Marseille : deux nouveaux conteneurs de composants militaires en partance pour Israël bloqués par les dockers

Marseille : deux nouveaux conteneurs de composants militaires en partance pour Israël bloqués par les dockers

https://www.lefigaro.fr/marseille/marseille-deux-nouveaux-conteneurs-de-composants-militaires-en-partance-pour-israel-bloques-par-les-dockers-20250605


Vue du bassin industriel de Marseille-Fos, au port de Fos-Sur-Mer, à Marseille, dans le sud de la France, le 23 juillet 2020.
Vue du bassin industriel de Marseille-Fos, au port de Fos-Sur-Mer, à Marseille, dans le sud de la France, le 23 juillet 2020. CLEMENT MAHOUDEAU / AFP

Il s’agit du troisième conteneur destiné à Israël que les dockers du port Fos-Marseille refusent de charger après celui d’hier, rempli de pièces pour fusils-mitrailleurs.

Après avoir refusé mercredi de charger sur un navire à destination d’Israël un conteneur rempli de composants militaires, les dockers CGT du port de Marseille-Fos en ont bloqué deux autres jeudi, destinés au même navire, expliquant ne pas vouloir «être complices de massacres». «Aujourd’hui (…), c’est avec écœurement que nous avons découvert deux autres conteneurs qui devaient embarquer sur le Contship Era. Il s’agit, d’après nos informations, de tubes de canons fabriqués par la société Aubert et Duval à Firminy» (Loire), a alerté jeudi le syndicat CGT des dockers et personnels portuaires du Golfe de Fos (Bouches-du-Rhône) dans un communiqué.

Mercredi, les dockers de Marseille-Fos avaient déjà refusé de charger à bord de ce même navire, en partance pour Haïfa en Israël, des pièces pour fusils-mitrailleurs fabriquées par l’entreprise marseillaise Eurolinks, afin de ne pas «participer au génocide en cours orchestré par le gouvernement israélien». «Le port de Fos (…) ne doit pas servir à expédier des munitions ou des armes pour n’importe quelle guerre que ce soit. Les travailleurs du port de Fos ne veulent pas être complices de massacres, de pertes de vies humaines», écrit le syndicat ce jeudi. Une action à laquelle la Fédération CGT des services publics a apporté son «total soutien», annonçant que «les dockers italiens du port de Gênes ont décidé de prendre le relais des dockers français».

Sur sa page Facebook, un groupe de dockers génois, «convaincus que la lutte contre le trafic d’armes dans les ports passe par l’action», a en effet annoncé qu’il bloquerait l’activité du port italien vendredi à 15h00. À Marseille jeudi soir, une manifestation en soutien des dockers a réuni une centaine de personnes. Selon la CGT, le conteneur bloqué mercredi contenait 19 palettes de maillons, ces petites pièces métalliques permettant aux fusils-mitrailleurs de tirer en rafale. L’exportation de ces maillons avait été évoquée dès mars 2024 par Disclose et Marsactu, selon qui ils seraient «susceptibles d’être utilisés contre des civils dans la bande de Gaza».

La société Aubert et Duval se défend

Réagissant à ces affirmations, le ministre français des Armées Sébastien Lecornu avait affirmé à l’époque que ces pièces pouvaient seulement être «réexportées» par Israël. Le ministère des Armées a confirmé jeudi que leur licence prévoit effectivement qu’elles soient réexportées en totalité vers la France et d’autres pays partenaires. Pour les tubes de canons de la société Aubert et Duval, il s’agit, selon une source proche du dossier, «d’une licence de réexportation vers des pays européens».

«Aubert & Duval vend des tubes en acier à Elbit Systems qui les transforme. La licence d’exportation de matériel de guerre accordée par l’État français à Aubert & Duval prévoit explicitement que le produit final (…) soit réexporté à des forces armées qui ne sont pas celles d’Israël. Aubert & Duval ne vend donc aucun matériel militaire destiné aux forces armées israéliennes», a réagi l’entreprise auprès de l’AFP. Contacté par l’AFP, Eurolinks n’a pas donné suite.

Soutenant le mouvement des dockers marseillais, la secrétaire générale de la CGT Sophie Binet a appelé jeudi le gouvernement à «bloquer immédiatement toute livraison d’armes en direction de l’État d’Israël». «Si la France continue à autoriser la livraison de matériel de guerre à Israël, elle alimente ce génocide», a également réagi dans un communiqué Anne Savinel-Barras, présidente d’Amnesty International France. Le blocage du premier conteneur mercredi avait été salué par plusieurs responsables politiques de gauche, notamment le premier secrétaire du parti socialiste, Olivier Faure, pour qui «l’humanisme n’est pas à vendre», ou encore le leader Insoumis Jean-Luc Mélenchon, qui a réclamé un «embargo maintenant sur les armes du génocide».

Adieu au VAB : ce que le Griffon change vraiment pour l’infanterie

Adieu au VAB : ce que le Griffon change vraiment pour l’infanterie

Sous ses lignes massives et sa silhouette anguleuse, le véhicule blindé Griffon incarne la mue technologique de l’armée de Terre française. Conçu pour remplacer le mythique VAB, il redéfinit les standards de la mobilité, de la protection et de la connectivité sur le champ de bataille. Mais que sait-on vraiment de cette plateforme ? Qui l’a conçue ? Dans quelles conditions est-elle déployée ? Et surtout, que pensent les militaires qui la mettent à l’épreuve ?

par Elie Avot -armees.com – Publié le

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Ketrzyn Poland June 23, 2019 | Armees.com

Sous ses lignes massives et sa silhouette anguleuse, le véhicule blindé Griffon incarne la mue technologique de l’armée de Terre française. Conçu pour remplacer le mythique VAB, il redéfinit les standards de la mobilité, de la protection et de la connectivité sur le champ de bataille. Mais que sait-on vraiment de cette plateforme ? Qui l’a conçue ? Dans quelles conditions est-elle déployée ? Et surtout, que pensent les militaires qui la mettent à l’épreuve ?

Un véhicule né du programme SCORPION, entré en service en 2019

Le Griffon, de son nom complet Véhicule blindé multi-rôle (VBMR) Griffon, est un blindé 6×6 développé dans le cadre du programme SCORPION, lancé par la Direction générale de l’armement en 2014. Il est le fruit d’un groupement temporaire d’entreprises réunissant Arquus, Nexter et Thales, dont Arquus est responsable de la fonction mobilité.

Son développement a été précédé par le démonstrateur BMX-01, présenté en 2012 après une étude lancée dès 2010. Ce démonstrateur, inspiré du concept ATAV, a parcouru plus de 10 000 kilomètres de tests pour éprouver sa mobilité et sa résistance avant que le design définitif du Griffon soit validé.

Le véhicule est officiellement entré en service en juillet 2019, au sein du 3e régiment d’infanterie de marine (3e RIMa), première unité à en être dotée.

