CAMTAC & BME : du neuf dans le camouflage de l’armée de Terre

CAMTAC & BME : du neuf dans le camouflage de l’armée de Terre

– Forces opérations Blog – publié le

Certaines lignes bougent en coulisses dans le domaine moins visible du camouflage. D’un côté, l’armée de Terre s’apprête à franchir un cap dans l’adoption d’un nouveau système de camouflage tactique (CAMTAC) pour ses véhicules. De l’autre, le bariolage multi-environnement (BME) est progressivement étendu à d’autres effets d’habillement que le treillis F3 en cours de diffusion dans les armées françaises.

Après des années de recherches et d’expérimentations, le CAMTAC destiné aux véhicules de l’armée de Terre semble mûr pour un déploiement à grande échelle. Un appel d’offres vient en effet d’être lancé pour la production et la fourniture de ce système à base de formes géométriques adhésives. 

Des formes géométriques, ou plutôt un ensemble de triangles équilatéraux de différentes couleurs dont l’agencement sur le fond brun terre de France est optimisé selon le véhicule. Des formes adhésives, car CAMTAC a été conçu pour être retiré et remplacé rapidement selon l’environnement de la mission. Trois déclinaisons ont progressivement fait leur apparition : l’une pour les terrains enneigés, une autre pour l’environnement désertique et la troisième, de loin la plus répandue jusqu’à présent, pour les plaines européennes. 

Piloté par la Direction générale de l’armement, ce processus d’acquisition devrait aboutir sur un accord-cadre conclu pour une durée de sept ans. Rien ou presque ne filtre à propos du besoin, à l’exception du volume estimé et de l’agenda : 52 000 poches de 100 adhésifs livrées à compter de fin 2026. 

Ce CAMTAC, les observateurs affûtés en retrouveront un écho dans le BME, ce nouveau bariolage bientôt élargi à d’autres effets d’habillement que le treillis F3. Derrière la tenue NRBC du futur ensemble de protection individuel des armées (EPIA), une nouvelle combinaison est aujourd’hui en développement dans les ateliers du Centre interarmées du soutien équipements commissariat (CIEC) au profit des troupes aéroportées (TAP), mais pas seulement. 

Le CIEC recevait dès 2023 une fiche d’expression de besoin visant à la modernisation de l’actuelle combinaison de saut des TAP. Tant les technologies que la morphologie de cette population spécifique ont évolué au cours des dernières décennies. Derrière l’adoption d’un BME remplaçant les camouflages Centre-Europe et désert, cette combinaison se devait également d’être adaptée au personnel féminin via une variante jusqu’alors inexistante. 

Lancés début 2024, les travaux ont abouti à de premiers essais sur plusieurs prototypes à l’été 2024 pour la version masculine, puis à l’automne d’après pour la version féminine. Le CIEC y aura intégré quelques exigences spécifiques, dont un déshabillage rapide, des rangements adaptés, la conservation des renforts de genoux ou encore l’ajout d’une ouverture physiologique en plus pour satisfaire plus facilement et rapidement les besoins naturels. Le tissu sélectionné est majoritairement à base de coton et ne présentera donc pas la résistance au feu du treillis F3, rendu thermostable par le recours à un tissu en fibre aramide-viscose.

Les premiers résultats ont été présentés mi-mai à Pau à l’occasion de la 2ème édition de la Journée innovation des troupes aéroportées (JITAP). Les équipes du CIEC se penchent dorénavant sur la validation des derniers détails pour ensuite formaliser l’étude, figer le produit et rédiger la documentation technique qui servira de base à la sélection des futurs fournisseurs. Suivra une phase de contractualisation puis de production qui devrait conduire à sortir les premières tenues à l’hiver 2026. 

Cette combinaison ne se limitera pas aux parachutistes. Les largueurs en bénéficieront à leur tour, tandis qu’un élargissement aux démineurs est à l’étude. S’il a été mobilisé pour ce projet, le CIEC sait aussi être force de proposition. Ses spécialistes planchent ainsi sur une autre combinaison cette fois orientée vers les équipages de chars de combat et d’engins blindés des régiments de cavalerie de l’armée de Terre.

Crédits image : armée de Terre

Cybermenaces : La Gendarmerie en première ligne dans la riposte numérique

Cybermenaces : La Gendarmerie en première ligne dans la riposte numérique

Par Jean-François Stéphan, pour La Voix du Gendarme


Alors que les cyberattaques et les arnaques en ligne explosent (+40 % entre 2019 et 2023), le ministère de l’Intérieur vient de dévoiler sa stratégie nationale de lutte contre la cybercriminalité, une feuille de route ambitieuse qui mobilise l’ensemble des forces de sécurité. Et en première ligne de ce combat numérique : la Gendarmerie nationale, forte de son expertise technique, de ses unités innovantes et d’un maillage territorial sans équivalent.

Une menace protéiforme et en constante évolution

La cybercriminalité ne connaît ni frontières ni répit. Fraudes bancaires, escroqueries par SMS ou e-mail, usurpation d’identité, harcèlement en ligne, pédopornographie ou encore attaques contre des systèmes informatiques sensibles : les atteintes numériques se multiplient et ciblent autant les particuliers que les entreprises ou les services publics.

Face à cette déferlante, le ministère a structuré son action autour de quatre grands axes déclinés en 12 orientations stratégiques et 84 actions concrètes, portées par le Commandement du ministère de l’Intérieur pour le cyberespace (COMCYBER-MI). Objectif : mieux prévenir, détecter, investiguer et neutraliser les cybermenaces.

La Gendarmerie, pilier du dispositif national

Au cœur de cette stratégie, la Gendarmerie nationale affirme son rôle de force d’action et d’innovation dans le cyberespace, grâce à des entités spécialisées et reconnues :

Le ComCyberGend : un commandement dédié au cyber. Créé en 2021, le Commandement de la Gendarmerie dans le cyberespace (ComCyberGend) pilote l’ensemble des capacités cyber de l’institution. Il fédère notamment :

  • Le Centre de lutte contre les criminalités numériques (C3N), bras armé judiciaire du pôle cyber de la Gendarmerie, basé à Pontoise.
  • Le réseau CyberGEND, qui regroupe plus de 2 000 enquêteurs spécialisés en numérique sur l’ensemble du territoire.
  • La Brigade numérique, bien connue des usagers, qui assure l’accueil et la réponse en ligne aux sollicitations 24h/24.

▸La plateforme 17Cyber : un « numéro d’urgence » numérique

Lancée récemment, la plateforme 17Cyberpermet de répondre aux alertes cyber en temps réel. Elle est animée par 103 agents, dont 58 gendarmes, principalement issus de la Brigade numérique de Rennes, bientôt complétée par une antenne à Poitiers. Ces équipes forment ensemble une « compagnie numérique », une innovation organisationnelle destinée à mieux absorber le volume croissant des signalements.

Exemple concret : en mai dernier, grâce à une alerte transmise via 17Cyber, une entreprise artisanale de Corrèze victime d’un rançongiciel a pu être rapidement mise en relation avec un enquêteur CyberGEND. Une sauvegarde automatisée a permis d’éviter la paralysie complète de l’activité, et les auteurs ont été identifiés dans un forum clandestin grâce à l’intervention du C3N.

 Perceval, MaSpam, Themis : des outils au service des citoyens

La Gendarmerie pilote ou participe également à plusieurs plateformes de signalement, telles que :

  • Perceval, pour signaler une fraude à la carte bancaire ;
  • MaSpam, pour signaler les courriels ou SMS frauduleux ;
  • Thémis, destinée à recueillir les plaintes et preuves numériques dans des procédures sensibles (violences intrafamiliales, harcèlement…).

Ces dispositifs facilitent l’accès à la plainte, l’enrichissement du renseignement judiciaire et la montée en compétence des unités territoriales.

 Une reconnaissance dans l’écosystème cyber

Depuis 2023, la Gendarmerie est membre de l’association InterCERT France, qui fédère les centres de réponse aux incidents de sécurité informatique (CERTs) en France. Cette intégration renforce la veille proactive et le partage d’informations avec les grands acteurs publics et privés du secteur cyber.

