Le premier BRF « Jacques Chevallier » réceptionné par la DGA

Le premier BRF « Jacques Chevallier » réceptionné par la DGA


Lors d’une cérémonie organisée le 18 juillet 2023 à Toulon, son port d’attache, le Jacques Chevallier, premier des quatre bâtiments ravitailleurs de force (BRF) du programme « Flotte Logistique » (FlotLog), a été réceptionné par la Direction générale de l’armement (DGA) pour être livré à la Marine nationale.

Lancé en 2019 et construit à Saint-Nazaire par Naval Group et Chantiers de l’Atlantique, le Jacques Chevallier avait rejoint son port d’attache à Toulon en mars 2023 pour y effectuer une campagne d’essais en mer dédiée au système de ravitaillement à la mer (fourni par Chantiers de l’Atlantique), et au système de combat et de communication (fourni par Naval Group).

Le bâtiment a terminé une première phase d’essais en mer avec succès et rejoint désormais la force d’action navale de la Marine nationale.

L’assemblage final du deuxième BRF, Jacques Stosskopf, va débuter à Saint-Nazaire en début d’année 2024, pour une livraison en 2025.

Dotés d’une plus grande capacité d’emport de fret et de carburant que leurs prédécesseurs, mais également de meilleures capacités tactiques, les BRF sont destinés à remplacer les pétroliers ravitailleurs actuels et soutiendront le groupe aéronaval, articulé autour du porte-avions, et les groupes d’action navals.

Un partenariat industriel européen stratégique au service de la Marine nationale

Le BRF Jacques Chevallier est le premier d’une série de quatre navires du programme FlotLog, dont la commande a été notifiée en janvier 2019 au Groupement Momentané d’Entreprises constitué par Chantiers de l’Atlantique et Naval Group. Le programme FlotLog est piloté par la DGA, en coopération avec l’Italie, dans le cadre d’un contrat porté par l’Organisation conjointe de coopération en matière d’armement (OCCAR)

Naval Group et Chantiers de l’Atlantique conjuguent et démultiplient leurs compétences afin d’offrir le meilleur de chacune des deux sociétés dans la construction de ces nouveaux ravitailleurs. Chantiers de l’Atlantique assure l’ensemble de la conception et de la construction des quatre navires et est responsable de l’intégration et du montage des systèmes embarqués. Naval Group est chargé de concevoir, de développer, d’intégrer et de maintenir opérationnels les systèmes militaires du navire dont le système de combat et les systèmes concourant à la capacité d’accueil des aéronefs et d’embarquement des munitions. Le système de combat des quatre bâtiments permet notamment aux navires de se déployer en autonomie vers leur zone d’opérations, d’assurer la protection contre les menaces rapprochées et de mener la lutte contre les menaces asymétriques.

Caractéristiques techniques :

  • Déplacement à pleine charge : 31 000 tonnes ;
  • Longueur hors tout : 194 m ;
  • Largeur hors tout : 27,60 m ;
  • Logements : 200 personnes, dont 140 membres d’équipage et 60 passagers ;
  • Capacité d’emport de carburant : 13 000 m3 ;
  • Puissance totale installée : 24 MW.

Qui était Jacques Chevallier ?

Né le à Vendôme et mort le dans cette même ville, Jacques Chevallier était un ingénieur militaire du génie maritime et haut fonctionnaire de défense et de sécurité français. Spécialisé dans l’architecture navale et la technologie nucléaire, il a été l’une des figures importantes du développement de la propulsion nucléaire navale en France, avec la conception des moteurs des sous-marins de classe Le Redoutable.

Pendant sa carrière professionnelle, il a exercé successivement les fonctions suivantes :

  • Ingénieur à l’arsenal de Bizerte (1945-47), à l’arsenal de Toulon (1947-51) ;
  • Ingénieur puis chef du service des appareils moteurs à l’établissement des constructions et armes navales d’Indret (1951-59) ;
  • Chef du groupe (puis département) de propulsion nucléaire du commissariat à l’énergie atomique (1959-68) ;
  • Président-directeur général (1969-72) puis administrateur et président d’honneur de la Compagnie centrale d’études industrielles (Cocei) ;
  • Directeur des applications militaires au Commissariat à l’énergie atomique (1972-86) ;
  • Membre du Comité à l’énergie atomique (1986) ;
  • Chargé de mission auprès du ministre de la Défense André Giraud (1986-1988) ;
  • Délégué général pour l’armement (-1988).

Exercice purement fictionnel : Et si le sort de l’Ukraine se jouait sur un futur front à l’ouest ?

Exercice purement fictionnel : Et si le sort de l’Ukraine se jouait sur un futur front à l’ouest ?


 

L’Ukraine tient. L’Occident global ne ménage pas ses efforts pour alimenter Kyiv en argent, en armes, en munitions, en formation, en renseignements et en fournitures énergétiques, médicales et techniques. Si les ports de la mer Noire, et en premier lieu Odessa, permettent aux Ukrainiens d’exporter des matières premières agricoles, grâce à un accord signé sous l’égide de la Turquie, ils ne permettent pas d’importer les armes occidentales. De sorte que tout passe par les frontières avec la Pologne, la Roumanie, la Hongrie ou la Slovaquie, et ce par voie terrestre, route et voie ferrée essentiellement, même si la voie aérienne reste importante. Si le front à l’est est alimenté, il le doit à la liberté de passage à l’ouest. Si la guerre dure, c’est que rien n’entrave pour le moment les chaînes logistiques venant d’Europe.

Depuis le reflux russe d’août 2022, nous avons les yeux rivés sur le Donbass, la Crimée, Kherson et la centrale de Zaporijjia. Les médias se passionnent pour des villages inconnus, pris et repris. Le niveau des eaux du bassin du Dniepr devient l’indicateur de crise. Or il est rare que nous ouvrions la focale pour embrasser du regard la zone de crise dans sa globalité et qui s’étend bien au-delà. L’histoire qui s’écrit chaque jour devant nos yeux stupéfaits a connu un développement médiatiquement spectaculaire les 24 et 25 juin derniers avec, comme résultat pour le moins inattendu, le mouvement de Wagner vers la Biélorussie. Une crise crée toujours des opportunités. Un petit affolement s’en est suivi dans les pays baltes et en Pologne. Des experts militaires, à grand renfort de cartes, ont doctement conjecturé sur les menaces que pourrait faire peser les quelque 8 000 mercenaires sur les frontières des pays de l’Otan limitrophes, mais aussi en direction de Kyiv. L’intérêt pour la Russie de voir les articles 4 et 5 du traité de l’Atlantique nord être mis en œuvre est nul. Quant à prendre Kyiv pour cible, la noix est dure à casser pour quelques milliers d’hommes et cela gâcherait des ressources pour un résultat connu d’avance. En février 2022 l’offensive sur la capitale ukrainienne s’est soldée par une retraite piteuse et des pertes colossales. D’autres rappellent avec justesse que le rêve de Poutine est d’annexer purement et simplement la Biélorussie au sein d’une alliance cosmétique russo-biélorusse. Wagner, véritable loup dans la bergerie, pourrait être l’exécuteur de ces basses œuvres.

Wagner, le U-Boot du Kremlin ?

Il existe cependant une utilisation plus rentable de la présence de Wagner au nord de l’Ukraine, celle de U-Boot terrestres destiné à entraver l’approvisionnement venant de l’ouest, comme les loups gris de Dönitz l’ont fait dans l’Atlantique pour priver le Royaume Uni et l’URSS des équipements, armes, et matières premières vitaux à l’effort de guerre. En s’infiltrant depuis le nord le long des frontières polonaises, slovaques et hongroises vers Kovel, Lutsk, Lviv et Khust, des groupes commandos de Wagner créeraient un climat d’insécurité en sabotant les axes de communication, en s’attaquant au trafic routier et ferroviaire, en abattant avions et hélicoptères à l‘aide de MANPADS. Il s’agirait de ne surtout pas de tenir le terrain, cela demanderait deux cent mille hommes que la Russie n’a pas, mais d’évoluer de manière fluide en se fondant dans le territoire afin d’interrompre momentanément ou plus durablement le soutien matériel vital pour les Ukrainiens. Ces derniers devraient consacrer des ressources importantes pour chasser et détruire ces groupes de combat qui utiliseraient tous les moyens de dé-caractérisation, de clandestinité et de vie sur le pays à la manière des armées du moyen-âge. Autant de précieux soldats et équipements qui feraient défaut sur le front de l’est. Il est essentiel que l’action de ces commandos restent cantonnées à l’intérieur des frontières ukrainiennes pour ne pas s’exposer à des réactions d’acteurs extérieurs au conflit ou supposés tels.

