C’est l’une des autres « repriorisations » issues des arbitrages de la loi de programmation militaire 2024-2030 : seuls 10 des 14 C-130H de l’armée de l’Air et de l’Espace seront finalement modernisés.
Les travaux de programmation conduits en 2021 avaient déjà amputé la cible de deux appareils. Deux autres le cette fois sont en raison des décisions prises dans la LPM 2024-2030, indique un document budgétaire récemment publié. Se pose dès lors la question de l’avenir de ces quatre C-130H car l’un des axes de l’opération de modernisation, piloté par Rockwell Collins France, consiste à mettre la flotte aux dernières normes de navigation civiles (OACI) et militaires. Le cas contraire, les restrictions de vol ne feront que s’accumuler.
Hormis cette mise en conformité, l’opération comprend un second volet axé sur « des améliorations des capacités tactiques au profit des forces spéciales ». Un contrat secondaire a ainsi été notifié à Thales DMS et Sabena Technics BOD pour la rénovation du système d’autoprotection. Selon la documentation budgétaire, seuls huit appareils recevront ce complément capacitaire.
La réduction de voilure vient s’ajouter aux retards. Quatre années séparent l’objectif initial de livraison du premier C-130H modernisé de sa réception par les forces, en mai 2023 et après un nouveau décalage de six mois « d’opérations de maintenance supplémentaires identifiées et traitées lors des opérations de réception de l’appareil». Le second exemplaire n’a pu être livré l’an dernier comme convenu pour des causes similaires.
La prochaine étape relève du Service industriel de l’aéronautique (SIAé), responsable de la modification des huit C-130H suivants grâce aux kits livrés par les industriels. Près de 15 M€ devraient être engagés cette année pour couvrir « la commande de travaux complémentaires d’autoprotection et la mise en chantier de modernisation d’un aéronef de série au SIAé ».
Pour des armées se préparant dans l’hypothèse d’un engagement majeur, il faudra donc faire toujours plus avec un peu moins. Tant les C-130H que les CN-235, également bénéficiaires d’un lifting pour durer « au-delà de 2040 », devront tenir encore deux décennies jusqu’à l’arrivée d’un successeur. Conduit au travers du programme d’ « avion de transport d’assaut du segment médian » (ATASM), l’effort de renouvellement du segment tactique n’a pour l’instant ni ligne budgétaire, ni calendrier précis.
La cible d’avions A400M se retrouve quant à elle réduite à 35 exemplaires à l’horizon 2030 au lieu des 50 attendus, un « socle » avec lequel l’AAE estime être en mesure de conduire « la plupart des missions », indiquait l’an dernier le ministre des Armées, Sébastien Lecornu. Une éclaircie néanmoins au tableau : la réception par l’escadron de transport franco-allemand d’Évreux du dernier des 10 C-130J et KC-130J flambants neufs.
Crédits image : Anthony Jeuland / armée de l’Air et de l’Espace.
En mars 2023, le Centre d’expertise aérienne militaire [CEAM], basé à Mont-de-Marsan, fit savoir qu’il venait de recevoir un premier chasseur-bombardier Rafale porté au standard F4.1 et que l’Escadre de chasse et d’expérimentation 1/30 « Côte d’Argent » allait sans tarder le mettre à l’épreuve.
Puis, à l’issue d’une campagne d’essais menés notamment dans les domaines de la guerre électronique et de l’armement ayant mobilisé les centres d’expertise DGA Essais en vol, DGA Maîtrise de l’Information, DGA Techniques aéronautiques et DGA Essais de missiles, la Direction générale de l’armement [DGA] annonça qu’elle venait de prononcer la qualification de cette nouvelle version du Rafale. Mais celle-ci ne fut adopté par l’armée de l’Air & de l’Espace [AAE] qu’en août.
« Document signé du sous-chef ‘plans – programmes’ de l’AAE, l’adoption est un cadre réglementaire permettant aux forces de faire voler un nouveau standard avion, qualifié au préalable par la DGA, alors que certains équipements doivent encore être expérimentés. Cette décision offre l’opportunité, pour le personnel navigant, de débuter l’entraînement sur les nouvelles fonctionnalités qu’apporte le nouveau standard tout en optimisant l’emploi des ressources», avait alors expliqué le ministère des Armées.
Plus précisément, cette décision constituait un premier jalon vers la mise en service opérationnelle [MSO] du Rafale F4.1. Cependant, il faudra encore patienter pour que celle-ci soit effective.
Pour autant, le 23 février, l’AAE a indiqué que le Rafale F4.1 venait « d’être engagé pour la première fois au profit de la permanence opérationnelle sur la base aérienne 118 de Mont-de-Marsan ».
Et d’ajouter : « Depuis plusieurs mois, ce Rafale nouvelle génération est déjà utilisé par les forces pour les missions d’entraînement. Il a désormais acquis sa pleine capacité opérationnelle [PCO], lui permettant de mener des missions opérationnelles, telles que celle de la Police de ciel ».
Pour rappel, entre autres, le Rafale F4 dispose de « capacités accrues d’échanges » de donnée et d’une meilleure protection contre les menaces « cyber ». Elle prévoit l’intégration du viseur de casque SCORPION [fourni par Thales], d’une conduite de tir améliorée afin d’exploiter au mieux le potentiel du missile air-air Meteor [lequel pourra être « géré » par une autre avion que le tireur], d’un Système de Protection et d’Évitement des Conduites de Tir du RAfale [SPECTRA] amélioré et d’un radar à antenne active [AESA] RBE-2 encore plus performant.
Mais ces nouvelles fonctionnalités seront intégrées au Rafale d’une manière incrementale.
« Sur le plan qualitatif, le standard des livraisons sur la Loi de programmation militaire 2024-2030 sera le Rafale F4 décomposé en trois sous-standards [F4.1, F4.2 et F4.3] », avait expliqué le général Stéphane Mille, lors d’une audition parlementaire. Et de préciser que les « avancées incrémentales seront notamment les suivantes : le viseur de casque, une première brique de connectivité, l’amélioration de la survivabilité, l’intégration d’armements rénovés et l’amélioration de la disponibilité ».
Aussi, la mise en service opérationnelle ne sera prononcée que quand « tous les apports capacitaires et équipements dernier cri associés au standard seront pleinement intégrés », a expliqué l’AAE.
Photo : Prise d’alerte du Rafale F4.1, le 16/02/24, à Mont-de-Marsan – armée de l’Air & de l’Espace
Étant donné que le ministère des Armées ne publie plus les « chiffres clés » de la Défense depuis deux ans, il n’est plus possible de savoir combien de chasseurs-bombardiers Rafale sont actuellement en dotation au sein de l’armée de l’Air & de l’Espace [AAE].
En juillet 2020, celle-ci disposait de 102 avions de ce type. Seulement, afin de satisfaire les commandes passées par la Grèce [janvier 2021] et la Croatie [novembre 2021], 24 exemplaires doivent être retirés de son inventaire. Cela étant, elle a théoriquement dû recevoir 13 appareils neufs en 2023. Aussi, on peut estimer à 91 le nombre de Rafale actuellement exploités par l’AAE, répartis entre les bases aériennes de Mont-de-Marsan [30e Escadre], de Saint-Dizier [4e Escadre] et d’al-Dhafra, aux Émirats arabes unis [escadron 1/7 Provence].
Quoi qu’il en soit, le 13 février, on n’avait probablement jamais vu autant de Rafale de l’AAE voler ensemble.
