Marine nationale : Le concept de double équipage permet de compenser en partie le manque de frégates de 1er rang

Marine nationale : Le concept de double équipage permet de compenser en partie le manque de frégates de 1er rang

 

https://www.opex360.com/2023/08/03/marine-nationale-le-concept-de-double-equipage-permet-de-compenser-en-partie-le-manque-de-fregates-de-1er-rang/


En mai 2017, la frégate multi-missions Auvergne, effectue, au large de Toulon, sa mise en condition opérationnelle, avant son départ pour un déploiement de longue durée. Le 18 mai 2017, le vice amiral d’escadre De Briançon se rend à bord de la FREMM.

Cependant, une solution pour compenser ce déficit en navires de premier rang consiste à s’inspirer du fonctionnement des sous-marins nucléaires en adoptant le concept de « double équipage », comme l’avait préconisé l’amiral Christophe Prazuck, le chef d’état-major de la Marine nationale [CEMM] en 2018. À l’époque, il avait surtout mis en avant des considérations ayant trait à la fidélisation des marins, l’idée étant de réduire leur temps passé en mission.

Cela étant, le « double équipage » a d’autres vertus, comme l’a souligné l’amiral Pierre Vandier, l’actuel CEMM, lors d’une audition au Sénat [le compte rendu a été mis en ligne alors que la LPM 2024-30 était sur le point d’être promulguée, ndlr].

« La création de doubles équipages sur certains types de bâtiments de surface est une œuvre de mon prédécesseur. Nous l’avons poursuivie, si bien que quatre FREMM [deux à Toulon et deux à Brest], trois patrouilleurs de service public et plusieurs bâtiments de soutien et d’assistance outre-mer fonctionnent aujourd’hui en double équipage », a d’abord rappelé l’amiral Vandier.

Et celui-ci d’ajouter : « Les bénéfices [de ce concept] sont effectivement importants. Le double équipage permet ainsi de gérer facilement des alertes, notamment outre-mer. Il s’accompagne également d’une augmentation très significative du niveau opérationnel, les équipages dans leur période à terre pouvant se concentrer sur l’analyse poussée du retour d’expérience, sur l’évolution des tactiques et doctrines et sur la préparation de la prochaine mission ».

Qui plus est, une frégate multimissions [FREMM] en double équipage peut effectuer 162 jours de mer par an, contre 123 pour une FREMM à simple équipage.

« La LPM porte l’ambition de mettre deux FREMM supplémentaires en double équipage en zone atlantique. La pression militaire, notamment sous-marine, y est en effet croissante. Le nombre de frégates restant inchangé, nous avons donc besoin de plus de jours de mer », a expliqué le CEMM. Aussi, avec deux FREMM de plus à double équipage, le gain est d’environ 80 jours de mer par an, a-t-il relevé.

En clair, 6 FREMM à double équipage [soit 972 jours de mer] valent 8 FREMM à simple équipage [soit 984 jours de mer]. À condition toutefois que la disponibilité technique opérationnelle [DTO] suive…

Sur ce point, le rapport annuel de performance pour le programme 178 « Préparation et emploi des forces », publié par le ministère de l’Économie et des Finances, indique que, en 2022, la « DTO des frégates est restée globalement conforme à la prévision [57 % pour 59 % prévus] grâce à la très bonne tenue des frégates de défense aérienne compensant les conséquences des avaries rencontrées sur les frégates multi-missions [notamment sonar et système de combat] et sur les frégates de type La Fayette [usine électrique].

Et d’ajouter : « La performance globale est toutefois limitée par la sensibilité des bâtiments aux aléas du domaine des armes-équipements. Un plan d’actions sur la performance du Maintien en condition opérationnelle des armes-équipements, incluant des acquisitions de rechanges critiques, a été lancé ».

Quoi qu’il en soit, a insisté l’amiral Vandier, « le bénéfice du double équipage est avéré » au point que son homologue britannique envisage d’ailleurs de passer l’ensemble de la Royal Navy en double équipage ». Et de noter que l’US Navy a une « vision différente » puisque les déploiements de ses frégates « ont une durée très longue » et que le « surplus de missions » lui sera fourni par le « déploiement d’une flotte de drones de surface ».

Au passage, le CEMM a donné le détail de la « population » de sous-mariniers, en indiquant que celle-ci se compose de 335 officiers et de 850 sous-mariniers. « Les flux entrants dans les forces sous-marines sont de l’ordre de 300 à 350 marins par an. Aujourd’hui, nous ne rencontrons pas de difficultés de recrutement particulières dans ce domaine », a-t-il conclu.

Armée de Terre : L’hélicoptère d’attaque Gazelle sera encore en service à l’horizon 2040

Armée de Terre : L’hélicoptère d’attaque Gazelle sera encore en service à l’horizon 2040

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GAZELLE du 1er régiment d’hélicoptères de combat (1er RHC, Phalsbourg) lors de l’exercice SERMENT DE KOUFRA.

 

Ainsi, l’abandon du standard Mk3 prévu pour les 67 hélicoptères de reconnaissance et d’attaque Tigre a été confirmé et les vingt premiers Hélicoptères interarmées légers [HIL] Guépard devront avoir été livrés à l’ALAT avant 2030. Cependant, rien n’a été dit au sujet des Gazelle, mis en service au début des années 1970.

Pour rappel, et selon la dernière édition des « Chiffres clés de la Défense », publiée en 2021, l’ALAT disposait encore de 87 hélicoptères de ce type au 1er juillet de cette année-là. Depuis, un certain nombre de ces appareils ont été cédés à des partenaires africains, notamment le Niger.

Cela étant, les hélicoptères Gazelle de l’ALAT devraient encore avoir de beaux jours devant eux… En effet, ce 22 juin, le ministère des Armées, a indiqué que la Direction de la maintenance aéronautique [DMAé] venait de notifier à Airbus Helicopters le contrat verticalisé « VEGA » [VErticalisation GAzelle], lequel doit permettre d’assurer leur Maintien en condition opérationnelle [MCO] jusqu’à leur retrait du service.

Et celui-ci est visiblement prévu en 2039… puisque ce contrat VEGA, qui regroupe douze marchés différents relatifs au soutien des Gazelle, a été signé pour une durée de 16 ans.

