nouvelle génération de réacteurs aurait permis de fournir en abondance l’électricité décarbonée mais pilotable dont la France aura besoin au cours des décennies à venir (la consommation devrait doubler d’ici 2050) mais aussi de réduire significativement le problème crucial des déchets en ramenant la plupart des produits de fission à un niveau de radioactivité comparable à celui du minerai d’uranium naturel.

____

* Source World Development Indicators | DataBank (worldbank.org)

L’Occident serait-elle trop confiante dans la non-utilisation d’armes nucléaires par la Russie, la Chine ou la Corée du nord ?

L’Occident serait-elle trop confiante dans la non-utilisation d’armes nucléaires par la Russie, la Chine ou la Corée du nord ?


 

L’Occident serait-elle trop confiante dans la non-utilisation d’armes nucléaires par la Russie, la Chine ou la Corée du nord ?


Dans son nouveau rapport au sujet des armements, du désarmement et de la Sécurité international, le Stockholm International Peace Research Institute, ou SIPRI, l’institut suédois faisant référence dans ce domaine, trace un instantané du rapport de force mondial en matière de forces armées. Cette année, celui-ci montre, entre autre, une progression inédite depuis plusieurs décennies des systèmes d’arme nucléaires et des têtes en service dans le monde.

En effet, entre 2022 et 2023, le nombre total de têtes nucléaires opérationnelles est passé de 9.490 à 9.576, soit une hausse de 0,9% au global. Toutefois, cette variation faible au demeurant cache d’importantes disparités, alors que les pays occidentaux (Etats-Unis, Grande-Bretagne, France et Israel) ont maintenu des stocks strictement identiques, là ou la Chine (410 vs 350) a connu une hausse de plus de 17%, et la Corée du Nord (30 vs 25) de 20%. Quant à la Russie (+0,2%), l’Inde (+2,5%) et le Pakistan (+3%), leurs stocks ont augmenté de manière plus modéré.

Pour autant, cette hausse rapide des stocks chinois et nord-coréens, n’a pas donné lieu à une quelconque réponse marquée par les autorités des pays occidentaux dotés.

Cette absence de réaction est à chercher dans la certitude partagée par les chancelleries occidentales, selon laquelle le seuil nucléaire ne pourrait être franchit par les autorités de Moscou, Pékin ou Pyongyang, sachant que le cas échéant, cela déboucherait probablement sur un conflit nucléaire généraliser duquel personne ne sortirait vainqueur.

La Russie mettra en oeuvre une flotte de 12 SNLE Borei/ Borei-A soit autant que la flotte de sous-marins de la classe Columbia de l’US Navy

Cette théorie de la destruction mutuelle assurée a été au coeur de nombres de décisions ces derniers mois, qu’il s’agisse du soutien occidental à l’Ukraine face à la Russie, ou du soutien américain à Taïwan face à la Chine dans le Pacifique.

De toute évidence, européens et américains n’ont jamais vraiment pris au sérieux les menaces du Kremlin dans ce domaine, pas davantage que le réarmement massif en cours de ces pays dans le domaine nucléaire.

Rappelons en effet que ces dernières années, la Russie a considérablement accru ses efforts dans ce domaine, avec la production intensive des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins de la classe Borei, la reprise de la construction de bombardiers stratégiques Tu-160M2 et l’entrée en service prochaine du système ICBM Satan potentiellement équipé de planeurs hypersoniques Avangard.

La Chine, de son coté, a admis au service 3 SNLE Type 09IV(A) ces 3 dernières années, poursuivi le développement du bombardier stratégique furtif H-20, et surtout a entrepris la construction de 3 nouveaux sites destinés à accueillir des missiles ICBM en silo, pouvant potentiellement amener Pékin à parité avec les Etats-Unis et la Russie dans ce domaine dans les années à venir.

La Corée du Nord, enfin, a procédé à de nombreux essais de nouveaux vecteurs balistiques, y compris un missile à changement de milieux qui armera le prochain sous-marin lanceur d’engins à propulsion conventionnelle de la Marine nord-coréenne.

L’absence de réponse occidentale à ces programmes chinois et nord-coréens, et la certitude des chancelleries européennes et américaines que la Russie n’emploiera jamais l’arme nucléaire en Ukraine, ont été au coeur des préoccupations exprimées par le docteur Francesca Giovannini, la directrice du Harvard Research Network on Rethinking Nuclear Deterrence, à l’occasion du NATO’s Riga StratCom Dialogue qui s’est tenu les 7 et 8 juin dans la capitale lettone.

La Chine a entreprit la construction de 3 sites destinés à accueillir jusqu’à 300 missiles ICBM en silo, contre 399 Minuteman III américains en service

Pour cette spécialiste reconnue de la dissuasion nucléaire, les certitudes occidentales dans le domaine de la dissuasion nucléaire, sont bien trop optimistes. D’une part, Pékin, Moscou et Pyongyang n’ont montré, ces dernières années, aucune volonté pour réduire et contrôler les armes nucléaires, les leurs comme celles de leurs compétiteurs, ce qui démontrerait une stratégie et une doctrine pleinement basée sur le rapport de force nucléaire.

Surtout, aucun de ces pays n’adhère au principe d’inefficacité des armes nucléaires dans un conflit limité, du fait des risques d’escalade et de destruction mutuelle assurée. Au contraire, ils ont développé des doctrines employant les armes nucléaires dans une approche se voulant maitrisée pour obtenir un avantage militaire ou politique circonscrit au théâtre d’opération.

La directrice du Harvard Research Network on Rethinking Nuclear Deterrence n’est d’ailleurs pas la seule à exprimer des inquiétudes motivées dans ce domaine. Ainsi, dans un article publié le 17 Mai par le belier Center de Harvard, le général de brigade en retraite de l’US army Kevin Bryan, a lui aussi expliqué que l’utilisation de l’arme nucléaire en Ukraine par la Russie avait été encadrée depuis plusieurs mois par le Kremlin, notamment si les armées russes venaient à s’effondrer face aux coups de boutoir ukrainiens.

Bien évidemment, les positions exprimées par le docteur Giovanni ou par le général Bryan, ne doivent nullement être considérées comme des prédictions inévitables, mais davantage comme des arguments en faveur d’une évolution des postures occidentales dans ce domaine.

On doit se rappeler, en effet, que jusqu’à quelques jours avant l’offensive russe contre l’Ukraine, l’immense majorité des chancelleries occidentales, ainsi que de leurs services de renseignement, convergeait sur la certitude que la Russie ne commettrait pas l’erreur d’attaquer son voisin.

La Russie comme la Chine et la Corée du nord disposent de vecteurs adaptés aux armes nucléaires de faible intensité, contrairement aux pays occidentaux dotés de l’arme nucléaire

Il est également important de prendre conscience que si la Chine, la Russie ou la Corée du nord, et peut-être bientôt l’Iran, disposent ou disposeront bientôt de vecteurs adaptés à la posture ou a la frappe nucléaire de faible intensité, parfois désignée comme tactique, ce n’est plus le cas aujourd’hui des pays occidentaux dotés, tous n’ayant dans leur arsenal que des armes stratégiques pouvant, éventuellement, voir leur capacité de destruction réduite.