En effet, cette semaine, la 30e Escadre de chasse organise un exercice de type SAPHIR [Séquence d’activité et de production de haute intensité et de régénération], lequel vise à optimiser la disponibilité des avions de combat et donc à accroître le volume d’activité de ses différents escadrons pendant une période donnée.
C’est ainsi que, lors du deuxième jour de cet exercice, 21 Rafale [soit un peu plus de 20 % de la flotte de l’AAE] ont pu décoller de la BA de Mont-de-Marsan et voler en formation.
« Nous avons décollé à l’heure prévue avec un nombre d’appareils conséquent puis réalisé la mission planifiée. C’est un vrai succès », s’est félicité le commandant du Régiment de chasse 2/30 « Normandie-Niémen ».
Faire décoller autant d’avions en une seule fois fait évidemment penser aux exercices de type « Elephant Walk », lesquels visent à vérifier l’état de préparation d’une unité et démonter les savoir-faire de ses pilotes et techniciens. Mais là, en l’occurrence, il s’agit d’aller plus loin.
En effet, l’objectif de SAPHIR est de réaliser un total de 180 à 200 sorties aériennes entre les 12 et 16 février. Ce qui suppose, pour la 30e Escadre, d’être en mesure de faire décoller au moins 20 Rafale plusieurs fois par jour.
Un tel exercice ne s’improvise pas. Planifié depuis plusieurs semaines, il nécessite un effort particulier en matière de Maintien en condition opérationnelle [MCO] et donc un dialogue permanent avec les industriels [dont Dassault Aviation et Safran, titulaires respectivement des contrats verticalisés RAVEL et BOLERO].
Il s’agit du troisième exercice de type SAPHIR supervisé par la Brigade aérienne de l’aviation de chasse [BAAC]. Le premier avait concerné les Mirage 2000D de la 3e Escadre de chasse en décembre 2022. Le second s’était déroulé à Luxeuil, avec l’objectif de garantir une disponibilité moyenne de 12 Mirage 2000-5 du groupe de chasse 1/2 Cigognes durant près d’une semaine.
Photo : Armée de l’Air & de l’Espace / 30e Escadre de Chasse
Une bonne nouvelle pour l’industrie française de l’armement. Le ministère des Armées a passé commande de 42 avions de combat Rafale supplémentaires, représentant un « investissement de plus de 5 milliards d’euros« , a annoncé ce vendredi 12 janvier le ministre Sébastien Lecornu sur le réseau social X.
Cette commande, prévue de longue date et inscrite dans le budget 2023, porte à 234 le nombre de ces appareils commandés par Paris depuis le lancement du programme. Les livraisons doivent s’étaler entre 2027 et 2032. Dans le détail, le contrat porte sur la commande de 30 appareils pour la « tranche 5 » d’équipement de l’armée française en Rafale, ainsi que 12 avions destinés à remplacer les Rafale de l’armée de l’Air cédés d’occasion en 2021 à la Croatie.
« Première commande majeure financée par la LPM (loi de programmation militaire, ndlr), elle illustre l’excellence industrielle française et contribue à plus de 7 000 emplois dans plus de 400 entreprises en France« , s’est félicité Sébastien Lecornu sur X.
Pour Eric Trappier, le PDG de Dassault Aviation, le Rafale est un instrument de « souveraineté » pour la France. « Cette souveraineté industrielle militaire constitue une exception en Europe. Elle assure la supériorité de notre aviation de combat. Elle est également un atout de rayonnement diplomatique et de puissance économique avec l’export« , estime-t-il, cité dans un communiqué.
Le Rafale est un avion de combat dit multirôles, capable de mener des missions de défense aérienne, de reconnaissance ou de bombardement. Capable, dans sa version Marine, de décoller d’un porte-avions, il est également le vecteur de la dissuasion nucléaire française.
Succès tardif à l’export
Jadis jugé invendable en dehors de la France, l’appareil entré en service en 2004 dans la marine française a connu un succès tardif à l’export. Ces dernières années, l’avion de Dassault a réalisé une percée au Moyen-Orient puisque l’Egypte, les Emirats arabes unis et le Qatar en sont équipés. En octobre dernier, le ministre français des Armées a confirmé « des discussions » en cours avec l’Arabie saoudite.
Sur les 495 avions neufs commandés à ce stade, 261 l’ont été par sept clients étrangers (outre les trois pays du Moyen-Orient, il s’agit de la Grèce, la Croatie, l’Indonésie et l’Inde).
Pour Airbus, la mise au point de l’avion de transport A400 « Atlas » aura été compliquée, en raison notamment de soucis récurrents au niveau du turbopropulseur TP400, fourni par Europrop International, un consortium réunissant MTU Aero Engines, Safran Aircraft Engines, Rolls-Royce et Industria de Turbo Propulsores.
D’abord, les difficultés se concentrèrent au niveau du FADEC [Full Automatic Digital Engine Control], c’est à dire le système informatique chargé du contrôle des turbopropulseurs. Puis en 2016, un problème d’usure prématurée des boîtes relais des réducteurs d’hélices [PGB – Propeller Gear Box] fut constaté, ce qui donna lieu à ce que le général André Lanata, alors chef d’état-major de l’armée de l’Air & de l’Espace [CEMAAE], qualifia de « crise des moteurs ».
« Les moteurs doivent d’abord être révisés au bout de 60 heures et, ensuite, toutes les 20 heures, ce qui représente seulement l’équivalent d’un aller-retour au Moyen-Orient », avait-il déploré lors d’une audition à l’Assemblée nationale. Évidemment, cela affecta la disponibilité des onze A400M que l’AAE possédait à l’époque. « L’industriel s’est engagé à mettre en place une solution intermédiaire d’ici au printemps 2017. Dans cette attente nous sommes contraints de faire des visites régulières et exténuantes pour le personnel mécanicien, du fait du délai de revisites imposé par les instances de certification », avait expliqué le général Lanata.
Qu’en a-t-il été par la suite? Répondre à cette question est compliqué, tous les indicateurs [activité des forces, taux de disponibilité des équipements] ayant été mis sous le boisseau par le ministère des Armées. Et cela ne permet évidemment pas d’évaluer les résultats de la réforme du Maintien en condition opérationnelle Aéronautique [MCO Aéro].
Cependant, quelques informations sont parfois communiquées. Dans les « projets annuels de performance » pour 2022, publiés par le ministère de l’Économie et des Finances, il avait fait état de « difficultés » pour la flotte d’A400M de l’AAE. Mais les soucis de disponibilité de l’aviation de transport militaire étaient surtout dus, selon le document, aux problèmes rencontrés par les C-130H Hercules.
Puis, en janvier 2022, lors d’un point presse du ministère des Armées, la Direction de la maitenance aéronautique [DMAé] fit savoir que la disponibilité de l’A400M avait progressé en 2021, avec 35% d’appareils disponibles contre 27% un an plus tôt.
Plus récemment, lors des auditions parlementaires de l’automne dernier, l’actuel CEMAAE, le général Stéphane Mille, s’était félicité de la hausse de 3% de la disponibilité des avions de combat. En revanche, pour les autres flottes [transport, hélicoptères, drones], « on est sur un plateau, voire une légère baisse », avait-il admis.
À l’occasion des dix ans de service de l’A400M au sein de l’AAE, le général Fabrice Feola, commandant la Brigade aérienne d’assaut et de projection [BAAP], a livré quelques détails lors d’un entretien accordé au trimestriel Planète Aéro [une extension du « Fana de l’Aviation, ndlr]. Et, visiblement, des problèmes de moteurs ont de nouveau affecté la disponibilité des « Atlas » en 2023.