Une stratégie ambitieuse, un engagement durable

Cette stratégie cyber du ministère de l’Intérieur consacre une conviction forte : le numérique ne doit pas être une zone de non-droit. Pour cela, l’adaptation permanente des forces de sécurité est indispensable. La Gendarmerie s’y engage pleinement, en s’appuyant sur ses atouts : proximité, innovation, réactivité.

La montée en puissance de ses unités spécialisées, conjuguée à la formation continue des enquêteurs numériques dans les unités territoriales, permettra de répondre aux défis de demain et de garantir la sécurité des citoyens dans l’espace numérique, tout comme elle le fait déjà sur le terrain.

L’UNPRG engagée aux côtés des forces dans le combat numérique

L’Union nationale des personnels et retraités de la Gendarmerie (UNPRG) suit avec une attention particulière la montée en puissance des dispositifs de lutte contre la cybercriminalité.

« La sécurité numérique ne concerne pas uniquement les jeunes générations ou les entreprises », rappelle Jean-François Stephan, président de la commission communication de l’UNPRG. « Les retraités de la Gendarmerie, comme tous les citoyens, sont exposés aux escroqueries en ligne, à l’usurpation d’identité ou au vol de données personnelles. Nos adhérents en sont parfois victimes. Il est donc essentiel de les informer, de les sensibiliser et de soutenir pleinement les efforts de nos camarades d’active engagés dans cette nouvelle frontière de la sécurité intérieure. »

L’UNPRG salue l’action déterminée de la Gendarmerie dans ce domaine, et encourage le développement de campagnes de prévention spécifiques à destination des retraités et de leurs familles. Une vigilance qui s’inscrit dans l’ADN de l’association : unir, soutenir, agir, même après le service actif.


Encadré pratique :

🔹 Vous êtes victime d’une fraude en ligne ?
→ Signalez sur : www.cybermalveillance.gouv.fr,
→ Déposez plainte à la brigade ou via www.pre-plainte-en-ligne.gouv.fr,
→ Signalez une fraude bancaire sur Perceval : perceval.gouv.fr.

Les deux porte-avions britanniques auront la capacité de tirer des missiles à longue portée depuis leur pont d’envol

Les deux porte-avions britanniques auront la capacité de tirer des missiles à longue portée depuis leur pont d’envol


Que la dernière revue stratégique de défense britannique [SDR] recommande à la Royal Navy de mettre en œuvre des groupes aériens « hybrides », c’est-à-dire comprenant des chasseurs-bombardiers F-35B et des drones, depuis ses deux porte-avions de type « Queen Elizabeth » n’est pas une surprise : des projets allant dans ce sens ont déjà été lancés, dans le cadre du projet « Vixen », lequel fait partie du plan stratégique « Future Maritime Aviation Force ».

Ainsi, en 2023, le porte-avions HMS Prince of Wales a, pour le première fois, lancé et récupéré un drone MALE [Moyenne Altitude Longue Endurance] de type Mojave, fourni par le constructeur américain General Atomics. Et la marine britannique envisage de se doter d’un aéronef de ce type afin de pouvoir disposer d’une nouvelle capacité de guet aérien pour remplacer ses hélicoptères Merlin qui, équipés d’un radar Crowsnest, assurent actuellement une telle fonction.

Cela étant, l’une des limites à l’intégration de drones au sein d’un groupe aérien embarqué [GAé] est l’absence de catapultes et de brins d’arrêt à bord des deux porte-avions britanniques. D’où l’intérêt exprimé par la Royal Navy pour de tels dispositifs.

Selon la SDR, associer les F-35B [à décollage court et à atterrissage vertical] à des « plateformes collaboratives autonomes et à des munitions téléopérées [ou « drones kamikazes] » permettrait à la marine britannique de se doter d’une capacité à la fois « plus puissante et plus économique ».

Mais ce document envisage d’aller encore plus loin. Alors que les deux porte-avions de la classe Queen Elizabeth ne sont que très faiblement armés pour assurer leur autodéfense – celle-ci repose essentiellement sur trois système Phalanx CIWS [Close-in weapon system] et non sur des missiles surface-air comme leurs homologues français et américains – il est question de les doter de « missiles de précision à longue portée », pouvant « être tirés depuis leur pont d’envol ».

Cette annonce a de quoi surprendre… dans la mesure où, normalement, la capacité à tirer des missiles conventionnels à longue portée revient aux sous-marins nucléaires d’attaque [SNA] et aux frégates. D’ailleurs, celles de Type 26 qu’attend la Royal Navy seront dotées de missiles de type Tomahawk et /ou FMAN/FMC [missiles antinavire / Future missile de croisière], développé dans le cadre d’une coopération avec la France.

Cela étant, un tel concept n’est pas nouveau : immobilisé depuis 2017, le porte-avions russe « Amiral Kouznetsov » a [ou avait] en effet la capacité de tirer des missiles P-700 « Granit » et 3K95 « Kinzhal » ainsi que des roquettes anti-sous-marines RBU-12000.

Weda Bay Nickel : une mine stratégique au cœur des enjeux de l’Indonésie

Weda Bay Nickel : une mine stratégique au cœur des enjeux de l’Indonésie


Weda Bay est la première mine de nickel au monde. Elle représente à elle seule 17% de la production mondiale. Un enjeu essentiel pour l’Indonésie mais aussi pour la France.

Située sur l’île d’Halmahera, dans la province indonésienne des Moluques du Nord, la concession minière de Weda Bay est devenue en quelques années l’un des projets les plus emblématiques de l’industrie mondiale du nickel.

Portée par un partenariat entre le groupe français Eramet et le géant chinois Tsingshan Holding Group, cette exploitation illustre les ambitions industrielles de l’Indonésie dans la chaîne de valeur des batteries pour véhicules électriques.

Une mine de classe mondiale

Le projet Weda Bay Nickel (WBN) repose sur un gisement latéritique découvert en 1996, estimé à environ 344 millions de tonnes de minerai, avec une teneur moyenne de 1,48 % en nickel et 0,07 % en cobalt.

L’exploitation à ciel ouvert a débuté en 2019, et la première coulée de ferronickel a eu lieu en avril 2020. Aujourd’hui, Weda Bay est considérée comme la plus grande mine de nickel au monde, avec une production record de 36,3 millions de tonnes humides en 2023, représentant environ 17 % de la production mondiale.

Le complexe industriel intégré, connu sous le nom d’Indonesia Weda Bay Industrial Park (IWIP), comprend des installations de traitement pyrométallurgique et des lignes de production de ferronickel. Ce parc industriel emploie plus de 16 000 travailleurs indonésiens, dont 68 % originaires des Moluques du Nord.

Attaques environnementales

Comme tous les projets industriels d’envergure, la mine subit les attaques informationnelles d’associations et de mouvements écologistes. Attaque sur la déforestation, sur la pollution, sur le déplacement des populations tribales qui habitent dans cette partie de l’île, de nombreux arguments sont avancés pour affaiblir la production industrielle. La mine est en effet située sur une partie du territoire du peuple Hongana, où 500 membres vivent de façon isolée.

Si les sujets environnementaux sont de vrais enjeux, ils sont pris en compte par les entreprises qui interviennent dans cette mine, dont Eramet. Ici, se met en place comme dans beaucoup d’autres lieux industriels, une guerre économique qui repose sur le combat cognitif et la lutte des images.

Retrait de partenaires occidentaux

En juin 2024, Eramet et le groupe allemand BASF ont annoncé l’abandon d’un projet commun de raffinerie de nickel et de cobalt, d’un montant de 2,6 milliards de dollars, initialement prévu à Weda Bay. Cette décision est la conséquence des pressions d’ONG et à la lutte informationnelle menée contre ses entreprises. Le marché devrait être récupéré par des entreprises chinoises.

L’Indonésie perçoit l’action des ONG occidentales comme des ingérences sur son territoire et des atteintes à sa souveraineté. Pour la France, les enjeux sont doubles. Weda Bay fragilise la Nouvelle-Calédonie, dont l’économie repose sur une industrie du nickel vieillissante et de moins en moins productive. Les attaques informationnelles contre Eramet pénalisent les entreprises françaises et menacent la conquête de marché dans l’espace mondial.