Or, s’il est possible d’identifier un missile balistique Iskander ou DF-21 comme une arme balistique nucléaire de faible intensité, il n’existe aucun moyen de savoir si l’ASMPA, la bombe nucléaire B61 ou les véhicules de rentrée atmosphérique lancés par des ICBM ou des SLBM sont de faible, moyenne ou forte intensité.

De fait, on peut se demander si, aujourd’hui, il ne manquerait aux pays occidentaux dotés de l’arme nucléaire, toute une partie de l’alphabet nécessaire à l’inévitable dialogue stratégique qui fut au coeur du rapport de force face à l’Union Soviétique au cours de la guerre froide, au risque de ne pouvoir contenir les risques de dérapages potentiels qui se dessinent ?

Prolonger le porte-avions Charles de Gaulle au-delà de 2038 coûterait au moins 1 milliard d’euros

Prolonger le porte-avions Charles de Gaulle au-delà de 2038 coûterait au moins 1 milliard d’euros

https://www.opex360.com/2023/06/25/prolonger-le-porte-avions-charles-de-gaulle-au-dela-de-2038-couterait-au-moins-1-milliard-deuros/


Le dimanche 21 février 2021, le porte-avions Charles de Gaulle appareille de Toulon pour une mission opérationnelle nommée CLEMENCEAU 21. Cette mission doit durer jusqu’en juin prochain et doit conduire le groupe aéronaval en Méditerranée et dans l’océan Indien.

 

En tout cas, les parlementaires s’interrogent… Et deux solutions peuvent être envisagées : construire un second porte-avions de nouvelle génération [PANG] en profitant d’économies d’échelle ou prolonger le Charles de Gaulle au-delà de 2038.

Lors de l’examen du projet de Loi de programmation militaire [LPM] 2024-30 à l’Assemblée nationale, les députés ont adopté un amendement visant à demander une étude sur les coûts d’un éventuel second PANG.

Mais, s’il ne s’y est pas opposé, le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, estime que cette option n’est pas abordable financièrement. « Je me suis […] engagé, pour des effets d’opportunité, à ce que l’on fasse la transparence, par un rapport au Parlement, sur la faisabilité et le coût d’un deuxième porte-avions. […] Cela ne veut pas dire que l’on en veut un deuxième – je pense qu’on n’est pas capable de le payer pour être très clair – mais pour des raisons de transparence », a-t-il expliqué lors d’une audition au Sénat, où le projet de LPM 2024-30 sera discuté en séance publique à partir du 27 juin.

Quant à la seconde solution, elle a fait l’objet d’un amendement, adopté par la commission sénatoriale des Affaires étrangères et de la Défense. Celui-ci vise à demander au ministère des Armées de remettre au Parlement une étude sur la prolongation éventuelle du Charles de Gaulle dans les six mois après la promulgation de la LPM 2024-30. Or, un tel délai sera impossible à tenir, comme l’a rappelé Vincenzo Salvetti, le directeur des applications militaires [DAM] du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives [CEA].

« La vie d’un bâtiment à propulsion nucléaire est rythmée par ce que l’on appelle les arrêts techniques majeurs [ATM]. [Or], le prochain ATM du Charles de Gaulle débutera en avril 2027 et devrait durer entre 18 et 24 mois », a dit M. Salvetti. Et ce n’est qu’à cette occasion qu’il sera possible d’examiner le vieillissement de l’acier des cuves des deux réacteurs K-15 du porte-avions.

« On ne peut pas simuler, avec les connaissances que l’on a, le vieillissement de l’acier des cuves. Et donc, le juge de paix sera l’examen réalisé lors de cet arrêt technique majeur. Là, on pourra dire si on peut prolonger la durée de vie du porte-avions ou pas », a affirmé le directeur des applications militaires du CEA.

Cela étant, il a été possible, par le passé, de prolonger la durée de vie d’un navire à propulsion nucléaire. Le cas du sous-marin nucléaire d’attaque [SNA] Rubis en est un exemple. Devant être retiré du service en 2018, il fut décidé de le maintenir opérationnel pendant quatre années supplémentaires, en raison du retard pris par le programme Barracuda.

Cependant, ce qui a été possible pour un sous-marin ne l’est pas forcément pour un porte-avions étant donné que ses chaufferies nucléaires sont davantage sollicitées de par son emploi opérationnel. C’est d’ailleurs un point sur lequel M. Salvetti a insisté.

Reste que si l’état des cuves des deux réacteurs K-15 permet d’envisager une prolongation du porte-avions Charles de Gaulle, alors d’autres considérations devront entrer en ligne de compte. À commencer par la nécessité de changer leur cœur.

« Il faudra que l’on regarde comment on pourra fabriquer deux coeurs [de réacteur nucléaire] supplémentaires dans notre planning de production. On a un outil […], en particulier sur la propulsion nucléaire, qui est calé au juste besoin. C’est à dire qu’il nous faut, en gros, fabriquer un coeur par an. Donc, s’il faut en ajouter deux à un moment donné, il va falloir pousser autre chose. Mais, sinon, rien n’est impossible sur ce sujet », a expliqué M. Salvetti aux sénateurs.

La prolongation éventuelle du porte-avions Charles de Gaulle a visiblement été évoquée lors de l’audition, par la même commission, de l’amiral Pierre Vandier, le chef d’état-major de la Marine nationale [CEMM]. Le compte-rendu n’ayant pas encore été publié, on ne peut que s’en remettre à ce qu’en a rapporté Christian Cambon, son président.

« La question a été posée à l’amiral Vandier, qui a évoqué le coût de plus d’un milliard pour cette opération », a en effet dit M. Cambon. « Faudra peut-être réfléchir », a-t-il conclu.

M. Lecornu doute de la possibilité de financer un second porte-avions de nouvelle génération

M. Lecornu doute de la possibilité de financer un second porte-avions de nouvelle génération

https://www.opex360.com/2023/06/08/m-lecornu-doute-de-la-possibilite-de-financer-un-second-porte-avions-de-nouvelle-generation/


 

« La majorité a été plus forte qu’en 2018 pour la précédente LPM », s’est félicité Thomas Gassilloud, le président la commission Défense. Ce résultat s’explique par le soutien des députés du Rassemblement national [pourtant critiques sur certains points du texte] et de ceux du groupe « Les Républicains ». Les élus socialistes se sont abstenus tandis que ceux de la France insoumise et du Parti communiste ont exprimé leur opposition.

Désormais, il appartient aux sénateurs de se saisir de ce texte tel qu’il a été modifié par les députés. Et, désormais, celui-ci prévoit des « études de coûts » devant permettre au gouvernement de « présenter au Parlement, en 2028, une estimation des crédits nécessaires à la réalisation d’un second porte-avions de nouvelle génération » [PANG], la construction du premier ayant été confirmée… non seulement pour des raisons opérationnelles et capacitaires.. mais aussi pour des impératifs industriels étant donné que ce programme doit « garantir la pérennité des compétences ‘propulsion nucléaire’, avec une attention particulière portée à la conception et à la fabrication des nouvelles chaufferies K22 ».

Si ces études peuvent être perçues comme ouvrant la voie à un second porte-avions, le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, n’a pas voulu donner de faux espoirs, lors d’une audition au Sénat, le 7 juin.