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Les Griffon dans l’armée : nombre, variantes et déploiements

Au 31 décembre 2023, 575 Griffon avaient été livrés à l’armée de Terre française, sur les 1 872 prévus d’ici 2030 dans le cadre de la Loi de programmation militaire (ministère des Armées).

Le blindé se décline en six variantes principales (Arquus) :

  • Transport de troupes
  • Ambulance
  • Génie
  • Poste de commandement
  • Appui mortier (MEPAC)
  • Version tireur d’élite / missile moyenne portée

Il a déjà été projeté en condition réelle à Djibouti en 2020 pour une évaluation en zone désertique, conduite par le 5e RIAOM.

En revanche, aucun Griffon n’a été livré à l’Ukraine à ce jour, contrairement aux VAB, plus anciens, mais encore fonctionnels. « Ce matériel ancien, encore opérationnel, va pouvoir directement profiter à l’Ukraine en quantité importante » (Sébastien Lecornu, 20 Minutes).

La Belgique, quant à elle, a commandé 382 exemplaires dans le cadre de son programme CaMo, partenariat stratégique avec la France.

Une technologie au service du combat collaboratif

Le Griffon représente un saut technologique majeur en matière de combat terrestre. Il est équipé d’un moteur Renault de 400 chevaux, lui permettant d’atteindre 90 km/h sur route et de parcourir jusqu’à 800 kilomètres avec un plein de 400 litres. Ses suspensions indépendantes, ses roues motrices intégrales, son train arrière directeur et sa capacité de roulage à plat lui assurent une mobilité optimale sur tous les terrains.

Le blindé se distingue par son architecture électronique de nouvelle génération, intégrée au système d’information SCORPION, qui permet aux unités de partager instantanément des données tactiques.

Son blindage est conçu pour résister aux menaces balistiques, aux mines et aux engins explosifs improvisés (IED). Il est également doté d’un tourelleau téléopéré armé d’une mitrailleuse de 7,62 mm, 12,7 mm ou d’un lance-grenades de 40 mm.

Témoignages de terrain : confort et efficacité reconnus

Les soldats déployés avec les Griffon notent une amélioration significative du confort et de la protection. Le sergent Thomas du 1er régiment d’infanterie déclare :  » On a la climatisation, on est assis dans des fauteuils avec des harnais.« .

Le Griffon offre un espace intérieur mieux pensé, une meilleure isolation et une ambiance sonore plus calme. « On peut discuter pendant le transport. Dans un VAB, c’était quasiment impossible », souligne un autre militaire.

L’habitacle est aussi hermétique, ce qui protège des attaques NRBC (nucléaires, radiologiques, biologiques, chimiques) — un point de plus en faveur de la sécurité du personnel.

Un avenir stratégique pour les forces françaises

Les Griffon sont désormais la colonne vertébrale des Groupements tactiques interarmes (GTIA). Grâce à leur modularité, leur niveau de protection et leur capacité à communiquer en temps réel avec d’autres plateformes SCORPION comme le Jaguar ou le Serval, ils permettent un véritable bond en avant vers l’infovalorisation.

L’industrie française espère que le Griffon séduira d’autres armées européennes, notamment dans un contexte de montée en puissance des besoins capacitaires terrestres.

Le programme reste suivi de près par la DGA, qui continue d’en affiner les évolutions. D’ici 2030, le Griffon devrait être pleinement intégré à la doctrine opérationnelle française, accompagnant les infanteries de contact dans toutes les conditions.

Syrie : l’avenir incertain de la communauté druze

Syrie : l’avenir incertain de la communauté druze

par Edouard Chaplault-Maestracci – Revue Conflits – publié le 7 juin 2025

https://www.revueconflits.com/syrie-lavenir-incertain-de-la-communaute-druze/


Après les attaques contre les alaouites, c’est au tour des druzes d’être menacés. Une insécurité constante qui témoigne des difficultés de la nouvelle Syrie et qui fait craindre le spectre d’une guerre de communautés.

Le 8 décembre 2024, le régime de Bachar el-Assad cédait face à l’offensive d’une coalition de rebelles et de djihadistes dirigée par le groupe Hayat Tahrir al-Cham (HTC) dont le chef, Ahmed al-Charaa (de son ancien nom de guerre Abou Mohammed al-Joulani), est depuis devenu président intérimaire de la Syrie. Le soulagement consécutif à la chute du dictateur laissait rapidement place à l’inquiétude des minorités syriennes exposées aux potentiels désirs de vengeance de la majorité sunnite désormais au pouvoir.

Dès son accession aux responsabilités, le nouvel homme fort de Damas, qui indique aspirer à une Syrie unifiée, semblait soucieux de rassurer les différentes communautés et invitait les sunnites à rejeter toute violence à l’encontre des alaouites, affaiblis par la chute de Bachar el-Assad, et des autres communautés. Al-Charaa rappelait ainsi à ses hommes que « l’islam nous a enseigné la bonté et la miséricorde… Soyez un modèle de tolérance et de pardon »[1].

Les tensions confessionnelles et communautaires ont cependant eu raison des appels au calme répétés du nouveau dirigeant et ont abouti à des violences contre les alaouites mais aussi contre la minorité druze. Les druzes, dont une partie significative vit en Israël, s’interrogent quant à leur futur au sein de cette nouvelle Syrie et se retrouvent tiraillés entre un déficit de confiance grandissant vis-à-vis de Damas et les promesses de sécurité émanant de Tel-Aviv.

Des tensions communautaires qui aggravent le déficit de confiance

La majeure partie des 700 000 druzes de Syrie[2], soit 3% de la population du pays[3], vit dans la province de Soueïda, située à une centaine de kilomètres au sud de la capitale syrienne et proche des frontières jordanienne et israélienne. Relativement épargnés sous Bachar el-Assad, les druzes assuraient leur propre sécurité. Le départ du fils de Hafez el-Assad a mis fin à cette situation de relative autonomie et de nombreuses délégations en provenance de Damas se sont présentées au cheikh Hikmat al-Hijri, chef religieux de la minorité qui pratique une branche de l’islam chiite, afin d’envisager un rapprochement. Outre cette province, approximativement 250 000 druzes se trouvent en périphérie de Damas, notamment dans les banlieues de Jaramana et Sahnaya.

Les premiers échanges entre le régime et l’autorité religieuse druze sont cordiaux. En décembre 2024, le cheikh déclarait ainsi donner sa chance aux nouvelles autorités avec des réserves : « Leurs paroles sont bonnes, mais nous attendons les actes. Pour le moment, le gouvernement provisoire n’a pas de légitimité populaire »[4]. Début mai, les perspectives de collaboration se sont grandement détériorées. En témoignent les récentes prises de parole du cheikh Hikmat al-Hijri qui dénonce des tueries « collectives, systématiques, claires, visibles et documentées » visant les druzes et indique ne plus faire « confiance à un groupe qui se désigne comme gouvernement », reprochant notamment à Damas de ne pas tenir ses hommes[5].