« Le marché VEGA permettra d’assurer le MCO des hélicoptères Gazelle et de préserver l’activité de cette flotte jusqu’à son retrait de service. Ce marché fait de la disponibilité une priorité pour répondre aux besoins de l’armée de Terre. Il engagera l’industrie sur un niveau de performance tout en améliorant la maîtrise des coûts via une forfaitisation accrue des prestations de soutien », soutient le ministère des Armées dans son communiqué.

Et d’ajouter, sans en préciser sa valeur, que ce marché « permettra de faciliter la transition du soutien vers les futurs Guépard de l’armée de Terre qui remplaceront les Gazelle » en « intégrant des mécanismes de gestion d’activité souples et calqués sur ceux prévus au marché HIL ».

Outre le MCO, le contrat VEGA contient aussi « différentes mesures permettant de faire face à un engagement majeur » [complément de stocks, traitements des obsolescences connues, capacité à accroitre l’activité aérienne, optimisation de la stratégie du soutien].

Dans un entretien accordé au magazine Air Fan, en 2019, et alors que le programme HIL devait être accéléré, le général Michel Grintchenko, alors commandant de l’ALAT, avait expliqué que la Gazelle était « irremplaçable » étant donné que le Guépard « ne pourra pas faire la même chose » qu’elle, ce qui « supposera d’élaborer de nouveaux modes opératoires ». Qui plus est, cet hélicoptère de conception ancienne a toujours affiché de très bons taux de disponibilité…

Pour tenir jusqu’en 2038/39, quelques améliorations devront être apportées au Gazelle. Il y a quatre ans, le général Grintchenko avait plaidé pour leur ajouter un « nouveau système d’autoprotection avec éjection automatique de leurres » afin de pouvoir les engager dans un engagement de « haute intensité » ainsi que des « postes tactiques Contact pour suivre l’évolution des moyens de transmissions et de partage de données de l’ensemble de l’armée de Terre ».

L’externalisation des fonctions de soutien de l’armée : une tendance qui questionne sur notre indépendance stratégique à long terme

L’externalisation des fonctions de soutien de l’armée : une tendance qui questionne sur notre indépendance stratégique à long terme


Les entreprises de service de sécurité et de défense (ESSD), auparavant nommées sociétés militaires privées (SMP), connaissent une importance croissante dans la conduite des opérations militaires, notamment dans les fonctions de soutien et de logistique. Cette externalisation touche des fonctions de plus en plus nombreuses et stratégiques pour faire face à la pression budgétaire et aux crises qui s’enchaînent.

L’intensification de la coopération public-privé, dans le secteur de la défense, accélère la mutation dans les armées, et cela, depuis plusieurs décennies. La volonté d’une chaîne logistique souveraine, et potentiellement publique, se heurte à trois problèmes majeurs : la baisse des budgets de défense depuis la fin de la guerre froide, le déficit capacitaire de l’armée, dans le domaine logistique notamment, ainsi qu’une logique économique avec la concentration des moyens sur les fonctions jugées les plus stratégiques et la création de champions nationaux privés.

 

L’accélération de la baisse du budget de défense depuis la fin de la guerre froide

Avec l’effondrement du bloc communiste en 1991, les armées occidentales perdent leur adversaire idéologique et la principale menace d’une réelle confrontation de haute intensité à la fin du vingtième siècle. Ce choc exogène, couplé à la tendance néo-libérale anglo-saxonne de réduction du rôle de l’État et de ses dépenses au profit du secteur privé, accentue la diminution du budget de la défense en occident. En France, à partir de 1981, la chute de la part du budget de l’État consacrée à la défense est constante, particulièrement après l’échec du plan Mauroy (1981). Ce plan de relance, d’inspiration keynésienne, est initié par le gouvernement Mauroy à la suite de la victoire de François Mitterrand aux élections présidentielles avec pour effet de vider les caisses de l’État, par ailleurs déjà durement affectées par les chocs pétroliers (1973-1979). L’État français cherche alors à faire des économies et compte encaisser les dividendes de la paix en réduisant la part de la défense dans le budget de l’État tout en profitant de l’augmentation du commerce mondiale. Depuis 1980, cette diminution atteint près de cinq points de pourcentage du PIB, le budget de la défense n’est vu par les politiciens que comme une variable d’ajustement du budget général.

En outre, la politisation de l’allocation du budget de la défense par une opposition des dépenses militaires (warfare) avec les dépenses sociales (welfare) s’est amplifiée depuis la fin de la guerre froide. Ce dilemme, nommé « guns vs. butter » dans la littérature anglo-saxonne, n’est pas une simple question de clivage idéologique. En France, sur la période 1981-2010, les différents gouvernements ont des chiffres sensiblement identiques avec un taux de variation annuel moyen des dépenses militaires de +0,12 % pour les gouvernements de droite et de +0,17 % pour ceux de gauche. La réelle différence se situe sur les divergences stratégiques et la manière dont cela se traduit dans les arbitrages budgétaires, particulièrement en période d’austérité et d’assèchement des dépenses publiques.

Source : Dépenses militaires françaises, allemandes et britanniques de 1981 à 2021 en pourcentage du PIB – Banque mondiale avec les données du SIPRI. (Graphique 1)

 

Il convient de noter que cette baisse du budget s’est poursuivie malgré l’alternance républicaine avec une réduction régulière des dépenses militaires (voir Graphique 1). La théorie de Francis Fukuyama, d’une victoire absolue et définitive de la démocratie libérale sur les autres modes de gouvernance, influence fortement la pensée occidentale dès 1989 avec la publication de son célèbre article La Fin de l’Histoire ?. Dans son cahier de politique économique n°8 (1994), l’OCDE voit la fin de la guerre froide comme une opportunité pour désarmer le monde et propose de conditionner les aides économiques aux pays en développement à des mesures de réduction de leur budget de la défense, dans le prolongement théorique du dilemme « guns vs. butter ». Ce sentiment d’une victoire totale, couplé à la sécurité apportée par le parapluie américain et la dissuasion nucléaire, précipite une chute historique des budgets alloués aux armées en Europe. En France, la hausse du budget général est corrélée à une baisse des dépenses militaires, tant en volume qu’en valeur (voir Graphique 2). Pour des raisons d’arbitrage, la priorité française n’est donc plus le maintien et le développement d’une armée taillée pour les conflits de haute-intensité.