« Je me suis […] engagé, pour des effets d’opportunité, à ce que l’on fasse la transparence, par un rapport au Parlement, sur la faisabilité et le coût d’un deuxième porte-avions. Je m’explique : cela ne veut pas dire que l’on en veut un deuxième – je pense qu’on n’est pas capable de le payer pour être très clair – mais pour des raisons de transparence », a affirmé le ministre. « Plus on va avancer, plus on va être capable de définir les coûts du PANG » et donc d’évaluer « ce que coûterait un second » [porte-avions]. Ce n’est pas parce qu’on demande le prix qu’on sait se le payer. C’est le principe du devis », a-t-il poursuivi.

Pour le moment, le coût du PANG, aux dires de M. Lecornu, est estimé à environ 10 milliards d’euros. Mais « ce sont les travaux qui vont être menés dans les dix-huit mois qui viennent qui permettront d’affiner les sommes, qui, je l’espère, ne seront pas en hausse », a-t-il précisé.

Un mois plus tôt, devant la même commission, Emmanuel Chiva, le Délégué général pour l’armement [DGA], avait évoqué des discussions « avec les industriels afin de garantir la notification de l’avant-projet détaillé fin avril ainsi que la synchronisation des prochains jalons à la lumière du prochain arrêt technique majeur du porte-avions Charles-de-Gaulle, et de son calendrier de retrait de service ».

Cette notification aurait dû se faire en présence de M. Lecornu, à l’occasion d’une visite sur le site de Naval Group à Indret [Loire-Atlantique], le 26 avril dernier. Visite qui a finalement été annulée à la dernière minute…

Quoi qu’il en soit, M. Chiva avait aussi indiqué que la phase de réalisation du PANG allait être lancée « fin 2025-début 2026 » afin de « ne pas décaler » son « admission au service actif à l’horizon 2028 », car un « décalage aurait des effets capacitaires sur la formation des équipages et l’acquisition des savoir-faire ». Aussi, avait-il ajouté, « nous avons donc responsabilisé les industriels sur ce résultat et nous allons réaliser les paiements à réception des prestations, demandant un effort de trésorerie aux industriels, conforme aux règles des marchés publics ».

En attendant, les études relatives aux catapultes électromagnétiques [EMALS] et au dispositif d’arrêt qui leur est associé [AAG – Advanced Arresting Gear], confiées à General Atomics, se poursuivent.

En effet, dans un avis publié le 7 juin, le Pentagone a indiqué avoir notifié, au nom du gouvernement français, un nouveau contrat à General Atomic pour mener à bien une « étude de cas » ainsi que des travaux de « recherche et de développement » à l’appui de l’achat « potentiel » de systèmes EMALS et AAG par la France, évalué à 1,321 milliard de dollars en 2021.

Pour rappel, et à cette fin, un premier contrat, d’une valeur de 8 millions de dollars, avait été attribué à General Atomics en septembre dernier. « Le contrat se terminera en 2023 par une revue des systèmes et une évaluation des fournisseurs français pour la fabrication potentielle de composants en France », avait alors précisé l’industriel américain.

Nucléaire : pourquoi tant d’attirance pour les SMR  ?

Nucléaire : pourquoi tant d’attirance pour les SMR  ?

OPINION. Si on parle autant du nucléaire pour résoudre la crise climatique, c’est parce qu’un nouveau paradigme de réacteurs fait son arrivée : les petits réacteurs modulaires ou Small Modular Reactor (SMR). Comment font-ils la différence… Par Charles Cuvelliez, Ecole Polytechnique de Bruxelles, université de Bruxelles.

https://www.latribune.fr/opinions/tribunes/nucleaire-pourquoi-tant-d-attirance-pour-les-smr-963852.html


Un artiste a imaginé comment se présenterait un SMR produit par l'entreprise Westinghouse.
Un artiste a imaginé comment se présenterait un SMR produit par l’entreprise Westinghouse. (Crédits : Reuters)

Les Small Modular Reactor (SMR) sont d’abord plus petits, et produisent plus d’énergie thermique (de l’ordre de 10 à 50 % plus élevée). Tout en étant plus efficaces, ils rejettent d’autant moins d’énergie dans l’environnement, ce qui signifie moins de consommation d’eau pour les refroidir. Certains concepts de réacteurs modulaires peuvent même se passer d’eau, ce qui ouvre la porte à des réacteurs dans des zones arides (au prix d’un refroidissement moins efficace et d’un peu moins de performance énergétique mais ce n’est plus le moment de faire des chichis).

Ces réacteurs utiliseront des taux d’enrichissements en uranium supérieurs aux taux des réacteurs d’aujourd’hui (5%) : on évoque jusqu’à 10-20 %. De tels taux permettent des plus longues périodes de production et une meilleure utilisation du combustible sans toutefois causer de problèmes de prolifération. Ces réacteurs pourront même être assemblés par modules en usines, comme des voitures, ne fût-ce que les composants principaux : fini les chantiers pharaoniques sur site, qui ne se ressemblent (et ne finissent) jamais. Ces réacteurs peuvent avoir toutes les échelles, depuis plusieurs centaines de MW jusqu’à quelques MW. Ils sont soit à neutrons rapides (les neutrons de la réaction de fission qui vient d’avoir lieu peut directement initier la réaction suivante) ou à neutrons lents (il faut ralentir le neutron qui vient de la réaction de fission précédente via un modérateur avant qu’il ne soit utilisable pour créer la réaction de fission suivante).

Sécurité passive

Un autre progrès notable des réacteurs modulaires, c’est leur sécurité intrinsèque. Dans les réacteurs actuels, les fonctions de sécurité clés sont accomplies par la combinaison d’équipements en fonctionnement et de systèmes en réserve : des générateurs diesels auxiliaires pour continuer à alimenter les équipements dans la centrale en cas de panne électrique, des sources alternatives d’eau, des moyens additionnels de pompage et de circulation d’eau de refroidissement et des actions requises de la part de l’opérateur et de ses équipes qui ont intérêt à être à la hauteur. La promesse des réacteurs modulaires c’est de prévoir ces mêmes fonctions de manière passive, par l’effet de la gravité pour certains systèmes, par des ressorts mécaniques qui activent des valves qui se relâchent quand le système arrive en zone dangereuse… On y optimise la circulation naturelle des fluides pour évacuer la chaleur résiduelle à long terme du cœur.

Avec certains concepts, on garantit une réactivité qui évolue en sens inverse de la hausse de température. Que demander de mieux qu’une réaction de fission qui ralentit à mesure que le réacteur s’emballe. On essaie d’avoir un milieu monophasique, à l’état liquide, en permanence pour ne jamais avoir, par exemple, d’eau qui bout et dégrade le refroidissement du réacteur, même en situation accidentelle.

Avec les réacteurs à sel fondu ou au gaz, la capacité thermique de ces derniers est plus grande, ce qui permet de capturer plus vite sous forme d’énergie thermique l’énergie provenant de la réaction atomique. L’hélium ou sels fondus réduisent les risques d’interaction chimiques avec les matériaux du réacteur et de ses circuits, ce qui diminue leur dégradation. Même la conception des éléments combustibles est modernisée pour la rendre isotrope, c’est-à-dire de même forme géométrique quel que soit l’angle, ce qui réduit, par cette homogénéité, le risque de rupture du combustible (et le relâchement de radioactivité).