Une telle action ne peut évidemment pas s’inscrire dans la durée. Il s’agit d’impulser un Dirac dans une zone de tranquillité. Aussi devrait-elle être soigneusement préparée, en particulier les phases infiltration et soutien, et lancée à un moment critique des évènements militaires à l’est pour obtenir un effet de bascule ou du moins d’inflexion. On a jusqu’à aujourd’hui considéré que le cordon ombilical qui maintient en vie l’Ukraine était hors de portée des actions russes, sauf tirs de missiles de croisière sur quelques cibles d’importance comme les camps d’entraînement de l’Otan au début de la guerre. Créer un climat d’insécurité sur les flux d’approvisionnement, à la manière des partisans de la seconde guerre mondiale, est de nature à bouleverser le déroulement de la guerre. Le temps est du côté russe alors que l’Ukraine et ses soutiens sont pressés.

Le brodequin de marche (aka la rangers modèle 1952) marche mais ne crève pas

Le brodequin de marche (aka la rangers modèle 1952) marche mais ne crève pas

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par Philippe Chapleau – Lignes de défense – publié le 8 mai 2023

https://lignesdedefense.blogs.ouest-france.fr/


L’armée de Terre française va acheter, sur 4 ans, entre 22 000 et 150 000 brodequins de marche à jambières attenantes en cuir noir. Ces brodequins étaient au début des années 2010 produits en Tunisie et en Slovénie pour le compte de fournisseurs français (dont Argueyrolles). Ils ont aussi été fabriqués en Turquie…

Un extrait de la notice technique pour celles et ceux qui ne se souviendraient pas de la célèbre rangers:

brodequins.jpg

 

Ces brodequins (les fameuses rangers d’avant les chaussures de Combat Centre Europe d’abord fournies par Haix) sont désormais utilisés lors des défilés et autres prises d’armes en particulier avec la tenue T32. 

La valeur estimée hors TVA  est de 7 045 280 euros.

Le général Schill précise la nouvelle organisation des brigades interarmes de l’armée de Terre

Le général Schill précise la nouvelle organisation des brigades interarmes de l’armée de Terre

https://www.opex360.com/2023/05/05/le-general-schill-precise-la-nouvelle-organisation-des-brigades-interarmes-de-larmee-de-terre/


 

Cependant, lors de son passage devant les députés de la commission de la Défense, le général Pierre Schill, chef d’état-major de l’armée de Terre [CEMAT], a donné une autre justification au report des livraisons de 1200 blindés [Griffon, Jaguar, Serval et autres Leclerc portés au standard XLR].

« Pour ce qui concerne […] le programme SCORPION, les cibles ne sont pas réduites et notre objectif à terminaison reste d’atteindre les volumes précédemment définis. L’atteinte de ces cibles est néanmoins reportée au-delà de 2030. Nous devions faire un choix et je l’assume totalement, même si dans un monde idéal, j’aurais évidemment souhaité à la fois maintenir le rythme prévu et acquérir des capacités supplémentaires qui n’étaient pas prévus que nous avons pu financer », a d’abord expliqué le général Schill.

« J’ai proposé moi-même que les munitions téléopérées, les charges actives cyber, certains blindés destinés à notre défense sol-air, l’accélération de la lutte antidrones et les unités de robots soient financées en contrepartie d’un lissage du programme SCORPION », a-t-il ensuite affirmé.

Plus précisément, ces nouvelles capacités réclamées par le CEMAT se traduiront par la livraison de munitions téléopérées, de 24 Serval équipés d’une tourelle MISTRAL [missile transportable anti-aérien léger] et de 12 Serval de lutte anti-drone qui viendront complérer 12 Véhicules de l’avant blindé [VAB] de type ARLAD. Il est aussi question d’acquérir de nouveaux radars de détection afin de « maitriser l’espace et les menaces aériennes au-dessus des forces terrestres ».

Plus généralement, l’armée de Terre va de nouveau se « transformer », selon le plan « Une armée de Terre de combat« , que le général Schill a succinctement évoqué sur les réseaux sociaux. Et, lors de son audition, il a livré quelques éléments supplémentaires.

« Ma priorité portera sur le commandement : en veillant à ce que chaque échelon soit à sa bonne place, en donnant de l’autonomie, en réintroduisant de la subsidiarité, c’est-à-dire en tendant vers le respect du triptyque ‘une mission, un chef, des moyens’ pour mieux fonctionner. La maîtrise du risque, l’obligation de résultat et le succès de la mission sont la contrepartie à la subsidiarité », a-t-uil fait valoir.

Ainsi, le commandement des forces terrestres [CFT] va être réorganisé, en vue d’obtenur un « gain de cohérence », ce qui passera, a détaillé le CEMAT, par un « poste de commandement de niveau corps – le CRR-FR – et deux PC de division, chaque division possédant en propre son bataillon de commandement et de quartier général, en mesure de préparer le combat et le diriger ».

En outre, a-t-il poursuivi, il y aura « trois commandements pour apporter aux divisions les capacités nécessaires dans les domaines du renseignement, des opérations dans la profondeur, des actions spéciales, de l’hybridité, du cyber, des appuis et de la logistique ». Et le tout reposera sur « des brigades interarmes et spécialisées, plus autonomes ».

Parmi celle-ci, les régiments d’infanterie verront leur format réduit… mais leurs capacités seront « significativement renforcées […] dans tous les champs », a indiqué le général Schill. Ainsi, et comme l’a déjà suggéré M. Lecornu lors de ses récents déplacements, ils compteront une section de mortiers de 120 mm ainsi qu’une section « d’attaque électronique » [et non pas « d’appui électronique]. En outre, ils disposeront d’unités dotés de « munitions téléopérées, de robots terrestres » et de « capacités anti-char » renforcées.

« Bien sûr, les Griffon et les Serval continueront à remplacer les véhicules d’ancienne génération. Demain, la transition de la [Peugeot] ‘205’ à la voiture connectée sera achevée. Cela fait plus de 40 ans que les VAB équipent nos régiments d’infanterie, les GRIFFON et SERVAL arrivent et sont dès à présent déployés en Roumanie et en Estonie », a assuré le CEMAT.

Quant aux régiments de l’Arme Blindée Cavalerie [ABC], leurs « capacités d’agression » seront renforcées, avec, là aussi, des munitions téléopérées. Il en ira de même pour leurs moyens de renseignement [drones, radars]. Enfin, ils diposeront eux aussi e nouvelles unités dédiées à la guerre électronique et/ou au renseignement technique. « Une majeure partie de nos chars Leclerc [160 sur 200, ndlr] sera rénovée autour d’une pérennisation de leur motorisation, d’une meilleure protection, d’une connectivité modernisée et de nouveaux viseurs », a promis le général Schill.

Par ailleurs, l’artillerie pourra remplacer ses 13 LRU [dont au moins deux ont été cédés à l’Ukraine] par autant de lanceurs de nouvelle génération d’ici 2030. Cette dotation pourrait doubler en 2035. Mais, d’après le CEMAT, chacun de ses régiments disposera de 16 CAESAr NG [Camions équipés d’un système d’artillerie de nouvelle génération], de 8 motiers embarqués sur Griffon pour l’appui au contact [MEPAC] et de munitions téléopérées de type LARINAE à l’horizon 2028. Et sans oublier de « nouveaux moyens d’acquisition et de renseignement avec une quinzaine de véhicules d’observation artillerie, des radars de surveillance terrestre, et des drones SDT-L complémentaires aux SMDR [Système de mini-drones de renseignement] déjà livrés et au SDT du 61e régiment d’artillerie ».

Le SDT-L [Système de drones tactiques légers] ne figure pas dans le projet de LPM 2024-30. Cependant, la Direction générale de l’armement [DGA] a émis une demande d’information [RFI] pour un drone à décollage vertical [si possible] de moins de 150 kg et d’une autonomie de 14 heures et capable d’assurer des missions de renseignement image et électronique, voire de désignation laser.