« Nous avons fait face à plusieurs crises, notamment sur les moteurs au début d’année 2023, mais qui sont aujourd’hui derrière nous. Cet avion [l’A400M] ouvre d’immenses perspectives que l’on découvre progressivement. Ses nouvelles capacités obligent également l’armée de l’Air & de l’Espace dans son ensemble à faire un effort d’adaptation qui est essentiel pour bien l’exploiter. À l’instar du Rafale en son temps, l’A400M est un avion de rupture qui demande des efforts d’adaptation, mais qui permet un véritable bond capacitaire », a expliqué le général Feola.
Quant à la motorisation, il n’est pas certain que tous les problèmes soient définitivement réglés. Au début de l’année 2023, « nous avons dû changer beaucoup plus de moteurs que prévu. Le moteur, c’est aujourd’hui le point sur lequel se concentrent certaines problématiques qu’il faut encore traiter sur cet avion», a en effet précisé le commandant de la BAAP. « Il y a sur ce point une maturité collective à acquérir, en partenariat avec l’industriel. Il faut par exemple que l’on exploite au mieux la masse de données que l’on commence à avoir sur l’utilisation des moteurs pour étudier la possibilité de faire évoluer certaines tolérances. C’est certainement une voie d’amélioration », a-t-il ensuite expliqué.
Quant à la disponibilité, elle continue, a priori, de progresser. « Nous bénéficions de 21 avions avec une disponibilité d’environ 50% et qui, globalement, s’améliore», s’est félicité le général Feola. Et cela grâce en partie à la DMAé, qui gère les relations avec l’industrie sur « le plan de la maintenance de niveau industriel comme de l’approvisionnement logistique», a-t-il conclu.
Les autorités portugaises ont annoncé qu’elles se tourneraient vers le F-35 américain pour remplacer leur flotte de chasse équipée aujourd’hui de F-16. Il s’agit du 14ᵉ pays européen à se tourner vers le chasseur furtif de Lockheed-martin, devenu le standard européen de fait sur le vieux continent en matière d’avion de chasse. Comment expliquer ce succès sans précédant américain, et quels en sont, et seront, les conséquences, sur l’avenir de l’industrie aéronautique militaire du vieux continent ?
Sommaire
« La clause de solidarité de l’Otan est l’article 5, pas l’article F-35 ! » C’est en ces termes qu’en 2019, à l’occasion d’une prise de parole au sein de l’Atlantic Council, la ministre des Armées françaises, Florence Parly, avait tenté de ramener l’administration de Donald Trump à de plus justes positions, quant à la pression qu’elle faisait peser sur les européens pour acheter le chasseur furtif de Lockheed-Martin.
À ce moment-là, l’idée dominante, en France, était que le succès du F35 en Europe, s’expliquait d’abord et avant tout par la pression exercée par Washington et l’OTAN sur ses alliés, et ce, au détriment des appareils européens : le Gripen suédois, l’Eurofighter Typhoon européen et le Rafale français.
Quatre années plus tard, alors que la nouvelle administration Biden s’est montrée bien moins insistante pour imposer le chasseur en Europe, force est de constater que la dynamique F-35 est loin de s’estomper. D’ailleurs, après la Grèce il y a quelques mois, puis la Roumanie et la République tchèque il y a quelques semaines, le Portugal vient d’annoncer qu’il se tournerait vers le chasseur de Lockheed-martinpour remplacer ses F-16 vieillissants, devenant ainsi le 14ᵉ pays européens à s’être déclaré en faveur de cet appareil.
Historique du Tsunami F35 en Europe
Depuis les premières commandes européennes de la part des partenaires du programme britanniques, néerlandais, italiens, danois et norvégiens, le chasseur furtif de Lockheed-Martin s’est imposé partout où il avait été proposé, en Europe comme ailleurs.
En Europe, au-delà des commandes de ces 5 premiers pays dès le début des années 2010, ce fut au tour de la Pologne en 2018, puis de la Belgique en 2019, de se tourner vers l’appareil.
En 2021, c’était la Suisse qui tournait le dos au Rafale français, pourtant présenté comme favori par la presse helvétique, pour acquérir le F-35, suivie en 2022 par la Finlande, au plus grand désespoir de la Suède qui espérait construire un puissant partenariat industriel et défensif autour du Gripen E/F avec son voisin dont elle partage bien plus qu’une frontière.
Grèce, Roumanie, République tchèque, Portugal : une déferlante F-35 en 2023
Mais l’année la plus notable, concernant les acquisitions européennes du F-35 américain, sera incontestablement 2023. Après qu’en début d’année, Athènes ait confirmé son intention de commander, dans les années à venir, le F35A pour remplacer une partie de ses F-16, la Roumanie puis la République tchèque firent de même quelques mois plus tard.
Enfin, cette semaine, le Portugal, dernier utilisateur historique du F-16 américain à ne pas avoir franchi le Rubicon, vient d’annoncer sa décision de remplacer prochainement ses chasseurs par le F-35A de Lockheed-Martin.
Les deux tiers des forces aériennes européennes équipées de F35 en 2030
Le fait est, comme évoqué dans un précédent article, il est plus que probable que d’ici à 2030, seules 7 ou 8 forces aériennes des 25 forces aériennes en Europe, ne seront pas équipées du chasseur furtif américain : la France, la Croatie et peut-être la Serbie, qui évolueront sur Rafale ; la Suède et la Hongrie avec une flotte de Gripen ; la Slovaquie, la Slovénie et peut-être la Bulgarie, sur F-16.
Deux inconnues demeurent aujourd’hui sur le sujet. L’Espagne d’une part, même s’il s’agit d’un secret de polichinelle, puisque Madrid n’a d’autres choix que de choisir le F-35B pour remplacer ses Harrier II, et l’Autriche de l’autre, alors que le pays semble ne pas encore avoir arbitré quant à l’avenir de sa flotte de Typhoon Block 1.
Notons aussi que le raz de marée F-35 ne se limite pas à l’Europe. Ainsi, partout ou l’appareil a été autorisé à l’exportation, celui-ci s’est imposé, que ce soit en Australie, au Japon, en Corée du Sud, en Israël, au Canada et à Singapour. Les appareils européens, quant à eux, n’ont pu s’imposer que lorsque le chasseur américain n’était pas proposé, comme en Égypte, dans les pays du Golfe, en Inde, en Indonésie ou au Brésil.
Comment expliquer le succès du F-35 en Europe ?
Ce succès incontestable du chasseur furtif en Europe, n’est pas, en soi, une surprise. Depuis la fin des années 2000, Dassault Aviation répétait à qui voulait l’entendre, que le Lightning II avait été conçu, avant tout, pour tuer l’industrie aéronautique européenne, en la privant de ses marchés, et de prendre la main sur l’autonomie stratégique du vieux continent.
En effet, le chasseur américain avait, dès le départ, tout pour séduire les forces aériennes. D’abord, si ses performances aéronautiques et sa configuration monomoteur étaient incontestablement inférieures à celles des chasseurs européens, l’appareil américain avait des atouts exclusifs.
Il pouvait s’appuyer sur une furtivité avancée, en particulier en secteur frontal, et une chaine de détection, de traitement et de communication, beaucoup plus évoluée que ne l’étaient les appareils du vieux continent au début des années 2010.