Source : Mise en perspective du budget général avec celui de la défense – « Défense : exposé d’ensemble et dépenses en capital » par le rapporteur spécial Maurice Blin pour le Sénat en novembre 2001. (Graphique 2)

 

Le déficit capacitaire de l’armée : une conséquence du manque de moyens et une mise en danger de son indépendance stratégique à long terme

La majorité des armées européennes a été préparée pour mener des opérations de faible ou moyenne intensité. Cela s’explique par une double tendance : un contexte de rareté budgétaire après la guerre froide, suivi de nouvelles coupes budgétaires après la crise des subprimes, ainsi que l’usage de l’armée comme force de projection plutôt que comme force allouée à la défense nationale. Cette double tendance pousse les États européens à des réductions majeures au sein des armées tant au niveau des stocks, des équipements que du personnel (Graphique 3).

Source : Effectifs des forces armées françaises sur la période 2006-2018 en équivalent temps complet – Assemblée nationale – Rapport N° 273 sur PLF 2018 – Annexe 14 Budget opérationnel de la défense 2017. (Graphique 3)

 

Dans le cadre d’une armée moderne, il apparaît comme obligatoire de recourir à une part croissante d’externalisation pour de multiples raisons telles que la réduction des budgets ou encore les efforts de modernisation. La réponse à la question de l’externalisation ne se résume plus à une opposition entre libéraux et étatistes, mais à un cas classique de la théorie des firmes : la théorie des coûts de transactions. Cette théorie d’Oliver Williamson que l’on peut vulgariser, dans notre cas, comme le dilemme entre internalisation et externalisation, lui a valu le prix Nobel d’économie en 2009. La priorité doit, alors, être la mise en place d’une stratégie à long terme avec comme effet final recherché l’indépendance stratégique.

Il existe un écart entre les ambitions affichées et les moyens mis à disposition des armées, ce qui se manifeste par des lacunes capacitaires persistantes. Cette impasse budgétaire se traduit par une perte à long terme de certaines capacités, jugées moins stratégiques. La privatisation de la restauration est un exemple éloquent, cette fonction jugée non stratégique est vue comme un moyen d’optimiser l’allocation des budgets alloués à la défense. En France, depuis au moins deux décennies, la restauration est progressivement sous-traitée. En 2015, la Cour des Comptes enjoint l’armée de faire passer le prix moyen d’un repas de 15,6 à 10 euros l’ambition étant une économie de 200 millions d’euros par an. La privatisation semble être la solution idoine, sachant que dans ce même rapport, la Cour des Comptes prête une productivité plus de deux fois supérieure aux agents externes pour des salaires moindres par rapport aux salariés du ministère des Armées. Par ailleurs, l’armée française n’est pas la seule dans cette situation, au contraire, les anglo-saxons sous-traitent en partie auprès des mêmes prestataires. Cependant, si des entreprises françaises, comme Sodexo, s’exportent bien avec des contrats estimés à plusieurs centaines de millions de dollars avec l’US Army, les marchés logistiques sur les théâtres extérieurs font, eux, l’objet d’un protectionnisme accru de la part de nos partenaires. Ainsi, dès juillet 2009, un rapport d’information remis à l’Assemblée Nationale s’alarme de cette situation, et appelle à une montée en puissance des acteurs nationaux sur ces théâtres d’intervention face aux acteurs privés anglo-saxons, dans une logique tant capacitaire qu’économique.

Par ailleurs, certaines fonctions de soutien plus stratégiques sont également touchées par l’externalisation. Le maintien en condition opérationnelle (MCO) des hélicoptères de l’armée de terre française ainsi que de la formation des pilotes est en partie sous-traitée, notamment auprès d’Helidax, filiale du groupe DCI(détenu par l’État français à hauteur de 55,5 %). L’un des objectifs affichés est de faire remonter rapidement le taux de disponibilité des aéronefs qui stagne autour de 44 % entre 2012 et 2017, la MCO n’arrive plus à garantir aux armées une capacité de maintien de ses moyens sur la durée. Le contrat passé en 2019 avec Helidax est un succès de coopération public-privé en France avec le doublement du nombre d’heures de vol entre 2017 et 2020 pour arriver à 5 000, couplé à la chute drastique du coût d’une heure de vol de 3 500 à 1 800 euros.

Pour lutter contre ce terrible constat d’insuffisance de l’appareil public, l’externalisation s’intensifie suivant le modèle anglo-saxon de la performance-based logistics (PBL). Les contrats PBL sont des partenariats public-privé reposant sur des indices de performance mesurables, comme la hausse de la disponibilité pour la MCO. Par ailleurs, le second volet mis en avant est la maîtrise des coûts, financé notamment par le décroissement des effectifs militaires et de ses implications à long terme (formations, pensions, etc.). Ces contrats posent également des problématiques d’intelligence économique et de souveraineté de la chaîne logistique, comme la privatisation de certaines compétences et de la capacité à les mettre en œuvre, ou encore la possible dépendance à des acteurs non-nationaux.

Un rapport du Sénat de 2008, traitant de la structure intégrée de maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques du ministère de la Défense (SIMMAD) souligne la nécessité de maintenir un certain niveau de compétence au sein du ministère des Armées. Ce même constat est remis à l’ordre du jour par le général Burkhard en 2020. Il alerte à propos de l’externalisation intensive de la MCO car les résultats de la disponibilité des véhicules de l’armée de Terre n’atteignent pas les objectifs fixés avec, entre autre, une perte de 20 points de pourcentage de disponibilité pour les véhicules blindés de combat d’infanterie (VBCI) entre 2016 et 2020, passant ainsi à 11 points sous la cible. À ce titre, le cas du Royaume-Uni est assez évocateur des répercussions d’une externalisation excessive de son armée. La privatisation du MCO des aéronefs y est tellement importante qu’à ce stade, elle est difficilement réversible. Cette perte d’indépendance stratégique est justifiée par un avantage coût à long terme qui reste cependant à prouver puisque les exemples américain, britannique et allemand sont peu concluants à cet égard. En France, si l’externalisation est moins importante, elle occupe tout de même une part croissante dans les budgets : 53 millions en 2017 ; 84 millions en 2018 ; et 110 millions en 2021 (hors transport). Inspirée par « nos mentors anglo-saxons » qui l’ont massivement mis en œuvre depuis les guerres d’Irak et d’Afghanistan, cette tendance produit, sous couvert de modernisation et de rationalisation des effectifs militaires, un certain nombre de retours en arrière dans l’efficacité des fonctions de soutien et une perte de souveraineté nationale avec une autonomie opérationnelle déclinante.