Enfin, le Génie va être réorganisé, tout en bénéficiant d’un renforcement de ses effectifs. Cela « lui permettra de recréer des unités disparues spécialisées dans le minage, le contre-minage et le franchissement » ainsi que « de densifier des capacités échantillonnaires aujourd’hui comme l’ouverture d’itinéraire, le franchissement fluvial », a expliqué le général Schill. Et d’ajouter : « En plus des premiers engins du combat du génie et des 8 premières portières de franchissement SYFRALL, l’arrivée des GRIFFON et SERVAL Génie assurera la mise sous blindage des unités de combat du génie ».

L’objectif de cette réorganisation est « d’accroître l’autonomie » des brigades interarmes, composées pour la plupart de trois régiments d’infanterie, deux de cavalerie, d’un d’artillerie et d’un du génie, en vue de « déployer une unité de combat opérationnelle sur le terrain ». Et cela selon trois axes.

Le premier portera sur le « ciblage tactique », grâce à la mise en réseau des moyens de renseignement » [grâce aux drones et aux radars] ainsi qu’aux capacités d’action afin d’établir « une chaîne de frappe efficace ». Le second se contrera sur l’hybridité, avec « pour objectif de progresser dans l’action spéciale terrestre, l’influence, le partenariat et les actions de déception, pour fournir aux divisions ou aux corps d’armée déployés des capacités accrues et plus cohérentes dans ce domaine ».

Enfin, a expliqué le CEMAT, le troisième axe concernera la logistique « au sens large ». Et c’est une leçon rappelée par la guerre en Ukraine. « Il faut sortir de l’idée que ‘la logistique suivra’ » et il est « primordial que notre capacité d’autonomie et de soutien logistique monte en gamme pour construire une véritable manœuvre », a-t-il soutenu.

Le Commissariat des armées développe de nouveaux matériels de campagne pour les forces en opération

Le Commissariat des armées développe de nouveaux matériels de campagne pour les forces en opération

 

https://www.opex360.com/2023/04/30/le-commissariat-des-armees-developpe-de-nouveaux-materiels-de-campagne-pour-les-forces-en-operation/


 

« Le campement de Constanta a été construit à la hâte. Sur un champ, quatre tentes kaki en guise de poste de commandement. Un peu plus loin, les soldats belges et français sont abrités dans de grandes tentes blanches. Il y fait étouffant à l’intérieur et les lits de camps sont collés les uns aux autres. Les soldats utilisent des filets de camouflage comme séparateurs de ‘pièces’ [afin] d’avoir […] un peu d’intimité », avait ainsi décrit le quotidien Het Laatste Nieuws , en mars 2022.

Depuis, et afin d’accueillir un millier de soldats dans de bonnes conditions, un camp militaire a été construit à Cincu – et dans un temps record – par les les sapeurs des 19e et 31e Régiment du Génie, avec le renfort de leurs homologues roumains, belges et néerlandais. « Au total, plus de 6 hectares à flanc de colline ont été aménagés au profit des combattants de la mission Aigle, nécessitant 120’000 tonnes de matériaux. Une opération réussie, grâce à la bonne complémentarité du génie militaire et du service d’infrastructure de la défense », a ainsi fait valoir l’armée de Terre, au moment de son inauguration, en novembre dernier.

Cependant, et alors que les opérations françaises ont souvent été menées dans de pays chauds au cours de ces derniers années [même si l’Afghanistan connaît des hivers rigoureux…], cette ouverture de théâtre en Roumanie a donné à un retour d’expérience [RETEX], qui s’est traduit par une nouvelle feuille de route donnée au Service du Commissariat des Armées [SCA], celui-ci étant chargé de faire évoluer le soutien des forces dans trois domaines, à savoir l’équipement, l’alimentation « opérationnelle » [les besoins alimentaires n’étant pas les mêmes selon les milieux] et le matériel de campagne.

« Aujourd’hui, le point de départ de l’innovation est le besoin exprimé par les armées. Pendant longtemps, nous étions […] plutôt centrés sur les théâtres d’opération en zones chaudes. L’actualité nous a réorientés vers le flanc Est de l’Europe, ce qui nécessite une réévaluation constante et une adaptation du paquetage, tout en prenant en compte les évolutions technologiques », a résumé le commissaire général de deuxième classe [CRG2] Éric Neumann, le directeur du Centre interarmées du soutien équipements du Commissariat [CIEC], dans les pages du magazine « Soutenir ».

Ainsi, le paquetage a été revu et complété par de nouveaux effets « zone froide », censés protéger le combattant quand le thermomètre indique -21°c. Plus généralement, il s’agit de lui fournir « tous les effets » devant lui permettre « d’affronter tout type de météo dans n’importe quelle zone géographique et/ou relief ». Et cela peut se jouer sur des détails, comme la dotation de sur-bottes afin de facilter les déplacements dans la boue.

En tout cas, dès cette année, les militaires de l’armée de Terre pourront remiser au placard leur veste polaire, jugée trop lourde et trop encombrante, celle-ci devant être remplacée par une « veste thermique polyvalente » [VTP], dont 40’000 ont été commandées.

D’autres effets, encore en cours de « développement », comme les chaussures « grand froid », les sous-vêtements, les mouffles et les tours de cou, seront intégrés au paquetage commun. « Cette spécificité du vêtement ‘froid’ devient un enjeu majeur pour nos armées. La division ‘habillement » du CIEC opère une bascule stratégique de ses marchés ‘habillement’ afin de répondre au plus vite aux nouveaux besoins », explique un sous-officier du bureau « effets de combat ».

Outre le paquetage, les matériels « projetés » vont aussi évoluer. L’idée est de gagner en réactivité afin de fournir un « soutien de proximité » dès l’ouverture d’un théâtre. « Aujourd’hui, l’armée de Terre souhaite que l’on développe un nouveau concept d’emploi et une nouvelle gamme de produits pour être au plus près des forces. L’action militaire sera de plus en plus intense et le temps de repos de plus en plus court. Le soutien doit donc se rapprocher des forces », explique le commissaire en chef de première classe [CRC1] « Alexandre ».

Là, il s’agit de mettre au point des matériels à la fois « plus mobiles » afin d’accélérer leur déploiement. Ce sera ainsi le cas de la « cuisine de campagne », qui devra être opérationnelle dès l’arrivée des forces dans la zone d’opération, l’objectif étant de limiter – si ce n’est d’éviter – la consommation de rations de combat durant les premiers jours. Un prototype devrait être prêt dès cette année. Et en fonction du résultats des essais, un marché pourrait être notifié en 2027/28.

Les tentes vont aussi évoluer afin de tenir compte des conditions climatiques froides. « Un adaptation est en cours, afin d’y inclure une ‘surcouche’ », précise Soutenir. D’une surface de 54 mètres carrés, la nouvelle tente de campagne aura ainsi une isolation renforcée et permettra d’abriter huit combattants [chacun ayant une chambre individuelle]. Elle pourra être montée en 10 minutes.

Quant l’alimentation [et outre la cuisine de campagne], le CIEC travaille à l’amélioration des rations de combat individuelle, notamment celles qui sont lyophilisées, qui permettent de réduire le poids du paquetage tout en ayant les mêmes caractéristiques nutritionelles que les « rasquettes » classiques.

Cela étant, un nouveau concept de restauration en opération est en cours de développement : celui de la ration collective [ou de groupe], qui doit permettre de nourrir 32 combattants pendant une journée [soit trois repas, avec le choix entre deux menus pour chacun d’entre eux. « Nous partons du principe que l’intérêt premier du militaire est la variété. La sécurité alimentaire est certes essentielle, mais la variété alimentaire et la convivialité le sont tout autant, voire même davantage, pour le moral de nos forces », a justifié le CRG2 Neumann.

Ces rations de groupe sont actuellement en phase d’expérimentation. Et les premiers retours sont positifs. Seulement, étant donné leur « poids logistique », elles ne seront pas forcément adaptées à toutes les missions.

