La Russie a récemment intensifié ses exercices militaires en mettant l’accent sur l’utilisation d’armes nucléaires tactiques. Ces manœuvres, qui ont débuté en mai dernier, visent à démontrer la puissance militaire russe et à envoyer un message clair aux pays occidentaux.
Des manœuvres nucléaires de grande envergure
Depuis le début de la semaine, la Russie a lancé des exercices militaires à grande échelle, mobilisant plus de 300 navires pour des manœuvres navales. À partir du 31 juillet, l’accent a été mis sur l’utilisation des armes nucléaires tactiques. Ces exercices, constituant la troisième étape d’un programme commencé en mai, sont menés dans les districts militaires du centre et du sud, incluant le Caucase russe et les régions du sud et de l’est de l’Ukraine.
Les armes nucléaires tactiques, moins puissantes que les armes stratégiques, sont conçues pour être utilisées sur le champ de bataille. Elles peuvent être déployées depuis des véhicules, pièces d’artillerie, navires ou avions, visant des cibles spécifiques plutôt que des villes entières. Le ministère russe de la Défense a précisé que l’aviation et les systèmes de missiles Iskander participent activement à ces manœuvres.
Des objectifs stratégiques et militaires
L’objectif principal de ces exercices est de tester le déplacement et l’armement des armes nucléaires tactiques. Selon le ministère russe de la Défense, ces manœuvres visent à améliorer la capacité de réaction rapide et l’efficacité opérationnelle des forces armées russes dans des scénarios de combat simulés.
L’annonce de ces exercices avait été faite par le président Vladimir Poutine en mai, en réponse aux actions occidentales jugées provocatrices par la Russie, telles que la livraison de missiles à longue portée à l’Ukraine et les déclarations concernant un possible déploiement de troupes occidentales dans le conflit. En renforçant sa présence militaire et en montrant sa capacité à utiliser des armes nucléaires, la Russie cherche à dissuader toute intervention étrangère et à affirmer sa supériorité stratégique.
Un message clair aux Occidentaux
Les exercices militaires russes sont perçus comme un signal fort envoyé aux pays occidentaux. Le ministère russe des Affaires étrangères a déclaré que ces manœuvres visent à rappeler aux Occidentaux les risques stratégiques qu’ils génèrent par leurs actions et leurs conséquences potentielles. Ce message est destiné à dissuader toute aide militaire accrue à l’Ukraine et à mettre en garde contre les implications d’un soutien occidental dans le conflit.
Depuis le début de l’invasion de l’Ukraine, Vladimir Poutine alterne entre des déclarations de force et des propositions de dialogue, créant une atmosphère de tension constante autour de la question nucléaire. En exhibant son arsenal tactique, la Russie cherche à maintenir une pression constante sur ses adversaires et à montrer qu’elle est prête à utiliser tous les moyens nécessaires pour atteindre ses objectifs.
Les réactions de la communauté internationale
La communauté internationale a réagi avec une inquiétude croissante face à ces exercices militaires. Les pays occidentaux, en particulier, voient ces manœuvres comme une escalade dangereuse et une démonstration de force inquiétante. Les experts en sécurité et les analystes militaires surveillent de près ces développements, craignant que cette démonstration de puissance puisse conduire à une intensification du conflit en Ukraine et à une instabilité accrue dans la région.
Les États-Unis et l’Union européenne ont appelé à la retenue et à la désescalade, soulignant l’importance de solutions diplomatiques. Ils continuent de soutenir l’Ukraine tout en cherchant à éviter une confrontation directe avec la Russie. La communauté internationale reste vigilante, cherchant à prévenir une crise nucléaire tout en faisant face aux défis posés par l’agressivité militaire russe.
Jean-Baptiste Leroux
Jean-Baptiste Le Roux est journaliste. Il travaille également pour Radio Notre Dame, en charge du site web. Il a travaillé pour Jalons, Causeur et Valeurs Actuelles avec Basile de Koch avant de rejoindre Economie Matin, à sa création, en mai 2012. Il est diplômé de l’Institut européen de journalisme (IEJ) et membre de l’Association des Journalistes de Défense. Il publie de temps en temps dans la presse économique spécialisée.
Pour rejoindre l’Australie et participer aux manœuvres aériennes Pitch Black dans le cadre de l’édition 2024 de la mission PEGASE [Projection d’un dispositif aérien d’EnverGure en Asie du Sud-Est], deux formations de l’armée de l’Air & de l’Espace [AAE] ont pris des directions opposées.
Ainsi, le 27 juin, quatre Rafale, trois avions ravitailleurs A330 MRTT Phénix et trois A400M ont décollé en direction de l’Alaska [États-Unis] pour prendre part à l’exercice Arctic Defender, aux côtés des forces aériennes allemandes [Eurofighter et Tornado] et espagnoles [Eurofighter]. Appelé « Pacific Skies 24 », ce déploiement tripartite a ainsi réuni les pays du programme SCAF [Système de combat aérien du futur]. Les appareils impliqués ont ensuite rejoint l’Australie, après une escale « valorisée » au Japon.
Quant aux second déploiement, appelé « Griffin Strike », il a mis l’accent sur la coopération franco-britannique. Partis de France le 6 juillet, trois Rafale, deux A330 MRTT et deux A400M ont été rejoints en cours de route par des Typhoon de la Royal Air Force. Après une escale aux Émirats arabes unis et une autre à Singapour, cette formation est arrivée en Australie le 10 juillet. Avant de prendre part à Pitch Black 2024, elle a effectué un exercice au combat « dans un cadre multi-milieux et multi-champs [M2MC].
La séquence australienne étant désormais terminée, les formations « Pacific Skies » [dont les A400M se sont rendus en Nouvelle-Zélande] et « Griffin Strike » ont pris le chemin du retour… mais séparément.
La première a pris la direction de la Malaisie, avant d’enchaîner avec l’exercice Tarang Shakti [entre le 6 et le 13 août]. À noter que deux Rafale seront mobilisés pour une « interaction » avec les collectivités d’outre-mer et se rendront à La Réunion. La seconde a plusieurs « escales valorisées » à son programme, dont une inédite.
