Stress post-traumatique : la double peine des soldats de retour du combat

Stress post-traumatique : la double peine des soldats de retour du combat

PALMARÈS DES HÔPITAUX DU POINT. Des militaires victimes de troubles de stress post-traumatiques tentent de se reconstruire dans les maisons Athos, ces structures de réhabilitation sociale dispersées sur tout le territoire.

Par François Malye – Le Point –

https://www.lepoint.fr/sante/stress-post-traumatique-la-double-peine-des-soldats-de-retour-du-combat-05-12-2024-2577177_40.php


 

« Si je n’avais pas poussé la porte de cette maison, j’aurais repeint la salle de bains avec ma cervelle. » William, 34 ans, passionné de littérature, s’est engagé dans l’armée au lendemain de l’embuscade d’Uzbin, en Afghanistan, où 10 soldats français trouvèrent la mort et 21 autres furent blessés le 18 août 2008. Le plus lourd bilan pour l’armée française depuis l’attentat du Drakkar, à Beyrouth, en 1983, un électrochoc pour la médecine militaire et le point de départ d’une nouvelle prise en charge du trouble de stress post-traumatique (TSPT) au sein de l’institution.

« J’ai failli le faire, je me suis retrouvé dans ma baignoire, désespéré, le fusil de chasse que mon père m’avait offert pour mes 30 ans avec une cartouche engagée. » William est assis au bout de la longue de table de bois installée dans le chai de la maison Athos de Cambes, à une trentaine de kilomètres de Bordeaux (Gironde), solide bâtisse d’une ancienne exploitation viticole, louée par l’Institut de gestion sociale des armées (Igesa) pour y établir cette structure permettant aux militaires victimes de TSPT de se retrouver et de renouer avec la société civile.

William, fils d’un notaire et d’une ingénieure, raconte comment il fut rapidement repéré et orienté vers un régiment d’élite, puis versé dans les forces spéciales. Suivront onze années sur le terrain jusqu’à ce moment où tout s’est effondré. Ici, interdiction de parler du trauma, de ce qui, un jour, l’a fait basculer. On est un blessé, tout simplement, et pas la peine d’y ajouter le terme psychique. Aujourd’hui, après un long parcours de soins, William est responsable de la communication de la maison Athos de Cambes. « Quand je suis arrivé, on m’a simplement dit : “Entre, tu es chez toi, camarade.” Et cela m’a sauvé. »

Ambiance familiale

Ils sont huit réunis en ce jour d’octobre ensoleillé. On les surprend dans la cuisine au café du matin, entourés des cinq animateurs du centre. L’un d’eux, soldat né dans les îles du Pacifique, sort aussitôt, oppressé par l’arrivée d’étrangers. Petit malaise vite dissipé par Magalie, la directrice adjointe. Pas de soignants au sein de cette structure de réhabilitation sociale, où les activités – repas, ateliers… – sont partagées dans une ambiance familiale par des soldats qui réservent leur place à l’avance, pour une semaine ou quelques jours.

Magalie vient du monde du médico-social, comme la plupart des animateurs. Seul le directeur, François Etourmy, 42 ans, est un ex-militaire. Magalie fait visiter le centre, parfaitement équipé, avec sa piscine, ses chambres et studios, sa salle de réunion, aux murs de laquelle sont accrochées les photos de ses 151 membres à vie, tous ceux accueillis depuis son ouverture, en 2021.

Cinq autres maisons Athos existent sur le territoire, gérées par l’Igesa, bras armé du secteur social pour les militaires, et cinq autres, dont deux outre-mer, doivent ouvrir. On y accède au terme du parcours de soins. Il faut être sobre pour intégrer le programme, l’addiction et le suicide étant les deux risques de cette pathologie.

Mal invisible

Les chiffres du programme de médicalisation des systèmes d’information montrent la place prégnante occupée par les hôpitaux d’instruction des armées et leur expertise dans la prise en charge du stress post-traumatique. Sur 34 000 patients adultes hospitalisés dans le secteur public en 2022, 2 276 étaient des militaires.

L’Inserm estime que près d’un quart des soldats qui ont participé à une guerre sont concernés par ces troubles. Donner la mort, la voir faucher ses camarades, en y ajoutant la vision des atrocités subies par les populations civiles, tout est réuni pour déclencher chez certains cette réaction qui se traduit par des cauchemars récurrents, la vision répétitive des scènes, « quasi cinématographiques », selon un expert, l’impossibilité de sortir de chez soi, d’affronter la foule, jusque, parfois, au geste fatal.

Après Uzbin, la prise en charge de ce mal invisible relève du défi pour l’institution car, au même moment, le service de santé des armées est soumis à une purge budgétaire qui aboutira, entre autres, à la fermeture de l’hôpital du Val-de-Grâce, à Paris, son fleuron. Un temps tentés de collaborer avec les établissements civils, les militaires vont vite s’apercevoir que, en raison de possibles fuites de données sensibles, il vaut mieux qu’ils se replient sur leurs bases, les huit hôpitaux d’instruction des armées. Avec succès : sept d’entre eux sont présents dans ce classement.

« Envisager un projet de vie une fois la réforme venue »

« 85 % des soldats victimes de stress post-traumatique s’en sortiront par eux-mêmes, vivront avec. Mais restent les autres », résume un psychiatre militaire, jeune retraité, qui a accepté de parler sous anonymat car, pour cette enquête, le haut commandement a décidé de refuser tout entretien, hormis ce reportage. Et aucun établissement n’a répondu à notre questionnaire.

Cette position traduit bien l’ambiguïté de l’institution à l’égard de cette pathologie. À la base, les combattants subissent en fait une double peine : une fois atteint de ce syndrome, il est difficile pour un soldat de s’en ouvrir à ses camarades, qui jugeront que sa fiabilité au combat s’en trouvera altérée. Au sein du commandement des unités, règne aussi la peur de ne plus disposer de ces professionnels et de ne plus être opérationnel, hantise absolue de tout chef de corps.

 

<figcaption>La plongée est une des activités de cette structure de réhabilitation sociale.</figcaption> ©  Jérémy Lempin pour « Le Point »
La plongée est une des activités de cette structure de réhabilitation sociale.
©  Jérémy Lempin pour « Le Point »

« Mais tous sont très sensibilisés à ce problème, poursuit ce haut gradé. Comment faire autrement ? Depuis l’Afghanistan, tous les régiments partent en opération. » « Le vent du boulet » était le terme employé au XIXe siècle pour qualifier cet étrange mal qui frappait certains soldats après la bataille.

« On pensait que les neurones avaient été sectionnés », poursuit notre psychiatre militaire. Mais ce sont les premiers accidents de train de la révolution industrielle, terriblement meurtriers, qui sont à l’origine de la notion de traumatisme en psychiatrie, comme l’écrit dans une passionnante étude historique Pascal Pignol, psychologue, fondateur de la cellule de victimologie au centre hospitalier Guillaume-Régnier, à Rennes* (Ille-et-Vilaine). Puis, la Première Guerre mondiale emporta tout avec ses cohortes de soldats traumatisés et la prise en main de cette pathologie par les psychiatres.

Un siècle plus tard, au bout de la chaîne de soins, il y a ce dispositif Athos, du nom du plus vieux des mousquetaires, tourmenté par ses traumatismes de jeunesse. « L’objectif est de les remobiliser, de leur faire regagner confiance en eux. Isolés, ils sont privés de la camaraderie, Athos recrée ce lien essentiel, explique François Etourmy, barbe noire, grand sourire, carrure de sportif de haut niveau. Ils doivent reprendre des habitudes, faire leurs courses, emprunter les transports, et puis envisager un projet de vie une fois la réforme venue. Nous avons des partenariats avec des entreprises, des associations. Nous sommes une sorte d’incubateur. »

Avec des réussites parfois étonnantes. Comme Guillaume, gueule de star, mais ancien commando parachutiste devenu ouvrier chez Hermès, où il fabrique des sacs griffés, et qui raconte en plaisantant les dessous du métier. « L’armée ne veut pas qu’on les retrouve dans la rue, glisse une animatrice. Et puis il y a un risque de décompensation très élevé. On est d’abord là pour éviter que les choses tournent mal. »

*« Préhistoire de la psychotraumatologie, Les premiers modèles du traumatisme (1862-1884) », in L’Information psychiatrique, vol. 90, n° 6, juin-juillet 2014.

Corée du Sud: l’institution militaire plongée dans les convulsions politiques post-loi martiale

Corée du Sud: l’institution militaire plongée dans les convulsions politiques post-loi martiale

Des soldats devant les bâtiments de l’Assemblée mardi soir. Photo by Jung Yeon-je / AFP

Le président sud-coréen Yoon Suk Yeol a créé la surprise en proclamant mardi la loi martiale, avant de la retirer quelques heures plus tard sous la pression des parlementaires et d’une foule de manifestants. Yoon a dit avoir proclamé la loi martiale « pour protéger la Corée du Sud libérale des menaces posées par les forces communistes nord-coréennes et éliminer les éléments hostiles à l’État ».

En ce qui concerne l’armée sud-coréenne, principale partie prenante de la loi martiale d’urgence, que retenir des événements de mardi soir?

D’abord, l’alignement des chefs militaires sur la décision présidentielle. Cet alignement a débouché sur la proclamation d’un décret en six points du nouveau commandant de la loi martiale, le chef des armées, général Park An-su. Ce décret interdisait les activités et les partis politiques, la « fausse propagande », les grèves et les « rassemblements qui incitent à l’agitation sociale ». Yoon s’est entouré d’hommes à sa botte et à nommé des proches dans toute l’infrastructure sécuritaires (armées et renseignement). Mais, comme l’écrivait en septembre l’ancien patron des forces spéciales sud-coréennes, le général Chun in-bum, « pour qu’un coup d’état ou une loi martial réussisse, il faudra plus que des nominations de hauts gradés; ça exigera la complicité de l’institution militaire dans son ensemble et une opinion publique passive ». Et c’est bien ce qui a manqué mardi soir.