Nouveaux designs

Mais tout n’est pas (encore) rose : ce sont des designs pour lesquels on n’a pas de recul ni d’équipes opérationnelles entrainées. Il y a encore de la marge d’innovation avec les progrès dans le digital, en sciences des données et en intelligence artificielle qui peuvent tellement apporter à la sécurité et à l’efficacité de ces nouveaux concepts… ou les rendre vulnérables (au cyberattaques). On pourrait automatiser la détection des risques qui se matérialisent dans l’installation. On pourrait ne remplacer les composants critiques que quand c’est nécessaire plutôt qu’à intervalles réguliers pour éviter des maintenances inutiles qui, à leur tour, peuvent entraîner des défaillances.

Un fonctionnement fiable et la manière de gérer les accidents hypothétiques restent aussi dépendants du choix du réacteur modulaire. Pour les réacteurs refroidis au gaz, il est, par exemple, essentiel de limiter, en cas d’accident, l’arrivée d’air ou d’eau dans le réacteur pour minimiser l’oxydation du graphite et donc le relâchement de radioactivité dans les bâtiments ou l’environnement. Les réacteurs à sels fondus, eux, exigeront une chimie fine et un contrôle strict de la température pour atténuer la corrosion des métaux ou la solidification du sel pendant les opérations sur les canalisations. Les réacteurs à sodium liquide doivent maintenir une atmosphère inerte pour éviter les réactions chimiques explosives lors de fuites de sodium.

Comme les réacteurs travaillent à plus haute température, dans des conditions différentes d’utilisation d’aujourd’hui pour les réacteurs traditionnels en fonctionnement, on doit encore optimiser les matériaux utilisés pour garantir une meilleure résistance à la corrosion et à l’irradiation. Sans cela, on devra les remplacer plus fréquemment :  la maintenance sera plus difficile et plus fréquente, ce qui rajoute des coûts, de la complexité et des temps d’arrêt pour les réacteurs.

Maturité suffisante?

Toutes les familles de réacteurs modulaires n’ont pas atteint la même maturité. Cette dernière est dépendante de trois facteurs.

Dans l’ordre de maturité croissante de ces nouveaux réacteurs, on trouve les réacteurs rapides au gaz, les réacteurs à sels fondus (faible maturité). Les réacteurs à sodium liquide, au sels fluorés et les microréacteurs à gaz haute tempéreuse (supérieur à 1.100 K) viennent ensuite. Les réacteurs les plus matures sont les réacteurs à eau pressurisé de petite taille qui s’inspirent des réacteurs à eau pressurisée actuels.

Il ne faut pas s’en inquiéter. Les réacteurs d’aujourd’hui à eau pressurisée ont aussi connu des étapes avant d’être commercialisés à grande échelle : recherche et développement pour prouver la faisabilité scientifique et technique des caractéristiques clés de ces réacteurs : combustibles, milieu de refroidissement et caloporteur, le système utilisé pour le réacteur, ses composants, sa configuration. Ensuite, il s’agissait de démontrer via un proof of concept que le système tout intégré est viable. Enfin, vient la démonstration de la performance pour confirmer la possibilité de passer à un plus grande échelle, accumuler de l’expérience opérationnelle et valider le comportement et sa performance. Un démonstrateur commercial termine le cycle…

Les opérations

Exploiter des petits réacteurs modulaires ouvre de nouvelles portes opérationnelles insoupçonnées : c’est par exemple le concept de flotte de réacteurs opérant sur un site. La maintenance se fait par vagues, de sorte qu’il y a toujours des réacteurs en fonctionnement pour fournir de la puissance électrique au réseau. On peut même imaginer le réacteur embarqué vers une usine d’où on fera la maintenance et où on le rechargera en combustible, un peu comme quand on amène sa voiture à l’entretien. Bien sûr, déplacer des réacteurs pleins de combustible radioactif présente d’autre contraintes de sécurité et réglementaires.

On voudrait aussi avec les réacteurs modulaires automatiser les opérations pour réduire le besoin en personnel. Cela va nécessiter plus de gestion par informatique avec les contraintes de plus de sécurité et de fiabilité dans leur développement. On voudrait pouvoir diriger à distance les réacteurs, et cela ne devrait pas déplaire au régulateur qui pourrait aussi inspecter à distance et en continu ce qui se passe.

La sécurité et les plans d’urgence avec du personnel réduit va mettre l’accent sur les équipes locales de secours qui devront monter au front et en compétences. En cas de feu, inondation, tremblements de terre, les premiers à intervenir ne seront plus le personnel sur site mais les pompiers locaux.

On voudrait aussi gérer d’une seule salle de contrôle plusieurs réacteurs à la fois, un concept qui fonctionne déjà pour des porte-avions. L’USS Enterprise avait une salle de contrôle unique qui dirige 8 réacteurs. Enfin, on veut aussi utiliser les réacteurs modulaires pour d’autres usages que l’électricité (production de chaleur industrielle, production d’hydrogène), ce qui signifiera d’autres préoccupations et objectifs pour gérer des opérations. On ne produit pas un électron comme on produit une molécule d’hydrogène.

L’AIEA (Agence internationale de l’énergie atomique) recense aujourd’hui plus de 80 modèles de réacteurs : pour ne pas devoir fabriquer 80 types de combustibles différents, pour que le passage à l’échelle soit possible, pour qu’une usine à réacteurs où on les fabrique et les entretiens fasse sens, seuls quelques modèles doivent percer. Il est donc urgent de ne plus se poser de questions existentielles sur le nucléaire (oui/non) mais d’y aller à toute vitesse en soutien du renouvelable pour ne pas se laisser déborder par le climat.

_______

Pour en savoir plus : Laying the Foundation for New and Advanced Nuclear Reactors in the United States (2023), National Academies of Sciences, Engineering, and Medicine

Comment l’Allemagne finance l’affaiblissement du nucléaire français. Entretien avec le CI2S

Comment l’Allemagne finance l’affaiblissement du nucléaire français. Entretien avec le CI2S

 

par Comité d’Intelligence Stratégique pour la Souveraineté CI2S – Revue Conflits – publié le 8 mai 2023

http://Comment l’Allemagne finance l’affaiblissement du nucléaire français. Entretien avec le CI2S


En 2020, l’Allemagne remporte une victoire décisive : la fermeture de la centrale de Fessenheim. Alors que le parc nucléaire français est mal en point, Berlin en profite pour multiplier les actions dans le but d’affaiblir l’industrie française du nucléaire. Pour sauver sa compétitivité économique, l’Allemagne finance des fondations politiques qui mènent des opérations d’influence anti-nucléaire sur le territoire français et à l’étranger, notamment auprès des fournisseurs d’uraniums. Enquête sur cette croisade contre l’atome français.

Rapport d’investigation réalisé par Comité d’Intelligence Stratégique pour la Souveraineté (CI2S) disponible ici, publié par le média Souveraine Tech. Actuellement, l’ancien ministre François Goulard se concentre sur ces questions.

Propos recueillis par Côme de Bisschop.