En effet, ce 1er août, l’État-major des armées [EMA] a fait savoir que deux Rafale, un A400M et un A330 MRTT venaient de passer quatre jours sur la base aérienne de Clark, aux Philippines. Ce qui ne s’était jamais produit jusqu’alors.
« Pour la première fois, les aviateurs français font escale aux Philippines. À cette occasion, un vol conjoint composé de deux FA-50 philippins, deux Rafale, et un A330 MRTT Phénix a été réalisé avec succès. Plusieurs vols en place arrière à bord de Rafale avec des pilotes de chasse philippins ont également été effectués, tout comme les embarquements en A400M et A330 MRTT au profit de nos partenaires philippins », a ainsi relaté l’EMA.
Et d’ajouter : « Cette interaction permet également d’approfondir la coopération militaire entre les deux armées, toutes deux engagées pour la sécurité et la stabilité de l’espace indopacifique. »
De son côté, l’ambassade de France aux Philippines a rappelé que cette escale « intervient après la signature » par Paris et Manille d’une « lettre d’intention définissant une feuille de route pour le renforcement de [leur] coopération » en matière de défense.
Quoi qu’il en soit, ce déploiement de Rafale aux Philippines a été organisé alors que Manille envisage d’acquérir une douzaine d’avions de combat supplémentaires, à l’heure où les tensions avec Pékin sont désormais récurrentes. Pour le moment, l’état-major philippin envisage deux types d’appareils : le Gripen suédois et le F-16 Viper américain.
Lundi dernier, la Chine et la Biélorussie ont débuté des exercices militaires conjoints. Ces manœuvres se déroulent à quelques kilomètres de la frontière avec l’Europe. Des exercices militaires atypiques et que l’Otan interprète comme une menace. Jeudi, dans son communiqué final, l’Alliance réunie à Washington s’est inquiétée du soutien apporté par Pékin à Minsk et son allié russe en guerre contre l’Ukraine.
C’est le cadeau de la Chine pour les 75 ans de l’Alliance Atlantique. « Un déploiement militaire aux marches de l’Europe, pour répondre aux nouveaux défis mondiaux », indique le ministère chinois de la Défense. Officiellement, il ne s’agit que d’un exercice antiterroriste. Mais l’Otan, réuni à Washington, a immédiatement envoyé un avertissement à Pékin. Et la réaction chinoise ne s’est pas fait attendre, pointe le correspond de RFI à Pékin, Stéphane Lagarde : « Oui, officiellement, ces manœuvres antiterroristes sont des exercices de routine qui n’ont rien à voir avec le sommet de Washington ». Le porte-parole de la diplomatie chinoise a été interrogé sur ce sujet. Voici ce qu’il a répondu aux journalistes : « ces échanges entrent dans le cadre de la coopération militaire normale entre la Chine et la Biélorussie. Il ne vise aucun pays en particulier ».
« Mais tout le monde note évidemment la concordance de calendrier. Et on note aussi que ces opérations, baptisées ‘l’assaut du faucon’, durent quand même 11 jours. Donc c’est long. Elles ont été accompagnées, côté biélorusse, d’une large propagande avec photo du débarquement des troupes chinoises au sol, accueillies chaleureusement selon Pékin. On parle de plus d’une centaine d’hommes côté chinois, c’est essentiellement symbolique. Mais Pékin n’a pas donné de détails en revanche concernant les matériels et les unités de l’armée populaire de libération impliquées dans ces exercices, alors qu’habituellement, les journaux nationalistes ici aiment quand la Chine bombent le torse et n’hésitent pas à le raconter. Reste que ces exercices se déroulent près de la ville de Brest, en Biélorussie, nous sommes là, à 40 km de la frontière polonaise. Cette formation conjointe vise à renforcer les capacités de coordination des troupes participantes, a aussi indiqué le ministère chinois de la Défense dans un communiqué ».
Pékin évoque une ingérence de l’Otan
Sauf que ces manœuvres inédites, et c’est ce qui irrite l’Otan, ont tout d’un entrainement à la guerre de haute intensité : avec des opérations de nuit, des franchissements de cours d’eau et des simulations de combat en zone urbaine. Pékin démontre ainsi, sa capacité à projeter des forces sur des théâtres extérieurs et à proximité de l’Ukraine. L’Otan accuse Pékin de jouer un rôle déterminant dans ce conflit au travers d’un soutien sans limite apporté à l’industrie de guerre russe. C’est une ingérence occidentale, rétorque la diplomatie chinoise, nous dit Stéphane Lagarde : « Oui, la diplomatie chinoise a aussitôt ressorti une rhétorique maintes fois utilisée dans ce bras de fer avec l’OTAN. Elle parle de mentalité digne de la guerre froide, d’ennemis imaginaires, de tensions provoquées par l’OTAN qui risque de mener à la confrontation. Des mots, là aussi accompagnés d’exercices conjoints. Pékin et Moscou ont annoncé vendredi le début de manœuvres navales et aériennes dans le sud de la Chine. Ça va durer un mois. Pékin tire également à boulets rouges, via ces médias et l’armée des internautes, sur ce qui est qualifié ici d’ingérence de l’OTAN de l’Asie avec le rapprochement Japon / Corée du Sud / Washington qui ne plaît pas du tout, mais alors pas du tout à la Chine ».
Et la Chine, multiplie les signalements stratégiques et défie les alliances, y compris à l’Ouest, comme pour démontrer que du Pacifique à l’Atlantique, ses intérêts et ses frontières n’ont aujourd’hui plus de limites
En janvier 2020, après plusieurs incidents provoqués par le Corps des gardiens de la révolution iranien dans les environs du détroit d’Ormuz et ne voulant pas s’associer à l’approche adoptée par les États-Unis à l’égard de Téhéran, plusieurs pays européens lancèrent l’opération de surveillance maritime EMASOH [European-Led mission Awareness Strait of Hormuz] « Agenor ».