L’âge des Eurocanards face à la nouveauté du F-35
Surtout, le F35 est arrivé sur le marché au parfait moment pour remplacer les appareils vieillissants en Europe, et particulièrement les F-16 et F-18 largement répandus auprès des forces aériennes européennes. À l’inverse, qu’il s’agisse du Rafale comme du Gripen ou du Typhoon, tous trois étaient apparus 20 auparavant, alors que beaucoup de forces aériennes européennes étaient au milieu de la durée de vie de leurs flottes de chasse.
En outre, l’appareil américain a été présenté, dès le début de sa commercialisation, avec une visibilité technologique et capacitaire sur plus de 20 ans, permettant aux acquéreurs de se projeter bien au-delà de la configuration initiale qui leur serait effectivement livrée, nonobstant les couts souvent importants de modernisation requis.
La visibilité technologique du F-35 très supérieure à celle des Rafale, Gripen et Eurofighter Typhoon
À l’inverse, qu’il s’agisse du Rafale, du Gripen ou du Typhoon, la visibilité évolutive offerte dépassait rarement plus de dix ans. On peut, à ce titre, se demander quel aurait été le succès du Rafale, si la perspective d’une version F5 et d’un drone de combat Neuron à horizon de 2030, avait été présentée à la Belgique ou la Pologne en 2018/2019 ?
Enfin, au travers du programme Joint Strike Fighter qui rassemblait, dès son lancement, cinq pays européens, l’appareil devenait de fait un premier standard Européen, d’autant que parmi ces cinq pays figuraient déjà deux des concepteurs du Typhoon, la Grande-Bretagne et l’Italie. Difficile, dans ces conditions, de faire valoir la confiance de Londres et de Rome dans le chasseur européen, après s’être soi-même tourné vers le F-35.
Sur ce socle européen fertile, Lockheed-Martin a pu construire une stratégie de conquête particulièrement efficace, d’autant plus que les tensions en Europe devenaient de plus en plus intense, et que toutes les capitales européennes, à quelques exceptions près, semblaient n’avoir d’autre préoccupation que de donner des garanties à l’allié américain pour assurer leur protection.
Un standard européen dangereux pour le SCAF et le GCAP
Reste qu’au-delà de la captation de marché en Europe face au Rafale, au Gripen et au Typhoon, le succès du F-35 en Europe aujourd’hui, va s’avérer un handicap sévère pour le programme SCAF qui rassemble français, allemands, espagnols et belges, et le GCAP britannique, italien et japonais.
Le SCAF/GCAP seront-ils à contre-temps comme les Eurocanards ?
En effet, l’immense majorité des forces aériennes européennes auront été équipées de nouveaux F-35 entre 2020 et 2035, des appareils qui resteront en service jusqu’en 2060, voire 2075. Or, la fenêtre optimale du SCAF du point de vue commercial, s’étendra de 2040 à 2060, c’est-à-dire jusqu’à ce que le successeur du F35 soit proposé outre-atlantique.
De fait, à l’instar des Eurocanards des années 80 et 90, le SCAF, comme le GCAP, arriveront probablement sur un marché en faible demande, hors événement international majeur qui viendrait radicalement bouleverser le tempo technologique militaire actuel. Pire, trois des quatre partenaires du SCAF, et tous les partenaires du GCAP, seront déjà équipés de F35, venant réduire leurs besoins en termes de modernisation des forces aériennes.
Un marché initial très limité pour les 20 premières années de SCAF et GCAP
Ainsi, au mieux, le SCAF pourra compter sur une commande de 200 à 225 NGF par la France, de 150 appareils par l’Allemagne, de 100 chasseurs espagnols et d’une vingtaine d’appareils par la Belgique, soit de 470 à 500 appareils. De même, pour le Tempest, avec 150 appareils pour la Royal Air Force, une centaine pour les forces aériennes italiennes, et autant pour les forces d’autodéfense nippones, ne pourra s’appuyer que sur 350 appareils, au mieux 400.
Le marché adressable hors d’Europe risque de ne pas être d’un grand secours, alors que la majorité des Rafale, Typhoon et Gripen E exportés, ont été livrés à partir de la fin des années 2010, et continueront à l’être jusqu’en 2030, et même au-delà. Ils ne devront être remplacés qu’à compter de 2060, dans le meilleur des cas.
Ces chiffres laissent entrevoir qu’il faudra faire vivre le programme SCAF de 2040 à 2060, sur les seules commandes nationales, et ainsi maintenir les BITD des 4 pays participants, avec une production annuelle n’excédant pas 25 appareils. Lorsque le marché sera prêt pour se renouveler, à partir de 2065, le NGF et le Tempest souffriront probablement des mêmes faiblesses que les Rafale et Typhoon face au F35, à savoir l’image d’un appareil et d’un système de combat relativement daté, qu’il sera plus difficile à valoriser face à un système de combat conçu dans les années 2050.
Repenser le programme SCAF pour recoller au tempo technologique américain ?
On le voit, le décalage commercial et technologique qui a tant handicapé les Eurocanards face au F-35 ces dernières années, risque fort de se retrouver lors de la prochaine génération, avec une industrie US qui continue de donner le tempo principal pour le marché adressable par les acteurs occidentaux.
Notons d’ailleurs que ce décalage n’est pas apparu avec le Rafale, le Typhoon ou le Gripen, face au Lighting 2, mais avec les Mirage 2000, Tornado et, dans une moindre mesure, le JAS 37 Viggen, face aux F-15, F-16 et F-18 américains, dans les années 70 et 80. Ainsi, si en lieu et place du Mirage F1 et du Jaguar, français et britanniques avaient pu aligner le Mirage 2000 et le Tornado face au F-16 et F-18 américains en Europe, il est probable que certains arbitrages auraient été différents.
Quoi qu’il en soit, en maintenant la trajectoire actuelle telle qu’elle a été définie pour les programmes européens, il est presque certain que ce cycle néfaste soit appelé à se renouveler en 2060, avec, à terme, une érosion croissante du marché européen en faveur des appareils américains. Il pourrait même, au final, venir détruire, par coup de rabots successifs, l’ensemble de l’industrie aéronautique militaire européenne.
Transformer SCAF/GCAP en programme de programmes pour recoller au calendrier concurrentiel américain
Il n’est, bien entendu, pas question de reporter ces programmes, les besoins de modernisation des forces aériennes des pays concernés, et le remplacement des Rafale et Eurofighter, étant indiscutable dès 2040. En revanche, il pourrait être pertinent de les concevoir selon le concept de programme de programmes, et non plus, simplement, de système de systèmes.
En procédant ainsi, le NGF, comme le Tempest, ne serait qu’un des programmes d’un super programme bien plus étendu, et plus long, qui prévoirait dès le départ la conception d’autres appareils selon un tuilage technologique performant, de sorte à atteindre les années 2060, avec une offre parfaitement moderne, puisque conçue lors de la précédente décennie.
Les programmes européens deviendraient, dans ce modèle, une organisation industrielle construite pour capitaliser sur les acquis technologiques, mais également sur les acquis en termes de coopération internationale et inter-entreprises, dans une vision à plus long terme visant à effectivement, structurer une offre européenne dynamique, perpétuellement efficace, tant du point de vue opérationnel que depuis la perspective commerciale.
Retours d’expérience et intégration de nouveaux acteurs simplifiés
Par ailleurs, un tel super-programme optimiserait les retours d’expériences des armées mettant en œuvre les équipements produits, aussi bien dans le but de les intégrer dans leurs protocoles de modernisation, mais aussi pour la conception des nouveaux appareils à venir.