 

Le facteur coût et la rapidité opérationnelle favorisés au détriment de l’indépendance stratégique à long terme dans une période d’instabilité mondiale grandissante

Dans un contexte d’instabilité mondiale et de préparation à la haute intensité, les États membres de l’OTAN se doivent de multiplier leurs capacités militaires malgré les contraintes budgétaires inhérentes aux crises successives qui ont frappé le monde (Covid-19) et l’Europe plus spécifiquement (énergie). Le recours croissant à des opérateurs privés est une suite logique pour parvenir à la hausse de ces capacités à un coût moindre avec les doctrines otanniennes actuelles. Du fait de ces problématiques, les opérations extérieures (OPEX) sont restées dans un premier temps la chasse gardée du secteur public, mais il y a une externalisation croissante des fonctions de soutien en OPEX, avec le recours progressif à davantage de Contractors Support to Operations (CSO). La doctrine américaine quant à l’utilisation de CSO est claire : tous les théâtres d’opérations majeurs dépendent de leur présence. En parallèle, l’Europe met en place une plateforme européenne des CSO qui devrait se traduire par la fluidification des interactions entre les acteurs économiques privés et les États membres. Cela met en lumière la nécessité d’une montée en compétence, et de la recherche d’une taille critique, de la part des acteurs français pour gagner des contrats à échelle européenne, voire otannienne.

En effet, pour la France également, le recours à l’externalisation pour les fonctions de soutien est essentiel lors des OPEX. Dans le cadre de l’opération Barkhane, l’externalisation représente la moitié du budget, notamment parce que les capacités de l’armée ne suffisent pas en termes d’affrètements intercontinentaux. Sur les 861 millions d’euros dépensés en externalisation sur la période 2014-2017, près de la moitié des fonds (46 %) est utilisée pour les transports intercontinentaux. La doctrine française en la matière tient en cinq points :

  • Maintenir la capacité opérationnelle de l’armée ;

  • Préserver les intérêts du personnel ;

  • Maintenir un milieu concurrentiel sain, notamment avec des PME ;

  • Assurer des gains économiques et budgétaires mesurables à long terme ; et

  • Garantir la sûreté des informations.

Source : Part des différents vecteurs dans le transport stratégique (2016) – Assemblée nationale – Rapport d’information N°4595 relatif au transport stratégique. (Graphique 4)

 

Toutefois, l’armée française a un déficit capacitaire dans plusieurs domaines, particulièrement dans l’affrètement aérien et, par conséquent, une capacité de projection autonome limitée (Graphique 4). De fait, l’externalisation s’impose pour assurer le bon déroulement des opérations et entraîne une application parcellaire de la doctrine française : concurrence et sûreté de l’information remise en question ou encore gains économiques peu évidents. Cela place les armées de l’OTAN dans une situation de dépendance auprès d’acteurs extérieurs (principalement ukrainiens et russes avant l’invasion). Ainsi, lors de crises nécessitant une réaction rapide, l’utilisation de services privés est contrainte et résulte d’un abandon de souveraineté depuis au moins deux décennies. De plus, le recours à l’externalisation n’est pas réversible à court ou moyen terme. Par exemple, dans le cadre des opérations Serval et Barkhane, l’ukrainien Antonov logistics SALIS a été très largement utilisé pour combler les lacunes capacitaires de l’armée française, et non pas pour la recherche d’un avantage-coût comme le stipule la doctrine française. De plus, il est essentiel de souligner la problématique de confidentialité de l’information lorsqu’un acteur économique, de surcroît étranger, gère une partie importante des transports de troupes et de matériels intra-théâtre d’opérations. L’Europe et la France prennent conscience de leurs « dépendances stratégiques » d’après la ministre des Armées. Entre 2012 et 2015, selon les périodes, la France n’a couvert que 7 à 23 % de ses besoins en transport aérien pour ses forces armées par ses capacités propres.

Précurseurs dans les fonctions externalisées, les États-Unis sous-traitent également une partie de leur renseignement extérieur, notamment le renseignement aérien, nommé ISR (Intelligence, Surveillance, and Reconnaissance). En Afrique, l’AFRICOM (U.S. Africa Command) n’atteignant ni ses objectifs en termes de renseignement ni ceux en termes de temps de survol des cibles. Le choix de l’externalisation est entériné, notamment avec l’entreprise américaine MAG Aerospace spécialisée dans l’ISR à l’international, dans des conditions opérationnelles difficiles. Si les résultats de l’externalisation du renseignement sont plus difficiles à évaluer que la MCO, du fait de la nature confidentielle des données, un nouveau contrat signé en 2022 permet de spéculer sur la probable satisfaction de l’US Army. Selon des estimations, 70 % du budget américain en renseignement serait utilisé dans le cadre d’entreprises privées. La diversité des compétences au sein de ces 1900 entreprises est profitable aux États-Unis, mais se pose une fois de plus la question de la dépendance, de la sécurité de l’information et de la frontière acceptable entre servir la nation et servir des intérêts privés. En outre, l’internalisation semble maintenant impossible et les services auraient bien des difficultés à fonctionner sans leurs sous-traitants.

Enfin, pour en revenir à la France, l’externalisation de la défense apparaît comme une tendance lourde et difficilement évitable dans le cadre d’une armée moderne otannienne. 

Il est primordial que la France sorte de certaines dépendances néfastes en créant un cadre juridique et financier propice à l’émergence de champions nationaux. Cela permettra d’appliquer la doctrine française plus efficacement et ainsi de gagner en marge de manœuvre tant opérationnelle que stratégique.

Ivan Richoilley pour le club défense de l’AEGE

Le GSIAT, point de départ de la ligne de vie de l’exercice ORION

Le GSIAT, point de départ de la ligne de vie de l’exercice ORION

 

Sans eux, ni ravitaillement, ni maintenance, ni appui sanitaire pour les forces engagées dans la phase 2 de l’exercice ORION. « Eux », ce sont les quelque 500 militaires du groupement de soutien interarmées de théâtre (GSIAT) désormais installé à Sète. Un maillon essentiel chargé de réceptionner, regrouper et distribuer l’ensemble des ressources vers l’avant, donc indispensable pour la poursuite des opérations. 