Les premiers signes d’inquiétude sont apparus au moment des exactions perpétrées par HTC dans la ville de Lattaquié et ses alentours à l’encontre des alaouites au début du mois de mars. Prétextant avoir subi des attaques de la part d’éléments restés fidèles à l’ancien régime, HTC se livrait à un déferlement de violence dans ce bastion alaouite mais aussi dans des localités environnantes. Selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme, 1 383 alaouites ont été assassinés par les djihadistes du groupe HTC[6]. La communauté druze, dont la confiance a été ébranlée par ces tueries, sera visée à son tour quelques semaines plus tard.

Le lundi 28 avril, une vidéo d’un homme insultant le prophète Mahomet circulant sur les réseaux sociaux est attribuée à un dignitaire religieux de la minorité druze. Un communiqué du ministère de l’Intérieur indiquant qu’aucune preuve ne vient étayer cette thèse ne suffira pas à empêcher des hommes armés de s’en prendre aux druzes résidant dans la banlieue de Jaramana, en périphérie de Damas, dans la nuit de lundi à mardi. Le mercredi, des violences éclatent dans la ville de Sahnaya, proche de Damas, mais aussi dans la province de Soueïda. Au 1er mai, l’Observatoire syrien des droits de l’homme annonçait que plus de 100 personnes avaient été tuées dans ces combats.

Alors que le gouvernement promettait que les responsables de l’attaque seraient poursuivis et traduits devant la justice, le cheikh Hikmat el-Hijri dénonçait une « campagne génocidaire » et réclamait l’intervention de « forces internationales pour maintenir la paix ». Un déficit de confiance largement partagé par sa communauté comme en témoignent les récents points de blocage avec le gouvernement.

La question sécuritaire source de crispation

Les représentants du gouvernement sont « très respectueux et positifs. Mais nous voulons de l’action ». Relayé par le New York Times, ce sentiment d’un leader druze résume celui de ses coreligionnaires[7]. Après avoir subi les assauts des djihadistes, les habitants de Jaramana et Sahnaya ont déploré l’absence de protection de la part du gouvernement. Les druzes ont donc dû sécuriser leurs villes par leurs propres moyens. Estimant la nouvelle administration responsable de la situation, ils dénoncent les insuffisances d’un gouvernement qui indique pourtant avoir déployé des hommes autour de la ville.

Damas, qui assure pouvoir protéger tous les habitants, a demandé aux résidents druzes de déposer les armes et de les confier au gouvernement. A l’issue des combats de Jaramana, les représentants de la minorité ont trouvé un accord avec le régime en vertu duquel ils ont accepté de remettre leurs armes lourdes mais refusent pour l’instant de renoncer aux armes légères tant que l’armée n’aura pas prouvé sa capacité à la protéger[8]. Cité par Reuters, un membre du comité de Jaramana explique que « c’est notre droit d’avoir peur, car nous avons vu ce qu’il s’est passé ailleurs ». Et de poursuivre « dès qu’il y aura un état capable de canaliser ses forces, nous n’aurons aucun problème à remettre nos armes »[9]. Le média indique que cet accord prévoit également que les milices druzes intégreront les rangs du régime en échange de la possibilité de protéger leur communauté. Interrogé par Al Jazeera, un membre de la minorité druze estime toutefois que la situation est proche de la sédition, soulignant ainsi la fragilité de ce projet d’intégration[10].

Le sentiment d’insécurité vient s’ajouter à des griefs d’ordre économique à l’encontre du nouveau gouvernement qui avaient déclenché une manifestation à Soueïda en mars dernier. A cette occasion, des hommes armés s’étaient emparés du bureau du gouverneur désigné par Ahmed al-Charaa et avaient accroché des drapeaux druzes au-dessus du drapeau syrien. La milice druze Rijal al-Karama, à qui le gouvernement a délégué les missions de police, n’était pas intervenue. « Ce n’est pas notre responsabilité de décrocher le drapeau druze » avait ainsi indiqué Basim Abu Fakhr, porte-parole de la milice[11].

Ce refus d’intervention illustre la difficulté pour Ahmed al-Charaa d’intégrer les milices druzes à l’armée syrienne. Alors que le président par intérim était parvenu à trouver un accord avec une importante milice d’une autre communauté, les kurdes des Forces démocratiques syriennes[12], les accords récemment conclus avec les représentants druzes de Jaramana prévoyant l’intégration de leurs miliciens aux forces étatiques doivent encore être mis en application et demeurent fragiles. De plus, ceux qui avaient précédemment accepté de soutenir le nouveau gouvernement, comme les hommes du groupe Rijal al-Karama, refusent de prendre position contre leur communauté et rechignent à utiliser le matériel envoyé par le ministère de l’Intérieur en raison de menaces de la part d’autres milices druzes[13].

Perdant patience, le ministère de la Défense a déclaré que l’ensemble des groupes armés devaient rejoindre les forces gouvernementales avant le 28 mai[14]. Alors que le délai a expiré et que HTC tente de rassurer les minorités en menant des opérations contre des groupes terroristes, notamment à Alep, il conviendra d’observer les réactions de ces différents groupes ainsi que la solidité du processus d’intégration. En cas d’échec, le malaise de la communauté druze pourrait profiter à Israël.

Le malaise druze, une opportunité pour Israël

Le 2 mai dernier, soit immédiatement après les violences ayant visé les druzes, Israël bombardait les alentours du palais présidentiel de Damas afin d’afficher son soutien à une communauté liée à l’état hébreu. Environ 150 000 druzes vivent dans le nord d’Israël et sur le plateau du Golan. Bénéficiant d’une reconnaissance officielle comme minorité religieuse depuis 1957, la communauté druze participe à la vie du pays, la plupart de ses membres effectuent leur service militaire sous le drapeau israélien et certains occupent même un rôle politique. Comme le rappelle Le Figaro, 5 000 druzes sont tombés au combat depuis l’indépendance israélienne et environ 20% des membres de la communauté disposent de la nationalité israélienne[15].

Désireux de renforcer sa sécurité afin d’éviter toute menace liée au nouveau gouvernement syrien et à ses membres les plus radicaux, Tel Aviv entend coopérer avec les druzes afin de sécuriser sa frontière avec la Syrie. Pour ce faire, Benyamin Nétanyahou a constamment rappelé que la protection des druzes était une des priorités de son gouvernement, répondant ainsi à leur besoin de sécurité. Ainsi déclarait-il : « Nous n’autoriserons pas le régime islamiste de Syrie à s’en prendre aux druzes. Si le régime les attaque, nous riposterons… », et d’ajouter « nous ferons tout pour éviter les attaques contre nos frères druzes de Syrie »[16].