Notons enfin qu’en transformant SCAF ou GCAP en programme de programmes, il deviendrait beaucoup plus aisé d’y intégrer de nouveaux acteurs, avec des besoins industriels et opérationnels différents, sans venir handicaper les acquis durement négociés, mais en privilégiant l’émergence d’un véritable standard européen, qui ne serait plus lsous tutelle américaine.
Ce serait évidemment difficile à concevoir, et très certainement complexe à mettre en œuvre. Mais le jeu n’en vaut-il pas la chandelle ?
Version intégrale du 1ᵉʳ décembre en version intégrale jusqu’au 31 décembre 2023
Fabrice Wolf
Ancien pilote de l’aéronautique navale française, Fabrice est l’éditeur et le principal auteur du site Meta-defense.fr. Ses domaines de prédilection sont l’aéronautique militaire, l’économie de défense, la guerre aéronavale et sous-marine, et les Akita inu.
Il y a quelques jours, la ministre belge de la Défense, Ludivine Dedonder, annonçait par un post sur LinkedIn, que l’accord conférant à la Belgique le statut d’observateur au sein du programme SCAF, serait signé dans les semaines à venir.
Surtout, elle précisa que son pays devrait rejoindre le programme qui rassemble déjà l’Allemagne, l’Espagne et la France, de plein droit en juin 2025. Pour l’heure, le rôle exact de Bruxelles et de son industrie aéronautique, au sein du programme, n’a pas été communiqué. Il devra probablement être négocié durant les 18 mois à venir, jusqu’à l’entrée officielle du pays.
Sommaire
L’arrivée de la Belgique dans le programme SCAF ouvre la porte à d’autres pays européens
L’arrivée de Bruxelles dans le programme SCAF ne s’est pas faite sans heurts. Ainsi, Eric Trappier, le PDG de Dassault Aviation, s’était montré pour le moins hostile à l’idée de devoir, à nouveau, morceler le partage industriel qui fut particulièrement difficile à négocier, pour laisser entrer les entreprises aéronautiques belges, d’autant qu’il conserve une certaine amertume quant à la décision de Bruxelles de choisir le F-35A américain plutôt qu’un avion européen pour moderniser ses forces aériennes.
La position du chef d’entreprise français, concernant l’acquisition de l’avion américain par Bruxelles, sera toutefois difficile à conserver, alors que l’Allemagne a déjà commandé deux escadrons de F-35A pour remplacer les Tornado participant à la mission de partage nucléaire de l’OTAN, et que l’Espagne s’apprête à commander 25 F-35B pour remplacer ses Harrier 2, et probablement 25 autres F-35A pour remplacer une partie de ses F-18.
Pour autant, le problème de fond, à savoir un périmètre industriel et technologique fixe, face à un nombre croissant d’acteurs, reste, lui, très présent, d’autant qu’au-delà de la Belgique, d’autres pays européens pourraient, à leur tour, se montrer intéressés à rejoindre le programme.
L’arrivée de Stockholm, et en particulier de Saab, dans le programme SCAF, serait évidemment un atout de taille, du point de vue technologique comme commercial. Toutefois, cela ne pourra pas se faire sans, une nouvelle fois, venir rogner sur les périmètres industriels déjà consentis aux grands acteurs des BITD aéronautiques allemandes, espagnoles et surtout françaises.
Un périmètre trop restreint pour préserver les compétences de l’industrie aéronautique française
Et pour cause ! Dans sa conception actuelle, le SCAF et ses sept piliers technologiques, sont un ensemble bien défini, mais contraint, du point de vue technologique. Ainsi, il n’est pas question de developper d’autres avions de chasse que le Next Generation Fighter, ou NGF, l’avion de combat qui sera au cœur de ce système de combat aérien de 6ᵉ génération.
En d’autres termes, le SCAF est aujourd’hui, du point de vue technologique, un jeu à somme nulle. Et l’arrivée d’un nouvel acteur ne pourra se faire qu’au détriment des acteurs industriels déjà présents, tout du moins du point de vue du développement des compétences technologiques. En effet, du point du chiffre d’affaires direct, il est probable que ce périmètre sera relativement préservé, avec l’augmentation du nombre d’appareils et de systèmes produits en lien avec l’arrivée de nouveaux acteurs.
On comprend, dans ces conditions, l’hostilité mal maitrisée de Dassault Aviation, qui fait ici office de porte-voix de la plupart des acteurs de la BITD aéronautique française, déjà impliquée au sein de la team Rafale, face à l’arrivée de nouveaux acteurs.
Alors que pour les industriels espagnols, et une grande partie des industriels allemands, le programme SCAF permettra une montée en compétence plus que significative, pour les industriels français, qui savent avoir les compétences pour developper seuls un système comme le SCAF, ce partage ne peut se faire qu’au détriment du maintien de compétences et savoir-faire difficilement acquis, et souvent enviés par le monde.
C’est aussi le cas d’Airbus DS, qui dispose de compétences et savoir-faire très étendus dans la conception de cellule et de commandes de vol, et qui a dû se mettre en retrait face à Dassault, dans le cadre du partage industriel. Ce qui fut au cœur des tensions opposant les deux industriels pendant presque deux ans, et ayant amené le programme au bord de l’implosion.
On comprend, dans ces conditions, ce que l’arrivée de nouveaux acteurs dans le programme SCAF, peut avoir de déstabilisant pour ces industriels concentrés sur la préservation et le développement de leurs savoir-faire concurrentiels, plus que dans la dimension politique de l’initiative, en particulier en France, dont la BITD est la plus étendue.
Le Rafale F5 et le Neuron pour assurer l’intérim industriel et commercial
En dépit du tropisme très européen du président français, il semble que les autorités du pays ont entendu, en partie tout du moins, les inquiétudes de leurs industriels. Ainsi, le nouveau standard du Dassault Rafale, désigné F5, présenté à l’occasion des discussions parlementaires autour de la Loi de Programmation Militaire 2024-2030, s’est avéré beaucoup plus ambitieux qu’il ne devait initialement l’être.
Surtout, la conception du Rafale F5, et avec lui du drone de combat Loyal Wingman dérivé du Neuron, va représenter une bouffée d’oxygène plus que bienvenue pour les grands industriels français.
Ceux-ci vont pouvoir developper des systèmes et s’approprier des compétences technologiques dont ils ont été privés dans le cadre du programme SCAF, et ainsi réduire l’écart technologique qui les séparera de certains industriels européens et mondiaux, à la sortie du programme.
Un second programme est nécessaire pour préserver l’autonomie stratégique française
Reste que le programme SCAF continue de représenter, d’un certain point de vue, une menace sur les compétences technologiques des industries aéronautiques de défense française, mais aussi sur la réalité de l’autonomie stratégique du pays.
On notera, à ce titre, que ce dernier point est parfaitement assumé par l’exécutif, le président Macron n’ayant jamais masqué son intention de transférer le concept d’autonomie stratégique d’un échelon national, à celui d’un échelon européen. Cette ambition était d’ailleurs au cœur du lancement des différents programmes franco-allemands annoncés en 2017, dont SCAF était le fer de lance, aux côtés de MGCS, MAWS, CIFS et Tigre III.
On ne peut, toutefois, s’empêcher de constater que l’euphorie de 2017, a depuis cédé la place à de nombreuses inquiétudes et déceptions, y compris avec le partenaire allemand. Ce sont d’ailleurs en grande partie celles-ci qui ont amené le ministère des Armées à concevoir un programme Rafale F5 beaucoup plus ambitieux qu’il ne devait l’être, tant pour préserver les capacités stratégiques et opérationnelles des armées, que celles technologiques des industriels nationaux.