«Nous travaillons à nous organiser entre Européens, mais une chose est sûre : notre comportement ne devra avoir qu’un seul objectif, faire baisser les tensions actuelles et défendre nos intérêts. […] Nous ne voulons pas contribuer à une force qui pourrait être perçue comme aggravant les tensions », avait expliqué Florence Parly, alors ministre des Armées.
Dirigée depuis un quartier général établi sur la base navale française d’Abu Dhabi [Émirats arabes unis], cette opération, menée en dehors du cadre de l’Union européenne [UE], a pu compter, au fil du temps, sur des moyens navals et aériens fournis par la France, l’Italie, la Belgique, le Danemark et les Pays-Bas, Allemagne, Grèce et Portugal s’étant contentés de lui apporter un soutien politique.
« Agénor a pour mission d’apaiser les tensions et de protéger les intérêts économiques européens en garantissant la liberté de circulation dans le golfe Arabo-Persique et le détroit d’Ormuz. À plus de 2000 miles nautiques des côtes du vieux Continent, EMASOH renforce l’interopérabilité des marines européennes et rappelle l’attachement de l’Europe au droit de la mer et à la liberté de circulation », avait ensuite expliqué l’État-major des armées [EMA].
Ces derniers temps, les capacités d’Agenor reposaient sur la frégate belge Louise-Marie, un avion de patrouille maritime Atlantique 2 et un drone MALE [Moyenne Altitude Longue Endurance] Reaper italien. Seulement, faute de relève, cette mission va être mise en sommeil. C’est en effet ce qui a été annoncé via X [anciennement Twitter], le 26 juin.
Dans son dernier point de situation des opérations, l’EMA n’a livré aucune précision sur la mise en sommeil de l’opération Agenor, si ce n’est que l’Atlantique 2 mis à sa disposition a « terminé son déploiement », au cours duquel il a effectué « 68 heures de vol de surveillance maritime ».
Probablement qu’il a été considéré qu’Agenor n’était plus indispensable depuis que l’UE a lancé l’opération Aspides, en février dernier. En effet, son mandat ne concerne pas seulement la mer Rouge étant donné que sa zone d’intervention couvre également le détroit d’Ormuz.
Pendant deux semaines, du lundi 17 au vendredi 28 juin, la Base d’aéronautique navale de Landivisiau conduira un exercice militaire de grande ampleur engageant des forces aériennes grecques, britanniques et françaises.
À compter de ce lundi 17 juin et jusqu’au vendredi 28 juin 2024, la Base d’aéronautique navale de Landivisiau (BAN) conduira l’exercice Ocean Hit 2024. Il s’agit d’un « exercice interallié à dominante aéromaritime, centré sur l’action offensive de la mer vers la terre », explique le ministère des Armées dans un communiqué. Organisé par le groupe aérien embarqué (GAé), il se déroule sur la façade Atlantique avec le concours de navires de la marine nationale, de troupes de l’armée de terre et d’aéronefs des forces aériennes grecques, britanniques et françaises.
Durant deux semaines, plusieurs appareils seront donc mobilisés pour cette opération. « Afin de préparer les opérations depuis le porte-avions Charles de Gaulle, un des enjeux de l’exercice résidera dans la capacité à travailler depuis différentes bases de départ », précise le communiqué. Une partie des aéronefs participant à l’exercice sera déployée sur la BAN, alors que les autres proviendront de bases militaires françaises ou britanniques.
L’armée de l’air brouille les signaux GPS en France pour un exercice
Les brouillages n’ont pas de conséquence pour le grand public. En revanche, ils perturbent les aéronefs civils et militaires, qui ont été prévenus. Explications.
Dans le cadre de l’exercice Black Crow 24, qui se déroule en France du 27 mai au 7 juin, l’armée de l’air et de l’espace brouille les signaux GPS sur le territoire métropolitain afin de plonger les militaires dans des conditions opérationnelles réalistes. Des pilotes français, allemands et américains participent à cet exercice dans une zone d’entraînement très vaste.
Au sein d’un cercle centré sur le Puy-de-Dôme, des perturbations sont perceptibles par les aéronefs civils et militaires. La zone brouillée augmente avec l’altitude : à 1 200 mètres, le cercle a un rayon de 185 km (ce qui représente un diamètre allant d’Angoulême à Lyon), alors qu’à 12 000 mètres d’altitude la zone de perturbations couvre la quasi-totalité de l’Hexagone.
« Il est important que l’on s’entraîne »
Selon une note de l’armée de l’air, les militaires français mettent en œuvre à cette occasion des Neptune, des véhicules brouilleurs de signaux de géolocalisation par satellite (GNSS), qui sont efficaces contre le GPS (États-Unis), Galileo (UE), Glonass (Russie) et Beidou (Chine).
L’objectif de ces outils est de perturber les instruments des pilotes, mais aussi ceux des armements, dont les bombes guidées et les missiles. « Il est important que l’on s’entraîne à utiliser des solutions de géolocalisation alternatives, tout comme il est important pour un marin de naviguer parfois au sextant, sans GPS », résume un pilote de chasse français.
Les avions modernes utilisent le GPS comme principal système de navigation, en croisière et pour l’approche finale : son brouillage, en particulier dans des conditions de faible visibilité, peut avoir des conséquences dangereuses », explique Renaud Feil, PDG de l’entreprise de sécurité Synacktiv, selon lequel « il est prévisible que ce type d’exercices se multiplie étant donné le rôle désormais prépondérant de la location GNSS ».
Des notices d’information diffusées
« L’impact de cet exercice est circonscrit aux aviateurs sur la fréquence du GPS seulement », nous assure l’Agence nationale des fréquences (ANFR), le gendarme des ondes en France. « L’armée de l’air et la Direction générale de l’aviation civile se coordonnent et rendent l’opération publique pour que tous les aéronefs soient au courant afin que les utilisateurs aéronautiques du GPS (avions, hélicoptères, mais aussi drones) soient bien au courant, ce qui permet d’éviter tout incident », plaide-t-on encore à l’ANFR.