Ensuite, l’entrée (plutôt compliquée) des commandos sud-coréen dans un des bâtiments du Parlement, comme le montre cette vidéo où l’on voit le personnel et vraisemblablement des élus s’opposer à la progression des soldats:

Des hélicoptères ont déposé des troupes dans l’enceinte du Parlement, selon des images de vidéosurveillance diffusées mercredi. D’autres soldats, obéissant aux ordres du chef d’état-major conjoint (Joint Chiefs of Staff JCS), l’amiral Kim Myung-soo, ont escaladé les clôtures de l’enceinte gouvernementale après minuit. Quelque 300 militaires ont pris part à cette action au Parlement dont 230 ont été héliportés en 24 rotations. Mais numériquement, ils ont été vite débordés par la foule des opposants.

Enfin, un constat encourageant: les militaires ont fait preuve de retenue et il ne semble, en ce mercredi matin, qu’aucun débordement/dérapages par les forces de l’ordre n’ait été recensé. On a connu (malheureusement) des militaires sud-coréens ayant la main beaucoup plus lourde, comme en 1980 lors de la précédente et dernière en date proclamation de la loi martiale (officiellement 230 morts). D’ailleurs, des photos des soldats à l’Assemblée montrent qu’ils étaient équipés de munitions d’entrainement (voir le chargeur bleu du militaire à droite de la photo):

Photo by YONHAP / AFP

Et maintenant?

Le Joint Chiefs of Staff JCS a, peu après l’annonce de l’imposition de la loi martiale, rassuré les Américains, précisant que les troupes engagées ne venaient pas de la zone frontalière avec la Corée du Nord et que la sécurité du territoire était bien assurée.

A moyen terme, les forces armées sud-coréennes risquent de se retrouver plongées dans les convulsions politiques post-loi martiale, convulsions exacerbées par la « complicité » du ministre de la Défense de Yoon, Kim Yong Hyun, la complaisance de certains chefs militaires et l’assaut très médiatisé mené par des unités contre l’Assemblée nationale.

« Cette situation laissera des séquelles durables dans les relations civiles et militaires délicates de la Corée du Sud. Mais le risque sécuritaire immédiat concerne la défense extérieure, en particulier compte tenu des incertitudes probables autour du commandement et du contrôle militaires au lendemain de la loi martiale. Cela va évidemment inquiéter les États-Unis, allié de la Corée du Sud par traité, et les forces américaines en Corée », estime Euan Graham, un analyste de l’ASPI (Australian Strategic Policy Institute).

Syrie : l’ouverture d’un nouveau front par Washington/Ankara/Tel Aviv/Kiev contre l’axe Russie/Syrie/Iran au détriment de la sécurité européenne

Syrie : l’ouverture d’un nouveau front par Washington/Ankara/Tel Aviv/Kiev contre l’axe Russie/Syrie/Iran au détriment de la sécurité européenne

par Pierre-Emmanuel THomann* – CF2R – NOTE D’ACTUALITÉ N°664 / décembre 2024

*Docteur en géopolitique

Une alliance de terroristes islamistes dont le noyau est le groupe Hayat Tahrir al-Sham (HTS) en provenance d’Idlib, refuge pour les anciens djihadistes de Daesh[1], ont lancé une offensive en Syrie et conquis la ville d’Alep. Derrière ces djihadistes, il y a les intérêts géopolitiques des puissances : avant tout Ankara (soutien à HTS), mais aussi Tel-Aviv[2] et Washington[3] qui utilisent des proxys islamistes depuis 2011 pour provoquer un changement de régime en Syrie.

Derrière cette nouvelle offensive djihadiste, les rivalités géopolitiques entre puissances aboutissent à des objectifs variés. Pour Washington, le bénéfice de cette opération vise avant tout à ouvrir un nouveau front contre la Russie, pour tenter de ralentir la défaite inéluctable en Ukraine, mais aussi au Proche-Orient contre l’Iran. L’objectif est également d’accroître la conflictualité avec la Russie et ses alliés, pour torpiller l’objectif annoncé par Donald Trump de résoudre les conflits en cours.

Washington est responsable de l’affaiblissement de la Syrie par sa politique de sanctions, avec son occupation – avec les Kurdes – d’une partie du territoire au nord-est du pays et sa base militaire d’Al Tanf, au sud. Les États-Unis ont aussi pour objectif d’orienter l’expansionnisme turc vers les zones d’intérêt de la Russie en Syrie, au Caucase et en Asie centrale. La Turquie occupe une large bande de territoire syrien le long de sa frontière avec Damas, et cherche à élargir sa zone de contrôle contre les Kurdes. Tel-Aviv, soutenu par Washington, bombarde la Syrie depuis des années pour affaiblir la partie du pays loyale à Bachar el Assad, mais aussi le Hezbollah, d’où ses bombardements récents au Liban. L’objectif de Tel Aviv est d’affaiblir l’axe chiite Iran/Syrie/Liban. 

En toile de fond des crises multiples en Ukraine, en Géorgie (tentative de coup d’État en cours), à Gaza (épuration ethnique par Israël), au Liban (offensive de Tsahal), et maintenant en Syrie, c’est la lutte pour nouvel ordre géopolitique mondial qui s’exprime, tournant la page de l’ancien ordre spatial unipolaire américain.

La multiplication des conflits au Proche-Orient, dans le Caucase, en Ukraine et dans les Balkans, malgré leurs spécificités régionales, font partie d’un même théâtre mondial et sont situés dans les zones de confrontation géopolitique entre grandes puissances. Les États-Unis, dans le cadre de leur stratégie d’encerclement de la Russie, cherchent à provoquer la surextension de Moscou, doctrine explicitement préconisée par la Rand Corporation[4] afin que la Russie soit obligée de faire face à différentes menaces sur différents théâtres.

Tout conflit, ancien ou récent, est désormais aspiré dans cette lutte pour le contrôle des espaces géopolitiques entre les États-Unis, la Russie, la Chine et les puissances secondaires.  Au-delà des conflits autour des territoires et des populations, l’enjeu est la nouvelle architecture du système international : la Russie, l’Iran et la Chine, les autres États membres des BRICS et de l’Organisation de Shangaï (OCS) font la promotion d’un monde multipolaire qui s’oppose à celui que défendent les États-Unis, Israël et leurs alliés (OTAN-UE) qui cherchent à en torpiller l’émergence et, a minima, ralentir la mutation vers un nouvel ordre mondial plus équilibré. La Turquie, membre de l’OTAN, mais refusant les sanctions contre la Russie, joue sa propre carte entre les regroupements antagonistes.

L’obstacle principal a une résolution des crises multiples est donc de nature systémique, et tant qu’un nouvel ordre géopolitique plus multipolaire ne sera pas accepté par les États-Unis et leurs supplétifs de l’OTAN/UE, le conflit mondial s’élargira à de nouveaux théâtres et s’envenimera jusqu’au seuil d’une troisième guerre mondiale. 

Cette nouvelle offensive djihadiste en Syrie a été facilitée par les attaques de l’armée israélienne au Liban et en Syrie, pour affaiblir le Hezbollah depuis plusieurs semaines. Le groupe djihadiste HTS est l’héritier de Jabhat al-Nusra, sous-groupe d’Al-Qaïda qui avait fusionné avec l’État islamique mais s’en est détaché en 2014.

Il ne faut pas oublier que la Syrie, la Russie, le Hezbollah, et l’Iran avaient réussi à empêcher les djihadistes sunnites d’Al-Qaïda – soutenus par Washington, Londres, Paris, Tel Aviv, Ankara, Ryad, Doha et Amman – de prendre Damas et avaient aussi combattu l’État islamique. Aujourd’hui, nous assistons à une réactivation des terroristes pour relancer l’objectif de changement de régime. Toutefois, dans le monde arabe, l’Égypte[5] et l’Irak vont cette fois-ci soutenir la Syrie de Bachar el Assad.

Rappelons-nous le soutien de la CIA, non seulement aux djihadistes afghans[6], mais aussi aux bandéristes néonazis contre l’URSS pendant la Guerre froide[7]. Souvenons-nous de la stratégie de tension de la CIA, soupçonnée d’avoir organisé des attentats ayant tué des civils en Europe, afin d’entretenir les populations dans la peur du communisme, toujours dans le contexte de la Guerre froide[8]. Plus récemment, rappelons les changements de régimes organisés en ex-Yougoslavie, en Irak, en Libye et en Syrie[9], à l’occasion desquels Washington, Londres et leurs alliés, ont soutenu des mouvements islamistes. Enfin, souvenons-nous que depuis 2014, les extrémistes ukrainiens se considérant comme les héritiers de Stepan Bandera, mais aussi des mercenaires étrangers néonazis, ont servi de supplétifs pour atteindre les objectifs géopolitiques de Washington et Londres.

Au final, Washington (Grand Occident), Tel Aviv (Grand Israël), Ankara (panturquisme) et Kiev (nation antirusse) continuent de soutenir les terroristes sunnites pour atteindre leurs objectifs géopolitiques respectifs.

Washington en soutenant militairement les deux pivots, Israël (contre l’Iran) et l’Ukraine (contre la Russie), a pour objectif géopolitique de torpiller l’émergence du monde multipolaire et déstabilise l’Europe et le Proche Orient. La politique de terreur exercée par Washington (sabotage de Nord Stream) et son soutien aux djihadistes au Proche-Orient et aux extrémistes bandéristes et néonazis en Ukraine, est destinée à menacer et contraindre tout État qui serait tenté de s’émanciper de la tutelle américaine et de rejoindre le projet géopolitique multipolaire. 