Israël a depuis envoyé des troupes dans des localités situées en territoire syrien afin d’y ériger des barrières dans le but de prévenir toute offensive djihadiste. Parallèlement, Tel Aviv avait lancé 89 incursions terrestres et 29 frappes aériennes et d’artillerie dans le sud-ouest de la Syrie entre février et le début du mois d’avril[17]. Ce déploiement de forces terrestres et ces bombardements s’accompagnent de la mise en place d’un centre mobile de triage des blessés afin de « soutenir la population syro-druze ». Israël a également organisé l’acheminement de ressources humanitaires par voie aérienne afin de permettre aux druzes de « faire face aux défis humanitaires » qu’implique la situation en Syrie[18].

La communauté druze de Syrie est pour l’instant divisée quant au positionnement à adopter vis-à-vis de la protection proposée par Israël. Attachés à la Syrie, les druzes s’inquiètent néanmoins de l’insécurité croissante et de la menace djihadiste. L’intervention du cheikh Hikmat el-Hijri réclamant l’intervention de forces internationales n’est pas anodine et souligne que les druzes ne bénéficient pas de l’appui d’une quelconque puissance étrangère comme cela est le cas des kurdes, soutenus par les Etats-Unis. La perspective d’une protection, ainsi que celle d’une économie plus prospère avec notamment des emplois en territoire israélien, pourrait encourager les druzes syriens à s’entendre avec Israël.

Il y a un mois, Israël et les druzes de Syrie ouvraient un « nouveau chapitre » de leurs relations avec l’entrée en territoire hébreu d’une délégation religieuse druze venue effectuer un pèlerinage en Galilée, sur la tombe de Nabi Shuaib, un site religieux druze[19]. Ce pèlerinage qui intervient alors qu’aucun druze syrien n’était entré en Israël depuis 50 ans symbolise le rapprochement à l’œuvre entre israéliens et druzes de Syrie[20].


[1] https://www.lefigaro.fr/international/de-djihadistes-a-rebelles-la-mue-opportuniste-du-groupe-hayat-tahrir-al-sham-a-l-origine-de-l-offensive-en-syrie-20241202

[2] https://www.france24.com/en/live-news/20250430-syria-s-druze-minority-caught-between-islamist-government-and-israel

[3] https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/syrie/presentation-de-la-syrie/

[4] https://www.lemonde.fr/international/article/2025/01/06/les-druzes-de-souweida-cherchent-leur-place-dans-la-syrie-post-al-assad_6483408_3210.html

[5] https://www.aljazeera.com/news/2025/5/1/syrian-druze-leader-condemns-government-over-sectarian-violence

[6] https://www.lorientlejour.com/article/1451438/violences-en-syrie-au-moins-1383-civils-tues-depuis-le-6-mars-nouveau-bilan-ong.html

[7] https://www.nytimes.com/2025/05/01/world/middleeast/syria-sectarian-attack-druse.html?searchResultPosition=13

[8] https://www.timesofisrael.com/liveblog_entry/after-clashes-syrian-druze-leaders-sign-deal-to-hand-over-heavy-weapons-to-regime/

[9] https://www.reuters.com/world/middle-east/druze-near-damascus-resist-demand-turn-arms-tensions-boil-2025-05-06/

[10] https://www.aljazeera.com/news/2025/5/9/syrias-druze-divided-as-sectarian-tensions-linger-after-violence

[11] https://www.wsj.com/world/middle-east/deadly-attacks-on-syrias-small-druze-community-are-part-of-a-bigger-fight-c9a9ba70?mod=Searchresults_pos3&page=1

[12] https://www.wsj.com/world/middle-east/fierce-fighting-with-assad-supporters-poses-toughest-test-for-syrias-new-rulers-0ebd7a13?mod=article_inline

[13] https://www.wsj.com/world/middle-east/deadly-attacks-on-syrias-small-druze-community-are-part-of-a-bigger-fight-c9a9ba70?mod=Searchresults_pos3&page=1

[14] https://www.reuters.com/world/middle-east/syria-sets-deadline-small-groups-join-defence-ministry-2025-05-18/

[15] https://www.lefigaro.fr/international/pourquoi-israel-courtise-les-druzes-de-syrie-20250315

[16] https://www.spectator.co.uk/article/israel-has-a-plan-for-syria/

[17] https://www.wsj.com/world/middle-east/in-southern-syria-israel-is-the-power-that-matters-1d2d95f6?mod=Searchresults_pos8&page=1

[18] https://www.i24news.tv/fr/actu/israel/diplomatie-defense/artc-tsahal-deploie-un-centre-de-triage-des-blesses-au-sud-de-la-syrie-pour-la-communaute-druze

[19] https://www.timesofisrael.com/new-chapter-syrian-druze-clerics-enter-israel-for-first-pilgrimage-there-since-1948/

[20] https://www.fdd.org/analysis/2025/03/15/historic-festive-day-elated-crowds-of-israeli-druze-welcome-syrian-druze-clerics-visiting-israel/

Otan : Selon M. Pistorius, les forces allemandes devront recruter jusqu’à 60 000 soldats de plus

Otan : Selon M. Pistorius, les forces allemandes devront recruter jusqu’à 60 000 soldats de plus


Selon un rapport intitulé « Préparation opérationnelle et soutien aux forces armées » et évoqué par l’hebdomadaire Der Spiegel en juin 2024, le ministère allemand de la Défense s’attendait à devoir recruter au moins 75 000 soldats de plus afin de répondre aux sollicitations de l’Otan. Une autre estimation figurant dans ce document évoquait l’éventualité de porter l’effectif total de la Bundeswehr à plus de 272 000 militaires, l’Allemagne étant appelée à devenir une « zone de transit et un centre logistique majeur » en cas de conflit.

Finalement, les exigences de l’Otan seront moindres qu’annoncé. En effet, ce 5 juin, avant de prendre part à une réunion avec ses homologues de l’Alliance, à Bruxelles, le ministre allemand de la Défense, Boris Pistorius, a annoncé que la Bundeswehr aurait besoin de 50 000 à 60 000 soldats supplémentaires dans les années à venir.

« Nous supposons, mais ce n’est qu’une estimation approximative, que nous avons besoin d’environ 50 000 à 60 000 soldats de plus dans les forces armées » pour répondre aux nouvelles capacités exigées par l’Otan, a en effet déclaré M. Pistorius. « Nous assumons nos responsabilités en tant que première économie européenne », a-t-il également assuré.

Sur ces 50 000 à 60 000 militaires supplémentaires, 40 000 pourraient être affectés aux sept nouvelles brigades que la composante terrestre de la Bundeswehr devra créer pour répondre aux demandes de l’Otan.