L’externalisation des fonctions de soutien de l’armée : une tendance qui questionne sur notre indépendance stratégique à long terme

L’externalisation des fonctions de soutien de l’armée : une tendance qui questionne sur notre indépendance stratégique à long terme


Les entreprises de service de sécurité et de défense (ESSD), auparavant nommées sociétés militaires privées (SMP), connaissent une importance croissante dans la conduite des opérations militaires, notamment dans les fonctions de soutien et de logistique. Cette externalisation touche des fonctions de plus en plus nombreuses et stratégiques pour faire face à la pression budgétaire et aux crises qui s’enchaînent.

L’intensification de la coopération public-privé, dans le secteur de la défense, accélère la mutation dans les armées, et cela, depuis plusieurs décennies. La volonté d’une chaîne logistique souveraine, et potentiellement publique, se heurte à trois problèmes majeurs : la baisse des budgets de défense depuis la fin de la guerre froide, le déficit capacitaire de l’armée, dans le domaine logistique notamment, ainsi qu’une logique économique avec la concentration des moyens sur les fonctions jugées les plus stratégiques et la création de champions nationaux privés.

 

L’accélération de la baisse du budget de défense depuis la fin de la guerre froide

Avec l’effondrement du bloc communiste en 1991, les armées occidentales perdent leur adversaire idéologique et la principale menace d’une réelle confrontation de haute intensité à la fin du vingtième siècle. Ce choc exogène, couplé à la tendance néo-libérale anglo-saxonne de réduction du rôle de l’État et de ses dépenses au profit du secteur privé, accentue la diminution du budget de la défense en occident. En France, à partir de 1981, la chute de la part du budget de l’État consacrée à la défense est constante, particulièrement après l’échec du plan Mauroy (1981). Ce plan de relance, d’inspiration keynésienne, est initié par le gouvernement Mauroy à la suite de la victoire de François Mitterrand aux élections présidentielles avec pour effet de vider les caisses de l’État, par ailleurs déjà durement affectées par les chocs pétroliers (1973-1979). L’État français cherche alors à faire des économies et compte encaisser les dividendes de la paix en réduisant la part de la défense dans le budget de l’État tout en profitant de l’augmentation du commerce mondiale. Depuis 1980, cette diminution atteint près de cinq points de pourcentage du PIB, le budget de la défense n’est vu par les politiciens que comme une variable d’ajustement du budget général.

En outre, la politisation de l’allocation du budget de la défense par une opposition des dépenses militaires (warfare) avec les dépenses sociales (welfare) s’est amplifiée depuis la fin de la guerre froide. Ce dilemme, nommé « guns vs. butter » dans la littérature anglo-saxonne, n’est pas une simple question de clivage idéologique. En France, sur la période 1981-2010, les différents gouvernements ont des chiffres sensiblement identiques avec un taux de variation annuel moyen des dépenses militaires de +0,12 % pour les gouvernements de droite et de +0,17 % pour ceux de gauche. La réelle différence se situe sur les divergences stratégiques et la manière dont cela se traduit dans les arbitrages budgétaires, particulièrement en période d’austérité et d’assèchement des dépenses publiques.

Source : Dépenses militaires françaises, allemandes et britanniques de 1981 à 2021 en pourcentage du PIB – Banque mondiale avec les données du SIPRI. (Graphique 1)

 

Il convient de noter que cette baisse du budget s’est poursuivie malgré l’alternance républicaine avec une réduction régulière des dépenses militaires (voir Graphique 1). La théorie de Francis Fukuyama, d’une victoire absolue et définitive de la démocratie libérale sur les autres modes de gouvernance, influence fortement la pensée occidentale dès 1989 avec la publication de son célèbre article La Fin de l’Histoire ?. Dans son cahier de politique économique n°8 (1994), l’OCDE voit la fin de la guerre froide comme une opportunité pour désarmer le monde et propose de conditionner les aides économiques aux pays en développement à des mesures de réduction de leur budget de la défense, dans le prolongement théorique du dilemme « guns vs. butter ». Ce sentiment d’une victoire totale, couplé à la sécurité apportée par le parapluie américain et la dissuasion nucléaire, précipite une chute historique des budgets alloués aux armées en Europe. En France, la hausse du budget général est corrélée à une baisse des dépenses militaires, tant en volume qu’en valeur (voir Graphique 2). Pour des raisons d’arbitrage, la priorité française n’est donc plus le maintien et le développement d’une armée taillée pour les conflits de haute-intensité.

Source : Mise en perspective du budget général avec celui de la défense – « Défense : exposé d’ensemble et dépenses en capital » par le rapporteur spécial Maurice Blin pour le Sénat en novembre 2001. (Graphique 2)

 

Le déficit capacitaire de l’armée : une conséquence du manque de moyens et une mise en danger de son indépendance stratégique à long terme

La majorité des armées européennes a été préparée pour mener des opérations de faible ou moyenne intensité. Cela s’explique par une double tendance : un contexte de rareté budgétaire après la guerre froide, suivi de nouvelles coupes budgétaires après la crise des subprimes, ainsi que l’usage de l’armée comme force de projection plutôt que comme force allouée à la défense nationale. Cette double tendance pousse les États européens à des réductions majeures au sein des armées tant au niveau des stocks, des équipements que du personnel (Graphique 3).

Source : Effectifs des forces armées françaises sur la période 2006-2018 en équivalent temps complet – Assemblée nationale – Rapport N° 273 sur PLF 2018 – Annexe 14 Budget opérationnel de la défense 2017. (Graphique 3)

 

Dans le cadre d’une armée moderne, il apparaît comme obligatoire de recourir à une part croissante d’externalisation pour de multiples raisons telles que la réduction des budgets ou encore les efforts de modernisation. La réponse à la question de l’externalisation ne se résume plus à une opposition entre libéraux et étatistes, mais à un cas classique de la théorie des firmes : la théorie des coûts de transactions. Cette théorie d’Oliver Williamson que l’on peut vulgariser, dans notre cas, comme le dilemme entre internalisation et externalisation, lui a valu le prix Nobel d’économie en 2009. La priorité doit, alors, être la mise en place d’une stratégie à long terme avec comme effet final recherché l’indépendance stratégique.

Il existe un écart entre les ambitions affichées et les moyens mis à disposition des armées, ce qui se manifeste par des lacunes capacitaires persistantes. Cette impasse budgétaire se traduit par une perte à long terme de certaines capacités, jugées moins stratégiques. La privatisation de la restauration est un exemple éloquent, cette fonction jugée non stratégique est vue comme un moyen d’optimiser l’allocation des budgets alloués à la défense. En France, depuis au moins deux décennies, la restauration est progressivement sous-traitée. En 2015, la Cour des Comptes enjoint l’armée de faire passer le prix moyen d’un repas de 15,6 à 10 euros l’ambition étant une économie de 200 millions d’euros par an. La privatisation semble être la solution idoine, sachant que dans ce même rapport, la Cour des Comptes prête une productivité plus de deux fois supérieure aux agents externes pour des salaires moindres par rapport aux salariés du ministère des Armées. Par ailleurs, l’armée française n’est pas la seule dans cette situation, au contraire, les anglo-saxons sous-traitent en partie auprès des mêmes prestataires. Cependant, si des entreprises françaises, comme Sodexo, s’exportent bien avec des contrats estimés à plusieurs centaines de millions de dollars avec l’US Army, les marchés logistiques sur les théâtres extérieurs font, eux, l’objet d’un protectionnisme accru de la part de nos partenaires. Ainsi, dès juillet 2009, un rapport d’information remis à l’Assemblée Nationale s’alarme de cette situation, et appelle à une montée en puissance des acteurs nationaux sur ces théâtres d’intervention face aux acteurs privés anglo-saxons, dans une logique tant capacitaire qu’économique.

Par ailleurs, certaines fonctions de soutien plus stratégiques sont également touchées par l’externalisation. Le maintien en condition opérationnelle (MCO) des hélicoptères de l’armée de terre française ainsi que de la formation des pilotes est en partie sous-traitée, notamment auprès d’Helidax, filiale du groupe DCI(détenu par l’État français à hauteur de 55,5 %). L’un des objectifs affichés est de faire remonter rapidement le taux de disponibilité des aéronefs qui stagne autour de 44 % entre 2012 et 2017, la MCO n’arrive plus à garantir aux armées une capacité de maintien de ses moyens sur la durée. Le contrat passé en 2019 avec Helidax est un succès de coopération public-privé en France avec le doublement du nombre d’heures de vol entre 2017 et 2020 pour arriver à 5 000, couplé à la chute drastique du coût d’une heure de vol de 3 500 à 1 800 euros.