Washington, Tel Aviv et Ankara sont donc des régimes qui pratiquent le terrorisme d’État et menacent à nouveau la sécurité européenne. Ce n’est pas nouveau, la guerre en Irak en 2003 promue par les néoconservateurs adeptes du suprémacisme américano-israélien, a abouti à la montée en puissance de l’État islamique. Ces États sont co-responsables des crises migratoires de ces dernières années et des attentats islamistes en France. Leurs tentatives de changement de régime en Syrie, depuis 2011, avec leurs proxys islamistes (soutenus par Londres et aussi malheureusement aussi par Paris) demeurent jusqu’à aujourd’hui infructueuses.

On l’a dit, les Etats-Unis et la Turquie occupent le territoire syrien depuis des années, ce qui leur permet d’entretenir des djihadistes pour leurs objectifs de déstabilisation, et aujourd’hui ouvrir un nouveau front.

Pour éviter que la Syrie ne tombe aux mains des djihadistes, et préserver la sécurité de l’Europe mais aussi de toute l’Eurasie, il est dans l’intérêt de la France que Bachar el Assad, la Russie et l’Iran réussissent à éliminer ces djihadistes. Si un régime islamiste parvenait à se hisser au pouvoir à Damas, une nouvelle crise migratoire surgirait et les attentats islamistes sur le sol européen seraient facilités.

 

 


[1] https://www.fabricebalanche.com/syrie/lemirat-islamique-didleb/

[2] https://mayenneaujourdhui.com/2024/11/30/le-role-disrael-dans-le-retour-du-terrorisme-en-syrie/

[3] Ömer Özkizilcik, Uniting the Syrian Opposition the Components of the National Army and the Implications of the Unification. Ce rapport de 2019 souligne le soutien militaire de Washington à l’opposition à la Syrie de Bachar el Assad, et notamment sa composante turque, sous le prétexte de combattre Daesh (https://www.setav.org/en/assets/uploads/2019/10/A54En.pdf).

[4] https://www.rand.org/pubs/research_briefs/RB10014.html

[5] https://french.ahram.org.eg/NewsContent/1/130/57427/Egypte/Politique/L%E2%80%99Egypte-souligne-son-soutien-;-l%E2%80%99Etat-syrien-et-;.aspx

[6] https://www.monde-diplomatique.fr/2016/02/SOUCHON/54701

[7] ttps://mronline.org/2022/09/14/ukraine/

[8] https://www.nouvelobs.com/rue89/rue89-nos-vies-connectees/20110501.RUE2092/quand-l-otan-tuait-des-civils-en-europe-pour-lutter-contre-l-urss.html

[9] https://cf2r.org/actualite/revelation-des-plans-secrets-de-la-cia-pour-la-destabilisation-de-la-syrie/

Le maillage territorial : colonne vertébrale de la BITD française

04/12/2024

https://aassdn.org/amicale/le-maillage-territorial_colonne-vertebrale-de-la-bitd-francaise/


Pour s’adapter aux bouleversements géopolitiques, la France a dévoilé une nouvelle feuille de route pour son industrie de défense. L’augmentation de la production, la refonte des normes et le développement de pôles d’excellence régionaux sont au cœur de cette stratégie. 

Commentaire AASSDN : L’industrie de Défense française s’articule autour de 9 grands groupes (Thalès, Dassault, Safran, Naval Group, Airbus, KNDS1, MBDA, TechnicAtome, Arquus), reliés à environ 4 000 sous-traitants (ETI,  PME, TPE, laboratoires et centres de recherche). Ce réseau d’entreprises est un atout majeur pour assurer à la France sa souveraineté dans le domaine de la Défense . En outre, ce réseau lui fournit  des outils lui permettant de nouer des partenariats stratégiques avec des pays qui souhaitent ne pas être totalement dépendants de tel ou telle grande puissance (Etats-Unis ou Chine notamment ) tout en disposant de matériels de la meilleure qualité.

Par ailleurs, c’est un atout pour notre économie tant par les exportations qu’elle réalise (la France est 2e ou 3e exportateur mondial selon les années) que par le fait que l’essentiel des armements est produit en France.
Notons que les centres de recherche et les processus de fabrication de certains équipements de haute technologie, sont particulièrement visés par les Services de nos compétiteurs. C’est pourquoi la France se doit de maintenir, voire renforcer son excellence scientifique et d’assurer la meilleure protection contre les ingérences étrangères.

1 En 2015, les sociétés Nexter et Krauss Maffei Wegmann (KMW), respectivement systémier intégrateur du Leclerc et du Leopard, se sont regroupées au sein de KNDS afin de devenir le leader européen de la défense terrestre.

Le 24 octobre 2024, sur le site Maîtrise NRBC de la Direction générale de l’Armement à Vert-le-Petit, le Ministre des Armées Sébastien Lecornu a dressé la feuille de route que tâchera de suivre l’industrie de défense nationale pour les années à suivre. Un mot d’ordre : relancer « l’esprit pionnier ». Une question se pose alors : quelles sont les forces qui motivent la transformation de la base industrielle et technologique de défense (BITD), et comment y parvenir ?

Sommaire [masquer]

  • Impulsions et transformations
  • L’Île-de-France : l’excellence terrestre, spatiale et électronique
  • L’Occitanie et la Nouvelle-Aquitaine : le cœur de l’aéronautique
  • La région Provence-Alpes-Côte d’Azur : territoire de l’Aéronavale
  • La Bretagne et la Normandie pour la puissance navale 
  • Des industriels étatiques en recherche d’efficacité
  • L’humain et la formation : moteurs de développement

Impulsions et transformations

D’abord, la priorité est d’augmenter les cadences de production. Depuis février 2022, l’industrie de défense française se prépare à l’éventualité de passer en économie de guerre, avec des mesures concrètes prises par certains des principaux groupes français. Dans cette optique, MBDA a annoncé son intention de produire 40 missiles Mistral-3 par mois à l’horizon 2025, ce qui revient à doubler sa production mensuelle actuelle. De son côté, la DGA apporte une nouvelle forme de support aux entreprises du secteur, avec la création de la Direction de l’industrie de Défense.

L’Île-de-France : l’excellence terrestre, spatiale et électronique

La région parisienne est spécialisée dans les questions spatiales, électroniques et terrestres.  Le plateau de Versailles-Satory est le lieu d’implantation de plusieurs grandes entreprises à la réputation mondiale comme KNDS France (ex-Nexter), Arquus mais aussi des institutions étatiques comme la Section Technique de l’Armée de Terre. Utilisé dès l’entre-deux-guerres comme terrain d’entraînement militaire, le plateau de Satory sera de plus en plus utilisé à partir des années 1960-1970. Le plateau se transforme en 2020 avec la création de nouvelles pistes d’essais destinées aux besoins de R&D de l’Armée de terre et plus généralement de l’industrie de défense française. La région francilienne n’est pas en reste dans le domaine de l’électronique, notamment par le nombre important de clusters et des laboratoires innovants, à l’image de Paris Saclay et de l’École Polytechnique. Le secteur spatial est quant à lui représenté par Ariane Groupe, Thalès, Airbus Defence and Space et Aresia.

L’Occitanie et la Nouvelle-Aquitaine : le cœur de l’aéronautique

L’aéronautique est particulièrement bien développée en Occitanie et en Nouvelle-Aquitaine, régions qui abritent de nombreux sites et entreprises majeurs, comme Dassault Aviation à Mérignac et Biarritz, ou encore Safran et Airbus Defence & Space à Toulouse. Cette concentration géographique est également le fruit d’une histoire riche. En effet, la création en 1915 du Centre d’Instruction des Spécialistes de l’Aviation à Bordeaux, ainsi que l’établissement de nombreuses bases aériennes dans la région, ont contribué à l’ancrage historique des industriels de l’aéronautique dans cette partie de la France.

La région Provence-Alpes-Côte d’Azur : territoire de l’Aéronavale

L’industrie aéronavale est très présente en PACA, avec des entreprises comme Dassault Aviation à Istres, Airbus Helicopters à Marignane et Naval Group à Ollioules. Cette présence s’explique par le fait que le premier hydroaéroplane a été conçu localement, créant un environnement propice au développement de ce secteur. Au cours de la Seconde Guerre mondiale, une partie des avions de chasse et des hydravions y a été produite. Post-1945, plusieurs entreprises se sont installées dans la région, notamment la Société Nationale de Constructions Aéronautiques du Sud-Est. Aujourd’hui, la région demeure un endroit clé dans la production et la construction d’armement et d’équipements aéronavals, tout en développant régulièrement la recherche et l’innovation.

La Bretagne et la Normandie pour la puissance navale 

Autre pôle d’excellence, les régions bretonne et normande se sont spécialisées dans l’industrie navale, avec des implantations du géant Naval Group à Brest, Lorient, Nantes-Indrets et Cherbourg. L’entreprise emploie plus de 3 000 salariés en région normande, notamment sur le site de Cherbourg.

Cependant, cette territorialité se manifeste également en dehors des principaux pôles. Par exemple, on peut citer Eurenco, spécialiste des poudres et des explosifs, à Bergerac, ainsi que les différents sites de MBDA à Selles-Saint-Denis et à Bourges, sans oublier le site historique de production de KDNS France à Roanne. En plus de dynamiser économiquement des régions parfois en marge, cette territorialité pourrait être renforcée pour constituer une véritable force de production, notamment grâce à l’implantation d’un réseau de réservistes de la DGA.

Des industriels étatiques en recherche d’efficacité

Si les grands maîtres d’œuvre industriels privés sont répartis sur tout le territoire français, c’est également le cas des institutions de l’État chargées des questions d’armement et de sa maintenance. Dispersées dans toutes les régions de France, les industriels d’État sont des exemples du maillage territorial des services publics de l’armement : la Structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres, le Service de la maintenance industrielle terrestre à Versailles ainsi que les 12ème, 13ème et 14ème base de soutien du matériel, le Service de Soutien de la Flotte à Paris, Brest et Toulon, mais aussi la Direction de la Maintenance aéronautique, qui est implantée sur 17 sites différents à travers la France. La DGA est elle aussi répartie sur des centres d’expertises et d’essais dans diverses régions.