Otages : et si l’on parlait du Qatar

Otages : et si l’on parlait du Qatar

Jean Daspry* – CF2R – TRIBUNE LIBRE N°188 / juin 2025

*Pseudonyme d’un haut fonctionnaire français, docteur en sciences politiques

 

« Dieu se rit des hommes qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes » (Bossuet). Et, c’est malheureusement le cas de la diplomatie du « en même temps » chère à Emmanuel Macron ! Un jour, il approuve ; le lendemain il condamne. Un jour, il met en avant un principe pour expliquer sa position à l’instant « T » ; le lendemain, il sort de son chapeau un principe opposé pour justifier son évolution à l’instant « T+1 ». Nous avons un exemple éclairant de cette diplomatie du zigzag avec sa politique au Proche et au Moyen-Orient. Le vocabulaire qu’il emploie pour caractériser certains protagonistes du conflit israélo-palestinien est aussi inapproprié que contre-productif. L’on souhaiterait comprendre pour y voir un peu plus clair. Sévère avec l’un, complaisant avec l’autre. Notre idylle avec l’émir du Qatar est aussi touchante que problématique. C’est pourquoi, nous serions bien inspirés d’enseigner sur les bancs des écoles diplomatiques et autres instituts formant les grands serviteurs de la République la faiblesse de la diplomatie française comparée à la force de la diplomatie à la qatarie. Elle pourrait se conceptualiser autour de trois grands axes : influence, compromission et « complicité », concept pris au plus mauvais sens du terme.

Le Qatar ou la diplomatie de l’influence

Certains États se targuent de pratiquer une « diplomatie d’influence » sans en avoir les moyens. D’autres États ne se targuent de rien, mais savent et peuvent y mettre les moyens pour parvenir à leurs fins avouables ou pas. Leur influence est diffuse mais efficace.

Dans cette catégorie, nous rangeons le Qatar, sorte de Janus bifrons. Grâce à ses énormes ressources financières, il peut tout acheter – au sens propre et figuré du terme – biens matériels de grand luxe et êtres humains cupides. En contrepartie, l’émir Tamim ben Hamad Al Thani peut s’acheter une bonne conduite à vil prix. Oubliées ses turpitudes intérieures (traitements dégradants et inhumains de certains et certaines) et extérieures (appui aux mouvements fréristes tels que le Hamas qui pratique avec brio la « diplomatie des otages »).

La victoire du PSG en Ligue des champions de football, le 31 mai 2025 à Munich par un score sans appel, représente un aboutissement pour les Qataris. Une question mérite dès lors d’être posée. Qui a gagné ? Le PSG, sans doute, c’est à dire le Qatar, mais la France, elle, a encore perdu. Le PSG, par ses propriétaires, est un élément de Soft Power (diplomatie de l’influence) islamique et identitaire. Des hordes de supporters drogués à l’élixir « Football » arpentent les rues de la capitale, soumise à la loi des casseurs en ayant revêtu le maillot de leur équipe fétiche. À quoi ressemble-t-il ? Un maillot bleu orné d’un modeste écusson du PSG au niveau du cœur et barré de Qatar Airways. Tout un symbole de la soumission d’un Paris humilié, outragé… mais libéré par une victoire sans appel contre l’équipe italienne ! Qui plus est, certains de ces tristes sires n’étaient pas venus pour célébrer le succès de l’équipe parisienne, mais pour dégrader, casser et, pour les mieux inspirés, crier « Free Palestine from the river to the sea ». D’autres préféraient s’en prendre au Mémorial de l’holocauste et autres lieux de culte juifs. On ne saurait être plus clair. La politique n’est jamais très éloignée du sport.

Mais, le président de la République, Emmanuel Macron salue à sa manière cette victoire par un superbe « Champion mon frère ! », idiome issu du rap et des banlieues. L’Émirat ne pouvait rêver mieux. Emmanuel Macron ne se transforme-t-il pas en meilleur ambassadeur du Qatar et de son idéologie mortifère qu’il distille déjà à travers une diplomatie de la compromission ?

Le Qatar ou la diplomatie de la compromission

Reconnaissons-le ! Le prince du Qatar est grand seigneur. Il n’est pas avare de ses deniers, de ses compliments à l’orientale. Rien n’est trop beau pour attirer dans ses rets la valetaille politique, économique, culturelle, médiatique hexagonale et européenne.

Nombreux sont, en effet, les hommes politiques, de droite comme de gauche, qui apprécient depuis belle lurette, ses largesses sans limite. Un ancien Premier ministre, au verbe haut et apprécié par ses discours enflammés à New York devant le machin, ne jure que par la magnificence et la munificence de l’Émirat des mille et une nuits. Il en est le meilleur VIP. Une distinguée ministre de Jupiter n’hésite pas à faire souvent le voyage au pays d’Aladin. Elle apprécie les belles robes, les beaux bijoux et autres gâteries. Peut-on le lui reprocher ? Toutes ces éminentes personnalités oublient à l’occasion la notion de conflits d’intérêts, de compromission, leur signification et les risques qu’ils encourent sur le plan pénal à pratiquer la diplomatie des petits arrangements entre amis. Ils préfèrent voyager aux frais de la princesse.

Lassé des critiques de certains mécréants « gwers » qu’il jugeait infondées, un ancien ambassadeur du Qatar à Paris se fait un devoir de mettre les choses au point. Il leur rappelle tout bonnement qu’il n’est pas poli de cracher dans la main de celui qui vous nourrit. Et pour étayer son propos, il dresse une liste des « collabos » qui viennent régulièrement dans les locaux de sa mission diplomatique pour y recevoir quelques espèces sonnantes et trébuchantes. Pour enfoncer le clou, s’il en était encore besoin, il s’autorise à jouer les persiffleurs. Qu’avons-nous appris de sa bouche suave ? Que certains lui font remarquer que le contenu de l’enveloppe n’est pas suffisamment garni ? Qu’ils attendent des invitations à des voyages tous frais payés. On reste coi aux pays des droits de l’homme, de l’État de droit, de la démocratie, des valeurs et autres fadaises de cet acabit. Dans une démocratie digne de ce nom, après vérification et enquête, tous ces personnages auraient dû être déchargés de leur mandat électif et, pourquoi pas, condamnés à des peines infâmantes (emprisonnement, qui sait ?). Mais, ne rêvons pas. Notre Douce France est loin d’être exempte de tout reproche.

La situation n’est pas meilleure au plan de la très honnête et très vertueuse Union européenne, si prompte à faire la leçon de morale aux républiques bananières et autres dictatures corrompues. Le Qatargate du Parlement européen n’est que la partie émergée de l’iceberg du système de clientélisme politique et de lobbying bâti par le Qatar depuis trente ans. On ne sait pour quelles raisons crédibles les poursuites judiciaires traînent. Des personnalités politiques françaises sont concernées, sans parler du monde des affaires si complaisant avec la finance islamique, les valises de billets et autres cadeaux qataris. Plus c’est gros, plus çà passe. Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil dans l’Orient compliqué.

À Paris, le prince est reçu comme un roi. Il est comme chez lui. On lui déroule le tapis rouge… de la couleur du sang qu’il a sur les mains. Oubliés les otages détenus à Gaza par le Hamas dans des conditions sordides qui n’émeuvent pratiquement personne. Ils l’ont bien cherché, murmure-t-on, dans les cénacles de la bien-pensance. Ne devenons-nous pas, sans le vouloir, les idiots utiles, les complices de cette diplomatie de la « complicité » ?