En effet, selon une information de l’agence Reuters, l’Alliance voudrait que ses membres soient en mesure de fournir entre 120 et 130 brigades, contre 80 actuellement. D’où l’effort demandé à Berlin.

Quoi qu’il en soit, même si l’effort qu’elle aura à faire sera moindre que prévu, la Bundeswehr reste confrontée à un immense défi. En 2018, elle s’était donné l’objectif de porter son effectif de 180 000 à 203 000 militaires à l’horizon 2031. Or, six ans avant cette échéance, elle reste confrontée à des problèmes de recrutement et de fidélisation. Et son format n’a guère augmenté.

D’où le projet de M. Pistorius d’instaurer un service militaire sur la base du volontariat. Ce dernier aurait pu être adopté par le Bundestag au début de cette année… mais les circonstances politiques en ont décidé autrement.

Reste à voir si ce service militaire sera suffisamment attractif… En attendant, même s’il n’a pas été exclu par M. Pistorius, un éventuel retour de la conscription, suspendue en 2011, n’est pour le moment pas possible, les capacités d’accueil de la Bundeswehr étant désormais insuffisantes…

« En attendant d’avoir de telles capacités, nous aurons un service volontaire », a dit M. Pistorius. Et peut-être qu’il ne sera pas nécessaire d’aller plus loin si « nous sommes un employeur attractif et si nous attirons suffisamment de jeunes hommes et femmes pour l’armée qui acceptent de servir plus longtemps », a-t-il ajouté.

Photo : OTAN

Dépenses militaires : l’Otan “très proche” d’un accord sur l’objectif des 5 % du PIB fixé par Trump

Dépenses militaires : l’Otan “très proche” d’un accord sur l’objectif des 5 % du PIB fixé par Trump

L’Otan est “très proche” d’un accord pour augmenter ses dépenses de défense, a déclaré jeudi le patron du Pentagone, Pete Hegseth, en déplacement à Bruxelles. Le ministre a salué les progrès vers l’objectif fixé par Donald Trump : 5 % du PIB de chaque pays allié consacré à la défense.

Le ministre américain de la Défense, Pete Hegseth (à droite), lors d'une réunion des ministres de la Défense de l'Otan au siège de l'organisation, le 5 juin 2025 à Bruxelles.
Le ministre américain de la Défense, Pete Hegseth (à droite), lors d’une réunion des ministres de la Défense de l’Otan au siège de l’organisation, le 5 juin 2025 à Bruxelles. © Nicolas Tucat, AFP

Pete Hegseth a affiché son contentement. L’Alliance atlantique est “très proche” d’un accord pour dépenser beaucoup plus pour sa sécurité, s’est félicité jeudi 5 juin le ministre américain de la Défense, venu en mission au siège de l’organisation à Bruxelles pour convaincre ses alliés européens de la nécessité de ne plus dépendre des États-Unis.

La raison pour laquelle je suis ici est de m’assurer que tous les pays de l’Otan comprennent que (…) chaque pays doit contribuer à hauteur de 5 %“, a martelé l’ancien journaliste de Fox News, à trois semaines d’un sommet de l’Otan qui doit en décider.

Le président américain Donald Trump exige des alliés européens et du Canada qu’ils s’engagent à consacrer au moins 5 % de leur produit intérieur brut (PIB) à leur défense, sous peine de ne plus garantir leur sécurité. Et l’objectif semble en voie d’être atteint, a assuré Pete Hegseth devant quelques journalistes.

De la France à l’Allemagne, aux pays Baltes, aux pays nordiques, à la Pologne, à la Grèce, à la Hongrie, et tant d’autres, l’engagement est là : 5 % de dépenses de défense“, a-t-il encore affirmé. Un engagement qu’il juge indispensable au moment où Washington réclame des Européens qu’ils prennent leur sécurité en mains.

Il ne peut s’agir de dépendre de l’Amérique”

Notre message restera clair. Il s’agit de la dissuasion et de la paix par la force, mais pas de la dépendance. Il ne peut s’agir et ne s’agira pas de dépendre de l’Amérique dans un monde où les menaces sont nombreuses“, a ainsi averti le ministre américain.

Inquiet d’un éventuel désengagement américain de leur continent, et face à la menace russe, les Européens se disent prêts à augmenter leurs dépenses militaires. Mais tous n’affichent pas la même volonté.

Le secrétaire général de l'Otan, Mark Rutte, et le ministre américain de la Défense, Pete Hegseth, avant une réunion des ministres de la Défense au siège de l'Otan, à Bruxelles, le 5 juin 2025.
Le secrétaire général de l’Otan, Mark Rutte, et le ministre américain de la Défense, Pete Hegseth, avant une réunion des ministres de la Défense au siège de l’Otan, à Bruxelles, le 5 juin 2025. © Nicolas Tucat, AFP

Il y a quelques pays qui ne sont pas encore tout à fait là. Je ne citerai aucun nom, nous ne le faisons pas entre amis dans cette salle. Nous les y amènerons“, a assuré sur ce point Pete Hegseth.

Plusieurs pays de l’Otan, dont l’Espagne, la Belgique ou l’Italie, peinent déjà à atteindre l’objectif de 2 % fixé il y a plus de dix ans lors d’un précédent sommet de l’Alliance. Moins sensibles à la menace russe, ils rechignent à s’engager sur des pourcentages aussi élevés.

La ministre espagnole de la Défense, Margarita Robles, a toutefois assuré jeudi que Madrid n’opposerait pas de veto à cette hausse sans précédent, même si l’Espagne continue à s’opposer aux pourcentages réclamés par Donald Trump.

Le calcul de Mark Rutte

Pour assurer le succès du sommet de La Haye, le secrétaire général de l’Otan Mark Rutte a proposé un chiffre global de 5 %, mais sous la forme d’une addition de deux types de dépenses.

Il a confirmé jeudi vouloir porter le niveau des dépenses militaires stricto sensu à 3,5 % du PIB d’ici 2032, et dans le même temps de porter à 1,5 % du PIB toutes celles liées à la sécurité, au sens large, comme la protection aux frontières, la mobilité militaire ou encore la cybersécurité.

Cet objectif apparaît plus facilement atteignable dans la mesure où il concerne des dépenses duales, civiles et militaires, déjà engagées ou prévues par les États.

L‘objectif de 3,5 % correspond, lui, au financement des capacités indispensables pour assurer la défense de l’Otan au cours des prochaines années, au moment où la Russie ne cesse de renforcer son armée.

Et en dépensant 5 % de leur PIB pour leur sécurité, les Alliés augmenteront de 30 % leurs capacités à se défendre, a assuré un responsable militaire de l’Otan.

Nous vivons dans un monde plus dangereux“, a averti Mark Rutte devant la presse, à l’issue de cette réunion. Et si l’Otan ne fait rien, elle ne sera plus en sécurité, a-t-il mis en garde. Mais “je suis persuadé que nous y arriverons”, a-t-il insisté.