Le 2 octobre 2024 paraît le rapport d’information n°4, par la Commission des finances, à propos du maintien en condition opérationnelle des équipements militaires. Cette étude a révélé que, malgré des efforts conséquents, le maintien en condition opérationnelle ne répond pas aux besoins actuels. Les problèmes concernant la disponibilité des matériels et le coût élevé des contrats de maintenance sont trop importants. En outre, il est question de repenser la stratégie de maintenance de l’armement français, en impliquant de façon plus directe les TPE-PME françaises. Il est par ailleurs fait mention de la possibilité de ré-internaliser une partie de la maintenance militaire, ce qui sous-entend de renforcer le maillage territorial de la maintenance. La question de l’état des recrutements a également été mentionnée, notamment la fidélisation et la formation des personnels de la maintenance militaire et du secteur de l’armement en général.

L’humain et la formation : moteurs de développement

Si la voie royale pour devenir ingénieur de l’armement reste Polytechnique et l’École nationale supérieure de techniques avancées, les concours restent ouverts à tous les diplômés d’écoles d’ingénieurs. En dehors des grands corps d’ingénieurs, les universités proposant des maîtrises « Défense et Sécurité » ou des cursus d’intelligence économique intéressent de plus en plus à la fois les entreprises, mais aussi les services de la DGA.

Du point de vue opérationnel, il est tout à fait possible de développer et de renforcer l’intérêt du monde ouvrier et technique pour l’industrie de défense. MBDA et Naval Group l’ont fait, avec respectivement 2 600 et 4 500 recrutements au cours des dernières années. Pour accélérer cette capacité à recruter, il faut également offrir plus de visibilité aux entreprises et aux institutions. Uniquement au travers de la filière de la maintenance en condition opérationnelle, 25 formations certifiantes sont ainsi proposées par le ministère des Armées et des Anciens combattants, dont plusieurs bacs professionnels et un certain nombre de BTS. En renforçant le lien Armée-Nation, voir même BITD-Nation, ainsi que la formation à tous les échelons de la BITD, la France participe à donc sa souveraineté. Ainsi, le secteur de l’armement doit se réformer, recruter et impulser si il veut retrouver son esprit « pionnier ».

Interrogation sur les VBMR face aux cyberattaques

Interrogation sur les VBMR face aux cyberattaques

Question de : Mme Gisèle Lelouis
Bouches-du-Rhône (3e circonscription) – Rassemblement National

Mme Gisèle Lelouis attire l’attention de M. le ministre des armées et des anciens combattants sur les failles concernant les véhicules blindés multi-rôles (VBMR).

Depuis la parution du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale en 2013 et dans le cadre du programme Scorpion visant à moderniser l’armement terrestre, la France remplace ses nombreux véhicules de l’avant blindés (VAB) au profit du VBMR. Ce remplacement, sans réelle augmentation des effectifs blindés, posait déjà la question d’une dispersion des modèles pour l’industrie quand la France n’en avait autrefois qu’un, évitant un « cauchemar logistique », alors qu’il est connu que la haute intensité se joue aussi sur la masse (car il faut du nombre pour contrôler une zone, ce qu’une armée d’échantillons, même la plus sophistiquée, ne peut faire) avec des modèles « bon marché » rapides à produire, d’excellentes capacités tout-terrains etc., même si l’indispensable capacité de projection « des gabarits SNCF » est assurée.

Ces derniers véhicules blindés multi-rôles, incarnés par les Griffon et les Serval, sont de véritables laboratoires technologiques, avec de grandes capacités, démontrant le savoir-faire de l’industrie française. Coûtant donc le double d’un VAB, ils sont en train de devenir la colonne vertébrale de l’armée de terre française, malgré certains retards de livraison. Sur les 1 872 VBMR Griffon prévus en 2019 pour l’horizon 2030, 575 ont bien été livrés en 2024 et 208 VBMR-L Serval sur 978. Ces blindés assurent ainsi les fonctions de protections balistiques, le transport, la communication et l’observation sur le terrain.

Cependant, au cours de l’entraînement interarmées de cyberdéfense (DEFNET) organisé du 18 au 29 mars 2024, un militaire est parvenu à mettre en panne un véhicule blindé multi-rôle Griffon. En effet, à l’aide d’un télémètre développé par l’armée, le militaire est parvenu à perturber le système informatique du véhicule, le forçant à freiner et le mettant momentanément hors de combat. Plus encore, les dégâts causés au véhicule par l’appareil peuvent compromettre le réseau de communication. L’impact de cet incident ne doit pas être négligé. En effet, le véhicule blindé multi-rôle Griffon se décline en plusieurs modèles. Il joue donc des rôles clefs dans de nombreux secteurs tels que le transport de troupes (Griffon VTT), l’observation de l’artillerie (Griffon VOA), le commandement (Griffon VPC) et les opérations médicales (Griffon SAN), etc.

La mise hors combat de ces véhicules à la suite d’une cyberattaque en fait une cible facile pour l’adversaire et la compromission du réseau de communication qui en découle fragilise grandement l’intégrité de tout le réseau de communication de l’armée française. Cet évènement met également en lumière la portée informationnelle de telles attaques.

En effet, la diffusion d’image des véhicules immobilisés à la suite de cyberattaque au sein de l’espace médiatique peut saper la confiance que portent les Français, y compris militaires, dans l’efficacité de l’armée. Ainsi, l’armée française doit être en mesure de répondre à ces éventuelles diffusions et pallier sa vulnérabilité actuelle aux cyberattaques tactiques. On peut également questionner la portée globale de cette vulnérabilité aux cyberattaques. Celle-ci concerne-t-elle tous les types de véhicules blindés multi-rôles ? L’EBRC Jaguar, dont 60 exemplaires ont été réceptionnés sur les 300 prévus pour 2030, présente-t-il la même vulnérabilité au cyber ? Ce dernier présentait déjà un défaut avec sa tourelle T40, qui héberge deux missiles MMP sous blindage, dans un lanceur rétractable, avec deux autres munitions disponibles en soute, obligeant l’un des trois membres d’équipage ayant perdu à la courte paille, de s’exposer pour recharger, la menace cyber lui ajoutant un possible nouveau défaut.

La stratégie politico-industrielle du tout technologique nécessite une adaptabilité et des ajustements nécessaires, malheureusement coûteux pour maintenir une opérabilité efficace des armées. Ainsi, dans la mesure où cette vulnérabilité s’étendrait à l’ensemble des modèles VBMR ou véhicules blindés reliés au réseau, cet évènement pose la question de la vulnérabilité et de la place des systèmes informatiques au sein des forces armées. La protection et l’intégrité de ces systèmes sont une nécessité absolue pour assurer le bon fonctionnement de l’armée de terre. Alors, doit-on revoir la place et l’importance des systèmes informatiques au sein des véhicules blindés, ou renforcer la sécurisation des systèmes informatiques de ceux-ci ?

Si c’est le cas, Mme la députée demande à M. le ministre ce qu’il compte faire pour pallier la vulnérabilité des systèmes informatiques des VBMR face aux éventuelles cyberattaques, afin d’assurer l’efficacité de l’armée française. Par ailleurs, certaines questions se posent sur les blindés « remplacés » par les VBMR, à savoir les VAB. M. le ministre a annoncé l’envoi à l’étranger de « centaines de blindés » français d’occasion. Elle lui demande s’il ne serait pas aussi judicieux d’en garder en stock pour « faire masse », pallier d’éventuelles défaillances des VBMR, voire d’en équiper les unités élémentaires de réserve de l’armée de terre au vu des projets de croissance.

Réactivation de la brigade du génie

Réactivation de la brigade du génie

par Paulin de Rosny – Revue Conflits – publié le 4 décembre 2024

https://www.revueconflits.com/reactivation-de-la-brigade-du-genie/


En septembre 2024, l’Armée de Terre française a réactivé la brigade du génie (BGEN) lors d’une cérémonie aux Invalides, en présence de hautes autorités civiles et militaires. Son commandement a été confié au général Christophe Bizien. Loin d’être une simple restauration, elle est une étape clé de la restructuration profonde des forces terrestres.

Cette réactivation marque le retour d’une unité clé dissoute en 2010 dans un contexte de rationalisation budgétaire. La renaissance de la BGEN est un signal fort : une armée qui investit dans son génie se prépare à une guerre de terrain, où la maîtrise du milieu d’engagement et la neutralisation des menaces sont déterminantes.

Combler un vide stratégique

Créée en 1993, la brigade du génie avait pour vocation de centraliser des capacités rares et stratégiques : franchissement d’obstacles, neutralisation des menaces NRBC (nucléaire, radiologique, biologique, chimique), déminage et cartographie avancée. Ces missions, essentielles à la mobilité et à la sécurité des forces armées, répondaient aux besoins des brigades interarmes dans des environnements complexes. Inspirée des modèles britannique et allemand, la BGEN combinait des expertises techniques variées, allant des unités cynotechniques à la cartographie, tout en offrant une structure de coordination réactive.

Exercices sur la Maine

Cependant, la dissolution de cette brigade en 2010, dans le cadre de la Révision Générale des Politiques Publiques (RGPP), a fragmenté ces capacités. L’absence d’une structure centralisée a réduit l’efficacité des forces terrestres, notamment dans des domaines critiques comme le franchissement. L’éclatement des unités a également affecté la rapidité d’intervention dans des contextes tactiques où chaque minute compte, comme en Afghanistan ou au Sahel. La vulnérabilité des zones arrière, souvent négligées, s’est également accrue, exposant des faiblesses stratégiques que la BGEN aurait pu combler. C’est sur ces retours d’expérience et sur l’étude prospective des conflits de demain que se fonde la réactivation de la BGEN.