Des notices d’information ont été diffusées par l’armée de l’air et relayées par les autorités civiles et les associations. C’est le cas, par exemple, de la Fédération française de vol libre (FFVL), qui informe ses licenciés d’une «notification de dernière minute concernant une opération militaire susceptible de générer un brouillage GPS».
Conditions dégradées
De l’Ukraine à la Syrie, en passant par l’Afrique, le brouillage des GNSS, les systèmes de géolocalisation satellitaire, est devenu un classique de la guerre électronique, parfois entre des pays qui ne sont pas en guerre. Il est donc crucial pour les armées, et en particulier pour les pilotes, de s’entraîner à poursuivre les missions dans des conditions dégradées.
La guerre électronique est un aspect méconnu de l’entraînement des pilotes de l’armée de l’air, car largement couvert par le secret des opérations. Néanmoins, le Rafale est conçu pour mener des missions cruciales sans GPS. Dans le cadre de la dissuasion nucléaire, les appareils des forces aériennes stratégiques s’entraînent à voler avec d’autres systèmes.
Les centrales inertielles, par exemple, sont des équipements embarqués qui, une fois calés sur leur position précise de départ, peuvent trouver un point d’arrivée sans GPS. Les outils de reconnaissance et de suivi de terrain peuvent aussi aider les pilotes à s’orienter alors qu’ils volent au plus près du sol pour échapper à la couverture radar.
À peine créé, le Commandement des actions dans la profondeur et du renseignement (CAPR) s’est confronté pour la première fois à la réalité du terrain à l’occasion de l’exercice Grand Duc. Un exercice autant qu’une expérimentation source de premiers résultats encourageants en matière de construction des synergies et d’accélération de la boucle renseignement-feux.
Une édition inédite
Inhabituel, Grand Duc l’aura été à plus d’un titre. De par son ampleur, premièrement. Conduit du 15 au 29 mars dans le quart nord-est de la France, cet exercice annuel des unités du renseignement de l’armée de Terre a cette fois été joué entre Amiens et Belfort. Inspiré de l’exercice d’hypothèse d’engagement majeur ORION 2023, son scénario voyait l’ennemi symétrique Mercure et sa milice Tantale envahir la nation voisine Arnland. Un allié fictif de l’OTAN opposé à des ennemis tout aussi fictifs et dont l’agression entraînait la formation d’une vaste coalition, déploiement de divisions française, britannique et américaine à la clef.
Trois divisions formant un corps d’armée au profit duquel oeuvrait un groupement de recherche multicapteurs (GRM) déployé dans la profondeur avec l’ensemble de ses moyens. Ses quelques 400 combattants provenaient essentiellement du 2e régiment de hussards, spécialiste du renseignement de source humaine et de l’infiltration à travers les lignes ennemies. Des éléments des 54e, 61e et 1er régiments d’artillerie, du 28e groupe géographique, des 54e et 44e régiments de transmissions ainsi qu’un sous-groupement aéromobile armé par le 5e régiment d’hélicoptères de combat sont venus s’y agréger.
Ce GRM intégrait un détachement belge du bataillon ISTAR, signe parmi d’autres des liens grandissants entre forces terrestres des deux pays. Cette unité de chasseurs à cheval a pour l’occasion envoyé son escadron A renforcé d’une section radar Squire, d’une équipe drones et d’une section de génie (EARS). Une « belle unité » dont les membres « apportent une certaine philosophie et une certaine approche de la planification d’une opération. Nous avons beaucoup à apprendre de nos camarades belges tout comme, je l’espère, ils ont beaucoup de choses à apprendre de nous », soulignait le colonel Nicolas Louis, chef de corps du 2e RH et commandant du GRM.
La mission de ce GRM à l’accent belge ? Trouver l’ennemi, comprendre ses modes d’action, déterminer des cibles et faire remonter ces informations jusqu’au corps d’armée. Par le lien direct qu’il crée avec les feux et les moyens de guerre électronique, le GRM contribue ainsi au grignotage, à l’affaiblissement de l’ennemi au profit des divisions et brigades de la ligne de contact. Dans un espace de jeu grand comme la Bulgarie, impossible de se la jouer « big brother ». Bien que dédoublée fictivement, l’envergure du GRM impliquait « de manoeuvrer, de faire des choix en utilisant au mieux les compétences de chacun », relève le colonel Louis.
Surtout, Grand Duc constituait un premier essai grandeur nature pour le CAPR, mis en place le 1er janvier 2024 pour succéder au Commandement du renseignement (COM RENS). Organisé autour d’un état-major implanté à Strasbourg, ce nouveau commandement Alpha rassemble le centre de renseignement Terre (CRT) ainsi que trois brigades : la 4e brigade d’aérocombat (4e BAC) et les futures 19e brigade d’artillerie (19e B.ART) et brigade de renseignement et de cyber électronique (BRCE). Ces unités opérant au profit de la division et du corps d’armée, focalisent leur action sur un compartiment profond de 50 à 500 km, tant au sol que dans la 3e dimension. Ce CAPR est commandé par le général de division Guillaume Danès, dont la carrière a démarré au 13e régiment de dragons parachutistes avant de se poursuivre au 2e RH puis à la tête de l’ex-COM RENS.
Derrière l’entraînement et l’évaluation Antarès du PC du GRM, cette édition devait « mettre en synergies toutes ces compétences » qui évoluaient auparavant dans leur couloir de nage et de « tester une nouvelle organisation, de nouvelles procédures pour aller toujours plus vite et être toujours plus efficaces face à ces défis qui prennent une importance beaucoup plus grande par rapport à ce que les armées françaises ont connue ces 15-20 dernières années », résume le commandant du 2e RH. Un séminaire organisé en janvier dernier avec tous les acteurs du CAPR avait débouché sur de premières réflexions communes d’amélioration. Des idées pour la première fois mises en pratique lors de Grand Duc.