Pete Hegseth, absent mercredi lors d’une session de travail avec l’Ukraine, n’a pas attendu la fin de cette réunion, et a quitté l’Otan jeudi en fin de matinée. Il a également renoncé à participer au déjeuner de travail prévu avec ses collègues de l’Alliance et son homologue ukrainien Roustem Oumerov.

Avec AFP

Warfighter 25 : La 1re Division de l’armée de Terre s’entraîne aux côtés de ses alliés américains

Warfighter 25 : La 1re Division de l’armée de Terre s’entraîne aux côtés de ses alliés américains

Direction : Terre / Publié le : 05 juin 2025

Dans un contexte stratégique mondial marqué par l’instabilité et la compétition entre puissances, l’armée de Terre accélère sa transformation vers le combat de haute intensité. La 1re Division participe à une série d’exercices militaires avec les forces armées américains, britanniques, allemands et belges, dans le cadre du cycle de préparation Warfighter.

 

Warfighter 25 : La 1re Division de l’armée de Terre s’entraîne aux côtés de ses alliés américains © armée de Terre


Au cœur de ce partenariat stratégique, les exercices CPX IICPX III puis Warfighter 25-4 marquent un jalon essentiel dans la transformation de l’armée de Terre en une force capable de conduire des opérations de grande ampleur, en autonomie comme en coalition. 

Un exercice sous commandement américain

Engagée dans un exercice de poste de commandement (Command Post Exercise – CPX) piloté par le 3e corps d’armée américain, la 1re Division affirme ses savoir-faire tactiques et opérationnels dans un environnement interarmées et interalliés. Suivi de Warfighter 25-4, cet entraînement rassemble plus de 5 000 soldats issus de différentes nationalités, dont 1 050 français. 

Une division prête au combat interarmées et multinational

Dans l’armée de Terre, une division est une unité forte composée de plus de 25 000 soldats, constituée de brigades et d’un état-major. Sur le camp de Mailly-le-Camp et en s’appuyant sur un scénario de guerre de haute intensité, les CPX permettent à l’état-major divisionnaire de renforcer sa capacité de planification, de coordination et de conduite des opérations sur l’ensemble du spectre des conflits. Cette montée en puissance opérationnelle s’inscrit dans la logique de la « Warfighting Division ».

Division « Europe » de l’armée de Terre, la 1re Division incarne l’ambition française de disposer d’une force apte à être déployée en moins de 30 jours, prête à affronter un adversaire de niveau équivalent.  À travers Warfighter 25-4, elle développe ses savoir-faire multi-milieux et multi-champs (M2MC) et s’exerce à coordonner ses actions dans les domaines terrestre, aérien, cyber, spatial, informationnel et électromagnétique face à un adversaire à parité. 

Pour en savoir plus sur les Corps et Divisions de l’armée de Terre 

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Transformation de l’armée de Terre

Le combat de haute intensité impose une transformation profonde de l’approche opérationnelle de l’armée de Terre. Le rapport de force l’a contraint à changer de perspective, en passant d’une culture centrée sur la manœuvre de contact à une logique d’effets dans la profondeur. L’échelle des engagements évolue également : volumes logistiques, structure des grandes unités, volume des pertes, tout atteint une ampleur inédite. Le rythme des opérations s’accélère sous l’effet de la densité des capteurs et de l’intelligence artificielle, réduisant drastiquement les délais entre détection et frappe. 

Dans ce contexte, l’armée de Terre se doit de relever des défis majeurs : 

  • Soutien logistique sous contrainte ;
  • La protection à 360° ;
  • La coordination interarmées et interalliés ;
  • La résilience du commandement. La conduite des opérations offensives doit désormais s’adapter à ces nouvelles réalités. 

L’engagement de l’armée de Terre au sein du cycle Warfighter illustre le partenariat stratégique avec les forces armées américaines, et plus largement la cohésion entre alliés de l’Otan. La France contribue ainsi à la posture de dissuasion et de défense collective sur le flanc Est et Sud de l’Europe, en renforçant son interopérabilité avec ses alliés.  

 

 

CAMTAC & BME : du neuf dans le camouflage de l’armée de Terre

CAMTAC & BME : du neuf dans le camouflage de l’armée de Terre

– Forces opérations Blog – publié le

Certaines lignes bougent en coulisses dans le domaine moins visible du camouflage. D’un côté, l’armée de Terre s’apprête à franchir un cap dans l’adoption d’un nouveau système de camouflage tactique (CAMTAC) pour ses véhicules. De l’autre, le bariolage multi-environnement (BME) est progressivement étendu à d’autres effets d’habillement que le treillis F3 en cours de diffusion dans les armées françaises.

Après des années de recherches et d’expérimentations, le CAMTAC destiné aux véhicules de l’armée de Terre semble mûr pour un déploiement à grande échelle. Un appel d’offres vient en effet d’être lancé pour la production et la fourniture de ce système à base de formes géométriques adhésives. 

Des formes géométriques, ou plutôt un ensemble de triangles équilatéraux de différentes couleurs dont l’agencement sur le fond brun terre de France est optimisé selon le véhicule. Des formes adhésives, car CAMTAC a été conçu pour être retiré et remplacé rapidement selon l’environnement de la mission. Trois déclinaisons ont progressivement fait leur apparition : l’une pour les terrains enneigés, une autre pour l’environnement désertique et la troisième, de loin la plus répandue jusqu’à présent, pour les plaines européennes. 

Piloté par la Direction générale de l’armement, ce processus d’acquisition devrait aboutir sur un accord-cadre conclu pour une durée de sept ans. Rien ou presque ne filtre à propos du besoin, à l’exception du volume estimé et de l’agenda : 52 000 poches de 100 adhésifs livrées à compter de fin 2026. 

Ce CAMTAC, les observateurs affûtés en retrouveront un écho dans le BME, ce nouveau bariolage bientôt élargi à d’autres effets d’habillement que le treillis F3. Derrière la tenue NRBC du futur ensemble de protection individuel des armées (EPIA), une nouvelle combinaison est aujourd’hui en développement dans les ateliers du Centre interarmées du soutien équipements commissariat (CIEC) au profit des troupes aéroportées (TAP), mais pas seulement. 

Le CIEC recevait dès 2023 une fiche d’expression de besoin visant à la modernisation de l’actuelle combinaison de saut des TAP. Tant les technologies que la morphologie de cette population spécifique ont évolué au cours des dernières décennies. Derrière l’adoption d’un BME remplaçant les camouflages Centre-Europe et désert, cette combinaison se devait également d’être adaptée au personnel féminin via une variante jusqu’alors inexistante. 