Centraliser pour mieux servir

Le 11 septembre 2024, la réactivation officielle de la BGEN a marqué un tournant stratégique pour l’armée de Terre. Cette brigade, désormais basée à Angers dans le quartier Berthezène, regroupe des régiments spécialisés dans des missions complémentaires. Cette nouvelle organisation reflète une volonté de centralisation des capacités rares pour répondre aux menaces modernes.

La BGEN inclut des unités emblématiques : le 2e régiment de dragons, expert en défense NRBC, capable de neutraliser les menaces chimiques, biologiques et radiologiques ; le 19e régiment du génie, pilier des capacités de franchissement et des infrastructures lourdes ; le 28e groupe géographique, garant du renseignement topographique et de la cartographie avancée ; le 31e régiment du génie, spécialisé dans l’appui direct et la mobilité des forces ; et le 132e régiment d’infanterie cynotechnique.

Équipes cynophiles

Ces régiments permettent à la BGEN de couvrir tout le spectre des opérations militaires, qu’il s’agisse de la sécurisation des zones arrière, de l’appui direct au combat ou de la préparation des terrains pour des manœuvres stratégiques. Intégrée au Commandement de l’Appui et de la Logistique de Théâtre (CALT), la BGEN collabore étroitement avec la brigade de maintenance et la brigade logistique pour garantir une continuité opérationnelle optimale.

Maîtriser le milieu d’engagement

La réactivation de la BGEN repose sur une ambition centrale : garantir la maîtrise du terrain dans toutes les phases des opérations. Dans les conflits modernes, la mobilité des forces, la sécurisation des infrastructures et la neutralisation des menaces adverses sont des enjeux cruciaux. Comme le dit le ministère des armées, « cette unité spécialisée se révèle essentielle pour maîtriser le milieu d’engagement dans le domaine du combat de haute intensité comme en gestion de crise, en s’appuyant notamment sur des capacités de géographie, de défense NRBC, de contre-mobilité, de combat cynotechnique, de franchissement, d’appui au déploiement lourd et d’aide au déploiement. Désormais réunies, ces capacités pourront mieux conjuguer leurs effets. »

Dans les régions traversées par des cours d’eau, comme en Europe de l’Est, des ponts flottants motorisés (PFM), capables de supporter des véhicules lourds comme les chars Leclerc, permettent de franchir rapidement des obstacles naturels. Ces équipements, combinés aux engins de franchissement de l’avant (EFA), assurent une progression continue des forces en première ligne. En parallèle, les capacités de déminage et de contre-mobilité permettent de ralentir les forces adverses tout en protégeant les forces alliées.

La sécurisation des zones arrière, souvent perçue à tort comme secondaire, est un autre domaine d’excellence du génie. Les enseignements de l’histoire, notamment la défaite de Sedan en 1870, montrent que des zones arrière mal protégées peuvent compromettre une campagne entière. En garantissant la continuité logistique et stratégique, la BGEN joue un rôle clé dans la préservation des forces.

Enfin, les capacités du 28e groupe géographique renforcent la planification stratégique. En fournissant des données topographiques précises et en anticipant les obstacles naturels ou artificiels, le génie contribue directement à optimiser les manœuvres militaires. Cette combinaison d’expertise tactique et stratégique fait de la BGEN une arme essentielle dans les conflits modernes.

Moderniser le génie

La réactivation de la BGEN s’accompagne d’un investissement massif dans les technologies de pointe. Les drones, utilisés pour la reconnaissance et le déminage, permettent de réduire les risques pour les sapeurs tout en augmentant l’efficacité des interventions. Ces outils offrent une cartographie en temps réel et une capacité d’intervention à distance, vitales dans les environnements à haut risque.

L’arrivée de l’Engin du Génie de Combat (EGC), prévu pour 2029, symbolise cette modernisation. Successeur de l’EBG Vulcain, l’EGC combinera des capacités de creusement, de destruction et de franchissement, tout en offrant une protection renforcée pour ses équipages grâce à des systèmes téléopérés. Conçu pour répondre aux exigences des conflits de haute intensité, cet engin est l’illustration d’un génie militaire en phase avec les défis technologiques du XXIe siècle.

Par ailleurs, la formation continue des sapeurs est au cœur des priorités. En combinant des entraînements individuels, des exercices collectifs et une maîtrise des nouvelles technologies, la BGEN prépare ses membres à opérer dans des environnements variés, qu’il s’agisse de zones urbaines, montagneuses ou de plaines traversées par des obstacles naturels.

Achever la réforme

Malgré ses avancées, la réactivation de la BGEN reste incomplète. Certaines capacités critiques, comme le franchissement assuré par le 6e régiment du génie, ne sont toujours pas intégrées dans la brigade, limitant une centralisation pourtant revendiquée comme essentielle. Par ailleurs, les contraintes budgétaires et les coûts liés à la modernisation des équipements représentent des obstacles importants dans un contexte où les ressources militaires sont déjà sous tension.

Cependant, ces défis n’entament pas l’ambition portée par cette brigade réactivée. Avec sa devise, « Ils marcheront en tête », la BGEN incarne une armée française qui allie tradition et innovation pour répondre aux besoins des conflits modernes. En plaçant la maîtrise du terrain au centre de sa stratégie, l’Armée de Terre réaffirme que le génie n’est pas qu’un soutien, mais une arme décisive. La réactivation de la BGEN, ancrée dans une vision stratégique et technologique, représente une étape clé dans la transformation des forces terrestres françaises, prêtes à relever les défis d’un monde en mutation. Si vis pacem, para bellum.

Motion de censure: le général Desportes alerte sur des « conséquences graves » pour les armées

Motion de censure: le général Desportes alerte sur des « conséquences graves » pour les armées

Censure du gouvernement : quelles conséquences sur les armées ?
Le vote d’une motion de censure et la destitution du gouvernement serait un coup dur pour l’Armée française privée de hausse de budget alerte le général Vincent Desportes. Avec des « conséquences graves », en pleine guerre en Ukraine et avec le retour de la menace djihadistes après la prise de la ville d’Alep en Syrie.

La censure du gouvernement et sa destitution qui s’annonce après l’utilisation du 49.3 lundi par le Premier ministre Michel Barnier, pourrait avoir de lourdes conséquences sur l’armée française. C’est l’alerte lancée ce mardi sur RMC et RMC Story par le général Vincent Desportes, ancien directeur de l’École de guerre, professeur de stratégie à Sciences Po et HEC, alors que la guerre en Ukraine fait rage.

Pour le militaire, ceux qui voteront la censure sont « irresponsables »: « Je suis plus qu’inquiet. La France était péniblement en train de reconstituer ses armées depuis 2017. C’est un coup très dur porté aux armées. Concernant la défense, voter la censure aujourd’hui est irresponsable et ceux qui le feront en porteront les responsabilités et les conséquences seront graves« , alerte le général.

« Notre armée sera affaiblie« 

Vincent Desportes estime aussi qu’une censure pourrait avoir des conséquences pour la France, l’industrie de défense française et aussi pour l’Ukraine en guerre avec la Russie depuis février 2022. Une censure entraînerait des problèmes au niveau des équipements, des munitions, des blindés: « Il y aura un trou et un retard. La crédibilité de la France au sein de l’Europe est menacée », juge-t-il.

« Notre armée de 2025 sera affaiblie par rapport à 2024 », prévient le général.

Se reconstituer ou continuer d’aider l’Ukraine

Le lancement du porte-avions successeur du Charles de Gaulle pourrait être retardé, les avions de chasse pourraient ne pas être livrés et le parc de blindés, « dont on a cruellement besoin comme on le voit en Ukraine », ne sera pas renouvelé. Les commandes qui devaient être passée avec ce budget ne le seront pas et la France devra revoir à la baisse ou annuler les grands exercices prévus avec l’Otan en 2025.

Et la France qui a promis 3 milliards d’euros d’aide à l’Ukraine devra arbitrer entre dépouiller ses armées ou continuer son effort, en raison d’un budget constant bloqué par l’absence de gouvernement et de budget: « Avec cet argent nous devions reconstituer notre stock de munition et racheter des canons Caesar que nous avons donné à l’Ukraine, et bien nous ne pourrons pas ».

Une nouvelle menace en Syrie

Des conséquences industrielles pourraient également entraîner une hausse du chômage. « L’industrie de défense française c’est plus de 200.000 emplois dans 4000 entreprises réparties sur le territoire qui étaient en train d’embaucher parce qu’il y avait un effort de défense. Cet effort va s’arrêter net et une partie de ces emplois est directement menacé », craint l’ancien directeur de l’École de guerre.

Armée phare de l’Europe et moteur en matière de défense selon le général, la France « face à la menace, choisi de bloquer son effort de défense », déplore-t-il, alors qu’une nouvelle menace grandit dans le Nord de la Syrie depuis la prise d’Alep par des rebelles djihadistes: « Nous devrons déployer des soldats en masse dans les rues de France. Et c’est à ce moment-là que certains irresponsables veulent censurer, en prenant ce risque-là, le Premier ministre », conclut le général.