Ce samedi 15 avril, vingt et un ans après sa décision de sortir de l’atome, l’Allemagne a définitivement débranché ses trois derniers réacteurs nucléaires en activité. Comment l’opinion publique allemande est-elle devenue farouchement antinucléaire ? 

L’opposition de l’opinion publique allemande à l’atome se développe durant la guerre froide. Si elle concerne initialement le nucléaire militaire (notamment au travers de mouvements pacifistes parfois instrumentalisés par les Soviétiques comme ce fût le cas lors de la crise des Euromissiles), elle s’étend progressivement au domaine civil, notamment après l’accident de Tchernobyl. Dès lors, l’atome inspire une telle criante qu’on trouve des livres “traumatisants” destinés à enseigner la peur du nucléaire à la jeunesse. On peut notamment citer les ouvrages de Gudrun Pausewang qui contenaient des descriptions détaillées d’enfants agonisant à la suite d’un “Tchernobyl géant” en Allemagne et qui furent mis au programme par de nombreux instituteurs de l’époque.

Depuis, le sujet du nucléaire n’a pas disparu des débats publics. Il a notamment été utilisé par des partis politiques, à l’instar de Die Grunen, comme cheval de bataille électoral. Tous ces éléments contribuent au développement d’une psychose autour de la question nucléaire. Celle-ci fut notamment observable à l’issue de l’accident de Fukushima en mars 2011 lorsqu’une frénésie s’empara de l’opinion publique allemande. Cela poussa Angela Merkel à accélérer l’abandon de l’atome face à la menace d’un revers politique au profit de Die Grunen lors des élections suivantes.

Les fondations politiques sont des acteurs spécifiques de la politique étrangère allemande. Ces dernières sont-elles des agents d’influence de l’État allemand ? En vue de quels objectifs agissent-elles ?

Les fondations politiques sont une spécificité du système allemand qui ne trouve pas vraiment d’équivalent dans le reste du monde. Il s’agit de structures parapolitiques, financées majoritairement par l’État et rattachées à un parti politique allemand. On compte 7 fondations, la fondation Friedrich Ebert (SPD), la fondation Konrad Adenauer (CDU), la fondation Friedrich Naumann (FDP), la fondation Hans Seidel (CSU), la fondation Rosa Luxembourg (PDS/Die Linke), la fondation Heinrich Böll (Les Verts) et la fondation Desidarius Erasmus (AfD). Elles fonctionnent sur un modèle assimilable à celui d’un think tank avec comme objectif déclaré la promotion d’une ligne idéologique proche de celle de leur parti de rattachement. Elles agissent sur le sol allemand, mais également à l’international. Bien que revendiquant une indépendance vis-à-vis de l’État fédéral, l’examen empirique de l’action des fondations depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale met en lumière leur rôle d’agent d’influence aligné sur les intérêts allemands.

Dès les années 50, les fondations sont massivement employées par la République Fédérale Allemande dans sa stratégie de lutte contre l’influence communiste, notamment contre celle de la RDA face à qui elle souhaite incarner “l’Allemagne légitime”. Les fondations sont notamment employées en Amérique du Sud où leur efficacité est tel qu’elles serviront de modèle à des expériences telles que la National Endowment for Democracy, une structure financée par le gouvernement américain, et impliquée dans de nombreuses opérations de déstabilisation de régimes étrangers. L’État allemand est particulièrement satisfait de l’action des fondations. Il loue dans un rapport leur capacité à “influencer le développement de pays à travers une orientation de leurs élites dans un sens sociopolitique déterminé”, mais également le fait que leur emploi permet de dissimuler l’implication du gouvernement fédéral. Par moment, l’État estime même que l’emploi des fondations politiques est plus efficace que celui de ses services secrets.

En 1996, le Président fédéral Roman Herzog déclare considérer les fondations comme “l’un des instruments les plus efficaces et éprouvés de la politique étrangère allemande, si on ne se limite pas aux seules méthodes et au savoir traditionnel de la diplomatie”. Depuis la fin de la Guerre froide, les fondations politiques ont été engagées en Europe de l’Est dans des opérations “d’européanisation” des sociétés et de rapprochement des élites politiques avec l’Allemagne ; en Afrique, afin d’appuyer la politique étrangère allemande ; dans les États des printemps arabes afin de peser sur les modalités de fonctionnement des nouvelles institutions et, plus récemment, en France afin de pousser Paris à renoncer à l’énergie nucléaire.

La liste ci-dessus est loin d’être exhaustive, les fondations politiques allemandes mènent des actions partout dans le monde avec la bénédiction d’un État allemand particulièrement satisfait n’ayant de cesse d’augmenter leur budget.

Vous précisez que les fondations politiques doivent la quasi-totalité de leur budget à l’État allemand. Ce dernier est-il ainsi le commanditaire du projet qu’il finance ?

Il existe deux modes de financement des fondations politiques par l’État allemand. Le premier est un financement de droit calculé en fonction des résultats du parti politique de rattachement de la fondation sur les quatre derniers scrutins législatifs. Le second, et principal mode de financement des fondations pour leurs actions à l’étranger, est une attribution de fonds dédiée à une initiative spécifique : une fondation politique présente un projet à un ministère et celui-ci décide s’il accepte ou non de le financer.

Dans ce cadre, l’État allemand, par l’intermédiaire de son ministère, peut être qualifié de commanditaire du projet. Bien qu’il n’en soit pas l’architecte premier, il n’en demeure pas moins le principal financeur et un acteur central sans qui l’entreprise ne pourrait se concrétiser. Il est important de souligner que le ministère sollicité contrôle le projet en amont et est entièrement libre de refuser d’accorder des fonds. Ainsi, lorsque les ministères du Développement et des Affaires étrangères financent des projets d’influence visant à entraîner des “transformations socio-écologiques”, ils le font en toute liberté et en toute connaissance de cause.

Quels sont les objectifs de l’Allemagne dans ses exercices d’affaiblissement de la filière nucléaire française ? Est-ce pour rattraper l’avantage concurrentiel français ou pour convertir ses voisins limitrophes à cette peur de la potentielle catastrophe ?

Si la peur du nucléaire au sein de l’opinion publique allemande peut pousser Berlin à voir d’un mauvais œil le développement de l’atome dans un pays limitrophe, la principale raison des manœuvres d’affaiblissement de la filière nucléaire française reste économique. L’abandon de l’atome par l’Allemagne en 2011 supposait une hausse durable des coûts de l’énergie. Si cette augmentation était problématique pour les ménages, elle était catastrophique pour le tissu industriel allemand qui allait voir sa compétitivité s’effondrer, notamment par rapport à l’industrie française qui, n’ayant pas abandonné le nucléaire, n’allait pas voir ses coûts de production exploser.

À cette époque, l’obstacle se tenant entre l’Allemagne et un déclassement industriel majeur se résume au marché commun de l’énergie (adopté en 2007 sous présidence allemande) et à ses mécanismes permettant de juguler la hausse des prix, mais dont la pérennité sur le temps long n’est en rien assurée (en témoignent les débats actuels autour de l’ARENH). N’ayant pas les moyens de compenser les avantages octroyés à l’industrie française par l’utilisation du nucléaire, Berlin tente donc de pousser Paris à y renoncer.