Lancés début 2024, les travaux ont abouti à de premiers essais sur plusieurs prototypes à l’été 2024 pour la version masculine, puis à l’automne d’après pour la version féminine. Le CIEC y aura intégré quelques exigences spécifiques, dont un déshabillage rapide, des rangements adaptés, la conservation des renforts de genoux ou encore l’ajout d’une ouverture physiologique en plus pour satisfaire plus facilement et rapidement les besoins naturels. Le tissu sélectionné est majoritairement à base de coton et ne présentera donc pas la résistance au feu du treillis F3, rendu thermostable par le recours à un tissu en fibre aramide-viscose.

Les premiers résultats ont été présentés mi-mai à Pau à l’occasion de la 2ème édition de la Journée innovation des troupes aéroportées (JITAP). Les équipes du CIEC se penchent dorénavant sur la validation des derniers détails pour ensuite formaliser l’étude, figer le produit et rédiger la documentation technique qui servira de base à la sélection des futurs fournisseurs. Suivra une phase de contractualisation puis de production qui devrait conduire à sortir les premières tenues à l’hiver 2026. 

Cette combinaison ne se limitera pas aux parachutistes. Les largueurs en bénéficieront à leur tour, tandis qu’un élargissement aux démineurs est à l’étude. S’il a été mobilisé pour ce projet, le CIEC sait aussi être force de proposition. Ses spécialistes planchent ainsi sur une autre combinaison cette fois orientée vers les équipages de chars de combat et d’engins blindés des régiments de cavalerie de l’armée de Terre.

Crédits image : armée de Terre

Cybermenaces : La Gendarmerie en première ligne dans la riposte numérique

Cybermenaces : La Gendarmerie en première ligne dans la riposte numérique

Par Jean-François Stéphan, pour La Voix du Gendarme


Alors que les cyberattaques et les arnaques en ligne explosent (+40 % entre 2019 et 2023), le ministère de l’Intérieur vient de dévoiler sa stratégie nationale de lutte contre la cybercriminalité, une feuille de route ambitieuse qui mobilise l’ensemble des forces de sécurité. Et en première ligne de ce combat numérique : la Gendarmerie nationale, forte de son expertise technique, de ses unités innovantes et d’un maillage territorial sans équivalent.

Une menace protéiforme et en constante évolution

La cybercriminalité ne connaît ni frontières ni répit. Fraudes bancaires, escroqueries par SMS ou e-mail, usurpation d’identité, harcèlement en ligne, pédopornographie ou encore attaques contre des systèmes informatiques sensibles : les atteintes numériques se multiplient et ciblent autant les particuliers que les entreprises ou les services publics.

Face à cette déferlante, le ministère a structuré son action autour de quatre grands axes déclinés en 12 orientations stratégiques et 84 actions concrètes, portées par le Commandement du ministère de l’Intérieur pour le cyberespace (COMCYBER-MI). Objectif : mieux prévenir, détecter, investiguer et neutraliser les cybermenaces.

La Gendarmerie, pilier du dispositif national

Au cœur de cette stratégie, la Gendarmerie nationale affirme son rôle de force d’action et d’innovation dans le cyberespace, grâce à des entités spécialisées et reconnues :

Le ComCyberGend : un commandement dédié au cyber. Créé en 2021, le Commandement de la Gendarmerie dans le cyberespace (ComCyberGend) pilote l’ensemble des capacités cyber de l’institution. Il fédère notamment :

  • Le Centre de lutte contre les criminalités numériques (C3N), bras armé judiciaire du pôle cyber de la Gendarmerie, basé à Pontoise.
  • Le réseau CyberGEND, qui regroupe plus de 2 000 enquêteurs spécialisés en numérique sur l’ensemble du territoire.
  • La Brigade numérique, bien connue des usagers, qui assure l’accueil et la réponse en ligne aux sollicitations 24h/24.

▸La plateforme 17Cyber : un « numéro d’urgence » numérique

Lancée récemment, la plateforme 17Cyberpermet de répondre aux alertes cyber en temps réel. Elle est animée par 103 agents, dont 58 gendarmes, principalement issus de la Brigade numérique de Rennes, bientôt complétée par une antenne à Poitiers. Ces équipes forment ensemble une « compagnie numérique », une innovation organisationnelle destinée à mieux absorber le volume croissant des signalements.

Exemple concret : en mai dernier, grâce à une alerte transmise via 17Cyber, une entreprise artisanale de Corrèze victime d’un rançongiciel a pu être rapidement mise en relation avec un enquêteur CyberGEND. Une sauvegarde automatisée a permis d’éviter la paralysie complète de l’activité, et les auteurs ont été identifiés dans un forum clandestin grâce à l’intervention du C3N.

 Perceval, MaSpam, Themis : des outils au service des citoyens

La Gendarmerie pilote ou participe également à plusieurs plateformes de signalement, telles que :

  • Perceval, pour signaler une fraude à la carte bancaire ;
  • MaSpam, pour signaler les courriels ou SMS frauduleux ;
  • Thémis, destinée à recueillir les plaintes et preuves numériques dans des procédures sensibles (violences intrafamiliales, harcèlement…).

Ces dispositifs facilitent l’accès à la plainte, l’enrichissement du renseignement judiciaire et la montée en compétence des unités territoriales.

 Une reconnaissance dans l’écosystème cyber

Depuis 2023, la Gendarmerie est membre de l’association InterCERT France, qui fédère les centres de réponse aux incidents de sécurité informatique (CERTs) en France. Cette intégration renforce la veille proactive et le partage d’informations avec les grands acteurs publics et privés du secteur cyber.

Une stratégie ambitieuse, un engagement durable

Cette stratégie cyber du ministère de l’Intérieur consacre une conviction forte : le numérique ne doit pas être une zone de non-droit. Pour cela, l’adaptation permanente des forces de sécurité est indispensable. La Gendarmerie s’y engage pleinement, en s’appuyant sur ses atouts : proximité, innovation, réactivité.

La montée en puissance de ses unités spécialisées, conjuguée à la formation continue des enquêteurs numériques dans les unités territoriales, permettra de répondre aux défis de demain et de garantir la sécurité des citoyens dans l’espace numérique, tout comme elle le fait déjà sur le terrain.

L’UNPRG engagée aux côtés des forces dans le combat numérique

L’Union nationale des personnels et retraités de la Gendarmerie (UNPRG) suit avec une attention particulière la montée en puissance des dispositifs de lutte contre la cybercriminalité.

« La sécurité numérique ne concerne pas uniquement les jeunes générations ou les entreprises », rappelle Jean-François Stephan, président de la commission communication de l’UNPRG. « Les retraités de la Gendarmerie, comme tous les citoyens, sont exposés aux escroqueries en ligne, à l’usurpation d’identité ou au vol de données personnelles. Nos adhérents en sont parfois victimes. Il est donc essentiel de les informer, de les sensibiliser et de soutenir pleinement les efforts de nos camarades d’active engagés dans cette nouvelle frontière de la sécurité intérieure. »

L’UNPRG salue l’action déterminée de la Gendarmerie dans ce domaine, et encourage le développement de campagnes de prévention spécifiques à destination des retraités et de leurs familles. Une vigilance qui s’inscrit dans l’ADN de l’association : unir, soutenir, agir, même après le service actif.