Accélérer face à un ennemi à parité
À l’instar de l’ensemble des armées, les unités du CAPR ont définitivement pris le tournant de la « haute intensité », cette volonté de durcissement de la préparation opérationnelle face à l’hypothèse d’un engagement majeur. Essentiel au bon déroulé d’un exercice, le réalisme de l’animation est l’une des spécialités de la major Stéphanie. « On nous demande depuis 2-3 ans de basculer vers la haute intensité », explique cette équipière « recherche au contact » (RAC) du 2e RH rattachée à la section entraînement-exercice du CAPR.
Grand Duc n’y a pas coupé et prolongeait quelques grandes idées d’ORION 2023. C’est ainsi que la milice Tantale aura généré des actions de harcèlement et de sabotage les arrières de la force alliée pour déstabiliser celle-ci et faciliter l’avancée des divisions Mercure. Réalisme oblige, 23 « sources » ont été créées parmi la population arnlandaise, pour moitié réellement jouées. Des joueurs auxquels l’animatrice « fait dire des choses plus ou moins intéressantes à creuser ensuite ». Ces sources, additionnées aux événements conçus de toute pièce, auront atteint un volume inédit. « J’adore faire vivre l’exercice », se réjouit la major Stéphanie. Celle-ci a imaginé un monde artificiel d’associations, de médias, de réseaux sociaux alimentés à l’occasion par la petite force adverse présente sur le terrain. Jusqu’à l’écriture d’un journal quotidien : « Le Roseau », canal d’information exploitable jusque dans ses encarts publicitaires.
Étendue d’Amiens à Belfort, la zone d’action profonde de plus de 400 km se voulait la plus représentative possible des élongations dans lesquelles les unités du CAPR sont appelées à opérer. Des distances sources de challenges, dont celui de l’accélération. « Notre objectif, c’est de réduire la boucle renseignement-feu, le délai entre la détection d’une cible et sa neutralisation quel que soit l’effecteur retenu », relève le général de division Danès. Pourquoi ? « Parce que, face à un ennemi à parité, il faut savoir saisir les opportunités. Nous n’avons pas toujours l’initiative, nous sommes contraints par les combats contrairement aux opérations extérieures conduites ces 20 dernières années ». Ces fenêtres d’action peuvent être très courtes, « d’où cette nécessité d’accélérer ».
Le CAPR a en effet cela d’utile qu’il permet de « faire des choix un peu innovants en matière d’équipements » grâce au dialogue renforcé entre acteurs d’un même monde. Durant Grand Duc, la focale aura surtout porté sur les transmissions. L’acquisition rapide de systèmes disponibles sur le marché et en partie civils est ainsi venu soutenir le concept d’hybridation, cette combinaison de moyens civils et militaires privilégiée pour éviter les ruptures de communication et compenser les éventuelles perturbations adverses.
« Comment j’utilise internet, le réseau GSM, les satellites à orbite basse en complément des satellites et liaisons radios militaires, c’est un sujet que l’on travaille à l’occasion de l’exercice Grand Duc », pointe le général de division Danès. L’armée de Terre a, entre autres, acheté des boîtiers GSM sur lesquels elle intègre un chiffrement « maison » pour pouvoir les relier à ses propres systèmes d’information. « Nous avons mis en oeuvre des passerelles automatiques et intelligentes qui nous permettent de faire basculer une information d’un niveau de classification à l’autre tout en en interdisant la redescente vers le niveau inférieur », confie le colonel Louis. Les transmetteurs auront par ailleurs réussi à pallier à l’absence de liaison 16 sur les cinq hélicoptères du SGAM, facilitant par là le positionnement ami et la coordination dans la 3e dimension.
Résultat parmi d’autres des expérimentations, la patrouille de recherche opérant à Vesoul a pu transmettre ses informations en moins de deux minutes au poste de commandement du GRM installé à Mourmelon-le-Petit. Soit près de 300 km parcourus sans anicroches ni intervention technique. Certes, le processus n’est pas encore instantané, mais « gagner deux minutes, c’est déjà énorme », assure le général de division Danès. Ce petit gain de temps devient effectivement précieux lorsqu’il s’agit d’avoir un impact sur la manoeuvre ennemie. « Nous sommes sur une très bonne voie, car nous réussissons à prendre des décisions de tirs en quelques minutes », constate le colonel Louis. « Le pari de création de ce CAPR incubateur et laboratoire est donc gagné », estime pour sa part le général de division Danès.
Des pistes organisationnelles et matérielles
Face à un ennemi puissant et protéiforme, la réduction des délais de la boucle renseignement-feux n’est pas le seul enjeu. Repenser certains modes d’action, en concevoir de nouveaux et faire évoluer les matériels en sont d’autres. Hormis l’écriture doctrinale, il s’agira par exemple de déterminer quel sera le meilleur « pion multicapteurs » à déployer selon le contexte. Une compagnie de recherche humaine ? Une compagnie de guerre électronique ? Une section, voire une patrouille ? L’intégration de plusieurs capteurs est-elle nécessaire ? Quel est la combinaison offrant le meilleur équilibre en termes d’efficacité et de discrétion ? Bref, où placer les différents curseurs pour obtenir « un renseignement précis, fiable » ?
Laboratoire à ciel ouvert, Grand Duc offrait le terrain idéal pour tester de nouveaux équipements. « Nous avons mis en oeuvre un certain nombre de matériels assez innovants dans le domaine du renseignement électromagnétique», explique le colonel Louis. Des systèmes de guerre électronique qui auront conduit à la capture anticipée d’un chef de la milice Tantale infiltré à proximité du PC du GRM. Un fait inattendu mais sans réelle conséquence pour le travail de la major Stéphanie, car le cadre scénaristique de Grand Duc n’a rien de figé et évolue tout au long de l’exercice. Le conflit russo-ukrainien influence certainement ce travail d’écriture mais « je me sers du monde entier », assure celle qui, à l’heure où nous la rencontrons, planche déjà sur la prochaine action de Tantale : l’attaque d’un aéroport à coup d’engins explosifs improvisés et de drones.