Certaines de ses fondations politiques sont particulièrement actives dans la lutte contre la filière nucléaire française en utilisant des relais médiatiques et associatifs. Comment arrivent-elles à propager le paradigme antinucléaire au sein de l’opinion publique française ?

La fondation politique la plus active sur le territoire national est la Fondation Heinrich Böll. Sa stratégie d’influence vise à propager le paradigme antinucléaire au sein de l’opinion publique française et conjugue une approche directe et une approche indirecte. L’approche directe consiste à produire et diffuser de la doctrine pseudoscientifique militante visant à diaboliser le secteur nucléaire. Ces productions, souvent alarmistes et manichéennes, ont pour objectif de jouer sur la perception du grand public afin que celui-ci ne voit plus dans l’atome qu’une énergie du passé, dangereuse, qu’il serait vital d’abandonner. L’approche indirecte se traduit par le financement de structures tierces, notamment d’associations militantes. La Fondation Heinrich Böll finance ainsi, et ce depuis plusieurs années, le Réseau Action Climat. Il s’agit d’une fédération regroupant une trentaine d’associations écologistes et enregistrées en tant que représentante d’intérêts auprès de la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique.

Cela étant, l’intérêt majeur du Réseau Action Climat et de ses associations membres réside dans leur capacité à mener des actions militantes “choc” à fort impact médiatique. Ces dernières, dont la conduite est impossible pour la Fondation Heinrich Böll du fait de ses faibles effectifs et de son positionnement, permettent de provoquer l’irruption du sujet nucléaire dans le débat public sous un angle négatif, bien plus émotionnel que rationnel. Ces actions sont doublement efficaces, car elles permettent également de “rabattre” les tiers vers la documentation d’influence élaborée par la Fondation Heinrich Böll, favorisant, par voie de conséquence, la propagation du paradigme antinucléaire au sein de la société française.

Selon la stratégie adoptée par ces fondations politiques, cette stigmatisation massive du nucléaire au sein de l’opinion publique française doit mener à un abandon de la filière par les autorités publiques. La bataille idéologique du nucléaire peut-elle être remportée en dissuadant l’opinion publique plutôt que les dirigeants politiques ?

La conquête de l’opinion publique est une excellente stratégie d’influence, particulièrement dans un système démocratique. La population est ici un effecteur à instrumentaliser afin de faire pression sur l’ensemble du paysage politique. Il convient de rappeler qu’en 2011, c’est la peur de l’opinion publique et des conséquences électorales liées qui ont poussé Angela Merkel à accélérer la sortie du nucléaire. Mme Merkel était loin d’être une dogmatique anti-atome. En effet, 6 mois auparavant, son gouvernement avait fait passer une loi sur l’allongement du temps de fonctionnement des centrales nucléaires qu’elle avait qualifié de “révolution énergétique”.

De plus, la Fondation Heinrich Böll est loin d’avoir délaissé le monde politique. Elle entretient d’excellentes relations avec Europe Ecologie Les Verts. En mars dernier, le Vice-Président de l’antenne parisienne de la fondation a ainsi été le premier intervenant lors d’une conférence de presse au siège d’EELV censée marquer le début de ce que Marine Tondelier a elle-même qualifié de “contre-offensive culturelle” contre le nucléaire.

Les associations antinucléaires comme « GreenPeace France » ou « Les Amis de la Terre » sont financées par des fondations politiques allemandes, elles-mêmes financées par l’État allemand. Notre voisin d’outre-Rhin nous a-t-il déclaré une guerre idéologique en s’infiltrant au sein de la société française pour affaiblir le fleuron de notre industrie qu’est l’énergie nucléaire ?

Les stratégies d’influence mises en place par l’Allemagne s’apparentent moins, du fait de leur effet final recherché, à des actions de guerre idéologique qu’à des manœuvres de guerre économique. Bien qu’il serait exagéré d’affirmer que Berlin nous mène une guerre économique, le bon sens nous pousse à rappeler la propension de l’Allemagne à prioriser ses intérêts, et ce, même au détriment de ses “alliés proches”.

Il n’est pas question de faire ici de “l’anti-germanisme primaire”, il n’en demeure pas moins essentiel, à nos yeux, d’insister sur la nécessité d’une prise de conscience quant à l’asymétrie demeurant entre l’Allemagne et la France à l’importance accordée  à la notion de “couple franco-allemand”, un concept vraisemblablement tombé en désuétude outre-Rhin.

Les fondations politiques allemandes œuvrent également à l’étranger. Comment la Fondation Rosa Luxemburg, par exemple, attaque-t-elle le problème à la source en menant des opérations d’influence auprès des fournisseurs d’uranium ?

Contrairement à la Fondation Heinrich Böll évoquée précédemment, la Fondation Rosa Luxemburg ne mène pas d’action importante sur le territoire français. Cela étant, elle joue tout de même un rôle dans la stratégie d’affaiblissement de la filière nucléaire française. Elle œuvre notamment à dégrader les relations entre la France et ses fournisseurs de matière première nucléaire. Dernièrement, la Fondation Rosa Luxemburg a particulièrement ciblé la relation entre la France et le Niger, un pays qui, en 2020, a pourvu a plus d’un tiers des besoins français en uranium. Pour cela, la fondation élabore et diffuse de la doctrine d’influence particulièrement virulente contre la France. Elle y développe un narratif caricatural qui accuse Paris de mener une politique néocoloniale aux dépens de Niamey.

La Fondation Rosa Luxemburg cherche ici à capitaliser sur le sentiment anti-français s’étant développé en Afrique de l’Ouest. Elle aspire à stigmatiser la France dans l’espoir de dégrader les relations entre Paris et Niamey afin de perturber la chaîne d’approvisionnement de la filière nucléaire française en uranium. Il est par ailleurs pertinent de souligner que l’élaboration et la diffusion de cette documentation d’influence sont officiellement financées par le ministère fédéral allemand de la Coopération économique et du Développement. Il n’est pas question ici d’affirmer que les modalités d’exploitation des mines nigériennes par Orano seraient au-dessus de toute critique. Il est question de déterminer s’il est acceptable ou non qu’un État finance au travers d’un organe parapolitique des manœuvres de perturbation de l’approvisionnement d’une filière stratégique d’un de ses prétendus alliés proches.

Électricité, décarbonation : pourquoi l’Europe a tout faux


 

Tribune de Brice Lalonde pour Le Point. Le politique énergétique européenne, ses faiblesses et ses méfaits.

TRIBUNE. Brice Lalonde dénonce la cécité d’une politique européenne hémiplégique, centrée sur les renouvelables au détriment des autres sources bas carbone. Brice Lalonde, ancien ministre de l’Environnement, président d’Équilibre des Énergies.

      Il n’y a que quatre pays européens qui réussissent à décarboner leur électricité, ce sont la Suisse, la Norvège, la Suède et la France. Pourquoi ? Parce qu’ils ont des moyens de production pilotables décarbonés qui fournissent cette électricité lorsqu’elle est demandée et quasiment à toute heure au long de l’année. Les autres pays produisent une électricité soit systématiquement très carbonée, comme la Pologne, soit décarbonée par moments, comme l’Allemagne et l’Espagne, quand le soleil et le vent sont au rendez-vous, mais carbonée le reste du temps par appel au gaz et au charbon.