Pour lutter contre ce terrible constat d’insuffisance de l’appareil public, l’externalisation s’intensifie suivant le modèle anglo-saxon de la performance-based logistics (PBL). Les contrats PBL sont des partenariats public-privé reposant sur des indices de performance mesurables, comme la hausse de la disponibilité pour la MCO. Par ailleurs, le second volet mis en avant est la maîtrise des coûts, financé notamment par le décroissement des effectifs militaires et de ses implications à long terme (formations, pensions, etc.). Ces contrats posent également des problématiques d’intelligence économique et de souveraineté de la chaîne logistique, comme la privatisation de certaines compétences et de la capacité à les mettre en œuvre, ou encore la possible dépendance à des acteurs non-nationaux.

Un rapport du Sénat de 2008, traitant de la structure intégrée de maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques du ministère de la Défense (SIMMAD) souligne la nécessité de maintenir un certain niveau de compétence au sein du ministère des Armées. Ce même constat est remis à l’ordre du jour par le général Burkhard en 2020. Il alerte à propos de l’externalisation intensive de la MCO car les résultats de la disponibilité des véhicules de l’armée de Terre n’atteignent pas les objectifs fixés avec, entre autre, une perte de 20 points de pourcentage de disponibilité pour les véhicules blindés de combat d’infanterie (VBCI) entre 2016 et 2020, passant ainsi à 11 points sous la cible. À ce titre, le cas du Royaume-Uni est assez évocateur des répercussions d’une externalisation excessive de son armée. La privatisation du MCO des aéronefs y est tellement importante qu’à ce stade, elle est difficilement réversible. Cette perte d’indépendance stratégique est justifiée par un avantage coût à long terme qui reste cependant à prouver puisque les exemples américain, britannique et allemand sont peu concluants à cet égard. En France, si l’externalisation est moins importante, elle occupe tout de même une part croissante dans les budgets : 53 millions en 2017 ; 84 millions en 2018 ; et 110 millions en 2021 (hors transport). Inspirée par « nos mentors anglo-saxons » qui l’ont massivement mis en œuvre depuis les guerres d’Irak et d’Afghanistan, cette tendance produit, sous couvert de modernisation et de rationalisation des effectifs militaires, un certain nombre de retours en arrière dans l’efficacité des fonctions de soutien et une perte de souveraineté nationale avec une autonomie opérationnelle déclinante.

 

Le facteur coût et la rapidité opérationnelle favorisés au détriment de l’indépendance stratégique à long terme dans une période d’instabilité mondiale grandissante

Dans un contexte d’instabilité mondiale et de préparation à la haute intensité, les États membres de l’OTAN se doivent de multiplier leurs capacités militaires malgré les contraintes budgétaires inhérentes aux crises successives qui ont frappé le monde (Covid-19) et l’Europe plus spécifiquement (énergie). Le recours croissant à des opérateurs privés est une suite logique pour parvenir à la hausse de ces capacités à un coût moindre avec les doctrines otanniennes actuelles. Du fait de ces problématiques, les opérations extérieures (OPEX) sont restées dans un premier temps la chasse gardée du secteur public, mais il y a une externalisation croissante des fonctions de soutien en OPEX, avec le recours progressif à davantage de Contractors Support to Operations (CSO). La doctrine américaine quant à l’utilisation de CSO est claire : tous les théâtres d’opérations majeurs dépendent de leur présence. En parallèle, l’Europe met en place une plateforme européenne des CSO qui devrait se traduire par la fluidification des interactions entre les acteurs économiques privés et les États membres. Cela met en lumière la nécessité d’une montée en compétence, et de la recherche d’une taille critique, de la part des acteurs français pour gagner des contrats à échelle européenne, voire otannienne.

En effet, pour la France également, le recours à l’externalisation pour les fonctions de soutien est essentiel lors des OPEX. Dans le cadre de l’opération Barkhane, l’externalisation représente la moitié du budget, notamment parce que les capacités de l’armée ne suffisent pas en termes d’affrètements intercontinentaux. Sur les 861 millions d’euros dépensés en externalisation sur la période 2014-2017, près de la moitié des fonds (46 %) est utilisée pour les transports intercontinentaux. La doctrine française en la matière tient en cinq points :

  • Maintenir la capacité opérationnelle de l’armée ;

  • Préserver les intérêts du personnel ;

  • Maintenir un milieu concurrentiel sain, notamment avec des PME ;

  • Assurer des gains économiques et budgétaires mesurables à long terme ; et

  • Garantir la sûreté des informations.

Source : Part des différents vecteurs dans le transport stratégique (2016) – Assemblée nationale – Rapport d’information N°4595 relatif au transport stratégique. (Graphique 4)

 

Toutefois, l’armée française a un déficit capacitaire dans plusieurs domaines, particulièrement dans l’affrètement aérien et, par conséquent, une capacité de projection autonome limitée (Graphique 4). De fait, l’externalisation s’impose pour assurer le bon déroulement des opérations et entraîne une application parcellaire de la doctrine française : concurrence et sûreté de l’information remise en question ou encore gains économiques peu évidents. Cela place les armées de l’OTAN dans une situation de dépendance auprès d’acteurs extérieurs (principalement ukrainiens et russes avant l’invasion). Ainsi, lors de crises nécessitant une réaction rapide, l’utilisation de services privés est contrainte et résulte d’un abandon de souveraineté depuis au moins deux décennies. De plus, le recours à l’externalisation n’est pas réversible à court ou moyen terme. Par exemple, dans le cadre des opérations Serval et Barkhane, l’ukrainien Antonov logistics SALIS a été très largement utilisé pour combler les lacunes capacitaires de l’armée française, et non pas pour la recherche d’un avantage-coût comme le stipule la doctrine française. De plus, il est essentiel de souligner la problématique de confidentialité de l’information lorsqu’un acteur économique, de surcroît étranger, gère une partie importante des transports de troupes et de matériels intra-théâtre d’opérations. L’Europe et la France prennent conscience de leurs « dépendances stratégiques » d’après la ministre des Armées. Entre 2012 et 2015, selon les périodes, la France n’a couvert que 7 à 23 % de ses besoins en transport aérien pour ses forces armées par ses capacités propres.

Précurseurs dans les fonctions externalisées, les États-Unis sous-traitent également une partie de leur renseignement extérieur, notamment le renseignement aérien, nommé ISR (Intelligence, Surveillance, and Reconnaissance). En Afrique, l’AFRICOM (U.S. Africa Command) n’atteignant ni ses objectifs en termes de renseignement ni ceux en termes de temps de survol des cibles. Le choix de l’externalisation est entériné, notamment avec l’entreprise américaine MAG Aerospace spécialisée dans l’ISR à l’international, dans des conditions opérationnelles difficiles. Si les résultats de l’externalisation du renseignement sont plus difficiles à évaluer que la MCO, du fait de la nature confidentielle des données, un nouveau contrat signé en 2022 permet de spéculer sur la probable satisfaction de l’US Army. Selon des estimations, 70 % du budget américain en renseignement serait utilisé dans le cadre d’entreprises privées. La diversité des compétences au sein de ces 1900 entreprises est profitable aux États-Unis, mais se pose une fois de plus la question de la dépendance, de la sécurité de l’information et de la frontière acceptable entre servir la nation et servir des intérêts privés. En outre, l’internalisation semble maintenant impossible et les services auraient bien des difficultés à fonctionner sans leurs sous-traitants.

Enfin, pour en revenir à la France, l’externalisation de la défense apparaît comme une tendance lourde et difficilement évitable dans le cadre d’une armée moderne otannienne. 

Il est primordial que la France sorte de certaines dépendances néfastes en créant un cadre juridique et financier propice à l’émergence de champions nationaux. Cela permettra d’appliquer la doctrine française plus efficacement et ainsi de gagner en marge de manœuvre tant opérationnelle que stratégique.