Si la porosité d’un front – ou son absence dans le cas sahélien – facilite l’infiltration, celle-ci se trouve complexifiée lorsque ce front s’avère dense, parsemé de capteurs, de champs de mines, fortifications et autres obstacles présents dans les trois dimensions. La relative stabilité du front russo-ukrainien et les difficultés éprouvées par les belligérants pour le franchir en sont des rappels quotidiens.
Traverser la ligne pour s’enfoncer dans le dispositif adverse, c’était déjà la préoccupation principale de Chamborant quand le général de division Danès était à sa tête, il y a plus d’une décennie. Pour ce dernier, « il y a toujours des moyens de passer, il faut être audacieux » et « chercher les espaces lacunaires, en espérant qu’ils existent ». Quitte à remettre au goût du jour des savoir-faire passés au second plan au cours des dernières décennies afin de « faire très mal, dès ce soir, à un ennemi disposant de capacités équivalentes », indique le colonel Louis. Grâce à Grand Duc, « nous avons pu mettre en oeuvre des savoir-faire spécifiques dans les conditions les plus réelles possibles », poursuit-il. Exemple avec ces VB2L engagés dans une phase de franchissement d’ « un cours d’eau assez profond qui allait contraindre notre manoeuvre », un procédé exceptionnellement joué de nuit.
Le défi est tout aussi prégnant pour les hélicoptères de la 4e BAC, vecteurs de mobilité, de reconnaissance, de destruction d’objectif et d’escorte par excellence mais confrontés aux capacités d’interdiction de l’adversaire. Aux équipages d’à leur tour chercher et exploiter le trou dans la raquette adverse tout en comptant sur leur maîtrise du vol tactique et sur le renouvellement progressif des parcs d’hélicoptères. De là à agir jusqu’à 500 km ? « Nous pourrions, car nous sommes capables de réaliser des FARP [Forward Arming and Refueling Point] pour pouvoir aller plus loin. C’est ce que nous avons fait durant cet exercice », précise le lieutenant François, officier contrôleur de circulation aérienne au sein du 5e RHC. Couramment déployés lors des opérations au Sahel, ces FARP sont autant de points de ravitaillement avancés permettant d’accroître l’élongation des machines, au prix d’une exposition accrue.
Plus encore, la transparence du champ de bataille qu’amène la combinaison de satellites, drones et autres capteurs suppose un risque d’érosion de la discrétion chère au 2e RH. « D’ores et déjà, on voit les Russes comme les Ukrainiens s’adapter à cette situation. On le voyait sur les autres théâtres d’opération aussi, les gens s’enterrent », remarque le général de division Danès. Mais chez les hussards, l’effort relève plutôt du camouflage, à l’instar de cette bâche en aluminium à mémoire de forme« remontée » du 13e RDP et de solutions atténuants le rayonnement infrarouge. Faute de pouvoir traverser, d’autres voies subsistent pour le renseignement d’origine humaine, à l’image des sources disséminées sur les arrières par l’équipe animation de Grand Duc et susceptibles d’être en lien avec les populations situées au-delà du front.
Le retour d’un ennemi à parité pose, enfin, la question de la maîtrise du ciel. Le défi est surtout prégnant pour les hélicoptères de la 4e BAC, vecteurs de mobilité, de reconnaissance, de destruction d’objectif et d’escorte par excellence mais confrontés aux capacités d’interdiction de l’adversaire. Aux équipages d’à leur tour chercher et exploiter le trou dans la raquette adverse tout en comptant sur leur maîtrise du vol tactique et sur le renouvellement progressif des parcs d’hélicoptères. De là à agir jusqu’à 500 km ? « Nous pourrions, car nous sommes capables de réaliser des FARP [Forward Arming and Refueling Point] pour pouvoir aller plus loin. C’est ce que nous avons fait durant cet exercice », précise le lieutenant François, officier contrôleur de circulation aérienne au sein du 5e RHC. Couramment déployés lors des opérations au Sahel, ces FARP sont autant de points de ravitaillement avancés permettant d’accroître l’élongation des machines, au prix d’une exposition accrue.
Surveiller et protéger l’espace aérien, c’est justement la mission principale du lieutenant Philippe. Grand Duc « permet de travailler avec tous les acteurs des brigades de la 3e dimension et, parce que nous sommes plus hauts dans la chaîne de commandement, la qualité d’information est beaucoup plus claire et précise tandis que les interlocuteurs sont moins nombreux », explique ce chef de centre de management de la défense dans la 3e dimension (CMD3D) au sein du 54e régiment d’artillerie. Son compartiment de travail s’étendait sur environ 100 km2, « ce qui est quand même assez conséquent et contient énormément de nouveaux acteurs car c’est la première fois que l’on se déploie avec le GRM du 2e RH », continue-t-il. La manoeuvre exige donc une vigilance de tous les instants. Gagner du muscle et traiter les menaces actuelles et futures demandera à la fois de la multiplicité et de nouvelles technologies. « Nous nous adapterons, et l’armée s’adapte déjà », souligne-t-il. En témoigne le rattrapage engagé sur la défense sol-air grâce à la loi de programmation militaire 2024-2030, un effort qui se traduira notamment par l’arrivée au 54e RA de véhicules Serval de lutte anti-drones (LAD) et de Serval équipés de missiles MISTRAL.
Pari gagné
À quelques jours de la fin de l’exercice, le colonel Louis se disait « plus que satisfait et même fier de ce qui a été réalisé », ce dernier relevant « des résultats remarquables, ne serait-ce que dans le délai de transmission ». Un sentiment partagé par son supérieur, le général de division Danès. « C’est très concluant. La réorganisation autour de ces commandements Alpha, c’est déjà un pari gagnant pour le CAPR ».