Dans ce contexte, on se doit de s’interroger sur la nécessité, au-delà du Rafale F5 et de SCAF, pour la France, d’envisager la conception d’un second programme aéronautique tuilé vis-à-vis de SCAF, et prenant la suite du Rafale à horizon 2040 ? Sa principale finalité serait de préserver les compétences de la BITD, son marché international ainsi que l’autonomie stratégique française, sur le constat qu’il est encore certainement beaucoup trop tôt pour s’appuyer sur un hypothétique élan vers une autonomie stratégique européenne.
Loin de faire double emploi avec SCAF, ce programme pourrait, au contraire, se concentrer sur la conception d’un système de combat aérien complémentaire à celui-ci, autour d’un avion de combat plus léger et surtout moins onéreux, à la portée des forces aériennes moins fortunées, comme le furent longtemps les Mirage de Dassault Aviation face aux F-4 américains et autres Lighting britanniques.
Enfin, un tel programme pourrait permettre d’accueillir de nouveaux acteurs européens, sans venir menacer le partage industriel autour de SCAF, en particulier la Suède, elle aussi attachée au développement d’un système de combat plus léger et moins onéreux que ne promettent de l’être SCAF ou GCAP.
Conclusion
On le voit, l’érosion des compétences avancées de la BITD aéronautique française, et sa dissolution dans une super BITD européenne, ne sont pas inéluctables, ni même, en réalité, souhaitables dans un avenir proche.
Si un programme comme SCAF peut, en effet, représenter une fondation solide pour y parvenir, il n’est pas raisonnable de parier l’autonomie stratégique française sur une ambition trop optimiste à la vue des enseignements récents, qu’il s’agisse des difficultés rencontrées dans les négociations autour de SCAF et MGCS, de l’abandon possible de MAWS et de CIFS, et des initiatives unilatérales comme European Sky Shield.
Sans revenir en arrière, et préconiser un abandon de SCAF, ce qui résulterait immanquablement en un programme national bien moins ambitieux, il est possible, en étendant l’assiette de SCAF par l’ajout de nouvelles cellules et capacités, ou en développant en parallèle, un second programme, de faire d’une pierre de coup, en accueillant davantage de partenaires européens, sans raboter les partages industriels déjà en tension en son sein.
Reste que, pour y parvenir, il sera nécessaire de revenir sur certains dogmes aux fondements contestables, comme celui de l’avion polyvalent, unique et évolutif qui serait plus économique qu’une flotte moins homogène, comme sur l’obsession sur les grandes séries, censées permettre des économies d’échelle qui sont loin d’être évidentes à l’usage.
Surtout, il parait indispensable de préserver, dans la présente situation sécuritaire, la réalité de l’autonomie stratégique française, sur laquelle le pays peut s’appuyer non seulement pour se protéger, mais également pour protéger ses voisins.
Et de se rappeler que, selon la dernière étude de l’Agence Européenne de Défense, si les budgets d’acquisition des équipements de défense en Europe ont fortement progressé en Europe, ceux-ci ont majoritairement été employés pour acquérir des équipements non européens, alors que dans le même temps, les budgets consacrés à la Recherche et au développement technologique dans ce domaine, ont diminué au sein de l’UE.
De toute évidence, le concept d’autonomie stratégique européenne est encore trop immature pour que la France puisse parier son avenir dessus. Il faut donc préserver les compétences de la BITD française dans son entièreté, y compris en étendant le périmètre du seul programme SCAF.
Version intégrale du 30 novembre en version intégrale jusqu’au 30 décembre 2023
Fabrice Wolf:
Ancien pilote de l’aéronautique navale française, Fabrice est l’éditeur et le principal auteur du site Meta-defense.fr. Ses domaines de prédilection sont l’aéronautique militaire, l’économie de défense, la guerre aéronavale et sous-marine, et les Akita inu.
Un grand concours a été organisé au sein de l’Armée de l’Air et de l’Espace avec comme objectif la création d’un nouveau logo pour les 90 ans de l’AAE. Sur 70 logos, le projet du caporal-chef Matthieu a été sélectionné, alliant histoire et modernité.
De l’Aéronautique militaire à l’AAE
Durant la Première guerre mondiale, l’Aéronautique militaire prend son essor : l’avion est désormais un moyen indispensable sur le champ de bataille moderne. Il permet de reconnaitre les positions ennemies, de les bombarder mais également empêcher les avions ennemis d’effectuer ces missions sur les lignes amies. Cependant, à cette époque, l’Aéronautique militaire fait partie, comme c’est le cas dans de nombreuses forces armées, de l’Armée de terre française. Il faudra attendre le 2 juillet 1934 pour voir la création officielle et définitive d’une nouvelle arme indépendante au sein des Forces armées françaises : l’Armée de l’Air. Son appellation sera légèrement modifiée le 11 septembre 2020, avec l’ajout important du caractère spatial : l’Armée de l’Air et de l’Espace.
Un nouveau logo
Pour fêter les 90 ans de sa création, l’AAE prépare l’année 2024 en grande pompe. Pour cette occasion, elle a organisé un grand concours au sein de son personnel : créer un logo pour les 90 ans. Au total, ce sont près de 70 aviateurs qui ont soumis leur projet. Le choix final s’est porté sur le projet du caporal-chef Matthieu, mécanicien opérateur avionique sur la base aérienne 133 de Nancy-Ochey. Ce dernier expliquait alors :
« J’ai voulu mettre deux machines aux antipodes : un Rafale moderne d’un côté et un biplan de l’autre. Le bleu et le rouge représentent les couleurs du drapeau français et j’ai ajouté les étoiles pour l’espace. Je voulais quelque chose de sobre représentant à la fois la France et l’AAE.«
Un hélicoptère Puma de l’Armée de l’Air et de l’Espace a été transporté depuis Paris vers la Guyane française dans la soute d’un avion de transport A400M de la Composante air belge. Si cela peut paraitre étrange, ce n’est pas la première fois qu’un Puma de l’AAE était transporté en Guyane via un avion de transport étranger. La réponse se trouve dans une coopération européenne des moyens de transport aériens militaires : l’EATC.
Un transport belge vers la Guyane
Le 20 novembre dernier, l’avion de transport A400M CT-04 de la Composante aérienne belge décollait de sa base de Melsbroek (Bruxelles, Belgique). L’appareil s’est alors dirigé sur Paris, et plus précisément, sur la base aérienne 107 de Villacoublay (Paris, France). Après un arrêt de quatre heure, l’avion de transport a redécollé vers les Canaries, avant de filer vers la Guyane français en Amérique du Sud. L’avion belge est utilisé au profit de l’Armée de l’Air et de l’Espace car il transporte un hélicoptère de transport moyen SA.330 Puma de l’AAE, chargé dans l’avion à Villacoublay.
Utilisé au sein de l’escadron d’hélicoptères outre-mer (EHOM 68), cet hélicoptère assure notamment des missions de protection du centre spatial guyanais, de soutien à la lutte contre l’orpaillage illégal ou encore de secours aux populations.
Pourquoi un A400M belge ?