Le Qatar ou la diplomatie de la « complicité »

Ce n’est un secret pour personne, les principaux dirigeants du Hamas – organisation considérée comme terroriste au sens juridique du terme – sont hébergés et financés par le Qatar. Il s’agit d’une réalité objective, un fait incontestable. De deux choses l’une :

soit, nous considérons que la prise d’otages est un crime de guerre, un crime contre l’humanité et nous en tirons toutes les conséquences qui s’imposent. Dès lors, il nous revient, seuls ou collectivement avec les États membres de l’Union européenne, de sanctionner durement un État qui est complice des preneurs d’otages et financier d’une organisation terroriste. Nous pourrions également saisir la Cour internationale de justice (CIJ) et/ou la Cour pénale internationale (CPI) pour qu’elles délivrent des mandats d’arrêt contre la cohorte princière qatarie. Nous le faisons si bien avec le Premier ministre israélien et le président russe. Nous pourrions également geler les avoirs du Qatar en France. Cela permettrait à François Bayrou de combler son déficit budgétaire de 40 milliards d’euros. Nous apparaitrions en conformité avec notre statut de patrie auto-proclamée des droits de l’homme et avec toutes nos péroraisons martiales sur le sujet. Pareille démarche suppose courage, cohérence et constance dans l’action diplomatique de moyen et long terme d’Emmanuel Macron dont la statue au Musée Grévin vient d’être dérobée ;

soit, nous considérons, au terme d’un raisonnement de pure Realpolitik, que l’argent n’a pas d’odeur et que nous en manquons. Au passage, le PSG est propulsé au firmament de la galaxie footballistique européenne. La victoire est belle. Ne boudons pas notre plaisir ! Elle a un effet cathartique. De plus, le Qatar doit alors être considéré comme un allié fidèle, un partenaire stratégique, un amiable compositeur sur le dossier de Gaza et des otages et « tout va très bien madame la marquise ». Pourquoi changer une équipe qui gagne ? Peu nous chaut que cet agréable pays soit le sponsor des Frères musulmans et de leur entrisme sur notre sol. Au diable, les avertissements inquiétants lancés sur le sujet par la chercheuse Florence Bergeaud-Blackler et le récent rapport adressé au ministre de l’Intérieur. Peu importe que, sans la manne financière qatari et sa stratégie de conquête depuis trois décennies, les structures françaises de l’islam politique n’auraient pas la force acquise aujourd’hui, ni cette emprise sur nos compatriotes musulmans.

Pour justifier la seconde branche de l’alternative, Barbara Lefebvre pose de nouveau le problème en termes clairs lorsqu’elle écrit : « En Occident et dans le monde musulman, le Qatar diffuse l’islam frériste via son business, ses médias, sa diplomatie. Un fonds souverain de 450 milliards de dollars, 2,7 millions d’habitants dont seulement 300 000 nationaux, la deuxième puissance gazière mondiale (…). Avant les massacres du 7 octobre, le Qatar était isolé par les chancelleries sunnites, en particulier l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis. Après le 7 octobre et les 250 otages retenus par les djihadistes du Hamas, les Qataris sont revenus au premier plan notamment en faisant habilement croire aux Occidentaux (l’administration Biden et l’Union Européenne) qu’ils pourraient être d’efficaces médiateurs ». Tout est dit et bien dit. Voulons-nous être dupes encore longtemps ou bien sommes-nous prêts à dessiller les yeux pour nous confronter au réel sur le plan international et intérieur ?

Le prix de nos mensonges

« On ne sort de l’ambiguïté qu’à son détriment » (Cardinal de Retz). Nous touchons ainsi aux limites de la diplomatie du en même temps. Mais les génies, qui entourent et conseillent Jupiter 1er, nous expliquent doctement que leur gourou excelle dans la diplomatie de l’ambigüité constructive.  Comme le relève si justement, Barbara Lefebvre précitée : « Quel dirigeant politique, quel ministre, quel candidat à une élection locale ou nationale, quel journaliste de sport, quel chef d’entreprise du CAC 40, aura le courage de dénoncer le double jeu du Qatar en France ? Le Qatar est un acteur central de l’islam politique français. Sans lui, jamais les Frères n’auraient pu infiltrer nos institutions, nos entreprises, nos médias, notre espace public. Le pragmatisme diplomatique et politique, les « bons deals », les victoires rafraichissantes du PSG, tout cela a ses limites quand l’ordre public et la sécurité nationale sont en jeu ». Quand accepterons-nous de livrer à un authentique et objectif exercice d’introspection de notre relation toxique avec cet Émirat ? En dernière analyse, la problématique est d’une simplicité biblique. Elle peut se résumer en quelques mots : otages : et si l’on parlait du Qatar ?

Sociétés militaires privées : Paris s’inquiète de l’action des mercenaires français en Afrique

Sociétés militaires privées : Paris s’inquiète de l’action des mercenaires français en Afrique

L’engagement croissant d’ex-militaires français par des sociétés militaires privées en Afrique inquiète Paris. Une présence discrète mais lourde de conséquences diplomatiques et sécuritaires.

par Jean-Baptiste Leroux – armees.com – Publié le
L'engagement croissant d'ex-militaires français par des sociétés militaires privées en Afrique inquiète Paris. Une présence discrète mais lourde de conséquences diplomatiques et sécuritaires. Pixabay
L’engagement croissant d’ex-militaires français par des sociétés militaires privées en Afrique inquiète Paris. Une présence discrète mais lourde de conséquences diplomatiques et sécuritaires. Pixabay | Armees.com

Alors que la France a réduit drastiquement sa présence militaire officielle en Afrique, nombre de ses anciens soldats sont désormais employés par des sociétés militaires privées anglo-saxonnes. Une situation embarrassante pour Paris, soucieuse de se faire oublier sur le continent, mais confrontée à une réalité qui brouille son message et ravive de vieilles accusations d’ingérence.

En Afrique, une influence persistante malgré le retrait officiel

La France s’est volontairement retirée du devant de la scène militaire en Afrique, après quelques émois diplomatiques. Fini le temps des grandes bases et des opérations comme Barkhane. Paris mise désormais sur la discrétion, afin d’échapper aux accusations de néocolonialisme et aux campagnes de désinformation, en particulier celles orchestrées par la Russie et ses alliés.

Mais ce retrait a laissé un vide sécuritaire que d’autres acteurs se sont empressés de combler. Des sociétés militaires privées (SMP), surtout anglo-saxonnes, ont pris la relève, offrant leurs services aux gouvernements africains et aux entreprises. Parmi leurs employés : un nombre croissant d’ex-soldats français, appréciés pour leur expérience en terrain africain et leur maîtrise du français, atout stratégique dans la région.

Un enjeu diplomatique et sécuritaire particulièrement sensible

La présence d’anciens militaires français armés, bien que désormais civils, soulève des questions délicates. Pour beaucoup d’observateurs, ces « contractors » peuvent être perçus comme des émissaires officieux de la France, alimentant des soupçons d’ingérence. Des rumeurs persistantes évoquent même des bases secrètes ou des opérations clandestines, que les autorités françaises s’efforcent de démentir.

À Paris, cette situation est source d’inquiétude. D’autant que la législation française interdit formellement l’activité de mercenariat. La France ne dispose pas de sociétés militaires privées autorisées à combattre ou à employer des armes, contrairement aux modèles russes ou anglo-saxons. Résultat : Paris n’a aucun contrôle sur ces anciens militaires opérant à l’étranger, alors même qu’ils continuent d’incarner l’image de la puissance française.

Vers un cadre légal pour les contractors français ?

Face à cette réalité, certains militaires français plaident pour la création d’un cadre légal permettant à des entreprises françaises de sécurité d’opérer officiellement à l’étranger. Ce serait un moyen de reprendre la main sur une situation aujourd’hui incontrôlable. Mais ce débat reste sensible, tant le mot « mercenaire » est tabou dans la culture militaire française.

En attendant, des sociétés comme Bancroft, Amentum ou G4S recrutent d’anciens légionnaires, commandos ou techniciens français. Ils sont présents au Bénin, au Mali, en Côte d’Ivoire ou encore en Centrafrique. Leur engagement, bien qu’individuel, a des répercussions collectives et politiques. In fine, la France se retrouve dans une posture ambivalente, tiraillée entre son retrait officiel et l’empreinte laissée par ses vétérans.

Le Royaume-Uni a l’intention de se doter de douze nouveaux sous-marins nucléaires d’attaque

Le Royaume-Uni a l’intention de se doter de douze nouveaux sous-marins nucléaires d’attaque


En juillet, fraîchement nommé à la tête du gouvernement britannique, Keir Starmer confia à George Robertson, secrétaire général de l’Otan entre 1999 et 2003, le soin de diriger une commission chargée d’élaborer une nouvelle revue stratégique de défense [SDR].