Si les premières impressions sont positives, Grand Duc 2024 n’était qu’une étape préliminaire dans un vaste chantier soutenu par une LPM de « transformation ». Son enveloppe de 413 Md€ sur sept ans « apporte pas mal de choses en ce qui concerne le triptyque majeur de la défense sol-air, des feux dans la profondeur et de la guerre électronique ». Derrière les Serval LAD et MISTRAL, le CAPR bénéficiera du renouvellement des lance-roquettes unitaires (LRU), un projet pour lequel « il est bien dans les intentions des armées d’augmenter la portée au-delà des 70-80 km autorisés aujourd’hui pour aller bien au-delà, et pourquoi pas jusqu’à 500 km ».
L’hélicoptère interarmées léger (HIL), le (re)décollage du drone Patroller, les moyens radars intégrés avec l’armée de l’Air et de l’Espace seront d’autre axes d’effort à matérialiser. Sans oublier cet essai à transformer dans le champ de la guerre électronique, car « le conflit ukrainien nous montre bien que c’est un sujet d’importance face à un adversaire à parité ». Qu’importe le domaine, « nous allons essayer de tirer le maximum de la LPM en cours. Et tout ce qu’on aura pas réussi à faire, il faudra, si la situation internationale ne change pas, que ce le soit dans la prochaine », indique le patron du CAPR.
De niveau divisionnaire, le CAPR rassemblera à terme quelque 3000 militaires. Si la 4e BAC a été créée en 2016, les deux autres brigades le seront au 1er août prochain. Le CAPR sera officiellement mis sur pied début septembre, cérémonie suivie de quelques bascules internes d’unités actées le 1er novembre. Les 1er, 61e et 54e régiments d’artillerie rejoindront la 19e B.ART, par exemple. Quelques éléments de commandement seront sensiblement renforcés, notamment au profit de la 4e BAC. Après petite année de transformation, « la réorganisation sera alors terminée », annonce le général de division Danès.
Plusieurs rendez-vous sont déjà au programme. Après l’exercice préfigurateur réalisé le mois dernier, le CAPR contribuera aux exercices des brigades qu’il englobe, à commencer par l’exercice BACCARAT que la 4e BAC conduira à l’automne prochain. Autant de jalons qui mèneront au franchissement d’un nouveau pas, celui d’un exercice de corps d’armée baptisé DIODORE. Attendue pour l’automne 2025, la première édition visera à continuer les travaux engagés sur la coordination 3D et l’accélération de la boucle renseignement-feux. « Quand je vois les résultats de Grand Duc, je sais que nous continuerons à avancer à toute vitesse d’ici-là », se félicite le général de division Danès.
Le 3 mars, en Norvège, l’Otan a donné le coup d’envoi de l’exercice Nordic Response qui, avec 20’000 militaires, 100 aéronefs et une cinquantaine de navires, doit permettre de valider ses nouveaux plans de défense face à la Russie dans le Grand Nord. Il vise à démonter que l’Alliance « a clairement la capacité, la volonté et la force de défendre son territoire et son flanc nord », explique en effet l’état-major des forces norvégiennes.
Étant donné la proximité de la Norvège avec le passage dit « GIUK » [Groenland, Royaume-Uni, Islande], crucial pour les lignes d’approvisionnement entre l’Amérique du Nord et l’Europe, les sous-marins russes sont très actifs dans cette région. Aussi, la lutte anti-sous-marine est l’un des volets de Nordic Response.
Dans le cadre de cet exercice, la Marine nationale a déployé un avion de patrouille maritime Atlantique 2, la frégate multimissions [FREMM] Normandie, le sous-marin nucléaire d’attaque [SNA] « Améthyste » et le chasseur de mines de type tripartite [CMT] Andromède. À noter qu’une section de fusiliers marins du bataillon Destroyat a pris place à bord du navire d’assaut amphibie américain USS Guston Hall.
Si l’on ne connaît pas les modalités exactes de Nordic Response, l’Associated Press a toutefois rapporté qu’un sous-marin allemand de type 212 s’est vu donner le rôle « d’attaquant ». Visiblement, il s’en est très bien acquitté puisqu’il est parvenu à « torpiller » fictivement le porte-avions italien ITS Giuseppe Garibaldi. En revanche, il n’a pas réussi à surprendre la FREMM Normandie, commandée par le capitaine de frégate [CF] Thomas Vuong.
Par souci de réalisme, l’équipage de la frégate française n’avait pas été prévenu de l’attaque que le sous-marin allemand s’apprêtait à lancer. Or, celui-ci, malgré sa discrétion [le Type 212 passe pour être très silencieux…] n’a pas échappé à sa vigilance. « Nous avons repéré son périscope […] puis il a plongé à nouveau », a confié le CF Vuong.
L’hélicoptère embarqué NH-90 Caïman a alors immédiatement décollé afin de localiser précisément le sous-marin de la Deutsche Marine avec son sonar actif basse fréquence FLASH SONICS [Folding Light Acoustic System for Helicopters].
De son côté, la FREMM a également utilisé ses capacités de détection, lesquelles reposent sur un sonar de coque ainsi que sur le système CAPTAS 4, constitué d’un sonar remorqué à immersion variable [VDS] et à très basse fréquence de type UMS-4249 et d’une antenne linéaire munie d’hydrophones.
La combinaison de telles capacités a donc permis de déterminer avec précision la position du sous-marin allemand et… de l’attaquer [fictivement] avec des torpilles MU-90, lancées par la FREMM Normandie.
« La frégate et son hélicoptère ont localisé le sous-marin avec suffisamment de précision pour être sûrs qu’il n’aurait pas survécu si de véritables torpilles avaient été tirées », rapporte l’Associated Press.
Selon le CF Vuong, les sous-mariniers allemands ont une meilleure connaissance des « fjords profonds et étroits » de la Norvège que les marins français. « C’est leur terrain de jeu. Donc ils connaissent les cachettes », a-t-il ajouté.
