Le GSIAT, point de départ de la ligne de vie de l’exercice ORION
Sans eux, ni ravitaillement, ni maintenance, ni appui sanitaire pour les forces engagées dans la phase 2 de l’exercice ORION. « Eux », ce sont les quelque 500 militaires du groupement de soutien interarmées de théâtre (GSIAT) désormais installé à Sète. Un maillon essentiel chargé de réceptionner, regrouper et distribuer l’ensemble des ressources vers l’avant, donc indispensable pour la poursuite des opérations.
Un point d’entrée unique
Le spectacle était pour le moins inhabituel pour les habitant de Sète. Ni paquebot, ni flots de touriste en ce vendredi matin ensoleillé, mais un unique roulier (ou Ro-Ro) déversant plusieurs centaines de véhicules militaires, de containers et de combattants. Sans le savoir, les Sètois viennent d’assister à une nouvelle phase de l’exercice ORION : le débarquement de la force interarmées de réaction immédiate (FIRI) et du GSIAT. L’enjeu pour ce dernier ? Être en mesure d’amener « le gros » pour « faire grossir la force ». Soit l’équivalent, ce jour-là, d’un bataillon d’artillerie, d’un bataillon du génie, d’un bataillon logistique et d’autres unités à faire transiter jusqu’à la zone tenue autour de Castres par les régiments de la 11e brigade parachutiste.
Vivres, matériels, véhicules et munitions : la totalité du soutien des troupes au contact passe désormais par le GSIAT, unique porte d’entrée logistique. Ce second débarquement de l’exercice ORION, les armées l’ont rendu possible par la sécurisation de la tête de pont et la mise en place d’un « sea port of debarkation » (SPOD). Une opération critique mais nécessaire pour pérenniser les efforts, et qui démontre « toute la complexité du soutien logistique d’une opération d’entrée en premier », souligne le commandant du groupement, le général de brigade Pierre Fauche.
Les premiers éléments parachutés ou débarqués les 25 et 26 février n’avaient emporté avec eux qu’une autonomie initiale qui « selon leur capacité d’emport, leur a permis de tenir deux ou trois jours pour les parachutistes et jusqu’à six jours pour les forces débarquées ». Les livraisons limitées par air ou via les embarcations envoyées par les porte-hélicoptères amphibies se sont succédées jusqu’à l’installation du SPOD et l’activation du GSIAT. Le seul Ro-Ro parvenu à Sète vendredi dernier aura permis d’injecter 10 jours supplémentaires d’autonomie, soit l’équivalent de 700 m3 de carburant et de 150 containers. Et si le SPOD est touché, il sera toujours possible de s’appuyer sur un « airport of debarkation », à l’instar de celui rendu disponible par la prise fictive de l’aéroport de Béziers.
L’effort est conséquent mais ne suffira pas en cas d’engagement majeur. L’autre mission des logisticiens sera donc d’agréger tous les appuis extérieurs disponibles. En provenance des alliés, le GSIAT étant dimensionné pour amalgamer le soutien d’armées partenaires, mais aussi de la part de la nation-hôte, ici l’Arnland. « Nous étudierons la possibilité d’utiliser leurs stocks de carburant, certaines infrastructures ou de mutualiser le soutien médical grâce à leurs hôpitaux. Tout cela reste toujours un peu complexe, car dépend de ce qu’il reste de la nation-hôte », explique le général Fauche.
Amener « le sang et l’oxygène » vers l’avant
ORION est majeur à plus d’un titre pour la logistique des forces. « On se réapprorie les exercices en terrain libre, au contact de la population et hors des grands camps très cadrés. Ce qui est nouveau, c’est avant tout le volume des forces et l’importance du volet interarmées dans l’ensemble des champs, y compris l’influence et le cyber ». Il est aussi une vitrine capacitaire pour un pays susceptible d’endosser le rôle de nation cadre au sein d’une coalition.
ORION rappelle aussi à quel point le soutien regagne en sensibilité à la lumière du conflit ukrainien. « Nous sommes une cible de choix, car nous sommes en quelque sorte le sang et l’oxygène des muscles. Sans carburant, le combat s’arrête. Sans soutien santé, la catastrophe est certaine ». La résurgence des engagements majeurs et l’évolution des menaces changent la donne, alors le soutien se protège, s’adapte et, parfois, innove pour tenir tout au long des 200 km qui séparent Sète de l’avant.
« Nous sommes confrontés au même ennemi symétrique. Il nous est notamment indispensable de disposer de la supériorité aérienne et d’une défense sol-air », relève le commandant du GSIAT. Exit les longs convois adoptés durant l’opération Barkhane, la logistique se segmente et se disperse pour être plus discrète et échapper aux capteurs et capacités de frappes adverses. « Nous sommes davantage sur un principe de petites pulsations. Il y a tout un cadencement des différentes rames de véhicules par gamme d’une dizaine plutôt que par 150 ». Entre la multiplications des itinéraires, des points de passage et des horaires, « c’est un autre challenge en matière d’organisation et de contrôle des mouvements ».
« Des incidents sont prévus », indique le général Fauche. L’ennemi auquel le GSIAT s’attend, c’est avant tout l’ennemi résiduel. Ce sont « quelques individus qui ont échappé aux forces d’entrée en premier, se sont dispersés et seront capables de mener des actions coups de poing pour détruire des stocks, par exemple ». Ce qui oblige à redoubler de vigilance. Des unités en provenance du 8e régiment de parachutistes d’infanterie de marine (8e RPIMa) ont donc été détachées en renfort pour sécuriser le dispositif. L’attaque est également pressentie dans les champs immatériels, le cyber en tête. Le défi, c’est en effet aussi « notre capacité à sécuriser nos systèmes d’information ». Autant de « surprises » génératrices de précieux enseignements pour s’assurer de maintenir la ligne de vie des forces le jour venu.