Moins d’un an après, celle-ci vient de livrer soixante-deux recommandations, lesquelles visent à renforcer la préparation au combat des forces britanniques.

« Lorsque nous sommes directement menacés par des États dotés de forces militaires avancées, le moyen le plus efficace de les dissuader est d’être prêt. Et, franchement, il s’agit de leur montrer que nous sommes prêts à imposer la paix par la force », a ainsi résumé M. Starmer, ce 2 juin. Il s’agit également de « renforcer la sécurité de la zone euro-atlantique ».

Plus tôt, le secrétaire britannique à la Défense, John Healey, avait expliqué que cette SDR consisterait à « envoyer un message à la Russie », qui incarne un danger « immédiat et urgent ». Mais pas seulement car la Chine y est décrite comme représentant un « défi complexe et persistant » pour les intérêts du Royaume-Uni tandis que l’Iran et la Corée du Nord sont perçus comme des « perturbateurs régionaux potentiellement hostiles ».

Cela étant, quelques recommandations de la SDR ont fait l’objet d’une communication ces derniers jours. Ainsi, le ministère britannique de la Défense [MoD] a déjà annoncé un investissement de 1,5 milliard de livres sterling pour ouvrir six usines dédiées à la production de munitions ainsi que la création, pour 1 milliard de livres sterling, d’un « commandement cybernétique et électromagnétique » [CyberEM] censé mettre en œuvre des « capacités numériques pionnières ».

La SDR insiste sur la nécessité de renforcer les capacités de frappe dans la profondeur, avec l’acquisition de 7 000 armes de longue portée, dont des missiles. D’ailleurs, un partenariat a déjà été scellé à cette fin avec l’Allemagne, l’objectif étant de développer un missile d’une portée de 2 000 km.

Dans le même temps, la dissuasion nucléaire britannique sera renforcée. Selon le Sunday Times, il est question d’acquérir des chasseurs-bombardiers F-35A au profit de la Royal Air Force, cette dernière devant renouer avec la capacité de mener des raids nucléaires, mission qu’elle n’assure plus depuis 1998. Or, cet appareil est certifié pour emporter l’arme nucléaire tactique B61-12 de conception américaine. Reste à voir comment cette mesure sera mise en œuvre.

En outre, le MoD a évoqué un investissement de 15 milliards de livres sterling pour financer « le programme souverain d’ogives nucléaires du Royaume-Uni pour les générations à venir ». Évidemment, la construction de quatre sous-marins nucléaires lanceurs d’engins [SNLE] de type Dreadnought sera confortée.

Mais plus généralement, la Royal Navy devrait être la principale bénéficiaire de cette SDR, dans la mesure où cette dernière prévoit de la doter de vingt-cinq navires de premier rang, alors qu’elle n’en dispose que de quatorze actuellement, après le retrait prématuré de cinq frégates de Type 23 [classe Duke] entre 2021 et 2025. Le détail de ce renforcement n’a pas été précisé.

Cela étant, la mesure sans doute la plus forte est celle qui vise à faire passer de sept à douze le nombre de sous-marins nucléaires d’attaque [SNA] mis en œuvre par la Royal Navy. Et cela en misant sur le pacte AUKUS [Australie, Royaume-Uni et États-Unis] car il s’agira de remplacer les actuels Astute par ceux de la future classe SSN-AUKUS, qui, pour le moment, n’existe que sur le papier.

Dans les faits, il s’agit de doubler la flotte de SNA britannique étant donné que, actuellement, seulement cinq sous-marin de la classe Astute sont censés être opérationnels : le sixième, le HMS Agamemnon, a été lancé en octobre tandis que le septième, le HMS Achilles [ex-HMS Agincourt] est encore en construction. En outre, le HMS Triumph, dernier SNA de la classe Trafalgar, est en passe d’être désarmé.

En août dernier, il a été rapporté qu’aucun des SNA de type Astute n’était en mesure de prendre la mer, notamment à cause de difficultés récurrentes pour assurer leur maintien en condition opérationnelle, faute de disposer de suffisamment de cales sèches.

Les nouveaux sous-marins SSN-AUKUS ne seront admis au service actif qu’à partir de la prochaine décennie. Selon le MoD, il est question de construire une unité tous les dix-huit mois, ce qui semble très ambitieux quand on sait que le HMS Astute, premier de la série, a été déclaré opérationnel il y a près de seize ans… et que le dernier n’a pas encore quitté son chantier naval.

« Afin de répondre aux exigences de ce programme élargi, le gouvernement travaille en étroite collaboration avec ses partenaires industriels pour élargir rapidement les possibilités de formation et de développement, avec l’objectif de doubler le nombre d’apprentis et de diplômés dans les secteurs de la défense et du nucléaire civil. Cela se traduira par la création de 30 000 postes d’apprentis et de 14 000 emplois au cours des dix prochaines années », fait valoir le MoD.

Mais construire des SNA est une chose : encore faut-il qu’ils aient un équipage. Or, la Royal Navy peine à recruter des sous-mariniers et, plus encore, à les fidéliser.

Sur ce point, la SDR n’a pas oublié la nécessité d’améliorer la condition militaire : celle-ci devrait bénéficier d’un bonus de 1,5 milliard de livres sterling dans les prochaines années. Ce qui peut sembler relativement modeste au regard des enjeux en matière de recrutement et de fidélisation.

Reste à voir si l’ambition affichée par le gouvernement britannique pourra être financée. A priori, il n’est pas question de porter les dépenses militaires à 5 % du PIB, comme l’envisage l’Otan, M. Healey s’étant contenté d’affirmer qu’il n’avait « aucun doute » sur le fait que l’objectif des 3 % du PIB serait atteint… d’ici 2034.

Photo : SSN-AUKUS

Conflit armé longue durée : L’armée israélienne à l’épreuve du temps

par Kevan Gafaïti – AASSDN – publié le 29 mai 2025

L’armée israélienne à l’épreuve du temps :
Enjeux et défis d’un conflit de longue durée

Face à une situation particulièrement complexe et dangereuse pour Israël, vient l’interrogation sur la capacité réelle dont il dispose pour mener un conflit prolongé. Peut-il encore soutenir un effort militaire aussi intense sur plusieurs théâtres d’opérations sans compromettre son modèle stratégique ? Ses forces armées, malgré leur supériorité technologique affichée et leur préparation revendiquée pour les conflits asymétriques, peuvent-elles faire face à une guerre d’usure imposée par un ensemble d’adversaires aux stratégies diversifiées et pas nécessairement coordonnées ?

Le 7 octobre 2023, le Hamas lance depuis Gaza une attaque massive et multidimensionnelle contre Israël — la plus meurtrière qu’il ait connu depuis sa création en 1948, avec environ 1200 morts et 251 personnes capturées. Outre le bilan humain, cet épisode marque également un point de non-retour pour la défense israélienne. Avec 3000 roquettes tirées en une journée, des incursions terrestres inédites (par les airs avec des parapentes motorisés, par la terre en franchissant les barrières de sécurité avec des explosifs et par la mer avec des commandos), une réactivité israélienne jugée a posteriori particulièrement lente, de flagrantes failles dans l’appareil sécuritaire de l’État hébreu ont fait surface. 

Pis encore, Tel Aviv s’est depuis enlisé dans un conflit à plusieurs fronts, menaçant d’une part son modèle stratégique basé sur la supériorité technologique, la dissuasion (nucléaire) et l’anticipation, et d’autre part sa réputation d’armée la plus puissante du Moyen-Orient, suréquipée face à des voisins aux armements considérés comme obsolètes et peu menaçants. Tsahal mène une guerre de haute intensité dans la bande de Gaza, frôlant la destruction complète de cette zone d’un point de vue matériel, avec plus de 30 000 raids aériens et un contrôle terrestre prolongé visant à défaire le Hamas. Israël lutte aussi contre le Hezbollah libanais, tant sur son propre territoire que dans le Sud-Liban, ce dernier ayant tiré des milliers de roquettes et drones-suicides, forçant l’évacuation massive de localités israéliennes. En mer Rouge encore, les Houthis ciblent des navires qu’ils estiment affiliés à Israël et tentent de contrôler les flux maritimes. À l’est enfin, Israël voit l’Iran enfin répliquer par la force armée aux attaques israéliennes sur son territoire, à l’image de l’attaque de drones iraniens dans la nuit du 13 au 14 avril 2024, après les frappes israéliennes du 1er avril sur le consulat iranien de Damas (côté iranien, l’opération est appelée « Promesse honnête », va’deh-yé sâdeq en persan).