Depuis le 27 novembre 2023, l’Armée de l’Air et de l’Espace détient une flotte de 22 A400M. L’un de ces appareils pouvait être utilisé pour effectuer ce transport mais les besoins de transport aérien des Forces armées françaises ne permettait probablement pas le déploiement d’un Atlas français en Guyane et ce, durant trois jours. Une option existe : le Commandement européen du transport aérien (European Air Transport Command, EATC). Créé en 2010, ce commandement a pour objectif d’augmenter l’efficacité du transport aérien militaire et du ravitaillement en vol. Au total, 7 pays participent à cette initiative européenne, regroupant plus de 150 appareils de transport :
l’Allemagne
la Belgique
l’Espagne
la France
l’Italie
le Luxembourg
les Pays-Bas
En plus des appareils des forces aériennes des pays participants, l’EATC peut aussi utiliser les A330 MRTT de la Multinational MRTT Unit (MMU).
Gagnant-gagnant
Ainsi, lorsqu’un pays émet un besoin, l’EATC peut connaitre les appareils disponibles en fonction des besoins du pays demandeur. Par exemple, en décembre 2018, un avion de transport tactique A400M de la Luftwaffe transportait déjà un autre Puma de l’AAE vers la Guyane française. Cette coopération franco-allemande, via l’EATC, était un véritable pari gagnant pour les deux pays, l’Allemagne devant justement transporter une délégation officielle en Argentine. Inutile de préciser l’utilité de l’EATC lors d’opérations de grande envergure. Le vol d’un avion de transport tactique A400M ou C-130 Hercules chargé de fret en palettes peut alors être optimisé avec une armée d’un État partenaire en ajoutant du fret supplémentaire ou même des personnels sur les sièges. L’idée est la même pour les avions ravitailleurs, avec la possibilité de planifier des ravitaillements alors qu’un ravitailleur était déjà mobilisé mais avec un potentiel d’utilisation faible.
Dernier point tout aussi important de l’EATC : l’évacuation médicale. Ce commandement comprend le Centre de contrôle d’évacuation aéromédicale (Aeromedical Evacuation Control Center). Celui-ci regroupe des médecins et infirmiers de vol qui analysent les demandes d’évacuation de patients afin de sélectionner l’appareil le plus adéquat en fonction de la pathologie de ce dernier. En près de 13 ans d’existence, l’EATC a ainsi transporté par moins de 15.000 patients, issus de 74 pays différents, en ce compris un grand nombre d’évacuation durant la pandémie de COVID et plus récemment, pas moins de 300 patients transportés depuis le début de l’invasion de l’Ukraine.
Si le Rafale F5 pourra s’appuyer sur de nouvelles capacités et performances propres à l’appareil, il bénéficiera également d’un environnement opérationnel, industriel et commercial renouvelé, pour lui donner potentiellement l’ascendant sur les offres concurrentes, et notamment le Lockheed-Martin F-35 Lightning II, à partir de 2030.
Mais la nouvelle version du Rafale, désignée F5, qui doit entrer en service à partir de 2030, pourrait bien profondément changer le rapport de force opérationnel et commercial entre ces deux appareils pour les années et décennies à venir.
Dans la première partie de cet article, nous avons étudié deux critères de cette évolution, la transformation du Rafale en Système de combat aérien avec la version F5 d’une part, et l’arrivée des drones de combat Neuron et Remote Carrier de l’autre, venant gommer les atouts du F-35A tout en exacerbant ceux du chasseur français.
Dans cette seconde partie, nous aborderons 3 autres domaines majeurs venant infléchir ce rapport de force : les nouvelles capacités et les nouvelles munitions du Rafale F5; l’apparition du Club Rafale et l’émergence d’une nouvelle stratégie commerciale et industrielle française, et enfin l’influence de la hausse des couts de possession du F-35 sur les compétions à venir.
3- Les nouvelles capacités et de nouvelles munitions du Rafale F5
Outre les drones eux-mêmes, le Rafale F5 sera doté de nouvelles munitions et de nouvelles capacités, qui lui permettront de combler certaines faiblesses relatives vis-à-vis du F-35. C’est notamment le cas dans le domaine de la suppression des défenses anti-aériennes adverses, à laquelle il est commun de faire référence par l’acronyme SEAD qui, comme nous nous en étions plusieurs fois fait l’écho depuis 2018, représentait un manque important dans la panoplie opérationnelle du Rafale jusqu’ici.
Si la composition de cette capacité dont sera dotée le Rafale F5 n’a pas encore été officiellement présentée, on peut supposer qu’elle reposera sur l’utilisation conjointe de brouilleurs radar venant s’ajouter aux systèmes d’autodéfense de l’appareil, pour lui donner la possibilité d’englober d’autres appareils dans sa bulle de protection, ainsi qu’une ou plusieurs munitions anti-radiations, conçues pour remonter le faisceau radar de l’adversaire pour venir le détruire.
Le Rafale F5 sera également conçu pour mettre en œuvre les nouveaux missiles franco-britanniques FMC (Futur Missile de Croisière) et FMAN (Futur Missile Anti-Navire) qui devront respectivement remplacer les missiles de croisière SCALP/Storm Shadow d’une part, et AM39 Exocet de l’autre.
Ces deux munitions de précision à longue portée, en cours de conception, seront dotées de caractéristiques évoluées, comme la furtivité ou une vitesse hypersonique, pour défier les systèmes de défense anti-aériens modernes comme des systèmes de brouillage et de leurrage, et conféreront à l’appareil des capacités de frappe à longue distance très avancées dans les décennies à venir.
L’appareil se verra également doté d’un pod fusionnant les capacités des nacelles de désignation de cible Talios et de la nacelle de reconnaissance RECO NG en un unique équipement, conférant au chasseur une vision tactique air-sol, air-surface et même air-air d’une grande précision, et ainsi de multiples options opérationnelles tout en restant en mode non-émitif.
Enfin, le Rafale F5 sera conçu pour mettre en œuvre le nouveau missile de croisière hypersonique ASN4G à charge nucléaire, qui doit remplacer l’ASMPA au sein des deux escadrons de l’Armée de l’Air et de l’Espace et des flottilles de la Marine nationale formant la composante aérienne de la dissuasion française. Toutefois, cette capacité, bien que critique pour la défense française, n’aura probablement que très peu d’influence sur le marché international.
D’autres munitions et capacités pourraient être intégrées au Rafale F5 d’ici à 2030. On pense notamment à des munitions air-sol de précision légères comme la BAT-120 LG de Thales, ainsi que des munitions rôdeuses à moyenne portée, d’autant que ces armes légères trouveraient naturellement leur place à bord des drones de combat épaulant l’appareil, y compris des Remote Carrier.
En outre, il bénéficiera de l’arsenal actuel du Rafale F4, à savoir les missiles air-air Meteor et MICA NG, ou encore des bombes planantes propulsées ASSM particulièrement efficaces.
Dès lors, en 2030, le Rafale F5 disposera d’une panoplie opérationnelle globale et très moderne, parfaitement à niveau voire supérieure en certains points de celle proposée par le F-35, privant ce dernier d’un des atouts clés sur lequel il battit son succès commercial.
4- La révolution du Club Rafale
Le Rafale F5 sera donc un système de combat aérien à la fois très moderne, performant et exceptionnellement bien doté pour lever les défis des décennies à venir. Pour autant, le Rafale F3 pouvait se targuer d’avantages comparables vis-à-vis du F-35A lors de nombreuses compétitions récentes, qui pourtant ont toutes tourné en faveur de l’avion américain.