La lutte anti-sous-marine est sans doute le domaine le plus compliqué du combat naval dans la mesure où elle suppose d’avoir la connaissance la plus fine possible du milieu marin. Celui-ci varie selon plusieurs facteurs, comme la température, la salinité ou encore la topographie du fond des océans, ceux-ci étant constitué de plusieurs couches de masses d’eau dont certaines peuvent être des « cuvettes de non-détection » pour un sous-marin. « Les fjords constituent un environnement particulier, avec un profil de température différent de celui que l’on connaît dans l’Atlantique », a d’ailleurs souligné le « pacha » de la FREMM Normandie.
Après la transformation des premières unités, les véhicules Serval et Jaguar du programme SCORPION seront déployés pour la première fois à l’étranger dans le cadre de l’exercice Steadfast Defender de l’OTAN.
Des 90 000 militaires mobilisés par l’OTAN jusqu’en juin dans l’est de l’Europe, 5500 le seront par l’armée de Terre au cours de sept séquences successives. Complémentaire des déploiements en Estonie (Lynx) et en Roumanie (Aigle), l’implication française dans ce méta-exercice Steadfast Defender engagera également 1000 véhicules majeurs, dont trois des quatre véhicules du programme SCORPION.
Par ces déploiements en cours et à venir, « l’armée de Terre témoigne une nouvelle fois de sa crédibilité et de son implication déterminée au service de la posture défensive et dissuasive de l’OTAN », a rappelé le chef d’état-major de l’armée de Terre (CEMAT), le général Pierre Schill, sur les réseaux sociaux.
Pour le Jaguar, cette première en environnement interalliés interviendra à l’occasion de l’exercice d’entraînement de la défense estonienne Spring Storm 24, conduit du 6 au 24 mai. Un peloton du 1er régiment étranger de cavalerie, premier régiment « transformé » sur le successeur de l’AMX 10RC, y sera engagé aux côtés du sous-groupement tactique interarmes (SGTIA) Lynx, doté de Griffon, et d’une compagnie d’infanterie légère.
Si elle n’est pas reprise sur l’infographie partagée par le CEMAT, la participation du Serval au même exercice avait été évoquée plus tôt par le chef d’état-major des armées, le général Thierry Burkhard, lors d’une visite en Estonie. « Tout au long de l’année 2024, la France déploiera ses capacités de pointe, dont les véhicules blindés de reconnaissance Jaguar et Serval, ainsi qu’une compagnie d’infanterie légère pour contribuer au grand exercice Spring Storm », déclarait-il fin février.
L’armée de Terre a désormais réceptionné plus de 200 Serval sur les 978 attendus au titre du programme SCORPION. Un véhicule avec lequel le 3e régiment de parachutistes d’infanterie de marine (3e RPIMa) vient de franchir le jalon de la PRETS (période de restitution de la transformation SCORPION) et que le 1er régiment de chasseurs parachutistes (1er RCP) est en train de s’approprier, unité qui sera projetée en mai en Hongrie et en Roumanie pour l’exercice Swift Response.
Crédits image : Georges Abou Mrad / Légion étrangère
Étant donné que le ministère des Armées ne publie plus les « chiffres clés » de la Défense depuis deux ans, il n’est plus possible de savoir combien de chasseurs-bombardiers Rafale sont actuellement en dotation au sein de l’armée de l’Air & de l’Espace [AAE].
En juillet 2020, celle-ci disposait de 102 avions de ce type. Seulement, afin de satisfaire les commandes passées par la Grèce [janvier 2021] et la Croatie [novembre 2021], 24 exemplaires doivent être retirés de son inventaire. Cela étant, elle a théoriquement dû recevoir 13 appareils neufs en 2023. Aussi, on peut estimer à 91 le nombre de Rafale actuellement exploités par l’AAE, répartis entre les bases aériennes de Mont-de-Marsan [30e Escadre], de Saint-Dizier [4e Escadre] et d’al-Dhafra, aux Émirats arabes unis [escadron 1/7 Provence].
Quoi qu’il en soit, le 13 février, on n’avait probablement jamais vu autant de Rafale de l’AAE voler ensemble.
En effet, cette semaine, la 30e Escadre de chasse organise un exercice de type SAPHIR [Séquence d’activité et de production de haute intensité et de régénération], lequel vise à optimiser la disponibilité des avions de combat et donc à accroître le volume d’activité de ses différents escadrons pendant une période donnée.
C’est ainsi que, lors du deuxième jour de cet exercice, 21 Rafale [soit un peu plus de 20 % de la flotte de l’AAE] ont pu décoller de la BA de Mont-de-Marsan et voler en formation.
« Nous avons décollé à l’heure prévue avec un nombre d’appareils conséquent puis réalisé la mission planifiée. C’est un vrai succès », s’est félicité le commandant du Régiment de chasse 2/30 « Normandie-Niémen ».
Faire décoller autant d’avions en une seule fois fait évidemment penser aux exercices de type « Elephant Walk », lesquels visent à vérifier l’état de préparation d’une unité et démonter les savoir-faire de ses pilotes et techniciens. Mais là, en l’occurrence, il s’agit d’aller plus loin.
En effet, l’objectif de SAPHIR est de réaliser un total de 180 à 200 sorties aériennes entre les 12 et 16 février. Ce qui suppose, pour la 30e Escadre, d’être en mesure de faire décoller au moins 20 Rafale plusieurs fois par jour.
Un tel exercice ne s’improvise pas. Planifié depuis plusieurs semaines, il nécessite un effort particulier en matière de Maintien en condition opérationnelle [MCO] et donc un dialogue permanent avec les industriels [dont Dassault Aviation et Safran, titulaires respectivement des contrats verticalisés RAVEL et BOLERO].
Il s’agit du troisième exercice de type SAPHIR supervisé par la Brigade aérienne de l’aviation de chasse [BAAC]. Le premier avait concerné les Mirage 2000D de la 3e Escadre de chasse en décembre 2022. Le second s’était déroulé à Luxeuil, avec l’objectif de garantir une disponibilité moyenne de 12 Mirage 2000-5 du groupe de chasse 1/2 Cigognes durant près d’une semaine.
Photo : Armée de l’Air & de l’Espace / 30e Escadre de Chasse