Sur le plan interne encore, ces crises et conflits attisent des tensions sociopolitiques déjà lourdes, mêlant contestations du gouvernement Netanyahou, interrogation sur ses objectifs stratégiques réels (récupération des Israéliens détenus par le Hamas ou destruction de ce dernier ?) et critiques de la réforme institutionnelle lancée par ledit gouvernement pour réduire les pouvoirs de contrôle de la Cour suprême. Du fait de ce projet de réforme, c’est non seulement une fracture de la société et de la cohésion nationale qui est engendrée, mais plus concrètement un risque pour la solidité de l’armée israélienne : des milliers de réservistes, notamment dans l’armée de l’air et dans les unités cybernétiques, menacent de ne plus servir. Par ailleurs, la mobilisation massive de plus de 360 000 réservistes — une première depuis la guerre du Kippour, un demi-siècle plus tôt — pressurise l’économie israélienne, qui a vu son PIB reculer de 20 % au quatrième trimestre 2023, sans évoquer la baisse drastique des investissements étrangers.

État de la défense israélienne : un appareil militaire sous pression

Depuis le 7 octobre 2023, la défense israélienne est mise à rude épreuve, contrainte de multiplier les fronts et les opérations. D’inattendues vulnérabilités sont apparues dans son système de sécurité, imposant une réévaluation stratégique, tant la pression continue sur plusieurs fronts : à Gaza et en Cisjordanie, mais aussi en Iran et au Liban. Le budget israélien de défense, l’un des plus élevés au monde avec environ 30 milliards de dollars en 2024 (soit environ 5 % de son PIB), a été rehaussé pour financer l’effort de guerre. C’est une augmentation de quasiment 50 % (environ 55 milliards de shekels, soit 14 milliards de dollars) qui a été décidée en 2024, sans compter 14 autres milliards de dollars d’aide américaine comportant entre autres des livraisons accélérées de munitions et de systèmes d’interception. Malgré ce budget de guerre, c’est environ 250 millions de dollars qui sont quotidiennement consommés par Israël pour ce conflit, éreintant encore plus son économie déjà fragilisée par le ralentissement de sa croissance et la baisse des investissements directs étrangers. L’ancien ministre de la Défense Yoav Gallant avait d’ailleurs évoqué que le prolongement de la guerre pourrait nécessiter des coupes budgétaires supplémentaires.

L’armée israélienne est par ailleurs autant mobilisée qu’elle subit une tension croissante. Tsahal dispose d’environ 169 500 soldats actifs et 465 000 réservistes, en faisant donc l’une des armées les plus militarisées du monde par rapport à sa population. Après l’attaque du Hamas, Israël a déployé près de 360 000 de ses réservistes, une mobilisation record ajoutant à la pression économique et sociale du pays. Après plus d’un an et demi de conflit enfin, la fatigue morale et physique se fait sentir chez les troupes israéliennes, particulièrement chez les unités sur le front, alors que les délais de rotation sont allongés, réduisant d’autant plus leur moral et leur efficacité opérationnelle. Le Dôme de fer, système israélien de défense antimissile ayant intercepté plus de 90 % des roquettes tirées depuis Gaza, a également été continuellement sollicité par l’intensité des attaques. Face aux frappes avérées et aux menaces balistiques grandissantes, Israël a également déployé la Fronde de David (système d’interception de missiles et roquettes, élaboré en partenariat avec l’entreprise américaine Raytheon) pour intercepter des missiles de plus longue portée, à laquelle se rajoute le système Arrow 3 contre les missiles balistiques iraniens, parachevant sa défense aérienne multicouches. 

La réponse iranienne des 13 et 14 avril 2024, plutôt que de démontrer les capacités d’interception israéliennes, en expose plutôt les carences : avec une sommation iranienne de 48 heures avant l’attaque, l’annulation de tous les vols civils dans l’espace aérien israélien, l’assistance armée des États-Unis, de la France, de la Jordanie et du Royaume-Uni, « seulement » 90 % des drones et missiles ont été interceptés. Les 300 drones et missiles tirés par l’Iran à ce moment ne représentent qu’une partie minime de tout son arsenal, qui pourrait donc lourdement percer la défense israélienne en cas d’attaque massive sans sommation. L’industrie militaire israélienne est par ailleurs au cœur de l’effort de guerre, l’État hébreu étant un acteur incontournable en matière d’armement, avec des entreprises comme Elbit Systems, Israel Aerospace Industries et Rafael, ces dernières ayant augmenté leur production pour répondre à la demande. Cependant, les stocks de certaines munitions — notamment les obus de 155 mm et les missiles intercepteurs — s’amenuisent, aggravant la dépendance aux livraisons américaines et européennes. Si Tsahal reste technologiquement très avancé et possède des alliés occidentaux de poids, l’usure prolongée de son appareil militaire et les multiples fronts ouverts posent avec acuité la question de sa capacité à tenir un conflit de longue durée.

Forces de la défense israélienne : atouts stratégiques et militaires

Tsahal dispose d’indéniables atouts militaires et stratégiques lui permettant de maintenir une haute capacité opérationnelle, malgré le lourd conflit dans lequel il évolue. Son adaptabilité tactique, sa supériorité technologique, le soutien occidental, son renseignement avancé et sa réactivité militaire restent au cœur de sa puissance. Il possède un écosystème de défense en faisant l’une des armées les plus technologiquement avancées au monde, avec une combinaison d’armements de pointe, de cybercapacités (avec son Unité 8200 pour la cyberdéfense et la guerre électronique, qualifiée par Peter Roberts, chercheur au Royal United Services Institute de « meilleure agence de renseignement technique au monde, qui se situe au même niveau que la NSA à tout point de vue, sauf l’échelle ») et de systèmes de surveillance. Israël est usuellement considéré comme faisant partie des trois premières puissances mondiales en cybersécurité, avec la Chine et les États-Unis. Il peut ainsi neutraliser les communications adverses, infiltrer les réseaux ennemis et intercepter des données sensibles. L’objectif qu’il s’est fixé est de compenser sa faible profondeur stratégique (lié à son territoire restreint) par une haute capacité de renseignement et d’anticipation, en théorie. Ses moyens technologiques (SIGINT, écoutes, satellites d’observation Ofek) et son réseau d’espionnage lui octroient des informations capitales sur ses adversaires réels et potentiels. C’est avec de telles capacités de renseignement qu’Israël a pu mener des assassinats de hauts dirigeants du Hamas en 2024, à l’image de Saleh al-Arouri [le 2 janvier] à Beyrouth, Ismaël Haniyeh [le 31 juillet] à Téhéran ou encore Hassan Nasrallah [le 27 septembre], figure historique du Hezbollah libanais, à Beyrouth également.

Pour encore compenser son manque de profondeur stratégique, Tel Aviv peut compter sur la capacité de réaction quasi-immédiate de son armée et de sa réserve (après le 7 octobre 2023, il faut 48 heures pour mobiliser près de 300 000 réservistes) et sur le soutien des États-Unis. Avec le U.S.-Israel Memorandum of Understanding on Security Assistance du 14 septembre 2016, ce sont 38 milliards de dollars qui sont fournis sous forme d’aide militaire pour la période 2019-2028. Outre l’approvisionnement en munitions (obus de 155 mm, missiles pour son Dôme de fer notamment), Israël est entre autres le seul État du Moyen-Orient à posséder des chasseurs F-35 et peut compter sur des centaines de tonnes de matériel militaire expédiés par les États-Unis depuis le 7-Octobre, sans oublier le déploiement de leurs porte-avions en Méditerranée et autour du détroit de Bab el-Mandeb. En ajoutant à cela son expérience accrue des guerres conventionnelles ou non (avec plus de dix conflits majeurs depuis 1948), Tsahal sait combattre sur plusieurs fronts à la fois et en environnement urbain (l’armée israélienne a immédiatement développé des unités spécialisées en guerre souterraine et de nouveaux capteurs pour contrer les tunnels du Hamas). Sa capacité d’adaptation et sa doctrine militaire fournie restent des atouts majeurs en sa faveur.