      Or, pour garantir la permanence d’une production électrique décarbonée, l’Europe ne voit que le vent et le soleil, car ces sources d’énergie lui apparaissent illimitées, locales et gratuites. Mais les contraintes imposées au système électrique par les renouvelables intermittentes sont loin d’être gratuites et, pour atteindre avec elles la neutralité carbone, il faudrait à la fois affaler la consommation d’énergie et construire un nombre phénoménal de moyens de production renouvelables. Priorité devrait plutôt être redonnée aux sources décarbonées pilotables, hydraulique et nucléaire, suppléées par les renouvelables.

Une vision de jardin d’enfants

      Les faits sont têtus, les thuriféraires des renouvelables le sont aussi. Leur culte est porté par les prébendiers des aides d’État, par la poussée écologiste des cinquante dernières années, particulièrement forte en Allemagne, mais aussi par la Commission européenne qui applique avec zèle et myopie le seul article du traité de Lisbonne relatif à l’énergie. Alors que le traité reconnaît la souveraineté des États membres pour le choix de leurs sources d’énergie, cet article 194 limite l’action collective de l’Union à la promotion des économies d’énergie et du développement des renouvelables.

      Ainsi les directives du « paquet fit for 55» sont-elles fondées sur cet article 194. Elles n’autorisent que des formes d’énergie – chaleur, électricité, hydrogène – issues de sources renouvelables. Le nucléaire est banni – sauf pour produire de l’hydrogène, grâce à l’action de notre ministre de l’Énergie. Un objectif de plus de 40 % de renouvelables est fixé pour 2030. Au nom du climat et au mépris du traité, l’Europe impose donc le mix de son choix. Il s’agit d’un curieux détournement de procédure, car c’est l’article 191 du traité de Lisbonne qui traite de l’environnement et de la défense du climat. C’est celui-là qui devrait s’appliquer à la politique climatique de l’Union. La Commission veut-elle décarboner ? Pas vraiment, son objectif est la multiplication des renouvelables et la diminution d’un tiers de la consommation d’énergie, une vision de jardin d’enfants.

      Les discours des dirigeants de la Commission sont les mêmes que ceux des ministres allemands : seules les énergies renouvelables sont bonnes. L’avenir doit être tout renouvelable. C’est devenu un credo. Et si l’Europe n’y suffit pas, ils demanderont à l’Afrique de faire l’appoint. Naguère, le Sahara avait déjà été au centre d’un rêve d’énergie solaire illimitée connectée à l’Europe par des câbles sous-marins. C’était le projet Désertec. Cette fois, c’est l’hydrogène fourni par d’hypothétiques électrolyseurs africains ou chiliens qui devrait remplacer le gaz russe. Déjà, les ports de la Baltique s’équipent pour accueillir cette manne chimérique.

L’imposture contre le nucléaire

      L’Allemagne et la Commission peuvent-elles comprendre, non seulement que l’énergie nucléaire est un allié du climat, au contraire du charbon, mais qu’elle constitue un pilier central de l’économie française et de son développement futur. S’efforcer de l’interdire est ressenti par les Français comme une volonté de leur nuire. Faut-il ajouter que l’incroyable volte-face de l’Allemagne contre l’électrification des véhicules légers aggrave encore l’impression d’imposture. L’extravagante raison avancée est l’arrivée prochaine de carburants de synthèse. Mais ces carburants seront produits au compte-goutte et devront d’abord être dirigés vers l’aviation où ils sont indispensables. Ils nécessiteront des quantités considérables d’électricité qu’il faudra bien produire de façon fiable.

      À défaut, il y a fort à parier que l’hydrogène nécessaire provienne surtout du reformage du gaz qatarien, que les carburants des véhicules thermiques épargnés soient fossiles avant d’être synthétiques, bref que l’Allemagne nous roule dans la farine avec la complicité irréfléchie de la Commission. Peut-on toujours croire à la bienveillance de l’Union ? Depuis la loi « Nome », nous avons assisté à la descente aux enfers d’EDF, démantelée, écartelée, sommée tout à la fois de faire des cadeaux à une concurrence parasite, d’atténuer sur ses propres deniers le prix européen de l’électricité pour les Français et, privée des ressources nécessaires, de consentir néanmoins un immense effort d’investissement.

      Le consommateur en fait les frais : difficile de ne pas se souvenir que l’électricité était « abondante et bon marché » avant le marché européen et qu’EDF avait construit cinquante-cinq réacteurs nucléaires en quinze ans sans faire appel à l’aide directe de l’État. Nostalgie ! Si le retour en arrière n’est pas envisageable, limitons au moins les dégâts, arrêtons de désintégrer le système électrique français. La future réforme du marché européen devra permettre de lisser les prix et de financer les investissements.

      L’Europe, paradis des consommateurs, vient de se souvenir qu’il faut aussi des producteurs pour faire un monde. Bousculée par le protectionnisme américain, la Commission vient de proposer un programme d’industrialisation zéro carbone. Huit secteurs prioritaires ont été retenus parmi lesquels les inévitables renouvelables électriques, mais aussi les pompes à chaleur et la géothermie, les électrolyseurs et les piles à combustible, les réseaux, le captage du carbone. Pas le nucléaire, hélas, l’ostracisme continue, sauf pour des réacteurs futurs virtuels. À condition d’être mis en œuvre rapidement, le sursaut européen est salutaire. Toutefois si l’objectif est la décarbonation, l’Union doit laisser les États membres libres de leurs choix techniques et non choisir à leur place. Jusqu’où faut-il accepter les partis pris de la Commission et de ses actes délégués ?

L’AUKUS finit de torpiller l’ex-contrat avec la France et équipe l’Australie en sous-marins nucléaires d’attaque

L’AUKUS finit de torpiller l’ex-contrat avec la France et équipe l’Australie en sous-marins nucléaires d’attaque

2023-03-13T203057Z_1985739140_RC23TZ9IS64D_RTRMADP_3_USA-BRI (1).jpg

 

par philippe Chapleau – Lignes de défense – publié le 14 mars 2023

https://lignesdedefense.blogs.ouest-france.fr


Joe Biden, Anthony Albanese et Rishi Sunak, ont révélé, lundi soir, sur la base navale de Point Miramar, à San Diego (Californie), le détail du programme que l’alliance à trois baptisée AUKUS, entend mettre en oeuvre (photos Reuters).

On se rappellera que l’AUKUS est née après la dénonciation par l’Australie du programme de construction de 12 sous-marins classiques par la France, ce qui avait fait enrager Paris et torpillé le fameux contrat du siècle de Naval Group.

Le programme de sous-marins d’attaque à propulsion nucléaire, mais qui ne porteront pas d’armes nucléaires, pour respecter le principe de non-prolifération, a l’ambition de remodeler la présence militaire occidentale dans le Pacifique et de rééquilibrer les forces face à la Chine..

Il se déclinera en trois phases (lire le communiqué des Britanniques).

Il y aura d’abord une phase de familiarisation de l’Australie – qui n’a pas de sous-marins à propulsion nucléaire, ni de technologie nucléaire qu’elle soit militaire ou civile. Ses marins, ingénieurs, techniciens seront formés au sein d’équipages américains et britanniques, ainsi que dans les chantiers navals et les écoles spécialisées des Etats-Unis et du Royaume-Uni. L’objectif est de déployer, à partir de 2027 et sur un principe de rotation, quatre sous-marins américains et un sous-marin britannique sur la base australienne de Perth (ouest).