Ivan Richoilley pour le club défense de l’AEGE

Assaut à Zapo

Assaut à Zapo

 

par Michel Goya – La Voie de l’épée – publié le 22 avril 2023

https://lavoiedelepee.blogspot.com/


Ce n’est pas tout d’avoir une force de manœuvre. Il faut s’en servir efficacement. Il ne peut être question pour les Ukrainiens de « corriger » le front comme les Russes, mais bien de percer et de s’emparer d’un objectif lointain : Mélitopol, Berdiansk, Marioupol, Donetsk, Horlivka, Lysychansk-Severodonetsk ou Starobilsk. S’il n’y a pas au moins un de ces objectifs avec un drapeau ukrainien après l’offensive, celle-ci sera considérée comme une victoire mineure en admettant même que les Ukrainiens aient réussi à progresser de manière importante sur le terrain. 

C’est une chose difficile. Deux percées seulement ont été réussies dans cette guerre : à Popasna par les Russes au mois de mai 2022 et surtout dans la province de Kharkiv par les Ukrainiens en septembre. Or les positions des deux côtés, surtout du côté russe, sont actuellement bien plus solides qu’elles ne l’étaient qu’à l’époque.

Concrètement, il y a deux problèmes successifs à résoudre pour les Ukrainiens : s’emparer le plus vite possible des positions retranchées et exploiter cette conquête. Voyons ce que cela représente dans la province de Zaporijjia, la zone d’attaque la plus probable.

En position


Les positions retranchées sont un réseau de points d’appui de sections enterrés ou installés dans des localités, protégés et reliés par des lignes successives de mines, de tranchées et d’obstacles comme les « dents de dragon ». Normalement, si le terrain le permet, ces points d’appui sont organisés en triangle base avant (deux sections devant, une derrière – deux compagnies devant, une derrière, etc.) afin qu’ils puissent s’appuyer mutuellement et appliquer des feux sur ceux qui tentent de franchir les obstacles. À ce stade, mitrailleuses lourdes et mortiers sont les armes principales.

On se trouve loin des densités de lignes des deux guerres mondiales, mais une position retranchée russe peut avoir jusqu’à plusieurs kilomètres de profondeur. Pire, dans certaines zones, comme dans la province de Zaporijjia, on trouve une deuxième position parallèle cinq et à six kilomètres en arrière et des môles défensifs autour des villes. Cette deuxième position est alors occupée par le deuxième échelon des grandes unités en charge de la défense et parfois l’artillerie de division ou de brigade. Plus en arrière encore on trouve les unités de réserve de l’armée et l’artillerie à longue portée. Cette artillerie a évidemment pour double mission en défense de contre-battre l’artillerie ukrainienne et de frapper toute concentration de forces en avant de la première position de défense ou à défaut de placer des barrages d’obus devant elle.
Le « front » de Zaporrijia, au sens de structure de commandement russe, dispose ainsi d’un premier échelon composé d’une « division composite » (régiments DNR, Wagner) près du Dniepr et des 19e et 42e divisions motorisées de la 58e armée jusqu’à la limite administrative de la province. Cette première position s’appuie particulièrement à l’Ouest sur la ville de Vassylivka et les coupures des rivières qui se jettent dans le Dniepr, au centre sur un groupe de villages sur les hauteurs (150 m d’altitude) autour de Solodka Balka et à l’Est sur la ville de Polohy.

La deuxième position, de cinq à dix kilomètres en arrière, est organisée d’abord sur la ligne parallèle au front Dniepr-Mykhaïlivka-Tokmak, puis sur la route qui mène de Tokmak à Polohy. On y trouve deux régiments de Garde nationale, Wagner, la 11e brigade d’assaut aérien (à Tokmak) et peut-être la 22e brigade de Spetsnaz ainsi que la 45e brigade des Forces spéciales, utilisées comme infanterie, ainsi que l’artillerie des divisions et plus en arrière, celle de l’armée. Même si on ne connaît pas bien l’attitude de Wagner, on peut considérer l’ensemble du secteur sous la responsabilité de la 58e armée, qui sur place depuis les premiers jours de la guerre.

Plus en arrière encore, constituant sans doute les réserves du front, on trouve la 36e armée (deux brigades seulement) dans la région de la centrale nucléaire d’Enerhodar, le 68e corps d’armée avec 18e division de mitrailleurs et de la 39e brigade à Mélitopol et enfin la 36e armée (deux brigades) dans le carrefour de routes Verkhnii Tokmak 20 km au sud de Polohy et 30 km à l’est de Tokmak. Et si cela ne suffit pas, les Russes peuvent encore faire appel aux renforts de la 49e et à la 29e armée dans la province de Kherson ou, surtout, de la 8e armée à Donetsk, notamment dans le conglomérat de forces au sud de Vuhledar.

Dans la profondeur


Parvenir jusqu’à Melitopol à 60 km des lignes ukrainiennes demandera l’organisation de l’opération la plus complexe de l’histoire de l’armée ukrainienne
. Elle devra concerner au moins l’équivalent de vingt brigades de combat ou d’artillerie et escadrons aériens organisés en trois forces soutenues par un réseau logistique particulièrement agile.

On qualifiera la première force de « complexe reconnaissance-frappes » (CRF), selon la terminologie soviétique. Elle est constituée d’un ensemble intégré de capteurs et d’effecteurs susceptibles de frapper de manière autonome dans la profondeur du dispositif ennemi. On y retrouve avions et hélicoptères de combat, missiles, drones, brigades d’artillerie à longue portée, forces spéciales et partisans. Le CRF ukrainien existe depuis l’été 2022. Sa mission avant le jour J de l’offensive sera d’affaiblir autant que possible l’ennemi en attaquant ses bases, ses postes de commandement, ses dépôts et flux logistiques, etc. C’est ce qui a été fait avec succès pendant la campagne de Kherson. Sa mission pendant le jour J sera d’interdire et au moins d’entraver tous les mouvements en arrière de la zone de combat principale.

Le CRF a connu un saut qualitatif important ces derniers mois avec la livraison de Mig-29 polonais et slovaques capables de tirer des bombes guidées JDAM-ER (plus de 70km de portée) et de GLSDB (Ground Launched Small Diameter Bomb) des bombes volantes GBU-39 de 270 kg qui peuvent être lancées par les HIMARS à 150 km avec une grande précision. On ne connaît pas en revanche la quantité réelle de munitions, celles-ci comme les plus classiques, alors que les besoins sont très importants. Si le stock de munitions est plutôt réduit, il faudra plutôt les réserver pour le jour J et se contenter de frapper en préalable les cibles repérées de plus haute valeur, avec aussi cette contrainte de frapper un peu partout sur la ligne de front pour ne pas donner d’indices sur la zone d’attaque.

Reste aussi la possibilité d’attaques au sol, de commandos et/ou de partisans en arrière de l’ennemi. La densité de forces russes sur un espace ouvert (peu de grandes conurbations ou de forêts) et la forte pression exercée sur la population (surveillance coercitive, représailles possibles) rendent compliquée la circulation clandestine de combattants et d’équipements. Il est donc également difficile d’organiser des attaques non-suicidaires (les attaques suicidaires sont très simplifiées par l’absence de repli, la partie la plus difficile à organiser). On ne peut exclure certains « coups » mais il ne faut pas s’attendre à une action importante de ce côté, comme pouvaient l’être les offensives de sabotage précédant les grandes opérations de l’armée rouge en 1943-1944. L’intérêt du réseau clandestin est surtout le renseignement.

Dans la boîte


La seconde force, qui n’est pas encore complètement en place, sera chargée de s’emparer des positions de défense. Elle doit être particulièrement dense et surtout constituée de brigades puissantes. Dans le secteur qui nous intéresse ici, face à la 58e armée russe on trouve six brigades ukrainiennes de Kamianske sur le Dniepr à Houliapole au nord de Polohy. C’est sans doute trop peu, mais l’arrivée soudaine de nouvelles brigades serait évidemment suspecte, à moins là encore que des renforcements interviennent aussi simultanément dans d’autres secteurs et notamment face à la province de Louhansk, l’autre secteur d’attaque probable. Huit brigades constitueraient une densité un peu plus appropriée.