Faiblesses et vulnérabilités israéliennes : les limites d’un modèle éprouvé

L’armée israélienne, bien que connue et reconnue pour son efficacité opérationnelle et sa technologie avancée, fait face à nombre de vulnérabilités et défaillances, menaçant son efficacité dans un conflit de longue durée. Ces faiblesses peuvent engendrer, outre un affaiblissement de la défense israélienne, un profond risque stratégique. La mobilisation prolongée des réservistes depuis octobre 2023 provoque un épuisement physique et psychologique, auquel se couple un plus que fragile équilibre social. Les crises politiques à répétition, les manifestations de masse, les tensions internes et critiques du modus operandi de Benyamin Netanyahou ainsi que la réforme judiciaire renforcent un sentiment de fracture sociale. 

Outre l’épuisement des soldats et l’érosion de la cohésion nationale, se fait jour une réelle tension sur les stocks de missiles et de munitions guidées, suite aux frappes prolongées sur Gaza et le Sud-Liban. Les difficultés d’approvisionnement rencontrées concernant ces munitions essentielles pour le combat en milieu urbain constituent un facteur pouvant compromettre les futures opérations israéliennes. L’aide américaine envers Israël, à hauteur de 3,8 milliards de dollars, ne semble pas être pour le moment dans le viseur de Donald Trump et de sa politique récente de reconfiguration de l’échiquier international (coupes drastiques de l’aide à l’Ukraine, lourde incitation envers les membres de l’OTAN à rehausser leur budget de défense, retour de la guerre commerciale avec la Chine, etc.). Cependant, des ajustements pourraient survenir à moyen et long terme, et un changement d’administration pourrait avoir un impact si le conflit venait à s’enliser. L’aide militaire américaine constitue donc un facteur stratégique majeur et Israël pourrait se trouver dans une situation vulnérable en cas de cessation ou de diminution de celle-ci. Enfin le conflit multi-fronts dans lequel se trouve Israël (Gaza, Liban, Iran, Yémen) distend ses capacités humaines et matérielles autant que sa faculté de réaction rapide et de stratégie d’ensemble. En cas de prolongation et d’élargissement du conflit, ce sont bien des limitations opérationnelles qui pourraient alors apparaitre, contraignant Israël à prioriser certains fronts.

Israël pourra-t-il tenir un conflit destiné à durer ?

La résilience d’Israël est mise à l’épreuve depuis le 7 octobre 2023. Tsahal démontre certes une puissance militaire redoutable, mais plus dans des conflits courts et intenses que dans des combats persistants aux nombreux épicentres. De sérieuses interrogations sur son endurance stratégique émergent à l’heure où Tel Aviv fait face à ce dilemme : comment maintenir une pression militaire constante tout en évitant l’essoufflement de ses ressources ? Ses bombes guidées JDAM et ses munitions d’artillerie commencent à s’épuiser, son système de défense Dôme de fer se base sur des missiles couteux, le prix unitaire oscillant entre 40 000 et 100 000 dollars et la mobilisation des réservistes et de la société civile s’étiole. Parallèlement, bien que la capacité industrielle israélienne soit avancée, elle ne permet pas une production rapide et en masse de tous les équipements sophistiqués utilisés, à l’image des avions de combat F-35 nécessitant des pièces produites seulement aux États-Unis. 

Cette guerre d’usure avantage en réalité les adversaires d’Israël, quand bien même ceux-ci ont pu connaitre des revers largement médiatisés par Tel Aviv, à l’image de l’assassinat de hauts dirigeants du Hamas et du Hezbollah. La guerre à Gaza s’éternise et le risque d’escalade avec le Liban et même l’Iran est un scénario plus que possible. Le Hamas maintient une capacité opérationnelle, alors qu’il était décrit comme éreinté après les premières représailles israéliennes fin 2023. L’incapacité de l’État hébreu à éradiquer le Hamas d’un point de vue matériel prélude d’autant plus au fait qu’il ne parviendra pas à vaincre le Hamas d’un point de vue moral et idéologique. Le Hezbollah libanais représente pour Israël une menace encore plus sérieuse, avec un arsenal estimé à plus de 150 000 roquettes et missiles, pouvant potentiellement saturer les systèmes de défense israéliens. Le Hezbollah est encore plus préparé que le Hamas à un conflit prolongé, du fait de ses ressources plus fournies, et une opération israélienne à son encontre serait bien plus couteuse pour Tel Aviv que la guerre en cours à Gaza. Enfin, une potentielle guerre directe et d’envergue avec l’Iran semble être un scénario catastrophe, les implications stratégiques et régionales étant difficilement discernables avec précision. 

Le plus grand danger pour Israël semble finalement être l’opinion publique. À l’international d’abord, les opérations israéliennes à Gaza sont régulièrement qualifiées de génocide, tant les actions à Gaza semblent disproportionnées et viser les populations civiles plus que des cibles militaires. La procédure engagée par l’Afrique du Sud contre Israël le 29 décembre 2023 devant la Cour internationale de Justice, cette première alléguant d’une violation par le second de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide de 1948 (dont Israël est signataire) n’en est que l’illustration la plus saillante. À l’échelle nationale ensuite et surtout, la population israélienne semble chaque jour plus divisée sur la stratégie à mener et sur le soutien, ou non, à Benyamin Netanyahou. Or nombre de conflits récents démontrent à quel point l’opinion publique nationale détermine l’issue d’une guerre. Qu’il s’agisse de la France durant la guerre d’Algérie (1954-1962) ou des États-Unis au Vietnam (1955-1975) ou en Afghanistan (2001-2021), des États largement plus puissants que leurs cobelligérants ont été défaits. Non pas sur le champ de bataille, mais au sein de leurs propres sociétés, celles-ci s’opposant à des conflits perçus comme étant trop longs et couteux d’un point de vue humain et financier. Un tel scénario pourra alors s’imposer à Israël : on peut gagner une guerre stratégiquement, et la perdre politiquement.

Kevan Gafaïti (*)
Aereion 24

(*) Enseignant du département Middle East Studies (Sciences Po Paris) et chercheur du Centre Thucydide de l’Université Paris-Panthéon-Assas.

Guerre en Ukraine : avec l’opération « Toile d’araignée », Kiev frappe un grand coup

Guerre en Ukraine : avec l’opération « Toile d’araignée », Kiev frappe un grand coup

Les forces ukrainiennes viennent de réaliser une opération de grande envergure dans la guerre en Ukraine. Elle a permis de détruire 40 bombardiers russes.

par Cédric Bonnefoy – armees.com – Publié le
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Guerre en Ukraine : avec l’opération « Toile d’araignée », Kiev frappe un grand coup | Armees.com

Alors que la guerre en Ukraine se poursuit, Kiev vient de mener une opération de grande ampleur. Baptisée « Toile d’araignée », plusieurs drones ont détruit des bombardiers russes, parfois stationnés très loin du front. Un succès qui pourrait peser lourd alors que les discussions autour d’un cessez-le-feu reprennent à Istanbul.

L’opération « Toile d’araignée » : Kiev signe un succès important dans la guerre en Ukraine

Le 1er juin 2025, une opération d’une audace rare a été déclenchée par les forces ukrainiennes dans le cadre de la guerre en Ukraine. À des milliers de kilomètres du front, des bases aériennes russes ont été la cible d’une attaque coordonnée par drones, causant la destruction ou l’endommagement de plus de 40 bombardiers stratégiques.