Un point d’entrée unique

Le spectacle était pour le moins inhabituel pour les habitant de Sète. Ni paquebot, ni flots de touriste en ce vendredi matin ensoleillé, mais un unique roulier (ou Ro-Ro) déversant plusieurs centaines de véhicules militaires, de containers et de combattants. Sans le savoir, les Sètois viennent d’assister à une nouvelle phase de l’exercice ORION : le débarquement de la force interarmées de réaction immédiate (FIRI) et du GSIAT. L’enjeu pour ce dernier ? Être en mesure d’amener « le gros » pour « faire grossir la force ». Soit l’équivalent, ce jour-là, d’un bataillon d’artillerie, d’un bataillon du génie, d’un bataillon logistique et d’autres unités à faire transiter jusqu’à la zone tenue autour de Castres par les régiments de la 11e brigade parachutiste.

Vivres, matériels, véhicules et munitions : la totalité du soutien des troupes au contact passe désormais par le GSIAT, unique porte d’entrée logistique. Ce second débarquement de l’exercice ORION, les armées l’ont rendu possible par la sécurisation de la tête de pont et la mise en place d’un « sea port of debarkation » (SPOD). Une opération critique mais nécessaire pour pérenniser les efforts, et qui démontre « toute la complexité du soutien logistique d’une opération d’entrée en premier », souligne le commandant du groupement, le général de brigade Pierre Fauche.

Débarquement à Sète de la FIRI, entre autres composée d’éléments de la 13e demi-brigade de la légion étrangère, du 54e régiment d’artillerie et du 3e régiment d’artillerie de marine (Crédits image : armée de Terre)

Les premiers éléments parachutés ou débarqués les 25 et 26 février n’avaient emporté avec eux qu’une autonomie initiale qui « selon leur capacité d’emport, leur a permis de tenir deux ou trois jours pour les parachutistes et jusqu’à six jours pour les forces débarquées ». Les livraisons limitées par air ou via les embarcations envoyées par les porte-hélicoptères amphibies se sont succédées jusqu’à l’installation du SPOD et l’activation du GSIAT. Le seul Ro-Ro parvenu à Sète vendredi dernier aura permis d’injecter 10 jours supplémentaires d’autonomie, soit l’équivalent de 700 m3 de carburant et de 150 containers. Et si le SPOD est touché, il sera toujours possible de s’appuyer sur un « airport of debarkation », à l’instar de celui rendu disponible par la prise fictive de l’aéroport de Béziers.

L’effort est conséquent mais ne suffira pas en cas d’engagement majeur. L’autre mission des logisticiens sera donc d’agréger tous les appuis extérieurs disponibles. En provenance des alliés, le GSIAT étant dimensionné pour amalgamer le soutien d’armées partenaires, mais aussi de la part de la nation-hôte, ici l’Arnland. « Nous étudierons la possibilité d’utiliser leurs stocks de carburant, certaines infrastructures ou de mutualiser le soutien médical grâce à leurs hôpitaux. Tout cela reste toujours un peu complexe, car dépend de ce qu’il reste de la nation-hôte », explique le général Fauche.

Amener « le sang et l’oxygène » vers l’avant

ORION est majeur à plus d’un titre pour la logistique des forces. « On se réapprorie les exercices en terrain libre, au contact de la population et hors des grands camps très cadrés. Ce qui est nouveau, c’est avant tout le volume des forces et l’importance du volet interarmées dans l’ensemble des champs, y compris l’influence et le cyber ». Il est aussi une vitrine capacitaire pour un pays susceptible d’endosser le rôle de nation cadre au sein d’une coalition. 

ORION rappelle aussi à quel point le soutien regagne en sensibilité à la lumière du conflit ukrainien. « Nous sommes une cible de choix, car nous sommes en quelque sorte le sang et l’oxygène des muscles. Sans carburant, le combat s’arrête. Sans soutien santé, la catastrophe est certaine ». La résurgence des engagements majeurs et l’évolution des menaces changent la donne, alors le soutien se protège, s’adapte et, parfois, innove pour tenir tout au long des 200 km qui séparent Sète de l’avant. 

La résilience des systèmes d’information, l’un des défis auxquels la logistique des forces est à son tour confrontée (Crédits image : armée de Terre)

« Nous sommes confrontés au même ennemi symétrique. Il nous est notamment indispensable de disposer de la supériorité aérienne et d’une défense sol-air », relève le commandant du GSIAT.  Exit les longs convois adoptés durant l’opération Barkhane, la logistique se segmente et se disperse pour être plus discrète et échapper aux capteurs et capacités de frappes adverses. « Nous sommes davantage sur un principe de petites pulsations. Il y a tout un cadencement des différentes rames de véhicules par gamme d’une dizaine plutôt que par 150 ». Entre la multiplications des itinéraires, des points de passage et des horaires, « c’est un autre challenge en matière d’organisation et de contrôle des mouvements ». 

« Des incidents sont prévus », indique le général Fauche. L’ennemi auquel le GSIAT s’attend, c’est avant tout l’ennemi résiduel. Ce sont « quelques individus qui ont échappé aux forces d’entrée en premier, se sont dispersés et seront capables de mener des actions coups de poing pour détruire des stocks, par exemple ». Ce qui oblige à redoubler de vigilance. Des unités en provenance du 8e régiment de parachutistes d’infanterie de marine (8e RPIMa) ont donc été détachées en renfort pour sécuriser le dispositif. L’attaque est également pressentie dans les champs immatériels, le cyber en tête. Le défi, c’est en effet aussi « notre capacité à sécuriser nos systèmes d’information ». Autant de « surprises » génératrices de précieux enseignements pour s’assurer de maintenir la ligne de vie des forces le jour venu. 

Le prochain arrêt technique du porte-avions Charles de Gaulle va durer environ huit mois

Le prochain arrêt technique du porte-avions Charles de Gaulle va durer environ huit mois

 

https://www.opex360.com/2023/03/06/le-prochain-arret-technique-du-porte-avions-charles-de-gaulle-va-durer-environ-huit-mois/


Cela étant, cette mission, qui vient de se terminer dans une relative discrétion, n’aura pas recelé d’énormes surprises, si ce n’est la projection inédite de trois Rafale Marine à Singapour, alors que le GAN naviguait dans le nord de l’océan Indien. Lors de cette mission, appelée « Rastaban », les chasseurs-bombardiers du groupe aérien embarqué ont parcouru 4000 km [avec le soutien d’un avion-ravitailleur A330 MRTT de l’armée de l’Air & de l’Espace] pour participer à des exercices avec la force aérienne singapourienne.