Le plus important est que ces brigades soient suffisamment fortes pour avancer chacune de cinq kilomètres en profondeur dans une défense dense et sur une dizaine de kilomètres de large. On notera que sur les six brigades actuellement en place, on trouve deux brigades territoriales et une brigade de garde nationale, par principe destinées à défendre un secteur plutôt qu’à l’attaquer. Elles devraient être remplacées par des brigades de manœuvre, pas forcément parmi celles nouvelles formées, mais peut-être parmi les plus expérimentées et solides à condition de les avoir mis au repos après le retrait du Donbass. À défaut, on peut peut-être utiliser les brigades territoriales et de garde nationale comme masques, en les renforçant considérablement. Dans tous les cas de figure ces brigades d’assaut doivent être à effectif organique à peu près complet, mais également très renforcées afin d’être capables chacune de battre un régiment russe fortifié. Il leur faut absolument un bataillon de génie au lieu d’une compagnie et sans doute un deuxième bataillon d’artillerie ainsi qu’un bataillon d’infanterie mécanisée. Il serait bon afin d’organiser le combat très complexe qui s’annoncent que ces brigades d’assaut soient regroupées et commandées par des états-majors de divisions, ou corps d’armée, face à chacun des trois axes principaux de l’offensive : le long du Dniepr, au centre en direction de Tokmat et contre Polohy.

Le combat de ces brigades d’assaut consistera à combiner l’action de leur artillerie organique et de leur petite flotte de drones avec celle des bataillons d’assaut, mélange de génie pour franchir les obstacles, d’infanterie mécanisée lourdement blindée et équipée d’armes collectives dont peut-être des mortiers, pour protéger, reconnaître et occuper, et de chars servant de canons d’assaut. Chaque bataillon agit normalement dans une boîte de quelques centaines de mètres de large. Le schéma d’action classique y est le suivant :

1 Frappes d’artillerie sur les premières lignes ennemies afin de neutraliser les défenseurs et de détruire quelques obstacles.

2 Report des frappes d’artillerie au-delà de la boîte pour la fermer à toute intrusion ennemie à l’arrière. Pour appuyer les unités d’assaut dans la boîte, on s’appuie alors sur les tirs directs de canons et surtout de mitrailleuses lourdes placés sur les côtés du bataillon d’assaut. Au fur et à mesure de la progression de ce dernier, ces tirs directs s’écartent et finissent par cloisonner la boîte sur les côtés. Les tirs indirects en revanche, mortiers et parfois mitrailleuses en tir courbe, sont permanents devant les troupes d’assaut.

3 Les unités d’assaut avancent, peut-être précédées de drones harceleurs qui renseignent et frappent quelques dizaines ou centaines de mètres devant eux. La progression s’effectue fondamentalement au rythme des sapeurs qui ouvrent des passages dans les mines ou mettent en place des ponts. Les groupes de fantassins, où prédominent les mitrailleuses et les lance-roquettes antichars, protègent les sapeurs en saturant les défenses, et exploitent les petites brèches qu’ils effectuent. Le combat se fait autant que possible en véhicules très blindés et à pied que les véhicules ne peuvent passer.

Une progression de 100 mètres ou plus par heure dans une position fortifiée sera considérée comme fulgurante. Tout dépend en réalité de la valeur de la résistance. Celle-ci peut s’effondrer tout de suite, et les défenseurs s’enfuir comme cela s’est parfois vu lors de l’offensive de Kharkiv ou autour de la tête de pont de Kherson. Mais ils peuvent aussi résister, et s’ils résistent (en clair s’ils peuvent tirer avec des armes collectives sans être neutralisés) la progression est tout de suite beaucoup plus lente. Comme tout cela est un peu aléatoire, il faut s’attendre à la formation d’une ligne discontinue avec aucune avancée à certains endroits et des poches par ailleurs. Tout l’art consiste alors à manœuvrer non plus seulement axialement, mais également latéralement afin de menacer l’arrière des poches ennemies. La menace suffit généralement à les faire céder (à condition qu’ils sachent qu’ils sont menacés) mais cette manœuvre demande énormément de coordination ne serait-ce que pour éviter les tirs fratricides. Tout le combat de positions d’une manière générale demande énormément de compétences tactiques et de solidité au feu, ce qui ne s’acquiert que par l’expérience et un entraînement intensif, notamment sur des positions retranchées reconstituées à l’arrière. Les Ukrainiens disposent-ils de cette masse critique de compétences ? C’est la condition première de la réussite. On progresse ainsi jusqu’à obtenir des brèches dans la première position ennemie et si on a encore assez de forces jusqu’à la conquête de la deuxième position.

En avant


Dès qu’il y a la possibilité de progresser de quelques kilomètres, il faut foncer. C’est là qu’intervient la force d’exploitation, moins puissante que la force d’assaut mais plus mobile. Elle n’est pas nécessairement juste derrière la force d’assaut le jour J mais doit être capable de la rejoindre en quelques heures, comme la 1ère brigade blindée par exemple qui se trouve au nord de Hulvaipole ou les brigades mécanisées proches ou dans la grande ville de Zaporijjia. Il faut compter pour avoir une chance d’obtenir des résultats importants, au moins huit autres brigades, qui viendraient se raccrocher au dernier moment aux trois corps d’armée en ligne.

La mission de la force d’exploitation est de pousser le plus loin possible jusqu’à ne plus pouvoir avancer face à une nouvelle ligne de défense ou rencontrer les réserves ennemies, ce qui donne lieu à des combats dits « de rencontre ». Une première difficulté consiste déjà à franchir la première position ennemie conquise par la force d’assaut. On peut passer à travers cette dernière, mais c’est une manœuvre là encore très délicate ou exploiter un trou dans le dispositif pour « rayonner » ensuite sur tous les axes, avec des forces légères très rapides en tête pour renseigner et des bataillons de reconnaissance pour vaincre les résistances les plus légères. Derrière suivent les bataillons blindés-mécanisés, mélanges systématiques de compagnies de chars et d’infanterie.

Et là c’est la grande incertitude. Les combats aux deux extrémités à Vassylivka et à Polohy peuvent virer au combat urbain, très rapide ou au contraire très lent en fonction de la décision de résister ou non des Russes. Ce sont, surtout le premier, des points clés essentiels qui conditionnent beaucoup la suite des évènements. Les Russes devraient donc essayer de les tenir, mais on a vu dans le passé qu’ils hésitaient devant une défense urbaine qui pourrait se révéler être un piège. On ne sait pas trop qu’elle sera leur attitude. En revanche dans la grande plaine du centre, on peut assister au nord de Tokmak à des combats mobiles entre la force d’exploitation ukrainienne et les brigades russes engagées en contre-attaque, le tout survolé par les drones et les obus guidés. Ce serait une première à cette échelle en Ukraine. On peut miser dans ce cas plutôt sur une victoire des Ukrainiens, plus aptes, semble-t-il, à ce type de combat. Mais les Russes peuvent se contenter aussi de défendre sur une nouvelle ligne en faisant appel à tout leurs renforts. On assistera donc comme dans le cas de l’offensive à Kharkiv en septembre, à une course entre l’avancée ukrainienne et la formation de cette nouvelle ligne de défense.

A moins d’un effondrement de l’armée russe, qu’on pronostique régulièrement mais qui ne vient jamais, cette nouvelle ligne surviendra forcément. Si les Ukrainiens s’emparent de Vassylivka, Tokmat et Polohy, poussent peut-être jusqu’à Enerhodar et sa centrale nucléaire, puis s’arrêtent devant la résistance russe, cela sera considéré comme une victoire, mais loin d’être décisive. S’ils parviennent jusqu’à Mélitopol, ce sera une victoire majeure, mais là encore les Ukrainiens seront encore loin de leur objectif stratégique actuel de reconquête de tous les territoires occupés. Pour avoir un véritable effet stratégique, il faudra monter une nouvelle grande offensive, vers Berdiansk et Marioupol ? Vers la province de Kherson et la limite de la Crimée ? Dans une autre région ? Cela prendra encore beaucoup de temps à organiser, à condition que tout le potentiel offensif et notamment en munitions n’ait pas déjà été consommé. On pourrait cependant atteindre à nouveau les limites du début de la guerre. Comme pendant la guerre de Corée, cela pourrait servir de base à un armistice.

Orion, phase 4: bientôt le coup d’envoi dans l’Est

Orion, phase 4: bientôt le coup d’envoi dans l’Est

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par Philippe Chapleau – Lignes de défense – publié le 13 avril 2023

https://lignesdedefense.blogs.ouest-france.fr


La 4e phase de l’exercice Orion, exercice majeur des forces terrestres et aériennes, se déroulera du 17 avril au 5 mai 2023 en Champagne-Ardenne. C’est une phase de grande ampleur ou une composante terrestre multinationale de niveau divisionnaire s’engagera dans un affrontement aéroterrestre majeur dans les camps militaires et en terrain civil.