Un camouflet logistique et symbolique d’envergure, survenu à la veille de pourparlers décisifs à Istanbul.Le Service de sécurité ukrainien (SBU) a revendiqué une attaque de grande ampleur contre les aérodromes russes de Belaïa, Olenia, Diaguilevo, Ivanovo Severny et Voskressensk. Les drones FPV (First Person View), dissimulés dans de faux toits de camions en bois, ont été lancés depuis des points proches des installations militaires russes. Cette attaque, baptisée « Toile d’araignée », aurait nécessité une planification de plus d’un an et demi, sous la supervision directe du président Volodymyr Zelensky.

Une source au sein du SBU affirme que « plus de 40 appareils ont déjà été touchés », incluant des Tu-95, des Tu-22M et des A-50, ces bombardiers utilisés pour lancer des missiles sur des cibles civiles en Ukraine. Pour Moscou, le montant des dégâts s’élèverait à 7 milliards de dollars.

Drones et discrétion : l’autre visage de l’offensive ukrainienne

Selon le ministère russe de la Défense, « plusieurs appareils aériens ont pris feu à la suite du lancement de drones FPV depuis un territoire situé à proximité immédiate des aérodromes ». Celui-ci a par ailleurs reconnu avoir « arrêté certains participants aux attentats », tout en minimisant l’ampleur des dégâts. Du côté ukrainien, le ton est tout autre. Le président Zelensky n’a pas hésité à parler de « l’opération la plus longue portée jamais menée » par les services ukrainiens. À raison : certains aérodromes, comme Olenia, sont situés à plus de 4 300 kilomètres du territoire ukrainien.

Moscou, de son côté, évoque de « graves erreurs des services spéciaux », selon la chaîne Telegram Rybar. Le même jour, des blogueurs pro-russes ont décrit un « jour noir pour l’aviation ». L’onde de choc recherchée semble avoir fonctionné. Alors que des pourparlers entre l’Ukraine et la Russie sont prévus à Istanbul à partir de ce lundi 2 juin 2025, le message est limpide. Petro Porochenko, ancien président ukrainien, a affirmé qu’il n’y avait « pas de meilleurs arguments à présenter à la veille de pourparlers avec Moscou ».

Trump, les droits de douane et la théorie qui explique tout

Trump, les droits de douane et la théorie qui explique tout

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par par Dr. Glenn Agung Hole* – Geopolitika – Revue Conflits – publié le 2 juin 2025

https://www.revueconflits.com/trump-les-droits-de-douane-et-la-theorie-qui-explique-tout/


Avec ses droits de douane prohibitifs, Donald Trump semble agir de façon déraisonnable. Un auteur américain a pourtant analysé, dès 1945, l’usage du commerce comme arme de guerre : Albert O. Hirschman. Avec une théorie qui permet d’expliquer bien des sujets actuels.

*Dr. Glenn Agung Hole. Maître de conférences en entrepreneuriat, économie et gestion, Université du sud-est de la Norvège & professeur honoraire à l’Université d’État Sarsen Amanzholov de l’est du Kazakhstan.

Article paru sur Geopolitika. Traduction de Conflits.


Lorsque Donald Trump a récemment proposé un droit de douane punitif de 50 % sur les produits de l’UE et de 25 % sur les iPhone, les réactions ont été vives – et prévisibles. Les économistes ont qualifié la mesure de catastrophique. Les marchés ont chuté. Les entreprises ont dénoncé le manque de prévisibilité. Mais une question est restée sans réponse : que fait réellement Trump ? La réponse ne se trouve pas dans les théories commerciales courantes. Elle se trouve dans un livre de 1945, longtemps ignoré – mais qu’il convient désormais de redécouvrir : National Power and the Structure of Foreign Trade d’Albert Otto Hirschman. Contrairement aux économistes classiques qui mettaient en avant le rôle pacificateur du commerce, Hirschman a montré que le commerce pouvait aussi devenir un instrument de domination et de contrôle politique. Avec ce que fait Trump aujourd’hui, c’est comme si Hirschman avait raison – en temps réel.

Le commerce comme pouvoir – pas comme marché

Hirschman a introduit le concept d’« effet d’influence » pour décrire comment les États peuvent utiliser le commerce afin de rendre d’autres pays économiquement dépendants – puis employer cette dépendance comme moyen de pression. Lorsqu’un acteur contrôle une part significative des exportations ou des importations d’un autre pays, il s’établit une relation asymétrique. Si cet acteur menace de couper les échanges, cette menace devient une arme efficace – proche de la puissance militaire, mais bien plus subtile et difficile à sanctionner.
Cette théorie a été élaborée sur la base de la stratégie commerciale de l’Allemagne en Europe de l’Est durant l’entre-deux-guerres. Aujourd’hui, c’est la relation des États-Unis avec l’UE et des entreprises telles qu’Apple qui constitue la scène concrète.
La menace de Trump d’imposer un droit de douane uniforme de 50 % sur toutes les marchandises européennes et d’exiger la production d’Apple aux États-Unis n’est pas une politique économique au sens classique. Ce n’est pas le protectionnisme « America First ». C’est l’exercice d’un pouvoir géopolitique par le commerce – une manifestation directe des mises en garde de Hirschman. Et c’est cela qui rend la démarche si difficile à interpréter pour les économistes traditionnels : elle est rationnelle, mais pas dans leur cadre d’analyse.

Géoéconomie instinctive

Rien n’indique que Trump ait lu Hirschman. Mais ses actes suivent la logique stratégique à la lettre. Il se sert du rôle des États-Unis comme plus grand marché mondial pour créer de la dépendance – puis menace d’en couper l’accès, vis-à-vis des États (comme l’UE) ou des entreprises (comme Apple).

Nous assistons donc non seulement à un abandon du libre-échange, mais à un basculement structurel vers ce que l’on appelle aujourd’hui la géoéconomie : l’usage d’outils économiques – commerce, investissements, technologie – comme instruments de pouvoir politique et stratégique. Alors que la politique commerciale libérale reposait sur l’hypothèse d’avantages mutuels et d’intérêts communs, la géoéconomie vise à obtenir des avantages relatifs, souvent au détriment d’autrui.

Il ne s’agit pas d’un nouveau courant idéologique, mais plutôt d’un retour à la pensée réaliste sous forme économique. Cela rend d’autant plus important de comprendre ce qui se passe réellement – et quelles en sont les conséquences.

Destructeur pour la prévisibilité 

Pour les entreprises, et en particulier pour les exportateurs norvégiens, cette évolution est profondément problématique. Au cours de mes années comme dirigeant de premier plan et conseiller stratégique, j’ai constaté que les investissements, le développement et la croissance industrielle dépendent entièrement de règles du jeu stables. Lorsque ces règles changent au fil d’un tweet et que les règles commerciales sont utilisées comme projectiles politiques, la prévisibilité disparaît. Et avec elle, l’attrait de l’investissement.

Une entreprise norvégienne qui exporte des composants de haute valeur vers les États-Unis via l’Allemagne peut, du jour au lendemain, perdre toute sa chaîne de valeur. Un droit de douane de 50 % n’est pas seulement un coût supplémentaire – c’est, en pratique, une fermeture de marché. Lorsque ce type de mesure est utilisé comme tactique de négociation, il devient impossible de planifier la croissance future.

C’est pourquoi la politique de Trump, bien qu’elle ne vise pas directement la Norvège, a des répercussions indirectes sur notre secteur privé. Et c’est pourquoi les analyses de Hirschman méritent d’être remises à l’honneur – non comme solution, mais comme modèle d’interprétation.

Hirschman contre le libre-échange 

Hirschman préconisait lui-même une régulation supranationale accrue pour contrer ce type d’abus de pouvoir via le commerce. Une solution qui remet en cause à la fois la souveraineté nationale et la pensée économique classique. Là où des économistes tels que Ludwig von Mises et l’école autrichienne voyaient le commerce comme un échange volontaire entre acteurs égaux, Hirschman voyait un système asymétrique – où certains auront toujours plus de pouvoir que d’autres.
Ce qui est intéressant aujourd’hui, ce n’est pas forcément de choisir entre ces deux modèles – mais de reconnaître que la réalité suit désormais le modèle de Hirschman, que cela nous plaise ou non.