Au total, durant Antarès, le GAN a parcouru 28’000 nautiques et assuré plus de 2000 catapultages d’aéronefs, ce qui lui a permis, souligne la Marine nationale, d’affirmer « partout l’attachement de la France au respect du droit international et à la liberté de navigation en mer », de compléter « l’appréciation autonome de situation des armées dans l’ensemble des zones traversées » et de réaliser de « nombreuses coopérations opérationnelles avec les forces armées de 23 nations ».

La mission Antarès s’est donc terminée après 110 jours de mer… et une participation du GAN à l’exercice interarmées Orion. Dans les semaines à venir, le porte-avions Charles de Gaulle devrait de nouveau être sollicité pour une campagne de qualification à l’appontage de jeunes pilotes. Puis il sera ensuite immobilisé pour un arrêt technique qui s’annonce long… puisqu’il doit durer jusqu’en décembre prochain.

En effet, outre les travaux de routine et le contrôle des chaufferies nucléaires, cet arrêt technique se concentrera sur la coque du navire ainsi que sur ses lignes d’arbres. C’est en effet ce qu’a confié son commandant en second au quotidien Var Matin.

Ces travaux sur les lignes d’arbres seront d’autant plus importants que le porte-avions britanniques HMS Prince of Wales est immobilisé depuis maintenant plusieurs mois en raison justement d’une avarie à ce niveau [une rupture d’un accouplement SKF, ndlr]. Or, par le passé, le Charles de Gaulle a connu une mésaventure du même ordre. En 2009, il était en effet apparu que deux pièces d’accouplement reliant deux des quatre turbines à leurs lignes d’arbres s’étaient révélées anormalement usées.

Par ailleurs, toujours d’après la même source, l’hôpital du porte-avions va être rénové de « A à Z », de même que de nombreux locaux de vie. Enfin, le navire recevra de nouvelles capacités, avec l’installation d’une station navale Syracuse 4 qui, plus puissante et mieux sécurisée, permettra de profiter du débit offert par les satellites de la constellation Syracuse 4 [de l’ordre de 3 à 4 Gb/s, en bande X et en bande Ka, ndlr].

Cette immobilisation du Charles de Gaulle, qui s’annonce longue, malgré le contexte sécuritaire actuel, plaide pour un format à deux porte-avions. Rapporteur pour avis sur les crédits de la Marine nationale, le député Yannick Chenevard l’avait souligné dans son dernier rapport, alors que les études sur le PA NG [porte-avions de nouvelle génération] sont en cours.

« Disposer d’un seul porte-avions signifie, en pratique, ne pouvoir l’utiliser qu’entre 65 et 70 % du temps compte tenu de ses opérations régulières de maintenance [arrêt technique majeur de deux ans, arrêts intermédiaires de six mois…]. […] Un seul porte-avions n’est pas suffisant et notre pays, comme l’Italie ou le Royaume-Uni, se doit de retrouver la capacité qui était la sienne jusqu’au début des années 2000, c’est-à-dire deux porte-avions », fit valoir M. Chenevard.

Et d’ajouter : « La décision de se doter d’un deuxième porte-avions, […] n’est pas urgente, les études du PA-NG commençant à peine. Toutefois, elle ne doit pas non plus être repoussée au-delà de 2027 pour des raisons financières et industrielles. Plus la commande du deuxième PA-NG sera proche de celle du premier, plus il sera possible de faire des économies d’échelle et, par conséquent, de réduire son prix mais également le coût du MCO [maintien en condition opérationnelle] »

Photo : Marine nationale

Un nombre « record » d’A400M « Atlas » ont été mobilisés pour la seconde phase de l’exercice Orion

Un nombre « record » d’A400M « Atlas » ont été mobilisés pour la seconde phase de l’exercice Orion


En janvier, l’US Air Force a organisé une manoeuvre de type « Elephant Walk » sur la base aérienne de Charleston [Caroline du Sud] avec pas moins de 24 avions de transport C-17 Globemaster III. Très prisé outre-Atlantique [et sous d’autres cieux], ce genre d’exercice, qui consiste à faire rouler un grand nombre d’aéronefs en formation rapprochée sur une piste, puis de les faire décoller à intervalle minimum, présente deux intérêts : il permet de vérifier l’état de préparation d’une unité et… de faire une démonstration de force à moindre coût.

Si un tel exercice est donc courant pour l’US Air Force, il est beaucoup plus rare pour l’armée de l’Air & de l’Espace. Cependant, celle-ci s’y est essayé en mai 2021, avec une quinzaine de Mirage 2000D de la 3e Escadre de chasse au roulage sur l’un des pistes de la base aérienne 133 de Nancy-Ochey. Mais Elephant Walk sera-t-il bientôt possible avec les A400M « Atlas », dont 21 exemplaires sont désormais basés à Orléans?

Jusqu’à présent, les problèmes de disponibilité avec cet avion de transport ont longtemps alimenté la chronique. Ainsi, en 2017, seulement trois appareils sur les 13 alors livrés étaient disponibles « en moyenne » [soit un taux de disponibilité de 23%]. Après la réforme du Maintien en condition opérationnelle aéronautique [MCO Aéro], ce taux était monté à 35% [soit 6 avions prêts à voler sur 17 livrés] en 2020. « Nous avons également constaté des pics journaliers de disponibilité à 11 avions prêts pour voler, ce qui était absolument inédit », s’était félicité Florence Parly, alors ministre des Armées.

Quoi qu’il en soit, et alors que les taux de disponibilité technique des équipements sont désormais confidentiels, l’exercice interarmées Orion, dont la seconde phase a été lancée le 26 février, peut être l’occasion de mesurer les progrès en matière de MCO aéro… En effet, nous apprend le quotidien « La République du Centre , «six A400M Atlas ont été simultanément sollicités pour une opération aéroportée [OAP] de grande ampleur, réalisée par la 11e Brigade Parachustiste au profit du pays [fictif] Arnland, déstabilisé par son puissant voisin Mercure.

« Pour simuler le scénario d’un déploiement d’urgence au-delà des frontières françaises, une phase de vol tactique de plus d’une heure à bord de plusieurs A400M et C130J de l’armée de l’Air et l’Espace a été réalisée. […] L’envergure de cette opération est de taille. En moins d’une dizaine de minutes, les aéronefs ont largué plusieurs centaines de parachutistes et du matériel », a résumé l’armée de Terre.