De toute évidence, Dassault Aviation et le Ministère des Armées ont parfaitement pris en compte les causes de ces échecs, et entendent les corriger avec le Rafale F5, en dotant l’appareil d’un discours et d’un environnement commercial conçus pour s’imposer face à l’avion américain.
En premier lieu, il était nécessaire de poser un discours commercial renouvelé face au F-35. Lockheed-Martin a en effet développé une stratégie commerciale extrêmement efficace ces dernières années, en présentant non pas les performances actuelles de l’appareil proposé, mais les performances et capacités à venir.
Et même si le calendrier et les capacités promises ont été, de toute évidence, bien trop optimistes jusqu’ici, force est de constater que cette approche s’est révélée des plus efficaces.
Ainsi, lors de la compétition néerlandaise, le Rafale F3 a dû faire la démonstration effective de ses capacités opérationnelles face à de simples promesses techniques et commerciales de Lockheed-Martin, dont un bon tiers n’a pas été respecté depuis. De même, la Suisse a basé sa décision sur des promesses à venir de Lockheed-Martin, tant en termes de budget que de performances.
Jusqu’à présent, la France s’était contenté de protester contre la stratégie américaine dans ce domaine, sans grand succès. Dans le cadre du Rafale F5, elle prend la position inverse.
Non seulement promet-elle, elle aussi, des performances et capacités à venir, mais elle pourra mettre en avant le respect des trajectoires d’évolutions suivies par le Rafale depuis sont entrées en service, y compris pour ses clients. En d’autres termes, le Rafale F5 va se battre avec les mêmes armes, mais des arguments plus affutés contre le F-35A dans les années à venir.
Surtout, simultanément à l’annonce du nouveau calendrier du Rafale F5 visant une entrée en service en 2030, le Ministère des Armées à annoncer la création d’un « Club Rafale », c’est-à-dire d’une initiative visant à rassembler les utilisateurs tant pour régler les questions de maintenance et d’évolutivité, que pour peser, voire participer, au développement des nouvelles capacités, voire des nouveaux standard du Rafale. Cette stratégie n’est pas nouvelle, le succès du char Leopard 2 reposant en grande partie sur une approche similaire.
Mais elle constitue une révolution conceptuelle profonde de l’approche française dans ce domaine, faisant passer chaque utilisateur, présent ou potentiel, au statut de partenaire et d’acteur du devenir de l’appareil et de ses capacités.
Cette nouvelle stratégie va permettre d’intégrer bien plus efficacement les capacités aéronautiques industrielles des utilisateurs du Rafale dans l’écosystème de l’appareil, et constitue de fait un argument de poids en faveur du chasseur français vis-à-vis du F-35A et de son environnement excessivement fermé aux mains de Lockheed-Martin et de Washington.
5- L’argument du prix
Le Rafale F5 pourra, enfin, d’appuyer sur un dernier argument de poids face au F-35A dans les années à venir : son prix. Non pas que l’appareil français sera moins onéreux à l’acquisition que le chasseur de Lockheed-Martin.
Depuis le début de ce bras de fer entre Lockheed-Martin et Dassault, les deux appareils ont systématiquement évolué dans une gamme de prix similaire pour acquérir les appareils ainsi que les systèmes, munitions et l’ensemble des services nécessaires à leur mise en œuvre.
Jusqu’à présent, cette dérive a été ignorée dans les compétitions d’équipement auxquelles le chasseur a participé, tant du fait du discours parfaitement huilé de Lockheed-Martin soutenu par le Département d’État américain, que par une évidente myopie, volontaire ou non, des négociateurs européens, coréens ou australiens à ce sujet.
Toutefois, le sujet commence à être de plus en plus difficile à ignorer, y compris pour son principal utilisateur, l’US Air Force, qui, sans remettre en cause son attachement à l’appareil, est contrainte à d’importantes circonvolutions dans le domaine de la planification budgétaire pour parvenir à contenir la bombe à retardement que représentent les couts de possession de l’appareil.
Et il en ira de même sur la scène internationale. En effet, si jusqu’à présent les clients potentiels pouvaient feindre la bonne foi pour ignorer les signaux dans ce domaine, de sorte à pouvoir effectivement se tourner vers l’appareil offrant un environnement technologique et opérationnel en devenir le plus prometteur, ce ne sera plus le cas dans les années à venir,les dérives budgétaires du F-35 devenant de plus en plus évidentes et impossibles à ignorer, alors que les atouts opérationnels promis auront été gommés, et parfois largement surpassés par les nouvelles capacités du Rafale F5.
Conclusion
Comme nous venons de le voir, l’arrivée du Rafale F5, et dans une certaine mesure, sa seule annonce, vont profondément faire évoluer le rapport de force entre le chasseur français et son principal adversaire, le F-35A américain. Avec des capacités opérationnelles renouvelées venant flirter avec la 6ᵉ génération de combat, des appendices et munitions de nouvelle génération, et une stratégie commerciale en rupture profonde avec la tradition française, le chasseur de Dassault Aviation fera, dans les années à venir, bien plus que jeu égal avec l’avion de Lockheed-Martin, et ce, dans presque tous les domaines.
Reste que les résultats potentiels de cette stratégie sont difficiles à évaluer. En effet, lorsque le Rafale F5 entrera en service, l’immense majorité des forces aériennes européennes seront d’ores et déjà équipées du F-35A/B, partiellement ou intégralement, faisant de l’appareil un standard qu’il sera très difficile de déloger au sein de l’OTAN, comme auprès des principaux acteurs de la sphère occidentale du théâtre Pacifique.
De même, beaucoup de forces aériennes majeures du Moyen-Orient, d’Afrique, d’Asie ou d’Amérique du Sud, auront déjà entrepris leur modernisation, et le marché adressable par le F5, en dehors des clients existants ou en négociation à court terme (on pense à l’Irak, à la Serbie et peut-être à la Colombie), sera réduit, sauf à ce qu’une nouvelle vague de tensions internationales viennent à engendrer une nouvelle phase de densification des moyens aériens dans le monde.
Il reste toutefois certaines alternatives potentiellement importantes pour le nouveau chasseur français. On pense par exemple à l’Arabie Saoudite qui va devoir remplacer les Panavia Tornado ainsi que ses F-15 dans les années à venir, soit près de 150 appareils, mais également au Maroc qui devra remplacer ses F-5 et F-1 pour répondre à la modernisation des moyens algériens. Certains pays d’Amérique du Sud, au-delà de la Colombie, vont, eux aussi, devoir moderniser leurs forces, comme le Pérou et l’Équateur.
En Europe, enfin, la Hongrie devra bientôt remplacer ses Gripen, alors que certains utilisateurs du F-35 dotés de flotte réduite, car onéreuse, comme le Danemark ou la Belgique, pourraient considérer l’avion français pour accroitre leur masse.
Quoi qu’il en soit, il apparait que le Rafale F5 sera, en bien des aspects, bien plus qu’une nouvelle version du joyau de Dassault Aviation, mais un véritable nouveau départ pour l’appareil, qui par là pourrait effectivement voir son horizon opérationnel comme commercial se redessiner en profondeur pour les décennies à venir.
On peut difficilement souhaiter mieux pour le seul chasseur à l’ADN exclusivement européen du moment.
Article du 14 juin en version intégrale jusqu’au 26 novembre 2023
Ancien pilote de l’aéronautique navale française, Fabrice est l’éditeur et le principal auteur du site Meta-defense.fr. Ses domaines de prédilection sont l’aéronautique militaire, l’économie de défense, la guerre aéronavale et sous-marine, et les Akita inu.