La ligne était rouge vif

La ligne était rouge vif

par Jean-Luc Basle – CF2R – TRIBUNE LIBRE N°167 / décembre 2024

Ancien directeur de Citigroup New York, auteur de « L’Euro survivra-t-il ? » (2016) et de « The International Monetary System : Challenges and Perspectives » (1982)

 

Les États-Unis ont accédé à la requête des Ukrainiens, maintes fois formulée, de les autoriser à frapper des cibles en territoire russe avec les missiles longue-portée de fabrication américaine et européenne que sont les ATACMS, Himars,Storm Shadow et Scalp. L’accord obtenu, les Ukrainiens ont attaqué la Russie les 19 et 21 novembre. La Russie a répondu avec force et célérité en ciblant, le 21 novembre, le constructeur aérospatial ukrainien Yuzhmash sur les bords du Dniepr avec un nouveau missile hypersonique, l’Oreshnik. Surpris, les Occidentaux ont immédiatement accusé la Russie d’escalader la guerre. Leur surprise tient à ce que dans le passé Vladimir Poutine, craignant un emballement du conflit, n’avait pas réagi quand les Occidentaux avaient franchi ses lignes rouges, perçues à l’ouest comme de simples bluffs. Mais cette fois, la ligne n’était pas rouge, mais rouge vif et Poutine a réagi. Les évènements des 19 et 21 novembre donnent à réfléchir sur ce que le futur nous réserve, d’autant que dans son allocution du 21 novembre, Vladimir Poutine a informé les Occidentaux qu’il n’existait pas de défense aérienne en Occident capable d’arrêter l’Oreshnik et qu’il y aurait une réponse à toute frappe ukrainienne sur le territoire russe. La guerre est perdue sur le terrain. Washington le sait. La raison et la sagesse préconisent donc l’arrêt du conflit et l’amorce de négociations. Encore faut-il au préalable s’interroger sur les motivations américano-ukrainiennes.

Pourquoi cibler le territoire russe quand de l’avis des experts ces attaques ne changeront pas l’issue du conflit ? Personne n’a réponse à cette question, aussi les conjectures vont-elles bon train. Serait-ce pour le transformer en une guerre d’usure qui épuiserait économiquement la Russie, provoquant la colère des Russes et la démission de Poutine ? Pour sauver la face en espérant obtenir un meilleur règlement du conflit ? Pour provoquer une réaction de Vladimir Poutine qui le décrédibiliserait sur la scène internationale ? Pour frustrer le projet de paix de Donald Trump ? Quelles qu’en soient les raisons, une chose est sure : l’Oreshnik a changé la donne. La Russie a désormais une option entre l’inaction et la réponse nucléaire. Dans un signe de défiance, les Ukrainiens ont à nouveau frappé Koursk les 23 et 25 novembre. Peut-être les Russes n’auront-ils pas besoin de répondre à ces attaques si Washington a compris leur message ? Le temps des rodomontades est passé, celui des négociations est venu pour éviter un affrontement direct russo-américain dont on n’ose imaginer les conséquences.

Le 22 février 2022, jour du lancement de l’opération militaire spéciale, Vladimir Poutine a pris soin d’en donner les objectifs immédiats : démilitarisation, dénazification et neutralité de l’Ukraine. Les objectifs stratégiques qui sous-tendent cette opération sont au cœur du différend russo-américain. Ils sont énumérés dans le projet de traité d’architecture européenne de sécurité que Vladimir Poutine a remis à Washington et à Bruxelles le 17 décembre 2021, et se résument en deux points essentiels : retrait de l’OTAN des nations qui l’ont rejoint après 1991 (en conformité avec la promesse de James Baker à Mikhaïl Gorbatchev) et neutralité des nations limitrophes de la Russie.

Ce projet d’architecture s’appuie sur le principe de l’indivisibilité de la sécurité qui stipule que la sécurité d’une nation ne peut se faire au détriment d’une autre – principe inscrit dans les déclarations d’Istamboul de 1999 et d’Astana de 2010, signées par les membres de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) dont les Etats-Unis, la Russie, l’Ukraine, la Grande-Bretagne, la France, l’Allemagne, etc.[1] A ce principe, les États-Unis en opposent un autre, celui de la « porte ouverte »[2], qui donne à toute nation le droit de s’allier à toute autre nation sans égard à l’impact d’une telle alliance sur une ou plusieurs autres nations – principe inscrit dans l’Acte final d’Helsinki et la Charte de Paris pour une nouvelle Europe. Ces positions antinomiques augurent mal d’une résolution du conflit, sauf renoncement improbable des États-Unis à leurs visées hégémoniques.

Ce règlement du conflit est d’autant plus improbable que Donald Trump entend le régler par la force. « Nous obtiendrons la paix par la force » a-t-il déclaré récemment. Qu’entend-il par ces mots ? Nul ne le sait, mais ils se situent dans le droit fil de la politique de l’escalade dominante (Escalation Dominance) qui repose pour partie sur une escalade de la violence et pour partie sur le bluff ou « stratégie de l’ambiguïté »,[3] ou encore « théorie de l’Homme fou » (Madman), chère à Richard Nixon, qui se résume par cette expression : « arrêtez-moi ou je fais un malheur (sous-entendu « je recours au nucléaire »). En l’espèce, cela signifie, si l’on prend la déclaration de Donald Trump au mot, que Vladimir Poutine doit se soumettre à la volonté américaine. Ouah ! Ce serait la première fois dans l’histoire des nations que le perdant impose sa volonté au vainqueur !

Le problème avec cette approche est qu’elle n’est plus valide. Vladimir Poutine y a trouvé réponse avec le missile Oreshnik, équipé d’une charge conventionnelle capable de faire d’énormes dégâts, comme démontré lors de l’attaque de Yuzhmash. A toute nouvelle attaque ukrainienne sur le sol russe, la Russie répondra par une attaque Oreshnik sur le sol ukrainien, voire sur celui de ses alliés que la Russie qualifie désormais de co-belligérants. C’est au tour des États-Unis d’être coincés dans un dilemme cornélien du tout ou rien – « tout » signifiant un engagement direct dans la guerre, et « rien » l’ignominie. La déclaration péremptoire de Donald Trump est donc vide de sens. Poutine est en position de force.

Si Trump maintient sa position, un accord est impossible à moins que Poutine accepte un accord bâclé pour mettre fin à une guerre qui lui coûte cher et qui menace son économie, en se satisfaisant de l’annexion du Donbass et de la neutralité de l’Ukraine. Ce serait une erreur. La neutralité de l’Ukraine serait une neutralité de façade. Les États-Unis ne renonceront pas à leur objectif de démembrer la Russie. Une guérilla larvée émergera en Ukraine – la CIA et son avorton la National Endowment for Democracy (NED) ont une grande expérience en la matière – guérilla qui forcera tôt ou tard Poutine à envahir l’Ukraine. C’est alors que la question du règlement définitif du conflit se posera. Une paix durable n’est donc possible qu’à deux conditions. Les États-Unis doivent :

  1. a) accorder à la Russie ce qu’ils se sont octroyés en 1823 avec la doctrine de Monroe, une sphère d’influence ;
  2. b) renoncer au mythe de l’hégémonie messianique. Peut-être Donald Trump y consentirait-t-il pour avoir la paix et mener à bien son programme de réformes, mais l’appareil de sécurité (ministères des Affaires étrangères et de la Défense, complexe militaro-industriel et agences de renseignement – CIA, NSA, etc.) n’est pas prêt à accorder à la Russie ni l’un ni l’autre.

A ce point du débat, il convient de revenir à la thèse de l’Américain William Gilpin préconisant à la fin du XIXe siècle la construction d’une voie ferrée reliant New York à Moscou pour faciliter les échanges commerciaux. Cette thèse, en opposition frontale avec celle de l’Anglais Halford Mackinder, a longtemps été ignorée, avant d’être reprie par Henry Wallace, vice-président des Etats-Unis de 1941 à 1945.[4] Cette adhésion à la vision de Gilpin lui valut très probablement d’être éliminé de la course à la Maison Blanche en 1944. S’il avait été élu, loin d’être des ennemis, Washington et Moscou auraient été des partenaires industriels et commerciaux dans un monde apaisé.

La paix est non seulement possible mais aussi bénéfique. Le Vietnam qui fut en guerre avec les États-Unis pendant vingt ans, est aujourd’hui son troisième fournisseur après la Chine et le Mexique.


[1] Créé en 1973, l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe a pour objet la paix et la sécurité des États.

[2] La doctrine de « la porte ouverte », due au secrétaire d’État John Hay, avait pour objet d’ouvrir la porte de la Chine aux États-Unis à la fin du XIXe siècle en traitant toutes les nations sur un pied d’égalité afin qu’aucune n’est le contrôle total du pays.

[3] Gilles Andréani, professeur affilié à Sciences Po, se fait l’avocat de cette méthode dans un récent article intitulé : « Ukraine, troupes au sol, ambigüité stratégique : il faut mettre fin à la désunion occidentale », Telos, 22 mai 2024.

[4] Halford Mackinder opposait l’empire naval britannique à un empire continental euroasiatique en devenir, appelé île-monde, qui serait contrôlé par la Russie.

Le groupe Wagner : une ombre grandissante au cœur du Sahel

Le groupe Wagner : une ombre grandissante au cœur du Sahel

Centre français de recherche et d’analyse des politiques internationales
Perspective Monde Université de Université de Sherbrooke, Québec, Canada -publié le 2/12/2024
https://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMAnalyse/3662


L’implantation du groupe Wagner dans la région du Sahel a profondément modifié la dynamique sécuritaire et géopolitique de cette zone instable d’Afrique. Cette société militaire privée russe s’est rapidement imposée comme un acteur incontournable, suscitant à la fois espoirs et inquiétudes (1).

Un renforcement de l’influence russe dans la région saharienne

Le groupe Wagner a fait son entrée au Mali fin 2021, à l’invitation de la junte militaire au pouvoir. Cette arrivée a coïncidé avec le retrait des forces françaises de l’opération Barkhane, créant un vide sécuritaire que la Russie s’est empressée de combler (2). Le groupe a ensuite étendu sa présence au Burkina Faso en 2023, où environ 100 mercenaires sont arrivés en janvier 2024. Des rumeurs persistent également sur une possible implantation au Niger après le coup d’État de juillet 2023 (3).