Encadré pratique :

🔹 Vous êtes victime d’une fraude en ligne ?
→ Signalez sur : www.cybermalveillance.gouv.fr,
→ Déposez plainte à la brigade ou via www.pre-plainte-en-ligne.gouv.fr,
→ Signalez une fraude bancaire sur Perceval : perceval.gouv.fr.

Les deux porte-avions britanniques auront la capacité de tirer des missiles à longue portée depuis leur pont d’envol

Les deux porte-avions britanniques auront la capacité de tirer des missiles à longue portée depuis leur pont d’envol


Que la dernière revue stratégique de défense britannique [SDR] recommande à la Royal Navy de mettre en œuvre des groupes aériens « hybrides », c’est-à-dire comprenant des chasseurs-bombardiers F-35B et des drones, depuis ses deux porte-avions de type « Queen Elizabeth » n’est pas une surprise : des projets allant dans ce sens ont déjà été lancés, dans le cadre du projet « Vixen », lequel fait partie du plan stratégique « Future Maritime Aviation Force ».

Ainsi, en 2023, le porte-avions HMS Prince of Wales a, pour le première fois, lancé et récupéré un drone MALE [Moyenne Altitude Longue Endurance] de type Mojave, fourni par le constructeur américain General Atomics. Et la marine britannique envisage de se doter d’un aéronef de ce type afin de pouvoir disposer d’une nouvelle capacité de guet aérien pour remplacer ses hélicoptères Merlin qui, équipés d’un radar Crowsnest, assurent actuellement une telle fonction.

Cela étant, l’une des limites à l’intégration de drones au sein d’un groupe aérien embarqué [GAé] est l’absence de catapultes et de brins d’arrêt à bord des deux porte-avions britanniques. D’où l’intérêt exprimé par la Royal Navy pour de tels dispositifs.

Selon la SDR, associer les F-35B [à décollage court et à atterrissage vertical] à des « plateformes collaboratives autonomes et à des munitions téléopérées [ou « drones kamikazes] » permettrait à la marine britannique de se doter d’une capacité à la fois « plus puissante et plus économique ».

Mais ce document envisage d’aller encore plus loin. Alors que les deux porte-avions de la classe Queen Elizabeth ne sont que très faiblement armés pour assurer leur autodéfense – celle-ci repose essentiellement sur trois système Phalanx CIWS [Close-in weapon system] et non sur des missiles surface-air comme leurs homologues français et américains – il est question de les doter de « missiles de précision à longue portée », pouvant « être tirés depuis leur pont d’envol ».

Cette annonce a de quoi surprendre… dans la mesure où, normalement, la capacité à tirer des missiles conventionnels à longue portée revient aux sous-marins nucléaires d’attaque [SNA] et aux frégates. D’ailleurs, celles de Type 26 qu’attend la Royal Navy seront dotées de missiles de type Tomahawk et /ou FMAN/FMC [missiles antinavire / Future missile de croisière], développé dans le cadre d’une coopération avec la France.

Cela étant, un tel concept n’est pas nouveau : immobilisé depuis 2017, le porte-avions russe « Amiral Kouznetsov » a [ou avait] en effet la capacité de tirer des missiles P-700 « Granit » et 3K95 « Kinzhal » ainsi que des roquettes anti-sous-marines RBU-12000.

Weda Bay Nickel : une mine stratégique au cœur des enjeux de l’Indonésie

Weda Bay Nickel : une mine stratégique au cœur des enjeux de l’Indonésie


Weda Bay est la première mine de nickel au monde. Elle représente à elle seule 17% de la production mondiale. Un enjeu essentiel pour l’Indonésie mais aussi pour la France.

Située sur l’île d’Halmahera, dans la province indonésienne des Moluques du Nord, la concession minière de Weda Bay est devenue en quelques années l’un des projets les plus emblématiques de l’industrie mondiale du nickel.

Portée par un partenariat entre le groupe français Eramet et le géant chinois Tsingshan Holding Group, cette exploitation illustre les ambitions industrielles de l’Indonésie dans la chaîne de valeur des batteries pour véhicules électriques.

Une mine de classe mondiale

Le projet Weda Bay Nickel (WBN) repose sur un gisement latéritique découvert en 1996, estimé à environ 344 millions de tonnes de minerai, avec une teneur moyenne de 1,48 % en nickel et 0,07 % en cobalt.

L’exploitation à ciel ouvert a débuté en 2019, et la première coulée de ferronickel a eu lieu en avril 2020. Aujourd’hui, Weda Bay est considérée comme la plus grande mine de nickel au monde, avec une production record de 36,3 millions de tonnes humides en 2023, représentant environ 17 % de la production mondiale.

Le complexe industriel intégré, connu sous le nom d’Indonesia Weda Bay Industrial Park (IWIP), comprend des installations de traitement pyrométallurgique et des lignes de production de ferronickel. Ce parc industriel emploie plus de 16 000 travailleurs indonésiens, dont 68 % originaires des Moluques du Nord.

Attaques environnementales

Comme tous les projets industriels d’envergure, la mine subit les attaques informationnelles d’associations et de mouvements écologistes. Attaque sur la déforestation, sur la pollution, sur le déplacement des populations tribales qui habitent dans cette partie de l’île, de nombreux arguments sont avancés pour affaiblir la production industrielle. La mine est en effet située sur une partie du territoire du peuple Hongana, où 500 membres vivent de façon isolée.

Si les sujets environnementaux sont de vrais enjeux, ils sont pris en compte par les entreprises qui interviennent dans cette mine, dont Eramet. Ici, se met en place comme dans beaucoup d’autres lieux industriels, une guerre économique qui repose sur le combat cognitif et la lutte des images.

Retrait de partenaires occidentaux

En juin 2024, Eramet et le groupe allemand BASF ont annoncé l’abandon d’un projet commun de raffinerie de nickel et de cobalt, d’un montant de 2,6 milliards de dollars, initialement prévu à Weda Bay. Cette décision est la conséquence des pressions d’ONG et à la lutte informationnelle menée contre ses entreprises. Le marché devrait être récupéré par des entreprises chinoises.

L’Indonésie perçoit l’action des ONG occidentales comme des ingérences sur son territoire et des atteintes à sa souveraineté. Pour la France, les enjeux sont doubles. Weda Bay fragilise la Nouvelle-Calédonie, dont l’économie repose sur une industrie du nickel vieillissante et de moins en moins productive. Les attaques informationnelles contre Eramet pénalisent les entreprises françaises et menacent la conquête de marché dans l’espace mondial.