Or, selon La République du Centre, six A400M de la base d’Orléans et un C-130J Hercules de celle d’Évreux, ont pris part à cette OAP.

« La base aérienne 123 a mis en vol six A400M dans un exercice. C’est du jamais vu. On ne l’avait jamais fait », d’autant plus que « pendant ce temps-là, les opérations ne s’arrêtent pas », a en effet commenté le colonel Guillaume Vernet, le commandant de base.

Pour rappel, l’A400M peut larguer, en un seul passage, jusqu’à 116 parachutistes équipés. Soit presque deux fois plus qu’un Transall C-160. Mais d’après un co-pilote d’Atlas, cité par le journal, il y avait « entre 60 et 80 paras » dans chaque appareil. « Des opérations à plusieurs avions, on en a fait quelques-unes. Mais, pas avec autant d’envergure », a-t-il par ailleurs souligné.

Quoi qu’il en soit, le Projet annuel de performances [PAP] relatif au programme 178 « Préparation et emploi des forces » a donné quelques indications sur l’évolution de la disponibilité des A400M.

« Les conséquences du retrait de service des C160 Transall ne sont que partiellement compensées en 2023 par la montée en puissance des A400M », a-t-il prévenu, avant de prévoir « une hausse significative » de la disponibilité des avions de transport [80% en 2025] grâce à la « poursuite de la montée en puissance de la flotte A400M et la finalisation de son soutien ».

Photo : armée de Terre

Nombre, disponibilité et MCO des matériels terrestres: le ministère diffuse des chiffres déjà donnés

Nombre, disponibilité et MCO des matériels terrestres: le ministère diffuse des chiffres déjà donnés

 

Essais de soutien du GRIFFON, réalisés fin 2018 à Nouâtre.Crédits photo ADC Romain B. – SIMMT 2018


par Philippe Chapleau – Ligne de défense – publié le 22 février 2023

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Quand “Jean-Louis Thiériot interroge le ministre des Armées sur les équipements de l’armée de Terre et lui demande de préciser le nombre de matériels disponibles et le taux de disponibilité au 31 décembre 2020 et au 31 décembre 2021, le coût en crédits de paiement du MCO pour l’année 2021 et l’âge moyen de chacun des équipements suivants : char Leclerc, VHM, dépanneur char Leclerc, EBG, SDPMAC , AMX 10RCR, Jaguar, VBCI, VAB, PVP, VBL, VB2L, VBHP, Buffalo, Griffon, PPT, Maastech, VT4, canons CAESAR, canons AUF1, canons TRF1, VAB observateurs, mortier 120 mm, LRU, Milan, MMP, Eryx, Javelin”, on peut s’attendre, comme souvent, à une fin de non recevoir.

On se souviendra que depuis 2020, le ministère des Armées ne publie plus les données relatives à la disponibilité technique [DT] de ses principaux équipements en raison “d’impératifs renforcés de confidentialité”.

Voici toutefois la réponse (bug compris) du ministère au député Thiériot. Cette réponse a été diffusée dans le JO du 21 février:

Deux remarques s’imposent toutefois:
– le ministère précise qu'”en lieu et place des données relatives au taux de disponibilité technique des équipements de l’armée de terre, sont transmis les chiffres relatifs à la disponibilité technique opérationnelle” (on peut aussi voir ce tableau ici sur le site de l’Assemblée (toujours avec le bug sur les colonnes).
– les quelques données sur la dispo figuraient déjà dans le rapport annuel de performances pour 2021, rapport publié en milieu d’année 2022.

 

Contretemps douanier en Slovaquie pour le centre de maintenance d’armes ukrainiennes

Contretemps douanier en Slovaquie pour le centre de maintenance d’armes ukrainiennes


 

Tracasseries navrantes…

par Philippe Chapleau – Linges de défense – publié le 21 février 2023

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Le projet de Berlin d’installer en Slovaquie (dans la ville de Košice) un site de réparation et de maintenance des armements utilisés par les Ukrainiens se heurte à des soucis “douaniers” concernant leur réexpédition en Ukraine, a reconnu lundi le gouvernement allemand.

J’ai consacré un post en novembre dernier à ce hub de réparations mis en place par la co-entreprise KNDS (NEXTER et KMW). Il s’agit d’assurer le MCO des véhicules fournis aux Ukrainiens par les deux équipementiers et leurs pays. Les véhicules concernés sont les suivants:
– obusiers automoteur PzH 2000 (155 mm)
– obusiers automoteur CAESAR (155 mm)
– lance-roquettes multiple MARS II (version allemande du M270 MLRS)
– blindés antiaérien courte portée Gepard
– véhicules blindés de transport Dingos.

Pour l’instant, nous avons encore des aspects douaniers qui doivent être réglés“, a expliqué un porte-parole du ministère allemand de la Défense. “Nous espérons pouvoir renvoyer plus rapidement en Ukraine les choses qui arrivent pour être réparées. Ce n’est pas le cas pour l’instant“.

Berlin travaille sur des “solutions alternatives, a-t-il ajouté, refusant de donner plus de détails sur les autres options possibles. En Allemagne?

Berlin s’efforce maintenant de mettre en place des installations de maintenance aussi proches que possible de l’Ukraine où les équipements fournis pourront être entretenus et réparés. La position géographique de la Slovaquie, qui a une frontière avec l’Ukraine, en fait un partenaire de choix.

31 Abrams (encore à construire) seront fournis par Washington mais pas ponctionnés sur les stocks

31 Abrams (encore à construire) seront fournis par Washington mais pas ponctionnés sur les stocks

 

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par Philippe Chapleau – Lignes de défense – publié le 25 janvier 2023

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Après de longues tergiversations, Washington a annoncé la livraison de 31 chars Abrams à l’Ukraine pour l’aider à combattre l’invasion russe. 

Le président Biden a confirmé cette aide mais en précisant que les Etats-Unis achèteront pour l’Ukraine 31 chars Abrams M1. Ils seront achetés dans le cadre de l’Ukraine Security Assistance Initiative (USAI) et pas dans le cadre de la Presidential drawdown authority qui permet de livrer des matériels en parc, voire en ligne.

Ces 31 chars ne seront pas prélevés sur les stocks de l’US Army; ils ne seront donc disponibles que plus tard. On se souviendra que les Abrams achetés par le Pologne en 2022 seront livrés à partir de 2025.