 

La zone où se dérouleront les manœuvres en terrain libre s’étend sur six départements( 02, 08, 10, 51, 52, 55) et est délimité au nord par la D977, au sud par l’A50, à l’ouest par l’A26 et à l’est par les départementales 946, 982, 20, 61 et 2.

Ce cadencement n’est qu’à titre informatif… Mais voici le déroulé spécifique tel qu’il est actuellement annoncé :
• 19/04 : poursuite du déploiement et de la préparation de la force, avec un dispositif de surveillance, MERCURE (FORAD) devrait être prêt à relancer son offensive dans l’Est Arnland.
• 19 au 22/04 : prise de contact (entre VEZOUL et TROYES)
• 23 au 27/04 : action de freinage (entre TROYES et REIMS)
• 28 au 30/04 : défense ferme (au nord de l’Aisne, jusqu’à LAON)
• 01/05 au 02/05 : contre-attaque
• 02 au 05/05 : exploitation et sécurisation des zone

Début des opérations, le 17 avril. Toutefois à Suippes (et un peu à Mourmelon), quelque 2000 hommes sont déjà rassemblés, sous la pluie et dans des conditions un peu précaires.

Ces 2 000 soldats sont supposés assurer le soutien des forces engagées (dont les 1500 soldats de la FORAD). Ils sont visiblement à la peine et pâtissent d’un manque de capacités logistiques, selon des participants à cette phase de montée en puissance caractérisée par de mauvaises surprises météorologiques et logistiques.

Un commandement territorial de l’armée de l’Air et de l’Espace va être créé sur la base de Bordeaux-Mérignac

Un commandement territorial de l’armée de l’Air et de l’Espace va être créé sur la base de Bordeaux-Mérignac

 

https://www.opex360.com/2023/03/22/un-commandement-territorial-de-larmee-de-lair-et-de-lespace-va-etre-cree-sur-la-base-de-bordeaux-merignac/


« Cette évolution supprime un échelon hiérarchique, simplifie le dialogue et accélère la prise de décision et les arbitrages par le niveau central », a ainsi récemment justifié le général Vincent Coste, l’actuel « patron » de la BAAC, laquelle devrait bientôt assumer la responsabilité des systèmes de défense sol-air, lesquels relèvent actuellement de la Brigade aérienne du contrôle de l’espace [BACE] et de la Brigade aérienne des systèmes d’armes et de la logistique [BASAL].

Cela étant, son périmètre s’étant réduit avec ces mouvements, le CFA va donc disparaître pour être remplacé par un « Commandement territorial de l’armée de l’Air et de l’Espace » [CTAAE]. Cette réforme se concrétisera en septembre 2023, sur la base aérienne [BA] 106 de Bordeaux-Mérignac.

Pour rappel, le CFA a fait l’objet de plusieurs réformes au cours de ces dernières années. En 2016, il avait ainsi fusionné avec le le Commandement du soutien des forces aériennes [CSFA] à l’occasion de son arrivée sur la BA 106, en provenance de la BA 102 de Dijon Longvic, dont la fermeture était alors programmée.

Quoi qu’il en soit, ce CTAAE sera « une des clés de voûte » qui permettra à l’armée de l’Air et de l’espace de « rester au rendez-vous des opérations », assure le ministère des Armées, via un communiqué diffusé ce 22 mars. Et d’ajouter : « Défense-sécurité, protection défense, appui au fonctionnement des bases aériennes, coordination technico-logistique ou encore rayonnement territorial » relèveront désormais de sa responsabilité.

Ce nouveau commandement s’inscrira dans le « sillon de son prédécesseur en étant étant responsable de la coordination technico-logistique et de l’appui au déploiement », poursuit le ministère des Armées. Et la nouveauté sera que ce CTAAE prendra la « responsabilité opérationnelle sur le champs ‘protection-défense’ et dans « son rôle fondamental d’appui de proximité au profit des bases aériennes, de leurs unités et de leur personnel ».

En outre, le CTAAE se verra confier le « pilotage et la gestion » des missions auxquelles prennent part les aviateurs sur le territoire national, comme Sentinelle et Hephaistos [lutte contre les feux de forêt].

Photo : Pompier de l’Air – La Brigade des Pompiers de l’Air restera sous la tutelle du CTAAE © AAE

Marine nationale : Le premier Bâtiment ravitailleur de forces a mis le cap vers son futur port d’attache

Marine nationale : Le premier Bâtiment ravitailleur de forces a mis le cap vers son futur port d’attache

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En réalité, le départ du BRF « Jacques Chevallier » aurait dû avoir lieu plus tôt, c’est à dire après la première cérémonie des couleurs, au cours de laquelle le pavillon français a été hissé pour la première fois à son bord.

« C’est un jalon important dans la prise en main par la Marine d’un nouveau bâtiment. Elle suit la prise d’armement pour essais [PAE] à l’occasion de laquelle le capitaine de vaisseau Pierre Ginefri a été désigné commandant du premier équipage d’armement en janvier 2023 », avait expliqué la Marine nationale, le 3 mars dernier.

Seulement, le mouvement social contre la réforme des retraites a retardé d’une semaine le départ du navire pour son futur port d’attache.

Quoi qu’il en soit, souligne Naval Group, « le BRF ‘Jacques Chevallier’ a franchi une nouvelle étape en quittant son port constructeur avant sa réception par l’Organisation Conjointe de Coopération en matière d’Armement [OCCAr], pour le compte de la Direction générale de l’armement [DGA], et sa livraison à la Marine nationale à l’été 2023 ».

Le BRF doit arriver à Toulon d’ici la fin du mois de mars. Avant cela, les essais en mer auxquels il sera soumis se concentreront sur son système de ravitaillement à la mer [fourni par les Chantiers de l’Atlantique] ainsi que sur son système de combat et de communication [livré par Naval Group].

« Nous nous félicitons de l’excellent résultat obtenu grâce à la bonne coopération de nos équipes et de celles de nos différents partenaires. Nous allons maintenant poursuivre cette collaboration de qualité jusqu’à la livraison du navire au mois de juillet à Toulon », a commenté Laurent Castaing, le directeur Général des Chantiers de l’Atlantique.

« Le départ du navire pour son port d’attache est un jalon important pour la DGA, la Marine nationale, les Chantiers de l’Atlantique, Naval Group et tous nos partenaires industriels. Nous sommes fiers de faire partie de ce programme européen et restons pleinement engagés à offrir à la DGA et à la Marine nationale les meilleures expertises des secteurs civil et militaire dans la construction des navires de fort tonnage », a fait valoir Olivier de la Bourdonnaye, Directeur Bâtiments de surface de Naval Group.

Pour rappel, le programme FLOTLOG a fait l’objet d’un contrat de 1,7 milliard d’euros, notifié à Naval Group et aux Chantiers de l’Atlantique par le ministère des Armées, via l’OCCAr. Quatre BRF doivent être construits, selon le modèle du LSS [Logistic Support Ship] A5335 Vulcano, du constructeur italien Fincantieri. La construction du second, le « Jacques Stosskopf » doit commencer à Saint-Nazaire d’ici environ un an, alors que la coupe de sa première tôle a été réalisée en février 2022 au chantier naval de Castellammare di Stabia [Italie].

D’une longueur de 194 mètres pour une largeur de 24 mètres et un déplacement de 31’000 tonnes en charge [16’000 tonnes à vide], les BRF auront une capacité d’emport de 1’500 tonnes de fret et de 13’000 m3 de carburants. D’une autonome de 8000 nautiques, ils seront mis en oeuvre par un équipage de 130 marins. Dotés d’une double coque, ils disposent d’une passerelle de navigation à 360°, de quatre mâts de ravitaillement polyvalents permettant le soutien simultané de deux navires et d’une plateforme aéronautique pouvant accueillir un hélicoptère NH-90 ainsi qu’un drone aérien. Leur armement repise sur deux systèmes RAPIDFire de 40 mm, fournis par Thales et Nexter.

Photo : Marine nationale