Le déploiement de Wagner au Mali, au coût de 10 millions de dollars par mois, met en lumière la priorité donnée à la sécurité au détriment d’autres secteurs essentiels (4). L’efficacité de Wagner est mise en doute avec une augmentation des pertes civiles et une intensification du conflit, notamment contre certaines communautés sahéliennes. En échange de ses services, Wagner aurait obtenu des concessions minières, notamment dans l’or, renforçant la dépendance du Mali à la Russie. Cette coopération, qui inclut une protection contre les djihadistes dans certaines régions, manque de transparence et freine potentiellement les réformes démocratiques. Enfin, elle a détérioré les relations avec les partenaires occidentaux, ce qui pourrait nuire à l’aide internationale et à l’économie du pays (5).

Violations des droits humains et déstabilisation

Depuis l’arrivée du groupe Wagner au Mali en décembre 2021, les violences envers les populations civiles ont considérablement augmenté. Le premier trimestre de 2022 a enregistré plus de victimes civiles que toute l’année 2021, avec 71 % des actions violentes impliquant directement des civils (6). Près de 300 civils auraient été tués lors d’opérations conjointes entre le groupe Wagner et les forces maliennes, avec des violations graves des droits humains incluant des massacres, des traitements inhumains, des enlèvements, des abus sexuels, des destructions de biens et des arrestations massives sans fondement légal (7). Les incidents majeurs incluent le massacre de Moura en mars 2022, où plusieurs centaines de civils ont été tués en seulement cinq jours, ainsi que des attaques sur des marchés civils, comme à Hombori. (8).

Selon les Nations unies (ONU), les forces maliennes et les paramilitaires de Wagner sont responsables de l’exécution sommaire de plus de 300 civils, dont 58 femmes et jeunes filles victimes de violences sexuelles, lors du massacre de Moura. La présence de Wagner fragilise la stabilité régionale en délégitimant les gouvernements locaux et en compliquant les efforts internationaux de stabilisation. Le groupe alimente également la désinformation anti-occidentale, notamment anti-française, ce qui risque d’aggraver l’instabilité à long terme. En soutenant des régimes autoritaires et en commettant des crimes de guerre, Wagner nourrit la méfiance envers les acteurs internationaux et entrave toute avancée vers une paix durable (9).

La situation au Sahel central se détériore, avec une violence djihadiste croissante et une crise humanitaire grave. En 2023, le Burkina Faso a enregistré plus de 8 000 morts liés aux violences, tandis qu’au Mali, l’implication du groupe Wagner aggrave la situation sécuritaire. Parallèlement, le Niger connaît une intensification des violences depuis le coup d’État de juillet. Cela génère plus de 2,8 millions de déplacés et 7 millions de personnes en besoin d’aide, avec des milliers d’écoles fermées et des régions sous blocus. En 2024, la violence devrait persister, alimentée par les juntes militaires et Wagner, aggravant les conflits et la crise des réfugiés (10).

De nombreuses organisations non gouvernementales (ONG) et observateurs internationaux accusent le groupe d’exactions et de violations des droits humains. Des témoignages font état d’exécutions sommaires, de tortures et de pillages attribués aux mercenaires russes. La mission de l’ONU au Mali (MINUSMA) a rapporté une augmentation par dix du nombre de violations des droits humains commises par les forces de sécurité entre fin 2021 et début 2022, coïncidant avec l’arrivée de Wagner (11).

Les raisons de l’engagement russe en Afrique de l’Ouest

La Russie a utilisé le groupe Wagner pour étendre son influence en Afrique, notamment au Sahel, où l’instabilité politique favorise ses opérations. Ce réseau de mercenaires, étroitement lié au Kremlin, joue un rôle clé dans la stratégie de Moscou pour renforcer ses relations avec plusieurs gouvernements africains en échange de services de sécurité et de soutien militaire. En retour, Wagner obtient des concessions minières, principalement dans les secteurs de l’or et des diamants, mais aussi dans l’exploitation d’autres ressources naturelles telles que le pétrole, le gaz, et le bois (12).

La Russie exploite l’instabilité politique et le mécontentement contre l’ancienne puissance coloniale, la France, pour renforcer ses liens avec des régimes locaux en difficulté, comme au Mali, Burkina Faso et en République centrafricaine (RCA). Souvent violentes, les opérations de Wagner alimentent des préoccupations internationales concernant les droits humains. La présence russe dans le Sahel soulève des risques pour la stabilité régionale, tout en renforçant le contrôle de Moscou sur les ressources vitales (13).

L’impact de l’Africa Corps sur la sécurité et les régimes du Sahel

L’impact du groupe Wagner sur la stabilité du Sahel est controversé. Bien que les régimes militaires louent son efficacité contre les menaces sécuritaires, un rapport de l’’United States Institute of Peace (USIP) souligne que ses interventions aggravent souvent les conflits. Ses méthodes brutales, telles que les violences envers les civils, alimentent le ressentiment local et intensifient l’insécurité. Dans certaines régions, Wagner inspire plus de crainte que les groupes djihadistes, exacerbant les tensions et exposant davantage de civils aux attaques armées. (14).

Après la mort de son meneur Evgueni Prigojine en août 2023, le groupe Wagner a été rebaptisé Africa Corps et placé sous le contrôle direct du ministère russe de la Défense, supervisé par Yunus-Bek Yevkurov. Ancien président de l’Ingouchie et général de l’armée, Yevkurov supervise désormais les opérations russes en Afrique, renforçant l’influence de Moscou dans la région. L’Africa Corps, composé principalement d’anciens membres de Wagner, est déployé dans cinq pays : le Mali, le Burkina Faso, le Niger, la République centrafricaine et la Libye, où il établit son quartier général (15).

Ce groupe poursuit plusieurs objectifs : assurer des missions de sécurité, former les forces locales, soutenir politiquement les régimes en place, et exploiter les ressources naturelles, notamment la mine d’or d’Intahaka au Mali. En janvier 2024, l’Africa Corps a renforcé la protection du président burkinabé Ibrahim Traoré, en envoyant un premier contingent de 100 soldats, puis 200 supplémentaires. Cette restructuration s’inscrit dans la stratégie russe d’élargir son influence en Afrique, de sécuriser ses intérêts et de contrer l’Occident, tout en tentant de redorer l’image des opérations russes, souvent associées aux violations des droits humains commises par Wagner (16).

L’implantation de Wagner au Sahel a consolidé l’influence de la Russie, mais au prix d’une escalade des violences et de l’instabilité. En soutenant les régimes locaux contre les djihadistes, le groupe utilise des méthodes brutales qui alimentent les tensions et exacerbe la souffrance des civils. Si la présence russe renforce son pouvoir dans la région, elle complique les efforts internationaux pour restaurer la paix et la stabilité.


Références:

(1) Rampe, W, What Is Russia’s Wagner Group Doing in Africa ? Council On Foreign Relations ,14 mai 2023 https://www.cfr.org/in-brief/what-russias-wagner-g… consulté le 7 novembre 2024

(2) Tacchi, B. J. I. & J, Wagner in Africa: How the Russian mercenary group has rebranded, le 20 février 2024, https://www.bbc.com/news/world-africa-68322230 consulté le 7 novembre 2024

(3) Wilk, A, The Wagner forces under a new flag : Russia’s Africa Corps in Burkina Faso. OSW Centre for Eastern Studies, 31 janvier 2024, https://www.osw.waw.pl/en/publikacje/analyses/2024… consulté le 7 novembre 2024

(4) Radio-Canada, Que fait le groupe Wagner en Afrique ?, Radio-Canada.ca, 2 mai 2023 https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1977921… consulté le 7 novembre 2024

(5) Jeune Afrique, Mali : comment Wagner compte faire main basse sur des mines d’or,7 septembre 2022 https://www.jeuneafrique.com/1374898/politique/rus… consulté le 13 novembre 2024

(6) ACLED, Wagner Group Operations in Africa: Civilian Targeting Trends in the Central African Republic and Mali, 30 aout 2022 https://acleddata.com/2022/08/30/wagner-group-oper… consulté le 13 novembre 2024

(7) Loc.cit.

(8) Bensimon, C., « Au Mali, l’armée et des combattants étrangers seraient responsables du massacre de 500 personnes à Moura selon l’ONU », Le Monde, 12 mai 2023, https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/05/12/… consulté le 14 novembre 2024

(9) Loc.cit.

(10) ACLED Conflict Watchlist 2024 : Sahel, 2024, https://acleddata.com/conflict-watchlist-2024/sahel/, consulté le 14 novembre 2024

(11) OHCHR, Mali : UN experts call for independent investigation into possible international crimes, 13 janvier 2023, https://www.ohchr.org/en/press-releases/2023/01/ma… consulté le 14 novembre 2024

(12) Berge, J., Central African Republic Mine Displays Stakes for Wagner Group’s Future, Center for Strategic and International Studies, 21 septembre 2023, https://www.csis.org/analysis/central-african-repu… consulté le 15 novembre 2024

(13) Loc.cit.

(14) Litzow, J., Africa: Here’s How to Respond to Russia’s Brutal Wagner Group, United States Institute of Peace, 11 avril 2023, https://www.usip.org/publications/2023/04/africa-h… consulté le 15 novembre 2024

(15) Al-Rashid, A., The Wagner Lesson: Unveiling the Africa Corps’ Impact on Russia’s Influence in Africa, Future Center, 1er novembre 2023, https://www.futureuae.com/en-AE/Mainpage/Item/9355… consulté le 15 novembre 2024

(16) Loc.cit.

Le Chef d’État-major des Armées et le Délégué Général pour l’Armement à l’X

Le Chef d’État-major des Armées et le Délégué Général pour l’Armement à l’X

Institut Polytechnique de Paris – publié le 2 décembre 2024

https://www.polytechnique.edu/actualites/le-chef-detat-major-des-armees-et-le-delegue-general-pour-larmement-lx

Le général d’armée Thierry Burkhard, chef d’Etat-major des Armées, et Emmanuel Chiva, Délégué général pour l’Armement, ont participé conjointement à une table tonde et à un échange avec les élèves polytechniciens des promotions 2022 et 2023 sur la stratégie et les enjeux de la défense française. Laura Chaubard, Présidente et directrice générale de l’X, a souligné à cette occasion le renforcement des liens de l’X avec la communauté de défense et le ministère des Armées et des Anciens combattants, autorité de tutelle de l’École polytechnique.