Phebe Novakovic, la patronne de l’équipementier General Dynamic a confirmé avoir la capacité industrielle et humaine pour fabriquer ces chars. Sur le dernier semestre de 2022, les ventes d’équipements militaires par General Dynamics ont augmenté de  15,5% à 2,18 milliards de dollars.

Pour la Maison-Blanche, la décision de Jo Biden constitue un geste d’accompagnement des Américains en faveur des Européens pour qu’ils débloquent eux immédiatement leurs chars Léopard.

M. Lecornu : le président Macron a demandé « l’instruction de la cession de chars Leclerc » à Kiev

M. Lecornu : le président Macron a demandé « l’instruction de la cession de chars Leclerc » à Kiev

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« La Crimée est notre terre, notre territoire, notre mer et nos montagnes. Donnez-nous vos armes et nous récupérerons nos terres », a lancé M. Zelenski. Et cela alors que, la veille, le secrétaire général de l’Otan, Jens Stoltenberg, avait assuré que les Alliés fourniraient à l’Ukraine des armes « plus lourdes et plus modernes » pour l’aider à se défendre contre la Russie.

Après avoir obtenu des systèmes d’artillerie avancés, comme le M142 HIMARS américain, le PzH2000 allemand ou encore le CAESAr français, ainsi que des batteries de défense aérienne Patriot [et peut-être Mamba], l’Ukraine insiste désormais pour disposer de chars de conception occidentale. Et la France lui a promis de lui livrer, d’ici deux mois, des AMX-10RC… tandis que le Royaume-Uni lui enverra 14 Challenger 2, avec une trentaine d’obusiers automoteurs AS-90 et d’autres véhicules blindés.

Seulement, et au-delà des problèmes logistiques [l’AMX-10 RC et le Challenger 2 n’utilisent pas de munitions aux normes de l’Otan] et de maintien en condition opérationnelle [MCO], cela reste insuffisant… Reste que la Pologne est prête à livrer 14 Leopard 2 [de fabrication allemande] à l’Ukraine. De même que la Finlande, voire le Danemark. Sauf que, pour cela, une autorisation de Berlin est nécessaire. Or, le chancelier Olaf Scholz, n’est pas enclin à la donner… Comme du, reste, 43% des Allemands, à en croire un sondage de la Deutsche Presse-Agentur [cela étant, 37% sont favorables à la livriaosn de Leopard 2 et 16% sont indécis].

D’après le Wall Street Journal, qui cite des responsables allemands, M. Scholz pourrait autoriser l’envoi de Leopard 2 en Ukraine qu’à la condition que les États-Unis livrent également des chars M1 Abrams. Or, pour Washington, il en est hors de question.

« Je ne pense pas que nous en soyons là », a déclaré Colin Kahl, le numéro trois du Pentagone, alors qu’il était interrogé sur ce sujet. « Le char Abrams est un équipement très compliqué. Il est cher, il requiert une formation difficile […]. Je crois qu’il consomme 11 litres de kérosène au km », a-t-il expliqué. « Ce n’est pas le système le plus facile à entretenir », a-t-il ajouté, sans pour autant exclure une évolution de la position américaine.

En attendant, et après les cinquante véhicules de combat d’infanterie [VCI] Bradley promis à Kiev le 5 janvier [en plus des quarante Marder allemands dont la livraison a été annoncée le même jour, ndlr], les États-Unis devraient débloquer une nouvelle tranche d’aide, d’un montant de 2,5 milliards de dollars. Et dans la liste des équipements susceptibles d’être fournis à l’armée ukranienne figureraient une centaine de blindés de transport d troupes Stryker.

Si obtenir des Leopard 2 et des M1 Abrams est difficile pour Kiev, qu’en est-il des chars Leclerc? L’idée d’en livrer à l’armée ukrainienne a été avancée dans une tribune publiée en septembre dernier dans les pages du quotidien Le Monde par Pierre Haroche, un expert en sécurité internationale passé par l’Institut de recherche stratégique de l’École militaire avant d’atterrir à l’Université Queen Mary de Londres.

Depuis, l’ambassadeur de France en Ukraine, Étienne de Poncins, a confirmé l’intérêt de Kiev pour le char Leclerc lors d’une audition à l’Assemblée nationale, le 9 novembre. Puis, un peu plus d’un mois après, alors qu’il était en visite officielle à Paris, le Premier ministre ukrainien, Denys Shmyhal, a affirmé que les Ukrainiens seraient « très reconnaissants » si la France leur en livrait…

En tout cas, l’exécutif français examine la question. C’est en effet ce qu’a affirmé Sébastien Lecornu, le ministre des Armées, lors de la dernière séance des questions au gouvernement au Sénat, le 18 janvier, dans une réponse au sénateur François Bonneau [Union centriste].

« La France conforte son aide militaire en livrant des chars de combat légers AMX-10 RC. Nous saluons ce geste, mais il est impossible de différer davantage la livraison de matériels blindés plus performants – chars lourds, missiles, lanceurs sol-air – , pour mieux protéger les civils. […] Allez-vous compléter ces livraisons par des chars Leclerc et des systèmes anti-missiles? », avait demandé le parlementaire.

Selon les explications données par M. Lecornu, tout cession éventuelle d’armes à l’Ukraine est évaluée selon trois critères. « Premièrement, qu’elle réponde à une logique défensive, pour maîtriser l’escalade. Deuxièmement, qu’elle ne détériore pas notre modèle de sécurité et de défense […]. Troisièmement, le maintien en condition opérationnelle de ce qui a déjà été livré à l’Ukraine », a-t-il dit, avant de faire observer que la maintenance des Leclerc « est une question très sensible ».

Cela étant, a poursuivi M. Lecornu, « le Président de la République a demandé au Gouvernement de fournir une réponse rapide, d’où la livraison des chars AMX-10, saluée par l’Ukraine », et « il a également souhaité l’instruction de la cession de chars Leclerc à l’aune de ces trois critères ».

Pour rappel, l’armée de Terre ne comptera que 200 chars Leclerc portés au standard XLR à l’horizon 2030, sur les 406 lui ont été livrés à partir des années des 1990. Et ceux qui ont été mis sous cocon ont été « cannibalisés » pour faire fonctionner ceux en première ligne. Qui plus est, les équipages sont loin du compte, s’agissant des heures d’entraînement, avec seulement 54 heures par an alors que l’objectif fixé par la LPM 2019-25 est de 115 heures…