2023-03-13T211829Z_482350048_RC23TZ9GMBZ0_RTRMADP_3_USA-BRIT.jpg

Dans un deuxième temps, et sous réserve du feu vert du Congrès américain, l’Australie va acheter trois sous-marins américains à propulsion nucléaire de la classe Virginia, avec une option sur deux navires submersibles supplémentaires. Les sous-marins doivent être livrés à partir de 2030. Il s’agira certainement de certains des sous-marins livrés à l’US Navy entre 2003 et 2010 et dont la question du remplacement se pose déjà. Le premier successeur des Virginia (programme SSN-X) est attendu pour 2031.

Enfin – c’est la troisième, et la plus ambitieuse étape du programme – les Etats-Unis, l’Australie et le Royaume-Uni vont s’associer pour une nouvelle génération de sous-marins d’attaque, baptisée SSN AUKUS. Ces SNA vont impliquer un gigantesque effort industriel, en particulier de la part de l’Australie, qui doit se doter d’un nouveau chantier naval à Adelaïde, dans le sud. Les nouveaux navires, de conception britannique et incorporant des technologies américaines avancées, seront construits et déployés par le Royaume-Uni et l’Australie. Ils doivent être livrés à partir de la fin des années 2030 et du début des années 2040. Cette plate-forme hybride commune pourrait être développé à partir du remplaçant des SNA britanniques de la classe Astute, remplaçants dont l’entrée en service est attendue dans les années 2040.

Pourquoi cet échéancier ?

Deux motifs sont à considérer.

D’abord prévaut l’urgence d’armer l’Australie face à la Chine dont la marine se déploie de plus en plus loin de ses bases. Des SNA de l’AUKUS en maraude constitueront une vraie menace que les groupes navals de Pékin ne pourront pas ignorer en mer de Chine et dans le Pacifique.

Ensuite, le plan de charge des chantiers navals américains et britanniques est saturé. Londres aura à construire des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE) de la classe Dreadnought et Washington doit encore construire 17 SNA de la classe Virginia d’ici à 2032. L’horizon industriel s’éclaircira ensuite.

La Question, la seule.

La Question, la seule.

par Jean-Pierre Ferey (*) – Esprit Surcouf – publié le 27 février 2023

https://espritsurcouf.fr/defense_la-question-la-seule_par_jean-pierre-ferey_n208-240223/


C’est un pavé dans la mare.

Cela fait cinq ans que nos chefs militaires nous alertent sur les risques de conflits nouveaux, sur le retour des combats de haute intensité.  Cela fait cinq ans qu’ils concoctent des plans pour préparer les armées à une « vraie guerre », qu’ils mènent des entrainements durcis, qu’ils accélèrent la mise en place de nouvelles armes.

Dans la foulée, cela fait cinq ans que bien des commentateurs dénoncent avec effroi nos faiblesses capacitaires, en termes d’effectifs, de moyens, de forces morales. « C’est la faute de nos gouvernements », disent-ils (que ces gouvernements soient de droite ou de gauche). « Après l’implosion de l’URSS, ils ont engrangé à l’excès les dividendes de la paix, ils ont coupé dans les budgets, ils nous ont rogné les ailes ».Ce n’est pas faux !

Mais quand ces commentateurs, pour prouver leurs dires, citent en exemple la pauvreté de nos stocks de munitions, là, le raisonnement dérape. Ils oublient, ou ignorent, que depuis la fin des guerres coloniales (Indochine, Algérie), la France n’a jamais disposé de réserves importantes de munitions. Délibérément ! Par doctrine !  

Souvenez-vous. Janvier 1991, début de la guerre du Golfe. Pour accrocher sous les ailes de ses avions Jaguar qui partent en mission de bombardement, la France doit acheter en catastrophe un millier de bombes lisses de 250 kilos. Aux journalistes interloqués, le commandement répond : « C’est normal. Nous n’avons qu’un stock de bombes limité. Nous sommes formatés pour mener une guerre de trois jours, pas plus. C’est le principe de la dissuasion nucléaire ».

Eh oui ! A cette époque où les états-majors gardaient les yeux rivés sur le saillant de Thuringe, les armées françaises, comptant sur les forces de leurs alliés de l’OTAN, se donnaient trois jours pour arrêter les chars soviétiques déboulant par la trouée de Fulda. Si au bout de trois jours l’offensive n’était pas enrayée, nos intérêts vitaux se trouvaient évidemment menacés, et on lançait les bombes atomiques. En étant conscient de la riposte inévitable de l’ennemi et des destructions apocalyptiques qu’elle provoquerait. Dans ce chaos monstrueux, avoir des munitions supplémentaires ne servait plus à rien.  

Réclamer la constitution de stocks de munitions conséquents, c’est montrer son intention de pouvoir prolonger les combats. C’est faire la preuve de son hésitation à utiliser l’arme nucléaire.

En 1990, alors que l’URSS existait encore, le général Schmidt, Chef d’Etat-Major des Armées, confiait en aparté à des auditeurs de l’IHEDN : « Moi, ma mission, c’est de vitrifier Moscou ». Le général Burkard, actuel CEMA, peut-il dire aussi crûment aujourd’hui : « ma mission, c’est de vitrifier Moscou si Poutine nous attaque » ? La doctrine a-t-elle changé ?

Comprenons-nous bien. Etant donné le nombre de têtes nucléaires positionnées en Russie, en Chine, aux Etats-Unis, en France, en Grande-Bretagne, en Inde, au Pakistan, en Israël, en Corée, déclencher le feu nucléaire, c’est détruire par engrenage toute vie humaine. Même les aborigènes les plus reculés, dans une île perdue du Pacifique, seraient touchés par les nuages radioactifs.

Il y aura des rescapés, sans doute. Mais dans quelles conditions, forcément abominables. Ils n’auront qu’un seul objectif, survivre, et refaire des enfants, viables, avec un avenir. Que le chef parle russe, chinois, américain ou français, cela aura-t-il une importance ?

Refuser d’appuyer sur le bouton, c’est refuser de tuer l’humanité. C’est une opinion tout à fait respectable et tout à fait légitime. Appuyer sur le bouton, au nom de la démocratie et de la liberté, « la Liberté ou la mort », est une autre opinion, tout aussi respectable et tout aussi légitime.

Est-on prêt à appuyer sur le bouton ? Si oui, il faut en accepter les conséquences. Si non, il faut arrêter de dépenser des centaines de milliards pour entretenir un armement nucléaire inutile.

Est-on prêt à appuyer sur le bouton ? Au vu des évènements en Ukraine et de l’agressivité de Poutine, c’est LA question, la seule qui se pose vraiment !

(*) Jean-Pierre Ferey a mené une carrière complète de journaliste de télévision, où il a longtemps été spécialisé sur les questions de géopolitique et les affaires militaires. Auditeur de l’IHEDN (42° session nationale), il est secrétaire de rédaction d’Espritsurcouf et l’auteur de plusieurs ouvrages, dont Les héros anonymes de l’été 44 aux éditions du Rocher.