 
Institutionnel

Le général d’armée Thierry Burkhard, chef d’État-major des Armées et Emmanuel Chiva, Délégué général pour l’Armement ont participé le 28 novembre 2024 à une table ronde et à un échange avec les promotions X2022 et X2023 sur les enjeux stratégiques et les priorités de la défense française. 

« Votre présence parmi nous, tout à fait exceptionnelle, illustre à quel point sont indissociables la capacité opérationnelle de nos Armées et la performance technologique, scientifique et industrielle portée par la Direction Générale de l’Armement », a déclaré Laura Chaubard, Présidente et directrice générale de l’École polytechnique en introduction de la table ronde. 

« L’École polytechnique, depuis sa création il y a 230 ans, a été à la croisée de ces enjeux scientifiques et stratégiques et aujourd’hui plus que jamais dans un moment où dans le domaine des sciences comme de la défense, le temps s’accélère », a dit Laura Chaubard. 

« La France n’est pas en guerre mais la communauté de défense est entrée en économie de guerre », a-t-elle poursuivi en référence à une expression utilisée par le président de la République, Emmanuel Macron, en juin 2022 dans le cadre du salon de la Défense et de la Sécurité Eurosatory, et qui recouvrait la capacité de la France et de son industrie à être en mesure d’intervenir dans une opération militaire de haute intensité sur la durée. 

« Les bouleversements actuels dans les rapports de puissance interviennent de façon concomitante avec bien sûr une accélération du changement climatique mais aussi avec un bouillonnement scientifique tout à fait extraordinaire qui va lui aussi porter une grande part de notre souveraineté future que ce soit dans le domaine de haute densité d’énergie, des technologies quantiques, spatiales et bien sûr de l’intelligence artificielle, le rythmes spectaculaire des avancées scientifiques ces dernières années laisse entrevoir des ruptures majeures que beaucoup de scientifiques eux-mêmes ne pensaient pas accessibles à l’horizon de leur existence « , a-t-elle souligné. 

« Dans cette École, où l’excellence scientifique se conjugue à une formation humaine et militaire unique au monde nous aspirons à former des esprits et des corps capables d’embrasser ces transformations rapides et de relever les défis complexes qu’elles posent à la France et à l’Europe », a dit Laura Chaubard. 

« Sous l’impulsion du ministre de la Défense et grâce à l’accompagnement de la DGA, l’École a considérablement renforcé ses liens avec la communauté de défense, et ce dans tous les pans de son activité », a-t-elle ajouté. 

QUATRE MARQUEURS, DEUX PRIORITÉS

Interrogé sur le contexte actuel de sécurité internationale, le Chef d’État-major des Armées et le Délégué Général pour l’Armement ont partagé avec les élèves leurs analyses et leurs priorités pour la défense française. 

Évoquant l’environnement stratégique qui contribue à façonner les priorités de son action, le chef d’Etat-major des Armées a fait état de quatre marqueurs. 

« Le premier marqueur est une forme de désinhibition de la force que l’on peut constater tous les jours », a dit le général Burkhard. 

« Des pays se sont armés et ils emploient la force avec une augmentation du niveau de violence auquel il ne faut pas s’habituer (…) et une recherche de létalité en faisant de plus en plus de victimes civiles, considérant que c’est une manière de manifester leur détermination ».

« Le deuxième marqueur c’est la récusation, la remise en cause du modèle occidental et la volonté de le remplacer pat un modèle alternatif, [le président de la Fédération de Russie, Vladimir, NDLR] Poutine est à la tête de ce mouvement avec pas mal de monde derrière lui-même si ce n’est pas un ensemble aussi homogène que la Russie voudrait le présenter. » 

« Le troisième marqueur est la valeur stratégique de l’information » a souligné le Chef d’État-major des Armées. 

« Nos adversaires, nos compétiteurs utilisent l’arme de l’information, agissent dans le champ des perceptions de manière extrêmement offensive et ils s’appuient pour cela sur des stratégies de long terme. Dans ce champ des perceptions, de la guerre du narratif, il n’a peut-être pas de victoire décisive mais il y a un ensemble d’effets de long terme qu’il faut prendre en compte », a dit le général Burkhard. 

Il a mentionné un quatrième marqueur de l’environnement stratégique actuel : le changement climatique. « Nous ne pouvons pas faire de partenariats stratégiques [avec certains pays] si nous ne prenons pas en compte ce qui les menace, ce qui les concerne le plus », a-t-il dit. 

Dans ce contexte, le chef d’État-major des Armées a défini deux grandes priorités : la richesse humaine et la cohésion nationale. 

« La première priorité, c’est la ressource, la richesse humaine en termes d’hommes et de femmes », a dit le général Burkhard. 

Alors que, « la différence entre le monde civil et le monde miliaire s’accentue, il faut que nous soyons capables de recruter parce que l’armée française est une armée d’emploi », a-t-il rappelé. 

« Il y a encore des jeunes Français et des jeunes Françaises qui s’engagent alors que ce n’est pas forcément la voie de la facilité (…), je pense que nous sommes capables de magnifier le collectif plus fort que l’individuel et les missions que nous avons ont du sens dans une société où les gens sont en quête de sens », a-t-il poursuivi. 

« C’est pour cela que nous sommes encore capables de recruter mais ce n’est jamais garanti et c’est pour cela que c’est une priorité ». 

La cohésion nationale est la deuxième priorité énoncée par le Chef d’État-major des Armées. « La cohésion nationale est le centre de gravité d’une nation », a-t-il rappelé, ajoutant : « pour une nation qui n’aurait pas de cohésion, le risque de perdre la guerre sans la livrer est extrêmement fort. Si personne ne veut la guerre, est-ce que nos autorités politiques donneraient l’ordre d’engagement, je n’en suis pas sûr. »

« Les Armées ne sont pas responsables de la cohésion nationale, elles y contribuent mais elles n’en sont pas seules responsables », dans un environnement où « la surface de contact des Armées avec le pays est très faible », a-t-il souligné, rappelant que cette contribution des Armées à la cohésion nationale passe notamment par ses actions en direction de la jeunesse en lien avec l’Éducation nationale et par l’augmentation de la réserve pour laquelle Sébastien Lecornu, le ministre des Armées, a lancé un plan ambitieux visant à en doubler les effectifs pour parvenir à un ratio d’un réserviste pour deux militaires d’active. 

« La cohésion d’une nation c’est aussi ne pas oublier ceux de ses fils et de ses filles militaires qui ont été en opération et qui sont morts ou ont été blessés et cela n’est pas seulement la mission des Armées », a déclaré Thierry Burkhard, « même si les Armées n’ont évidemment pas le droit d’oublier les leurs. »

Dans le cadre de l’initiative nationale Duoday, le chef d’État-major des Armées était venu accompagné de trois militaires, des Armées de Terre, de l’Air et de la Marine, blessés en opération et qui ont été longuement applaudis. 

TRIANGLE COÛTS-PERFORMANCES-DÉLAIS

Le Délégué général pour l’Armement a rappelé que la mission de sa direction était de « trouver des réponses capacitaires mais aussi technologiques aux défis opérationnels auxquels les Armées sont confrontées. 

« Les opérations ne sont plus les mêmes. Il faut se battre en même temps sur terre, dans l’air et sur la mer mais on se bat aussi dans l’espace, on se bat sous les mers et l’on se bat dans les champs immatériels, on se bat dans le cyber, on se bat dans le champ informationnel et tout cela induit un certain nombre de révolutions technologiques pour développer les bons outils capacitaires », a souligné Emmanuel Chiva. 

Le Délégué général pour l’Armement a poursuivi en explicitant le concept d’économie de guerre et sa portée. 

« Ce concept d’économie de guerre, ne veut pas dire que nous sommes en guerre, cela veut dire que nous sommes en mesure de ne pas subir et de préparer la nation à un effort nous permettant par exemple de rentrer dans opération de haute intensité », a-t-il dit. 

« Ce qui est assez novateur dans cette approche, c’est que cela faisait des années que nous n’étions pas confrontés à la problématique de la production. Ce qui était noble dans notre industrie d’armement, c’était de faire des systèmes très sophistiqués souvent à petite échelle, de prendre le temps de bien faire les choses mais pas de produire en masse, pas de produire vite, pas de produire [des armements] peut-être pas parfaits mais disponibles tout de suite », a-t-il poursuivi. 

« L’un de nos grands défis aujourd’hui, c’est de préparer notre industrie [d’armement], la base industrielle et technologique de défense, c’est-à-dire les grands donneurs d’ordre et les 4500 PME qui sont derrière dont 1200 sociétés critiques, à rentrer dans un rythme auquel ils n’étaient absolument pas habitués et avec une approche qui, dans le triangle coûts-performances-délais, tirait vers la performance. Aujourd’hui le levier numéro un, ce sont les coûts d’abord, les délais ensuite », a expliqué Emmanuel Chiva. 

« Cela veut dire repenser les chaînes de production, repenser les chaînes d’approvisionnement et aussi repenser une forme de souveraineté », a-t-il ajouté évoquant la nécessité de maintenir ou de relocaliser sur le territoire national certaines productions ou les approvisionnements de composants ou de matériaux critiques. 

« Ce n’est parce qu’on le dit que c’est facile à faire », a relevé Emmanuel Chiva rappelant que la DGA doit parallèlement conduire toutes ses missions habituelles, en particulier dans la lutte contre le terrorisme et bien sûr dans le maintien de la capacité de dissuasion de la France avec « le retour au premier rang de la rhétorique nucléaire».